n°330 - Points Critiques - novembre 2012

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique novembre 2012 • numéro 330

Syrie. Jusqu’à quand cette folie meurtrière ?

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - P008 166 - mensuel (sauf juillet et août)

C

’est le 15 mars 2011 que tout a commencé avec des manifestations pacifiques des masses syriennes réclamant la liberté et la dignité à l’instar de ce qui s’était passé en Tunisie et en Égypte notamment. Mais Bachar al-Assad ne l’entendait pas ainsi… S’ensuivit une répression sanglante et féroce. Dix-huit mois plus tard, le bilan se chiffre à plus de trente mille morts, des blessés à ne plus savoir les compter, plus de 200.000 réfugiés à l’étranger… Face à la folie meurtrière du régime, les manifestations pacifiques se sont muées en une révolution armée. Une révolution ? il serait plus juste de dire des révolutions. Car le drame de l’opposition syrienne réside essentiellement dans ses divisions. Comme l’écrivait Alain Gresh sur son blog du Monde diplo, « la crise syrienne se réduit-elle à un pouvoir dictatorial affrontant l’ensemble de son peuple ? Si tel était le cas, le régime serait tombé depuis longtemps » (…) Mais, « il se déroule, sur la scè-

ne syrienne, plusieurs guerres parallèles. (…) La militarisation de l’opposition – favorisée par les ingérences extérieures et par la brutalité du régime –, son incapacité à présenter un programme rassembleur, ses profondes divisions ont ouvert de larges fractures dans le peuple syrien ». Ingérences étrangères ? Il s’agit essentiellement du Qatar et de l’Arabie saoudite qui n’aident que leurs partisans sur le terrain. Les Frères musulmans pour le Qatar et les salafistes pour l’Arabie saoudite. Il est évident que les objectifs de ces deux pays n’ont rien à voir avec l’instauration de la démocratie en Syrie, n’étant eux-mêmes pas un exemple en la matière. Mais est-ce une raison suffisante pour qu’une certaine gauche se fasse la laudatrice enthousiaste du régime syrien? Ce n’est pas notre avis, ni celui de Farouk Mardam-Bey, intellectuel syrien vivant en France. Il nous a paru intéressant de soumettre ses réflexions à la vôtre…

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

1 La révolution syrienne et ses détracteurs ...................... Farouk Mardam Bey

FAROUK MARDAM BEY L’ORIENT LE JOUR

lire

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6 Ronit Matalon. La musique de la mémoire....................Tessa Parzenczewski 7 Hommage à Françoise Collin ................................................... Antonio Moyano

vie de l’upjb

10 Enchères et en os .................................... Propos recueillis par Joseph Cohen

histoire(s)

12 L’historien du « court XXe siècle », un Juif inactuel ? ........... Roland Baumann

mémoire(s) 14 Souvenirs d’un « botwinik »..... ..............................................................................

réfléchir

17 « ls veulent un sioniste aux commandes à Schaerbeek » .......... Alain Mihály 20 Meshiekh vet kumen .................................................................... Jacques Aron

yiddish ? yiddish !

! widYi ? widYi

22 mayn gast - Mon hôte ..............................................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

24 Arrêtez-moi cette musique ! .......................................................Anne Gielczyk

activités upjb jeunes

28 Rentrée rime avec rencontres ......................................................................Julie 32

La révolution syrienne et ses détracteurs

israël-palestine

4 Les États-Unis mettent l’Europe en garde ! ........................... Henri Wajnblum

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les agendas

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ue Frédéric Chatillon, gros bras du Front national, soit le principal diffuseur en France de la propagande du régime syrien n’est pas très difficile à comprendre. Que Richard Millet, l’apologiste de l’assassin néonazi Anders Breivik, ait consacré dans la foulée un opuscule à la gloire des Assad, père et fils, est aussi dans l’ordre des choses. Mais les autres ? Pourquoi des hommes et des femmes qui se disent de gauche, démocrates, altermondialistes, défenseurs des peuples opprimés, et qu’on ne peut a priori soupçonner de racisme antiarabe ni d’islamophobie, s’abaissentils jusqu’à soutenir Bachar et son clan ? Il y a d’abord les tenants de l’interprétation policière de l’histoire, et ils sont plus nombreux qu’on ne le croit. Ils vous disent que tout ce qui s’est passé dans le monde arabe depuis décembre 2010 n’est finalement qu’une ruse de l’impérialisme américain pour propulser au pouvoir ses affidés islamistes, avec l’Arabie saoudite et le Qatar dans le rôle de tiroirs-caisses. Mais quand vous leur rappelez leur enthousiasme pour les révolutions tunisienne et égyptienne, et même pour le Qatar tant que son émir jouait les trouble-fête et que la chaîne al-Jazeera épargnait le pouvoir

en place à Damas, ils se ravisent pour limiter le champ d’application de la théorie du complot à la « Syrie récalcitrante ». Là, les manifestations populaires à travers le pays, les dizaines de milliers de morts et de blessés, les centaines de milliers de réfugiés, les arrestations massives, les tortures, les viols, les pillages, les bombardements des villes et des villages à l’artillerie lourde et à l’aviation de combat ne sont qu’une illusion d’optique, des images fabriquées dans les officines de la CIA et les studios d’al-Jazeera. Et quand bien même tout cela serait vrai, poursuivent-ils, que valent la liberté et la dignité du peuple syrien en regard de la bombe atomique iranienne et des missiles du Hezbollah libanais ? Or ces mêmes « anti-impérialistes », généralement très complaisants à l’égard de l’islam politique, se métamorphosent en laïcistes intransigeants dès qu’il s’agit de la Syrie. Ils s’offusquent d’entendre implorer Dieu dans une manifestation guettée par des snipers ; ils voient des salafistes là où le régime voudrait qu’ils les voient ; ils grossissent le rôle des volontaires islamistes étrangers – que Bachar n’avait pas hésité naguère à infiltrer en Irak ; ils se lamentent sur le sort des minorités à la manière des chancelleries occidentales du temps de la Question d’Orient ; ils

gomment toute initiative citoyenne de l’opposition, qu’elle soit politique ou culturelle ; ils traitent de laïque un régime dont l’un des fondements est l’esprit de corps communautaire, l’une des pratiques éprouvées la manipulation des minorités, et qui a délibérément favorisé la « réislamisation » bigote et obscurantiste d’une partie de la société sous prétexte de combattre l’islamisme politique. Il est remarquable par ailleurs que les défenseurs prétendument « anti-impérialistes » du régime, et qui sont censés avoir un minimum de conscience sociale, évitent soigneusement d’en faire usage, concentrant leurs efforts soit sur le fameux complot, soit sur les déficiences et les maladresses de l’opposition. Pas un mot sur l’assise clanique du pouvoir, sur le libéralisme économique sauvage et ses réseaux mafieux, sur la dérive monarchique et le culte délirant de la personnalité, sur cinquante ans de despotisme prédateur et ses dizaines de milliers de victimes syriennes, libanaises, palestiniennes, irakiennes. Aucune réflexion non plus sur les forces sociales en présence, en dehors évidemment de la rengaine éculée d’un pays qui serait une juxtaposition de communautés ethniques et religieuses, et par conséquent ingouvernable démocratiquement. N’est-il pas irritant,

et en même temps éclairant, que des militants de gauche ne se posent pas la moindre question sur les classes et les catégories sociales qui subissent le régime et le combattent, celles qui en profitent et s’y accrochent, et celles qui hésitent à s’engager d’un côté comme de l’autre ? Ce qui rapproche, en fait, ces militants-là d’un dictateur sanguinaire comme Assad n’est pas à proprement parler politique, mais idéologique. C’est l’indéracinable culturalisme qui assigne aux autres peuples, consciemment ou inconsciemment, une culture à jamais différente de la nôtre, et qui leur colle à la peau comme une seconde nature. S’il est en France tout à fait naturel, quand on est de gauche, de défendre les acquis sociaux et les libertés individuelles et collectives, il est en revanche impensable, inouï, aberrant, contre nature, selon cette même gauche, de vouloir en Syrie vivre libres et égaux. Sauf, évidemment, quand on se laisse prendre dans les rets du « complot américano-saoudo-qatari »… ■ Farouk Mardam-Bey dirige la collection Sindbad chez Actes Sud. Il est également conseiller culturel à l’Institut du monde arabe (Paris) et a été le cofondateur de La Revue d’études palestiniennes.

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israël-palestine Les États-Unis mettent l’Europe en garde ! HENRI WAJNBLUM

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ans le dernier numéro de Points critiques, j’écrivais que la coalition au pouvoir en Israël n’avait pas à s’en faire, elle pouvait continuer de compter sur l’appui indéfectible des Etats-Unis quel qu’en soit le prochain président. La confirmation ne s’est pas fait attendre… On sait que les États-Unis ont retiré leur soutien financier à l’UNESCO lorsque celle-ci a accepté la Palestine en tant que membre à part entière. Un pas de plus vient d’être franchi dans l’opposition farouche de l’Administration américaine à une reconnaissance quelle qu’elle soit d’un État palestinien. Mahmoud Abbas a pourtant eu le souci de ne pas embarrasser Barack Obama dans sa course à un second mandat en décidant d’attendre jusqu’après les élections présidentielles américaines au début novembre pour introduire sa demande, auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies, d’un statut d’État non membre. Un statut que la Palestine obtiendra quasi certainement étant donné qu’une majorité des 193 États membres y sont favorables, dont de nombreux pays européens. Rien n’y a fait… Les États-Unis viennent en effet de mettre les gouvernements

européens en garde contre un soutien à cette demande, estimant qu’il « serait extrêmement contre productif », et menaçant de « conséquences négatives significatives » pour l’Autorité palestinienne, y compris des sanctions financières ! C’est le Guardian qui a eu connaissance de cette communication diplomatique US, dans laquelle l’Administration américaine réitère sa position selon laquelle un État palestinien « peut uniquement être réalisé par des négociations directes avec les Israéliens », et insiste auprès des gouvernements européens pour qu’ils « soutiennent les efforts (américains) » pour bloquer la demande. Autant dire que cela équivaut à laisser les mains libres au gouvernement israélien pour continuer sa politique de colonisation. La note ajoute que les ÉtatsUnis continuent à travailler pour la solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien, et qu’ils exhortent les deux parties « à éviter des actions provocatrices unilatérales qui pourraient saper la confiance dans la poursuite de la paix ou l’en détourner ». C’est ainsi que l’octroi d’un statut d’état non membre « aurait des conséquences négatives significatives, pour le processus de paix lui-même, pour le système de l’ONU, ainsi que pour notre capa-

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cité de maintenir notre soutien financier significatif à l’Autorité palestinienne ». En fait, ce que craignent par dessus tout les États-Unis, et bien évidemment Israël, c’est que la reconnaissance de la Palestine comme État non membre, mais comme État tout de même, dans les frontières d’avant le 5 juin 1967 qui inclurait dès lors les colonies, permette à ce nouvel État, même s’il n’existait que sur le papier, d’être en droit de saisir la Cour pénale internationale pour y faire condamner la politique israélienne de colonisation. Cette crainte apparaît très clairement dans la récente news letter d’Israël info qui s’attaque ainsi au président de l’Autorité Palestinenne… « S’éloignant de sa revendication récurrente d’un arrêt des constructions israéliennes en Cisjordanie/Judée Samarie au préalable à toute reprise des négociations de paix, il a déclaré mardi devant un parterre de diplomates européens qu’il « reprendrait les pourparlers avec Israël après le vote de l’ONU » qui devrait se prononcer sur l’admission de la « Palestine » (remarquez les guillemets) comme État non membre de l’Assemblée générale. Ce vote devrait intervenir courant novembre. Abbas ne fait ainsi plus aucune mention de ses conditions sine qua non : le gel des construc-

tions israéliennes et plus récemment, la libération des prisonniers détenus par Israël. La question de la poursuite des constructions israéliennes, qui a été la cause officielle, côté palestinien, du gel des pourparlers de paix depuis près de quatre ans, ne serait plus un obstacle. Les conseillers d’Abbas expliquent, probablement embarrassés, (et pourquoi le seraientils donc ?) que la question du « gel des constructions » ne sera plus nécessairement abordée si Abbas obtient de l’Assemblée générale de l’ONU « la reconnaissance d’un État qui englobe les territoires concernés ». Ce vote de l’ONU, qui interviendra très certainement – puisque les pays musulmans et non alignés sont majoritaires à l’Assemblée générale – sera largement symbolique mais le leadership palestinien estime qu’il le renforcera dans ses discussions futures avec Israël. On peut douter du sens politique du président palestinien. l’admission comme État non membre ne signifie pas la création d’un état « sur le terrain » ; elle ne changera rien au quotidien des Palestiniens de la rue, tant qu’un accord avec Israël n’est pas trouvé. » S’adressant aux gouvernements européens, la note américaine se fait lourdement insistante… « Nous croyons que vos gouvernements comprennent ce qui est en jeu ici, et – comme nous – veulent éviter un conflit dans la session de l’Assemblée générale à venir », «Nous espérons que vous êtes désireux de soutenir nos efforts… Nous apprécierions de savoir où se situe votre gouvernement sur cette question. Nous serions aussi intéressés à savoir si vous avez été approchés par des représentants palestiniens sur cette matière ». Les réactions palestiniennes ne se sont pas faites attendre… pour

Dessin publié par Agora Vox le média citoyen

Hanan Ashwari, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération palestinienne (OLP), « La manière dont ils se mettent euxmêmes au service d’Israël d’une manière aussi flagrante est ridicule et déraisonnable. Ceci est une pression et une déviation américaine monumentale ». Elle estime aussi que le plus grand nombre de pays européens ont déjà décidé de leur position sur cette question : « Je ne pense pas que ÉtatsUnis les feront changer d’avis ». Saeb Erekat, le négociateur en chef palestinien affirme quant à lui que la note reflète la position américaine mais qu’il espére que les « Européens suivront leurs intérêts et choisiront la paix plutôt que les colonies ». Selon un diplomate européen, Il y a des visions différentes parmi les pays européens sur la sagesse de la démarche palestinienne… « Plus on se rapproche de la perspective d’un vote à l’Assemblée générale, et plus préoccupée sera probablement l’Administration américaine. Cette lettre est l’expression de leur position bien connue contre ce vote. Mais si nous devons persuader Abbas

de ne pas appuyer sur la gâchette, une alternative sérieuse devra être mise sur la table, et vite ». Il n’en reste pas moins que certains pays européens sont alarmés face à la perspective de voir les États-Unis retirer leur soutien financier à l’Autorité palestinienne en cas de vote positif à l’Assemblée générale de l’ONU, craignant que l’Union Européenne doive combler le trou que cela créerait. Il est cependant fort improbable que les 27 États-membres trouvent une ligne commune. On se doute que la position américaine ainsi réitérée comble d’aise Binyamin Netabyahou qui ira aux élections anticipées fixées au 22 janvier 2013, au lieu d’octobre, sans le moindre danger. En effet, selon deux récents sondages, la coalition au pouvoir a encore creusé l’écart face aux partis d’opposition. Elle disposerait ainsi de 66 sièges sur les 120 que compte la Knesset, le Parlement israélien. Netanyahou, quant à lui, aurait la faveur de près de 60% de l’électorat pour rempiler au poste de Premier ministre. Des perspectives bien sombres pour le peuple palestinien. ■

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lire Ronit Matalon. La musique de la mémoire TESSA PARZENCZEWSKI

L

a musique de la mémoire, c’est ainsi que Ronit Matalon nomme cette suite de fragments de mémoire qui constituent le cœur de son roman, Le bruit de nos pas. De l’Égypte à Israël, l’auteure tente de capter des instantanés, des expressions, des émotions qui reviennent à la surface et qui restituent, par-delà le temps, toute une ambiance familiale, dans un milieu séfarade, quelque part, dans la banlieue morne de Petah Tiqvah. Une famille venue du Caire, avec ses coutumes et ses langues, le français et l’arabe, une famille dominée par la mère, jamais désignée autrement, la mère brusque, imprévisible, toujours en mouvement, qui trime comme femme de ménage, tout au bas de l’échelle, alors qu’en Égypte, elle vivait dans l’aisance. La grandmère, Nonna, le fils Sami, sa soeur Corinne complètent le tableau. Et l’enfant, dont on n’entend jamais le prénom, l’enfant, comme on dirait le chat… parfois on l’appelle la petite. Il y a aussi le père, Maurice. Un père fantôme, rarement présent, souvent à l’étranger. Et puis, la baraque. Une maison elle aussi en mouvement, car la mère n’arrête pas de déplacer, aménager, repeindre, détruire, reconstruire, à la poursuite d’on ne sait quelle perfection. C’est par l’enfant que l’histoire est contée. L’enfant ballottée de la mère à la grand-mère, souvent

Hommage à Françoise Collin (Des femmes rien que des femmes, épisode n°4)

solitaire, et qui tente de décrypter le monde des adultes. Mais les énigmes résistent. Comme celle du « Balcon » de Manet dont une reproduction orne le couloir et dont l’enfant tente de pénétrer le secret. Parfois les photos parlent, parlent d’un temps révolu, telle cette photo à la place Saint-Marc, photo qui revient dans plusieurs chapitres, avec à chaque fois une impression différente. Une photo avec la mère, l’enfant et Maurice. Comme une vraie famille… Et puis retour à la case départ : la baraque, sorte de bulle coupée du monde extérieur, El’alam, le monde en arabe, une bulle où l’on parlait un hébreu mâtiné d’arabe et de français, « deux langues brisées » comme le dit l’auteure. « Debout », « Des larmes », « Chez un ami », « Chagrin », « La pluie »… Autant de titres de chapitres qui ouvrent sur des instantanés, de sortes de flashes, arrêts sur images, qui éclairent des moments, des épisodes révélateurs. Mais l’histoire n’est jamais linéaire. Les époques se bousculent, et comme des collages, des digressions s’intercalent. Des instructions pour planter des rosiers, car la mère, sans relâche, replante des rosiers. Des extraits de La Dame aux camélias, le livre de chevet de la mère, lu et relu jusqu’à l’usure et les « Papiers » du père, écrits réels du père de Ronit Matalon, militant de gauche et de la cause séfarade, qui n’a jamais admis le mépris

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infligé aux séfarades par les ashkenazes, ni le nationalisme exacerbé et l’arrogance de ce qu’il appelle le bengourionisme. De l’exil, de la condition de la femme, des laissés-pour-compte, c’est de tout cela que nous parle aussi Ronit Matalon, mais par petites allusions, sans lourdeur. Du cœur de l’intime au monde de l’autre, comme dans cette très belle scène finale, où la mère qui s’est mise à peindre, des fleurs, rend visite au jardinier palestinien à Gaza et découvre ses tableaux au mur. Et le tout dans une langue magnifique, qui s’enfonce dans la réalité avec une aura poétique, qui transfigure les êtres et les objets. Ronit Matalon est née en Israël en 1959. Elle a travaillé comme journaliste à la télévision et au journal Haaretz dont elle a été la correspondante à Gaza et en Cisjordanie pendant la première intifada. Elle enseigne aujourd’hui la littérature comparée et hébraïque à l’université de Haïfa et l’écriture de scénarios à l’école de cinéma Sam Spiegel. Le bruit de nos pas est son premier roman traduit en français. ■

Ronit Matalon Le bruit de nos pas Éditions Stock Traduit de l’hébreu (Israël) Par Rosie Pinhas-Delpuech 466 p., 25,35 EURO

ANTONIO MOYANO

Q

ue doit-on faire si l’un ou l’autre meurt ? Répéter son nom et sans cesse le redire. Et si c’est un écrivain ? Se plonger dans son œuvre, ou du moins se promettre de la lire. Et me voici les bras surchargés de livres de Françoise Collin, elle qui était née à Braine-le-Comte le 8 avril 1928, s’est éteinte le 1er septembre 2012. Allez-la voir sur Dailymotion, nous parlant de son parcours d’intellectuelle féministe et philosophe1. Ma curiosité envers son œuvre ne date pas de la semaine dernière ; fouillant ma bibliothèque, je suis tombé sur son roman Rose qui peut2, et dedans, tenez-vous bien, un ticket de train, comme garde-page, datant exactement du 20-10-79 LiègeGuillemins-Bruxelles-JonctionsN\M-prix 189FB ; ce Rose qui peut je l’avais acheté cette même année 1979 à la librairie Macondo galerie Bortier. Adolescent passionné d’art et de littérature, le mot « avant-garde » signifiait quelque chose (quoi au juste ? trop long à raconter, il faut aller vite) c’est qu’on a peur d’être enseveli par des tombereaux de poussière, et poussière comme métonymie de vieilleries et pensées ankylosées. On aspire, quoi de plus nor-

mal, à la bourrasque et aux autotamponneuses, bref, un élan qui agisse et sur le cœur et les méninges. Françoise Collin était donc à mes yeux l’avant-garde. Oui, je lisais les cahiers du GRIF3, et aussi... Un après-midi, je m’en souviens, j’ai manqué l’école juste pour le plaisir d’aller rue du Méridien à La Maison des Femmes : Hélène Cixous vient entre nos murs ! Quelle beauté énigmatique ! Maigre, longiligne et les yeux cernés de khôl comme la Barbara, elle portait un tailleur de couleur beige et pantalon pattes d’éléphant. Il m’en reste uniquement des images, rien de tangible au niveau du discours, faut dire que j’étais jeune, bête et très impressionnable. C’est dans cette même maison que je verrai pour la première fois les assemblages hétéroclites et détonants de Marianne Berenhaut. Je me rappelle, dédaignant la chaise, Hélène Cixous a préféré s’asseoir sur la table. Et comme un marathonien, je me suis plongé avec délice dans On dirait une ville (desfemmesAntoinette Fouque, 2008, 124 pages). Ce sont des poèmes, en dédicace : À la mémoire de Jean Cayrol, qui fut son tout premier éditeur. Et tout de suite, le coup

d’œil incisif, alerte, attentif, pas du tout le regard du rapt qui juge, renifle et puis se tire sans un merci, non, bien au contraire, c’est un regard qui cherche le regard. « Serrurier qui crie: ‘quelle belle femme’ en découvrant le portrait de ma mère jeune derrière la porte qu’il a ouverte d’un seul coup pour vingt euros / lui vient de Riga, moi de Hainaut. » (p.23) ; « On apprend sur un banc d’étranges alphabets en contemplant l’écluse du canal Saint-Martin / vendeurs à la sauvette d’ananas trop mûrs, de boutons de roses qui meurent sans s’ouvrir. Musiciens maigres écorchant Mozart une pancarte aux pieds. » (p.39). Au cœur du recueil, 11 petits textes en prose sur les déboires de la « Belge » venue s’installer dans un quartier de Paris, j’ai pleuré de rire tant ils sont cocasses. Ce sont des poèmes qui font voir les trottoirs, les badauds des marchés des quatre-saisons venus des quatre continents, une sorte d’allégresse à sillonner les rues, comme des arrêts sur image. Un soir dans le métro, perdant tout self-control, je me suis mis à les lire à voix haute, et le voyageur assis à mes côtés (un monsieur en burnous) m’a dit : ça m’a l’air fort beau ce livre-là ! À la fin, il y a

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➜ un temps d’accalmie, un retour à la campagne le temps d’un été, et des mêmes mots reviennent comme on chantonne un refrain. Tout de suite après, je suis passé à la chambre mortuaire, je veux dire Le Rendez-vous (Éditions Tierce, 1988, 123 pages) : une fille vient/ revient auprès de sa mère mourante. La narratrice dit « Tu » à celle qui naufrage et qu’on hospitalise, la narratrice dit « Elle » quand elle parle de la fille revenue. « Elle s’est approchée de la cheminée et, à la place d’une des statues, elle a vu un billet plié. L’a déplié. Sur ce billet elle a lu son nom, écrit de ta main. » (p.44) Et surgit la cohorte des regrets, des occasions manqués d’enfin se parler, de ce qu’on aurait pu envisager de faire et que finalement on a postposé indéfiniment que finalement on n’a pas fait, l’irréductible, l’inévitable. Et comme il est étrange de retrouver, quasiment à l’identique, la même scène dans deux livres que plus de 20 ans séparent. « L’un d’eux s’est emparé d’un marbre, la Francesca da Rimini... » peut-on lire page 112 du Jour fabuleux, et dans le récit Le Rendez-vous, page 45 : lors de la vente de la statue en marbre de Carrare, récupérée de justesse des mains du vendeur : « Elle a pris la statue. Elle l’a emportée. Elle l’a déposée dans sa chambre à coucher à côté de son lit. Quand elle la regarde, tu lui parles. Quand elle la regarde, tu prononces son nom. » L’originalité du livre c’est qu’il ne s’achève pas avec voilà la mère est morte et puis... Non, comme si c’était une

reprise (déchiré, il faut recoudre, Confiance ? La narratrice, peu à réparer vaille-que-vaille), c’est le peu, perd de son aplomb, s’imamartèlement de certains mots : ginant tout réglementer, elle ne s’éveiller, veiller, la veille, enten- maitrise plus la situation et risdre, dire, dire un nom, etc. Comme que fort de perdre toutes ses illusi « le il était une fois de la fiction » sions. C’est, à l’échelle d’un chanallait surgir de la rengaine, du balbutiement de certains vocables. Ces textes, pris isolément, perdraient un peu de leur substance si, se laissant distraire, on oubliait leur source première : la mort de celle avec qui on avait tant de mal à parler. Et le livre s’achève par un très beau texte qui a un écho de réajustement, sur la figure du père. Le Jour fabuleux (Éditions du Seuil, 1960, 172 pages), ce sont les déboires d’un déménagement, enfin on se prépare mais voilà, Raymonde est toute seule, son mari est absent et le camion des déménageurs n’arrive pas, n’arrive plus. La voix, la voix qui parle et qui se perd dans des Françoise Collin méandres, entrelaçant le passé, le gement d’adresse, comme un rêve présent, les souhaits, les souve- de grand chambardement, la rénirs désordonnés, les rancunes et volte gronde ! La confiance aveule monologue intérieur se glissant gle est un thème qui traverse tout sans « couture » d’une conscience le roman, prenant toute son amà une autre, d’un protagoniste à pleur quand vient le doute efun autre. C’est bien sûr, l’ère du frayant : mon papa a-t-il été arrêsoupçon : « D’ailleurs, cette adres- té par la Gestapo à cause de moi ? se, en y pensant bien, est-ce que Ai-je manqué de vigilance ou de j’en suis bien sûre moi-même ? prudence, ai-je pris pour vrai ce L’avenue portait un nom d’arbre qui s’est révélé être faux ? La pré: tilleul, orme ou peut-être chê- gnance d’un passé encore récent, ne. Un nom d’arbre, j’en suis cer- la guerre, l’Occupation, cela sautaine. Faisons confiance. » (p.112) te aux yeux. Il y a un charme bien

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singulier à relire les deux romans de Françoise Collin, celui de retrouver tant et tant de belgitude (« Je dédie ma course, dit Rose, aux dieux de la roue : Romain et Sylvère Maes, mes compatriotes (...) champions du Tour de France, avant Bobet. » (p.40) « C’est donc rue Zérézo que je dois m’adresser, à Bruxelles ? (...) Le rue Zérézo est à deux pas de la gare du Nord. » (p.67)4. Ici je raccourcis au maximum mais j’ai coché au crayon tout le long du roman les évocations de cette Belgique notre patrie chérie, ses deux premiers romans s’inscrivent dans un terroir mais aussi un territoire de mémoire, avant/pendant/à la sortie de la guerre. Un autre charme, ce sont les audaces d’écriture, comme quelque chose de non-prémédité, non-calibré et d’aventureux. Et le plus beau, ce sont ces bouffées d’onirisme, de rêve éveillé, et peu importe qu’on s’y perde un peu. Je reviens à Rose qui peut, c’est l’histoire d’une orpheline élevée par sa tante : « Elle a perdu les siens dans un bombardement, dans une chute d’avions sur la ville. Les gens la retirent des décombres en entier, les autres en pièces détachées. Une telle épreuve, ça vous mûrit, ça vous donne une autorité rare parmi les gamines de cet âge. » (p.45) En 1975, sort 331W20 Lection du Président5 le récit d’un séjour à New-York à la veille des élections présidentielles de 1972 où s’affrontent Richard Nixon et Mc Govern. Empruntant la technique du cut-up6 et celle de l’écriture « cubiste » de Gertrude Stein,

c’est un melting-pot français-anglais, dans une sorte de collage permanent comme un flux de tout ce qu’on peut entendre/voir/arracher des magazines ou des flashs infos, c’est l’immersion totale lorsqu’on perd tous ses repères. Je souhaite terminer ce très bref parcours sur l’œuvre de fiction de Françoise Collin en vous offrant la primeur d’un inédit ; ce document, je l’ai trouvé (me croirezvous) dans l’exemplaire du roman Le Jour fabuleux que j’ai déniché Chez Pêle-Mêle le bouquiniste. Cette lettre dactylographiée fait deux pages format A4 et compte grosso-modo 90 lignes ; nous pouvons sans trop d’erreur la situer entre 1961 et 1962 , j’ignore qui en est le destinataire, la page de dédicace ayant été arrachée. écrite de sa main, cette phrase : En voici un extrait : « Je me suis trouvée dans une impasse radicale. J’ai dû, j’ai voulu repartir à zéro. J’ai voulu fermer les yeux. Il n’est pas facile de fermer les yeux. J’ai commencé par faire des phrases tantôt décousues comme celles que l’on prononce pour se rassurer dans le noir, tantôt affreusement prosaïques comme celles que l’on prononce aussi pour se rassurer, en plein jour. J’ai continué. Et peu à peu j’affleure au langage véritable. Il ne s’agit que d’un affleurement, je le sais. J’ai peur de m’abandonner, de lâcher prise. » Et enfin, un appel : je cherche désespérément Le Jardin de Louise, des poèmes parus en 1988 à La Barre du jour (Québec), même Amazon.fr semble incapa-

ble de me le trouver, alors voilà, on ne sait jamais... Post-scriptum : Cet article n’aborde pas le versant philosophie de l’œuvre de Françoise Collin. Nous en parlerons prochainement. Signalons cependant l’essai de Diane Lamoureux (Université Laval au Québec) : Pensées rebelles, autour de Rosa Luxembourg, Hannah Arendt et Françoise Collin (Éditions du Remue-Ménage, 2010). ■

Conférence du 19 mars 2011 (Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, 77mn.) 2 Rose qui peut, Éditions du Seuil, 1962, 189 pages. 3 Groupe de Recherches et d’Informations Féministes qu’elle fonde en 1973 avec Jacqueline Aubenas et Hedwige PeemansPoullet. Les éditions Complexe ont fait plusieurs anthologies des cahiers du Grif, en voici quelques titres : Le langage des femmes, Le corps des femmes, Les enfants des femmes, ... 4 Depuis lors, cette rue, a été débaptisée et porte un nouveau nom : rue Georges Matheus, commune de Saint-Josse. 5 Transédition, 1975, 69 pages. Collection dirigée par Marc Dachy de la revue Luna-Park. 6 Texte découpé au hasard puis réarrangé pour produire un texte nouveau (voir Brion Gysin et William S. Burroughs). 1

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vie de l’upjb Enchères et en os Le 23 septembre eurent lieu à l’UPJB des enchères d’œuvres d’art pour soutenir les travaux de rénovation de la salle. Un événement surprenant dont nous parle son « commissaire », Gérard Preszow. PROPOS RECUEILLIS PAR JOSEPH COHEN Points critiques : Alors, ces enchères ? G.P. : Écoute : incroyable, inattendu, inespéré ; chaleureux et efficace, deux qualificatifs qui auraient plutôt tendance à se taper dessus. Bon, c’est un peu facile, aujourd’hui, dans l’après-coup ; un peu comme les récits heureux qui se fabriquent par la fin. Mais je ne boude pas mon plaisir, c’était fabuleux. Vraiment. C’était avant tout un moment. Un temps de partage ; c’est bizarre de parler « partage » pour des enchères, mais c’était ça : un temps partagé. Je ne sais pas, 50, 60 personnes ? Plus, moins ? Tu me diras « sur quasi 7 milliards… ». Et pas mal de gens qui sont des amis, des amis d’amis. Fantastique, des gens qui venaient à la fois pour nous soutenir et pour repartir avec une œuvre convoitée. Mais je n’ai pas envie de confisquer leurs motivations. D’une certaine façon et dit autrement, des gens qui nous aiment et aiment l’art. Oh pas nécessairement des gens 100% d’accord avec nous, mais des gens qui nous trouvent nécessaires au paysage (juif) bruxellois. Ils doublaient la mise : se faire plaisir et nous faire plaisir. Ils savaient que l’argent n’allait à personne sinon, d’une part au projet de rénovation et à eux-mêmes, en quelque sorte. Par ailleurs, les artistes ne nous avaient demandé aucun pourcentage, aucun retour, aucune contrepartie. Rien. Tu imagi-

Zidani en commissaire-priseur. Photo Ariane Bratz

nes ? Un don pur et simple. Quand j’y pense, dingue, non ? Surtout par les temps qui courent… enfin qui courent, qui croulent, devraisje dire (quoique…) Dis-nous un peu les règles de ces enchères ? Les règles et les contraintes ! Assez simples finalement. Comme j’avais pris ça en charge, je me suis dit, Gérard, si tu ne le fais pas selon ton cœur et ton corps autrement dit : en chair et en os - ça n’ira jamais. Alors je me suis fixé quelques contraintes minimales : des artistes reconnus comme tels (et D. sait combien je suis sensible à beaucoup d’autres…),

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des artistes que pour la plupart j’apprécie (certains pour leur œuvre, les autres pour leur démarche authentique), des artistes proches de la Maison UPJB ou qui font partie de ma vie (dont certains n’ont absolument rien à voir avec la Maison). À tous ceux-là, j’ai demandé de me fixer un prix plancher en deçà duquel on n’irait pas ; la base des enchères, quoi. Je ne voulais pas qu’on brade la valeur de leur travail. Quand même des questions d’argent, de marché… Tu ne me croiras pas, mais le marché de l’art je n’y connais rien. Oui, je savais que je le faisais

pour ramener un peu d’argent et payer les travaux, mais jamais je n’ai pensé argent alors que le but était quand même de contribuer à alléger la facture. Par contre, en voyant les œuvres qui étaient proposées, en voyant comment les artistes ou les ayants droit réagissaient, je ne me suis dit qu’une seule chose : quelle belle expo ça fera, quelle belle expo temporaire de 3 jours. Après, le reste, ce qu’on vend… tant mieux, mais déjà la fierté qu’à l’UPJB nous réunissions une telle expo. Oui, j’étais fier de ce qu’il y avait aux murs. J’étais galvanisé. Pour preuve, regarde ce qui pendait aux cimaises : Jacques Aron, Michèle Baczynsky, Marianne Berenhaut, Phil Billen, Giovanni Buzi, Chris Delville, Sylvie Derumier, Jo Dustin, Jean Goldmann, Serge Goldwicht, Elie Gross, Françoise Gutman, Jacques Hôte, Antone Israël, Ann Véronica Janssens, Jihef, Solange Knopf, Jean-Marie Lahaye, Marghita Lewi, Arié Mandelbaum, Stéphane Mandelbaum, Georges Meurant, Antonio Moyano, Mufuki, Laurent Muschel, Max Neumann, Maurice Pasternak, Claudio Pazienza, Kurt Peiser, Jacques Simon, Paul Trajman, Anne Wolfers, Zidani... Je te posais la question de l’argent… Ah oui, excuse… décidément, on n’en sort pas. Et bien tu ne vas pas me croire mais j’étais tellement content des œuvres qu’on réunissait que j’ai peu pensé aux modalités financières. Quand j’y pense, c’est incroyable ! Notre trésorier en chef avait confectionné des beaux diplômes, des reçus sur papier bristol qui n’engageaient à rien, sinon à des lendemains incertains…. Et tout a basculé le jour où une amie est passée voir les œuvres exposées et m’a dit : « dis Gérard, tu sais, je suis sans

Une oeuvre de Jean Goldmann. Photo Ariane Bratz

doute plus juive que toi (sic), mais as-tu pensé comment toucher l’argent ? ». « Heu…,lui dis-je, et lui répétai-je ». Et grâce à elle, le jour dit, on était muni d’une petite machine magique qui débitait à la seconde. C’est ce qui s’appelle joindre le geste à la parole. Il y avait une ambiance, c’était incroyable. Zidani animait et elle l’a fait avec humour, finesse et… sérieux. Parce que quand même, il était question d’argent même s’il y en avait pour toutes les bourses et que les enchères grimpaient par tranche de 10% à partir du prix de base. Et à chaque fois qu’une œuvre était enlevée, le public applaudissait. Je te dis, c’était fantastique et totalement imprévisible. Si imprévisible que j’ai appris par la suite que des amis n’étaient pas venus par peur d’assister à un flop. Et bien non, ce fut un top ! Sur les 43 propositions, 36 sont parties et toutes ont eu leur part dans la réussite de cet événement. Des anecdotes ? Oui, inévitablement. Un ami si peu familier de cette pratique et voulant tellement une œuvre qu’il surenchérit sur sa propre enchè-

re. Ou dans le registre « tendresse », une femme dans la salle qui se reconnaît (et que l’on reconnaît) dans le portrait d’une beauté mélancolique au fusain fait de la main d’un peintre mort depuis des dizaines d’années. Ce petit bout de temps sorti soudainement de l’ordinaire ne manque pas de choses à raconter. Je voudrais peut-être juste rendre un petit hommage à nos amis disparus et qui, à leur manière, par leur art, ont participé activement à ces enchères (et rendus présents par la grâce de leurs ayants droit). Je pense à Jo Dustin dont la tension géométrique garde trace de sa main, à Elie Gross chroniqueur photographique de nos questions, à Marghita Lewi qui aimait tant décliner les courbes féminines, à Stéphane Mandelbaum passé en coup de vent, à la douce lévitation de Jacques Simon, à Giovanni Buzi dont on découvrit l’œuvre chez nous, à Jean Goldmann si frêle et gourmand de ses femmes opulentes. Oui, c’était aussi cela ces enchères, un temps sans frontières. ■

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histoire(s) L’historien du « court XXe siècle », un Juif inactuel ? ROLAND BAUMANN

I

l était un des plus grands historiens contemporains. Comme le note l’éditeur André Versaille dans sa lettre d’hommage à l’auteur de L’Âge des extrêmes, Eric Hobsbawm était l’un de ces historiens dont il n’est pas nécessaire de partager les vues pour l’admirer tant la lecture de ses oeuvres est toujours « formidablement stimulante ». Historien marxiste, ses écrits ont stimulé la recherche scientifique, en anthropologie culturelle comme en histoire sociale, qu’il s’agisse de ses études novatrices sur le banditisme social, les « traditions inventées » ou dans son approche décapante des rapports entre histoire, mythes et nationalisme. Brillant écrivain, Hobsbawm était un orateur hors-pair aussi captivant que fascinant, et je me souviens avec émotion de sa conférence du 23 novembre 1991, à Chicago, lorsque, invité d’honneur aux rencontres annuelles de l’association des anthropologues américains (AAA Meetings), face à une salle comble, la crème de l’anthropologie made in the USA, il traitait avec brillance de la question de l’ethnicité et du retour virulent des nationalismes en Europe suite à l’écroulement du bloc soviétique, incitant ses auditeurs universitaires à la prudence face au relativisme culturel et aux politiques identitaires. Mais ce n’est qu’après sa mort que je commence à entrevoir la « véritable » identité intellectuel-

le de ce singulier historien britannique, communiste déroutant au « cosmopolitisme » stupéfiant et que je considérais il y a vingt ans comme mon idéal anglo-saxon de la recherche en sciences sociales. Publiée vers le crépuscule de sa vie, l’autobiographie de Hobsbawm1 est un livre ambitieux, l’oeuvre d’un historien autobiographe qui veut cartographier le passé, cet « autre pays » qu’il ne se contente pas de revisiter : « Car sans une telle carte, comment pouvons-nous retracer les chemins d’une vie à travers ses paysages changeants, comprendre pourquoi et où nous avons hésité et trébuché, ou comment nous avons vécu parmi ceux qui étaient mêlés à nos vies et dont elles dépendaient ? Ces éléments projettent une lumière non seulement sur des vies individuelles, mais sur le monde. »

LA CARTE DE SON IDENTITÉ Cette autobiographie irritera le lecteur qui, à l’aube du troisième millénaire et alors que « l’illusion » est bien finie, espère y trouver une dénonciation finale des crimes du totalitarisme soviétique et des égarements du militantisme dévoyé, par celui qui, sous Staline, était un pilier du Groupe des Historiens du Parti communiste de Grande-Bretagne. Certes, Hobsbawm affronte ces questions, mais sans virulence. Le constat d’échec total de ses rêves de jeunesse d’une révolution

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mondiale est un thème majeur dans cette autobiographie dont la candeur peut parfois déconcerter. Mais c’est pour son approche intime de l’identité juive en Diaspora et sa cartographie de l’itinéraire singulier d’un Juif « inactuel » que Franc-tireur me semble une lecture indispensable. Eric John Ernest Hobsbawm est né en juin 1917, à Alexandrie, où l’employé du consulat britannique orthographie mal son nom de famille. Son père, Leopold Percy Hobsbaum, quatrième des huit enfants de David et Rose Obstbaum, immigrés dans l’East End à Londres vers 1870, a épousé Nelly Grün, une des trois filles d’un joaillier viennois. Mariés en pleine guerre de 14-18 au consulat britannique de Zurich, ils se sont rencontrés en 1913 à Alexandrie. Un des frères de Percy y travaille aux Postes et Télégraphes égyptiens, tandis qu’un oncle de Nelly y tient une boutique de nouveautés. Le conflit mondial terminé, les Hobsbaum emménagent à Vienne, l’ancienne capitale de l’Empire multinational défunt des Habsbourg. Sidney Hobsbaum, frère cadet de Percy, et son épouse Gretl, soeur de Nelly, vivent eux aussi à Vienne dans les années vingt. Mais, comme l’ensemble des classes moyennes appauvries par la guerre, les parents d’Eric et sa petite soeur Nancy plongent peu à peu dans la précarité. Dans le chapitre 2, retraçant son enfance viennoise, l’historien caractérise ses rapports au judaïs-

me: « Personne chez nous ne célébrait la Pâque, le sabbat ni aucune autre fête juive ». La famille ne se retrouve au temple que pour les mariages et funérailles. « Qu’estce qu’être juif pouvait bien signifier dans les années vingt pour un gamin anglo-viennois intelligent qui ne souffrait d’aucun antisémitisme et qui était tellement éloigné des pratiques et des croyances du judaïsme traditionnel que, jusqu’à sa puberté, il ne se savait même pas circoncis ? Peutêtre cela seulement : une fois, quand j’avais une dizaine d’années, j’acquis un principe simple de ma mère en une occasion que j’ai oubliée, mais où je dus rapporter, ou même répéter, quelque observation négative à propos d’un oncle en qualifiant son comportement de « typiquement juif ». Elle me dit très fermement : « Tu ne dois jamais faire ou sembler faire quoi que ce soit qui pourrait laisser entendre que tu as honte d’être juif ! » Comme le précise l’historien ce principe maternel n’a cessé de guider ses rapports à l’identité juive : « Il suffit depuis à définir ma judaïté et me laissa libre de vivre , pour reprendre l’expression de mon regretté ami Isaac Deutscher, comme un « Juif non juif » – mais pas comme ce que des régiments d’agitateurs religieux ou nationalistes appelèrent un « Juif qui se hait » ». Rejet de la tradition religieuse et du sionisme, refus aussi d’une identité fondée sur la mémoire du judéocide. Hobsbawm évoque la « contribution tout à fait disproportionnée et remarquable à l’humanité » du peuple juif depuis l’Émancipation, et affirme son appartenance à ce « peuple en diaspora ». Le 8 février 1929, Percy meurt d’une crise cardiaque et le 12 juillet 1931, Nelly décède à 36 ans, emportée par une maladie pulmonai-

re. Femme de lettres, elle admirait l’écrivain Karl Kraus, grande figure du modernisme viennois, partisan de l’assimilation et hostile au projet sioniste de Herzl... Prenant en charge sa petite soeur Nancy, Sidney et Gretl se sont établis à Berlin, où les rejoint Eric.

L’ADHÉSION Témoin de l’agonie de la république de Weimar, c’est à Berlin qu’il adhère au Sozialistischer Schülerbund (SSB), mouvement de jeunesse communiste. Anglais et Juif de surcroit, venant de « Vienne la rouge » cet engagement lui semble le seul choix possible face à l’explosion nationaliste allemande et aux nazis. « Le temps que j’ai passé à Berlin a fait de moi un communiste à vie, ou du moins un homme dont la vie perdrait sa nature et sa signification sans le projet politique auquel le lycéen s’est consacré, même si ce projet a démontré son échec et même s’il était voué, je le sais maintenant à échouer. » Le 25 janvier 1933, le jeune militant participe à la dernière grande manifestation légale du KPD devant la Karl-Liebknechthaus, siège du Parti. Après l’incendie du Reichstag, et alors que la terreur nazie s’abat sur Berlin, il distribue des tracts électoraux communistes puis émigre, rejoignant ses oncles en Grande-Bretagne : « Jamais je n’ai oublié Berlin, et je ne l’oublierai jamais ». Se retrouvant bientôt isolé, dans sa nouvelle vie en Grande-Bretagne, « son pays », suite à l’émigration, au décès de sa tante Gretl et à l’émigration au Chili de Sidney et Nancy, Eric se découvre une passion pour le jazz. Il décroche une bourse pour Cambridge et entre au King’s College. C’est là, pendant la guerre d’Espagne, qu’il développe son engagement communiste. Il adhère au Parti en

1939. Appellé sous les drapeaux en février 1940, et fiché comme communiste, il passera la guerre loin de toute poste « sensible ». Début 46, il parvient à se faire démobiliser lorsqu’on veut l’envoyer en Palestine. Il enseigne l’histoire au Birkbeck College de l’université de Londres. Communiste notoire, le début de la guerre froide bloque sa carrière universitaire et il ne sera nommé professeur qu’en 1970. Historien marxiste influent, il n’occupera jamais la moindre fonction politique au Parti communiste. Plus tard, sa notoriété lui permettra d’enseigner à la New School for Social Research de New York, institution universitaire aux origines progressistes. Et au terme de ce long récit sur son enfance, ses années de formation, son engagement politique et ses voyages... l’historien « franc-tireur », vieillard lucide, confronté à l’échec total puis la disparition de ce qui fut le thème central de l’histoire du XXe siècle, lui qui était né avec la révolution, conclut son autobiographie, réaffirmant son parcours de juif de la diaspora : « Depuis ma naissance en Égypte, qui n’eut aucune conséquence pratique sur l’histoire de ma vie, je n’ai été un véritable autochtone nulle part. Je me suis attaché à plusieurs pays où je me suis senti chez moi et j’en ai visité beaucoup d’autres. Cependant, dans tous ces pays, y compris celui qui m’a accordé sa citoyenneté à la naissance, sans être nécessairement un marginal, j’ai toujours été quelqu’un qui n’appartenait pas totalement à l’endroit où il se trouvait [...] un Juif partout – y compris, et même surtout, en Israël... » ■ Interesting Times : A Twentieth-Century Life, 2002 ; traduit en français par Dominique Peters et Yves Coleman, Franc-Tireur, Paris, Ramsay, 2005. 1

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mémoire(s) Souvenirs d’un « botwinik » À la fin de l’année 1937, les dirigeants (communistes) des Brigades internationales mettent sur pied une compagnie juive qui prendra le nom de Botwin. Le livre Les Vies multiples d’Efraïm Wuzek (édit. Syllepse, collection « Yiddishland », publication en décembre) dont nous présentons ici des bonnes feuilles, raconte les aventures militaires et politiques de ces soldats improvisés, internationalistes parlant le yiddish qui convergent vers l’Espagne pour endiguer le fascisme montant. Dans un avant-propos, la fille d’Efraïm, notre amie Larissa Wuzek-Gruszow, membre de l’UPJB, retrace l’itinéraire peu banal de son père qui milita notamment au jeune parti communiste palestinien. Nous publierons des bonnes feuilles de cet avant-propos le mois prochain.

E

n octobre 1937, à mon arrivée dans les Brigades internationales, je fus affecté à la Brigade Dombrowski. Il est difficile de décrire l’enthousiasme et la combativité qui régnaient dans mon unité. C’est dans cette petite ville d’Aragon, Vinaceite1, que j’ai senti de tout mon être ce qu’est la fraternité, la communion dans le désir de lutter, armes à la main, contre le fascisme. Tous, nous étions animés par la même volonté : l’Espagnol Sanchez, le Grec Pangalos, le mineur Szymanski, le bundiste Benjamin Lipszyc étaient réunis dans ce même but. C’est pour cette raison que notre unité, bien que composée de nombreuses nationalités, était unique. Le commandant de notre compagnie était, à ce moment-là, Karol Gutman, le commissaire politique, Micha Reger. Déjà à cette époque, il y avait de nombreux volontaires juifs dans notre compagnie, comme Szlomo Elbojm, Weintraub, Lorento Lipszyc, Eliahu Ehrlich et beaucoup d’autres. Nos quartiers se trouvaient dans

une école. Nous y avons parachevé nos connaissances militaires et nous nous sommes familiarisés avec les problèmes politiques. Ces quartiers sont devenus pour nous tous une véritable « école ». Grâce au travail infatigable du commandant de notre compagnie, Gutman, communiste juif de Bialystok et ensuite militant ouvrier à Paris, ainsi que du commissaire politique Reger, nous avons pu entrer en relation avec la population locale et l’avons aidée dans son travail. Nous avons organisé des réunions communes au cours desquelles Micha Reger (qui avait très bien appris l’espagnol) parlait de la Pologne et du rôle joué par la Brigade Dombrowski. En octobre 1937, nous reçûmes la visite d’un communiste juif, le dirigeant Jacques Kaminski. Au cours d’une réunion avec les volontaires juifs, il aborda la question de la création d’une unité juive dans le cadre de la Brigade Dombrowski. Les raisons de fonder une telle unité étaient la nécessité de concentrer et de mobiliser l’attention des masses populai-

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res juives dans la lutte contre le fascisme ainsi que de faciliter le travail de propagande du Comité d’aide à l’Espagne. De plus, la direction des Brigades internationales avait décidé de créer l’unité juive précisément au sein de la Brigade Dombrowski, afin de démontrer qu’il est possible d’avoir des relations fraternelles entre Polonais, Juifs et Ukrainiens, contrairement à la propagande de la politique raciste et fasciste du gouvernement polonais d’alors. À peu près à la même époque, nous reçûmes l’ordre de partir au front et, dans les premiers jours de décembre 1937, nous rejoignîmes Tardienta, en Aragon. Pour beaucoup d’entre nous, ce fut le premier contact avec le front, mais notre compagnie comptait également des combattants aguerris tels que Gutman, Elbojm, Weintraub, Paluszkiewicz, Szymanski et autres qui s’étaient déjà battus sur différents fronts d’Espagne. Sur le front de Tardienta, notre bataillon occupa une position de plusieurs kilomètres. Les tranchées de notre compagnie se trou-

vaient sur un terrain montagneux appelé Santa Criteria. Le front était calme, mais troublé de temps en temps par quelques échanges de tirs. Parfois aussi, on assistait à un échange « verbal » avec les fascistes car leurs positions ne se trouvaient qu’à quelques dizaines de mètres des nôtres. La direction de notre compagnie était installée à environ 100 mètres de nos tranchées, sur une petite élévation, dans une maisonnette. Un téléphone de campagne nous reliait en permanence avec les dif-

tifs. Jour après jour, dès la tombée de la nuit, ils rendaient visite aux combattants dans les tranchées et à l’état-major du bataillon, lequel se trouvait à quelques kilomètres de nos positions. Notre commissaire politique, Micha, tenait particulièrement à ces inspections nocturnes. En dépit de sa myopie, il se déplaçait jusque tard dans la nuit, sa canne dans une main et le « cracheur »2 chargé dans l’autre ; il allait, ainsi, d’une position à l’autre. Puis, avec notre agent de liaison, Marcin Szy-

flait autour de la maisonnette du commandement de notre compagnie lorsque le téléphone se mit à sonner. Karol Gutman, commandant de la compagnie, souleva le combiné ; nous n’avions pu entendre que la brève réponse de Karol : « Bien, à vos ordres ». Après avoir raccroché, il nous informa que dans quelques minutes, nous recevrions la visite du camarade Mietek (responsable du Parti3 de la Brigade Dombrowski) et du camarade Gerschon Dua4 qui nous transmettront la décision et

Combattants de la compagnie Botwin. Premier à gauche, assis : Efraïm Wuzek

férentes sections de notre compagnie et avec les autres unités de notre bataillon. La nourriture et les munitions ne pouvaient être livrées que jusqu’à la maisonnette et de là nos gars devaient se débrouiller pour les répartir dans les tranchées. Notre commandant et notre commissaire étaient particulièrement ac-

manski, nous montions la garde au point d’observation de notre compagnie. LA CRÉATION DE LA COMPAGNIE BOTWIN Une journée morose s’annonçait sur le front, ce 12 décembre 1937. Le soleil ne brillait pas sur Tardienta. Un vent froid sif-

l’ordre du jour de la direction de la brigade Dombrowski, en vertu desquels notre compagnie deviendra une unité juive et portera le nom de l’héroïque communiste juif Naftali Botwin5. Dehors, la nuit commençait à tomber et il faisait froid, mais cette nouvelle nous avait électrisés et nous attendions

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réfléchir

➜ avec impatience nos visiteurs. Peu de temps après, nous les aperçûmes qui se dirigeaient vers notre abri. Après des salutations militaires cordiales et un bref échange verbal, le commandant Gutman et le commissaire Micha accompagnèrent les visiteurs, guidés par le communiste de Chelm6, Szlomo Elbojm, vers les tranchées de l’unité, où se trouvaient déjà réunis la plupart des soldats de la compagnie. Quelques mots cordiaux de bienvenue avec leurs connaissances et leurs vieux amis, puis les camarades Mietek et Gerschon rendent compte en quelques mots de l’ordre du jour qui crée la compagnie Botwin. À ce moment précis, les fascistes se rappellent à notre souvenir et dérangent notre fête, mais quelques instructions de notre commandant nous permettent de suivre la lecture de l’ordre du jour. Serrés les uns contre les autres, courbés mais debout, les Juifs, les Polonais, les Espagnols écoutent le camarade Gerschon Dua parler de la lut-

Journal de la compagnie Botwin, édité en yiddish

te, de la responsabilité ainsi que de l’internationalisme qui créent des devoirs à tous les Botwinniks. Dans les tranchées obscures, nous lisons l’ordre du jour relatif à la constitution de la compagnie Botwin, qui confirme la nécessité de créer une unité juive militaire en Espagne qui montrera au monde que les Juifs peuvent lutter les armes à la main et peuvent perdre leur vie pour la liberté, comme tous les peuples de la terre. Voici ce que nous lisons dans cet ordre du jour :

vôtre »7, les antifascistes du monde entier se sont donné la main. Parmi les volontaires des Brigades internationales et, en particulier, au sein de la Brigade Dombrowski, les volontaires juifs se sont illustrés par leur héroïsme, leur ardeur au combat et leur esprit d’abnégation. À Madrid, Guadalajara8, Huesca9, Brunete10, Saragosse11, partout où nos brigades ont combattu l’ennemi mortel de l’humanité, le fascisme, les volontaires juifs étaient aux premiers rangs donnant en exemple leur courage et leur conscience antifasciste. ■

Ordre du Jour de l’État-major de la XIIIe Brigade Dombrowski sur le front d’Aragon. Au sud de Saragosse. Revolver. 3 Il s’agit, plus que probablement, du Parti communiste. 4 Gerschon Dua-Bogen, communiste polono-juif qui fit partie de la direction politique des Brigades internationales à Albacete. 5 Ce nom fut attribué à la compagnie juive en souvenir de ce jeune héros communiste, juif de Pologne (de Lwow, aujourd’hui en Ukraine), né en 1908 dans une famille ouvrière. Il dût travailler très tôt à la suite de la mort de son père, fut actif dans le syndicat et le parti communistes, illégaux à cette époque. Un espion de la droite nationaliste polonaise au pouvoir s’était inséré dans les rangs communistes et provoquait l’arrestation de nombreux responsables. Le jeune Botwin reçut l’ordre de l’abattre, ce qu’il fit et le paya de sa vie. 6 Ville située au sud-est de la Pologne, environ 80 km à l’est de Lublin. 7 Slogan politique, créé probablement par Joachim Lelewel en Russie, pour commémorer la révolte des Décabristes russes, en 1831, contre les abus du Tsar et repris lors du soulèvement polonais contre l’occupation russe par la bourgeoisie en novembre 1861. Ce même slogan a conduit, également, les combattants de la révolte du ghetto de Varsovie contre les nazis en 1943. 8 Environs du nord-est de Madrid. 9 Une des grandes villes d’Aragon, 70 km envrion au nord de Saragosse. 10 Environs ouest de Madrid. 11 Capitale de l’Aragon, à près de 200 km au nord-est de Madrid. 1

Camarades, soldats, officiers et commandants de la Brigade Dombrowski ! Volontaires juifs ! Aujourd’hui, 12 décembre 1937, la Compagnie juive Botwin est entrée dans notre glorieuse famille des combattants antifascistes. Depuis leur arrivée en Espagne, tous nos volontaires (d’abord au sein d’une compagnie, puis d’un bataillon et aujourd’hui d’une brigade) étaient et restent une grande famille qui unit les combattants polonais, allemands, ukrainiens, biélorusses, juifs, hongrois, espagnols et autres. La lutte côte à côte, le sang qui a coulé nous ont encore rapprochés et nous ont appris à nous aimer et à nous apprécier mutuellement. Nous, les antifascistes, quelles que soient notre nationalité et nos convictions politiques, sommes unis par un grand but : la lutte contre le fascisme, le combat pour un peuple espagnol libre et pour la libération de l’humanité de la servitude des fascistes. Dans la lutte « pour notre liberté et la

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« Ils veulent un sioniste aux commandes à Schaerbeek » ALAIN MIHÁLY

L

e 17 septembre dernier, le chercheur indépendant (selon ses propres termes) P-Y. Lambert publiait sur son site Suffrage Universel un message intitulé « Le PS, de Nader Rekik à Yves Goldstein, erreurs de casting ? » N. Rekik, candidat à Molenbeek, était visé pour avoir affiché sur sa page Facebook deux photos, l’une « décontractée avec deux soldats de l’armée d’occupation de l’entité sioniste en Cisjordanie » et l’autre où il serre la main de « l’exsocialiste Shimon Peres ». Quant à Y. Goldstein, deuxième de liste à Schaerbeek et candidat théorique à la fonction mayorale en l’absence de la tête de liste retenue par ses responsabilités ministérielles, P-Y. Lambert imputait l’absence totale d’affiches à son nom dans la commune au fait qu’aucun autre candidat n’accepterait de « s’afficher aux côtés d’un ancien (2001-2010) membre du Comité directeur du Comité de Coordination des Organisations juives de Belgique (CCOJB) dont l’article 3 proclame “ L’association a pour objet de lutter (...) pour le soutien par tous les moyens appropriés à l’Etat d’Israël, centre spirituel du judaïsme et havre pour les communautés juives menacées. ” Il ajoutait qu’« Yves Goldstein, socialiste et sioniste, a probablement préféré s’éviter l’humiliation de refus de la part de colleurs d’affiches, d’habitants et de commerçants schaerbeekois, mais aussi

de colistiers ayant plus de jugeote (à défaut de conscience) politique que leur camarade molenbeekois Nader Rekik… ». Personne ne s’étant intéressé antérieurement aux coupables antécédents « sionistes » d’Y. Goldstein, il n’est pas venu à l’idée du chercheur indépendant que la campagne certes discrète mais réelle du candidat avait peut-être pris en compte l’existence d’un risque antisémite réel... P-Y. Lambert reprenait au sujet de N. Rekik une dénonciation du blog « Bruxellois-sûrement » datée du 13 septembre. N. Rekik se voyait accusé d’avoir publié ces photos «dans l’espoir de ramasser des voix auprès des sionistes de Belgique». L’accusation était reprise le 15, après l’annonce d’un dépôt de plainte par le candidat PS, sous le titre « Assumez votre sionisme, monsieur Reqiq (sic) ». La plainte de N. Rekik vise le blog en question mais également des élus CDH l’ayant, selon lui, accusé d’être « un juif sioniste utilisant les méthodes du Mossad ». Le lendemain 18 septembre, le parti Égalité adressait une lettre à P. Moureaux, bourgmestre à Molenbeek, lui reprochant la présence de N. Rekik sur la liste PS. Dans sa réponse, P. Moureaux écrivait ceci : « Je pense que la condamnation sans réserve de la politique du gouvernement israélien à l’égard de la Palestine ne peut en aucun cas justifier des propos qui flirtent avec l’antisémitisme.

Pareil comportement me paraît d’ailleurs en contradiction avec les intérêts des Palestiniens. » Enfin, le 26 septembre, Égalité publiait sur son site une « Interview d’Amina (Amadel, candidate à Schaerbeek) par un journaliste schaerbeekois » reprenant en guise d’introduction les commentaires de P-Y. Lambert et les concluant par « Voter PS à Schaerbeek, c’est voter le sionisme » et « PS=Parti Sioniste que ce soit à Molenbeek, Schaerbeek, Anderlecht ». Quant à la candidate « interviewée », elle déclarait « Je dénonce la malhonnêteté du PS… Ils veulent un Sioniste aux commandes à Schaerbeek ». Le PS réagira le 8 octobre, à la suite de la diffusion d’un tract rédigé en turc (et qui n’est connu, semble-t-il, que par sa traduction) et visant explicitement Y. Goldstein en tant que « Juif et sioniste actif », par le dépôt d’une plainte et la saisie du Centre pour l’Égalité des Chances.

LA PAROLE LIBÉRÉE À ces «péripéties», s’adjoignent les sorties, relayées sur les forums sociaux, de plusieurs candidats. À Andenne, un candidat Ecolo relaye un message comparant Israël et nazisme et titrant «La même race». La tête de liste ixelloise d’Egalité répond à un contradicteur dans un style inspiré de celui de Dieudonné : « t’inquiètes pas, on vas (sic) pas te déporter. Au prix où est le gaz

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➜ aujourd’hui ce serait du gaspillage ! Bonne journée fioniste ! ». Pour un conseiller CDH de Saint-Josse, « la victimisation est une tradition [juive] depuis plus de trois millénaires ». À Schaerbeek enfin, un candidat de la Liste du bourgmestre (LB) – adversaire du PS – réagit en ces termes : « On me dit qu’être sioniste actif et candidat PS à Schaerbeek ne pose aucun problème ? Diantre, j’aurais dû suggérer un membre du Hamas à la LB. » La campagne menée contre Y. Goldstein, qui a été élu avec un score honorable, constitue à la fois l’aboutissement logique et le paroxysme d’un processus complexe qui, sous couvert d’un « antisionisme » radical, réactualise des modalités préexistantes de l’antisémitisme. Il est a contrario admis, et particulièrement à gauche, que l’antisémitisme présent dans la communauté arabo-musulmane ou dans les cercles radicaux propalestiniens ne constitue que le sous-produit transitoire d’une indignation légitime et non pas l’expression d’un sentiment réel. Ce raisonnement, hors le fait qu’il « comprend » et donc accepte ce racisme, repose sur la conviction qu’antisémitisme et antisionisme sont strictement dissemblables. Le débat est alors porté sur les critères de différenciation. Si des critères peuvent être avancés, qui distingueraient un antisionisme légitime d’un antisémitisme condamnable, la porosité permanente entre les deux phénomènes est bien plus significative. Reste aussi que ne pas reconnaître l’antisémitisme là où il se trouve revient à lui donner bonne conscience politique. Conséquence perverse, sa responsabilité est rejetée sur les Juifs eux-mêmes, sommés de modifier radicalement leur attitude vis-à-vis d’Israël s’ils ne veu-

lent pas faire les frais de cet antisémitisme. C’est le droit d’avoir une opinion politique, critiquable ou non, qui leur serait, en quelque sorte, dénié. L’antisionisme a une histoire au sein même des communautés juives, mais cette histoire, instrumentalisée aujourd’hui par l’antisionisme militant1, a basculé à la création de l’Etat d’Israël. À partir de cet état de fait, l’adhésion progressive mais affirmée des communautés juives à un modèle politico-culturel « israélo-sioniste » et la cristallisation d’une identité juive moderne ancrée de manière incontournable sur le lien (affectif, politique, social, religieux même) avec l’État et la société israéliens font, dans des dimensions variables, de tout Juif, sauf marges négligeables quantitativement, un « sioniste ». Il s’agit moins d’une idéologie, souvent résumée en quelques formules lapidaires, que d’un « habitus » qui se transmet massivement, à l’opposé de ce qu’ont connu les courants politiques juifs opposés au sionisme. Dénoncer le sionisme « en soi » (soit le soutien dans toutes ses variantes, y compris critiques, à l’État d’Israël) des institutions communautaires – de droite et de gauche – ou viser les Juifs en tant que « sionistes »2 est donc dénué « sociologiquement » de sens et ne peut que déboucher sur la criminalisation des communautés juives. Si cette équation devait s’appliquer, comme l’a tenté Égalité, il faudrait en conclure qu’un Juif affilié, ouvertement ou non, à une institution communautaire, ne pourrait se présenter à des élections, de la même manière qu’il est déjà fortement déconseillé à un Juif visible d’arpenter certaines communes bruxelloises. Les non-affiliés seraient soupçonnés de l’être et contraints de se démarquer publiquement de la

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« communauté ». On constatera à tout le moins que les dénonciations rituelles de « l’amalgame » Juif/sioniste/Israélien se révèlent irrationnelles et inopérantes.

UN BAGAGE COMMUN L’antisionisme s’est transformé jusqu’à devenir un véritable code culturel au sein de la gauche (plus spécifiquement de la « gauche de gauche »). Sauf exceptions qui mériteraient une autre qualification, il s’exprime généralement sous la forme d’un antisionisme éradicateur. La solution du conflit ne passerait pas par l’établissement d’une paix juste et raisonnable entre deux États souverains – que cette solution soit pour l’instant très théorique n’est pas ici relevant – mais par la disparition d’un État juif (l’« entité sioniste ») considéré « en soi » comme raciste et illégitime. Non pour ses actes – légitimement critiquables et largement critiqués – mais par son existence même. Avatar moderne d’un antisémitisme, « mythe communicationnel par définition »3, cet antisionisme absolu, qui évacue toute complexité, est purement idéologique sinon théologique. Il institue une démonologie des sionistes (fatalement tous juifs) et de tous ceux qui, censés s’en préserver, les « toucheraient » par trop, comme le candidat d’origine marocaine N. Rekik, sioniste par extension. Cette délégimitation absolument radicale va de pair avec un palestino-centrisme identitaire et structurant, d’ailleurs revendiqué par Égalité dont le « programme est placé sous le signe de la solidarité avec la Palestine… [qui] symbolise à elle seule les injustices criantes perpétuées (sic) par les gouvernements de nos pays dominants »4. Niant un antisémitisme toujours informulable, cette radicalité retourne l’accusation contre les « sionistes » : « On peut

Y. Goldstein revu par le site d’Égalité (20/09/2012)

être antisioniste sans être antisémite... Et on peut être sioniste et antisémite ! Les Palestiniens étant des Sémites, les traiter comme des sous-hommes est de l’antisémitisme ! »5

= UN PARTI ANTISÉMITE Dans ce cadre, Égalité – dont les scores électoraux sont restés microscopiques – se révèle être un cas de figure exemplaire. Son chef de file, N. Saïdi, a, on le sait, été exclu du Conseil d’Administration du MRAX en 2009 suite à la publication de textes antisémites6 sur le site du Mouvement Citoyen Palestine qu’il anime. Il a signé en tant que membre « du Mouvement Citoyen Palestine, Porte-Parole d’Egalité (Belgique) » une pétition « pour l’abrogation de la loi Gayssot et la libération de Vincent Reynouard »7 lancée en 2010 par P-E. Blanrue. Il s’y retrouve en compagnie de J. Bricmont, dont le leitmotiv est la nécessité de la libération de la parole antisémite, de B. Gollnish, R. Faurisson, A. Soral et Dieudonné8. Dans le même ordre d’idées, un article « Pourquoi évoquer la Palestine dans un programme électoral communal ? », publié sur le site du parti9,

renvoyait, en guise de conclusion et jusqu’à l’intervention du Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, à une vidéo de R. Garaudy consacrée à ses Mythes fondateurs de la politique israélienne. Quant à l’antisémitisme classique, Égalité proclame son soutien au Hamas sans s’arrêter une seule seconde sur les proclamations ouvertement antisémites que contiennent son programme. Il reste difficile de discerner ce qui, du palestino-centrisme ou d’une vision complotiste de l’Histoire, prédomine dans l’exemple qui suivra. La conception du monde d’Egalité semble en fait illustrer une parfaite « circularéité » de ces deux éléments. Égalité a publié récemment Le making-of d’Anders B. Breivik, un « essai » dû à L. Vervaet, ex-militant maoïste et candidat à Bruxelles-Ville qui a naguère représenté en Belgique l’Union internationale des parlementaires pour la Palestine, une organisation-écran de l’Iran. Pour L. Vervaet10, Breivik est l’incarnation d’une « triple alliance » qui « menace l’Europe », celle de « l’extrême-droite qui mène le combat contre ce qu’ils

appellent l’invasion musulmane », des États-Unis et d’Israël : « Il est un soldat mercenaire du sionisme en Israël qui combat le terrorisme arabo-musulman ». La conclusion illustre l’assimilation permanente des sionistes/Juifs aux nazis : « L’extrême-droite s’allie avec Israël. C’est eux qui les ont exterminés et pourchassés. Ce sont devenus leurs alliés ». Égalité est toujours considérée par beaucoup comme une organisation radicale de gauche, ce dont son tropisme pour la cause palestinienne porterait témoignage. Ainsi que le montre cette énumération, les références culturelles d’Égalité, son langage, l’inscrivent dans une galaxie qu’il serait bien plus indiqué de qualifier de rouge-brune si ce n’est d’extrême-droite. ■

Il n’est pas rare de lire sur les sites radicaux que « le sionisme est une trahison du judaïsme ». 2 Voir le reproche adressé à Y. Goldstein d’avoir mentionné dans sa biographie l’Hashomer Hatsaïr, un mouvement de jeunesse sioniste affilié au parti israélien de gauche Meretz. 3 N. Weill, Une histoire personnelle de l’antisémitisme, 2003, p. 258. 4 « Le programme du parti Égalité : un mot d’explication », 09/10/2012. 1

5

Ce passage se retrouve sur le site du Mouvement Citoyen Palestine, animé par N. Saïdi, en date du 26/09/2012, et dans une « Réponse d’Égalité suite à l’affaire Goldstein » publiée sur le site du parti le 10/10/2012. 6 Dont ceux de l’ex-israélien G. Atzmon qui voit dans le judaïsme même la source du conflit. 7 Un militant néonazi et négationniste français condamné à un an de prison et libéré depuis. 8 Dieudonné honora de sa présence la campagne d’Égalité aux élections régionales de 2009. 9 03/09/2012. 10 La présentation de l’opuscule dans les locaux d’Égalité est accessible en ligne.

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réfléchir Meshiekh vet kumen JACQUES ARON

L

e messie v i e n d ra … , cela se chante sur une musique entraînante, cela se danse en agitant les mains vers le ciel, vers le rédempteur promis et toujours attendu. Certains y croient – combien ?, d’autres s’y croient, pour beaucoup cette invocation jubilatoire appartient au folklore de la tradition. Si le messie, lié à la parole prophétique répandue par la Bible, incarne, pour parler comme le philosophe Ernst Bloch, « le principe espérance », une aspiration éternelle des humains à un monde parfait, nous n’avons pas fini d’attendre sa venue, si tant est qu’il vienne jamais. Les lendemains ne sont pas près de chanter. L’invoquer encore aujourd’hui répond plus souvent à des considérations politiques que philosophiques ou religieuses. La tradition juive et ses interprétations – convergentes ou divergentes – par les différents monothéismes qui en sont issus continuent à se réclamer de l’attente du messie comme de la parole des prophètes qui l’ont appelé de leurs vœux. Pour les amateurs de controverses théologiques, on le croise pour la première fois dans le Lévitique, le Livre III de Moïse, comme la figure

de celui que Dieu a chargé d’une mission que l’on pourrait déjà qualifier de politique au sens moderne du mot. Seront en effet considérés comme les envoyés (oints = Christos en grec) du Seigneur, tous les puissants de ce monde qui prennent en compte les intérêts des Juifs. Pour le prophète, Cyrus remplira ce rôle de façon exemplaire, de sorte qu’aux temps modernes Napoléon, nouveau Cyrus, sera abondamment célébré dans les synagogues, pour avoir réuni les notabilités civiles et religieuses de France et d’Italie, renouvelé le Sanhédrin et consulté différentes autorités religieuses étrangères. On a souvent regardé le messianisme comme une compensation imaginaire à la perte de souveraineté nationale du peuple juif, menacée à différentes reprises par de puissants souverains.

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Ainsi parla Iahvé à son oint, à Cyrus, Que j’ai pris par sa droite Pour terrasser par lui les nations, Pour désarmer par lui les reins des rois, Pour ouvrir devant lui les portes Et pour rendre libre les entrées […] C’est lui qui rebâtira ma ville Et relâchera mes déportés, sans rançon ni présents, Dit Iahvé des armées. (Isaïe, 45, 1, 13) Les écrits d’Isaïe, Jérémie, Osée, etc. ont été réinterprétés par le sionisme, dans une version séculière qui a su rallier à elle une fraction de plus en plus large des autorités religieuses. L’intervention divine auprès des rois païens que l’on trouve dans les textes fondateurs

a été remplacée par l’appel à tous les détenteurs de pouvoir susceptibles de donner un coup de pouce au « rassemblement des exilés » en terre promise. Quelle que fût la croyance de ces nouveaux Cyrus, dont on caressait davantage les intérêts profanes et les avantages politiques internes ou externes qu’ils pourraient en retirer. Certes, pour toute la chrétienté, le messie était venu ; mais comme le monde n’avait pas fondamentalement changé pour autant, et que l’amour ne régnait pas plus entre chrétiens qu’entre païens, des interprétations nouvelles, plus ou moins hétérodoxes, se firent jour, qui réclamaient son retour : courants millénaristes ou messianiques chrétiens, juifs ou judéochrétiens. Des courants chrétiens réformés s’empressèrent d’affirmer qu’ils avaient prédit la venue de Herzl. Comme l’écrit un exégète catholique très officiel : « On constate que dès le début l’espérance prend pour termes, chez les disciples de Jésus, le retour en gloire du messie, son second avènement. L’ère messianique, pour eux, est inaugurée, mais non révolue : il faut d’abord établir ici-bas le règne de Dieu, l’étendre et le consolider, en travaillant au progrès constants de l’évangélisation, à l’extension continuelle de l’Église du Christ, à l’ascension graduelle des croyants vers la perfection. »1 Les États-Unis, terre d’élection de tous les illuminismes censés combattre l’affreux « matérialisme » poisseux comme du pétrole brut, connaissaient déjà depuis 1915 une Hebrew Christian Alliance of America. Elle a engendré depuis les années 1970 (tiens, après la guerre des Six Jours) de nouveaux courants, dont le plus actif semble à présent la Messianic Jewish Alliance of America. Sans en apporter la moindre preuve, ses di-

rigeants affirment que le pays compterait aujourd’hui un million de Juifs messianiques (Jüdische Allgemeine, 16.08.2012). Certains États, dont il serait intéressant d’étudier la composition sociologique, semblent présenter un terrain plus propice à ces courants qui utilisent abondamment tous les médias modernes (TV, radio, internet). Ce compromis théologico-politique idéal entre chrétiens et Juifs, dans l’oubli des dégâts de l’évangélisation chrétienne des Juifs, provoque la suspicion des communautés juives orthodoxes ou traditionnalistes. Il fut un temps où, chez nous également, la foi religieuse se manifestait dans l’espace public par de grandes processions sous les étendards des congrégations, organisations, corporations et paroisses. Modernité oblige, l’appel à Dieu prend maintenant la forme de cortèges de manifestants avec banderoles et slogans, rassemblés par mails ou par facebook. Les processions scandaient le déroulement du calendrier chrétien, ses temps forts et ses saints. Le calendrier prosaïque des évènements politiques (élections, congrès, rencontres diplomatiques) entraîne à présent celui des défilés en tous genres. Celui, récent, que nous illustrons, mélangeant allègrement la bannière aux 51 étoiles avec celle qui n’en porte qu’une, celle de David et de sa lignée, proclame au nom des Juifs et de leurs « amis » chrétiens Jérusalem capitale d’Israël et du peuple juif. Pas étonnant que le messie se fasse attendre. À sa place… ■ 1

A. Tricot, « Petit dictionnaire du Nouveau testament », in : La Sainte Bible du Chanoine Crampon, Desclée & Co, Nihil Obstat, 5 mars 1960.

est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Joseph Cohen Antonio Moyano Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 EURO ou par ordre permanent mensuel de 2 EURO Prix au numéro 2 EURO Abonnement de soutien 30 EURO ou par ordre permanent mensuel de 3 EURO Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN

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TRADUCTION LITTÉRAIRE DE GILLES ROZIER ET VIVIANE SIMAN

mayn gast Mon hôte

Tu es le bienvenu – sois mon hôte / Dépose là le fardeau de la vie / Défais tes vêtements, repose-toi. / En ma claire demeure, sois mon hôte. / Lave tes mains, baigne tes pieds / Prends place à table à mes côtés : / Apaise ta soif et ta faim / Sur ma poitrine, sur mon sein.

On vous l’avait dit, les femmes sont loin de jouer un rôle négligeable parmi les auteurs yiddish. La preuve ? Après Myriam Ulinover, Anna Margolin, Malka Heifetz et Chava Rosenfarb, voici Celia Dropkin. Celia (Tselye), née Levine (Bielorussie, 1888), a commencé à écrire en russe mais, peu de temps après s’être établie à New-York, en 1912, elle décide de se tourner vers le yiddish. Dans les années 20, elle publie régulièrement ses poèmes dans la revue littéraire d’avant-garde in zikh (« En soi ») éditée par les « introspectionnistes ». Mais, soucieuse de son indépendance, elle n’adhère pas à leur mouvement ; elle se contente d’en être proche. On retient notamment de Celia Dropkin qu’elle a introduit l’érotisme dans la poésie yiddish. Elle s’éteindra en 1956. Le texte publié ici figure dans un recueil de poèmes intitulé in heysn vint (« Dans le vent chaud »), recueil paru en édition bilingue yiddish-français chez l’Harmattan, introduit et traduit par Gilles Rozier et Viviane Siman.

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REMARQUES tsib bist = tsib vd du bist. M]klevv velkom : américanisme ; « sois le bienvenu » se traduit habituellement par jbh+Cvrb borekhabo (hébr.). p]r= arop = vers le bas. Nfr=vv varfn = jeter. tneh hent : pluriel de tn=h hant. sif fis : pluriel de svf fus. Nqez zetsn = faire asseoir ; Nqez Cyz zikh zetsn = s’asseoir ; Nqiz zitsn = être assis. tsvrb brust = sein ou poitrine.

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ANNE GIELCZYK

Arrêtez-moi cette musique !

B

onjour les amis, ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de politique belge, il me semble. Au lendemain des élections communales et après la déferlante jaune et noire, vous n’y échapperez pas, et moi non plus d’ailleurs. À mon grand regret, je vous le concède, car il faut que je vous avoue que je n’ai pas vraiment suivi la campagne de très près. Je sais, je sais, c’est pas bien pour une chroniqueuse judéo-flamande, mais bon, j’ai eu d’autres chats à fouetter ces dernières semaines. Quoi ? Mais enfin, vous n’êtes pas au courant... ? Je viens de publier 11 années de vos chroniques judéo-flamandes favorites ! J’en profite pour faire un peu de pub. Il s’agit de « Anne Grauwels, Humeurs judéo-flamandes. Chroniques 2001-2011 » aux éditions Ercée. En vente dans toutes les bonnes librairies. J’ai bien dit bonnes librairies. Pour vous donner un exemple : à Bruxelles, il est en vitrine chez Tropismes, tandis que chez Filigranes, il n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, dans la pile des bouquins juifs à l’entrée, mais sous une pile de bouquins quelque part à l’arrière du magasin. Que voulez-vous, la plus grande librairie juive de Bruxelles n’aime pas trop le côté « mauvaise juive » mentionné en quatrième de couverture. Anne Grauwels ? Qui c’est celle-

là ? me demandez-vous. Mais c’est moi enfin ! Anne Gielczyk. Euh, Anne Grauwels ou Anne Gielczyk ? Les deux. Vous n’y comprenez plus rien ? Pourtant ce n’est pas si compliqué : Anne Grauwels c’est le vrai nom d’Anne Gielczyk. Moi donc. Moi qui ? Moi, Anne Gielczyk. Alors pourquoi ne pas signer le bouquin Anne Gielczyk ? Bonne question, surtout quand on sait que le nom du père c’est Angielczyk justement, Jakob Angielczyk et celui de la mère Esta Ochs. Comment on peut s’appeler Grauwels quand le père s’appelle Angielczyk et la mère Ochs ? Ben oui, on n’est pas Juifs pour rien. Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué, je vous le demande. Je ne vais quand même pas m’appeler bêtement Grauwels. Y en a plein le bottin des Grauwels. C’est d’un banal. C’est pourquoi je signe Anne Gielczyk, alors qu’en fait je m’appelle Anne Grauwels. Pour le bouquin, il a fallu sortir du bois. Par exemple, quand je disais des vacheries sur les Flamands, eh bien mes collègues ne savaient pas qu’Anne Gielczyk c’est leur collègue Anne Grauwels. Maintenant, ils vont savoir.

J

ustement l’autre jour, le lundi 15 octobre pour être tout à fait précis, nous discutions mes collègues et moi du résultat des élections

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communales. Eh bien figurezvous, à les entendre, il n’y en avait aucun, je dis bien AUCUN, qui avait voté pour Bart De Wever. Bien !, vous au moins vous savez qu’il faut prononcer Bart De Wev’r, tandis qu’à la RTBF, pas plus tard que ce matin encore, ils l’ont appelé Bart Deweveur ! Et après on s’étonne que 40% des Flamands votent pour plus d’indépendance de la Flandre. Donc je disais, PAS UN SEUL de mes collègues qui a voté N-VA ! Bon, je précise qu’il s’agit d’individus qui bénéficient d’un niveau d’instruction élevé à très élevé, puisque la plupart ont fait ou sont en train de faire une thèse de doctorat et que nous nous situons à Gand très exactement. Et Gand, c’est la ville la plus à gauche de la Flandre, que dis-je, de la Belgique, puisque nous avons là une majorité absolue pour les socialistes en cartel avec les verts. Siegfried Bracke, comme vous le savez, vous qui lisez mes chroniques, « den Sieg », c’est cet ex-journaliste arrogant de la VRT, affilié à l’époque (plus ou moins clandestinement) au sp.a, qui s’est reconverti très opportunément (croyait-il) au nationalisme flamand. Il figurait en tête de liste de la N-VA à Gand. Il a fait pâle figure avec ses 17% et, à mon grand plaisir, il n’en menait pas large l’autre soir sur son ancienne chaîne de télévision. Une petite satisfaction

qui ne fait pas le contrepoids face à l’immense frustration de voir la victoire de Bart De Wever et de son parti jusque dans les coins le plus reculés de la campagne flamande.

I

l fallait le voir monter les marches du « Schoon Verdiep » (le bel étage, celui du bourgmestre) de l’Hôtel de ville d’Anvers. Une marche triomphale suivie d’un discours adapté librement de Marc Antoine à l’enterrement de Jules César dans la pièce éponyme de William Shakespeare. Rien que ça. « Vrienden, Vlamingen, stadsgenoten » (Friends, Romans, Countrymen), a-t-il dit en s’adressant aux Anversois. Malheureusement pour lui, l’effet a été immédiatement gâché quand il s’est lâché verbalement contre cet « idiot » de DJ qui n’a pas arrêté la musique à temps. « Zet die ploat af ! » (« Arrêtez-moi cette musique ! » en plat anversois), a-t-il gueulé croyant être hors champs. Malheureusement, (ou heureusement), toutes les télés ont pu voir et diffuser ce dérapage verbal en direct et aujourd’hui les pastiches font le buzz sur internet1.

Q

uelle est la vraie nature de Bart De Wever ? On est en droit de s’interroger. Une thèse de doctorat publiée ces jours-ci, vient nous éclairer bien à propos sur l’idéologie et la stratégie de la N-VA2. Si dans ce parti, on n’a de cesse de se démarquer du Vlaams Belang et de prôner un nationalisme démocratique et humanitaire, ceci n’est que stratégie rhétorique, nous démontre l’auteur de cette thèse, Ico Maly. Ainsi la N-VA se dit prête à

accueillir les « allochtones » – un terme désormais banni du vocabulaire du quotidien De Morgen, ceci dit en passant – à condition que ceux-ci s’adaptent à « onze normen en waarden » (nos normes et valeurs). En réalité, la N-VA est pour une nation organique où les droits des personnes découlent de la nation, et pas le contraire. Pour Maly, la N-VA est un parti nationaliste de droite, et même d’extrême-droite – sans être un parti raciste ou fasciste –, c-à-d qu’on y défend des thèses radicales et anti-démocratiques en les emballant dans un discours modéré. Ainsi, plus de démocratie selon les nationalistes flamands ne signifie nullement plus de droits individuels, plus d’égalité et de liberté, mais plus d’indépendance… de la Flandre. Et surtout, n’allez pas croire qu’à la N-VA on défend un repli identitaire ; la preuve en est que la N-VA défend une Europe des nations. Des nations ethniques, bien sûr, comme la nation flamande. Autant dire que le multiculturel et le cosmopolitisme, ce n’est pas la tasse de thé de la N-VA. Bref, vous l’aurez compris, la N-VA n’adhère pas aux idées des Lumières, sauf quand cela l’arrange, c-à-d quand cela lui sert pour s’insurger contre l’islam et le port du foulard par exemple. Tout cela nous est servi comme du pur bon sens auquel

tout Flamand ne peut qu’adhérer. Pire, la N-VA a réussi à faire passer largement au-delà de nos frontières l’idée que la Belgique est constituée aujourd’hui de deux démocraties distinctes, et à nous vendre ça comme étant un fait et non pas une analyse biaisée idéologiquement. Selon cette vision (simpliste, faut-il le dire), tous les Flamands sont de droite et tous les Wallons sont socialistes, voire marxistes comme on a pu l’entendre encore récemment dans la bouche des entrepreneurs flamands. Entrepreneurs flamands qui soutiennent largement le parti de Bart De Wever. Voilà enfin des idées bien à droite défendues par un parti respectable, quelle aubaine ! Car ne nous y trompons pas, si la N-VA a réussi à nous débarrasser du Vlaams Belang, chose dont elle s’enorgueillit, elle ne nous a pas débarrassé de ses « normes et valeurs »... ■

1 Voir www.standard.be/artikel/detail. aspx?artikelid=DMF20121017_039 et www.knack.be/beeldreportages/in-beeldzet-die-plaat-af/album-4000194006788. htm#photo-0 2 Ico Maly, N-VA. Analyse van een politieke ideologie, Epo, 2012.

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activités vendredi 16 novembre à 20h15 Conférence-débat avec

dimanche 18 novembre de 13h30 à 16h30

Ahmed Ahkim et Jacqueline Fastrès

L’UPJB ouvre son premier cycle d’ateliers de cuisine juive !

autour de leur livre

Venez nous rejoindre si :

Les Roms. Chronique d’une intégration impensée Dissemblables et hétérogènes, les Roms sont continuellement stigmatisés, d’abord dans leurs pays d’origine et ensuite, dans leurs pays « refuges », comme la France et la Belgique. Comment leur faire une place tout en laissant un espace à leur culture d’origine ? Est-ce conciliable de garder leur tradition dans le monde d’aujourd’hui ? Le livre d’Ahmed Ahkim et Jacqueline Fastrès analyse les aspects historiques et politiques, juridiques et sociaux de cette problématique en Belgique. Ahmed Ahkim est directeur du Centre de médiation des gens du voyage et des Roms en Wallonie Jacqueline Fastrès est licenciée en histoire et coordinatrice du département Formation/Recherche de l’association de formation et d’insertion RTA PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

vendredi 23 novembre à 20h15 La situation des travailleurs étrangers et des demandeurs d’asile en Israël Conférence-débat avec

William Berthomière

William Berthomière est directeur de recherche au CNRS au sein du laboratoire MIGRINTER (Migrations internationales : espaces et sociétés, CNRS-Université de Poitiers) et membre associé du Centre de recherche français de Jérusalem. Ses travaux de recherche portent plus particulièrement sur l’étude des diasporas et de la mondialisation migratoire. Il est l’auteur de nombreux travaux sur l’immigration en Israël. Après s’être consacré à l’étude de l’aliya d’ex-URSS, ses recherches se sont orientées vers l’étude des nouvelles migrations en Israël (travailleurs étrangers et demandeurs d’asile). Lors de cette conférence, il développera un questionnement qui porte à la fois sur les causes et conséquences de ces nouvelles dynamiques migratoires et sur leur inscription dans le phénomène de globalisation migratoire. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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. le goût et l’odorat de cette merveilleuse cuisine vous manquent . vous désirez entrer dans la lignée des faiseurs de « bouillon », « kezkikhn », « strudl » et « kreplekh » . vous cuisinez déjà comme Mamie Goldé et vous voulez échanger des recettes et partager votre savoir faire

Voici les dates et les thèmes du cycle : 18 novembre 2012 - Le bouillon de poule/volaille et ses accompagnement (lokshn, kreplekh, kneydlekh, etc.) 16 décembre 2012 - Le gâteau au fromage dans ses différentes versions 20 janvier 2012 - Le mezze à la juive (hors-d’oeuvres et salades ashkenazes et sépharades) 17 février 2012 - La carpe farcie et le gehakte fish 21 avril - Biscuits, chaussons salés et sucrés le tout cuisiné avec des produits de qualité. L’atelier ce déroulera de 13h30 à 16h30 et vous emporterez chez vous votre préparation (prévoir un récipient ad hoc). Le jour même, venez avec quelques ustensiles adaptés au thème (tablier, couteau, éplucheur, planche, grand bol, fouet). Vous avez deux options, choisir le cycle ou par atelier (dans ce cas vous devrez réserver au plus tard le jeudi précédant l’atelier). PAF: ( maximum 12 inscrits par ateliers) : Le cycle - 60 EURO

L’Atelier - 15 EURO

Nous sommes impatients de partager avec vous ces moments savoureux et chaleureux.

Partisans armés Abraham Nejszaten dit Naychi, Arthur, Marcel, est décédé le 12 octobre 2012. Né en 1921 en Pologne, il fut commandant dans l’Armée Belge des Partisans. Arrêté et grièvement blessé en 1944, il fut déporté à Breendonk et Buchenwald. En 2009, avec les anciens partisans armés Léon Finkielsztejn, Ignace Lapiower, Bernard Fenerberg et Paul Halter, Abraham Neszaten reçut le titre de « mentsh de l’année » décerné par le CCLJ. Son témoignage peut être lu dans Partisans armés juifs. 38 témoignages, édité à Bruxelles en 1991 par « Les Enfants des Partisans juifs de Belgique». À sa famille, nous présentons nos sincères condoléances.

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UPJB Jeunes Rentrée rime avec rencontres JULIE

S

i tout a une fin, tout a un début également ! Eh oui, les activités ont bel et bien repris et l’année 2012-2013 s’annonce

ont rejoint le mouvement pour le meilleur et pour le ......! Bienvenue à eux ! La rentrée était aussi l’occasion de se rappeler les bons souvenirs de l’année pas-

Raanan Forshner reçu à l’UPJB

pleine de nouvelles aventures et de rencontres. Même si le temps n’était pas des plus cléments, beaucoup d’entre vous nous ont rejoint pour le pique-nique de rentrée qui se déroulait au Bois de la Cambre. En mode auberge espagnole, chacun a pu papoter des ragots de l’été mais aussi faire connaissance avec les nouveaux venus. En effet, une dizaine de nouveaux enfants

sée et évidemment de se mettre en jambes avec le ‘drapeau liégeois’, ‘le crikx’, etc... Pour cette première réunion, parents et enfants, ont pu se rencontrer, échanger et miser sur l’année haute en couleur qui s’annonce. C’est au même moment que la nouvelle configuration de l’équipe mono a été dévoilée et qu’un nouveau groupe de Bienvenus a fait son entrée dans cette grande équipe.

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De retour dans les locaux de l’UPJB, une tombola attendait les enfants. Si la vente aux enchères fut une réussite, à notre échelle, nous avons tenté de contribué à réduire l’ardoise de la rénovation de cette salle qui nous accueille également pour différentes occasions. Une semaine plus tard, c’est une autre rencontre qui nous attendait. À l’occasion de la venue de Raanan Forshner, représentant du mouvement New Profile, les groupes des Zola et des Jospa ont eu l’occasion de partager une après-midi en sa compagnie. Il nous a commenté l’exposition de photos dénonçant l’omniprésence de la pensée militariste au sein de la société israélienne. C’est à tous les niveaux que l’appareil militaire est présent : à l’école, dans les médias, dans la ville, au sein de la famille, etc... Au fil de l’exposition, tous s’imprègnent de cette atmosphère oppressante qu’instaure la société israélienne en exaltant les bienfaits (mais aussi les dommages) de cet environnement militaire. Une fois les commentaires terminés, nous avons invité la vingtaine de jeunes présents à poser des questions. Interpellés par la présentation de Raanan et les photos, ils ont pu débattre avec l’invité : « Quelle vision est donnée des Palestiniens

dans l’éducation israélienne? », « Comment êtes-vous arrivé à une réflexion tellement en opposition à la société dans laquelle vous vivez ?», «Votre famille soutient-elle vos positions ?», «Le mouvement connait-il des répressions de la part du gouvernement ?», «Existet-il un lien entre l’armée et la religion ?», «Les jeunes israéliens ne se rendent-ils pas compte qu’ils sont seuls dans cette démarche?» C’est dans une ambiance décontractée que la rencontre a donné lieu à une heure d’échange et de discussion passionnante. Celle-ci s’est achevée par la projec-

tion d’un cours extrait de documentaire qui montre le résultat que cela engendre sur les jeunes personnes et sur leur rapport à l’armée. Rendez-vous le mois prochain pour la suite de nos aventures. ■ Pour plus de nouvelles et de photos concernant les activités du mouvement de jeunesse, n’hésitez pas rejoindre l’UPJBJeunes sur sa toute nouvelle page Facebook : https://www.facebook.com/pages/ UPJB-Jeunes/111742428981159?fref=ts

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Carte de visite

➜ L’UPJB-J RENCONTRE RAANAN FORSHNER

L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus

Les pour les enfants nés en 2006 Moniteurs : Léa : 0487.69.36.11 Youri : 0474.49.54.31

Juliano Mer-Khamis

Les 2005 Moniteurs : Milena : 0478.11.07.61 Selim : 0496.24.56.37 Axel : 0471.65.12.90

pour les enfants nés en 2004 et

Marek Edelman

Les pour les enfants nés en 2002 et 2003 Moniteurs : Sacha : 0477.83.96.89 Lucie : 0487.15.71.07 Tara-Mitchell : 0487.42.41.74

Janus Korczak

Les pour les enfants nés en 2000 et 2001 Moniteurs : Charline : 0474.30.27.32 Clara : 0479.60.50.27 Jeyhan : 0488.49.71.37

Émile Zola

Les pour les enfants nés en 1998 et 1999 Moniteurs : Sarah : 0471.71.97.16 Fanny : 0474/63.76.73

Yvonne Jospa

Les pour les enfants nés en 1996 et 1997 Moniteurs : Maroussia : 0496.38.12.03 Totti : 0474.64.32.74 Manjit : 0485.04.00.58

Informations et inscriptions : Julie Demarez – upjbjeunes@yahoo.fr – 0485.16.55.42

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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

vendredi 16 novembre à 2Oh15

Conférence-débat avec Ahmed Ahkim et Jacqueline Fastrès autour de leur livre Les Roms. Chronique d’une intégration impensée (voir page 26)

dimanche 18 novembre de 13h30 à 16h30

Première date du cycle d’ateliers de cuisine juive (voir page 27)

vendredi 23 novembre à 20h15

La situation des travailleurs étrangers et des demandeurs d’asile en Israël. Conférence-débat avec William Berthomière, directeur de recherche au CNRS (voir page 26)

club Sholem Aleichem Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 8 novembre

« Kazerne Dossin : Mémorial, Musée et Centre de documentation de L’Holocauste et des Droits de l’Homme. Être guide, accompagnateur de groupes scolaires : notre motivation » par Jo Szyster et Betty Denis

jeudi 15 novembre

« À la rencontre de l’œuvre de Aharon Appelfeld (écrivain israélien) » par Tessa Parzenczewski, chroniqueuse littéraire de Points critiques

jeudi 22 novembre

2ème partie du Cimetière de Prague de Umberto Eco par Jackie Schifman (voir jeudi 11 octobre)

jeudi 29 novembre

« Les néonationalismes russes » par Jean-Marie Chauvier, journaliste

jeudi 6 décembre

« Les effets psycho-sociaux du chômage par Ginette Herman, docteur en psychologie du travail à l’UCL Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be

Prix : 2 EURO


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