n°372 - Points Critiques - septembre/octobre 2017

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Vie de l’UPJB

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Nos parents ne sont pas nés en Belgique - 2 JO SZYSTER

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a question des origines se pose pour toute une génération de juifs belges dont les parents ne sont pas nés ici… D’où viennent-ils ? Pourquoi et quand ont-ils quitté leur pays d’origine ? Deuxième volet: Nos parents avant la création de «Solidarité juive».

Entre 1880 et 1930, environ un tiers des Juifs d’Europe de l’Est et d’Europe centrale quittent leur pays natal et émigrent, principalement vers l’Amérique. Anvers et la Red-Star sont des étapes importantes de ce grand voyage… même si nombreux sont ceux qui s’arrêtent dans la métropole où une communauté juive existe depuis le 16ème siècle (1).

UNE IMMIGRATION AUX COURANTS MULTIPLES L’immigration du début du 20ème siècle comprend beaucoup de jeunes nés entre 1903 et 1932. Certains sont bundistes ou communistes, ils viennent souvent de Pologne, de la Russie tsariste et de l’Empire Austro-Hongrois (1). En Belgique, ces Juifs de gauche militent à la MOE/MOI (Main-d’Oeuvre Etrangère/Main-d’œuvre Immigrée), plus particulièrement dans sa « Yiddishe Sektsie ».

LE BIROBIDJAN, LA RÉPONSE SOVIÉTIQUE À LA « QUESTION JUIVE »

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1931 à Woluwé

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destiné à aider les populations juives pauvres à se construire une existence nouvelle par le travail manuel et agricole. C’est l’ORT : acronyme du nom russe « Obshestvo Remeslennogozemledelcheskogo Truda », (Société pour le travail manuel et le travail agricole). L’ORT a sa branche belge, c’est l’« Organisation, Reconstruction, Travail ». Plusieurs jeunes de l’Union sportive des jeunes juifs (liée à Solidarité juive) y ont appris un métier.

Bien avant la Révolution d’octobre, la « question juive » fait déjà l’objet d’une réflexion en Russie tsariste. En 1880, à Saint-Pétersbourg, des intellectuels et des financiers juifs créent un mouvement

« La Solution de la Question juive en Union Soviétique ». Tous les trois sont nés en Pologne et, pour se soustraire au service militaire polonais d’avant-guerre, ils se sont amputé d’une ou deux phalanges ! Sam et Boris sont venus en Belgique pour poursuivre leurs études universitaires, Vladek était tailleur. Leurs amis juifs de la MOI (Main d’œuvre Immigrée) les avaient surnommés « La rédaction sans phalanges ». Sam Potasznik et Vladek Rakower ont été fusillés par les Allemands en 1943…

LA DÉSILLUSION DU PACTE GERMANO-SOVIÉTIQUE En 1936, les troupes fascistes du général Franco attaquent la République espagnole. Des brigades internationales destinées à défendre la République se constituent un peu partout Europe. En Belgique, ces brigades comptent de nombreux Juifs, qui rejoindront plus tard « Solidarité juive » tels Dov Liebermann, Rachel et Dolly Gunzig. Les Juifs représentent 8% environ du contingent alors que les Juifs belges ne représentent même pas 1% du total de la population.

D’autres immigrés sont actifs dans des mouvements culturels tel que le « Kultur Farein », ou dans les « patronatn », ces groupements de juifs originaires d’une même ville ou du même shtetl qui aident notamment les prisonniers politiques (en Pologne par exemple). Il y a enfin le courant qui promeut le concept d’une nation juive : le mouvement « Gezerd » (Association pour l’Établissement des Travailleurs juifs sur la Terre), et « Prokor » qui défend l’émigration au Birobidjan, premier territoire juif du 20ème siècle, créé en 1934 en Union Soviétique.

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Vie de l’UPJB

Brochure publiée par le Prokor

Plus tard, avant la guerre 40-45, des Juifs communistes d’Europe, des EtatsUnis et du Canada s’opposent au projet sioniste de créer un « Foyer national juif » en Palestine. Ils préfèrent soutenir le projet soviétique d’une installation juive au Birobidjan et créent un mouvement qu’ils appellent Prokor, « Proletarishe Kolonizatsiè in Ratn Farband », « Colonisation Prolétarienne en Union Soviétique ». A cette époque, en Belgique, trois futurs membres de Solidarité juive, Sam Potasznik, Moszek Rakower (dit Vladek) et Boris Szyster rédigent une brochure

En août 1939, le monde (et les militants communistes en particulier) apprend avec stupeur la conclusion du pacte de non agression germano-soviétique. Les militants communistes juifs réagissent en se regroupant de façon informelle sous une nouvelle appellation : ce sera la naissance de « Solidarité juive ». Neuf mois plus tard, l’armée allemande envahit la Belgique et impose immédiatement ses ordonnances anti-juives, c’est le début d’un autre combat …

(1): voir l’article dans POC n°371 mai-juin 2017

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