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Mieux vaut prévenir que guérir. Fidèle à l’adage, le groupe Solvay a élaboré un programme axé sur la prévention et la gestion des situations de stress au travail. Impliquant tout le personnel.

Bien-être au travail (6/6) Solvay

Entretien

« 20 % des salariés acceptent de reconnaître qu’ils ne sont pas heureux au travail », tranche d’emblée Charles Petré, responsable « bien-être » du personnel sur le site bruxellois du groupe Solvay. Commentant une enquête de satisfaction menée tous les 3 ans, l’homme, un sexagénaire qui a fait toute sa carrière au sein du groupe, rappelle qu’après la rémunération, les conditions de travail se posent comme l’élément le plus important pour les salariés au travail. C’est dire si la question de la prévention des risques psychosociaux devient centrale dans l’entreprise. Pourtant, la question reste encore occultée par un certain nombre de salariés. « En particulier les cadres, pour qui avouer ne pas être stressé revient à avouer qu’on ne fait pas bien son travail », souligne Charles Petré. Une réflexion qui traduit bien le problème de fond : « Ce n’est pas au stress lui-même qu’il faut s’attaquer, mais aux multiples sources de stress, à commencer par le travail et son organisation ». Fondé dans les années 1860 par Ernest Solvay, le groupe belge exerce son activité dans des secteurs fort cycliques, la chimie et les matières plastiques. La crise est bien loin d’être terminée. Pour autant, la société, déjà peu endettée, a conclu, au début de cette année, la vente de sa branche pharmaceutique à l’américain Abbott, pour la somme rondelette de 5,2 milliards d’euros. Maximiser les résultats financiers, réduire la dette, maîtriser les coûts, améliorer les processus de performance, se recentrer sur les métiers les plus lucratifs, constituent les réponses jugées les plus adaptées aux périodes de récession. Autant de réponses qui, inévitablement, induisent une incertitude en interne. « Depuis que le groupe a pris la décision de se séparer de la division pharma, les collaborateurs vivent une période de transition, qui nourrit inquiétudes et questionnements, ce qui est légitime », explique Charles Petré. Réintroduire

mobilise contre le stress l’humain dans la gestion de l’entreprise est aujourd’hui le leitmotiv de tous les congrès, conférences et autres séminaires d’entreprises. Les grands principes de management qui prospèrent depuis le début du XXe siècle arrivent en effet à bout de souffle et la crise économique avec son corollaire, le stress des salariés, n’a de cesse d’appeler à la rescousse les sciences humaines. De l’école classique de Taylor, Fayol et Weber aux approches de l’économie industrielle ou de l’analyse stratégique des organisations en passant par les théories de la décision et de la contingence structurelle, les écoles de pensée managériale ont bien prospéré. Mais, aujourd’hui, se développent de nouvelles règles du jeu économique, de nouveaux comportements tant des consommateurs que des salariés et, surtout, de nouvelles technologies. Autant d’éléments qui remettent en question les techniques de management en vigueur jusqu’à présent. « Il faut se réinterroger collectivement sur les limites atteintes des modes de management de ces 20 dernières années », insiste

Charles Petré. Après une tentative de remontée d’informations via les délégués du personnel et la voie hiérarchique, l’homme a fait appel à un organisme extérieur. Un organisme qui a rapidement identifié les facteurs de tension : des problèmes de communication entre les managers et les commerciaux, une équipe peu soudée, des chefs souvent en mission, donc peu disponibles. Depuis, un véritable plan de prévention a été mis en route. « Nous réaménageons l’espace et mettons en place une charte managériale, car le management associé à ce genre d’espace doit être différent », reprend le responsable bien-être. Ce dernier insiste également sur la redéfinition des fonctions : « Les travailleurs doivent avoir une vision claire de leur périmètre, de leurs objectifs, de leurs responsabilités au quotidien. Car les tensions apparaissent quand il y a une perte de sens ou quand on délègue l’erreur ». L’entreprise prévoit aussi de créer des réunions d’informations, d’accentuer le soutien individuel à travers des cellules d’écoute interne. Y compris dans les équipes qui affichent des taux de satisfaction élevés, souligne Charles Petré, « car tout le monde peut

être en souffrance ». Le responsable bien-être insiste également sur l’importance du dialogue social. « Il faut aussi déculpabiliser les managers qui n’ont pas forcément été formés sur le sujet », conseille-til. « Cette familiarisation est indispensable. Il faut former, informer, sensibiliser ! » Et tous les acteurs de l’entreprise doivent être mobilisés. Sur ce point, le médecin du travail est en première ligne. « La visite médicale permet bien souvent au salarié d’exprimer ses doléances et de trouver une écoute. Les médecins sont les premiers “préventeurs” en entreprise », remarque Charles Petré. Selon lui, les visites en entreprise permettent également « de replacer cette souffrance dans son milieu, de rencontrer l’employeur et le salarié sur le lieu de travail », de contextualiser cette souffrance en quelque sorte. Les responsables syndicaux et les délégués du personnel doivent aussi être formés et sensibilisés. « C’est le moment de valoriser le rôle d’écoute des délégués du personnel qui travaillent au quotidien avec les salariés », appuie Charles Petré. Et de conclure : « Il faut améliorer l’expertise de chacun, mais également clarifier les rôles : le DRH n’est pas médecin du travail, qui n’est lui-même pas syndicaliste. C’est en les réunissant tous que nous construirons une vision globale du problème. » RAFAL NACZYK

« MÉDITER POUR CULTIVER LES ÉMOTIONS POSITIVES »

CLAUDE MASKENS est psychothérapeute, professeur de yoga et enseigne la réduction du stress par la pleine conscience. Elle est présidente de l’Association pour le Développement de la Mindfulness (ADM). Elle a notamment traduit « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience » de Jon Kabat-Zinn et « Mindfulness : apprivoiser le stress par la pleine conscience » d’Edel Maex aux (éditions De Boeck). Le stress prend un caractère omniprésent dans la vie professionnelle. Quelles sont ses conséquences ? Ses conséquences sont multiples et insidieuses : troubles du sommeil, acouphènes, lumbagos, torticolis, problèmes digestifs… Quand le stress devient excessif, la personne a le sentiment de perdre tout contrôle sur sa vie, ce qui se manifeste également dans sa vie relationnelle, contaminant collaborateurs, enfants, conjoint. Il perturbe aussi la capacité de l’individu à ressentir des émotions positives et accentue les ruminations, particulièrement destructives à terme. Quand tous ces voyants sont au rouge, le salarié est en train de s’abîmer. Les cliniciens du stress ont de plus en plus souvent recours à la méditation en pleine

conscience. Qu’est-ce que c’est ? La « pleine conscience » (mindfulness) enseigne l’art de vivre l’instant présent, sans jugement et avec bienveillance. Les techniques de base de cet enseignement sont d’une simplicité millénaire : ressentir le corps, observer le souffle, voir et laisser passer les pensées, accueillir ces expériences telles qu’elles sont, sans chercher à les changer, accepter les événements tels qu’ils viennent, cultiver la bienveillance envers soi-même et son entourage… Cette approche entraîne de profonds changements si on la pratique régulièrement. Les neurosciences ont en effet montré la neuroplasticité du cerveau. La méditation a un impact sur les centres émotionnels du cerveau, nous amenant progressivement à inhiber les émotions destructrices et à cultiver les émotions positives. A défaut d’une amélioration miraculeuse des conditions de management et de concurrence professionnelle, comment la méditation permet-elle de combattre le stress ? D’emblée, la méditation ne « combat » pas, elle travaille « avec » ce qui est : c’est une invitation à changer de

perspective. Les bénéfices sont une plus grande capacité à garder son calme et à mobiliser nos ressources intérieures pour faire face aux difficultés qui deviennent des défis à relever. La « pleine conscience » accroît la capacité de concentration, renforce le système immunitaire, favorise les émotions positives, diminue la tension artérielle chez les sujets hypertendus. Prendre conscience de sa respiration fait partie de l’enseignement. Plutôt que de se couper le souffle, comme classiquement en période de stress, on apprend à s’en servir comme d’une ancre pour amener calme et stabilité dans le corps et l’esprit. J’ai constaté qu’elle apporte aux cadres dirigeants une plus grande efficacité dans la prise de décision. Elle permet de mieux appréhender les processus, les conséquences à long terme. Son impact n’est pas seulement individuel, car quand on évolue soi-même, on entretient aussi des relations plus constructives avec son entourage. Propos recueillis par R.N.

www.association-mindfulness.org


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