n°348 - Points Critiques - septembre 2014

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique septembre 2014 • numéro 348

éditorial Objectif... Briser l’unité palestinienne retrouvée Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - P008 166 - mensuel (sauf juillet et août)

Henri wajnblum

A

ujourd’hui, dimanche 17 août, après un mois de ce qu’il est impossible d’appeler une guerre tant la puissance de feu des forces en présence était disproportionnée, après 2000 morts palestiniens, en grande majorité des civils dont des centaines d’enfants, après 67 morts israéliens dont 3 civils, après que des dizaines de villes et villages palestiniens aient été réduits à un champ de ruines… Après tout cela, le calme règne à Gaza et des négociations ont cours au Caire entre les parties : Israël, l’Autorité Palestinienne, le Hamas et le Jihad islamique, pour tenter d’aboutir à une trêve de

longue durée. Quoi qu’il en dise, et après avoir toujours clamé qu’il ne négocierait « jamais avec une organisation terroriste », Israël négocie bel et bien avec le Hamas, même si c’est par l’intermédiaire des « facilitateurs » égyptiens. Ce n’est assurément pas ce que Netanyahu escomptait… Après avoir estimé qu’il avait « fini le travail », pour reprendre une expression de Georges W. Bush lors de la guerre en Irak, à savoir la destruction des tunnels, il s’est empressé de proposer une trêve de longue durée sans conditions. Il en a été pour ses frais, parce que des conditions le Hamas en avait : levée totale du blocus qui asphyxie

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

éditorial

1 Objectif... Briser l’unité palestinienne retrouvée................... Henri Wajnblum

israël-palestine

4 Discours de l’UPJB à la manifestation nationale de soutien à la Palestine.... Gaza : pas en mon nom......................................................................................... 5 Gaza : fin du blocus !..............................................................................................

lire

6 Faites-vous du bien, lisez Etgar Keret.............................Tessa Parzenczewski

écrire

7 Le Messie est mort à Gaza............................................................. Jacques Aron

mémoire(s)

8 Les Juifs polonais et la Grande Guerre..................................Roland Baumann

Pierre Puttemans

10 Mon cher Pierre. 24 août 2013.................................................. .. Jacques Aron 12 Une étoile de famille...................................................... .. Marianne Puttemans 14 Hommage au poète................................................................... Antonio Moyano

réfléchir

16 AIU................................................................................................... Jacques Aron yiddish ? yiddish ! !‫יִידיש ? יִידיש‬ 18 Vaser on loshn- Eau sans voix...................................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

20 À l’Ouest, rien de nouveau ..........................................................Anne Gielczyk

activités histoire(s) 27 Des Juifs en fuite...................................................................... Frank Caestecker partager 22

30 Hommage à Éric Durnez (1959-2014)........................................Rosa Gudanski

vie de l’upjb

32 Les activités du Club Sholem-Aleichem. T. Liebmann, T. Parzenczewski et J. .............................................................................................................. Schiffmann

upjb jeunes

34 Au camp d’été................................................................................ Julie Demarez

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éditorial

les agendas

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Gaza depuis 7 ans, reconstruction du port et liberté de pêche notamment. Face à l’intransigeance compréhensible du Hamas et, il faut le dire, face à l’opprobre de plus en plus grandissant de la Communauté internationale, sociétés civiles et politiques, atterrés par le nombre de victimes civiles, le gouvernement Netanyahu-Bennet-Lieberman s’est vu contraint d’envoyer des négociateurs au Caire. En ce jour du 17 août, nous ne savons toujours pas ce qu’il en sortira. Mais puisque le calme règne pour l’instant à Gaza, il n’est pas inutile de revenir sur la genèse de ce dernier conflit entre Israël et les groupes armés palestiniens…

L’élément déclencheur Ce n’est pas l’enlèvement et l’assassinat de trois adolescents israéliens près de Hébron qui a été l’élément déclencheur… le gouvernement israélien savait dès le début que ce n’était pas le Hamas qui en était le commanditaire mais un groupe dissident – le Hamas a en effet pour habitude de revendiquer ses actions –, il savait aussi dès le lendemain de l’enlèvement que les trois jeunes étaient morts contrairement à ce qu’il avait tenté de faire croire. Mais le Hamas était le coupable tout désigné pour procéder à un vaste ratissage de la Cisjordanie et arrêter des centaines de Palestiniens, membres supposés de l’organisation islamiste. Celle-ci ne pouvait pas rester sans réagir et a envoyé une pluie de roquettes sur Israël. Le véritable déclencheur de

l’agression israélienne est à chercher le 2 juin, jour de la création d’un gouvernement palestinien d’unité nationale soutenu par le Hamas après qu’un accord de réconciliation entre lui et le Fatah a été conclu. Ça, c’était insupportable pour Israël qui ne l’a effectivement pas supporté alors même que les États-Unis et l’Europe l’avaient accueilli plus que favorablement. Il fallait donc sans plus tarder briser cette unité palestinienne retrouvée en frappant fort pour discréditer le Hamas aux yeux de sa population. C’est ce qui explique certainement le nombre effarant de victimes civiles. Comment l’expliquer autrement alors même qu’Israël se veut le champion des « frappes chirurgicales » ? Mais ça n’a pas marché… Il n’y a pas eu de soulèvement populaire, le Hamas est à nouveau apparu aux yeux des Palestiniens comme le seul mouvement de résistance, et l’accord de réconciliation ainsi que le gouvernement d’unité nationale ont tenu bon. La preuve ? C’est une délégation palestinienne tripartite qui négocie au Caire. Évidemment, et comme toujours, le gouvernement israélien, fort de l’adhésion massive de sa population à une action des plus musclées, a justifié son opération en invoquant le droit de se défendre contre la menace des roquettes visant des civils, et ce, dans un premier temps, avec le soutien des responsables politiques américains et européens. Mais que font-ils, ces responsables politiques, du droit des Palestiniens de se défendre, de se défendre contre 47 ans d’occu-

pation et de colonisation, de se défendre contre le blocus d’une bande de terre surpeuplée  ? Et comment se défendre, compte tenu de la disproportion de la puissance de feu, si ce n’est en utilisant « l’arme du pauvre ». Soyons clairs, comprendre n’est pas justifier. L’UPJB a toujours condamné les attentats aveugles, aussi bien les attentats «  ciblés  » israéliens avec leurs victimes « collatérales » que les tirs de roquettes sur les populations civiles israéliennes. Mais condamner n’empêche pas de comprendre. Il faut bien aujourd’hui se rendre à l’évidence, ce que nous avons, quant à nous, fait depuis longtemps… Si un jour, il doit y avoir la paix entre le peuple israélien et le peuple palestinien, une paix juste entre deux partenaires égaux s’entend, elle ne pourra venir que sous la contrainte extérieure. Les États-Unis et l’Europe, s’ils le veulent vraiment, en ont les moyens. Mais en auront-ils le courage  ? Quelques signes avant-coureurs pourraient le laisser espérer… Ainsi, le Wall Street Journal affirme que l’administration Obama a suspendu le transfert à Israël de missiles Hellfire, qui ont été tirés par la force aérienne israélienne sur des Palestiniens dans la Bande de Gaza à partir de sa flotte d’hélicoptères Apache et Cobra fournis par les USA. En plus de cela, l’article rapporte que tous les transferts d’armes US à Israël seront examinés attentivement aux « plus hauts niveaux » à partir de maintenant. Israël serait-il cette fois allé trop loin, même aux yeux de son plus fidèle et plus puissant allié ? Acceptons-en l’augure, mais atten-

dons-nous aussi à une sauvage levée de boucliers de la part du puissant lobby pro-israélien.

Les points sur les « i » L’UPJB a été présente à tous les rassemblements initiés par la plate-forme « Urgence Gaza » dont elle fait partie. Cela nous a valu un déferlement d’insultes et de menaces, sur Facebook et sur le site de l’Agence diasporique d’information (www.restitution.be) de la part d’un certain nombre de membres de la communauté juive dont Momo, courageux anonyme, qui va jusqu’à suggérer que l’on inonde nos locaux de Zyclon B, le produit étant bon marché et ayant montré son efficacité (à Auschwitz s’entend) ! Comme appel au meurtre, difficile de faire plus fort… Ceux, toujours dans la communauté juive, qui nous vouent aux gémonies font entendre – très fort – que nous « roulons » pour le Hamas ! Une mise au point s’impose donc, même si nous savons que cela ne les fera pas taire, tellement ce type de discours est commode pour eux. L’UPJB n’a jamais « roulé » pour personne, ni pour quoi que ce soit, si ce n’est pour la justice, le respect des droits humains et celui du droit international, d’où notre engagement, non pas en faveur du Hamas ou du Fatah, mais du seul peuple palestinien. Nous exécrons tout autant le projet de société véhiculé par le Hamas, et pratiqué par lui à Gaza, que celui, liberticide, déjà mis en place en Israël par le gouvernement d’extrême droite Netanyahu-Bennet-Lieberman. n

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israël-palestine Gaza : pas en mon nom ! Discours de l’UPJB à la manifestation nationale de soutien à la Palestine du 27 juillet 2014

par Michel Staszewski Le gouvernement israélien prétend que l’opération militaire sanglante qu’il mène depuis trois semaines dans la bande de Gaza a pour but de protéger la vie des citoyens israéliens en mettant fin aux tirs de missiles en direction de son territoire. Qui peut le croire alors qu’au contraire, du fait de l’agression israélienne, ces tirs n’ont fait que s’amplifier ? Soyons clairs : si l’Union des Progressistes Juifs de Belgique condamne l’agression israélienne, elle condamne aussi les tirs de missiles provenant de la bande de Gaza car ils visent sans discernement des zones habitées et donc essentiellement des populations civiles. Il faut qu’ils cessent. Mais comment y parvenir ? C’est le désespoir qui pousse des Palestiniens de Gaza à de pareilles extrémités. Le désespoir d’une population qui survit depuis 7 ans sous un blocus sévère ponctué très régulièrement par des attaques meurtrières de l’armée israélienne, après près de 40 années d’occupation militaire et, pour de très nombreuses familles, après 66 ans d’exil. Pour que ces tirs cessent, il faut que l’espoir renaisse. L’armée et les dirigeants israéliens sont les premiers responsables du désespoir des habitants de Gaza. Mais ils ne sont pas les seuls. Car si les dirigeants israéliens sont en mesure de prolonger indéfiniment les malheurs des Gazaouis, c’est grâce au soutien politique et militaire continu et massif des dirigeants des États-Unis d’Amérique et à la complicité des dirigeants de l’Union européenne. C’est pourquoi, pour faire pression sur nos gouvernants, nos actions citoyennes sont si importantes. Depuis 2005, de très nombreuses ONG palestiniennes ont appelé le monde à adhérer à la campagne Boycott-désinvestissement-sanctions. L’UPJB, a adhéré à cette campagne parce qu’elle est convaincue que seules des pressions extérieures dignes de ce nom pourront, à terme, imposer à l’Etat d’Israël le respect du droit international. Ne soyons pas dupes des justifications à cette nouvelle agression invoquées par le gouvernement israélien. Le véritable objectif de cette offensive criminelle n’est pas de faire cesser les tirs de roquettes mais bien de briser la résistance palestinienne et le gouvernement palestinien d’unité nationale qui pourrait prendre des initiatives diplomatiques en vue de mettre fin à la politique d’occupation, à la colonisation, faire appliquer le droit international et établir enfin un Etat palestinien viable. La politique israélienne d’occupation est un but en soi pour les gouvernements israéliens successifs et la présente offensive vise à poursuivre ce but : depuis 1967 la « sécurité » n’est qu’un prétexte à la poursuite de l’occupation et à l’extension de la colonisation. Nous appelons encore une fois le gouvernement belge et l’Union européenne à condamner sans ambiguïté l’agression israélienne contre Gaza, à mettre fin aux accords privilégiés qui lient nos États à Israël et à mettre tout en œuvre, y compris des sanctions économiques, pour qu’Israël se conforme enfin au droit international. Hier, à contrecourant du climat d’hystérie nationaliste ambiant, des milliers d’Israéliens, juifs pour la plupart, ont manifesté publiquement à Tel-Aviv contre l’opération « bordure protectrice ». Sachez aussi que des centaines d’Israéliens continuent aujourd’hui, souvent au prix de leur liberté, à refuser de porter les armes pour ne pas participer en tant que soldats à l’occupation et à la colonisation. Ceux qui soutiennent la politique criminelle de l’État israélien utilisent régulièrement l’arme de l’antisémitisme pour discréditer ceux qui s’engagent aux côtés du peuple palestinien. Ils ont malheureusement parfois raison, en particulier dans le climat passionnel actuel. Nous vous demandons donc une extrême vigilance sur ce point. Toute forme de racisme doit être bannie de nos rangs. Notre cause est juste, ne la salissons pas ! Voir en ligne : Journal Télévisé (RTBF) du 27/07/2014, avec un reportage sur la manifestation et une interview de Gérard Preszow

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Gaza : fin du blocus ! Discours de l’UPJB à la manifestation nationale de soutien à la Palestine du 17 août 2014

par Henri Wajnblum et Anne Grauwels On pourrait se demander pourquoi nous manifestons encore aujourd’hui alors que le calme règne à Gaza depuis quelques jours. C’est tout simplement parce que la mobilisation est aujourd’hui plus nécessaire que jamais pour obtenir que soit enfin levé le blocus. À ceux qui accusent l’Union des Progressistes Juifs de Belgique de traîtrise, nous répondons de traîtrise envers qui ? C’est au contraire par fidélité aux valeurs que nous avons toujours défendues, celles de justice, de respect de la personne et de respect du droit international, que nous sommes ici et que nous apportons notre soutien total au peuple palestinien et, en l’occurrence et tout particulièrement, parce que c’est elle qui souffre le plus, à la population de Gaza. Il y a quelques jours, dans les rues de Tel-Aviv, des milliers d’Israéliens ont manifesté pour exiger la fin des tirs de roquettes… Nous les comprenons. Mais ce que nous aurions souhaité, c’est qu’ils s’adressent à leur gouvernement pour exiger qu’il mette fin à ce qui provoque ces tirs, c’est-à-dire à l’enfermement de près de deux millions de personnes qui aspirent pourtant à la même chose qu’eux : vivre une vie normale. Nous préférons, quant à nous, apporter notre soutien plein et entier à ces autres milliers d’Israéliens, accusés eux aussi d’être des traîtres, qui, dans un contexte d’hystérie générale, sont descendus hier dans la rue pour exiger la fin des bombardements, la fin du blocus et la fin de l’occupation et de la colonisation. Les États-Unis qui ne cessent de tenir un double discours ont estimé que ce sont les exigences maximalistes des négociateurs palestiniens qui rendent l’accord pour une trêve de longue durée quasi impossible… Est-ce maximaliste que d’exiger la levée d’un blocus qui fait vivre aux Gazaouis un véritable enfer ? Est-ce maximaliste que d’exiger qu’ils puissent aller pêcher en sécurité sur toute l’étendue maritime qui leur appartient ? Nos responsables politiques se sont dits indignés par le nombre effarant des pertes civiles. Mais aujourd’hui, le temps n’est plus aux remontrances dont on a vu le cas qu’en faisait Israël. Il faut qu’ils agissent – ainsi que le ministre français des Affaires étrangères a menacé de le faire – par de véritables sanctions si le gouvernement israélien ne se décide pas enfin à respecter le droit international. Aujourd’hui, notre attention est focalisée sur Gaza, mais il ne faut pas oublier que la Cisjordanie est toujours occupée et que la colonisation s’y développe à un rythme effréné et en toute impunité. Comme le disait Nelson Mandela… notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. Oui, notre mobilisation massive est aujourd’hui plus importante que jamais et elle le restera jusqu’à ce que nous obtenions de nos gouvernants qu’ils cessent de tergiverser.

L’UPJB à la manifestation du 17 août 2014. Photo Gépé

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lire

écrire

Faites-vous du bien, lisez Etgar Keret tessa parzenczewski

I

l nous avait habitués à des nouvelles où la réalité dérapait et se faisait la malle pour s’envoler vers des échappées délirantes. Il nous avait concocté des mondes à peine décalés, où le bizarre prospérait et où l’absurde atteignait des sommets. Et sous l’humour noir et l’imagination flamboyante, en creux, apparaissait le portrait sans fard de la société israélienne. Aujourd’hui, Etgar Keret délaisse la fiction et nous offre Sept années de bonheur , une chronique certifiée autobiographique, de la naissance de son fils Lev à la mort de son père. Mais nous ne perdons rien au change. Car toujours cette écriture vive et inventive nous surprend, nous amène par des chemins détournés vers des perspectives inattendues, comme lorsque l’auteur, se souvenant des canettes miniatures de coca servies dans les avions, imagine son fils à peine né, miniature d’humain, affublé de la panoplie du businessman, déjà prêt à conclure des marchés ! Et c’est Lev que nous suivons, au fil de ces années, grandissant, non pas en sagesse, mais poursuivant avec son père des conversations questionneuses où s’installe une sorte de logique folle, et c’est ainsi que nous apprenons qu’à la maternelle, seuls les chats sont littéralement hors la loi, comme il se doit, mais qui est chat ? Et comment fonctionne Disneyland ? Là aussi, c’est le petit Lev qui donne la réponse. Mais nous sommes en Israël, parfois sous les roquettes,

et les parents se demandent déjà si Lev ira à l’armée… Comment se débarrasser des démarcheurs par téléphone  ? Comment se conduire avec des chauffeurs de taxis irascibles  ? L’imagination au pouvoir ne recule devant aucune solution extrême. Mais au-delà de la vie quotidienne et de ses mini-problèmes, se déploie le vaste monde. L’écrivain est appelé aux quatre coins de la terre pour des séances de lecture. Cela nous vaut des considérations diverses et variées sur l’écriture, sur le métier d’écrivain, sur l’art des dédicaces, lorsque l’auteur s’essaie à quelques dédicaces assassines… Et c’est à l’étranger, « hors du pays », comme on le dit en hébreu, que Keret sent resurgir en lui, le Juif de la diaspora. Aux aguets, attentif au moindre signe d’antisémitisme, quitte à comprendre de travers des expressions anodines, le monde devient soudain hostile, comme pour ses parents autrefois. Ses parents rescapés, dont l’histoire est atroce. Et puis la Pologne, « La Pologne imaginaire » d’abord, en noir et blanc, comme pour beaucoup d’entre nous, mais qui prend vie, en technicolor, lorsque Keret acquiert une étrange maison étroite à Varsovie, dans l’ancien quartier de sa mère, la boucle est bouclée. Dernière étape, la mort du père. Le combat perdu d’avance contre le cancer. Les ruses du père et du fils pour se rassurer mutuellement. Et une immense tendresse. Émotion et humour se mé-

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Le Messie est mort à Gaza

Etgar Keret Sept années de bonheur Traduit de l’anglais (Israël) Par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso Éditions de l’Olivier 197 p., 18 €

L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente)

jacques aron

Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be

Le messie est mort à Gaza Le monde entier en a tremblé J’ai vu son corps écartelé Sous les décombres et les gravats

Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski

Devenu fou Nathan le sage Le prophète des égarés Les stigmates de sa cité Sont gravées sur son beau visage

langent, parfois des séquences insolites, comme sorties d’anciennes nouvelles, viennent perturber la stricte réalité. Ours polaire, hamster et un étrange lézard font une courte apparition, comme pour animer la conversation. Plongez-vous dans cette chronique chaleureuse, drôle et émouvante, savourez ce rire salvateur, ces réflexions, ces instants de vie où rien n’est vain. En ce sinistre été 2014, Etgar Keret est l’une des voix israéliennes à s’élever, sans ambiguïté, contre le massacre à Gaza, à briser l’effrayant consensus. n

est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août)

Où sont tes justes Israël Le nom de Juif est trop sacré Pour que tu puisses sous son aile Tuer ainsi et massacrer Sur le drapeau du Léviathan Une étoile aux dents d’acier Creuse le sol de Canaan Sion Sion assassinée

Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Frank Caestecker Julie Demarez Rosa Gudanski Thérèse Liebmann Marianne Puttemans Jacques Schiffman Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 € ou par ordre permanent mensuel de 2 € Prix au numéro 2 € Abonnement de soutien 30 € ou par ordre permanent mensuel de 3 € Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 € Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 € pour un isolé, 15 € pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

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mémoire(s) Les Juifs polonais et la Grande Guerre roland baumann

À

l’occasion du centième anniversaire du début de la Première Guerre mondiale, une exposition temporaire du Musée d’Histoire des Juifs polonais à Varsovie montre l’engagement des Juifs polonais dans la lutte pour l’indépendance de la Pologne en 1914-1920 et documente aussi l’impact de la Grande Guerre sur les populations juives du Yiddishland. L’exposition « Juif, Polonais, Légionnaire 1914-1920  » retrace l’histoire des légions polonaises et de leur rôle dans la lutte pour l’indépendance de la Pologne, s’intéressant en particulier au rôle des volontaires juifs dans ces unités. Elle présente aussi les relations judéo-polonaises dans toute leur complexité durant la Première Guerre mondiale ainsi que les conflits qui suivent la restauration de l’indépendance polonaise, en particulier la guerre avec la russie soviétique. Créées en Galicie en août 1914, à l’initiative de Jozef Pilsudski avec le soutien du Comité pour l’indépendance de la Pologne et des députés polonais du parlement autrichien, les légions polonaises, constituent une formation militaire indépendante au sein de l’armée Austro-hongroise. les Habsbourg avaient accordé à la Galicie une certaine autonomie et permis l’épanouissement de la culture polonaise dans la

deuxième moitié du 19ème siècle, suscitant ainsi le développement d’un courant nationaliste polonais austrophile. Engagées contre l’armée russe en Galicie et dans les Carpathes, les légions passent sous commandement allemand en 1916. La majorité des volontaires refusent de prêter serment d’allégeance à l’empereur Guillaume II et sont alors internés par les Allemands. Les autres sont envoyés sur le front italien.

lontaires Polonais en France et de nombreux Polonais s’engagent dans la Légion étrangère. Ils affronteront les allemands en Artois, en Picardie, en Champagne. En 1918, une armée polonaise combat en France, d’abord sous commandement français, puis sous le contrôle du Comité National Polonais qui s’est installé à Paris en 1917. Commandée par le général Haller, qui au début du conflit est un des officiers supérieurs légionnaires combattant les Russes du côté austro-hongrois et est passé dans le camp des alliés après le traité de Brest-Litovsk, cette armée « alliée » sera rapatriée en Pologne suite à l’armistice sur le front Ouest et la création de la Pologne indépendante, le 11 novembre 1918. Les officiers des légions polonaises formeront l’ossature de l’armée polonaise de 1918 à la Deuxième Guerre mondiale.

le mythe et les juifs

Des légions polonaises ont été étroitement associées à l’histoire de la Révolution française et de l’empire de Napoléon. Dès août 1914, se crée un Comité des Vo-

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Les volontaires juifs des légions de Pilsudski, issus pour la plupart de l’intelligentsia de Galicie, ont joué un rôle important dans la formation de l’esprit légionnaire et dans la fondation du « mythe légionnaire  », extrêmement présent dans la vie politique et culturelle polonaise de l’entre-deuxguerres, comme le suggèrent dans l’exposition les diverses publications retraçant leur histoire et les oeuvres d’art illustrant les

grandes scènes de leur saga. L’exposition montre les oeuvres de Leopold Gottlieb, le « peintre de la 1ère Brigade », peintre expressionniste formé à Cracovie, Munich et Paris. Les dessins et les lithographies de Gottlieb documentent la vie quotidienne des légionnaires sur le front ou font le portrait de leurs principaux officiers et de Pilsudski. L’exposition évoque aussi entre autres l’artiste Henryk Hertz-Barwinski, dont le père Jozef Hertz avait combattu le pouvoir tsariste pour l’indépendance de la Pologne durant l’insurrection de janvier 1863. Les Juifs servirent dans toutes les armées des différents belligérants en 14-18. Et l’exposition évoque à travers une série d’objets et de documents les expériences diverses de Juifs polonais combattant sur d’autres fronts, tant du côté des armées des puissances centrales que dans celles des pays de la Triple-Entente. Citons cette lettre du peintre Moïse Kisling servant dans l’armée française et écrivant en janvier 1915 à Mathilde Asch, épouse de Sholem Asch. Ou encore cet appareil photo Voigtländer Bergheil, utilisé par le photographe Wilhelm Russ qui servait dans l’armée autrichienne.

l’envers du décor L’exposition documente aussi le sort des communautés juives dans les zones de combat, par exemple en Galicie, où l’avance des armées russes s’accompagne souvent d’exactions et de pogroms dont sont victimes les Juifs au shtetl. En Galicie, des régions entières sont dévastées par les combats qui jettent sur les routes des masses de réfugiés juifs, victimes civiles de la guerre. Des photographies, prises à Lodz comme à Varsovie, montrent la vie populaire juive et les petits métiers dans les rues de ces grandes villes tom-

bées aux mains de l’armée allemande. Pour les Juifs vivant dans l’Empire russe, l’arrivée des troupes de Guillaume II est souvent vue comme une libération, ce dont témoignent ces photographies de Juifs polonais accueillant à bras ouvert les soldats du Kaiser ! L’exposition met en valeur la participation active de Juifs polonais à la lutte pour l’indépendance na-

et illustrations de presse assimilant l’envahisseur soviétique à l’imagerie antisémite du Juif démoniaque, ennemi du genre humain, prouvent la dangereuse diffusion du mythe de la « commune juive » dans l’opinion publique polonaise dès les premières années de l’indépendance. Le catalogue de l’exposition, édité en polonais et en anglais, richement illustré

« Pogrom ». Tableau de Wojciech Weiss 1918-1919

tionale de la Pologne, mais documente aussi les pages sombres de cette période d’« épopée » légionnaire, qu’il s’agisse des pogroms commis contre les Juifs dans différentes localités polonaises en particulier lors de la guerre contre les bolchéviques, ou encore des milliers de soldats et officiers juifs polonais désarmés par les autorités polonaises et internés dans le camp de Jablonna à l’été 1920 parce qu’ils sont Juifs et donc soupçonnés de sympathiser avec les armées soviétiques ! Affiches de propagande anti-bolchévique

documente bien ce chapitre méconnu de l’histoire de la guerre 14-18. Précisons que le Musée d’Histoire des Juifs polonais annonce l’inauguration tant attendue de son exposition permanente pour le 28 octobre prochain. n

Jew, Pole, Legionary 1914-1920, Museum of the History of Polish Jews. Jusqu’au 3 octobre 2014. www.jewishmuseum.org.pl

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Pierre Puttemans Pierre Puttemans, poète, architecte et historien de l’architecture nous a quittés le 16 août 2013. Nous avons tenu à lui rendre hommage car la vie (ou la mort ?) nous réserve de bien étonnantes surprises ! Marianne Puttemans, sa fille aînée, nous raconte le pourquoi de l’étoile de David sur le faire-part de son père. Une belle histoire de retrouvaille d’identité. Jacques Aron nous parle de son vieil ami et compère l’architecte. Antonio Moyano fait une escale dans l’œuvre du poète.

Mon cher Pierre. 24 août 2013 jacques aron

Mon cher Pierre Nous nous sommes rencontrés il y a quasi 62 ans au moment d’entamer à la Cambre des études d’architecture, dans l’année où se trouvait aussi Frédéric De Becker. Nous ignorions évidemment que nous allions former tous les trois au sortir des études une équipe qui resterait soudée sur une base purement amicale pendant plus de quarante ans de collaboration quotidienne dans le respect mutuel de nos personnalités finalement très différentes. Comme Françoise De Becker a participé – ô combien – à cette aventure aussi humaine que professionnelle, c’est en notre nom à tous trois que je t’adresse aujourd’hui ces quelques mots d’adieu. Et ces quelques paroles de réconfort dérisoire à Marianne et Antoinette (Toinon, puisque nous l’avons toujours appelée ainsi), vos filles à Jacqueline et toi, qui formiez un couple si intimement complice. À leurs maris et à leurs enfants.

À Bernard ton frère et à tous tes amis. Car tu avais, Pierre, le culte de l’amitié généreuse et tu savais l’entretenir, dans ce plaisir manifeste de te sentir entouré par ceux qui partageaient, dans des domaines très divers, tes goûts et tes intérêts, ou avec lesquels tu éprouvais simplement cette jouissance très particulière de la joute

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verbale dans laquelle tu excellais. Tu avais baigné dès ta jeunesse dans un milieu d’architectes et d’artistes. Ton père était un homme de caractère, encombrant parfois, et tu m’avouais encore récemment que l’idée de passer trois ans d’études dans son atelier d’enseignement n’avait peutêtre pas été une heureuse déci-

sion. Certainement incommode pour vous deux. Vous avez cependant collaboré étroitement à certains travaux ; tu as achevé des projets qu’il avait amorcés, et tu lui as encore consacré récemment un livre, véritable monument de piété filiale. Ceci nous amène à un autre aspect de ton activité. Tu laisses une œuvre considérable de critique artistique et architectural ; tu as consacré de belles pages à des amis peintres, comme ton père l’avait fait en accompagnement des superbes dessins de son ami Charles Counhaye. Tu introduisis la critique architecturale, très négligée jusque-là, à la section belge de l’AICA (Association internationale des critiques d’art). Nous partagions, je crois, la passion de communiquer, de transmettre et d’enseigner. Avec les jugements parfois injustes ou excessifs que cela suppose. Tu y as dédié beaucoup d’énergie, notamment à l’ISURU, l’institut bruxellois d’urbanisme, où ton enseignement original était très apprécié. Tu étais dans ces domaines une plume acérée, mais ton champ poétique secret sera celui que tu n’as cessé de cultiver pour le pur plaisir de la langue française, dans laquelle tu te laissais porter et emporter par la saveur des mots. Il fallait parfois que je t’en demande les clés, tandis qu’à d’autres moments cette belgitude singulière à laquelle tu étais si sensible transparaissait entre les lignes. Tu baignais naturellement dans le sillage surréaliste de Fantômas et de quelques cénacles à l’humour particulier et très codé. En marge de quarante années d’étroite collaboration à des projets dont nous sortions plus ou moins satisfaits, car l’architecture est une pratique sociale et collective à d’innombrables com-

posants, nos vies ont évolué différemment. Nos priorités divergeaient. Enfants, petits-enfants venaient ponctuer nos vies privées. Je sais que tu ne fus pas enthousiaste à l’idée d’arrêter un jour l’activité commune dans laquelle nous avions mis tant de nous-mêmes. Je crois pour ma part que nous avons bien fait, car tout change aujourd’hui très, trop vite, et cette fête de 1998 au cours de laquelle avec nos proches, nos amis, nos clients souvent devenus des amis, les corps de métier merveilleux dont nous avions tant appris, – cette fête fut le point

d’orgue qui nous a évité les inévitables grincements de la sénilité. Se revoir était resté un plaisir que nous pouvions ainsi partager sans retenue. Un maillon important se détache avec toi. Merci Pierre pour ce que tu nous as donné, car s’il est une chose que tu savais faire, c’était de donner à pleines mains, sans compter, c’était distribuer les étincelles de ton esprit toujours à l’affût du bon mot ou de l’image juste, c’était nous donner de cette chaleur humaine qui reste la chose la plus précieuse en ce monde souvent injuste et cruel. Merci Pierre. n

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Pierre Puttemans Une étoile de famille marianne puttemans

M

on père, Pierre Puttemans est né en 1933 dans une famille à moitié belge. La famille Puttemans était athée depuis plusieurs générations. Son grandpère Antoine écrivait des articles politiques dans des journaux de gauche. La grand-mère Juliette était d’accord avec les opinions politiques et philosophiques de son mari. Robert, mon grandpère, allait grandir dans une famille bourgeoise bien traditionnelle où l’on bouffait du curé le dimanche entre l’entrée et le roastbeef. En 1929, âgé de 27 ans, Robert épouse Hélène qui a à peine 18 ans, qui est russe et qui a passé de longues années dans un pensionnat protestant qui se trouvait sur une place qui s’appelle aujourd’hui rond-point Winston Churchill. Hélène, en épousant Robert, entre dans une famille qui ne veut pas d’elle : fille d’un immigré qui gagne sa vie comme traducteur juré payé au cachet, elle ne ressemble pas à ce que Juliette rêve pour son fils. La grand-mère de mon père avait rêvé d’un beau mariage dans une grande famille bourgeoise, une famille qui a un nom établi, et voilà que Robert épouse une petite jeune fille inconnue, sortie de nulle part, rencontrée au musée du Cinquantenaire où elle guidait des groupes pour payer ses études d’histoire de l’art. Hélène est d’ailleurs bien cou-

rageuse d’épouser non seulement Robert, mais aussi les parents de son mari parce que la crise de 29 passe par là et qu’ils sont ruinés et demandent asile à leur fils. Elle vivra avec sa belle-mère jusque 1956. C’est sans doute dans cette cohabitation qu’elle apprend à dissimuler. Elle a dû comprendre très vite que dans cette famille, l’étranger est absolument suspect. Elle construira au cours des décennies qui viennent un mensonge autour de ses origines, mensonge dont elle ne se départira jamais, et qui va probablement lui sauver la vie puisqu’elle ne sera jamais inquiétée durant la Seconde Guerre mondiale. Puis, les choses se fissureront lentement : au sortir de ses études d’architecte à La Cambre, mon père se met en association avec deux autres architectes : Jacques Aron et Frédéric De Becker. Jacques Aron est juif, sa femme l’est aussi et Hélène se prend d’amitié pour ces deux-là qu’elle regardera toujours avec tendresse, même si elle n’en dira jamais rien. Elle défendra toujours Jacques dont l’ensemble de l’œuvre trouve systématiquement grâce à ses yeux, et quand mon père rencontre Jacqueline Harpman en 1961, ma grand-mère est absolument ravie. Si ma mère ne se sentait juive que lorsqu’on attaquait les Juifs, si elle n’a jamais fréquenté la moindre synagogue, le moindre cercle juif, la moindre organisa-

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tion parce qu’elle aurait eu le label juif, elle avait clairement et toujours conscience de ses origines : sa famille avait eu la vie sauve parce qu’elle avait fui l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, son oncle avait malheureusement été raflé et avait disparu dans les camps. Son nom est inscrit, mal orthographié d’ailleurs, sur le mémorial d’Anderlecht. Elle n’avait pas pu faire d’études classiques au lycée français de Casablanca qui n’acceptait pas les Juifs et sans le latin et le grec, elle avait peu de chance de pouvoir étudier la médecine comme elle en rêvait. Bref, Jacqueline Harpman se sentait juive, le disait et le répétait. Quand j’ai eu douze ans, ma grand-mère m’a offert pour mon anniversaire une étoile de David en or, toute petite avec une jolie chaîne. Elle m’a dit Ta maman est juive, tu es juive aussi, porte la, parfois, ça lui fera plaisir. Le cadeau a étonné ma mère. Puis mon grand-père est mort et la personnalité de ma grand-mère s’est déployée un peu plus… Néanmoins, ma grand-mère était toujours dans son histoire russe et l’Ukraine faisant partie de l’URSS, nous n’avons jamais posé de question mais nous avons grandi avec un imaginaire de troïka, de neige, de Docteur Jivago et des dizaines de romans russes que contenait la bibliothèque de ma grand-mère. Elle est morte le 15 décembre 1990 et le lendemain, nous avons

eu son acte de décès en main. C’est ainsi que nous avons appris que son père ne s’était jamais appelé Charles-Fédor ainsi qu’elle nous l’avait toujours dit mais Chaïkel. Nous avons trouvé dans son secrétaire un acte de naissance bien curieux et qui contredisait l’acte de naissance officiel, sur celui-là, elle était née en Ukraine, mais les recherches que j’ai faites par la suite montreront qu’en fait, elle est bien née en Belgique. Au milieu des années 90, une de mes étudiantes est une jeune Ukrainienne de Kiev, comme ma grandmère, croyais-je. Je lui parle de mes origines ukrainiennes et lui donne le nom de famille de ma grand-mère : Tartakowski et elle me répond sans hésiter que c’est un nom juif typique de là-bas, un peu l’équivalent de Maranne (cochon en espagnol) ou de Abfalle (détritus en allemand), des noms donnés aux Juifs par ceux qui ne les aiment pas. Tartakowski signifierait tartare, c’està-dire l’étranger, celui dont on ne veut pas. Les choses se clarifient enfin quand ma fille Louise décide de devenir bat-mitzvah et qu’elle entame au CCLJ une année d’études. Elle y apprend des tas de choses, elle lit la Torah, elle doit aussi et surtout faire un arbre généalogique le plus complet possible de sa famille. Que ça ne tienne, avec deux parents historiens, ça va être du gâteau ! Nous l’accompagnons dans ses recherches et nous trouvons plein de choses, nous remontons 6 à 7 générations en arrière, ce qui est facile puisque la plupart des ascendants ne sont pas belges.

Il faut savoir que la police des étrangers tenaient des fichiers parfaitement ordonnés et très bien remplis de tous ceux qui arrivaient en Belgique, nous n’avons donc aucun mal à retrouver les dossiers Tartakowski, le prénom du père de ma grand-mère y est bien Chaïkel, la mère de ma grand-mère s’appelait Manea et ses parents à elle Max et Rivkah Schwartz, ils vivaient dans cette curieuse région de la Russie Subcarpatique qui a changé de natio-

nalité régulièrement, ainsi Manea avait un passeport roumain, Chaïkel était apatride et ne venait pas du tout de Kiev mais de la région d’Odessa. Les troïka se sont éloignées et ont été remplacées par des palmiers. Avec tous mes papiers sous le bras, je suis allée voir mon père à qui j’ai raconté l’histoire de sa famille, des immigrants juifs fuyant sans doute les pogroms et la misère, passant par la Roumanie, vivant quelques temps à Varsovie avant de débarquer à Bruxelles où la misère a eu le dessus sur leur mariage. Hélène est encore

toute petite quand sa mère part, elle ne la reverra qu’une seule fois en 1936, après, elle disparait. Mon père a un choc terrible, il apprend que sa mère est une dissimulatrice, mais il commence aussi à comprendre certaines choses, certains choix, des goûts particuliers de sa mère, une façon d’être et de dire… Au sortir de sa bat-Mitzvah, Louise offre une kippa à son grand-père en lui expliquant que désormais, il sait qu’il est juif et qu’il doit la porter avec fierté. Léon Ploegaerts arrive quelques semaines plus tard de Montréal. Comme chaque année, il vient passer quelques semaines chez mon père. C’est un ami de toujours. Quelques années plus tôt, il avait séjourné plusieurs semaines chez Hélène. À lui elle dira j’étais une jeune fille juive, toute seule, dans cette famille très conservatrice, je n’en ai jamais parl​é et de toute façon, j’avais perdu la foi. Quand mon père est mort, nous avons appris avec stupéfaction ma sœur et moi qu’il avait fait savoir à l’hôpital qu’il était juif et nous avons eu toutes les peines du monde à leur faire admettre qu’ils pouvaient toucher le corps, qu’il n’y aurait aucune hevra kaddisha qui viendrait faire la tahara et j’ai retrouvé dans le veston qu’il avait emmené à l’hôpital la kippa que Louise lui avait offerte. Nous n’avons jamais su la place que le judaïsme avait occupée dans sa vie après cette découverte, mais elle méritait en tout cas d’être rappelée lors de son décès. Ainsi, les secrets de famille cesseront d’en être. n

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Pierre Puttemans Hommage au poète antonio moyano

N

é en 1933, mort en août 2013, Pierre Puttemans est un des Sept Types en Or de la revue Phantomas (1953-1980). Étant le plus jeune du groupe (et le seul survivant ?), il fut la cheville ouvrière d’une exposition à la Grand-Place retraçant l’aventure de Phantomas, avec la sortie d’un numéro POST-ULTIME en juin 2005. Le jour de son enterrement, le soleil était indigeste, accablant. Que de fois n’avais-je pas croisé sa route ! Et cependant je connaissais fort mal son œuvre, picorant tout au plus un poème parci, par-là, je n’avais aucune vue d’ensemble. Je l’avoue, il m’a fallu « un peu vieillir » avant de savourer pleinement ses livres. Et quel casse-tête si tu désires les lire tous puisque son œuvre a été éditée par de multiples petits éditeurs. Donc, si vous dénichez du Pierre Puttemans chez les bouquinistes, n’hésitez pas, prenez et emportez : Basse-cour, Olla Vogala, La Constellation du chien, Off Limits, L’Arroseur arrosé, L’Attagène des pelleteries, Les Carnets de Jean Avijl, Le Géographe, Transatlantique, Tchizes… L’homme m’intimidait. Grand et imposant, large carrure, fort caractère, le verbe-haut ; je lui voyais même un air de ressemblance avec les Nabuchodonosors des bas-reliefs babyloniens, c’est dire ! Et architecte, de surcroît, ouille-ouille ! La dame qui toujours l’accompagnait, elle par

contre, il a fallu longtemps avant que j’entende sa voix ; si je parle d’elle c’est que tous deux étaient/ sont inséparables. Au ThéâtrePoème, elle arrivait toujours «  quand c’était déjà commencé », et ses gestes avaient d’emblée quelque chose d’héraldique : des dix doigts s’ébouriffer les cheveux, s’allumer une cigarette tout en extirpant de son sac à main un cendrier portatif. Précision : en ce temps-là, l’écrivain c’était lui, Pierre  ; la grande notoriété de sa dame ne viendra que bien plus tard. Qui savait autour de moi que l’épouse de Pierre Puttemans avait déjà publié trois romans vingt ans auparavant, et même reçu le Prix Rossel en 1959 ? Et quand la dame muette comme un sphinx se révéla une romancière hors-pair sous le nom de Jacqueline Harpman (Prix Médicis, 1996) ce fut comme un feu de SaintElme ! Tout un pan de l’œuvre de Pierre Puttemans s’inscrit dans le sillage du : Voici l’intrépide explorateur ! Et où va-t-il ? Dans Le Monomotapa1 ou alors encore plus loin, là-bas au coin de la rue. Et dans quel but ? Pour étudier les us et coutumes de peuplades insoupçonnées. Et reviendra-t-il vivant pour tout nous raconter ? L’univers décrit par le «  reporter-envoyé-spécial » ressemble au nôtre mais en différé/différent. Ou est-ce le poète qui voit tout en « déformé » ? Et nous, on a des doutes, doit-on le croire sur parole ? Qui sait, ce ne sont que visions d’un barde farceur et facé-

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tieux ayant lampé trop de lambic ? Tant pis si ça vous semble bébête, je le dis tout de go : cette poésie provoque le syndrome du partage : de tels poèmes, on a envie de les lire aux gens qu’on aime : « Goûte-moi ça, une fois, tu vas t’en lécher les zygomatiques ! » L’aorte du rire bat en filigrane aussi bien dans sa poétique que dans sa morale. Une morale ? Oui, bien sûr, cela procède d’un choix délibéré : Refus de l’esprit de sérieux – Goût exquis pour l’étripage de la logique conventionnelle et pépère. Car ici, on recycle sans nulle indulgence le lyrisme larmoyant, l’idolâtrie sentimentale, les à-peu-près poético-bucoliques. Est-ce assez clair ou j’en rajoute une couche ? Voilà une poésie qui s’affûte à l’œil critique de la distanciation. N’at-elle pas des connivences avec les enjeux de l’Oulipo (OU-vroir de LI-ttérature PO-tentielle) : elle n’escamote ni ses procédés ni ses ficelles, bien au contraire, elle les exhibe par honnêteté. Ainsi la poétique de Pierre Puttemans se vivifie de ce qu’on peut appeler « le gag de la catastrophe », ce qui est positif c’est le Désordre. Mais aussi du Mécanisme car tout sans cesse est en mouvement, en charivari, en montage accéléré ultrarapide et kaléidoscopique. Souvent, le poème donne à voir une scène observée à travers une lucarne magique : « Sur scène, au moment où nous nous attendions le moins… ». On frôle souvent les burlesques du cinéma muet. Faut-

il une « clé spéciale » pour y entrer ? En voici un petit trousseau. N°1 Feindre la surprise. C’est le visage impassible de Harold Lloyd ou Buster Keaton, Laurel et Hardy : ils ont provoqué des catastrophes, un train-express écrabouille leur maison, cependant c’est leur nœud-papillon qui les préoccupe ! Ce type de syllogisme est récurrent dans bien des poèmes. N°2 La Répétition. Un type qui laisse tomber son chapeau une seule fois ? Bof, banal. Pour obtenir l’effet escompté, le chapeau doit tomber et retomber, etc. La Répétition – clin d’œil de complicité – noue en stoumelings un pacte de sous-entendus entre le lecteur et le poème. N°3 Le pince-sans-rire règne ici en maître. Parfois, le ventriloque sous le poème tire les vers du nez aux pontes positivistes de la Science-Toute-Puissante, à un Érudit-Je-Sais-Tout sentencieux et casse-pied. Et très vite ça dérape, ça se déglingue. L’aspect sérieux est corroboré par l’usage extravagant d’un lexique encyclopédique et très rare. N°4 Le Caviardage. Un texte copié/collé venu «  d’ailleurs  » sera altéré/amélioré/lardé systématiquement et de façon jubilatoire par un lexique issu d’un tout autre

domaine, par exemple (à vous de choisir). N°5 L’Accumulation, s’agglomérant à la nomenclature inévitable de la liste exhaustive, le bric-àbrac finit toujours par brouiller les pistes. Et puis tout s’effondre  ! N°6 Chercher l’intrus. C’est le mot ou l’adjectif aussi surprenant qu’incongru, et subitement le voici accolé à un autre mot alors que ni l’un ni l’autre n’ont un lien de cousinage ou de parenté. Ce télescopage de deux mots qui n’ont nulle raison de « s’enlacer » produit un effet « tique et moustique » : restons sur nos gardes, quelque chose cloche ! Et n’ayant détecté la bizarrerie qu’après coup, nous rions de notre déconvenue. N°7 La Prescription. Les poèmes de Pierre Puttemans fonctionnent aussi comme des descriptifs pour peintres figuratifs en manque d’inspiration  ! Que le poète se montre retors et sadique, c’est de bon aloi, pimentant à souhait la « scène à peindre », afin de rendre l’exécution aussi périlleuse qu’insurmontable. Comprenez-moi, ce n’est pas une poésie cherchant à tout prix à faire rire, on ne peut nullement l’apparenter aux billets de nos chroniqueurs radios, à l’humour quelquefois corrosif et désopilant, non. Mais tout de même, est-ce dû au hasard si Pierre Puttemans a préfacé le recueil de Thomas Gunzig Premières nouvelles ! ? Peut-on y voir comme une filiation ? Quant à moi, je croque avec infiniment de plaisir les granulés de mélancolie de L’Arbre du Voyageur (Éditions de l’Ambe-

dui, 1997) : « Et maintenant je vais mourir / Cela prendra vingt ans peut-être / Loin des hameaux serrés où coulent les fontaines / Loin des paparazzi mangeurs de fricassées / Je serai muet sourd allongé sur la mousse / Rêvant de vous / Rêvant à vous / Au bord des falaises de lichen et de lemmings furieux (…) Nous ne sommes jamais ce que nous croyons être / Dormeurs ébouriffés lansquenets lampadaires / Un geste nous trahit nous mordons la poussière / Acariens gastronomes / Espadons assoupis / Pendus par la nageoire à côté des échoppes / Kamasoutras de contrebande / Atlantes / Yeux mi-clos sur les banquettes / Nous attendons les contrôleurs / Fautil aller si loin le bonheur est ici ». Et dans Facéties (Atelier de l’Agneau, 2013) : « Qu’ai-je fait de ma vie qui va se terminer ? Peutêtre quelques calembours, un rêve ou deux, inachevés. Le temps s’écoule comme une soupe, un potage nauséabond. (…) On enveloppera tout cela, un jour proche ou lointain, dans le quotidien du matin ou un linceul de mépris. » Dédiant un poème à son ami François Jacqmin (1929-1992), dans Un pays de vergers, paru en 1979, je crois que Pierre Puttemans parle aussi de lui-même : « Je suis discret sur le raz de marée. On peut m’interroger, je resterai muet. Je laisse à d’autres le soin de nourrir le tragique. Je trimballe un harmonium hors d’usage, pour sacrifier à la mode. Mais il reste dans le coffre de ma voiture, où nul ne soupçonne sa présence. » n Le Monomotapa, avec des dessins de Jacques Jauniaux (Les Arts Narratifs Éditions – La Louvière, 2009 + un CD avec la lecture de Maurice Boyikassé)

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réfléchir AIU jacques aron

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es anniversaires des grands événements historiques, de ces césures qui scandent notre perception du temps, sontils devenus de simples rituels ou l’occasion d’une plongée salutaire dans le monde de nos parents, grands-parents, aïeux, dans leurs espoirs et déceptions ? Un exercice d’hygiène mentale indispensable et difficile, dans la mesure où il nous faut absolument adopter la discipline de l’historien, c’est-à-dire la capacité critique de faire abstraction de notre expérience et de notre savoir actuels, de notre connaissance d’un monde qu’ils n’ont pas vécu, qu’ils ont même souvent été empêchés de vivre. Nous sommes entrés ainsi en 2014 dans un long processus de remémoration de la Première Guerre mondiale, dont on ne sait vraiment si elle a pris fin en 1918, ou avec sa réplique de 19391945, ou bien plus tard encore. Nous qui appartenons, dit-on, au peuple du Livre, on devrait dire des livres, tant il en existe d’excellents qui accompagnent et forgent notre destin, n’avons que l’embarras du choix dans cette manne providentielle, inépuisable et qui ne cesse miraculeusement (c’est un athée qui vous le dit) de déverser ses produits. N’ayant qu’une (trop) courte vie pour me poser tant de questions, je ne répugne pas aux progrès de la technique et ne me déplace plus désormais sans ma bibliothèque virtuelle, où tous

mes livres sont enfin bien rangés, facilement accessibles, sans autre limite apparente que ma propre aptitude à en faire bon usage. Pour me faire une idée de l’avant-1914, du monde d’hier comme disait Stefan Zweig, j’y ai chargé – bien qu’il ne pèse plus – Cinquante ans d’histoire. L’Alliance israélite universelle (18601910)1. Dans combien de pays, ce sigle formé de trois voyelles : AIU, ne fut-il pas célèbre, quasi dans le monde entier, au point d’avoir engendré ce fantasme du complot mondial juif qui devait culminer après la Première Guerre mondiale sous la forme des Protocoles des Sages de Sion. Plongé dans ce livre, il ne m’a plus quitté avant d’avoir dévoré ses quelque 1.100 pages, tant elles regorgent de récits de vie divers, situés parfois aux antipodes, et de luttes pour une vie meilleure et plus digne. Narcisse Leven, bien modeste malgré son prénom, membre fondateur de l’AIU en 1860, et qui en fut successivement secrétaire, vice-président et finalement président, s’est attaché malgré ses lourdes tâches à nous laisser cette trace indispensable de l’activité de la première association juive à portée mondiale qui devait servir d’exemple à tant d’autres, successivement à Londres, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg, etc… Né trois ans après la création de la Belgique, Leven meurt en 1915. En 1913, sa monumentale histoire est quasi terminée, dont le second volume ne pourra voir le jour qu’en 1920, dans une

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Europe dont il ne connaîtra pas les bouleversements, mais dont sa conclusion pessimiste laissait entrevoir les dangers, pour la condition juive notamment, à l’amélioration de laquelle il avait consacré sa vie. Ce que l’on réalise mieux en parcourant ces pages, c’est à quel point la seconde moitié du 19e siècle fut la période de la dispersion mondiale des Juifs, en quelque sorte de la dispersion de la diaspora au sens traditionnel, à laquelle l’émancipation révolutionnaire avait eu l’ambition de mettre fin. Et cette émigration massive à partir des centres les plus peuplés de la judéité n’allait faire que reprendre de plus belle après la Première Guerre mondiale. « Aussi l’exode qui a commencé il y a quarante ans, ne s’arrête-til pas, on peut estimer à près de deux millions le nombre des Israélites qui, sortis de Russie, se sont répandus dans tous les pays du monde ; ils sont libérés, ceux-là, ils le sont définitivement, et c’est le tiers de la population juive de ce pays ; il est vrai que les vides produits par cet exode sont comblés en grande partie par l’excédent des naissances. Mais l’exode continue, et plus de cent mille Israélites s’en vont tous les ans. Cet exode, loin de s’affaiblir, ira croissant si le régime du pays ne change pas. »2 L’essentiel du bilan dressé par Narcisse Leven tient d’une part à la vaste action diplomatique entreprise depuis Paris pour pe-

ser sur le sort des Juifs non encore émancipés politiquement, ou dont l’émancipation est combattue depuis 1880 par les différents mouvements qui se sont donné le nom d’antisémites, et d’autre part à l’effort énorme d’instruction dont les écoles de l’Alliance seront partout les vecteurs, du primaire au supérieur, de la formation professionnelle pratique à l’enseignement académique. « La politique tracée par l’Alliance, il y a plus de cinquante ans, a subi l’épreuve du temps. […] Partout on s’est mis à l’œuvre, avec elle ou à côté d’elle. En continuant à marcher dans le même sillon, quels progrès n’aurait-on pas faits encore  ? Mais est-on resté fidèle à cette politique ? Longtemps on ne s’en est pas écarté. C’est seulement depuis quelques années, qu’un esprit particulariste s’est, sous des

formes diverses, dans certaines régions, substitué aux vues d’ensemble qui avaient jusqu’alors dirigé le judaïsme. Il a inspiré une politique dont le sionisme est le prototype. Le sionisme n’est pas né en Autriche, mais c’est là qu’il a pris corps, dans la tourmente de l’antisémitisme. De nobles esprits comme Hess en Allemagne, le Dr Pinsker en Russie pensaient que, traités en parias dans leur pays d’origine, les Israélites ne trouveraient la garantie du droit que dans la constitution d’un État juif et entourerait les Israélites, même hors de leur État propre, du même respect qu’on accorde partout aux citoyens des autres nationalités existantes. […] Herzl y a cru sincèrement et l’a prêchée avec conviction. […] Mais il est mort sans avoir réalisé son rêve. L’idée politique de l’État

palestinien lui a-t-elle du moins survécu ? Herzl a eu des continuateurs. Ils ont repris, mais avec une foi attiédie, l’idée de la constitution de l’État juif en Palestine, ils l’entretiennent par une abondante publicité, par des partisans répandus partout. Mais sur quels esprits agit-elle encore ? […] Il convenait ici de rendre justice aux intentions du sionisme, même si elles ne se sont pas toujours accordées avec celles de l’Alliance. Aussi bien n’est-il qu’un des aspects du mouvement d’ensemble qui pousse le judaïsme dans la voie de destinées nouvelles, mouvement qu’on peut suivre dans toutes les régions du monde et que favorisent à la fois l’effort propre des Juifs et les progrès de la civilisation générale. […] En Europe comme en Amérique, les Israélites donnent les plus brillants témoignages de leur valeur morale et sociale et de leurs facultés d’adaptation aux milieux les plus éclairés. »3 Et la mission de l’Alliance, l’auteur la résumait finalement sous la plume d’un penseur français : « S’inspirer des prophètes et des aspirations messianiques, travailler, avec l’aide de Dieu, à l’avènement du règne de la Justice et de la paix entre les hommes et les peuples, c’est une tâche qui peut suffire à l’ambition des juifs des deux mondes… »4 Qu’en reste-t-il après deux guerres sanglantes ? ​Le tournant de 1914-18 a certainement enseveli une grande part des aspirations universalistes de l’AIU sous les décombres des affrontements chauvins. n N. Leven, Félix Alcan, Paris, tome I (1911), tome II (1920). Source : Gallica.bnf.fr de la Bibliothèque nationale de France. 2 Idem, tome II, p. 549. 3 Idem, p. 550 et suivantes. 4 Anatole Leroy-Beaulieu, Les immigrants juifs en Europe et aux États-Unis, Librairie nouvelle, Paris, 1905. 1

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! ‫יִידיש ? יִידיש‬

Yiddish ? Yiddish ! par willy estersohn

‫װאסער ָאן לשון‬ ַ

Traduction La mer/a, de son flanc,/arraché une côte/et dit :/Va !/allonge-toi là-bas,/sois une marque de ma grandeur,/ de ma puissance./Va !/sois une trace. Le canal s’étire à ma fenêtre,/muet. Quoi de plus triste/que l’eau/sans voix.

Vaser on loshn Eau sans voix

Revoici Malka Heifetz-Tussman (Malke Kheyfets-Tuzman) déjà rencontrée dans cette chronique en mai 2012. Née en Ukraine dans les années 1890 (entre 1893 et 1896), Malka Heyfetz arrive à Chicago en 1912. À partir de 1918, elle publie poèmes, essais et nouvelles dans des revues américaines et européennes de langue yiddish. Et également dans des journaux, notamment Fraye arbeter shtime (La Voix ouvrière libre), liée au mouvement libertaire juif. « Fortement personnelle et féminine, la poésie de Tussman atteint souvent une force dramatique lorsqu’elle s’adresse à un interlocuteur : le lecteur ou Dieu » (The Penguin Book of Modern Yiddish Verse). Le mutisme du canal, dont il est question ici, incarne-t-il la femme qui n’a pas obtenu voix au chapitre ?

‫מײנע ֿפענצטער‬ ַ ‫בײ‬ ַ ‫נאל‬ ַ ‫קא‬ ַ ‫ליגט דער‬ fentster

mayne bay

kanal

der

ligt

.‫שטום‬ shtum

‫נאך טרויעריקער ַזײן‬ ָ ‫װאס קען‬ ָ zayn

troyeriker

nokh ken

vos

‫װאסער‬ ַ ‫װי‬

‫דער ים‬ yam

der

‫האט ֿפון ַזײן ַזײט‬ ָ zayt zayn fun

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‫ַא ריּפ ַארויסגעריסן‬ aroysgerisn

rip

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: ‫געזאגט‬ ָ ‫און‬ gezogt

un

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,‫גײ‬

loshn on

,‫דארטן‬ ָ ‫לײג זיך‬

vaser

.‫ָאן לשון‬

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dortn zikh leyg

‫ַזײ מיר ַא סימן ַאז איך בין‬

bin ikh az simen a mir zay

,‫גרויס‬ groys

.‫מעכטיק בין איך‬ ikh bin

mekhtik

,‫גײ‬

remarques

‫ים‬

yam (hébr.) = mer (masculin en yiddish). ‫ לשון‬loshn (hébr.) = langue, langage (voir aussi : ‫שּפרַאך‬ shprakh) ; ‫ ָאן לשון‬on loshn = sans voix ; langue (anatomie) = ‫ צונג‬tsung. ‫ ַארויסגעריסן‬aroysgerisn : part. passé de ‫ ארויסרַײסן‬aroysraysn = extirper. ‫ רַײסן‬raysn = déchirer ; arracher. ‫ סימן‬simen (hébr.) = signe, indice. ‫ מעכטיק‬mekhtik = puissant ; ‫ מַאכט‬puissance. ‫ טרויעריקער‬troyeriker : comparatif de ‫טרויעריק‬ troyerik = triste ; ‫ טרויער‬troyer = tristesse.

gey

.‫ַזײ מיר ַא סימן‬ simen a mir zay

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anne gielczyk

À l’Ouest, rien de nouveau

D

rôles de vacances. Ça a commencé dans le train qui m’a amenée à l’aéroport. Un jeune homme, la bonne trentaine, d’apparence « peace and love » (cheveux longs, collier en coco) est venu s’asseoir en face de moi. Il m’a demandé combien de temps pour l’aéroport, il avait son avion à 16 heures (il était 14:30). - Où allez-vous? - En Israël. - Oulà ! Ça risque d’être juste, les contrôles sont longs et sévères, surtout en ce moment, lui dis-je, faisant allusion à Gaza. - Je suis citoyen israélien, ça devrait aller... Ça alors ! Un Israélien ! Savaitil qu’à deux pas de nous, une grande manifestation contre cette guerre se préparait à démarrer ? - Eh oui, le monde entier manifeste, dit-il en souriant, même en République dominicaine où ils n’ont jamais rien eu à voir avec les Juifs ! Je le sais, c’est là que je vis actuellement. Et de m’expliquer en long et en large la situation en Israël. On sent qu’il n’en est pas à sa première conversation sur le sujet. - Vous savez, j’ai de la famille en Israël, je l’interromps. Mais, je n’arrive pas vraiment à parler avec eux, j’ajoute. - À qui le dites-vous, l’atmosphère en Israël est

irrespirable. On se croirait en URSS du temps de Staline. Ou dans les années trente en Allemagne. Et vous, où allezvous ? - À Berlin justement! - Ah, c’est mieux, sourit-il. - Ou…oui, aujourd’hui, c’est mieux en effet.

M

e voici donc à Berlin. En vacances. Enfin, j’essaie. Pas mécontente d’échapper à cette nouvelle crise de Gaza. Une impression de déjà vu. Pondre des communiqués, donner des interviews en pesant chaque mot parce qu’on nous attend à tous les tournants, décider s’il faut et à quels rassemblements participer. Faire face aux insultes et à l’hystérie de la communauté, aux dérives antisémites, toutes inévitables, comme le sont malheureusement les roquettes du Hamas et la pluie de bombes sur la population de Gaza. Le prix à payer pour bientôt cinquante ans d’occupation. J’échapperai à tout ça, me suisje dit égoïstement. C’était sans compter avec le mail et les réseaux sociaux ! Et avec cette conscience qui nous ronge… Car en cet été 2014, j’ai bien peur, qu’on soit à Berlin, à Bruxelles ou à Saint-Domingue, nous sommes tous à Gaza. En Belgique, les politiques se taisent dans toutes les langues

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et concoctent leurs petits projets gouvernementaux. L’opinion publique, elle, est de plus en plus hostile à la politique israélienne. Même en Flandre, les esprits s’échauffent: un médecin refuse de soigner une nonagénaire juive, « qu’elle aille faire un tour à Gaza, elle ne sentira bientôt plus rien » ; un boulanger CD&V de Deurne, lauréat 2014 du prix du commerçant le plus sympa de la ville (photo dudit boulanger et son épouse affichant un grand sourire en posant derrière leurs couques au chocolat), déclare comprendre pourquoi jadis les « Allemands avaient voulu exterminer les Juifs ». Un virologue réputé de l’Université de Leuven, qui dénonce à juste titre les crimes de guerre de l’armée israélienne, se lâche et lance le concept de « Gazacaust », « Gazacide » en bon français. Il dit très exactement « je m’efforce de ne PAS utiliser le mot Gazacaust ». Ce faisant, il l’utilise. Il dit aussi qu’Israël a épuisé son « crédit historique » (son capital sympathie depuis le judéocide). Joods Actueel, l’organe de la communauté juive d’Anvers essaie de parer à tous les coups et tire sur tout ce qui bouge, pas toujours de façon efficace. Un peu comme les roquettes du Hamas. Dans la plupart des cas on arrive à les intercepter avant qu’elles ne tombent. La

réponse d’un de leurs rédacteurs, Guido Joris, à Marc Van Ranst, le virologue en question, en est un bel exemple. Si Marc Van Ranst pouvait lui préciser ce que ses parents et ses grandsparents avaient fait pour sauver des Juifs pendant la guerre car il ne les a pas trouvés dans la liste des « Justes parmi les Nations ». Réponse fastoche, les parents étaient encore enfants et les grands-parents, modestes paysans, essayaient juste de survivre, pas un seul Juif à l’horizon dans leur village flamand. Michaël Freilich, le rédacteur en chef de Joods Actueel, lui, nous fait l’inventaire des dilemmes auxquels sont confrontés, selon lui, les Israéliens. Après avoir brossé un tableau poignant du quotidien des « millions d’Israéliens » obligés de se passer d’un bain depuis des semaines parce qu’ils n’ont que 15 secondes après une alarme pour se réfugier dans leurs abris (sans un mot bien sûr pour les Palestiniens, sans abris, et sans bains d’ailleurs), il constate à sa « grande surprise » qu’Israël peut maintenant compter sur le soutien de l’Égypte qui n’a de cesse de critiquer le Hamas. On reste rêveur devant tant de candeur, ou serait-ce de la mauvaise foi ?

M

ais soit, je suis en vacances. À Berlin. Les plus fidèles d’entre vous se rappelleront que j’y étais déjà l’année dernière. Un bon plan pour les vacances d’été, Berlin. On peut y faire du vélo facilement, la ville est plate, étendue, aérée, propre. Pas un sac poubelle à l’horizon, pas la moindre crotte de chien par terre. La température est

bonne, le soleil généreux avec quelques pluies éparses, juste ce qu’il faut pour arroser la verdure omniprésente. Les lieux publics sont nombreux et bien fréquentés, l’ambiance conviviale, les Berlinois charmants. Les lacs pour se baigner sont à quelques stations de métro du centre. Par temps de pluie, ce ne sont pas les bons musées qui manquent. Ce qui ne gâche rien, Berlin regorge de guinguettes et de terrasses où il fait bon manger à l’ombre des platanes et des fameux tilleuls. Il y a des supermarchés bios à tous les coins de rue et les restaurants sont bons et pas chers pour qui connaît les bonnes adresses. La cuisine est diverse et variée : allemande, viennoise, italienne, espagnole, turque… J’ai même découvert un restaurant israélien. Enfin, ça ne m’a pas sauté aux yeux tout de suite. Je m’en suis rendue compte une fois installée, en consultant la carte (pita fallafel, salade israélienne). J’aurais du boycotter cet établissement me dites-vous ? Question épineuse, qui m’a traversé l’esprit figurez-vous, mais vous conviendrez avec moi qu’un resto israélien à Berlin, ce n’est pas à proprement parler un produit Made in Israel et sûrement pas dans les colonies. Et puis, le propriétaire est peutêtre un refuznik, qui sait ? Au sixième étage du KaDeWe (Kaufhaus des Westens en toutes lettres, ou Grand Magasin de l’Ouest), le célèbre grand magasin de luxe, un autre dilemme attend le Juif progressiste et néanmoins gourmand. Parmi les délicatesses diverses et variées et pas toujours très cashères (poissons fumés, langoustes, homards, saucisses, brust, chocolats suisses, fromages français…), vous avez

le choix entre pas moins de six sortes de marques de matzes, à la farine blanche ou complète, petit ou grand format, de forme ronde ou carrée, et tout ça casher ou pas casher. Question, qu’est-ce qui est plus casher ? Les matzes de la marque Aviv certifiés par le rabbinat ou ceux de la marque Hollandia, non certifiés mais fabriqués comme son nom l’indique… aux Pays-Bas, un pays qui n’occupe rien, si ce n’est peut-être l’Ardèche en été.

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erlin, ville décidément casher, elle, regorge de signes faisant allusion à la présence des Juifs, hier et aujourd’hui. Partout on tombe sur des plaques commémoratives, des monuments, des musées, des synagogues, des cimetières, des noms de rues de Juifs célèbres, sans oublier les Stolpersteine, les fameux pavés de la mémoire. Si la Deuxième Guerre mondiale est omniprésente, on y commémore aussi la Première Guerre mondiale. Sobrement et discrètement, car la Première Guerre mondiale reste pour l’Allemagne, « la catastrophe matricielle », la Urkatastrophe de l’histoire du XXème siècle en Europe, selon l’historien Etienne François1. En Allemagne, nous dit–il, « l’opinion publique a largement fait sienne l’idée que cette responsabilité est liée à la persistance d’un régime politique autoritaire et militariste (L’Empire), et que la guerre a été motivée par un nationalisme exclusif et une volonté annexionniste ». A méditer… en Israël et ailleurs. n La mémoire allemande de la grande guerre, in Revue des Deux Mondes, janvier 2014.

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activités

Gemeenschapcentrum Wabo Delleurlaan 39-43, 1170 Brussel

du samedi 13 au samedi 20 septembre

Samedi 20 à 10h30 Plantation d’un olivier de la paix Samedi 20 à 11h Film Documentaire sur les villages bédouins non reconnus réalisé par Solidarity

La Plateforme Watermael-Boitsfort Palestine et l’Union des Progressistes Juifs de Belgique vous invitent à une semaine de films, conférences-débats, rencontres, expositions de photos, concert

Israël Palestine au-delà des préjugés Un conflit qui dure, une occupation militaire interminable. Un sentiment d’impuissance, de lassitude, d’indifférence. Tant de résolutions sans effet, de déclarations creuses. D’espoirs à chaque fois déçus. Le tout traversé par la révolte, la peur, la violence, la haine parfois. De chaque côté de ce mur érigé en silence, de ces colonies qui grignotent la terre, accaparent l’eau du voisin, des enfants grandissent dans une grande méconnaissance de « l’autre » et de son histoire. Un fossé se creuse, de plus en plus profond. La paix entre ces deux populations sera-t-elle un jour possible ? À quel prix ? La Plateforme Watermael-Boitsfort Palestine et l’Union des progressistes Juifs de Belgique vous proposent une réflexion sur le vécu de ces populations, leurs aspirations, leur combat, leurs contacts, avec l’éclairage de personnalités tant israéliennes que palestiniennes.

Espace Delvaux Rue Gratès, 3 à 1170 Bruxelles

Samedi 13 à 10h45 Rencontre autour d’un livre Les matins de Jénine de Susan Abulhawa,

2008 –

with Bedouins, projection suivie de témoignages – entrée libre

Samedi 20 septembre de 14h à 18h30 à l’Espace Delvaux Colloque Regards croisés sur les sociétés israélienne et palestinienne 14h Introduction – présentations. Modérateur : à déterminer 14h15 à 15h30 La jeunesse Les conséquences de la répression israélienne sur l’état psychologique des enfants palestiniens ou comment grandir dans un pays sous occupation. Intervenante : Dr. Souha Mansour-Shehadeh, pédopsychiatre à la Bethlehem Arab Society for Rehabilitation, Beit Jala, Palestine. Qu’est ce que être occupant ? Comment cela se traduit-il dans l’éducation des enfants, dans les manuels scolaires ? Intervenante : Dr. Nurit Peled-Elhanan, professeure de sciences du langage à l’Université hébraïque de Jérusalem, prix Sakharov pour les droits de l’homme et la liberté de pensée 2001, membre duTribunal Russell sur la Palestine 2009-2013. 15h30 Filmw My neighbourhood, documentaire réalisé par Julia Bacha et Rebekah Wingert, USA,

au bar de l’Espace Delvaux – entrée libre.

2012.

Mardi 16 à 18h Vernissage de l’exposition de photographies Israël Palestine, territoires déchirés. Du 16 au 28 septembre – à la galerie Verhaeren, 7 rue Gratès .

Pause

Exposition de l’association israélienne New Profile sur La militarisation de la société israélienne – au bar de l’Espace Delvaux – du 16 au 20 septembre. Mercredi 17 Ouverture de l’année aux « cinés Apéros » de l’Espace Delvaux Mercredi 17 À 18h Inch’Allah d’Anaïs Barbeau-Lavalette, Canada, 2012 Mercredi 17 À 20h30 Omar de Hany Abu-Assad, Palestine, 2013

16h30 à 17h45 La société civile Comment vit et s’organise, aujourd’hui, la société civile en Israël ? Comment perçoit-elle ses rapports avec les Palestiniens ? Quelles initiatives de contact ? Intervenant : Michel Warschawski, journaliste militant pacifiste israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem. Comment s’organise, aujourd’hui, la société civile palestinienne pour « survivre » ? Quelles initiatives de reconstruction du tissu social ? Intervenant : Dr. Saleh Abdel Jawad, historien, professeur à l’université de Birzeit, Bethlehem.

Projections suivies de débat animé par Nathalie Janne d’Othée de l’Association Belgo-Palestinienne (6/5/3,5€)

17h45 à 18h30 Table ronde avec les intervenants, animée par le modérateur. (5/4/3,5€)

Jeudi 18 à 10h et 13h Séance scolaire : film My neighbourhood de Julia Bacha et Rebekah

de 18h30 à 20h30 Petite restauration orientale

Wingert, USA, 2012, suivi de débat. Sur inscription au 02.660.43.39 ou 0479.64.19.81 Jeudi 18 à 20h Les Juifs et Israël, au-delà des préjugés. Soirée organisée par l’Union des Progressistes Juifs de Belgique avec interviews filmés par Serge Simon ; historique par Michel Staszewski, professeur d’histoire ; témoignages de Tessa Parzenczewski et Henri Wajnblum. Débat animé par Sam Biesemans, expert en politique UE des relations internationales (3/2€)

Vendredi 19 à 20h La Palestine au-delà des préjugés. Conférence d’Elias Sanbar, représentant de la Palestine auprès de l’Unesco, historien, poète, essayiste. Débat animé par Marianne Blume de l’Association Belgo-Palestinienne, professeure de langue à l’université El-Azhar de Gaza de 1995 à 2005. (5/4/3,5€) septembre 2014 * n°348 • page 22

20h30 Soirée de

clôture Concert Charles Loos (piano) et Natacha Wuyts (chant)

La Plateforme Watermael-Boitsfort Palestine, est un groupe de femmes qui, lors de voyages en Palestine/Israël, ont découvert à quel point, la situation sur place ne correspond pas à la perception que l’on en a ici. Elles ont désiré permettre à un public curieux de se questionner, de revoir les clichés véhiculés par des informations partiales ou incomplètes... de jeter un autre regard sur ces populations. Avec le soutien de la Fondation Böll

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activités Dans le cadre de la Journée Nationale du Martyr Juif de Belgique L’Union des Déportés Juifs en Belgique – Filles et Fils de la Déportation

Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

Jeudi 11 septembre

vous appelle à participer au

58ème Pélerinage National à l’ancienne Caserne Dossin à Malines Rue Goswin de Stassart 153

Le dimanche 7 septembre 2014 à 11h Rassemblement devant la caserne dès 10h30 Départ des autocars à 9h30 Bruxelles : Place Rouppe Antwerpen : Loosplaats Pour voir le futur, il faut regarder derrière soi

club Sholem-Aleichem

Isaïe

dimanche 5 octobre à 16h

Des terroristes à la retraite Un film de Mosco Boucault (84’ – 1985) Introduction Elias Preszow Il n’y a pas si longtemps j’ai vu un film. « Bordure protectrice » n’avait pas encore eu lieu. C’était avant, mais par contre, j’ai vu ce film après « Plomb durci ». Voilà pour le calendrier, le film, lui, a été réalisé dans les années 80, par un certain Mosco. Son titre : « Des terroristes à la retraite »… Après l’avoir vu sur Arte, je me suis dit deux choses : la première était que je voulais le revoir, et, plus précisément, le montrer à un ami, le revoir avec un ami ; la seconde était que ce film racontait l’histoire, une histoire, qui pourrait être celle de l’Upjb, telle que je l’imagine. Glorieuse, pathétique, tour à tour, elle est celle de ces vieux résistants immigrés (des Juifs de l’Est), qui ont pris les armes, et puis qui furent oubliés. Sciemment oubliés. Car ce film, comme une enquête – ou peut-être un jugement à charge - , montre comment ces quelques hommes à l’accent yiddish ne furent plus si nécessaires dans le récit d’une France dont l’imaginaire national meurtri désirait plutôt l’homogénéité de couleur sur l’affiche, futelle rouge, qui vantait les rares héros de la patrie… Qui sont les terroristes aujourd’hui, comment avons nous encore le choix des armes dans ce temps où du rouge ne reste que le sang des vaincus, et la chanson de Ferré. Si ce film, bien sûr, ne donne aucune réponse, peut-être nous permettra-t-il d’attaquer la rentrée avec un décalage vital face à l’urgence du désastre omniprésent. Elias Preszow

La saison 2014-2015, commencera par un concert en 1ère partie de l’après midi et sera suivie d’une discussion « bilan de la saison passée ». Noé (Preszow), vingt ans, ancien moniteur du groupe des « Mala » à l’UPJB-jeunes et collaborateur occasionnel à Points Critiques. Il est auteur, compositeur, interprète. Il reviendra à ce titre donner un récital de plus ou moins une heure au cours duquel il chantera quelquesunes de ses chansons qu’il mêlera à un répertoire proche de la Maison.

Jeudi 18 septembre

Henri Goldman, architecte, rédacteur en chef de la revue Politique nous entretiendra du sujet suivant : Après les élections du 25 mai, analyse et perspectives. Les élections du 25 mai vont sans doute déboucher sur une petite révolution politique. Au moment d’écrire cette présentation (5 août), tout indique que le PS va quitter le gouvernement fédéral après 25 ans de présence ininterrompue et que la N-VA, parti nationaliste-indépendantiste devenue la première force politique en Belgique, va s’y installer. Les rapports entre le Nord et le Sud, entre la gauche et la droite, vont se trouver modifiés. Pour le meilleur ou le pire ?

Jeudi 25 septembre

Erri De Luca, une voix de Naples et d’ailleurs. Par Tessa Parzenczewski, chroniqueuse littéraire à Points critiques. Militant d’extrême-gauche, longtemps ouvrier sur un chantier, Erri De Luca bâtit une œuvre singulière, d’une intensité rare. Nourri de son enfance napolitaine, entourée de livres, de ses luttes, des langues apprises, dont l’hébreu et le yiddish, il enregistre les soubresauts de notre monde, brasse individus et foules, multiplie les modes d’expression : romans, chroniques journalistiques, poèmes. Il est aujourd’hui l’une des figures majeures de la littérature italienne.

Jeudi 2 octobre

Pascal Decraye, enseignant et mono bien connu de plusieurs générations d’enfants. Né dans une famille modeste (père ouvrier et mère au foyer) Pascal termine ses études secondaires supérieures à St Luc. Il y entreprend des études d’architecture et c’est là qu’il rencontre Elie Gross qui lui propose d’être moniteur dans la colonie de vacances de l’UPJB à Grupont. La découverte de ce milieu juif de gauche sera le point de départ d’une nouvelle orientation dans ses études qu’il poursuit brillamment. Pascal nous parlera de son parcours upjibien et professionnel peu banal.

Points critiques présente à ses lecteurs, membres de l’UPJB et abonnés, ses meilleurs voeux à l’occasion de la nouvelle année 5775

‫ַא גוט יָאר‬

PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

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activités

histoire(s)

vendredi 10 octobre à 20h15

Des Juifs en fuite

Question juive, question noire

La détermination des victimes de l’Endlosung à fuir, une étude de Insa Meinen et Ahlrich Meyer

Conférence-débat avec

Patrick Siblerstein,

co-éditeur avec Danièle Obono du recueil de textes de Léon Trotsky Question juive, question noire (Syllepse, 2011) Présentation Daniel Liebmann Double paradoxe qu’offre ce livre. Tout d’abord celui de discuter de la question noire américaine en écho à la question juive dans la Russie tsariste, au cours de la Révolution russe puis à l’époque stalinienne et à la veille de la destruction des Juifs d’Europe. Ensuite d’organiser ce débat autour des réflexions du fondateur de l’Armée rouge : Léon Trotsky, lequel séjourna à New York en 1917 et ne revendiquait aucune judéité, bien que nombre de ses adversaires aient manié l’argument antisémite contre lui. Trotsky, adversaire de Staline qui devait le faire assassiner en 1940, est un des plus illustres dirigeants de la Révolution d’octobre 1917. Son expulsion d’URSS le conduit à entretenir des relations avec ses camarades américains qui devaient lui faire partager leurs préoccupations politiques sur la question noire. Par ailleurs, la montée du nazisme, son pronostic d’une guerre mondiale dans les années 1930, l’amènent à considérer à nouveau la question juive en Europe et ses conclusions seront tristement prophétiques quant à l’extermination à venir des communautés juives européennes. De la lecture des textes de Léon Trotsky qui traitent de ces deux questions, on comprend que ce paradoxe n’est qu’apparent. Les formes d’oppression des deux minorités dans des situations nationales particulières ont beaucoup en commun : pogroms/lynchages, Bund /parti noir, retour vers la Palestine/Afrique, revendications culturelles, particularisme/universalisme… et les moyens d’émancipation de deux communautés respectives tout autant compliqués. Comment défendre ses droits lorsqu’on est minoritaire, victimes d’un racisme ancestral ? Patrick Siblerstein est co-fondateur des éditions Syllepse et du collectif antifasciste « Ras l’Front ». Il a publié (avec Patrick Le Tréhondat) Vive la discrimination positive. Plaidoyer pour une République des égaux (Syllepse, 2004) et L’ouragan Katrina (Syllepse, 2005). PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

Musée juif de Belgique Nous apprenons en dernière minute que le Musée juif de Belgique rouvrira ses portes le 14 septembre à l’occasion de la Journée européenne de la Culture juive.

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Frank Caestecker, historien et chercheur spécialiste de l’immigration est professeur à l’université de Gand. Il est, entre autres, l’auteur avec B. Moore de Refugees from Nazi Germany and the Liberal European States

L

’ouvrage d’Insa Meinen & Ahlrich Meyer Verfolgt von Terrain zu Land. Jüdische Flüchtlinge in Westeuropa 1938-1944 (Paderborn : F. Schöningh, 2013) se penche sur la fuite des réfugiés juifs, un thème qui a suscité de nombreuses études au cours des dernières décennies. Ces études se sont la plupart du temps limitée à un seul pays dans le cadre des années ‘301. Cette étude-ci est transnationale car elle traite de la fuite des Juifs dans un espace géographique plus large. Elle diffère également dans le traitement des deux périodes distinctes de l’antisémitisme nazi, le temps de l’expulsion (1939-1941) et le temps de l’anéantissement (1942-1944). Les études sur le judéocide et sur les réfugiés se rencontrent dans ce livre. Les deux auteurs, qui ont gagné leurs galons dans la recherche sur le judéocide – Meinen sur le cas belge et Meyer sur le cas français – approchent cette fois-ci l’extermination des Juifs à travers le prisme de la fuite2. Ils reconstruisent la tentative (infructueuse) de Juifs d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique d’échapper, entre 1938 et 1943, au génocide nazi. Ils placent les réfugiés au centre,

mais sans les laisser parler euxmêmes. Nous n’entendons ces réfugiés que de manière indirecte; ce qu’ils disent est cité dans des documents administratifs. L’objet principal de l’ensemble du livre est quand et comment ils ont essayé de fuir. Meinen et Meyer ont choisi cette approche parce qu’ils pensent que le récit de la fuite est monopolisé par les réfugiés juifs qui ont survécu au judéocide. Par contraste, ils racontent l’histoire de ceux qui ont fui, mais dont la fuite a in fine échoué et s’est terminée par leur assassinat. Les seules traces de leurs décisions figurent dans les documents d’archives laissés par les autorités en charge de la gestion de la mobilité de ces réfugiés. Il faut chercher parmi des milliers de fichiers pour obtenir une image, parfois encore floue, des tentatives désespérées de ces réfugiés pour se retrouver en sécurité. La première moitié du livre analyse la fuite des Juifs de la Grande Allemagne vers la Belgique à partir de 1938. La plupart de ces Juifs vinrent sans invitation. Leurs demandes de visas ont été pour la plupart rejetées. Des faussaires leur ont fourni au prix fort de faux visas. Les Juifs qui ne pouvaient obtenir de faux visas de bonne

qualité devaient s’en remettre aux passeurs pour circonvenir les gardes-frontières belges et, à partir de novembre 1939, également leurs homologues allemands. Malgré leur entrée illégale, ils étaient tolérés sur le territoire belge. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la politique d’immigration belge devint plus restrictive : quatre mille réfugiés environ furent internés dans des camps de réfugiés et en mai 1940, lorsque l’armée allemande envahit la Belgique, une dizaine de milliers de Juifs de sexe masculin de la Grande Allemagne furent envoyés en France, les autorités belges les traitant comme des soldats potentiels pour l’armée allemande d’invasion. Bien que la recherche existante a déjà décrit cette politique en détail, des informations supplémentaires permettent de mieux comprendre la dynamique de fuite de la Grande Allemagne. En 1938, la plupart des réfugiés en Belgique venaient d’Autriche et c’est seulement après la Nuit de cristal (Novembre 1938) que le Altreich, l’Allemagne elle-même, devint la principale source de réfugiés en Belgique. La composition du flux de réfugiés a également changé fondamentalement à

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la fin des années trente. Au début de 1938, ce sont principalement de jeunes hommes célibataires qui ont fui vers la Belgique mais cette situation a changé rapidement et des familles entières s’intégrèrent au flot de réfugiés. Dans la moitié des cas, le mari partait en tête, pour être rejoint par sa femme et ses enfants quelques

mois plus tard. Parfois, les femmes et les enfants sont venus en premier lieu, quand le mari ou le père avait été envoyé dans un camp de concentration. En outre, en 1939, on constate une augmentation du nombre de personnes âgées fuyant vers la Belgique. Après avoir occupé la Belgique, les autorités allemandes prirent

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en charge la gestion de la population juive réfugiée. À partir de l’été 1942, lorsque les déportations à partir de Malines ont commencé, les Juifs de la Grande Allemagne ainsi que les autres Juifs présents en Belgique se sont cachés en masse. En fin de compte, un peu plus de la moitié des Juifs d’Allemagne qui se trouvaient en Belgique a survécu à la guerre. Les auteurs soulignent que le nombre de morts parmi les Juifs d’Allemagne a été similaire à celui des autres Juifs de Belgique. Ils décrivent ce fait comme remarquable étant donné que les Juifs allemands étaient des immigrés récents, économiquement plus vulnérables que les autres Juifs, et dont le réseau social était bien plus restreint. Les auteurs s’abstiennent cependant d’expliquer ces faits. La fuite, comme stratégie de survie, de l’Europe occupée par les Allemands a commencé à l’été 1942, quand tous les Juifs de Belgique et plus encore les Juifs des Pays-Bas furent confrontés à la déportation vers l’Est. À l’été 1945, 75% des Juifs des PaysBas et 42% des Juifs en Belgique était partis pour l’Est, pour ne jamais revenir. Lorsque les trains de déportation ont commencé à quitter Westerbork et Malines pour l’Est, de nombreux Juifs en Belgique et aux Pays-Bas ont pris la décision de fuir vers la France de Vichy dans l’espoir d’atteindre la Suisse ou l’Espagne. Parmi ceux qui fuient la Belgique, nous rencontrons également des Juifs qui avaient été contraints de fuir l’Allemagne quelques années plus tôt et que l’armée allemande avait rattrapés. Fuir était devenu plus difficile. De nouvelles frontières avaient surgi et les anciennes frontières restaient difficiles à franchir. La Belgique, une partie de la France et les Pays-

Bas étaient occupés, mais les anciennes frontières restaient gardées et bien que le Nord de la France et la Belgique se trouvaient sous le même commandement militaire allemand, l’occupant allemand gardait un oeil sur les gardes-frontières locaux de telle sorte qu’aucun Juif ne puisse lui échapper. L’occupant allemand avait décidé que seul le voyage vers l’Est était permis aux Juifs. La frontière la mieux gardée était celle entre la France de Vichy et la zone occupée. Tout Juif pris à la soi-disant Ligne de démarcation était arrêté et déporté peu de temps après de Drancy. À l’été 1942, si un Juif réussissait à traverser la Ligne de démarcation, il ou elle se retrouvait en lieu sûr. À partir du mois d’août 1942, Vichy ordonna l’arrestation et l’extradition de Juifs qui avaient quitté la partie allemande sans autorisation. Le même mois, les autorités suisses décidèrent non seulement d’empêcher les Juifs de pénétrer sur le territoire suisse, mais également d’expulser ceux qui y étaient entrés sans autorisation. Les Juifs étaient pris au piège. L’Espagne restait un endroit sûr, mais quand en novembre 1942, les Allemands prirent le contrôle direct de la France de Vichy, la détermination nazie d’anéantir les Juifs d’Europe rendit la route vers l’Espagne plus dangereuse. Meinen et Meyer ont trouvé un échantillon de 2.732 Juifs des Pays-Bas et de Belgique qui ont été déportés de Malines ou de Drancy, ce qui implique qu’ils avaient tenté de fuir. Ils ne sont pas représentatifs de la population menacée des deux pays. Sur base de leurs professions, les classes moyennes et supérieures semblent être surreprésentées, ainsi que les couples sans enfants. Sur ce nombre, seuls trois cents

réfugiés sont parvenus à survivre à la guerre. De nombreux autres réfugiés ont probablement réussi à se mettre en sécurité, mais les souces historiques utilisées dans ce livre proviennent principalement des persécuteurs allemands, ce qui fausse de manière évidente leur prise en compte. La documentation recueillie sur les réfugiés qui ont échoué est impressionnante. Le passage des frontières étant interdit aux Juifs, ceux-ci devaient donc disposer de faux documents de voyage et d’identité. Les réfugiés juifs étaient en quête de faussaires capables de leur fournir des documents masquant leur origine juive. Les autorités d’occupation allemandes en charge de déporter les Juifs s’étaient déjà plaintes à l’été 1942 que la pléthore de faux documents les empêchait de réaliser leurs objectifs. Il leur devenait de plus en plus difficile de remplir les trains de déportation belges. Par conséquent, les autorités allemandes lancèrent une attaque débridée sur les Juifs qui se trouvaient dans la clandestinité et sur ceux qui avaient l’intention de fuir. La guerre contre la fuite est très bien documentée dans ce livre. Les autorités allemandes commencèrent à recueillir des renseignements parmi les Juifs, renforcèrent les effectifs aux postes frontières par des experts en faux documents et allèrent jusqu’à provoquer la fuite. Des réseaux de faussaires furent démantelés et ceux qui avaient vendu de fausses cartes d’identité de moindre qualité furent éliminés du marché alors que leurs utilisateurs se retrouvaient dans les trains de la déportation. Les prix des faux documents augmentèrent. La surreprésentation des classes moyennes et supérieures parmi les réfugiés est probablement en grande partie due à l’in-

vestissement financier nécessaire pour tenter la fuite. Le principal facteur déterminant dans la dynamique de fuite reste toutefois la persécution. Son aggravation rendit les Juifs suffisamment désespérés pour prendre la fuite même quand il s’agissait de grandes familles – environ 10% des 2.732 réfugiés étaient des familles représentant trois générations. Les pauvres également ont pris la route. Le livre est à la fois une histoire de la persécution et une histoire de la détermination des victimes à fuir. Sans aucun soutien organisé, la fuite était une décision prise par des individus qui voulaient survivre. Ce livre constitue le témoignage des efforts que beaucoup de Juifs anonymes ont accomplis pour échapper au génocide. Bien que, pour la plupart, ce fut en vain, leurs efforts relèvent de la résistance juive à l’opération meurtrière nazie. Une grande partie de ceux qui se retrouvèrent à Auschwitz n’y allèrent pas comme des moutons. Les autorités allemandes firent tout ce qu’elles purent pour rassembler tous les Juifs à Auschwitz. Le livre met la détermination des réfugiés juifs à l’avant-plan. n

Pour un aperçu récent : Frank Caestecker et Bob Moore, ed, Refugees from Nazi-Germany and the Liberal European States, 1933-1939 (Oxford and New York: Berghahn Books, 2010). 2 Insa Meinen, Die Shoah in Belgien (Darmstadt: Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009) traduit en Néerlandais en 2011 chez de Bezige Bij De Shoah en België; Ahlrich Meyer, Die deutsche Besatzung in Frankreich 1940-1944. Widerstandsbekämpfung und Judenverfolgung (Darmstadt: Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2000). 1

Traduction : AM

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partager Cette rubrique, dévolue à la publication de textes, photos, dessins... prend la suite de « Artistes de chez nous » qui était consacrée plus spécifiquement aux artistes issus de l’UPJB.

Hommage à Éric Durnez (1959-2014), écrivain et dramaturge Notre théâtre « La Magnanerie » a eu le bonheur de travailler avec Éric Durnez, diplômé de l’INSAS. Il fut notre metteur en scène pour plusieurs de nos spectacles notamment Le Procès de Kafka, Grand-peur et misère du IIIe Reich de Brecht, Carmelke comédie musicale de Henri Goldman, interprétation libre de Carmen de Meilhac et Halévi, musique de Bizet, etc …. Les comédiens l’appréciaient énormément pour son attention, sa patience et son intelligence du jeu, ainsi que pour sa sensibilité. Il avait ce savoir-faire qui mettait les comédiens (tous amateurs) à l’aise, car apprendre du texte, s’exprimer clairement, se déplacer sur scène, jouer devant un public, tout cela était à la fois très difficile et passionnant. Il a quitté la Belgique il y a quelques années et poursuivi en France et à l’étranger une activité très riche de création de pièces de théâtre, d’écriture et de mises en scène théâtrales. Cette activité débordante n’a pas empêché la maladie de le terrasser. Éric est mort le 6 juin 2014. Il nous manquera toujours. Rosa Gudanski

Il faut errer longtemps Pour savoir où l’on va Ou savoir simplement Qu’on ne le saura pas

Moi je vous répondrai Qu’inutiles ou bien pas Les détours les sentiers Je n’les regrette pas

Le chemin le plus court N’est pas le plus tentant Et j’ai suivi toujours Celui des quatre vents

Je suis parti de loin Pour revenir ici J’ai pris tous les chemins Mais ça y est me voici

J’ai marché si longtemps J’n’ai pas compté mes pas Marché par tous les temps Pourquoi ? Je ne sais pas

Éric Durnez

Etre là où je suis Fut un rude combat Tant de jours, tant de nuits Mais ça y est me voilà Il faut errer sans doute Partir dès le matin Changer souvent de route Pour se rejoindre enfin Peut-être direz-vous Qu’il était inutile De voyager partout D’aller de villes en villes

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vie de l’upjb Les activités du club Sholem Aleichem Thérèse Liebmann, Tessa parzenczewski et Jacques Schiffmann 6 mai. La littérature flamande aujourd’hui par Danielle Losman, traductrice. Venue tard à la traduction, après une carrière scientifique de physicienne, Danièle Losman est aujourd’hui une traductrice renommée de la littérature néerlandophone contemporaine. Elle a fait connaître aux lecteurs francophones des œuvres d’Hugo Claus, Tom Lanoye, Toine Heymans (prix Médicis étranger 2013), Stefan Hertmans, Dimitri Verhulst, Eriek Verpale… Avant de nous présenter ces trois derniers auteurs, Danièle Losman esquisse un historique de la naissance de la langue flamande, de son évolution au cours des siècles, et en parallèle, elle rappelle les jalons d’une création littéraire spécifique, de « Reinaert de vos  » au 13e siècle, jusqu’à notre 21e siècle, en une remarquable synthèse qui ne néglige aucun courant. Dans le florilège de cette littérature, elle nous parlera plus particulièrement de trois écrivains d’aujourd’hui : Stefan Hertmans, Dimitri Verhulst et Eriek Verpale. Stefan Hertmans, professeur de philosophie, auteur de romans, poèmes et essais, produit une œuvre raffinée et humaniste, où il prône le cosmopolitisme contre tout nationalisme. Dimitri Verhulst, auteur du récit autobiographique La merditude des choses qui a été adapté au cinéma, de L’entrée du Christ à Bruxelles, de L’hôtel Problemski qui dénonce le scandale du traitement des demandeurs d’asile, est un auteur au style percutant

et subversif, pour qui le stylo est une arme. Eriek Verpale, dont une partie de la famille est juive, est un écrivain à la recherche d’une identité, qui se trouve dans une sorte d’entre deux. Une seule de ses œuvres a été traduite en français, Olivetti 82, spectacle théâtral, où tout un vocabulaire yiddish se mélange au flamand. Danièle Losman a émaillé sa conférence de lectures d’extraits significatifs qui donnaient envie de découvrir plus longuement ces auteurs qui nous parlent par dessus la « frontière ». (T.P.) 15 mai. L’enseignement de la religion et de la morale dans nos écoles avec Caroline Sagesser (CS), docteur en histoire, chercheuse au CIERL(ULB) et Cathy Buhbinder (CB), licenciée en philosophie, professeur de morale à l’Athénée de Waterloo. Intéressants exposés et débats entre elles et avec le public, d’une «  théoricienne  » et d’une professeure de terrain, sur un thème qui nous concerne tous, essentiel pour « la formation des enfants à la citoyenneté et au vivre ensemble ». CS nous fait l’historique de la question scolaire en Belgique. Les conflits entre catholiques et laïques aboutirent en 1958 au compromis du pacte scolaire. Les deux réseaux concurrents, l’officiel et le libre, seront financés à égalité et dispenseront par semaine au choix des parents, soit deux heures de religion, soit deux heures de morale. Depuis lors, en raison de la sécularisation et de

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l’immigration, la société a fort évolué. Le catholicisme subit une désaffection croissante et de nouvelles communautés religieuses dynamiques ont émergé. Il y a aujourd’hui 20 à 30% de gens de culture musulmane, des chrétiens orthodoxes issus d’Europe de l’Est, des protestants évangélistes ou pentecôtistes, des témoins de Jéhovah, des mormons, des bouddhistes, etc. La très ouverte Belgique s’est adaptée. Six religions sont reconnues et un cours de religion organisé dès qu’un élève en fait la demande  ! Mais cela pose bien des problèmes : les horaires, les titres et compétences des professeurs, le contenu et le contrôle des cours, qui parfois, s’écartent de manière inacceptable des valeurs belges. Cela induit la ségrégation des élèves ! Pour CS, cette ouverture est contreproductive et ne favorise pas le vivre ensemble. Les cours de morale ne posent pas problème et elle serait partisane d’en faire un cours « d’étude critique des cultures religieuses (ECCR)  » s’adressant à tous les élèves des deux réseaux. Mais outre la difficulté d’avoir les professeurs adéquats, et il n’y a pas de formation à cela en Belgique, ce projet rencontre pas mal de résistances. CB nous livre sa vision du terrain, dans l’enseignement officiel, où 40% d’enfants suivent la morale, cours pluraliste mais dévalorisé car pas suivi par tous. Il n’y a pas d’examens, pas de manuels, peu de professeurs, donc le cours est perçu comme peu important. S’il est louable d’offrir un

large choix aux minorités, pour CB ça ne marche pas car au lieu de susciter une image de pluralité, on cloisonne et on crée la ségrégation. L’absence de rencontres favorise les fantasmes. Dans certaines écoles de Bruxelles, 90% d’élèves en religion musulmane, à Waterloo, 90% en morale. Pour CB, la morale est, depuis les petites classes un cours fondamental de réflexion sur la société où on vit, aide à s’y insérer, à apprendre à discuter, argumenter, réfléchir. Ce n’est pas un cours de philo mais la formation en philo des prof aide pour clarifier les grandes questions : le fait religieux, le politique, la citoyenneté, le droit, la vérité, le sens de la vie, les différentes cultures et religions, bref c’est un lieu de l’Universel pour tous, en dehors de l’emprise du religieux. Le professeur-arbitre est celui qui génère et gère le débat. Un large échange de vues suit les exposés. Citons brièvement quelques thèmes évoqués. C’est au cours d’histoire qu’il faut traiter l’histoire des religions, mais c’est délicat. Danger de sortir les cours de religion de l’école. Vers où ? Les mosquées ? Souhait d’un cours des religions multiconfessionnel pour tous. Besoin de clarification de la laïcité, « ce culte sans religion », reconnu et subsidié ! Le sujet est loin d’être épuisé, à suivre ! (JS) 22 mai. La presse écrite a-telle encore un avenir  ? selon la journaliste Martine Vandemeulebroucke. Particulièrement bien placée pour poser cette question et y répondre, Martine Vandemeulebroucke a été journaliste au Soir, spécialisée dans les questions sociales et politiques, de 1980 à 2013, et est, depuis, journaliste indépendante, notamment pour

Alter Echos, bimensuel d’actualité sociale à Bruxelles et en Wallonie. Elle débuta sa conférence en retraçant l’évolution de la presse quotidienne en Belgique. En 1914, 110 quotidiens représentaient les diverses tendances idéologiques. Mais petit à petit et surtout après les années 1950, la presse d’opinion commença à disparaître et, corrélativement, les regroupements des titres de presse augmentaient. Cette synergie s’accentua encore au début du 21ème siècle, de sorte que la presse francophone en Belgique compte actuellement trois groupes (deux dans la presse néerlandophone). La principale conséquence de cette transformation est que la presse traduit moins un engagement idéologique et politique et est plus soumise à des impératifs commerciaux, notamment publicitaires. Elle se conforme d’ailleurs à l’évolution de la société qui, en général, est moins politisée. Ainsi le groupe Rossel, dont la principale publication est le journal Le Soir, s’est diversifié dans la presse régionale belge (groupe Sud Presse), et du nord de la France (comme La Voix du Nord). Aussi le nombre de journalistes a-t-il fortement chuté, leur statut s’est précarisé et leur niveau a baissé parce qu’ils doivent produire plus et plus vite. C’est là un des aspects négatifs de la révolution numérique qui touche la presse dans le monde occidental depuis 2000 environ. De nombreux journalistes ont donc dû s’adapter aux nouvelles technologies et notamment à la presse numérique. C’est le cas pour Le Soir numérique dans son édition de 17h qui propose des articles plus longs que sur papier. Les journalistes sont aussi amenés à tenir compte des nombreuses informations qui circulent

sur les réseaux sociaux mais, pour que leurs écrits soient fiables, ils sont tenus de vérifier ce qui n’est souvent qu’un bruit diffusé sans discernement et destiné à provoquer une émotion chez le lecteur. Martine Vandemeulebroucke ne croit cependant pas que la presse écrite va disparaître mais qu’elle est en train de se transformer à l’avantage des hebdomadaires et des mensuels qui publient des synthèses. Elle termine sa conférence en faisant une petite enquête auprès de notre public en nous interrogeant sur ce que nous lisons réellement. Il en ressort que nous sommes tous curieux et éclectiques. Il est vrai qu’au Club Sholem Aleichem, nous avons, en dépit de nos âges (sic), une grande curiosité intellectuelle. Merci à Martine Vandemeulebroucke d’avoir contribué à la satisfaire. (Th.L.) 5 juin. Merlemont se souvient. Projection du film de Benoît Derue et commentaires de Bella Wajnberg. Le film relate l’inauguration d’une stèle érigée dans ce village en hommage aux 49 Juifs, dont plusieurs avec leur famille, engagés comme travailleurs obligatoires dans les carrières de dolomie et dont beaucoup ont été déportés. Il restitue aussi l’interview de Bella Wajnberg qui raconte comment elle y vécut comme enfant cachée. En nous rappelant ces faits, au cours de cette séance du 5 juin, elle n’a pu nous dissimuler son émotion, pas plus qu’elle ne l’avait fait, le 23 mai 2013, lorsqu’elle nous avait présenté le livre de Marie-Noëlle Philippart : « Eté 1942. Des étoiles jaunes à la Dolomie ».​(Th.L) n

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Carte de visite

UPJB Jeunes

L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective.

Au camp d’été julie demarez

C

Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

et été, c’est encore dans un autre coin de la France que l’UPJBJeunes a déposé ses valises pour le grand camp. Nous étions cette fois-ci en Basse-Normandie, à Condé-surVire, non loin de la tristement célèbre ville de Saint-Lo, surnommée « la capitale des Ruines » suite aux deux attaques subies lors de la Bataille de Normandie. Plus de nonante enfants, monos et l’intendance à se lancer dans l’aventure, vous imaginez qu’il n’a pas fallu longtemps à notre vaste troupe pour investir les lieux et y faire notre refuge pendant deux semaines. Si nous nous trouvions dans la région qui a vu le début de la Libération à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’équipe de moniteurs à toutefois choisi d’aborder la Première Guerre mondiale et l’entre-deux-guerres comme thème de camp. Le 28 juin 1914, alors que des Serbes bosniaques parvinrent à assassiner l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, la guerre débute. Les exigences de vengeance de l’Autriche-Hongrie, fortement encouragée par l’Allemagne, à l’encontre du royaume de Serbie ont mené à l’activation d’une sé-

rie d’alliances qui obligèrent les puissances européennes à s’engager sur la voie de la guerre. Les enjeux territoriaux, la Triple-Entente, les Empires centraux, l’éveil des minorités, l’heure des traités et enfin l’émergence des idéologies totalitaires avant la Seconde Guerre mondiale. C’est précisément dans cette ambiance que chaque groupe à tenté d’aborder cette large période historique. C’est donc sur un rythme passionné que s’enchaine le grand jeu, le hike, les upjibiades, la veillée, les soirées, etc. Pour la première fois, le groupe des Zola a pu se familiariser avec le rôle de moniteur. En effet, ils ont dû faire preuve de créativité pour imaginer des activités pour les plus jeunes et ainsi s’accoutumer petit à petit aux responsabilités qui les attendront d’ici quelques années. Le hike a quant à lui permis à tous les jeunes de se laisser flâner dans le bocage normand, tout au long du chemin de halage au bord de la Vire. Tous ont été chaleureusement accueillis par les mairies où ils ont fait halte et ont pu bénéficier d’un abri plutôt confortable pour la nuit. Enfin, c’était le dernier camp de Sacha Rangoni, dit Totti, qui a permis de faire la transition avec la nouvelle équipe mono depuis la

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saison passée et qui a certainement contribué à quatre années d’enchantement pour le groupe des Zola et des Jospa. Merci pour l’enthousiasme et l’énergie déployés et bonne route à toi ! Et puis un grand merci à toute l’équipe de moniteurs qui se sont engagés, une fois de plus, à consacrer du temps pour préparer, animer et encadrer les enfants du mouvement avec plaisir et talent. Pour la nouvelle saison qui débute, nous donnons rendez-vous aux parents et enfants le samedi 13 septembre à partir de midi dans nos locaux. Ce sera l’occasion de se retrouver, d’échanger, de regarder ensemble les photos de l’année précédente et de tout simplement passer un petit moment ensemble avant d’entamer une nouvelle année. n

Bienvenus

Les pour les enfants nés en 2006 et 2007 Moniteurs : Salomé : 0470.82.76.46 Leila : 0487.18.35.10 Aristide : 0488.03.17.56

Juliano Mer-Khamis

Les pour les enfants nés en 2004 et 2005 Moniteurs : Léa : 0487.69.36.11 Selim : 0496.24.56.37 Samuel : 0475.74.64.51 Hippolyte : 0474.42.33.46

Marek Edelman

Les pour les enfants nés en 2002 et 2003 Moniteurs : Tara-Mitchell : 0487.42.41.74 Luna : 0479.01.72.17 Felix : 0471.65.50.41 Simon : 0470.56.85.71

Janus Korczak

Les pour les enfants nés en 2000 et 2001 Moniteurs : Jeyhan : 0488.49.71.37 Andres : 0479.77.39.23 Eliott : 0488.95.88.71 Laurie : 0477.07.50.38

Émile Zola

Les pour les enfants nés en 1998 et 1999 Moniteurs : Totti : 0474.64.32.74 Tania : 0475.61.66.80 Théo : 0474.48.67.59

Informations et inscriptions : Julie Demarez – upjbjeunes@yahoo.fr – 0486.75.90.53

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agenda UPJB

Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

dimanche 7 septembre à 11h

58ème Pélerinage National à l’ancienne Caserne Dossin (voir page 24)

du samedi 13 au samedi 20 septembre

Israël Palestine au-delà des préjugés. Films, conférences-débats, rencontres, expositions de photos, concert (voir pages 22 et 23)

samedi 20 septembre de 14h à 18h30

Colloque. Regards croisés sur les sociétés israélienne et palestinienne (voir page 23)

dimanche 5 octobre à 16h

Des terroristes à la retraite. Un film de Mosco Boucault (84’ – 1985) (voir page 24)

vendredi 10 octobre à 2Oh15

Question juive, question noire.Conférence-débat avec Patrick Siblerstein (voir page26)

vendredi 24 octobre à 20h15 Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Daniel Timsit, l’Algérien. Un film de Nasredine Guenifi. En présence du réalisateur.

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 11 septembre

Concert de Noé (Preszow) et bilan de la saison passée (voir page 25)

jeudi 18 septembre

Après les élections du 25 mai, analyse et perspectives par Henri Goldman, architecte, rédacteur en chef de la revue Politique (voir page 25)

jeudi 25 septembre

Erri De Luca, une voix de Naples et d’ailleurs. Par Tessa Parzenczewski, chroniqueuse littéraire à Points critiques (voir page 25)

jeudi 2 octobre

Prix : 2 €

Pascal Decraye, enseignant et mono bien connu de plusieurs générations d’enfants (voir page 25)

Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be


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