n°338 - Points Critiques - septembre 2013

Page 1

mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique septembre 2013 • numéro 338

à la une Négociations de paix ou négociations, point ?

M

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - P008 166 - mensuel (sauf juillet et août)

Henri wajnblum

ahmoud Abbas avait été très clair… Nous ne reviendrons à la table de négociations qu’à la condition préalable qu’Israël gèle la colonisation et qu’il reconnaisse les frontières d’avant le 5 juin 1967 comme base de la négociation. Benyamin Netanyahu avait été tout aussi clair… Nous ne reviendrons à la table de négociations qu’à la condition… qu’il n’y ait aucune condition préalable… Qui va dès lors apparaître comme le dindon de la farce dans cette reprise des négociations sous l’égide des États-Unis ? C’est à coup sûr Mahmoud Abbas qui ne va pas manquer d’être considéré comme celui qui a bradé les intérêts vitaux de la cause palestinienne contre la promesse du

secrétaire d’État américain, John Kerry, d’injecter quatre milliards de dollars dans l’économie palestinienne à l’état de faillite virtuelle. En d’autre termes, un pas vers la « paix économique » chère à Benyamin Netanyahu qui estime que si on procure du travail aux Palestiniens de Cisjordanie et qu’on élève leur niveau de vie, ils supporteront beaucoup plus facilement l’occupation ! Il faut dire aussi que face à la pression américaine, Mahmoud Abbas avait tout à craindre de passer aux yeux de la Communauté internationale comme n’étant décidément pas un « partenaire pour la paix  » pour reprendre les termes d’Ehud Barack au lendemain de l’échec du sommet de Camp David en juillet 2000. Il n’a donc apparemment pas eu d’autre choix que d’avaler

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

septembre 2013 * n°338 • page 1


sommaire à la une

1 Négociations de paix ou négociations, point ?....................... Henri Wajnblum

hommages

4 Éric Remacle............................................................................................................ 5 Ilan Halévy...............................................................................................................

mémoire(s)

6 Au Musée d’Histoire des Juifs polonais.................................Roland Baumann

réfléchir

8 Le professeur Lambert................................................................... Jacques Aron

yiddish ? yiddish ! !‫יִידיש ? יִידיש‬ 10 arum dem fayer - Autour du feu...............................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

12 Flâneries estivales ........................................................................Anne Gielczyk

témoigner

14 À Weimar et à Buchenwald................................................... Simon Gronowski

activités politique d’asile 19 Commémoration Semira 2013 .............................................................................. lire 24 Père/Fils : Qui cherche qui ? (épisode n°3)............................ Antonio Moyano 16

26 Aharon Appelfeld. L’instant d’avant................................Tessa Parzenczewski

upjb jeunes 27 Souvenez-vous du temps..........................................................Tanuki dissident 30 Émotions et renouveau................................................................. Julie Demarez 32 L’UPJB........................................................................................Isatis (Charline R.) 33 Un soleil s’est couché.................. Aristide Renard et le groupe Yvonne Jospa vie de l’upjb 34 Les activités du club Sholem Aleichem .......................... Jacques Schiffmann chanter à l’upjb 36 Yiddish.......................................................................................... Henri Goldman écrire 38 De retour de Little BXL ................................................................. Elias Preszow 40 les agendas

septembre 2013 * n°338 • page 2

à la une ➜

la couleuvre. Mais pouvait-il faire la fine bouche devant la manne américaine alors qu’il n’a plus de quoi payer les 160.000 employés de l’Autorité Palestinienne ? Le grand vainqueur de ce bras de fer qui a duré trois longues années est donc incontestablement Netanyahu qui va pouvoir se prévaloir d’avoir tenu bon et de se présenter à des négociations qui se tiendront sans conditions. Sans conditions ? À voir… nous y reviendrons. Car Netanyahu non plus n’avait pas trop le choix. En échange de sa « bonne volonté », il s’est vu promettre une aide militaire renforcée. De plus, il est parfaitement conscient de l’isolement croissant d’Israël au sein de la Communauté internationale dont une partie de plus en plus importante des opinions publiques exige des sanctions. Nous y reviendrons aussi. C’est certainement la raison pour laquelle il a déclaré que « reprendre les négociations de paix avec les Palestiniens est dans l’intérêt stratégique d’Israël  ». « Vous avez bien lu, souligne Alain Gresh sur son blog du Monde Diplomatique, ce sont les négociations (sans fin) avec les Palestiniens qui sont dans l’intérêt stratégique d’Israël, pas la paix ». On croirait entendre Yitzhak Shamir lorsque, en 1991, Georges Bush senior l’avait contraint de se rendre à la Conférence de Madrid sous peine de se voir privé de l’aide financière américaine, et qu’il avait déclaré qu’il pourrait ainsi négocier pendant dix ans sans rien concéder aux Palestiniens… Vingt-deux ans plus tard, rien n’a donc changé… hormis le fait qu’en 1991, il y avait 200.000 colons dans les Territoires palestiniens occupés alors qu’ils sont

500.000 aujourd’hui dans l’État de Palestine ! Les négociations, évitons de parler de négociations de paix, ce serait incongru, ont donc repris et devraient durer neuf mois. Pour accoucher de quoi ? Personne ne se fait la moindre illusion, ou alors c’est une illusion de pure façade dans laquelle les médias, dans leur ensemble, jouent un rôle non négligeable. Et puisqu’elles ont repris sans conditions, Israël aurait tort de se gêner… Et il ne se gêne effectivement pas. À quelques jours à peine de la reprise des négociations, le gouvernement annonçait avoir autorisé la construction d’un total de 2.129 logements à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Et comme si cela ne suffisait pas, Uri Ariel, le ministre du Logement, membre du parti Habayt Hayehudi, le parti d’extrême droite de Naftali Bennet, se faisait un plaisir d’enfoncer le clou… « Nous allons construire des milliers de logements durant l’année qui vient en Judée-Samarie. Personne ne dictera là où nous pouvons construire », suscitant une réaction violente de Hanan Ashrawi, une des responsables palestiniennes… «  La construction de ces nouveaux logements représente la destruction obstinée des quelconques chances de paix  ». Et d’ajouter… « Si les États-Unis veulent la paix, ils doivent intervenir immédiatement et efficacement ». Et de fait, les États-Unis sont intervenus immédiatement. Efficacement ? Chacun pourra apprécier… Immédiatement en effet puisque John Kerry, aussitôt l’annonce israélienne rendue publique, et non sans rappeler que les États-Unis considéraient toutes les colonies comme illégales, ce qui ne mange pas de pain, a appelé les Palestiniens à

« ne pas réagir négativement » à la décision israélienne. Efficacement aussi apparemment puisqu’il a convaincu les Palestiniens de venir malgré tout à la table des négociations. Ce n’est évidemment pas la rapidité et l’efficacité qu’attendait Hanan Ashrawi. John Kerry a encore ajouté que Benyamin Netanyahu « avait été bien franc devant moi et le président Abbas en nous prévenant qu’il annoncerait de nouvelles implantations de logements dans des endroits qui n’affecteraient pas le plan de paix, qui n’auraient pas d’impact sur la possibilité de parvenir à un accord de paix ». Ah bon, et comment expliquer cela ? Par l’affirmation de Netanyahu lors d’une rencontre avec le secrétaire général des Nations unies qu’« Israël entend annexer les quartiers de colonisation israéliens à Jérusalem-Est ainsi que les grands blocs de colonies où vivent la majorité des Israéliens installés en Cisjordanie, dans le cadre de tout accord de paix avec les Palestiniens » ! Vous avez dit négociations sans conditions ? Mais si Mahmoud Abbas était au courant et que c’est en connaissance de cause qu’il a accepté de se rendre à la table des négociations, que n’annonce-t-il clairement la couleur à son peuple ? Et si l’espoir venait, de façon totalement inattendue, de l’Union européenne ? C’est en effet avec stupéfaction tellement on avait perdu tout espoir après tant d’années de tergiversations, que l’on a appris que l’UE refuserait dorénavant de financer « les entités israéliennes ayant leur adresse au-delà des lignes d’armistice de 1949, et aussi aux entités israéliennes dans tout le pays réalisant des activités au-delà des lignes d’armistice de 1949 ». Pour par-

ler clair, dorénavant tout contrat ou accord conclu à l’avenir par Israël avec l’UE devra obligatoirement inclure une clause précisant que ledit contrat ou accord s’applique uniquement à Israël dans ses frontières d’avant juin 1967. Voilà qui risque de faire mal, très mal, car il s’agit incontestablement d’une déclaration frontale de guerre à la politique israélienne de colonisation. Le gouvernement israélien ne s’y est d’ailleurs pas trompé Qui par la voix d’un de ses hauts responsables a qualifié le nouveau cadre réglementaire européen de « tremblement de terre ». Et nous n’avons, cette fois, pas eu droit aux habituelles diatribes ironiques et méprisantes israéliennes qui ont toujours suivi les prises de positions européennes. D’autant moins que les États-Unis se sont bien abstenus de tenter de ramener l’UE à de « meilleurs sentiments », ce qui ne trompe pas. Et ce n’est pas tout… Le second coup de tonnerre a été la publication de la lettre de la commissaire européenne à la Politique étrangère, Catherine Ashton, à ses collègues, les informant que d’ici la fin de l’année, l’UE publiera des « obligations contraignantes pour l’étiquetage spécial des produits israéliens fabriqués par des Juifs, au-delà des lignes d’armistice de 1949 et exportés vers les États membres de l’UE ». Alors peut-être tout de même un espoir d’enfin amener Israël à se conformer au droit international ? Ce serait un magistral camouflet infligé à tous ceux qui n’ont cessé de prétendre que la campagne BDS visait exclusivement à délégitimer Israël dans son existence même. Ne leur en déplaise, la décision européenne se « contente »  tout simplement, et à bon droit, de délégitimer la colonisation. ■

septembre 2013 * n°338 • page 3


hommages Ilan Halévy

Éric Remacle

C

’était le 22 mai, Eric Remacle participait à une table ronde à l’ULB quand soudain il s’est effondré. Il avait 52 ans ! L’UPJB s’honorait de le compter parmi ses amis. Son soutien, notamment lorsqu’il était en charge du Pôle Bernheim de l’ULB, ne s’est jamais démenti et nous était extrêmement précieux. Le sourire chaleureux qu’il arborait « à temps plein » nous a souvent réconfortés dans les moments de doute Eric Remacle était non seulement un brillant intellectuel, professeur de sciences politiques à l’ULB et adoré de ses étudiants, c’était aussi un homme engagé. Membre d’ECOLO, il siégeait au conseil communal d’Ixelles depuis les dernières élections communales. Le 5 février, il avait été élu à la présidence de la CNAPD (Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie), dont l’UPJB est membre,… « Engagé pour la paix et la solidarité internationale, je me retrouve dans le projet d’une gauche arc-en-ciel riche de toutes les composantes et générations des courants progressistes. Parmi ces différents mouvements, les syndicats et les associations pèsent autant à mes yeux que les partis politiques, les partis parlementaires autant que les petites formations non représentées. C’est bien dans une gauche plurielle que je me retrouve. À l’université, j’agis pour un savoir citoyen, en prise avec les enjeux de notre temps, engagé aux côtés des jeunes générations pour une transformation sociale et une émancipation citoyenne ».

Le 15 février il signait l’éditorial, en forme de programme, de la revue de la CNAPD sous le titre « Tous Citoyens ! »… « Notre démocratie moderne n’est pas née du néant mais des luttes des groupes sociaux pour l’accès aux droits, contre l’exclusion de la citoyenneté politique. Repousser toujours plus les frontières de la ci-

toyenneté et étendre toujours plus les droits civils et politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels, c’est le sens de notre action pour une citoyenneté émancipatrice et solidaire. Le suffrage universel fut un combat, le suffrage des femmes également, tout comme le droit de vote des étrangers – que la CNAPD porta avec nombre de ses organisations membres, de la campagne « Objectif 82 » il y a trente ans à la plateforme « Tous résidents, tous citoyens » plus récemment. En 2013 est célébrée l’année européenne de la citoyenneté, célébrant les 20 ans du Traité de Maastricht qui instaure une « citoyenneté européenne  ». Celle-ci reste pourtant fondée sur la na-

septembre 2013 * n°338 • page 4

tionalité, perpétuant donc la discrimination entre résidents de l’Union européenne. Ce rejet des étrangers hors de la communauté politique constitue une contradiction majeure avec l’idéal démocratique égalitaire et le projet européen lui-même. (…) « Tous citoyens ! », ce sera donc notre mot d’ordre des prochains mois car, depuis sa création, la CNAPD a toujours combiné action pour la paix et pour la démocratie, refus de la guerre et refus du racisme. Nous sommes bien placés pour savoir que l’un et l’autre sont indissociables. Il est d’autant plus important dans ce contexte de renforcer le contrôle démocratique, tant parlementaire que citoyen, des décisions de politique étrangère qui risquent, si l’on n’y prend garde, d’entraîner notre pays dans la guerre – les dossiers de la Syrie et du Mali sont là pour nous rappeler à cette vigilance. « Tous citoyens ! », c’est aussi l’exigence que les peuples soient consultés et écoutés sur ces grands enjeux globaux que représentent le désarmement nucléaire, l’autodétermination des peuples ou le changement climatique, par exemple. C’est aussi le sens de la solidarité que la CNAPD entretient avec les mouvements de Flandre, d’autres pays européens et dans le monde entier. Car il ne suffit pas de revendiquer de nouveaux droits et une citoyenneté élargie, encore s’agitil de les utiliser pour construire un monde plus juste, plus pacifique et plus égalitaire. » Notre ami Eric nous a quittés, jeune, tellement trop jeune. ■

N

ous sommes quelques uns à avoir eu le privilège de rencontrer Ilan Halevi, chez lui à Ramallah et aussi chez Michel Warschawski à Jérusalem. C’était à l’époque où il croyait encore à la dynamique des Accords d’Oslo. Dès les premiers échanges, on ne pouvait manquer d’être subjugué par la pertinence pointue des ses analyses, et aussi par son charisme. C’est dans la France occupée qu’Ilan Halevi a vu le jour en 1943, dans une famille de résistants juifs communistes. Musicien de jazz puis journaliste à la radio malienne, Ilan Halevi s’installe en Israël à la fin des années 1960 où il milite dans des organisations antisionistes, notamment au Matzpen. Son parcours épouse ensuite le mouvement national palestinien. Il occupe plusieurs fonctions au sein du Fatah, le parti de Yasser Arafat, dont il deviendra un proche conseiller. Vice-ministre palestinien des Affaires étrangères, représentant du Fatah au sein de l’Internationale socialiste, Ilan Halevi était avant tout un intellectuel dont l’ouvrage de référence restera Sous Israël, la Palestine. Aucun hommage ne pouvait être plus pertinent que celui que lui a rendu son ami et camarade de combat, Michel Warschawski, au lendemain de sa disparition. Un hommage que nous faisons nôtre… « Notre camarade Ilan Halevi nous a quittés, et avec lui, c’est un chapitre important de la lutte de libération nationale palestinienne qui se referme.

Il y a un an exactement, nous partagions une tribune à l’Université d’été de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), et si son corps trahissait sa grande fatigue et ses nombreux dysfonctionnements, la clarté de ses propos restait la même que celle que j’avais connu pendant plus de quatre décennies. Quelques mois

plus tard, c’est à l’hôpital que je le rencontrais, encore plus affaibli, mais cette fois avec aussi une grande difficulté à s’exprimer clairement. Nous n’héritons pas notre identité ; nous la créons, sur la base de quelques données génétiques et sociologiques, et cette identité est toujours multiple. Pourtant, je n’ai connu personne qui avait une identité aussi multiple qu’Ilan, à tel point que même ses plus proches s’y perdaient. Laissons lui une dernière fois la parole : « je suis 100% Juif, je suis 100% Arabe ». En décidant, après la guerre de 1967, de s’installer en Israël, il choisit d’être 100% Israélien ; en rejoignant, en 1968, l’organisation de gauche antisioniste Matzpen, il contribue a renfor-

cer la cohérence anticoloniale de son programme et combat pour un soutien inconditionnel à la lutte de libération nationale palestinienne. Après avoir quitté, en 1974, Israël, il rejoint les rangs de l’OLP et devient vite 100% Palestinien. C’est dans les rangs de l’OLP et du Fatah dont il devient rapidement un membre de la direction qu’Ilan Halevi peut mettre en pratique son immense talent : dans l’écriture mais surtout par la parole et la polémique (il pratiquait couramment quatre langues et se débrouillait dans trois ou quatre autres), dans le domaine politique mais surtout dans la diplomatie. Son empreinte dans les négociations palestino-israéliennes tout comme dans sa fonction de représentant du Fatah à l’Internationale Socialiste est indélébile, et sa capacité inégalée de persuasion a pu casser nombre de verrous destinés à isoler la Palestine dans la scène internationale. Il n’est pas exagéré de dire qu’Ilan Halevi a joué un rôle clé dans le long processus de reconnaissance de la Palestine par la Communauté Internationale. Ilan a consacre toute sa vie à la lutte, longtemps au détriment de sa famille et toujours au détriment de sa santé qu’il a laissé se détériorer sur l’autel de son engagement lui aussi a 100%. La Palestine vient de perdre aujourd’hui un de ses fils ; l’OLP un de ses dirigeants ; ses très nombreux amis, de Beyrouth à Paris, de Tel-Aviv a Bamako, de Ramallah à San Francisco pleurent un frère et un camarade. ■

septembre 2013 * n°338 • page 5


mémoire(s) Au Musée d’Histoire des Juifs polonais roland baumann

I

nauguré face au monument du ghetto, le 19 avril dernier, le nouveau musée juif de Varsovie présente sa première exposition temporaire, en partenariat avec le YIV01. En attendant l’aménagement des salles permanentes, « théâtre de l’histoire » dont les procédés multimédia sophistiqués plongeront les visiteurs au coeur du récit de plus de mille ans de vie juive en Pologne. Jonathan Brent, directeur du YIVO, souligne que cette exposition est la première collaboration entre son institut d’études juives et une institution polonaise. Oeuvre du hongrois Péter Forgács, à mi-chemin entre l’évocation historique et l’art expérimental, sur une musique du groupe newyorkais The Klezmatics, l’installation vidéo « Lettres à ceux qui sont loin » (Listy do tych, co daleko) met en scène des instantanés de la vie juive polonaise jusqu’en 1939, capturés sur les films de voyageurs juifs américains qui prennent en images leur famille et leur communauté d’origine, les activités et gestes du quotidien au shtetl, le marché, la synagogue, l’école, etc. Il montreront ensuite ces vues de la Pologne juive à leurs parents, amis et réseaux sociaux aux États-Unis. Souvent, ceux qu’on filme regardent la caméra, manifestent leurs relations de proximité avec le cinéaste amateur, qui, parfois, apparaît lui aussi devant la caméra. Comme l’explique Jeffrey Shandler dans sa contribution au pe-

tit catalogue de l’exposition2 , ces films amateurs résultent du phénomène caractéristique dans l’entre-deux-guerres de voyages au pays natal d’émigrants juifs, venus s’établir aux États-Unis entre les années 1880 et 1914. Ces voyages au Yiddishland, retour au lieu de l’enfance et des racines, suscitent beaucoup d’émotions et de nostalgie. En 1921, Alexander Harkavy, président du comité d’aide sociale à Nowogrodek2, est ému aux larmes lorsqu’il retrouve le shtetl de son enfance, où se trouve la tombe de son père. Il a quitté Nowogrodek depuis 43 ans, mais tout reste familier, malgré l’arrivée de la vie moderne. Le voyage en Pologne permet à l’émigrant enrichi de renforcer ses liens familiaux et sociaux à sa communauté d’origine, tout en affirmant face aux traditions du shtetl son identité de Juif intégré à « la vie moderne » en Amérique. En général, il documente son voyage au moyen de lettres, cartes postales et photographies, mais rarement en film, vu la cherté du matériel de cinéaste amateur. D’où l’intérêt des archives cinématographiques conservées, dont les auteurs sont souvent de véritables « passeurs culturels », tel Gustave Eisner, qui organise des voyages en Pologne pour Juifs américains et filme à Vilna, Varsovie et Lodz, sa ville natale. La vigueur et la diversité du monde associatif juif durant la Deuxième République de Pologne, ses nombreuses écoles, mouvements de jeunesse, organisations

septembre 2013 * n°338 • page 6

sociales, culturelles et politiques, jusque dans les localités les plus reculées, sont bien documentés dans les films de Juifs américains membres de landsmanshaftn3, tel Pesach Zukerman dont le film de1929 documente les conditions de vie socio-économiques à Kolbuszowa4. Grâce à la projection de ce film aux ÉtatsUnis, l’association d’entraide des natifs de Kolbuszowa récolte aussi des fonds pour les communautés juives de localités voisines. Ces films montrent donc les difficultés d’une population juive appauvrie, victime de la montée de l’antisémitisme et dont la survie dépend de l’aide des organisations caritatives juives américaines. Comme l’expose Joanna Andrysiak, Péter Forgács est un artiste de renom, célèbre pour son travail cinématographique réalisé à partir de films amateurs « recyclés », tel Free Fall (1996), 10ème film de sa série « Hongrie privée », évocation bouleversante du destin des Juifs hongrois à partir des films 8mm tournés de 1938 à 1944 à Szeged par Gyorgy Peto. Forgács s’est fort intéressé aux films tournés par des familles juives avant la Shoah, un thème récurrent de son oeuvre. Son travail sur les images d’archives tient de la composition musicale. Ralentis, coupes, arrêts sur image, fondus, coloration, textes en surimpression, voix et effets sonores, etc. Le tout accompagné de musique expérimentale. Forgács compare ses procédés de montage à « une orchestration complexe sans scéna-

rio préconçu ». Ses films font appel aux sens et à l’imagination des spectateurs. Les images montrées par l’artiste appellent en effet d’autres images, entreposées dans l’esprit du spectateur. Ainsi, pour Forgács, « le film est ce que le spectateur voit ». Commissaire de l’exposition, Tamara Sztyma souligne que l’installation de Forgács se veut un hommage à la vie. L’artiste s’intéresse surtout à la gestuelle et aux interactions de tous ces êtres, le plus souvent anonymes, dont les cinéastes amateurs ont capturé les images il y a plus de 70 ans. Son travail sur les images d’archives stimule l’empathie du spectateur, l’incitant à pénétrer dans l’intimité des «  fantômes  » qui défilent sur la pellicule. Tout en restant fidèle à la provenance et à l’intégrité des documents visuels, Forgács reconstruit et recompose entièrement ces « actualités cinématographiques juives » de l’entre-deux-guerres. Il sélectionne des images spécifiques, les fait défiler à des vitesses variables, joue sur les formats et les cadres, décompose les plans pour en faire des compositions en frise, de deux, trois ou quatre images juxtaposées, intègre aussi des légendes et des intertitres aux images, et enfin les associe à des effets sonores et à la musique des Kletzmatics. Pour Forgács, il ne s’agit pas de créer un panorama historique, ni un grand récit documentaire, mais d’élaborer son travail en respectant cette tension entre l’intime et l’histoire sociale qui caractérise ces films amateur de Juifs américains en voyage dans leur terre ancestrale. L’installation se décompose en 12 écrans de projection disposés autour de la salle d’exposition temporaire et dans sa petite annexe à l’étage, accessible par un escalier en colimaçon. Sur le

premier écran, un extrait du film de Ryszard Ordynski L’Étendard de la liberté (1935) résume la résurgence de la Pologne indépendante en 1918. Puis, progressant d’un écran à l’autre autour de la salle d’exposition, de Varsovie, à Vilna, en passant par Lodz et d’autres localités, le visiteur découvre les images émouvantes du panorama de la vie juive, constitué par les montages d’archives de Forgács. Au centre de la salle, une projection verticale d’images sur un écran monumental fait écho à l’ensemble des court-métrages projetés dans les différentes parties de l’exposition. À l’étage, un extrait du célèbre film yiddish de Michal Waszynski Le Dibbouk (1937), puisant son inspiration dans l’univers religieux de la kabbale et des khassidim, évoque l’essor d’une cinématographie juive polonaise, reliant la Pologne à la diaspora juive américaine. Enfin, des images de khassidim, filmés dans les rues de Kazimierz, le quartier juif de Cracovie, terminent le parcours de l’installation. Alternant avec les musiques créées pour l’exposition, des textes extraits de Livres du souvenir (Yizker-bikher), ainsi que du Voyage en Pologne d’Alfred Döblin (1924) sont diffusés par haut-parleurs paraboliques devant les différentes vidéos de l’installation. Mais ces commentaires, aidant à contextualiser les images retravaillées et recomposées par Forgács, sont récités en traduction polonaise. Pour le visiteur qui ne comprend pas le polonais, cette narration en voixoff ne sera qu’un décor verbal au contenu opaque et comme le catalogue de l’exposition ne reproduit pas les textes de ces citations... Ce qui limite les données historiques transmises par cette oeuvre audiovisuelle à l’esthétique fascinante. Une oeuvre de

commande, réalisée par Forgács à la demande du Musée et dont une partie du contenu documentaire figurera dans la « rue juive » du futur parcours permanent. Au contraire des images d’archives privées «  recyclées  » par Forgács dans sa « Hongrie privée », les films amateur juifs américains « orchestrés » ici par l’artiste sont des documents connus. Le documentaire de Jolanta Dylewska, « Polin. Miettes de la mémoire » (Po-lin. Okruchy pamieçi, 2008) était entièrement réalisé à partir de ces films provenant des collections du YIVO, etc. C’est du Steven Spielberg Jewish Film Archive que proviennent les images couleur, tournées au printemps 1939 sur pellicule 16mm Kodachrome par Benjamin Gasul et intégrées par Forgács à sa vidéo sur Varsovie. Dans l’exposition, la multiplication des écrans et l’accumulation des procédés de « recyclage » appliqués par le cinéaste expérimental aux films d’archives, contribueront-ils, comme l’affirme le discours publicitaire de l’exposition, à établir un dialogue avec les visiteurs et à les émouvoir en faisant revivre ces vieilles images de la vie juive polonaise anéantie ? ■

Institute for Jewish Research, fondé à Vilna en 1925, à New-York depuis 1940. 2 La version anglaise de cette publication, Letters to Afar, est téléchargeable gratuitement sur le site du YIVO : http://www.yivo.org/images/uploads/ images/20130508_1617_MHZP_Album_ EN_korekta.pdf 3 Aujourd’hui Navahrudak, en Biélorussie. 4 Associations d’originaires d’un même lieu. 5 Localité du Sud-Est de la Pologne, entre Sandomierz et Rzeszow. 1

Exposition Listy do tych, co daleko - Letters to Afar, jusqu’au 30 septembre 2013 Musée d’Histoire des Juifs polonais www.jewishmuseum.org.pl

septembre 2013 * n°338 • page 7


réfléchir Le professeur Lambert Jacques Aron

P

lus j’avance en âge – et Dieu (?) sait si cela va vite –, et moins je parviens à donner à ceux qui me posent encore la question : qu’est-ce qu’un Juif (avec ou sans majuscule) ?, une réponse satisfaisante. La plupart de mes amis (est-ce pour cela qu’ils sont mes amis ?) ont compris que la question n’avait pas de sens, qu’il fallait donc renoncer à (se) la poser, mais qu’elle mettrait sans doute autant de temps à disparaître des agendas politiques, qu’elle avait mis de temps à s’y inscrire. Les Juifs sont de partout et de nulle part, aussi dispersés que possible dans le temps et dans l’espace, se disputant sur ce qui les unit et unis par ce qui les divise. Paradoxalement, serait-ce en fin de compte ce qui les définit, cette façon souvent problématique d’être un citoyen de l’histoire et du monde, de plus en plus ouvert et perméable aux changements qui s’accélèrent et s’étendent. Le hasard, qui n’est jamais entièrement le hasard, m’a conduit cet été à faire la connaissance de la petite-fille – une dame de mon âge – de Monsieur Jacques (ou Jacob) Lambert (1866-1937), honorable professeur au lycée de Bayonne (quelque part au Pays basque à la charnière de l’Espagne et de la France) à partir de 1893. Un contemporain, donc, de l’affaire Dreyfus, de la naissance du sionisme et de la Première Guerre. Israélite français

typique, l’un de ces « fous de la république », pour reprendre une expression qui a fait florès ? Pas si simple. D’ascendance ashkénaze (Lambert serait à l’origine Lämmlein, l’agnelet) mais qui épouse en 1894 une Séfarade, Claire Gomez, professeur de chant et piano, dont les Archives papales révèlent un ancêtre né au 13e siècle, et auquel le futur pape français d’Avignon, Clément VI fit don, pour services rendus, d’une vigne, ce qui ajouta à son nom un parfum suave : Nathan « Muscat » de Mello (1276-1350). Mais ceci m’éloigne de l’auteur, entre autres, d’un texte remarquable publié au lendemain du Premier Congrès sioniste, sous le titre : Conférence sur le sionisme. Sa petite-fille nous le décrit ainsi : « Il était le type même du professeur de ce début de siècle [le 20e, J. A.], consciencieux jusqu’à l’excès, profondément républicain, lorrain et français jusqu’à la moelle des os. » Agrégé en latin, grec et français, licencié en allemand, le grand-père Jacques présente l’image de l’intellectuel (radical ?), telle qu’on la retrouve à l’époque sous de nombreuses latitudes : barbe courte et moustache bien taillées, portant bésicles. Ajoutons un cliché de plus : « le regard sévère mais juste qui convient à l’enseignant respecté d’élèves du secondaire, soigneusement mis et portant l’uniforme : l’avenir du pays ». Donnant aussi des cours particuliers aux enfants d’Edmond Rostand. Entre natio-

septembre 2013 * n°338 • page 8

nalisme (français) et universalisme, entre internationalisme et particularisme. S’intéressant particulièrement aux langues : « La création d’une langue internationale, l’Espéranto (1903) » ou « Sur quelques particularités du parler bayonnais (1929) ». Mais je reviens ainsi à cette «  Conférence sur le sionisme  » que ce professeur de 32 ans a dû prononcer devant un public essentiellement juif (dit de la « Nation portugaise  ») mais parfaitement intégré de longue date à la « bonne société » de Bayonne. C’est bien de cette perspective que le Congrès qui vient de s’achever à Bâle sera examiné « sans passion, mais non avec indifférence, car rien de ce qui touche à Israël ne saurait nous être indifférent ». Pour qui a foi en la nation française, comment aborder « la résolution ferme de fonder un État juif en Palestine » ? « Le rêve tant caressé par nos pères serait-il donc à la veille de devenir réalité ? Hélas, non ! ce n’est, et ce ne sera sans doute jamais qu’un rêve, sauf peut-être au temps du Messie, lorsque, suivant la parole du prophète, on verra le loup paître avec l’agneau, lorsque l’équité et la justice régneront sur la terre. […] Quel bonheur, en effet, pour nos frères persécutés, s’il existait quelque part un État juif puissant, capable d’imposer à tous le respect de nos droits et de la justice, ou plus simplement un asile sûr, une retraite contre laquelle les haines viendraient se

Jacques Lambert et des élèves

briser impuissantes. » Mais pour Lambert, il y a loin de la coupe aux lèvres. Qu’il ne ressente aucunement l’envie d’émigrer, lui paraît secondaire, car l’entreprise, qu’il juge utopique, comporte d’autres dangers. « Oui, le projet des Sionistes est irréalisable. Que veulent-ils en effet ? Non pas établir en Palestine quelques colonies agricoles, comme on l’a tenté dans ces cinquante dernières années avec quelque succès. Non, il s’agit d’envahir pacifiquement la Pales-

tine sous l’œil bienveillant du Sultan, d’accaparer petit à petit le pays et d’en faire finalement la citadelle du Judaïsme avec l’assentiment de l’Europe. L’énoncé même du problème en révèle la difficulté. » Le Français de tradition juive n’est pas ignorant de la « question d’Orient  » et des intérêts qui s’y affrontent. «  Nous nous sommes jusqu’ici placés dans l’hypothèse, où les Juifs seraient admis sans difficulté en Palestine, où, dès qu’ils auraient frap-

pé à la Porte, – sans calembour – le Sultan la leur ouvrirait toute grande. Mais cette supposition est des plus invraisemblables. Il n’est guère probable que ceux qui occupent actuellement le pays, chrétiens ou musulmans, s’empressent de le quitter pour nous faire plaisir. Pour deux personnes qui y consentiraient, en se faisant payer grassement, il y en a cent qui refuseraient. […] Et quand même les intérêts des habitants actuels du pays et leur amour de la terre natale ne s’y opposeraient pas, leurs croyances le leur permettraient-elles ? Les Musulmans ont bâti une mosquée sur l’emplacement du Temple, et bénévolement, ils s’empresseraient de la raser ! Peut-être espérez-vous qu’ils vous laisseront vous multiplier jusqu’au jour où vous serez en état de leur dire : ‘La maison est à moi, c’est à vous d’en sortir !’ jusqu’au jour où vous serez assez nombreux pour démolir leur mosquée malgré eux. C’est vraiment les juger trop naïfs. » Ni naïf, ni ignorant, notre professeur de Bayonne fait défiler devant ses coreligionnaires les problèmes à venir d’un nouvel État « juif ». Je ne pourrais les citer tous, et n’en retiendrai qu’un pour finir : « Autre question. Le nouvel État nous imposera-t-il un credo commun ? Non sans doute, car la tolérance est devenue elle aussi un des principes du Judaïsme. Mais alors quel culte pratiqueront les autorités ? Ne pourra-t-on devenir magistrat qu’à la condition d’afficher extérieurement le respect de la religion juive ? Ou bien pourrat-on témoigner ouvertement son mépris pour elle ? Singulière idée tout de même, que d’aller rebâtir Sion, pour en faire un foyer officiel d’hypocrisie et d’incrédulité. » Il était une fois, il y a 115 ans, un professeur à Bayonne… ■

septembre 2013 * n°338 • page 9


! ‫יִידיש ? יִידיש‬

Yiddish ? Yiddish ! par willy estersohn

‫ֿפײער‬ ַ ‫ַארום דעם‬

Traduction

arum dem fayer Autour du feu

Autour du feu,/nous chantons des chansons,/la nuit est agréable,/nul n’est fatigué (on ne devient pas plus fatigué). Et si le feu/vient à s’éteindre/le ciel s’illumine/avec ses étoiles. Alors couronnez les têtes/de guirlandes de fleurs./Autour du feu/nous danserons joyeusement. Parce que danse et chanson/sont (est) notre vie./Après, dans le sommeil,/les rêves planent.

Vous vous souvenez des feux de camp et des chansons qu’on entonnait assis autour de la flamme ? Arum dem fayer était un grand classique du genre. Immanquable. En tout cas, dans les mouvements de jeunesse juifs, qu’ils soient bundistes, communistes ou même sionistes, là où, pourtant, l’usage du yiddish n’était pas particulièrement prisé. Cette chanson, dont on ne connaît pas l’auteur, fut populaire en Pologne et aux ÉtatsUnis dans les années 1930. Elle a connu plusieurs versions. Celle-ci figure dans le recueil Mir trogn a gezang, publié à New-York par l’Arbeter ring, association culturelle de filiation bundiste.

‫ֿפײער‬ ַ ‫ַארום דעם‬

‫טא קרוינט די קעּפ‬ ָ kep di

kroynt

to

krantsn - blumen

mit

fayer dem

‫ֿפײער‬ ַ ‫ַארום דעם‬ fayer dem

arum

,‫טאנצן‬ ַ ‫מיר׳ן ֿפרײלעך‬ tantsn

freylekh

mir’n

‫טאנץ און ליד‬ ַ ‫װײל‬ ַ lid

un

tants

vayl

,‫איז אונדזער לעבן‬ lebn

undzer

iz

- ‫שלאף‬ ָ ‫דערנאך אין‬ ָ shlof

in

dernokh

.‫חלומות שװעבן‬

shvebn khaloymes

arum

,‫מיר זינגען לידער‬

- ‫קראנצן‬-‫בלומען‬ ַ ‫מיט‬

lider zingen

mir

,‫טײער‬ ַ ‫נאכט איז‬ ַ ‫די‬ tayer

iz

nakht di

.‫מען װערט ניט מידער‬ mider

nit

vert

men

‫ֿפײער‬ ַ ‫און ָזאל דער‬ fayer

der

zol

un

,‫רלאשן װערן‬ ָ ‫ֿפא‬ ַ vern

farloshn

‫שײנט אויף דער הימל‬ ַ himl

der

oyf

shaynt

.‫מיט ַזײנע שטערן‬ shtern zayne

mit

remarques

‫ טַײער‬tayer = cher, précieux, estimé, adorable. ‫ טָא‬to : devant un verbe à l’impératif = alors, donc. ‫מיר׳ן‬ mir’n : ‫ מיר װעלן‬mir veln = nous + auxiliaire du futur (suivi du verbe à l’infinitif). ‫ חלומות‬khaloymes

(hébr.), plur. de

septembre 2013 * n°338 • page 10

‫ = חלום‬rêve.

septembre 2013 * n°338 • page 11


anne gielczyk

Flâneries estivales

B

onjour les amis. Je vous écris de Berlin où je passe mes vacances. Et vous ? Sur la côte belge ? Ou avez-vous opté comme tant de francophones pour la côte d’Opale, où on s’adresse à vous dans une langue civilisée ? C’est quand même aux antipodes de Knokke-Le Zoute, ça ! Ah bon, vous ne passez jamais vos vacances à Knokkele-Zoute ? Il est vrai que vous êtes des Juifs progressistes. Vous préférez Tarnac ou alors Montalivet. Tarnac pour les jeunes, Montalivet pour les moins jeunes. Bien que ça n’est plus ce que c’était, paraît-il. Plutôt nudiste que naturiste, me dit-on. Quelle différence ? Eh bien, on veut bronzer sans marques mais on va faire ses courses habillé. Un monde de différence. L’être et l’avoir, en quelque sorte. Mais soit, moi je suis à Berlin, où il y a des plages aussi, ne vous y trompez pas, nudistes qui plus est, mais contrairement à Montalivet, il y a aussi des musées, des monuments, des magasins et surtout du bon gaz d’échappement. Comme vous le savez, sans CO2, je déprime et je n’arrive plus à écrire.

J

’y reviendrai car qu’estce que j’apprends ? Qu’on a trouvé un colis en gare de Louvain et que ça pourrait bien être une bombe ?! On dirait une blague belge !

C’est grâce aux grandes oreilles d’Obama qu’on l’a détectée ? Ouah, je suis impressionnée. Obama qui s’occupe d’un colis suspect en gare de Louvain… Ceci dit, quelle déception cet Obama ! Pire qu’un Bush, ma parole. Nous voilà tous pistés par PRISM. Une famille américaine tout ce qu’il y a de plus ordinaire, en a fait les frais. Après quelques emplettes sur Une plaque du quartier bavarois de Berlin-Schöneberg : internet, dont « les Juifs sont priés de remettre aux autorités leurs une cocotteappareils électriques et leurs appareils photos, leurs minute et un sac bicyclettes, leurs machines à écrire et leurs disques » à dos, le mari a vu débarquer la police armée jusqu’aux dents a expliqué ce que c’était que dans leur maison du Suffolk près le quinoa, mais toujours estde New York. il qu’ils s’en sont allés comme - Possédez-vous une cocotteils étaient venus, sans avoir minute ? lui ont demandé les capturé de dangereux terroristes. policiers Visiblement, la combinaison - Non, mais nous possédons un de ces deux vocables « cocotteautocuiseur pour le riz a répliqué minute » et « sac à dos », n’a le mari. pas plu à la NSA, la National - Pouvez-vous fabriquer une Security Agency, le super-mégabombe avec ça ? big brother américain. - Non, ma femme l’utilise pour J’en déduis donc qu’il faut cuisiner le quinoa. éviter certains mots. Soyons - C’est quoi ça, le quinoa ? prudents. C’est pourquoi, L’histoire ne dit pas si le mari vous m’excuserez, mais je

septembre 2013 * n°338 • page 12

suis obligée de crypter ce qui suit. Sans quoi on risquerait de débarquer dans mon appartement de la Blankenbergstrasse. Attention ceci n’est pas une station balnéaire belge, mais une rue à Berlin-Friedenau. Finalement c’est grâce à ce pauvre Sn-w--d—n que nous avons été alertés. Ne faudrait-il pas lui -------------asile à l’U-JB ? -----------indiens----------certaine expérience. Mais Sn-w-d-n comment ---------arriver --------rue de la V-ct--r- ? On risque gros avec la NSA, et qui sait peut-être même le Moss--d ? Je suis sure que nous sommes déjà dans le colli--m--teur du Moss--d. Alors, les deux combinés, ça peut faire boum ! Oups, je voulais dire b----m ! En 1827 déjà, le grand poète (juif progressiste) Heinrich Heine avait publié ce texte: « Les censeurs allemands----------------------------------------------------imbéciles -------------------------------------------------------- » (Le Livre Le Grand). Comme quoi, les censeurs (et les imbéciles) sont de tout temps, en tous lieux.

C

e qui nous ramène à Berlin (je suppose qu’après la chute du mur, le mot « Berlin » n’est plus sur la liste noire de la NSA). J’ai eu l’occasion de me balader à vélo dans la ville (très bon pour humer le CO2) et partout on y trouve des références au passé nazi. Outre le « Mémorial de l’Holocauste » ce vaste champ de stèles à côté de la porte de Brandebourg et le fameux Musée juif de Libeskind, la ville est truffée de petits monuments, qui rappellent que dans cette ville vivaient à peu près 170.000 Juifs en 1933 (environ 6.000 juste après la

guerre). On trébuche partout sur des « pavés de la mémoire », les Stolpersteine, qui existent aussi à Bruxelles, mais qui ont été refusés à Anvers… par la communauté juive. Anvers est la première ville au monde à refuser les Stolpersteine, 28.000 de ces pavés ont déjà été placés dans différents pays européens. Les dirigeants juifs anversois n’ont pas aimé l’idée qu’on marche sur des noms juifs. D’autant plus que les pavés devraient être apposés dans des rues jadis habitées par des Juifs et aujourd’hui par d’autres immigrés, qui « ne sont pas sensibles à la Mémoire de la Shoah » selon le Forum anversois. Sans commentaire.

B

erlin commémore cette année, les 80 ans de la prise du pouvoir par Hitler (1933-2013) par des évènements dans la ville sur le thème de « Zerstörte Vielfalt », la diversité perturbée. Sur le Ku-dam, les ChampsÉlysées berlinois, les vitrines des magasins rappellent ici et là la présence de magasins juifs avant-guerre. Dans les rues du quartier bavarois de la commune de Schöneberg où habitèrent beaucoup de Juifs, une installation montre par quelque 80 plaques accrochées aux réverbères et aux poteaux indicateurs par deux artistes berlinois, une série d’ordonnances dont ont été victimes les Juifs. Quelques exemples : « Les frais médicaux délivrés par des médecins juifs ne seront plus remboursés », ordonnance du 31 mars 1933 (Hitler est Chancelier depuis à peine deux mois) ; « Les Juifs sont exclus des associations sportives », ordonnance du 7 avril 1933 ; « Les employés de la

Poste mariés à des Juives seront suspendus de leur fonction », 15 avril 1937 ; « Les Juifs sont tenus d’acheter la nourriture entre 4 heures et 5 heures de l’aprèsmidi », janvier 1942 . Une plaque raconte l’histoire arrivée à un Juif qui aurait transgressé l’ordonnance qui interdit aux Juifs d’avoir des animaux domestiques. Ne pouvant se séparer de son canari, il a été dénoncé par un voisin et amené au commissariat de police où il est mort dans des circonstances « non élucidées » comme on dit. Sa femme a été priée de venir chercher son urne pour laquelle elle a dû payer une taxe de 3 DM… Ce ne sont là que quelques exemples qui racontent la banalité du mal. Dans le même quartier, une jolie école. Dans la cour de récréation, les enfants ont construit un mur. Sur chaque brique est inscrit un nom : « Ich denke an », je pense à : Dan Birnbach, né le 14.10.1938, décédé le 4.8.1943 - Auschwitz; Klaus Wiesner : né le 10.5.1938, décédé le 12.1.1943 - Auschwitz; Benny Tawrigowski, né le 27.12. 1940, décédé le 12.1.1943 - Auschwitz.

L

a ville d’Anvers pourrait en prendre de la graine. Surtout depuis qu’un certain Bart De Wever et son ac​olyte, Liesbeth Homans, essaient d’y imposer des mesures discriminatoires et vexatoires vis-à-vis des étrangers (taxe de 250 € d’inscription pour les étrangers, suspendue par la gouverneure d’Anvers et aujourd’hui le speedy pass contesté par le Centre pour l’égalité des chances). On sait aujourd’hui jusqu’où cela peut mener… n

septembre 2013 * n°338 • page 13


témoigner À Weimar et à Buchenwald simon gronowski

D

epuis plusieurs années je suis invité par des organismes d’adultes et de jeunes, surtout dans des écoles, en Belgique et à l’étranger, à témoigner de la barbarie nazie et à lancer un appel à la démocratie et au respect mutuel. Jamais je n’ai dit non, sans me préoccuper de la personnalité et de la tendance politique, philosophique ou religieuse des organisateurs, ni des détails de leurs projets. C’est ainsi qu’à l’initiative d’un ami allemand, confrère avocat à Cologne, je fus convié à une manifestation en faveur de la démocratie et me suis rendu fin juillet 2013 en voiture, accompagné d’un ami interprète, à Weimar, au camp de concentration de Buchenwald, Je ne savais pas exactement quel groupe m’invitait, ce qui m’attendait et comment se déroulerait l’événement. Je me suis trouvé dans un camp de vacances de jeunes militants anti-fascistes. Tous les ans depuis vingt ans se tient ce « Antifacamp » : de jeunes Allemands de 18 à 40 ans se retrouvent à Weimar (Thuringe, RFA orientale) pour un séjour d’une semaine, logeant sous la tente dans des conditions modestes sur un terrain de la ville et s’organisant en autogestion (pour moi ils avaient réservé un hôtel-pension). Leur but est d’établir un lien entre une pratique mémorielle et la lutte contre la résurgence du

fascisme et du nazisme en RFA. Le lundi matin 29 juillet, ils m’ont fait visiter l’immense camp de concentration de Buchenwald, qui se trouve à quelques kilomètres sur le territoire de la ville de Weimar. La réputation de cette ville ne pouvait lui donner son nom. On l’a donc appelé Buchenwald, qui n’est pas le nom d’une localité, mais celui de hêtraie (Buchen = hêtres). Créé en 1937, 200.000 prisonniers y sont passés dont 60.000 sont morts dans des conditions atroces. À la porte d’entrée, en ferronnerie : « Jedem das Seine » (à chacun son dû) Pour des raisons budgétaires le site muséal officiel a été réduit, de sorte que de grandes parties de terrain restent abandonnées et en friches. C’est là que ces jeunes consacrent leurs matinées à une activité véritablement archéologique. Ils ont mis à jour plusieurs endroits « oubliés », non inclus dans le lieu mémoriel, notamment des lieux spéciaux de détention comme le camp d’enfants situé à la lisière du camp, à 300 mètres en contrebas de l’entrée. Ils y recherchent des objets ayant appartenu à des internés et à leurs tortionnaires, enfouis, perdus, abandonnés et que le temps a recouverts de terre : dernières traces de ceux qui ont combattu le nazisme, précieux témoins des combattants pour la dignité et la fraternité humaine et de leurs souffrances. Par tous les temps, travaillant

septembre 2013 * n°338 • page 14

en équipes, ils fouillent le sol, creusent, tamisent, nettoient et restaurent les objets trouvés et en feront une exposition. En fin de matinée, ils m’ont montré la récolte du jour dans un récipient : des boutons, des couverts et même un fragment de porcelaine avec l’inscription SS. Il y a là un grand bâtiment qui servait de prison spéciale pour les déportés mais dans laquelle, après la guerre, les Russes internèrent les responsables nazis. Les plaques commémoratives apposées sur ce bâtiment mettent sur le même pied les déportés internés par les nazis et les nazis internés par les Russes, amalgamant la mémoire des uns et des autres. Les jeunes de l’Antifacamp n’acceptent pas ce détournement de l’histoire de ce camp. Il y a la Blutstrasse (chemin de sang) de plusieurs kilomètres conduisant les déportés à pied de la gare de Weimar au camp, qu’ils mettront plus tard en dur et qui existe encore. Les détenus construiront aussi, au prix de grandes souffrances, une ligne de chemin de fer amenant les trains de déportés directement à la porte du camp, ligne aujourd’hui recouverte par la nature, végétations, arbres et buissons, mais que les jeunes de l’Antifacamp ont retrouvé en partie. Il y a le Karachoweg, chemin de douleur dans le camp même et le Bunker, prison dans la prison. Dans la salle des fours crématoires, aucun drapeau national sauf un, le drapeau israélien, alors que les victimes juives dans

ce camp n’étaient pas la majorité. Ce qui m’a frappé c’est le souci de sécurité de ces jeunes. À l’entrée de leur camp de vacances, il faut montrer patte blanche pour qu’ils lèvent la barrière pour notre voiture et ils montent la garde de jour et de nuit en se relayant aux abords du camp. D’habitude, je signe au nom des personnes qui me le demandent. Ici, je n’avais pas le droit de personnaliser. Pourquoi tant de précautions ? Car ils vivent constamment sur le qui-vive, sans cesse en butte aux provocations de groupuscules néo-nazis, à leurs menaces, à leurs agressions verbales ou physiques, faisant parfois le coup de poing. Ce climat d’insécurité surprend l’étranger et contraste fort avec une activité militante similaire dans une société démocratique comme la nôtre. Les après-midis sont consacrés à des conférences et discussions : situation politique et socio-économique en RFA, résurgence du nazisme, du racisme, de la xénophobie, importance de la mémoire et témoignages de survivants (Zeitzeugen). Je fus ainsi le témoin du jour. Les caméras ne pouvaient évidemment pas filmer le public. J’ai été étonné par la qualité des questions. C’est vrai que je m’adressais à un public très cultivé politiquement. Une française de Lyon, étudiante en médecine à Leipzig, m’a dit ensuite que mon discours, de paix, de respect mutuel, de démocratie, mais aussi de conciliation et de pardon, avait étonné et calmé une jeunesse souvent trop axée sur l’affrontement. Un autre témoin fut le lendemain Gert Schramm, interné à Buchenwald car métis de parents

blanc-noir. Le soir, c’est le moment de détente. Les jeunes chantent et dansent. Ce sont en général de simples ouvriers ou de petits artisans et quelques étudiants. C’est dans ce milieu socio-culturel que beaucoup de jeunes Allemands résistèrent à Hitler et payèrent cher leur engagement. La ville de Weimar était le passage obligé des déportés se rendant de la gare au camp sous la férule des SS, d’abord à pied, plus tard en camions. Notre guide nous a dit qu’au début, avant la construction des crématoires, des camions-remorques amenaient les cadavres de Brochure éditée en 1954 par le Comité des Buchenwald au cremato- résistants antifascistes de la DDR. Coll. AM rium de Weimar. Un jour eut lieu un accident et la re- rie de Buchenwald. morque s’est renversée, jonchant Depuis 1958, l’organisme alleles cadavres au sol. mand Aktion Sühnezeichen FrieLes habitants de Weimar pou- densdienste (ASF) envoie, dans vaient-ils ignorer ce qui se pas- le cadre de la fondation « Erinsait dans le camp tout proche ? nerung, Verantwortung und Actuellement la ville de Weimar Zukunft », des jeunes volontaires ne semble pas soutenir beaucoup allemands militer auprès de surces jeunes combattants de la li- vivants de la Shoah et de lieux de berté, sauf que les effectifs de la mémoire dans le monde entier, y police auraient été renforcés à compris au Musée de la Déportacette occasion. tion à Malines et au Home HeuLa ville n’a souffert aucun dom- reux Séjour de la rue de la Glamage durant la guerre. Sa magni- cière. fique architecture du 18ème et 19ème Ce sont également de jeunes siècles est restée intacte. C’est Allemands, combattants de la médans cette ville qu’est né le Bau- moire et de la démocratie. L’idéal de l’Antifacamp correshaus. Il y règne une atmosphère d’harmonie et de quiétude. On la pond en de nombreux points à cenomme capitale culturelle de l’Al- lui de l’UPJB. Pourquoi des jeunes de celle-ci lemagne, surtout à cause de ses deux célébrités locales, Goethe et ne se joindraient-ils pas l’année Schiller, tandis que Jean-Sébas- prochaine à ces jeunes amis allemands ? n tien Bach n’est pas loin. C’est bien cela qui heurte la raiwww.antifacamp.net son : une ville contenant à la fois le génie de la culture et la barba-

septembre 2013 * n°338 • page 15


activités

Dans le cadre de la Journée Nationale du Martyr Juif de Belgique L’Union des Déportés Juifs en Belgique – Filles et Fils de la Déportation

samedi 21 septembre à 20h15

vous appelle à participer au

Grand cabaret de rentrée de l’UPJB

57ème Pélerinage National à l’ancienne Caserne Dossin à Malines Rue Goswin de Stassart 153

Le dimanche 8 septembre 2013 à 11h Rassemblement devant la caserne dès 10h30

Renouant avec une bonne tradition de la maison, l’UPJB présente son grand cabaret de rentrée. Vous y êtes tous et toutes invités, non seulement comme spectateurs, mais aussi comme comédiens, chanteurs, musiciens, magiciens, clowns, slameurs, etc : la scène est ouverte à tous les membres de l’UPJB et sympathisants.

Départ des autocars à 9h30 Bruxelles : Place Rouppe Antwerpen : Loosplaats Pour voir le futur, il faut regarder derrière soi

Isaïe

Nous ont déjà annoncé leurs prestations artistiques : Noé, Gérard W, Maroussia Buhbinder, Pascal Decraye, Henri Goldman, Alain Lapiower, Alexandre Wajnberg et Anne Grauwels. La soirée sera animée par Lara Erlbaum, clown. Si vous souhaitez vous aussi nous faire partager vos talents, n’hésitez pas à contacter Ariane Bratzlavsky (arianebratz@gmail.com) ou Daniel Liebmann (upjb2@skynet.be)

Hommage à Bernard Fennerberg Isabelle Emmery, Présidente de la Fédération Nationale des Combattants (FNC) section Anderlecht à l’honneur et le plaisir de vous inviter à la soirée HOMMAGE à BERNARD FENERBERG qui a participé au sauvetage de 14 jeunes filles juives de la déportation en 1943

PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

le jeudi 19 septembre à 20h salle Molière, rue d’Aumale 2 à Anderlecht (métro Saint-Guidon) Réservations indispensables au 0498.588.870 ou fnc.anderlecht@gmail.com Avec l’appui de la Fondation Auschwitz et de la commune d’Anderlecht

septembre 2013 * n°338 • page 16

© Yves Kerstius

septembre 2013 * n°338 • page 17


activités

politique d’asile Commémoration Semira 2013 Dénoncer sans relâche les centres fermés, les expulsions et les violences policières

L

e 22 septembre 2013, cela fera quinze ans que Semira Adamu a été assassinée par la police belge lors de son rapatriement forcé et que l’ensemble de la société belge prenait conscience de la violence des politiques de détention et d’expulsion des étrangers. Rappel des faits Fuyant le Nigeria en étant passée par le Togo, Semira Adamu est arrivée en Belgique le 25 mars 1998, âgée de presque vingt ans. Arrêtée à Zaventem et incarcérée au centre fermé 127bis de Steenokkerzeel alors qu’elle transitait vers Berlin, elle a introduit une demande d’asile, motivée par la fuite d’un mariage forcé avec un polygame de 65 ans, qui a été refusée. Malgré un recours pour raisons humanitaires et la mobilisation d’un comité de soutien, prêt à se porter financièrement garant du séjour de Semira, l’Office des Étrangers a décidé d’organiser son rapatriement forcé. Grâce à sa résistance personnelle et à l’intervention de personnes indignées dans l’avion, cinq tentatives d’expulsions ont échoué. A chaque tentative, les violences et les menaces à son égard se sont intensifiées. Lors de la sixième tentative d’expulsion, le 22 septembre 1998, pas moins de neuf gendarmes ont été mobilisés pour

septembre 2013 * n°338 • page 18

l’embarquement. Cachée des regards des passagers par cette escorte, elle s’est retrouvée pieds et mains menottés, pliée en deux, un coussin devant la bouche et la pression d’un gendarme sur le dos. Alors que pour toute forme de résistance Semira chantait, cette contrainte a été exercée pendant une quinzaine de minutes et a fini par plonger Semira dans le coma. Semira Adamu est décédée vers 21h30 à l’hôpital Saint-Luc d’une encéphalopathie anoxique avec œdème cérébral. Une date à ne pas oublier Ce ne fut ni le premier ni le dernier décès provoqué par la politique belge d’enfermement et d’éloignement des étrangers. À travers ses contacts avec le comité de soutien et le Collectif contre les expulsions, Semira était devenue le symbole de la résistance à l’intérieur des centres. C’est une des raisons pour lesquelles le cabinet du Ministre Tobback a voulu en faire un exemple en l’éloignant à tout prix. Son assassinat en aura hélas fait le symbole du caractère criminel et meurtrier de la politique belge de l’asile et de l’immigration. 1998, c’est aussi l’année où le scandale des centres fermés, dont la création remonte à 1988, commença à sortir de l’ombre grâce aux actions du Collectif contre les

expulsions et à leur médiatisation. La mort de Semira suscita une grande émotion au sein de la population et donna de l’ampleur au mouvement des sans-papiers. Le gouvernement y répondit par une évaluation des politiques d’asile, de migration et d’éloignement, privilégiant désormais dans certains cas les expulsions collectives par vol militaire, sans témoins, ainsi que par la grande opération de régularisation collective « one shot » de 1999. Et, depuis, la précarisation des droits des migrants n’a fait que s’aggraver ; les enfermements et les éloignements forcés n’ont fait que continuer… En septembre 2003, une manifestation et un meeting de commémoration des cinq ans de l’assassinat de Semira rassembla des milliers de personnes à la salle de la Madeleine. Ce rassemblement s’inscrivait dans la foulée d’un été très chaud pour la cause des migrant-e-s où les mobilisations se renforçaient mutuellement  : sans-papiers équatoriens à Saint-Gilles, demandeurs d’asile afghans à l’église Sainte-Croix d’Ixelles, demandeurs d’asile iraniens à l’église des Minimes puis à l’ULB, création de l’assemblée des voisins, de la CRER, de la CLIC… Depuis, chaque année autour du 22 septembre, une manifestation est organisée en mémoire de Semira Adamu

septembre 2013 * n°338 • page 19


activités ➜

jeudi 17 octobre de 19h30 à 22h

mais celle-ci demeure trop souvent confidentielle. A l’instar des occupations de sans-papiers et des actions de dénonciation des centres fermés – tel le Steenrock – qui ne reçoivent plus l’audience populaire qu’elles méritent. En 2013, il nous paraît primordial de marquer un grand coup et de perpétuer le combat de Semira Adamu comme de toutes les personnes victimes des (non) politiques d’asile et de migration de nos gouvernements. D’abord pour que les « moins de vingt ans » prennent connaissance de cette histoire qui a fait la honte de la Belgique. Ensuite pour attirer l’attention sur les violences policières qui continuent à frapper les personnes migrantes qui résistent et ceux qui les soutiennent, tels les organisateurs du Festival des résistances à Steenokkerzeel en 2003 dont la plainte contre la police vient d’être introduite à la Cour européenne des droits de l’Homme après avoir épuisé toutes les voies de recours belges. Enfin pour relancer une large mobilisation en faveur des droits des migrant-e-s afin que notre pays respecte les droits et la dignité humaine et qu’un jour les centres fermés et les expulsions disparaissent à jamais de nos mémoires. Cette initiative s’inscrit dans la dynamique de l’appel à la constitution d’un front large pour les droits des migrants et contre la précarisation généralisée, amorcée ce printemps 2013. Un meeting musical le 22 septembre 2013 Dans le même esprit que les commémorations de septembre

1999 et 2003 ou que le Steenrock qui n’aura pas lieu cette année, nous organisons le dimanche 22 septembre 2013, à Bruxelles, un grand meeting – concert en plein air (ce sera le dimanche sans voiture). Lieu : place Rouppe Horaires : 14h-21h

lences policières Révision des politiques d’asile et de migration en vue de les rendre conformes au respect des droits de l’Homme et au mouvement du monde, c’est-à-dire de les acheminer vers la liberté de circulation pour toutes et tous

Artistes : Organisation : L’après-midi, la scène sera ouverte à des interventions brèves d’artistes locaux engagés sur la question : Claude Semal, Daniel Hélin, Weli, La Shiva Gantiva, Pitcho, Hydra, Dan T, Zone Libre… En début de soirée, un concert d’un artiste plus connu mais tout autant sensible à la cause : Asian Dub Foundation Meeting : Rappel des faits, témoignage d’amis de Semira, dénonciation des violences policières, témoignages sur les centres fermés et les expulsions, hommage poétique à Semira et à tous les migrant-e-s inconnu-e-s, prise de position politiques. Autour du podium, une tente d’information et un espace de débat sur les enjeux politiques de la manifestation, animés par les différents partenaires.

Bruxelles Laïque lance l’invitation et coordonne l’organisation du projet. Les associations suivantes ont déjà exprimé leur soutien au projet : Bruxelles Laïque, CRER, CRACPE, Ligue des Droits de l’Homme, Cire, FGTB, JOC, MOC, PAC, UPJB, PTB, Ecolo Bxl, Egalité, LCR, JAC, Groen, CNCD, Sireas, Déclic, Linx +, No Border n Contacts : Mathieu Bietlot : • m.bietlot@laicite.be • 02.289.69.00 www.semira2013.be (en construction)

Le déplacement forcé des Arabes Bédouins en Israël Meeting d’information et de protestation à l’ULB Organisé par L’Institut Marcel Liebman, l’association BDS ULB, le ComacULB, l’Union des Progressistes Juifs de Belgique, en collaboration avec le groupe « Solidarity With Bedouins » de retour d’une randonnée de reconnaissance de villages bédouins non-reconnus dans le Néguev-Naqab

Prises de parole

Haneen Zoabi, députée à la Knesset – Michel Warchawski, fondateur de l’Alternative Information Center – Khalil Alamour, responsable du village non-reconnu Al Sira – Marco Abramowicz, témoin. Film de Jasper Flickshuh : Randonnée solidaire en vélo et à pied parmi des villages bédouins

non reconnus

Entrée libre au bénéfice de la résistance des villages bédouins

La Knesset approuve le « déplacement forcé » des Arabes Bédouins Le 24 juin après-midi, la Knesset israélienne a approuvé le projet de loi discriminatoire Prawer-Begin, par 43 votes contre 40. Le Plan Prawer-Begin menace de « déplacer » des dizaines de milliers de citoyens arabes bédouins d’Israël dans le Naqab (Negev) et de les déposséder de leur terre, de détruire des dizaines de villages et de solutionner en faveur de l’État toutes les réclamations et revendications territoriales en suspens.

Pour se rafraîchir la mémoire : http://ccle.collectifs.net/

Mots d’ordre : • • •

Suppression immédiate des centres fermés Arrêt immédiat des expulsions Condamnation des vio-

septembre 2013 * n°338 • page 20

septembre 2013 * n°338 • page 21


activités

vendredi 25 octobre à 20h15 Deux ans et demi de révolution syrienne Conférence-débat avec

samedi 19 octobre à 20h15

Jean-Pierre Filiu

Points critiques présente à ses lecteurs, membres de l’UPJB et abonnés, ses meilleurs voeux à l’occasion de la nouvelle année 5774

‫ַא גוט יָאר‬

La tragédie qui se déroule en Syrie depuis deux ans et demi fait l’objet d’analyses, de commentaires et de jugements extrêmement variés et contradictoires. C’est ainsi, par exemple, que certains considèrent qu’il s’agit d’une guerre civile opposant diverses communautés religieuses et que d’autres estiment que les « troubles » s’expliquent essentiellement par des ingérences étrangères. Parmi ces derniers, un certain nombre minimise fortement les crimes du régime en place à Damas. Jean-Pierre Filiu, historien et arabisant, spécialiste de l’islam contemporain, connaît particulièrement bien la Syrie et son histoire. Il y a séjourné de nombreuses fois depuis 1980. Ancien diplomate, il a été adjoint de l’ambassadeur de France à Damas de 1996 à 1999. Son dernier séjour en Syrie date du mois de juillet de cette année, dans la partie d’Alep sous le contrôle des opposants au régime de Bachar el Assad. Pour lui, ce qui se passe en Syrie est bien une révolution qui participe de la vague démocratique qui traverse le monde arabe depuis décembre 2010 et la réconciliation du régime d’Assad avec son peuple est impossible. Mais, pour l’emporter sur le régime, les forces révolutionnaires doivent non seulement affronter la barbarie du régime, mais aussi dénouer le lacis des ingérences étrangères, puisque Assad est passé maître dans la manipulation des crises internationales à son profit. Il estime que la chute du « système Assad » aura des retombées plus considérables que les révolutions tunisienne et égyptienne sur l’ensemble de la région. Jean-Pierre Filiu est professeur des universités à Sciences-Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Il a publié en 2013 Le Nouveau Moyen-Orient, les peuples à l’heure de la révolution syrienne (Fayard), ainsi que le roman graphique Le Printemps des Arabes, dessiné par Cyrille Pomès (Futuropolis). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été diffusés dans une douzaine de langues. Modérateur du débat : Michel Staszewski PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

septembre 2013 * n°338 • page 22

septembre 2013 * n°338 • page 23


lire Père/Fils : qui cherche qui ? (épisode n°3 : David Grossman – Philip Roth) antonio moyano

C

e dimanche après-midi, faisant une bonne sieste (idéal pour récupérer de ma semaine) j’ai souffert d ’une abominable confusion mentale, quel jour sommes-nous ? Déjà lundi matin ? Grouille-toi, tu vas arriver en retard ! Non, pas lundi, abruti ! Dimanche matin. Ah bon  ? Alors inutile de courir, t’as raté ton rendez-vous, c’est fichu pour la parlote avec les copains. Étions-nous au début ou à la fin ? Mais de quoi précisément ? J’ai perdu la main, ne suis-je plus qu’une vieille chaussette dépareillée. Qu’est-ce qui me manque ? Vis câble boulon ? S.O.S ! Qu’on appelle le dépanneur et qu’il se grouille ! La pièce de rechange est-elle en stock  ? Ou doit-on attendre la Saint-glinglin  ? Et quelle fontanelle de mon crâne vont-ils réussir à me reconnecter ? Et tout ça nappé de borborygmes que je tente de traduite tant bien que mal en langage normal : « Et la date limite de ton article pour Points critiques ? » Ah zut ! Voilà donc la cause de mon cauchemar ! J’ai devant moi Tombé hors du temps, récit pour voix. T’as aimé ? Je m’encourage par une question bateau. T’as pris des notes, je vois ? Cet exemplaire de seconde main, je l’ai trouvé chez Pêle-Mêle, le précédent lecteur a souligné à l’arrachée mais au crayon, heureusement. Je ne lis quasiment que pour nourrir ma série Père/Fils qui cherche qui ? Cela ressemble à du théâtre, des gens parlent et se racontent, il y a

une espèce de narrateur qui traverse tout le livre, c’est le chroniqueur de la ville, c’est lui qui fait le lien entre tous ceux qui sont là. Et cette place de narrateur (espèce de coryphée) est fortement convoitée, certains d’entre eux lui contestant sa légitimité, qui t’envoie ? Tu te crois supérieur à nous parce ce que t’as les mots pour « capturer » le deuil ? Une douleur, récente ou plus ancienne les tient tous en éveil : tous ont perdu qui un fils qui une fille et ils en gardent mémoire. Chacun d’eux a fait l’expérience de l’inéluctable, de l’inadmissible, fardeau avec lequel  il   faudra   pourtant vivre : perdre à tout jamais un être de votre chair, de votre sang. Tous les personnages semblent des curseurs en mouvement, et il en va de même du texte, parfois proche de la poésie, de l’allégorie, du rêve éveillé. Quelquefois, on a des détails très précis, on visualise très concrètement les choses et d’autres fois on entend la voix mais on ne sait pas encore ce qu’elle nous dit. Et le récit concernant tel ou tel personnage nous vient par petits bouts, c’est comme s’ils émanaient de la pénombre ou de la brume. On est dans une dimension non-réaliste et sans repère, ce n’est que petit à petit que les voix tissent une sorte de maillage et elles nous deviennent proches, du genre ah oui, toi je te reconnais. Tôt ou tard Tombé hors du temps deviendra théâtre (si ce n’est déjà fait ?) tant ce texte appelle la scène, tout en soulevant de passionnantes questions

septembre 2013 * n°338 • page 24

de dramaturgie. Et nous croiserons le couple formé par le cordonnier et la sage-femme, le chroniqueur de la ville et sa femme, le vieux professeur de mathématiques, le centaure (ah oui, c’est le type 24h sur 24h collé à sa table de travail, et le bureau ayant quatre pattes, on le surnomme le centaure), il y aussi le Duc qui traite un peu le chroniqueur comme si c’était son Rigoletto. La grande réussite c’est quand tous ces êtres éparpillés, chacun enfermé dans sa douleur de solitude, par la magie du Verbe, ils en viennent à se faire l’écho les uns des autres. Et tous forment comme le chœur des pièces des tragédies antiques, ici ils se nomment : Ceux qui marchent, et la tension monte d’un cran. Et l’émotion surgit des mots les plus simples, quand par exemple l’homme qui marche fait l’inventaire des jouets et menus objets ayant appartenus à l’enfant mort. Ou quand sont prononcés des prénoms d’enfant Lili, Hannah, Michaël… Comme si « les mots des pauvres gens » comme dit la chanson Avec le temps de Léo Ferré, prenaient subitement des ailes, des ailes s’envolant loin d’un écrin de paroles étouffantes de désespoir. Certains passages sont admirables : la vision de ces trous dans la terre, et mimant un cortège funèbre, le chœur s’en va creuser sa tombe et pourtant rejaillir à la vie. Ou la vision de ce ciel devenu muraille, et ces trompe-l’œil de la roche où soi-disant des visages se dissimulent.

Mise en voix de l’œuvre de David Grossman par Blandine Masson au musée Calvet à Avignon le 13 juillet 2013

Et les cris de colère contre les mots, ces intarissables bavards qui veulent et promettent et ne font que blabla. Puisque l’énigme, nous la connaissons : les morts ne nous reviendront pas. Et puis surgit l’instant où plus personne ne reconnaît personne alors que quelques minutes auparavant ils étaient côte à côte, et tous semblent se voir pour la toute première fois. Pourtant, tout avait commencé comme dans la plus banale des séries télé, dans la cuisine d’un appartement moderne, un père, une mère viennent de recevoir la sinistre nouvelle par un messager en uniforme, ou alors l’homme et la femme s’en souviennent et se remémorent cet instant  ? Enfin, pour eux, depuis lors, le temps s’est déréglé. Et le père décide, n’en pouvant plus d’attendre, d’aller là-bas. Là-bas  ? Là-bas n’indique aucun lieu précis sinon l’attente infinie et toujours déçue : le fils est là-bas d’où personne n’est jamais revenu, il n’existe pour là-bas que des allers simples, jamais au grand jamais un ticket aller-retour. Et le père se met en marche tel celui descendu aux Enfers à la recherche de... Mais attention, ne croyez pas que cela se termine en queue de poisson, oh non  ! Et

même si ce texte est assez déconcertant, au fur et à mesure s’installe une tension dramatique et même un climax allant crescendo jusqu’au point de cassure et de résolution. Certes, pas de résurrection mais autre chose advient… vous verrez. De celui qui a perdu le fils passons au fils qui voit partir son père. Patrimoine. Une histoire vraie, ce livre autobiographique de Philip Roth s’est glissé par trois fois dans ma vie, je l’avais lu une première fois en diagonale en 1992 lors de sa parution ; une seconde fois, ligne à ligne sans perdre une miette, dans les mois qui ont suivi la mort de mon propre père, c’était vers octobre ou novembre 1994, et puis voici la troisième fois… Le livre se referme par cette phrase : « On ne doit rien oublier. » Et moi je me souviens de ce père comme si je l’avais personnellement connu, ô miracle de la littérature ! S’il existe une poétique de l’esquive, de la suggestion, du nondit, il existe tout aussi fortement une poétique des infinis détails, d’un fourmillement d’évocation du temps passé et qui a disparu et qui ne vivra plus que dans la phrase rapportée, de la fine broderie pour tenter de tout dire, et de ne rien cacher du clair-obscur des sentiments. Et par exemple

de l’histoire d’un bol, (page 28) « le bol à raser qui autrefois avait appartenu à mon grand-père  ; mon père y mettait son rasoir et un tube de crème à raser. Le bol était en porcelaine bleu pâle (…) Le bol était, à ma connaissance, notre seul héritage familial et, avec une poignée de vieux instantanés, le seul témoignage tangible des années d’immigration à Newark que l’on avait pris la peine de conserver. » Car le père avait la manie de se débarrasser des vieilles choses, de les jeter ou les offrir. Choses inutiles devenues caduques et hors d’usage mais ayant néanmoins une charge émotive ou puissamment symbolique, ainsi des tefilin dont le père « se débarrasse » en les laissant dans un casier du vestiaire de la synagogue. Ses fils ou petits-fils ne seraient-ils pas heureux de les recevoir, non pour leur valeur mais parce que venant de lui ? Le vieux père n’y songe même pas, qu’un inconnu les emporte et c’est tout aussi bien. Tout homme (et c’est même un privilège, qu’on y songe  !) vit cette expérience unique (elle ne va pas se renouveler souvent et pour cause !) : voir ses parents mourir. Le livre de Roth relate cette expérience. Et pour peu qu’on soit sensible à ce souci qui ronge « mais que nous reste-t-il ? le sens de tout ça estce de disparaître et puis plus rien ? », ce livre est une nécessité. Page 132 : « On ne doit rien oublier, voilà la devise qui figure sur son blason. Être vivant, pour lui, c’est être fait de mémoire : pour lui, si un homme n’est pas fait de mémoire, il n’est fait de rien. » ■ David Grossman,Tombé hors du temps : Récit pour voix, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses, Seuil, 2012, 198 pages. Philip Roth, Patrimoine . Une histoire vraie, traduit de l’anglais par Patrick Gador et Maurice Rambaud, Gallimard, 2008, Folio n°2653, 251 pages.

septembre 2013 * n°338 • page 25


lire

UPJB Jeunes

Aharon Appelfeld. L’instant d’avant tessa parzenczewski

E

Souvenez-vous du temps Les chansons des Mala Zimetbaum rassemblées et racontées par Tanuki Dissident

nfant, Aharon Appelfeld passait tous les étés dans une pension de famille dans une ville d’eau. Comme dans toute son œuvre, construite sur des fragments de mémoire, voici que surgissent, ici aussi, des personnages du passé. Nous sommes à la fin des années trente. Un groupe d’estivants juifs, assimilés comme les parents d’Appelfeld, ont l’habitude de se retrouver chaque année, à la pension Zaltzer, à Fracht, au bord du fleuve. Mais cette année, rien n’est pareil. Rita Braun arrive la première avec son fils, suivie quelques jours plus tard par Benno, Zoussi et Van. Tous les jours, ils vont à la gare pour attendre les autres, mais personne n’arrivera. Oubliées donc les interminables parties de poker mais pas l’alcool. L’alcool, le jeu et les amours brèves peuplent leurs étés. Rita dilapide son héritage, comme un défi insolent aux traditions familiales. Benno boit tout ce qu’il gagne au jeu. Une étrange atmosphère s’installe. Une sorte de huis clos où chacun soliloque, sous l’œil impitoyable de Vassil le serveur et le regard compatissant de la servante Maria, personnage récurrent chez Appelfeld, une Ruthène pleine d’empathie pour les Juifs. La nature aussi s’y met. Un orage éclate, le fleuve sort de son lit et inonde de boue la cour fleurie. Une angoisse indéfinie étreint Rita. Le désarroi envahit Benno, expert en autodestruction. En pleine panique, Rita

s’accroche à une idée : la Palestine. La Palestine, comme une sorte de paradis ensoleillé, où tout serait possible… Loin de toute conviction sioniste, plutôt une sorte d’aspiration tchékovienne, comme les « Trois sœurs » qui rêvent de Moscou, pour quitter une vie médiocre. Au petit matin Rita s’enfuit, prend des trains, fait des rencontres glauques, dans une sorte de dérive, vers Vienne et puis Trieste… « Sol de feu » tel est le titre original du roman en hébreu, plus explicite que le titre en français, « Les eaux tumultueuses », qui laisse volontairement dans l’ombre la menace. Car le feu couve déjà mais les signes avant-coureurs restent à l’état d’énigmes pour ceux qui ne veulent pas voir. Les traductions arrivent souvent dans le désordre. Ce roman-ci a été publié en 1988. Le silence n’avait pas encore envahi l’écriture d’Appelfeld, encore que… parfois en arrière-plan. Des silences différents. Silence parce qu’on n’a plus rien à se dire, silence parce que ce que l’on pourrait dire est indicible, langage parcimonieux contre un vain bavardage, silence parce qu’on ne trouve pas le mot juste. Personnages mutiques ou qui se réfugient dans le sommeil. Ici l’auteur

septembre 2013 * n°338 • page 26

« j’ai la mélodie ! » Alors, nous nous sommes posés, ensemble, certainement pas en cercle, mais éparomment c’est venu  ? pillés dans la pièce. Chacun lanL’idée, d’où  ? La pre- çant une petite phrase, comme ça, sans prétention aucune. mière phrase, de qui ? Une chanson, donc. Pour nos Je suppose que c’est venu comme ça, monos de l’époque. Aurélia dequelques heures avant le ra- venue Pika, Antonin devenu dio-crochet. Je nous revois, les Geko, Clément devenu Cougar et Mala Zimetbaum, réunis dans la Alice bientôt Abeille. Anciens Argrande chambre du moulin. Dans na-Luth, un jour Entr’Act. Je suppose que nous l’avons la chambre des filles, en haut du moulin d’en bas de la plaine, chantée dans le réfectoire et que, d’au bord du lac. Cette plaine comme à chaque radio-crochet, sacrée de Louette St-Pierre, ce ma guitare était désaccordée. lac glacé au milieu duquel nous Quelles furent les réactions des nous retrouvions parfois, par uns et des autres, je ne sais plus. surprise, poussé par un ami. Par contre, ce que je sais, c’est le En quelle année ? 2008 ? Juillet plaisir et le soupçon de fiérté que 2008 ? L’année où je découvrais nous avons aujourd’hui lorsque qu’un simple enchainement d’ac- nous entendons l’un ou l’autre cords La-Fa-Do-Sol pouvait don- enfant upjibien siffloter notre ner de belles chansonnettes et ti- air, murmurer nos paroles, aussi simples soient-elles. rer quelques larmes. Les engueulades, les « non, moi « Souvenez-vous du temps j’sais pas chanter  !  », les «  pouroù nous étions enfants quoi quelque chose de triste !? », vous étiez les plus grands les longues minutes de négociaon vous admirait tant… tions, je ne m’en souviens pas, ou à peine. Pourtant, il y a dû y Pika, avec ton grand cœur en avoir, comme à chaque fois. tu remplis nos journées de Je suis parti m’isoler dans la pebonheur tite chambre, première porte à qu’aurait été gauche si on vient de celle des cette journée dans les bois filles. Première porte à droite si sans les calins malas avec toi on a pris l’escalier depuis le reztoujours motivée de-chaussée. Cinq petites mipour nous faire participer aux nutes plus tard, j’étais de retour :

« Les gars, et si on f’sait une chanson ?! »

C a capté comme dans une bulle ses personnages qui tournent en rond, bavardent entre superficialité et tourments, inconscients et perturbés. Une fois encore, dans son long cycle littéraire, Appelfeld évoque le temps d’avant, au goût de fraises et de brioches, dans cette Mitteleuropa – appellation datée, chargée de mélancolie et de nostalgie – au bord du désastre. ■

Aharon Appelfeld Les eaux tumultueuses Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti Éditions de l’Olivier 188 p., 19 €

activités tu nous as tant apporté avec des grandes idées Cougar, rempli de mystère tu as tout pour nous plaire avec ta petite tête sympa on a envie de te prendre dans les bras toi, avec ton ourson bleu chaque jour un peu plus, tu nous émeus tu es le seul qu’on a depuis deux ans et on t’apprécie toujours autant Geko, c’est en pleurs que l’on quittera ton sourire de canard séducteur petit Antoni tu ne tomberas jamais dans l’oubli grand Antonin, on pensera à toi quand tu seras loin… Alice, toi tu n’pars pas, tu restes là pour nous moniter encore quelques années… » Ou peut-être n’était-ce pas ça exactement. C’est en tous cas ce qui me revient. * Bulgnéville, juillet 2009, nous ne savions pas. Les plus âgés d’entre nous passeraient-ils monos avant les autres ? Passerait-on mo-

septembre 2013 * n°338 • page 27


upjb jeunes ➜ nos tous ensemble ? Comme l’année d’avant, nous nous rassemblons dans une chambre, la veille de notre retour à Bruxelles. Cette fois-ci, nous sommes dans l’un de nos petits dortoirs à lits superposés. Qui était assis où, qui s’endormait comment, qui a dit quoi ou ne voulait rien savoir…je ne sais plus. Je sais que Sacha a lancé un « 61, que tu sois là, que tu sois loin » que j’ai jalousé. Et je crois que l’on m’accuse d’une « traversée de la rivière » qui provoque toujours des sourires légèrement moqueurs. Dans mon souvenir, nous l’avons chanté bien fort, devant des monos relativement innatentifs, assis sur des tables, à notre droite. Mais peut-être ai-je tout faux. Fa-Sol-Do-La-Fa-Sol-La Ré-La-Do-Sol Ré-La-Do-Mi « Qu’on passe aujourd’hui qu’on passe demain rien ne se résumera en un refrain On va bien devoir se faire à la traversée de la rivière Qu’on parte aujourd’hui qu’on parte demain c’est le début de la fin de la fin… Engagés depuis notre arrivée prêts à gueuler, chanter et danser Tant de souvenirs impossible à

d’être lui simplement Sans masque ni costume seulement quelques coutumes Les hikes et les veillées les boums les ateliers Ça nous a transformé c’est ça l’UPJB À nos amis qui restent et aux Jospa qui passent C’est avec émotion qu’on vous laisse la place Julie t’imagines pas tout c’que t’as fait pour moi Tout c’que t’as fait pour nous un grand merci pour tout

énumérer qui à jamais continueront de nous bercer 61, que tu sois là, que tu sois loin on restera toujours upjbiens Upjbiens ! Toutes ces amitiés fondées ont construit notre passé Entre slows, Big Bisous et veil- lées Tellement soudés qu’on en devient même dissipés difficile de s’ faire à l’idée d’être séparés Dans la plaine, dans le lac, dans les champs Le pays des merveilles c’est le camp C’est pas un adieu c’est pas un au revoir c’est juste histoire de rassembler nos mémoires… » Fanny « Margay » deviendra monitrice. Les autres Malas resteront

septembre 2013 * n°338 • page 28

des « gosses », une année encore.

chamboulé

* En avril 2011, notre premier « Mono Show ». Nous restons fidèles à notre réputation : une chanson.

entourés de mentors prêts à les aiguiller Nous avons redonné vie à des chansons revenues d’un autre temps ou d’autres horizons mises de côté par désillusion… »

« Un camp sur la chanson mais quelle drôle d’idée alors que les Ipod’s ont tout remplacé nos tambours, nos guitares, nos voix, nos veillées Ensemble au réfectoire ou au tour d’un feu chants de lutte, chants de joie, est-ce que c’est pas mieux ? nous retrouvons enfin le temps des anciens À l’UPJB, on chante et on danse on rit et on pleure toujours pour le meilleur Un camp sur la chanson mais quelle bonne idée à croire que les Malas ont tout

(Voir POC n°296, page 35, « Mes doigts s’en souviennent »)

chanson ensemble, nous chantons quelque chose de court et de clair. Finalement, tout y est. Le pourquoi, le comment. Pourquoi nous y sommes restés si longtemps et comment nous nous en allons (mais pas tous, comme le soulignent les dernières phrases). Émus, certainement bouleversés, mais en toute confiance. Nous laissons l’UPJB-Jeunes entre les meilleures mains qui soient.

T’as pris l’UPJB par la main par le cœur avec calme et patience ta pudeur ta présence Nous arrivons au bout d’un conte d’un roman fou… Mais nous continuerons à écrire la chanson À mener la bataille pour des lendemains sans faille Oui nous continuerons à écrire la chanson » n

* Do-Sol-Fa-Do Camps d’hivers, camps d’étés, les radio-crochets se suivent et ne se ressemblent pas. Danses ou autres scketchs absurdes. Jusqu’au samedi 13 juillet 2013. C’était hier. Pour saluer « nos » enfants, pour remercier Julie («  July  », notre coordinatrice), pour accueillir la nouvelle équipe mono et pour le plaisir d’écrire une dernière

« De nos premiers samedis à cette dernière nuit Combien de souvenirs de larmes et de rires ? On a grandi ici choisi notre famille Et même si on s’en va c’est sûr qu’on repassera Merci à chaque enfant

septembre 2013 * n°338 • page 29


Carte de visite

upjb jeunes l’identité upjbjbienne et volonté de toujours apprendre, voilà la formule pour les années à venir. Merci aux monos, pour ces deux années que j’ai passées en votre compagnie, pour la belle énergie que vous avez déployée, pour

Émotions et renouveau julie demarez

A

près une semaine de prépa-camp, l’équipe mono est prête à embarquer pour son dernier camp. Dès le départ sur le Parking Delta, l’équipe mono est en action, un scrutin est mis en place afin d’élire les ministres de la société vers laquelle nous nous dirigeons pour deux semaines. Arrivés sous une météo radieuse, elle le restera jusqu’à la fin de notre séjour. Installation et familiarisation avec le domaine et nous étions déjà comme chez nous. Une joyeuse troupe, forte de 82 têtes, a pris possession des lieux. Sur un rythme effréné, s’enchaîne le grand jeu, la journée monitorat, le hike, les upjibiades, les veillées, etc. Le thème de camp : ‘Les Jeux de pouvoirs’ ; beau cycle après ‘Les Murs’ et ‘La Résistance’. À coup de référendum, l’UPJB-Jeunes s’est donc vu construire une toute nouvelle société dont ils pensaient être les seuls décideurs sauf que ‘C’est pas l’homme qui prend le pouvoir, c’est le pouvoir qui prend l’homme’. Pourquoi adopte-t-on des attitudes qui font en sorte que nous essayons d’avoir une emprise ou une influence sur l’autre afin de gagner ou de garder un contrôle sur lui ? Nous cherchons ainsi à lui faire faire, lui faire dire, lui faire penser ou lui faire ressentir ce que nous voulons qu’il fasse, dise, pense ou ressente, contre son gré ou à son insu. Ce fut l’occasion de questionner nos

L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus

Les pour les enfants nés en 2006 Moniteurs : Léa : 0487.69.36.11

Juliano Mer-Khamis

Les 2005 Moniteurs : Milena : 0478.11.07.61 Selim : 0496.24.56.37 Axel : 0471.65.12.90

pour les enfants nés en 2004 et

Marek Edelman

Les pour les enfants nés en 2002 et 2003 Moniteurs : Sacha : 0477.83.96.89 Lucie : 0487.15.71.07 Tara-Mitchell : 0487.42.41.74 Youri : 0474.49.54.31

Janus Korczak

Été 2013

comportements et d’explorer différents concepts sur les prises de pouvoirs. Pour les plus petits et à leur plus grand bonheur, les ‘jeux de pouvoirs’, c’est aussi les pouvoirs magiques qui les ont envoûtés pendant les activités. Et puis, il planait aussi sur ce camp d’été un parfum d’émotion et de nostalgie. Si c’était le dernier camp pour la plupart des moniteurs, ils ont décidés de mettre le paquet pour leurs derniers moments à l’UPJB-Jeunes. Innovations et grands frissons ont envahi les activités, le radio-crochet et le hike des Jospa. Ils vous délivrent leurs impressions eux-

septembre 2013 * n°338 • page 30

mêmes un peu plus bas. La suite ? Et bien ce sont des nouveaux monos avec le groupe des Jospa qui, accompagnés de quelques anciens, assureront la relève. Soudés, responsables et motivés, voilà tant de qualités qui leur seront indispensables pour le rôle de moniteurs qu’ils endosseront dès septembre. Je me souviens de mon arrivée à l’UPJBJeunes, les ‘Jospa’ n’existaient pas encore, ils étaient les Bienvenus et, comme moi, ils s’immisçaient à petits pas dans cette grande aventure. A présent, c’est à eux de la créer ! Imagination, créativité, transmission, conscience de

votre créativité, votre enthousiasme et votre bonne humeur. Revenez nous voir quand bon vous semble. À la rentrée, un nouveau groupe de Bienvenus s’ouvre pour les enfants de 6/7 ans. À cet effet, si un petit frère, une petite sœur, un cousin ou une connaissance dont vous auriez eu écho désire s’inscrire, merci de me faire signe. Auquel cas, je pourrai les tenir au courant des activités UPJBJeunes. Rendez-vous le 14 septembre pour notre pique-nique de rentrée afin de faire connaissance avec la toute nouvelle équipe mono. n

Les pour les enfants nés en 2000 et 2001 Moniteurs : Charline : 0474.30.27.32 Clara : 0479.60.50.27 Jeyhan : 0488.49.71.37

Émile Zola

Les pour les enfants nés en 1998 et 1999 Moniteurs : Sarah : 0471.71.97.16 Fanny : 0474/63.76.73

Yvonne Jospa

Les pour les enfants nés en 1996 et 1997 Moniteurs : Maroussia : 0496.38.12.03 Totti : 0474.64.32.74 Manjit : 0485.04.00.58

Informations et inscriptions : Julie Demarez – upjbjeunes@yahoo.fr – 0485.16.55.42

septembre 2013 * n°338 • page 31


upjb jeunes Un soleil s’est couché

L’UPJB...

aristide renard et le groupe Yvonne Jospa

Isatis (Charline R.)

L

L

’UPJB, je ne connaissais pas. Je me souviens que ma cousine Milena m’en avait vaguement parlé comme étant un mouvement de jeunesse fabuleux. Elle s’y plaisait bien et me conseillait de le rejoindre. Elle faisait partie du groupe des Malas. L’UPJB je l’ai redoutée. Mes premières réunions, le samedi, à 14h à l’époque. Durant le trajet en voiture, se formait dans mon ventre une boule d’angoisse et d’émotions. Je me rappelle ne plus vouloir y aller, faire demi-tour, ne plus y penser. Cependant, une fois sur place, cette boule – devenue incommodante – se détendait peu à peu. Mon petit être discret essayait tant bien que mal de se frayer un chemin dans cette foule de jeunes ; si soudés déjà. Heureusement, je connaissais la grande gueule de l’époque, celle qui ne se gênait pas pour chamailler les nouveaux afin de les voir partir. Elle était la Queen des Malas avec 2-3 autres compagnons. Ils étaient arrivés en premier à l’UPJB et connaissaient beaucoup de personnes impliquées dans le mouvement. L’UPJB, je l’ai détestée. Mon premier camp, je m’en rappellerai toujours. On était peu à venir au camp. Louette Saint-Pierre, la « terre sacrée » si je puis dire, du temps des Bico, Vian, Arna,

Les Jospas en 2012

Luther, Mala, Jospa... Je me vois encore, la bouche tremblante et les joues mouillées, assise dans cette vaste prairie appelée la plaine. Quelques-uns de mes moniteurs venaient me rejoindre, me réconforter. Déjà à ce moment-là je n’aimais pas les temps libres. Après une semaine, j’ai plié bagage. Toute seule sur le parking, ma mère est venue me chercher. J’ai quitté ce lieu si magique, bondé d’enfants de tous âges, de monos motivés, extravertis, créatifs et engagés. L’UPJB, je l’ai adorée. On m’a convaincue de revenir, le groupe avait changé, il s’était élargi. J’ai donc refait ma valise pour rejoindre le voyage du 61.

septembre 2013 * n°338 • page 32

De longues extraordinaires années sont passées, des souvenirs se sont forgés, des amitiés se sont établies et des personnalités se sont créées. Un univers s’est alors construit autour de ce groupe, s’extrapolant à tout le mouvement. Un univers fait de petits et grands, de sourires et de rires, de création, d’imagination. Un univers tantôt euphorique tantôt mélancolique. Un univers que vous connaissez bien, inexplicable, incontournable. D’abord Mala pendant une dizaine d’années, ensuite monos pour 3 ans, mon périple s’arrête ici. Il sera difficile d’expliquer à quel point ce mouvement m’a percée. Il s’est inséré dans mon

quotidien et a évolué en moi. Il a fortifié ma personnalité et m’a appris la patience. Il m’a confortée dans la vie en communauté et dans l’écoute de l’autre. Il m’a permis l’engagement, tant personnel que politique et l’enseignement. J’y ai rencontré des personnalités avec qui j’ai partagé des amitiés sincères et fortes, des personnalités intrigantes, intéressantes, qui ne tomberont jamais dans l’oubli. Je ne m’étendrai pas sur les innombrables souvenirs qu’il a laissés en moi, les moments que d’autres ont raconté tant de fois... UPJB, jamais je ne t’oublierai. n

ors de nos radio-crochets, spectacles de fin de camp, nous avions l’habitude, contrairement aux Malas, passés monos il y a trois ans et dont la plupart nous quittent, de présenter des sketchs (osés, pour la plupart) plutôt que des chansons. Celles que nous avions essayé d’écrire étant en demi-teinte, il faut bien le dire. Cette année pourtant, passage mono oblige, la mélancolie et les images passées prirent les devants et après un nouveau sketch, nous chantâmes avec la guitare, la chanson écrite ci-dessous et qui retrace certains de nos souvenirs. Celle-ci peut peut-être dévoiler les beautés insouciantes des camps que vos enfants fréquentent assidûment. En espérant vous faire goûter un peu des fruits qui nous ont menés au monitorat... Un soleil s’est couché sur l’ombre des Jaras et il a célébré l’avènement des Jospas Et le soleil se couche sur l’ombre des Jospas et pour un autre groupe il étincellera

Les Jospas innocents quelque peu bagarreurs apprirent à se connaître sans voir passer les heures La tête dans la farine la nuit sur les veillées retour aux origines et les lettres brûlées Batailles de nourriture blessures accumulées par des jeunes survoltés avides d’aventures Au repas de midi des paroles placardées et on se réunit pour pouvoir les chanter L’UPJB chaque jour rassemblée pour des activités qu’on surnomme « ateliers » Les changements de moniteurs nous tirent de notre torpeur au prochain changement nous serons les remplaçants Au prochain changement nous serons les remplaçants et c’est fort attristés qu’on quittera l’UPJB n

C’est la plaine de Louette et des hikes en hauteur des grands jeux en batailles des réveils chahuteurs

septembre 2013 * n°338 • page 33


vie de l’upjb Les activités du club Sholem Aleichem jacques schiffmann

2 mai : Tu ne tueras pas, tu aimeras ton prochain comme toi-même. Patrimoine moral judéo-chrétien, par Vladimir Grigorieff C’est en érudit des religions que Vladimir nous commente ces commandements, acceptés tant par les croyants que par les athées. « Tu ne tueras pas ». Traduisez : « tu n’assassineras pas » car maintes raisons rendent licite de tuer : défendre sa vie, faire la guerre… Dans la Bible juive, tout est ordonné par Dieu, y compris les guerres, où il est donc licite de tuer. Sous les Rois, on pouvait s’y soustraire, mais après la destruction du temple, la fin de l’État et l’Exil, la question est sans objet. Et à la fin des temps annoncée par le prophète Michée, « ils casseront leurs épées en socs, leurs lances en serpes, ils ne porteront plus l’épée nation contre nation et n’apprendront plus la guerre ». Le christianisme à ses débuts attend la Parousie, le règne de mille ans du Messie, et la question ne se pose pas. En 313, Constantin fait du christianisme une religion d’état, ce qui va vassaliser les « autres » : d’où plus tard les croisades contre infidèles, païens, et hérétiques. On modérera les tueries par des trêves, jugements de Dieu, et ordalies. Plus tard la « théologie de la guerre juste » vi-

sera à éviter la guerre, ou à ne la faire que si c’est mieux que de subir l’injuste et si on a l’espoir de gagner ! Tout étant régi par la providence divine, si on gagne c’est grâce à Dieu, et si on perd, c’est en raison de ses pêchés ! Dans les États souverains, le pouvoir ordonne les guerres et les individus sont tenus d’y obéir, même si leur morale s’y oppose. Vladimir passe en revue les différents types de guerres : d’agression, injustes, de légitime défense, justifiées, préventives (l’Irak), injustifiées. Les objecteurs de conscience s’opposent aux guerres, en pacifistes absolus, ou en pacifistes relatifs comme Bertrand Russel, pour qui la guerre 14-18 est injustifiée, mais 40-45, il fallait la faire ! « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Traduisez : « tu auras le souci de ceux qui te sont proches ». Pour le judaïsme, c’est l’amour pour l’Homme d’un Dieu créateur-législateur-sauveur, et celui de l’Homme pour Dieu, qui donne-ordonne et pardonne. Aussi l’Homme bénit Dieu et acquiesce à ses volontés même s’il ne les comprend pas. Avec la « Nouvelle Alliance », « avoir souci de » s’est magnifié en amour-don et charité. L’amour entre les hommes peut prendre trois formes. L’EROS : amour réciproque,

septembre 2013 * n°338 • page 34

de désir, de concupiscence… Ces formes d’amour sont seules soumises aux lois, aux permis ou interdits : divorce, adultère, homosexualité, inceste, etc, opposent croyants et athées. Les conquêtes démocratiques ont fini par réduire les interdits et augmenter les libertés, qui n’obéissent plus aux lois religieuses : mais nul n’est obligé d’y recourir ! La PHILIA : l’amour d’amitié. Jean : « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas ». Sur base de « Tu aimeras ton prochain comme toi même », l’État, au nom du principe d’égalité et des droits universels de l’homme, a mis en place des lois antiracistes et antidiscriminatoires. L’AGAPE : l’amour théologal, immérité, immodéré, non réciproque, pur don hors normes : « le bien que je fais à autrui s’origine de Dieu et retourne à Dieu et se fortifie en l’homme, grâce à Dieu ». En conclusion, Vladimir regrette que les religieux ne soient objecteurs qu’au plan de l’éros et moins militants contre guerres et injustices. Plus important de s’opposer aux « nouvelles libertés » que de lutter contre les injustices ? Quant aux laïques, tout se passe comme s’il était plus facile de lutter contre l’homophobie et pour de nouvelles libertés, que contre les injustices et pour plus d’égalité et de fraternité. Beau débat

Fascicule publié en 1956-1957. Coll. AM

et controverse sur la question : « les commandements étaient-ils à l’origine, réservés aux seuls Hébreux ou étaient-ils déjà universels ? » Vladimir approfondira et nous reviendra, c’est promis ! 23mai : Été 42, Des étoiles Jaunes à la Dolomie, par Marie-Noëlle Philippart (MNP), présentée par Bella Wajnberg Nous croyions bien connaître notre amie Bella. L’exposé de Marie-Noëlle Philippart, et son livre Été 1942 - Des étoiles jaunes à la Dolomie nous fait découvrir tout un pan de son histoire d’enfant cachée avec ses parents en 42 dans le village de 350 habitants de Merlemont. Marie-Noëlle est infirmière à la retraite. Sensible à l’humanitaire et chargée de la promenade d’histoire locale de Merlemont, elle découvre par hasard l’exis-

tence en 1942 d’un camp où 49 Juifs ont été assignés par les Allemands au travail obligatoire dans les carrières de dolomie de la région. Interpellée par cet évènement dont personne ne semblait se souvenir, MNP lance en 2010 ses recherches, d’abord sur Internet. Puis à partir des listes retrouvées des travailleurs de la Carrière, elle découvre les identités de ces travailleurs juifs : certains avaient fait venir clandestinement épouse et enfants ; c’est le cas pour le père de Bella, Hirsch Schriftgiser, qui était aussi avec d’autres, actif dans la résistance. MNP va déterrer cette mémoire perdue et reconstituer les parcours individuels. Elle enquête dans des centres d’archives, contacte des historiens, interroge des témoins qui ont vécu la période enfants, comme Bella qui lui raconte cette période dramatique de son enfance, et des habitants âgés de son village qui retrouvent des souvenirs. Après deux ans d’investigations, elle se fait passeuse de mémoire en convainquant l’Administration communale et le Cercle d’histoire locale, de publier le ré-

sultat de ses recherches. Son livre reprend entre autres le récit sobre et émouvant de Bella. Un mémorial a aussi été érigé à Merlemont et inauguré lors d’une commémoration, le 12 décembre 2012. Sur 60 juifs convoqués au travail obligatoire (ord. du 8 mai 42) à Merlemont, 21 travailleront dans les carrières de dolomie, matériau stratégique pour l’occupant, chez Matissen et Quevrin. Six couples mariés avec enfants et les autres célibataires, vécurent librement dans des maisons ouvrières, de 10 jours à 8 mois. Plusieurs seront des partisans armés très actifs. Des enfants juifs ont été cachés chez des habitants du village, dont Bella et Michel Weiser bébé, dont les parents témoignent aussi dans le livre. En mars 1943, quatre femmes juives ont été raflées au village, dont Hava Brill, la maman de Bella, sur dénonciation de rexistes et déportées à Auschwitz par le XXème convoi, le 19 avril 43. À la libération en 45, 28 Polonais et Juifs ont encore travaillé dans les carrières de Merlemont. Ce bref résumé ne peut rendre pleinement compte de ce livre mémoriel, riche de témoignages, de récits de parcours individuels, et de nombreux documents historiques recueillis. Il peut être commandé chez MNP (marie-noelle. philippart@hotmail.be). Je vous en recommande la lecture. n

septembre 2013 * n°338 • page 35


chanter à l’upjb Yiddish Paroles et musique : Henri Goldman (Le cornichon rouge, 1981)

En 1981, Henri Goldman écrit pour l’UPJB sa deuxième comédie musicale, après Louf Story (1980). Le Cornichon rouge raconte l’histoire du 61 rue de la Victoire à partir de la Libération. Dans la pièce, la chanson « Yiddish » est chantée par le couple central de la pièce, interprété par Marcel Gudanski et Mina Buhbinder​. En 1984, « Yiddish » a été enregistré en version « solo » sur le 33T Ville métisse (Dis’que tu veux, un label éphémère partagé avec Claude Semal et Aline Dhavré).

De n’avoir pas cru aux fétiches Mais chez nos parents la conscience Parlait yiddish

Je voudrais vous chanter mon histoire Moi qui vient d’un pays qui fut pauvre qui fut riche Pauvre de richesses, riche de mémoire Je viens d’un pays où l’on parlait yiddish Je voudrais vous en parler bien vite Car déjà je le sens qui s’enfonce dans l’oubli Déjà lentement, mon passé me quitte À tout prendre c’est peut-être mieux ainsi Mais il ne faudrait pas que j’oublie Qu’entre la Russie et l’Autriche Je me suis ouvert à la vie Parlant yiddish Tu ne vivais pas dans un vil lage Ta famille n’avait ni chèvre ni cheval Tu ne rassemblais jamais le fourrage Tu ne sortais pas d’un tableau de Chagall Je ne portais pas de papillotes

septembre 2013 * n°338 • page 36

Tant pis pour le folklore, je n’étais pas croyant En je n’ai jamais porté la calotte Que pour le mariage d’un vague parent Ne croyez pas que je me renie Ne croyez pas que je m’en fiche Sachez que dans nos deux familles On parlait yiddish J’entendais le violon de mon père Il répétait le soir et moi je ne dor-

mais pas C’étaient des chansons révolutionnaires Il ne jouait pas du violon sur les toits Tu guettais le retour de ta mère Elle rentrait du travail des cernes sous les yeux Pourtant sa chemise était toujours claire Et sous son foulard c’étaient de vrais cheveux

Pourtant nous n’étions pas incrédules Il y avait l’avenir, on le voyait déjà Là dans notre ville, près de la Vistule Avec nos journaux et dans nos syndicats Alors nous pouvions rester nousmêmes C’était simple pour nous, ni vice, ni vertu Le jour où enfin, je t’ai dit je t’aime C’est encore en yiddish que tu as répondu Et puis ce fut le grand cataclysme Depuis le pays est en friche Où naguère le socialisme Parlait yiddish

Ne croyez pas que je les encense

septembre 2013 * n°338 • page 37


écrire

est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente)

De retour de Little BXL elias preszow

« Le temps passe. C’est sa nature. Tant qu’il y aura du temps, il y aura l’ennui, et le temps passera. Le passé, lui, ne passe pas. Tout ce qui s’est réellement passé porte en soi une étincelle d’éternité, s’est inscrit en quelque recoin de l’expérience commune. On peut en effacer les traces, pas l’évènement. On peut bien en pulvériser le souvenir, chaque débris contient la monade totale que l’on croit détruite, et l’engendrera à nouveau, l’occasion venue. Répétons-le : l’historicisme est ce bordel où l’on prend soin que les clients ne se croisent jamais. Le passé n’est pas une succession de dates, de faits, de modes de vie, ce n’est pas une penderie de costumes, c’est un réservoir de forces, de gestes, une prolifération de possibilités existentielles. Sa connaissance n’est pas nécessaire, elle est seulement vitale. » (Préface par quelques agents du Parti imaginaire Auguste Blanqui, Maintenant, il faut des armes. Textes choisis et présentés par Dominique Le Nuz)

P

ensée foudroyante. L’orage prépare la tempête. Et puis, les cieux, leur colère inexplicable, impose silence. Trois tentatives d’introduction à cette semaine qui n’attend plus : « Défaire l’Occident » ; Tarnac, Manoir Plainartige. Mais la nature est plus forte, à la première intervention, Agamben ne peut déjà rien ajouter, interrompu par une pluie

impitoyable qui tombe sur l’assemblée. Pourtant, juste avant le déluge, un éclair : « déplacer le lieu du politique  », question d’œuvrer à quelque chose comme « une puissance destituante »… Il y avait dans l’air de l’électricité, de l’enthousiasme diffus, et, pour

ne rien cacher, sympathique. Julien Coupat, introduisant son camarade en art de la conspiration, refuse d’emblée l’étouffoir universitaire en tentant d’esquisser les concepts d’aujourd’hui, de demain (?), tout comme on pousse ses pièces sur l’échiquier d’une époque, surfant allègrement sur son impensée. Il ne s’agit rien de moins que d’inventer des moyens d’actions politiques, révolutionnaires, avant de finir tous noyés. Nous n’avons pas

septembre 2013 * n°338 • page 38

tant besoin de Grands Récits que d’un peuple de conteurs. Que partout vivent et se multiplient des Jungles Étroites, rouges et noires arches de Noé! Une messe gauchiste ? Une université d’été ? Quelques camps de vacances anarchistes ?... Quoi en-

core ? Peut-être n’était-ce qu’un festival de Poésie  ! Nos compatriotes, les cuistots du Kokenrellen, donnent mesure et tonalité à ce qui va se jouer, à ce qui mijote dans d’immenses et généreuses casseroles qui ne demandent bientôt qu’à être dévorées. Le barnum central se dit prêt à accueillir 400 personnes, le sous-bois qui longe la plaine couvre déjà des campeurs venus de partout en Europe (Italie, Grèce, Espagne, etc...) et

même d’Amérique… Une cinquantaine de Bruxellois sont venus ici glaner : amis intimes, ennemis d’élections, tant l’hostilité tourne comme la météo, de la curiosité à l’équivoque, se perdant en entretiens infinis, joutes, pulsations, résonances… magiques. C’est qu’au dessus du paysage corrézien un nuage de mana flotte dans le vent, filtre les éclaircies et la drache, sans qu’on ne sache qui des chiens, quoi des loups ! À l’ère du soupçon généralisé : comment vivre dignement ? Comment lutter ? Comment combattre ensemble l’Empire, le Kapital,… nous-mêmes certainement. Mais qui est-ce «  nous  », une fois de plus, celui qui hante ces quelques lignes comme il ne cesse d’interroger les habitants passionnés de ce lieu d’un instant ? Tarnac, 2013. Une date qu’On ne retient pas, annonce d’un retournement, d’une violence affirmée contre la brutalité quotidienne, une manière de pétrifier sauvagement la bêtise régnante, une tentative – avec ses vrais démons, ses faux messies – pour tailler des brèches, fuir le monde droit dedans l’épique. Ce nous ? Peutêtre, en va-t-il de cette « Génération Talon d’Achille », celle que rappe Veence Hanao ? Veence découvert à l’allée, le son poussé à fond dans la caisse. Lui, retrouvé à la ville, ses à-coups festivaliers, ses virages spectaculaires, laps d’espaces monstrueux,… halètements déchirés. Délire de l’écriture qui s’extrémise au bord de

la mélancolie, de l’isolement, du néant. La ville… Envoûtement et exercices de haute voltige. Plonger dans le flow d’Hanao, c’est risquer, c’est perdre souffle, bourdonner bientôt de ses mots rendus galeux par ce chien dans la tête, cette rumeur qui rôde dans quelques recoins sombres de l’esprit métropolitain. Aller chercher partout le tempo de ces explosions élémentaires comme on se jette à l’eau. Et je vous le dit : nager, c’est encore marcher. Là, le mouvement de l’écriture se fait tragique. Là, nulle autre société que la bonne distance, des morts, des vivants. Ce mal des fantômes qui nous tient lieu de patrie… sabbat des ombres qui touche à vif idées dispersées, qui laisse respirer corps désarticulés. Debout… C’est le 31 juillet… dans quelques jours, la seconde session. Aller foutre le feu à l’Unif puisque tu t’en es fait l’inavouable, l’absurde promesse. Tenir le terrain bruxellois, un pied contre le mur de la zone, bic derrière l’oreille. Un rien mégalo, un rien alterno, Saint-gillois pratiquement insurgé : Juif honteux s’il ne fallait conserver qu’un sale mot. Alors : « Debout, frère Feuj ! » souffle entre ses dents un ami embrumé. Le cycle recommence différemment sous le ciel qui disparait en contre-poussées… conjugaison au présent antérieur entre les murs de la cité, tu le sais, – écume –, et en bave le temps d’un été ! n

Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Julie Demarez Simon Gronowski Antonio Moyano Elias Preszow Noé Preszow Aristide Renard et les Jospas Charline R. Jacques Schiffmann Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 € ou par ordre permanent mensuel de 2 € Prix au numéro 2 € Abonnement de soutien 30 € ou par ordre permanent mensuel de 3 € Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 € Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 € pour un isolé, 15 € pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

septembre 2013 * n°338 • page 39


agenda UPJB

Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

samedi 21 septembre à 20h15

Grand cabaret de rentrée de l’UPJB (voir page 17)

samedi 19 octobre à 2Oh15

La chanson, la politique, la vie... Un spectacle musical de/avec Henri Goldman (voir page 22)

vendredi 25 octobre à 20h15

Deux ans et demi de révolution syrienne. Conférence-débat avec Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po (Paris) (voir page 23)

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 12 septembre

Rentrée en chansons par la belle voix chaude et vibrante de Maroussia accompagnée par notre sympathique André Reinitz

Anne Herscovici nous retracera son parcours engagé. Sociologue et criminologue de formation, elle fut militante et permanente au Parti communiste. Devenue conseillère communale et présidente du CPAS d’Ixelles, elle est depuis 2009 députée régionale écolo au parlement de Bruxelles-Capitale

Jeudi 19 septembre

Jeudi 26 septembre

Des images d’un voyage au Laos en 2011, présentées par Edna et Fima Bratzlavsky

Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Jeudi 3 octobre

Tessa Parzenczewski nous parlera de Christa Wolf et du dernier roman de celle-ci Ville des anges. Deux ans après l’effondrement de la RDA. Christa Wolf, figure majeure de la littérature allemande contemporaine, séjourne à Los Angeles grâce à une bourse de recherche. Accusée à l’époque d’avoir été une collaboratrice informelle de la Stasi, en proie à de multiples attaques, elle interroge dans cette dernière œuvre tout son parcours entre introspection et échanges au gré des rencontres. Traversée par l’Histoire, Christa Wolf brasse toutes les interrogations qui nous hantent encore et évoque au passage des illustres exilés : Bertold Brecht, Thomas Mann , Arnold Schoenberg,...

et aussi dimanche 8 septembre à 11h

57ème Pélerinage National à l’ancienne Caserne Dossin (voir page 16)

jeudi 19 septembre à 20h Hommage à Bernard Fenerberg (voir page 16) dimanche 22 septembre à 20h30

Meeting musical en mémoire de Semira Adamu (voir page 18)

jeudi 17 octobre de 19h30 à 22h

Le déplacement forcé des Arabes Bédouins en Israël. Meeting d’information et de protestation à l’ULB (voir page 21)

Prix : 2 euro Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.