Les Rencontres des Cuisines africaines - 2024

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1er & 2 MARS 2024

FRICHE LA BELLE DE MAI • MARSEILLE

Les Rencontres des Cuisines Africaines, inscrites dans la lignée du projet collectif lancé lors de la Saison Africa2020, sont produites par

Cette édition est coproduite en partenariat avec

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CES RENCONTRES ONT POUR VOCATION DE S’INSTALLER DURABLEMENT DANS UNE ITINÉRANCE SUR LE CONTINENT AFRICAIN.


SOMMAIRE Présentation........................................................................................................................................................................................................ 3 Objectifs................................................................................................................................................................................................................. 4 Programme.......................................................................................................................................................................................................... 6 Déroulé des 2 jours.................................................................................................................................................................................... 7 Tables rondes................................................................................................................................................................................................ 9 Entretiens........................................................................................................................................................................................................ 12 Ateliers............................................................................................................................................................................................................. 14 Démonstrations Culinaires.................................................................................................................................................................. 16 5 axes thématiques................................................................................................................................................................................... 18 1- Collecte et transmission.................................................................................................................................................................. 18 2- Restauration et création contemporaine.......................................................................................................................... 19 3- Formation et éducation................................................................................................................................................................. 20 4- Durabilité et sécurité alimentaire............................................................................................................................................. 21 5- Promotion et valorisation culturelle........................................................................................................................................ 22 Les grandes Tables-I.C.I et Chefs in Africa.............................................................................................................................. 23 Les Cuisines Africaines, Retour sur une genèse.................................................................................................................. 24 Informations pratiques & contact.................................................................................................................................................. 26

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PRÉSENTATION La première édition des Rencontres des Cuisines Africaines rassemblera, les 1er et 2 mars 2024 à Marseille, plus de 70 acteurs et actrices culinaires d’Afrique et de ses diasporas afin d’explorer les identités des cuisines africaines, célébrer leur richesse et développer des synergies communes. Cuisiniers, restaurateurs, agriculteurs, artisans, commerçants, formateurs, journalistes, universitaires, artistes, acteurs institutionnels… établiront des collaborations porteuses d’avenir autour des terroirs et des savoir-faire du continent africain.

Alors que les cuisines d’Afrique se déploient, depuis des millénaires, dans la diversité d’un continent immense et à travers une vaste histoire diasporique, la reconnaissance de cet héritage culturel a connu une accélération au cours de la dernière décennie. Le projet Les Cuisines Africaines a pour ambition de nourrir et de consolider leur émergence dans une véritable culture de coopération, en questionnant la création contemporaine, les patrimoines, les enjeux de la formation et de la restauration, le panafricanisme culinaire et le développement culturel et touristique, mais aussi en favorisant l’innovation dans les projets reliant cuisine, agriculture et alimentation durable.

AU PROGRAMME •

Des tables rondes sillonnant les grands enjeux des cuisines africaines aujourd’hui : valorisation et patrimonialisation, création, collecte des recettes traditionnelles, production agricole et diffusion des produits, panafricanisme culinaire…

Des ateliers pour échanger et cuisiner en direct en explorant la richesse des cuisines afro-végétales, le bon usage du gras, les nuances du piment ou encore les velléités gluantes du gombo.

Des entretiens retraçant des parcours singuliers dans la création culinaire contemporaine en Afrique.

Des démonstrations culinaires réunissant chefs et producteurs autour de quelques produits phares du continent africain tels que l’huile de palme rouge, le poivre de Penja, l’huile d’olive de Téboursouk, la graine de couscous, l’attiéké des lagunes, le fonio et bien d’autres épices, fruits et légumes.

Découvrez le programme régulièrement actualisé sur www.lescuisinesafricaines.com

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OBJECTIFS Les Rencontres des Cuisines Africaines ont pour vocation de connecter les acteurs et actrices culinaires d’Afrique et de ses diasporas, qui évoluent dans une très grande diversité de contextes, afin de constituer un laboratoire d’innovation pour le développement de projets transversaux entre cuisine, agriculture et alimentation.

LES AMBITIONS DE CETTE PREMIÈRE ÉDITION : •

Identifier, relier et appuyer les démarches émergentes et multiples en Afrique, dans le domaine de la cuisine, afin de cartographier le paysage culinaire contemporain, de proposer les axes d’une politique de développement des filières de la fourche au déchet et d’accélérer la reconnaissance de ces dynamiques en Afrique.

Consolider un réseau actif pour permettre aux acteurs des cuisines africaines — en Afrique, en Europe et au-delà — d’interagir et de participer de façon solidaire au développement des politiques publiques en la matière, à travers notamment des événements, des lieux dédiés et des entreprises culinaires.

Partager des actions concrètes pour nourrir une politique de coopération dans le champ culinaire. Ces rencontres doivent permettre de coproduire des dispositifs à venir et de mettre en exergue, parmi les démarches culinaires identifiées, les projets communs ayant un impact sur la création culinaire, la sauvegarde des patrimoines culinaires et agricoles ou encore l’alimentation durable.

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PROGRAMME

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1er MARS 2024 INTRODUCTION • 9H30 TABLE RONDE#1 • 10H00 [p.8] COLLECTE ET CODIFICATION DES CULTURES CULINAIRES

ENTRETIEN#1 • 11H15 [p.12] UN ÉCOSYSTÈME CULINAIRE LOCAL, DE L’ÉDUCATION À LA DIFFUSION

DÉMONSTATION CULINAIRE#1 • 11H40 [p.16] AUTOUR DU POIVRE DE PENJA (CAMEROUN)

TABLE RONDE#2 • 12H10 [p.8] DES PRATIQUES À LA PATRIMONIALISATION

ATELIER#1 • 13H00 [p.14] PIMENTÉE, MA CUISINE ? SI JE VEUX !

DÉMONSTATION CULINAIRE#2 • 13H30 [p.16] AUTOUR DE L’ANANAS PAIN DE SUCRE DU PLATEAU D’ALLADA (BÉNIN)

TABLE RONDE#3 • 14H00 [p.9] PROMOTION DES PRODUITS ET DES TERRITOIRES : DES IG AUX ÉVÉNEMENTS CULINAIRES

ENTRETIEN#2 • 15H15 [p.12] CUISINES ET BIODIVERSITÉ

ATELIER#2 • 15H45 [p.14] AU CŒUR DU VÉGÉTAL

DÉMONSTATION CULINAIRE#3 • 16H45 [p.16] AUTOUR DE L’ATTIÉKÉ DES LAGUNES (CÔTE D’IVOIRE)

TABLE RONDE#4 • 17H15 [p.9] VALORISATION ET DIFFUSION DES CUISINES AFRICAINES

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2 MARS 2024 INTRODUCTION • 10H00 TABLE RONDE#5 • 10H30 [p.10] DES INGRÉDIENTS D’AFRIQUE PARTOUT ET POUR TOUS ?

ENTRETIEN#3 • 11H45 [p.13] « JE SUIS AFRICAINE »

DÉMONSTATION CULINAIRE#4 • 12H10 [p.17] AUTOUR DE L’HUILE D’OLIVE DE TÉBOURSOUK (TUNISIE)

TABLE RONDE#6 • 12H40 [p.10] RETOUR AUX SOURCES ! PRODUCTION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

ATELIER#3 • 14H00 [p.15] DU (TRÈS) BON USAGE DU GRAS

DÉMONSTATION CULINAIRE#5 • 14H45 [p.17] AUTOUR DU CAFÉ (ÉTHIOPIE)

TABLE RONDE#7 • 15H15 [p.11] FORMATION ET ÉDUCATION, DANS QUELLES CONDITIONS ?

ENTRETIEN#4 • 16H30 [p.13] LA RÉSIDENCE DE CHEFS, UN OUTIL DE PROMOTION ET DE CRÉATION

ATELIER#4 • 17H00 [p.15] LES VELLÉITÉS GLUANTES DU GOMBO

DÉMONSTATION CULINAIRE#6 • 17H45 [p.17] AUTOUR DU RIZ (SÉNÉGAL)

TABLE RONDE#8 • 18H15 [p.11] POUR UN PANAFRICANISME CULINAIRE

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TABLES RONDES COLLECTE ET CODIFICATION DES CULTURES CULINAIRES Table ronde animée par Gloria Koessi-Govor, journaliste, directrice (festival Zâ, Cotonou, Bénin) Les cuisines d’Afrique, à l’exception de celles du Maghreb, n’ont pas fait l’objet d’une importante tradition écrite. La survie des traditions culinaires peut, à terme, en être compromise. Travail personnel des chefs et cheffes, multiplication des livres de cuisine, place croissante des influenceurs, développement de programmes de recherche, festivals de cuisine… : un petit tour de piste des moyens de développer les connaissances et leur transmission. Intervenants : y

Olivia de Souza, cheffe (L’Atelier des Sens, Lomé, Togo)

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Hissein Mahamoud, chef pâtissier (Le pâtissier du désert, Paris, France • Tchad)

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Mohamed Oubahli, chercheur (CNRS, Paris, France • Maroc)

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Manel Jouini, créatrice de contenus (Tanwicha, Tunis, Tunisie)

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Christian Yumbi, chef (Arôme, Kinshasa, RDC)

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Marie Aimée Umugeni, Présidente (Nyamirambo Women Center, Kigali, Rwanda)

DES PRATIQUES À LA PATRIMONIALISATION Table ronde animée par Damien Conaré, secrétaire général (Chaire Unesco Alimentations du monde, Montpellier, France) Pour peu qu’elle ne fige pas les traditions, la patrimonialisation institutionnelle, notamment dans le cadre de la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, est un puissant outil de sauvegarde. Diète méditerranéenne, couscous, ceebu jën ou harissa ont ainsi été distingués au cours des dernières années. Avec quels résultats ? Quelles sont les perspectives à venir ? Intervenants :

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Fatima Fall, professeure de sociologie (Université Gaston Berger, Saint-Louis, Sénégal)

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Ouiza Gallèze, docteure en philosophie, en charge du patrimoine (ministère de la Culture, Alger, Algérie)

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Sonia Hamzaoui, directrice adjointe (Institut national du patrimoine, Tunis, Tunisie)

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Mustapha Kachetel, chef (Fémina, Marseille, France • Algérie)

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Oumar Ngom, chef (Seku Bi, Dakar, Sénégal)


TABLES RONDES PROMOTION DES PRODUITS ET DES TERRITOIRES : DES IG AUX ÉVÉNEMENTS CULINAIRES Table ronde animée par Rim Mathlouti, journaliste, présidente (Association tunisienne de permaculture, Tunis, Tunisie) L’Afrique est un vaste réservoir de terroirs, savoir-faire et produits réputés, intimement liés à des milieux physiques et humains. La reconnaissance de ce lien par un droit de propriété intellectuelle est pourtant relativement récente. Si les indications géographiques (IG) se sont bien développées au Maghreb et en Afrique du Sud, elles restent encore peu nombreuses en Afrique subsaharienne. Le potentiel est immense ! …. Des foires, festivals et autres évènements culinaires sont des vitrines pour l’exposition de ces pratiques et bien au-delà. Intervenants : y

Sandrine Ebogo, cheffe (Musée national du Cameroun, Yaoundé, Cameroun)

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Lorén Elhili, commissaire d’expositions, coordinatrice (Harvest Festival Marrakech, Maroc)

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Aristide Hounkponou, chef (restaurant de l’ambassade de France, Cotonou, Bénin)

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Latifa Khairi, commissaire générale (festival Couscous : saveurs de mon pays, Tunis, Tunisie)

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Sandrine Vasselin, commerçante (Misao, Bruxelles, Belgique • RDC)

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Aziza Zellou, chargée de projet (Association tunisienne de permaculture, Tunis, Tunisie)

VALORISATION ET DIFFUSION DES CUISINES AFRICAINES Table ronde animée par Yasmine Fofana, créatrice de contenus (Afrofoodies, Abidjan, Côte d’Ivoire) Les cuisines africaines montent en puissance. L’enjeu de la communication est d’autant plus important que la cuisine au sens large enrichit et modifie les récits, et que les chefs et cheffes eux-mêmes souhaitent affirmer leur présence sur une scène culinaire mondiale en pleine ébullition. Comment renforcer la désirabilité des cuisines africaines ? Avec quels leviers ? Certaines stratégies, mises en place sur le continent ou ailleurs, sont-elles en partie transposables ? Intervenants : y

Etienne Biloa, fondateur (Untold Stories, Paris, France • Cameroun)

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Eva Doumbia, comédienne, autrice (La Part du Pauvre/Nana Triban, Marseille, France • Mali)

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Soraya Hosni, cofondatrice (The New Medina, Sousse, Tunisie)

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Amel Iza, journaliste, chercheuse (Université Oran 2, Oran, Algérie)

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O’miel Moundounga, chef (Le Chef O’miel, Libreville, Gabon)

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Ibrahima Ndoye, créateur de contenus (Les ateliers de Iba, Dakar, Sénégal)

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TABLES RONDES DES INGRÉDIENTS D’AFRIQUE PARTOUT ET POUR TOUS ? Table ronde animée par Pierre Psaltis, journaliste (Le Grand Pastis, Marseille, France) En Afrique ou au-delà du continent, pour les afrodiasporiques ou pour les personnes désirant découvrir et cuisiner les goûts d’Afrique, comment développer l’accès aux ingrédients africains ? Création d’épiceries, mise en place d’initiatives coopératives ou communautaires, productions agricoles locales, identification de substituts… : le point sur les solutions sur le continent et pour le commerce mondial. Intervenants : y

Mounir El Arem, chef (Le Baroque, Tunis, Tunisie)

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Astou Keur, cheffe (indépendante, Guérande, France • Sénégal)

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Nordine Labiah, chef (À Mi-Chemin, Paris, France • Tunisie)

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Lalaina Ravelomanana, chef (Le Marais, Tananarive, Madagascar)

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Lahlou Sid Ali, agriculteur, restaurateur (Dar Lahlou, Alger, Algérie)

RETOUR AUX SOURCES ! PRODUCTION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Table ronde animée par Laurène Petit, journaliste et autrice La diversité des produits en Afrique fait écho à la diversité géographique, climatique et culturelle du continent. Pendant la période coloniale, de nombreux produits et pratiques agricoles traditionnels ont été marginalisés, parfois décimés. Quelle place, aujourd’hui, pour le fonio, le mil, le niébé et d’autres ingrédients ancestraux alors que le réchauffement climatique, les tensions autour des ressources et la diversification des régimes alimentaires imposent de faire bouger les lignes ? Comment associer création culinaire contemporaine et alimentation durable ? Intervenants :

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Jessica Allogo, fondatrice (Les Petits Pots de l’Ogooué, Libreville, Gabon)

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Sifia Cheniti, cheffe (La Ferme de Sefia, Tunis, Tunisie)

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Moustapha Dieng, président (Syndicat des pêcheurs de Saint-Louis, Saint-Louis, Sénégal)

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Pierre Koffi Alanda, agriculteur, président (Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Avignon, France • Togo)

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Lydia Merrouche, agriculteur (Foussoul, Alger, Algérie)

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Jules Niang, chef (Petit Ogre, Lyon, France • Mauritanie/Sénégal)


TABLES RONDES FORMATION ET ÉDUCATION, DANS QUELLES CONDITIONS ? Table ronde animée par Farah Keram, journaliste et autrice Si les formations en cuisine et restauration tendent à se multiplier en Afrique, elles restent encore trop rares, peu accessibles, insuffisamment étoffées pour certaines et parfois mondialisées. La transmission se fait souvent d’une manière informelle autour de chefs renommés. Comment développer cet enseignement ? Quelle place pour les techniques traditionnelles et les pratiques internationales ? Intervenants : y

Ahamada Binali, chef (indépendant, Paris, France • Comores)

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Aida Ben Ammar, présidente (association Ftartchi, Tunis, Tunisie)

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Insa Drame, directeur (centre de formation CAIF, Dakar, Sénégal)

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Emile Engoulou, chef, directeur (Académie Hôtellerie, Tourisme et Territoires-H2T, Yaoundé, Cameroun)

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Senda Waguena, chef (Saint-Clair, Caen, France • Togo)

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Nathalie Brigaud Ngom, Fondatrice (Envolées Gourmandes Academy, Paris, France • Cameroun)

POUR UN PANAFRICANISME CULINAIRE Table ronde animée par Abdel Aziz Ali, journaliste, fondateur (Mangeons bien, Tunis, Tunisie) Dans un continent immense qui compte 1,4 milliards d’habitants et une vaste diaspora, il n’existe pas de « cuisine africaine » au singulier. Mais la dynamique du panafricanisme, qui « repose sur le principe d’unité et l’affirmation d’un avenir commun basé sur l’altérité »1, peut-elle contribuer à la promotion et à la visibilité des cuisines africaines dans leur singularité et leur diversité ? Par son pouvoir fédérateur, la cuisine ne participe-t-elle pas également à la création de « commun(s) » ? Intervenants : y

Jean-Paul Agboh, commissaire général (FESMA-festival La Marmite, Lomé, Togo)

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Schahrazed Aiouaz, commissaire générale (festival Couscous United, Alger, Algérie)

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Alexandre Bella Ola, chef (Rio dos Camaroes, Paris, France • Cameroun)

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N’Goné Fall, commissaire d’expositions, essayiste et consultante en ingénierie culturelle (Dakar, Sénégal)

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Tamsir Ndir, chef (Hôtel Villa Lepic, Abidjan, Côte d’Ivoire • Sénégal)

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Nathalie Schermann, cheffe, fondatrice (Joe & Avrels, Paris, France • Congo-Brazzaville)

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Grace Tulomba Dasilva, chef, fondateur (Mama Nelly, Marseille, France • RDC)

1• N’Goné Fall, « Édito. L’esprit de la Saison Africa2020 : transcender ensemble tous les futurs possibles », www.saisonafrica2020.com, consulté le 6 mai 2022.

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LES ENTRETIENS (20 MN)

QUATRE PARCOURS SINGULIERS UN ÉCOSYSTÈME CULINAIRE LOCAL, DE L’ÉDUCATION À LA DIFFUSION Interview de Dieuveil Malonga, chef, fondateur (Meza Malonga/Chefs in Africa, Kigali, Rwanda • Congo-Brazzaville), menée par Laurène Petit Né en République du Congo, diplômé de l’école Adolph-Kolping-Berufskolleg de Münster, Dieuveil Malonga a choisi Kigali pour ouvrir en 2020 son restaurant Meza Malonga autour de l’afro-fusion. Entre temps, il a effectué son apprentissage au sein de plusieurs restaurants étoilés en Europe, a participé au lancement de la table gastronomique de l’InterContinental MarseilleHôtel Dieu et a voyagé à travers l’Afrique pour aller à la rencontre de ses cuisines. Il est le cofondateur, avec Axel Mbetcha Tiezan, de la plateforme Chefs in Africa.

CUISINES ET BIODIVERSITÉ Interview de João Carlos Silva, chef, fondateur (Roça São João dos Angolares/Centre Culturel CACAU, Sao Tomé, Sao Tomé-et-Principe), menée par Farah Keram João Carlos Silva, né à Sao Tomé-et-Principe, chef, peintre, sculpteur, animateur de télévision, entrepreneur culturel, hôtelier-restaurateur et formateur, a de nombreuses cordes à son arc. Il est l’une des personnalités les plus médiatiques de son pays et, à l’étranger, l’un des meilleurs ambassadeurs de la culture santoméenne. En cuisine, il met en valeur l’extraordinaire biodiversité de l’archipel qu’il veut contribuer à faire connaître à travers le monde.

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« JE SUIS AFRICAINE » Interview de Fatéma Hal, cheffe et ethnologue (Le Mansouria, Marrakech, Maroc), menée par Yasmine Fofana Fatéma Hal est née au Maroc. Diplômée en littérature arabe et en ethnologie, ambassadrice érudite de la cuisine marocaine, elle a créé le restaurant Le Mansouria à Paris en 1984. Elle a également écrit plus de 15 livres. Avec une infatigable curiosité, elle a compilé les recettes traditionnelles des femmes et s’est intéressée aux multiples influences qui ont constitué l’art culinaire du carrefour de civilisations qu’est le Maroc. Pour elle, la cuisine ne se limite pas aux recettes : elle est un vecteur d’insertion et de mixité sociale, ainsi qu’un symbole puissant de la rencontre entre les cultures.

LA RÉSIDENCE DE CHEFS, UN OUTIL DE PROMOTION ET DE CRÉATION Interview de Nadia Kopogo, directrice (Table Pana, Dakar, Sénégal • Centrafrique) menée par Pierre Psaltis Nadia Kopogo est née en République centrafricaine. À l’âge de dix ans, elle a déménagé en France où, arrivée à l’âge adulte, elle a cofondé Table Nali à Paris avec la cheffe Clarence Kopogo, sa sœur. Aujourd’hui basée à Dakar, elle est la fondatrice de Table Pana (pana pour « panafricaine »), une résidence de chefs dédiée à une nouvelle gastronomie africaine. Son objectif : faire découvrir, grâce à des dîners, une cuisine créative, hybride, contemporaine ou expérimentale qui sublime les produits locaux.

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LES ATELIERS (45 MN) (DÉ)CONSTRUCTIONS

PIMENTÉE, MA CUISINE ? SI JE VEUX ! Atelier animé par Farah Keram Ne pas confondre épices et piment ! En Afrique, les recettes ne sont pas toutes pimentées, loin s’en faut. Quand elles le sont, le piment est souvent proposé séparément, dans un condiment, ou mis à mijoter entier, en fin de cuisson, pour exhaler ses parfum sans provoquer la brûlure. Comme les autres épices, il sublime les plats et leur apporte du relief. Intervenants : y

Adefila Denike, cheffe formatrice (ICCA, Abudja, Nigeria)

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Sonia Marty Sokouri, cheffe, fondatrice (BlackCulinaria, Paris, France • Côte d’Ivoire)

AU CŒUR DU VÉGÉTAL Atelier animé par Laurène Petit Les plats africains les plus connus en Occident (mafé, yassa, ceebu jën, couscous à la viande…) mettent en scène des protéines carnées. Pourtant, la plupart des plats traditionnels sont, en Afrique comme dans plusieurs autres régions du monde, naturellement végétaux. Aujourd’hui, l’afrovéganisme jette d’ailleurs un pont entre cet héritage réapproprié et une tendance militante contemporaine. Intervenants :

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Fatmata Binta, cheffe (Fulani Kitchen Foundation, Accra, Ghana • Sierra Leone)

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Hamza Deramchi, chef (restaurant de l’ambassade de France, Alger, Algérie)

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Glory Kabe, cheffe (indépendante, Paris, France • Tchad)


DU (TRÈS) BON USAGE DU GRAS Atelier animé par Gloria Koessi-Govor Bonnes à manger et bonnes à penser, diététiquement intéressantes, les matières grasses africaines varient selon les régions et les spécialités. La preuve en bouche avec l’huile rouge, une huile de palme non raffinée utilisée en Afrique de l’Ouest et centrale, et le smen, beurre fermenté et salé qui irrigue certaines recettes du Maghreb. Intervenants : y

Merlin Ella, chef (L’Ella, Libreville, Gabon)

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Hugues Mbenda, chef (Libala/Kin, Marseille, France)

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Faiçal Zahraoui, chef (Azalaï Urban Zouk, Marrakech, Maroc)

LES VELLÉITÉS GLUANTES DU GOMBO Atelier animé par Damien Conaré Typique des cuisines africaines sur la quasi-totalité du continent, consommé bien avant l’esclavage et la colonisation, le gombo se distingue surtout par ses propriétés texturantes. Les substances mucilagineuses qu’il renferme sont épaississantes ou, selon le mode de cuisson choisi, franchement luantes. Un voyage étonnant entre nature et culture. Intervenants : y

T hérèse Amona, cheffe, secrétaire générale (Union des chefs cuisiniers du Togo-UCCT, Lomé, Togo)

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Marwa Ghdir, cheffe (association Ftartchi, Tunis, Tunisie)

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LES DÉMONSTRATIONS CULINAIRES (25 MN) CONVERSATIONS CUISINÉES AUTOUR DES PRODUITS AUTOUR DU POIVRE DE PENJA (CAMEROUN) Démonstration animée par Rim Mathlouti Cultivé dans la région du Littoral autour de la commune de Penja, ce poivre puissant et parfumé, non endémique de la région, doit son caractère à un terroir volcanique très fertile, à un microclimat humide et à des savoir-faire spécifiques. Très apprécié des chefs, connu internationalement, il bénéficie d’une IG depuis 2013. Intervenants : y

Pierre Siewe, chef (Le Garde Temps, Paris, France • Cameroun)

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Réné Claude Metomo, Président ( Groupement des producteurs de poivre de Penja, Penja , Cameroun)

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Trésor Nwoula, créateur de contenus (Ndockbidi, Yaoundé, Cameroun)

AUTOUR DE L’ANANAS PAIN DE SUCRE DU PLATEAU D’ALLADA (BÉNIN) Démonstration animée par Laurène Petit En 2020, le Bénin a obtenu la reconnaissance de sa première IG pour cet ananas allongé qui reste vert même à maturité, et dont la chair blanche est très juteuse et sucrée. Il est produit sur plateau d’Allada, dans le sud du Bénin. Plus on s’en approche, plus les vendeuses de rue sont nombreuses. Il est consommé dans sa totalité, écorces incluses. Intervenants : y

Georgiana Viou, cheffe (Rouge, Nîmes, France • Bénin)

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Damien Kiki Zinsou, agriculteur (Association des producteurs d’ananas du plateau d’Allada, Cotonou, Bénin)

AUTOUR DE L’ATTIÉKÉ DES LAGUNES (CÔTE D’IVOIRE) Démonstration animée par Abdel Aziz Hali Originaire de l’actuel Brésil et introduit dans le Golfe de Guinée à partir du xvie siècle, le manioc, un tubercule, se consomme sous plusieurs formes, par exemple l’attiéké des lagunes. Il s’agit de l’une des trois premières IG obtenues par la Côte d’Ivoire, en 2023. Cette semoule de manioc fermentée est un produit phare de la gastronomie ivoirienne. Intervenants :

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Prisca Gilbert, cheffe (La Maison Akissi, Abidjan, Côte d’Ivoire)

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Gisèle Sédia, sociologue (Université Alassane Ouattara, Bouaké, Côte d’Ivoire)


AUTOUR DE L’HUILE D’OLIVE DE TÉBOURSOUK (TUNISIE) Démonstration animée par Farah Keram C’est l’or jaune du nord-ouest de la Tunisie. L’huile d’olive de Téboursouk, produite à partir de variétés autochtones, est protégée par une IG depuis 2020. Ses arômes fruités, sa légère amertume et ses notes piquantes sont de plus en plus appréciées à l’international. Intervenants : y

Slim Douiri, chef (Cult Restaurant, Tunis, Tunisie)

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Yasmin Houamed, journaliste (Broudou, Tunis, Tunisie)

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Emilie Sarsam, journaliste (Broudou, Tunis, Tunisie)

AUTOUR DU CAFÉ (ÉTHIOPIE) Démonstration animée par Laurène Petit La caféiculture est une ancienne tradition en Éthiopie d’où est originaire le Coffea arabica, la plante donnant le café. C’est le seul pays du monde où celui-ci pousse à l’état sauvage. Presque exclusivement produit dans des petites fermes familiales où il est associé à d’autres cultures vivrières, il revêt pour le pays une grande importance économique, sociale et culturelle. Cependant, les exportations diminuent et la production est menacée par le réchauffement climatique. Intervenants : y

Tina Demeke, cheffe (Fidel, Marseille, France • Éthiopie)

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Saralé Ozana, artisane (Bun Café, Marseille)

AUTOUR DU RIZ (SÉNÉGAL) Démonstration animée par Farah Keram Deux des plats emblématiques de la cuisine sénégalaise sont élaborés avec du riz : le yassa et le thiéboudiène ou ceebu jën. Très consommé en Afrique subsaharienne et notamment de l’Ouest, sous forme de grains entiers ou de brisures, le riz provient surtout de plantations de la variété asiatique et non de l’espèce africaine domestiquée au troisième millénaire avant notre ère. Elle n’est encore cultivée que dans certaines zones, par exemple la Casamance. Les importations restent massives, mais certains pays développent des projets pour essayer de retrouver une souveraineté alimentaire. Intervenants : y

Yvon Mbiavanga, Chef (Andia, Marseille, France • Angola)

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Mohamed Mbeye, agriculteur (riz Fayel, Dakar, Sénégal)

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5 AXES THÉMATIQUES 1• COLLECTE ET TRANSMISSION Contrairement aux cuisines d’Europe et d’Asie, les cuisines d’Afrique n’ont pas fait l’objet d’une importante tradition écrite, à l’exception des cuisines d’Afrique du Nord. Or, la transmission orale et gestuelle des recettes peut, à terme, mettre en péril la survie des traditions culinaires. Si les chefs et cheffes sont de plus en plus nombreux à souhaiter faire connaître les spécialités, ingrédients et savoir-faire traditionnels, au-delà des quelques plats renommés hors des frontières du continent (yassa, ceebu jën ou thiéboudiène, mafé, couscous…), ils ne peuvent assurer à eux seuls l’identification, la transcription et la transmission – intergénérationnelle et vers le reste du monde — des recettes et des récits autour de la cuisine. La multiplication des livres de cuisine, la place croissante des influenceurs — chefs ou amateurs — sur les réseaux sociaux et le développement de programmes de recherche universitaires ouvrent une voie prometteuse. Des initiatives privées et associatives, par exemple les festivals de cuisine, contribuent aussi au développement des connaissances et à leur transmission. La patrimonialisation institutionnelle, pour peu qu’elle ne fige pas les traditions mais les maintienne dans le mouvement de la modernité et de la transmission, s’avère également intéressante. En particulier, l’UNESCO, Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, a intégré la cuisine au sens large à sa liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Diète méditerranéenne, couscous — un exemple intéressant de coopération culturelle puisque la candidature a été portée conjointement par le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie —, ceebu jën ou encore harissa ont ainsi été distingués au cours des dernières années. Ces classements contribuent à prévenir l’érosion de certains modèles et participent au développement touristique.

 Quels sont les programmes de recherche sur la cuisine et comment les développer ? Comment unir saveurs, savoirs et faire savoir ? Comment soutenir les outils de transmission (livres, digital, patrimonialisation institutionnelle…) ? …

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2 • RESTAURATION ET CRÉATION CONTEMPORAINE Il ressort des échanges avec divers acteurs du projet que, jusqu’à une période récente, notamment en Afrique subsaharienne, les restaurants d’hôtels et établissements à vocation « gastronomique » proposaient des cuisines internationales ou importées (française, italienne…). Les cartes étaient destinées à séduire d’une part une clientèle étrangère, rassurée de trouver sur place des mets familiers alors que les cuisines locales étaient peu connues et reconnues — on en revient à la question de la promotion —, mais aussi une clientèle africaine généralement huppée, habituée à ne pas considérer comme « gastronomiques » les produits et plats traditionnels du pays, plutôt consommés à la maison ou dans la rue. Une nouvelle de génération de chefs et de cheffes, africains ou afro-diasporiques et au rayonnement parfois mondial, change progressivement la donne, valorisant les produits locaux, réinterprétant les plats traditionnels et créant de nouvelles associations gustatives. Certains, venus ou revenus vivre en Afrique après des formations ou expériences à l’étranger, utilisent les techniques apprises en Allemagne, en France, en Italie ou aux États-Unis pour cuisiner l’Afrique, assumant pleinement l’héritage culinaire du continent (produits, techniques ancestrales, cultures…) et écrivant leur propre modernité culinaire. D’autres voyagent et créent tous azimuts, nourris de leurs multiples expériences et inspirations, sans toutefois céder à des goûts consensuels, mondialisés et standardisés. Tous partagent un même objectif : mettre en valeur la biodiversité africaine (céréales anciennes, légumes et fruits indigènes, épices et condiments locaux, viandes issues de l’élevage traditionnel, poissons des mers et lacs régionaux…) à travers une cuisine créative et contemporaine, tant dans les goûts que dans les techniques et les dressages. L’émergence de festivals culinaires, par exemple La Marmite (FESMA) au Togo ou Diaspora Kitchen au Cameroun, contribue à l’innovation et à la diffusion de ces cuisines africaines contemporaines, réunissant chefs, amateurs passionnés, journalistes et influenceurs. Dans la cuisine et la création contemporaines, cependant, le défi n’est pas seulement gastronomique et créatif. Les réflexions doivent tenir compte de plusieurs enjeux : lourdeur des investissements nécessaires, coupures de courant fréquentes et insuffisance logistique dans certains lieux, difficulté à trouver du personnel qualifié…

 Comment encourager la créativité culinaire afin de renforcer la reconnaissance des cuisines africaines et développer l’attrait pour les métiers de la filière ? Quelles pistes pour répondre aux défis de la restauration ? …

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3 • FORMATION ET ÉDUCATION La formation des cuisiniers et cuisinières, ainsi que le développement de filières éducatives pour l’ensemble des métiers de la restauration — dont le service — et des métiers de bouche, constituent un autre enjeu fondamental pour les acteurs et actrices du réseau des Cuisines Africaines. Les formations culinaires tendent à se multiplier sur le continent, mais d’une manière encore insuffisante en quantité comme en qualité, avec en outre des problèmes d’accessibilité financière et géographique. La transmission se fait souvent d’une manière informelle autour de chefs renommés qui jouent le rôle de formateurs et de mentors. Or, pour fonctionner et se développer dans une démarche de qualité et de créativité, le secteur a besoin de nombreux professionnels bien formés, aptes à transmettre à leur tour leurs connaissances et leurs savoir-faire. Le défi est d’autant plus important que la gastronomie et la production alimentaire peuvent constituer un puissant outil de développement économique, générateur de richesse et d’emploi pour la jeunesse. Si, dans certains pays, les métiers de la cuisine sont encore considérés comme des « sous-métiers » ou des occupations réservées aux femmes, les représentations commencent à changer grâce, notamment, à la médiatisation et à la présence sur les réseaux sociaux de chefs et cheffes renommés. Un écueil serait de vouloir se calquer exclusivement sur les cursus et codes des écoles françaises ou européennes, sans s’adapter aux contextes locaux. L’enseignement doit intégrer les techniques traditionnelles du continent, participant par la même occasion à la sauvegarde et à la transmission des patrimoines immatériels. Dans le même temps, la maîtrise des pratiques internationales peut permettre de valoriser les ingrédients présents sur place.

 Comment développer des formations de qualité, accessibles en termes de coûts ? Avec quels contenus, pour quels métiers ? Pour quel type de public et avec quels formateurs ? …

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4 • DURABILITÉ ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE La création culinaire contemporaine s’associe également le plus souvent, en Afrique comme ailleurs, à la promotion de pratiques agricoles durables, à la préservation de la biodiversité et à l’utilisation d’ingrédients locaux pour soutenir les communautés locales et contribuer durablement à la sécurité alimentaire. Pendant la période coloniale, de nombreux produits traditionnels et pratiques agricoles ont été marginalisés, voire décimés. Aujourd’hui, dans un contexte de réchauffement climatique, de tensions autour des ressources et de diversification des régimes alimentaires, des ingrédients comme le fonio, le mil, le niébé ou les insectes suscitent un intérêt croissant. Les chefs se réapproprient des produits, recettes et techniques dont ils deviennent les ambassadeurs, tout en construisant des ponts entre les continents, y compris à travers la création de fermes. La protection, la promotion et la distribution des produits africains passent aussi par les indications géographiques (IG), nées en Europe au début du XXe siècle. L’Afrique est un immense réservoir de terroirs, de savoir-faire et de produits dont le nom et la réputation sont connus et reconnus de longue date, et le lien qui relie certains produits originaux avec des milieux physiques et humains est ancien. En revanche, la reconnaissance de ce lien par un droit de propriété intellectuelle est relativement récente. Si les IG se sont bien développées en Afrique du Nord et en Afrique du Sud, elles restent encore peu nombreuses en Afrique subsaharienne. En Afrique de l’Ouest et du Centre, majoritairement francophones, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) gère les IG dans ses dix-sept États membres et aux Comores. L’espace OAPI compte un nombre grandissant d’Indications géographiques protégées, par exemple le poivre de Penja et le miel d’Oku (Cameroun), le café Ziama-Macenta (Guinée), l’ananas pain de sucre du plateau d’Allada (Bénin) ou l’attieké des lagunes (Côte d’Ivoire). Les produits sélectionnés restent bien sûr très marginaux par rapport à la diversité agricole et alimentaire. Le potentiel est immense !

 Comment mettre en valeur les dizaines, voire centaines de produits traditionnels encore peu connus ? Comment développer les indications géographiques, notamment autour des plantes endémiques de l’Afrique ? …

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5 • PROMOTION ET VALORISATION CULTURELLE Quand, au milieu des années 2010, Dieuveil Malonga et Axel Mbetcha Tiezan ont entrepris des voyages culinaires au Rwanda, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria, au Cameroun ou au Kenya, la plupart des chefs et cheffes rencontrés ont fait part de leur regret de ne pas être suffisamment présents sur une scène culinaire mondiale en pleine ébullition. En 2016, ils ont créé la plateforme Chefs in Africa (chefsinafrica.fr) pour répondre à ce besoin, créer des liens et construire une image d’excellence et de modernité, loin des clichés et du folklore. Leur méthode : s’unir et aller au-delà des frontières pour parler un langage commun, mais pluriel. Il n’existe pas plus de « cuisine africaine », en effet, que de « cuisine européenne » ou de « cuisine asiatique ». L’Afrique compte 1,4 milliards d’habitants sur une superficie dépassant 30 millions de mètres carrés, ainsi qu’une vaste diaspora liée aux traites négrières et aux mouvements migratoires. Elle ne saurait être réduite à un seul bloc. Pour autant, la dynamique du panafricanisme, qui « repose sur le principe d’unité et l’affirmation d’un avenir commun basé sur l’altérité »1, peut contribuer à la promotion et à la visibilité des cuisines africaines dans toute leur singularité et leur diversité. Dans le même temps, la cuisine, par son pouvoir fédérateur, participe à la création de « commun ». Certaines cuisines africaines ont d’ores et déjà réussi à asseoir leur notoriété, notamment celles du Maghreb. Les cuisines d’Afrique de l’Ouest, de l’Est et du centre, et, dans une moindre mesure, celles du sud du continent, restent en revanche peu connues en Occident malgré une montée en puissance médiatique et éditoriale au cours des dernières années. Elles pâtissent encore de certains clichés (trop gras, trop pimenté, peu sophistiqué, mal présenté…) qui, d’après certains observateurs, poussent les Africains eux-mêmes à dévaloriser leurs recettes, produits et savoir-faire. L’enjeu de la communication est d’autant plus important que la cuisine au sens large s’impose, dans un contexte de fort développement du tourisme mondial, comme un élément incontournable du patrimoine culturel immatériel des destinations : découverte de produits locaux et de spécialités culinaires, fréquentation de restaurants, de commerces de bouche et de marchés, participation à des festivals gastronomiques, visites chez des producteurs et artisans, cours de cuisine, circuits touristiques thématiques… La gastronomie enrichit et modifie les récits.

 Comment éveiller la curiosité et faire mieux connaître les cuisines africaines dans toute leur diversité, sans tomber dans l’écueil du folklore ? Comment intégrer pleinement cette dimension gastronomique dans les initiatives publiques et privées autour du tourisme ? …

1• N’Goné Fall, « Édito. L’esprit de la Saison Africa2020 : transcender ensemble tous les futurs possibles », www.saisonafrica2020.com, consulté le 6 mai 2022.

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Deux acteurs culinaires ont souhaité croiser leurs expériences et leurs compétences pour porter le projet Les Cuisines Africaines. Les grandes Tables-I.C.I travaillent dans des lieux

Chefs in Africa est une plateforme qui a pour

culturels comme la Friche la Belle de Mai à Marseille,

vocation de promouvoir et transmettre le patrimoine

Le Channel, scène nationale de Calais ou La

culinaire d’Afrique à travers la valorisation de

Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale,

ses terroirs, de ses produits et de ses chefs. Créé

et réalisent des projets artistiques culinaires en

en 2016 par Dieuveil Malonga et Axel Mbetcha

France et à l’étranger. Cofondées par Fabrice

Tiezan, avec une vingtaine de chefs et acteurs de

Lextrait et Marie-Josée Ordener, Les grandes Tables

la restauration, cet écosystème de partage

ont développé une approche, celle de « la cuisine

rassemble aujourd’hui plus d’une centaine de chefs

du quotidien et de l’extra-ordinaire », qui permet

d’Afrique et de ses diasporas autour de l’héritage

de produire des événements comme Les dîners

et de l’avenir de la gastronomie africaine.

insolites (depuis la saison MPG2019 de Provence

Parcourant l’Afrique d’est en ouest, ils ont été

Tourisme), de créer des spectacles tel Encatation

fascinés par l’immense désir de centaines de

avec Johan Le Guillerm et Alexandre Gauthier,

jeunes chefs de réinventer la cuisine africaine.

ou d’animer des interventions comme Choux

Ils ont constaté que les talents des métiers de la

Chantilly, résultant d’un travail croisé entre

table, enthousiastes, créatifs et déterminés,

des artistes et des groupes d’amateurs. Plusieurs

n’aspiraient qu’à une chose : « universaliser la

rendez-vous culinaires ont été produits en Afrique

gastronomie africaine », parce que « leur parcours

du Sud, en Roumanie, en Colombie, en Argentine.

est jonché d’embûches. Entre manque d’outils

Des manifestions comme Kouss.Kouss nourrissent

performants, difficultés d’accès aux produits,

le lien entre l’Afrique et la France.

recherche de compétences nouvelles, préjugés sociaux, les chefs en Afrique peinent a s’illustrer. » L’ambition de Chefs in Africa est ainsi de représenter l’excellence et la diversité de la cuisine africaine, aussi bien dans sa tradition que dans son innovation.

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LES CUISINES AFRICAINES RETOUR SUR UNE GENÈSE À l’occasion de la Saison Africa2020, initiée par l’Institut Français sous le commissariat de N’Goné Fall, la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA), Les grandes Tables-I.C.I et Chefs In Africa se sont réunis pour organiser, sous le label Les Cuisines Africaines, des rendez-vous culinaires et artistiques dans cinq villes en France : Calais, Tours, Dijon, Clermont-Ferrand et Marseille. Cet événement itinérant a questionné les identités de cuisines qui, de l’Afrique du Nord à l’Afrique australe, de l’Afrique centrale à la Corne de l’Afrique et jusqu’à Madagascar, nourrissent un vaste continent et irriguent le monde entier depuis l’Antiquité. Les contenus produits lors des rendez-vous des Cuisines Africaines ont été réunis dans le numéro 57 de la revue historique et culturelle Papilles, intitulé « Stirring the Pot. Les Cuisines Africaines ». Avec près de 30 contributeurs, celui-ci a capitalisé contenus, problématiques et questionnements, constituant une base pour les perspectives à venir d’échanges et de coopération. En 2022, Les Cuisines Africaines ont coproduit, lors du festival Omnivore et avec ses équipes, 3 tables rondes et 2 démonstrations culinaires. Elles ont également pris part au Village international de la Gastronomie aux jardins du Trocadéro, avec une mise en avant des trésors culinaires de la Côte d’Ivoire et des patrimoines culinaires d’Afrique. En 2023 et 2024, elles poursuivent leur invitation à déguster, savourer, développer et questionner les cuisines d’Afrique et à en célébrer la vitalité à travers des actions développées dans plusieurs territoires d’Afrique, au Sénégal, au Togo, en Algérie, en Tunisie, au Gabon, à Sao Tomé-et-Principe et au Cameroun. Le thème général des cuisines africaines irrigue également des ateliers menés avec différentes structures associatives, culturelles et scolaires à Marseille, créant une véritable dynamique pédagogique. La Friche la Belle de Mai, La Criée, Le ZEF, La médiathèque Salim Hatubou, les associations Because U art, Les femmes de Noailles, l’École Comestible… sont autant de partenaires permettant la mobilisation des publics, jeunes ou moins jeunes, dans différents quartiers de Marseille.

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« C’EST QUAND LES OISEAUX VOLENT ENSEMBLE QUE L’ON ENTEND LA MUSIQUE DE LEURS BATTEMENTS D’AILES. » Proverbe malien

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INFORMATIONS PRATIQUES & CONTACT Les Rencontres des Cuisines Africaines 1er et 2 mars 2024 Les grandes Tables de la Friche | Friche la Belle de Mai 41 rue Jobin, 13003 Marseille Axel Mbetcha Tiezan (coordinateur) ambetcha@lescuisinesafricaines.com

https://lescuisinesafricaines.com

@lescuisinesafricaines

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