n°322 - Points Critiques - janvier 2012

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique janvier 2012 • numéro 322

éditorial David Susskind

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)

HENRI WAJNBLUM

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on français à la musicalité yiddish sans pareille nous manquera. David Susskind, Suss, s’en est allé le 25 décembre à l’âge de 86 ans. Certains se demanderont sans doute pourquoi l’UPJB tient à lui rendre un hommage appuyé en Une de Points critiques. Il avait été « de la maison », membre fondateur de l’Union Sportive des Jeunes Juifs (USJJ) qui allait de-

venir l’Union des Jeunes Juifs Progressistes (UJJP) et enfin, en 1969, l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB). Mais, « de la maison », il ne l’était plus depuis longtemps. Il l’avait quittée en 1959 pour créer le Centre Culturel et Sportif Juif (CCSJ) qui allait devenir le Centre Commu-

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire édito

1 David Susskind .......................................................................... Henri Wajnblum

israël-palestine

4 Chronique d’un voyage [suite] ................................................ Henri Wajnblum

lire

6 Rire noir... avec Etgar Keret .............................................Tessa Parzenczewski 7 Le frère du pendu ..................................................................... Antonio Moyano 8 Épreuve d’artiste ....................................................................... Antonio Moyano

regarder

10 Les identités migratoires. En marge d’Europalia Brésil........... Jacques Aron

histoires/mémoires

12 La mémoire historique de l’Espagne................................... Roland Baumann 14 Je n’étais pas venu pour Maxime ........................................... Fabian De Brier

yiddish ? yiddish !

! widYi ? widYi

18 tsu a sotsyalistin – À une socialiste .........................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes 20 Trente secondes d’orgasme politique ........................................Anne Gielczyk

réfléchir

22 Israël-Palestine : Un ou deux États ? .................................. Michel Staszewski 24 26 28

activités et aussi les agendas

Points critiques présente à ses abonnés et à ses lecteurs ses meilleurs voeux à l’occasion de la nouvelle année civile

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éditorial ➜

nautaire Laïc Juif (CCLJ), dont la base tout au moins allait, au fil du temps, se montrer de plus en plus hostile à l’UPJB en raison de ses positions sur le conflit israélo-palestinien. Alors ? Alors, tout simplement, parce que, malgré nos oppositions, David, Suss, a été durant un bon demi-siècle une personnalité, un homme, un Mentsh (et non pas un Mensch comme « ils » l’écrivent en utilisant l’orthographe allemande et pas la translittération yiddish, on se demande bien pourquoi) qui, par ses engagements, aura marqué de son empreinte toute la vie communautaire juive de Belgique. De sa conversion au sionisme, après avoir été communiste moscoutaire puis maoïste, de son soutien indéfectible à Israël, mais pas à sa politique, jusqu’à son engagement total pour la restitution des biens juifs en déshérence, en passant par son combat en faveur des refuzniks juifs d’URSS et par celui contre le Carmel d’Auschwitz, par l’organisation aussi, en 1988 et 1989, avec Simone, de Give Peace a Chance et Give Peace a Chance – Women Speake out, David Susskind aura été de tous les combats qui ont agité la communauté juive de Belgique. Son soutien à Israël se manifeste dès 1967, lors de la guerre de juin. Il mobilise le CCLJ pour organiser des collectes de sang et d’argent. Mais pour lui, la victoire israélienne et la conquête de la totalité de la Palestine mandataire doivent être l’occasion, pour Israël, d’enfin faire la paix avec ses voisins. « Échanger les territoires conquis contre la paix », tel est son credo ; et c’est dans ce sens que vont aussi les déclarations de certains responsables politiques israéliens. Mais il déchante assez


La période USJJ. On reconnaît David Susskind debout au dernier rang, s’appuyant sur Victor Cygielman portant lunettes

vite… Je me souviens, c’était fin 1967 ou début 1968, le CCLJ recevait quelques ministres du Mapam, un parti sioniste de gauche qui se fondra plus tard dans le Meretz, qui étaient venus promouvoir cette idée de l’échange des territoires contre la paix. À un moment, n’y tenant plus, David les interpelle : « où est votre carte des frontières ? », il n’y avait pas de carte, il n’y en aura jamais. Mais Suss voulait continuer d’y croire. Toute sa vie il aura répété ce credo : « un peuple qui en occupe un autre ne peut pas être libre »… Alors pourquoi le CCLJ et l’UPJB ne se sont-ils pas retrouvés pour mener ce combat ensemble ? Parce que David Susskind estimait que nous étions par trop radicaux et que notre a-sionisme était incompatible avec son sionisme. Cela n’a cependant pas empêché que, à l’instar de Marcel Liebman, il devienne la bête noire de la communauté juive qui l’accusait, ni plus ni moins, d’être un propagandiste de l’OLP ! En janvier 1982, La Tribune Sioniste publiait une caricature le montrant, vendant Regards à la criée, ovationné par Yasser Arafat et d’autres ! Ces attaques l’ont profondément blessé, mais ne l’ont pas

empêché de continuer inlassablement à mener le combat en faveur de la solution à deux États. Pour ce qui nous concerne, nous ne nous y sommes jamais trompés… Suss était certes un adversaire politique, nos divergences étaient profondes, mais ce n’était pas un ennemi. Et nous n’avons jamais manqué de prendre le chemin du 52 rue de l’Hôtel des Monnaies pour assister, lorsqu’elles nous intéressaient, aux conférences et débats que le CCLJ y organisait. Et Suss, au contraire des autres membres du CCLJ, n’avait pas oublié le chemin qui menait au 61 rue de la Victoire… En 1995, il n’avait pas hésité à venir y visiter, avec une certaine envie, notre exposition Herbes amères qui parlait de nos familles avant, pendant et après le judéocide, pas hésité non plus à assister en 1997 au colloque que nous avions organisé à l’occasion du centenaire de la naissance du Bund et, plus tard encore, à la célébration du 61ème anniversaire du 61 rue de la Victoire. Blessé, David Susskind l’aura encore été à diverses reprises au cours de ces dernières années. Ainsi, visiteur du Soir dans son édition du 28 avril 2007, il repro-

chera au quotidien : « Vous avez publié un article ce 26 avril à propos de l’inauguration par Guy Verhofstadt prévue le 8 mai d’une plaque du souvenir [qui évoquera les persécutions subies par les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale]. Et vous y avez donné autant d’importance à l’avis d’une vingtaine de contestataires juifs qui exigent plus de la part de l’État belge qu’à celui des représentants de la communauté juive, dont j’étais, qui ont négocié cette commémoration avec MM. Verhofstadt et Flahaut ; cette mise à égalité me semble injuste. » Nous étions parmi ceux qui, avec Maxime Steinberg, estimaient en effet que la Belgique continuait d’éluder sa responsabilité dans la traque des Juifs et, donc, dans leur assassinat durant les années noires. Nous avons également été de ceux qui ont estimé que les dirigeants communautaires, dont David, ont été beaucoup trop conciliants dans les négociations sur la restitution des biens juifs spoliés et laissés en déshérence, ainsi que sur les réparations que l’État belge aurait dû verser aux victimes des persécutions raciales ou à leurs ayants droit, dans la mesure où il y avait largement sa part de responsabilité. David Susskind, lui, défendait bec et ongles les accords intervenus qui avaient débouché sur la création, avec les biens des victimes et non les fonds de l’État, d’une Fondation du judaïsme, Fondation dont nous avons toujours dénoncé l’opacité et l’absence totale de caractère démocratique. Mais aujourd’hui, l’heure est à l’hommage à l’homme de profondes convictions qu’il était. Il manquera à tous ceux pour qui les valeurs de justice et d’ouverture à l’Autre sont une priorité absolue. ■

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israël-palestine Chronique d’un voyage [suite] HENRI WAJNBLUM Du 28 octobre au 5 novembre dernier, Henri Wajnblum a accompagné un groupe dans les Territoires palestiniens occupés. La première partie de son récit a été publiée dans Points critiques de décembre 2011

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ilwan est un quartier de Jérusalem-Est (hors les murs). Israël y a découvert des vestiges de la Cité de David, ce qui est contesté par de nombreux scientifiques, qu’il veut « repeupler ». Ce processus est largement encouragé et géré par l’organisation nationaliste religieuse Elad, qui mène une politique active d’achats de maisons, parfois par des moyens douteux, et d’expulsions de familles palestiniennes de Jérusalem-Est. Son but : judaïser les quartiers orientaux, à majorité palestinienne, et empêcher sa division dans le cadre d’un hypothétique accord de paix. Elad est particulièrement actif à Silwan où l’organisation gère un parc de plusieurs dizaines de bâtiments et aide les familles juives à s’installer. Plusieurs maisons palestiniennes ont d’ores et déjà été rasées pour permettre la reconstitution du « jardin de David » et de nombreux colons occupent déjà des habitations en plein cœur du quartier.

HÉBRON L’horreur dans toute l’acception du terme. Nous parcourons à pieds la zone H2 qui recouvre la vieille ville restée sous contrôle exclusif israélien (zone C) en raison de la présence de quelque quatre cents colons ! Comme dans toutes les autres villes de Cisjor-

danie, le mur affecte considérablement la vie quotidienne des habitants : accès interdit ou considérablement réduit aux terres cultivées ainsi qu’aux sources et aux puits, allongement des distances pour aller vendre les produits. La rue principale d’environ un kilomètre est totalement désertifiée. Les échoppes qui y abondaient ont toutes été fermées pour empêcher les habitants palestiniens de s’approcher des quelques immeubles flambant neufs qui abritent les colons dont l’arrogance est sans limites. Une vraie image de désolation qui laisse le groupe partagé entre effarement, incompréhension et colère difficilement contenue. Le marché, où de nombreuses échoppes sont également vides, provoque un haut-le-cœur dans le groupe. Des filets ont en effet dû être tendus dans les parties surplombées par la colonie juive d’où les habitants s’amusent à jeter des ordures, des pierres et parfois des sacs d’urine ! Tout cela dans le but avéré de faire déguerpir les Palestiniens et de mettre la main sur la totalité de H2 puisqu’ils considèrent que ce sont les Palestiniens qui occupent illégalement cette terre et pas eux !

WADI FOUKIN Nous sommes invités par la famille Atieh dont un des fils, Raed, vit en Belgique. Wadi Foukin est un village situé à quelques mè-

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tres de la Ligne verte, qui pratique une agriculture ancestrale entièrement biologique. Une grande partie de ses terres a été confisquée au profit de la construction et de l’extension de la colonie de Betar Illit qui n’avait rien trouvé de mieux que de déverser ses eaux usées sur les terres fertiles du village. Ce qui nous a mis un peu de baume sur le cœur, c’est que ce sont des habitants du village israélien de Tsur Hadassah, immédiatement voisin et situé de l’autre côté de la Ligne verte, qui se sont chargés d’introduire des recours devant les tribunaux israéliens contre cette pollution. Nous en rencontrons deux, Tamar et Ouri, membres de l’association Les Amis de la Terre, qui viennent participer au souper qui nous est offert par la famille Atieh. C’est là que nous apprenons que l’UNESCO vient de voter l’admission de la Palestine en tant que membre à part entière de cette importante agence des Nations unies. Nous avons écho des manifestations de joie qui se déroulent dans la plupart des villes palestiniennes. Deux jours plus tard, nous apprendrons que les ÉtatsUnis ont suspendu leur contribution à l’Agence, et un jour plus tard encore qu’Israël, en représailles, a approuvé la construction de deux mille nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et a décidé de geler le transfert


des fonds qui sont récoltés par Israël au nom de l’Autorité palestinienne sous forme d’impôts sur des produits transitant via ses ports ou aéroports vers la Cisjordanie et la bande de Gaza. Comme le disait Abdelfattah Abusrour à Aïda, la coexistence n’est décidément pas à l’ordre du jour pour Israël. Il est vrai que celui-ci estime que ce sont les Palestiniens qui, en demandant leur admission comme membre à part entière des Nations unies, prouvent qu’ils ne veulent pas la paix !

CAMP DE JÉNINE LE FREEDOM THEATRE Je suis saisi par l’émotion à la pensée de Juliano Mer-Khamis, assassiné il y a six mois. Nous rencontrons Rawand Arqawi, coordinatrice de l’école d’art dramatique, qui fut une des plus proches collaboratrices de Juliano. Elle nous dit que les membres de l’équipe du Freedom ne se remettent que très lentement de la disparition de celui qui en fut l’âme après sa mère Arna. Aujourd’hui, le Théâtre poursuit ses activités car c’est ce que Juliano aurait voulu et que c’est aussi la meilleure réponse à ses assassins qui voulaient le paralyser. Rawand nous confirme que le Freedom ne plaisait pas à tout le monde dans le camp. Surtout pas de voir des jeunes filles remettre en cause le modèle familial traditionnel. Et nous voyons en effet… Des jeunes filles s’expriment dans un document qui nous est proje-

té : Le rôle assigné à la femme est de quitter la maison des parents pour la cuisine du mari. Nous ce n’est pas ainsi que nous voyons notre avenir… Mais des garçons aussi… Avant je voulais être martyr. Aujourd’hui je veux vivre et devenir acteur… Nous parcourons le camp… J’y étais venu en juin 2002 avec un groupe de l’UPJB et ce n’était que ruines après l’opérations Rempart menée par l’armée israélienne ; aujourd’hui, tout est reconstruit grâce à l’aide des Émirats arabes. Je m’étonne de voir des rues aussi larges… Cela a été une exigence israélienne de manière à permettre le passage de chars… Et l’enquête sur l’assassinat de Juliano ? Elle patine, et ici, on a la nette impression que ni les Israéliens, ni les Palestiniens ne sont pressés de connaître la vérité.

RAMALLAH À Ramallah, nous rencontrons Clea Thauin, jeune suédoise qui travaille à l’ONG palestinienne Addameer, une ONG de soutien aux prisonniers politiques palestiniens dans les prisons israéliennes et aussi dans les prisons palestiniennes. On nous dit, statistiques à l’appui, que, depuis 1967, plus de 700.000 Palestiniens ont eu les honneurs des prisons israéliennes. Il y a peu, 6.000 y étaient encore détenus dont beaucoup en détention administrative, c’est-àdire sans avoir été jugés, une détention administrative qui peut être prolongée indéfiniment. Ce nombre passera à 5.000 lorsque tous les prisonniers qui ont fait l’objet de l’accord entre Israël et le Hamas seront rentrés chez eux… Chez eux ou ailleurs car Israël a exigé que plusieurs dizaines d’entre eux, originaires de Cisjordanie,

soient exilés à Gaza ou dans des pays arabes voisins. Clea nous dit aussi que plusieurs centaines de Palestiniens sont incarcérés dans des prisons palestiniennes, des membres du Fatah dans des prisons de Gaza et des membres du Hamas dans des prisons de Cisjordanie ! N’ont-ils vraiment rien de mieux à faire ? En quittant Ramallah, nous passons par Qalandya… Encore et toujours le Mur.

SHEIKH JARRAH Le quartier de Sheikh Jarrah est situé en plein cœur de Jérusalem, à quelques centaines de mètres de la vieille ville. Depuis 10 ans, les tensions sont énormes dans ce quartier. En 2001 déjà, des militants d’extrême droite étaient entrés par la force dans une maison et avaient refusé de la quitter. En 2008, un jugement avait reconnu qu’une partie du quartier était la propriété de Juifs sépharades qui s’y étaient installés à l’époque ottomane ! Un droit au retour en quelque sorte qu’ils dénient par ailleurs aux Palestiniens expulsés en 1948 ! Et depuis, plusieurs familles ont déjà été expropriées et leurs habitations occupées par des colons. Signalons que les habitants de Sheikh Jarrah, des réfugiés de 1948, ont été installés dans ce quartier en 1951 par les autorités jordaniennes et par l’UNWRA moyennant leur renonciation à leur statut de réfugiés. 15 heures, nous rejoignons plusieurs dizaines de personnes, des Juifs israéliens et des Palestiniens, rassemblées, comme chaque vendredi depuis une vingtaine de mois, pour protester contre la colonisation du quartier. Cette présence d’Israéliens aux côtés des Palestiniens met un peu de baume sur la colère que nous avons éprouvée tout au long de cette semaine. ■

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lire Rire noir... avec Etgar Keret TESSA PARZENCZEWSKI

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n frappe à la porte. « Qui est-ce ? » demande Keret. Successivement, un immigré suédois, un sondeur d’opinion, un livreur de pizzas, tous armés. « Raconte-nous une histoire, sinon on te flingue ! » « Comment je fais pour me retrouver toujours dans de telles situations ? Ca n’arriverait jamais à Amos Oz ou à David Grossman. » C’est ainsi que débute le recueil de nouvelles d’Etgar Keret. Une pluie d’histoires. Et même, comme dans les poupées russes, des histoires dans l’histoire, inventées par les personnages… à donner le vertige ! Dans un café, un homme solitaire profite de quiproquos pour squatter d’autres identités, un menteur avéré retrouve ses mensonges matérialisés dans un monde parallèle, un chien aux étranges habitudes matinales finit par disserter sur les niches fiscales, le poisson parle, une femme donne naissance à un chaton, une autre ne couche qu’avec Ilan, mais en plusieurs exemplaires et Dieu se déplace en chaise roulante. Et qu’y a-t-il de moins casher qu’un cheeseburger ? Cette simple constatation déclenchera une série de péripéties imprévues, illustration parfaite de l’effet papillon où des événements en cascade, sans rapport apparent, mènent à la tragédie finale. Enfants cruels ou trop polis, disputes conjugales, amours malheu-

reuses, un anniversaire raté, entre angoisse et dérision, rencontres improbables, situations hilarantes, métamorphoses, réincarnations, dans la fiction tout est permis, l’âme du défunt se transforme en goyave, la fermeture-éclair recèle un étrange secret.. Et qu’y at-il dans l’œuf - surprise ?

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Fiction et réalité, tout se mêle dans les nouvelles de Keret. Le quotidien, l’ennui de vies banales, insatisfaites, des détails infimes, tout fait farine au moulin de l’auteur. Fin observateur de ses semblables et de son pays, il parvient à faire cohabiter dans ses nouvelles la fantaisie la plus folle, un imaginaire en délire, avec des observations subtiles et des réflexions pertinentes. De son écriture vive, directe, aux formules assassines, et où l’on rit noir, Keret nous offre des nouvelles magistrales, où ses personnages ont enfin quitté le papier et vibrent et s’ébattent dans un monde sans pitié où smartphone et sms donnent des nouvelles du marché mais où la communication entre les êtres semble en panne. Du grand art ! ■ Au pays des mensonges Etgar Keret Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech Actes Sud, 205 p., 20 EUROS


Le frère du pendu Un roman de Marianne Sluszny ANTONIO MOYANO

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ais qui est le frère du pendu ? Thomas Detry, 35 ans, jeune apprenti cinéaste n’ayant aucun film à son palmarès et travaillant pour la télévision, s’est lancé un défi : réaliser, non pas un documentaire, mais un grand et vrai film : « Le film ressusciterait Meier Kovalsky et l’aïeul réincarné consolerait Thomas de ses tourments amoureux, le mènerait au bout de lui-même et le délivrerait de ses doutes. » Et Thomas part en repérage dans tous les lieux où le frère du pendu a vécu… Le roman débute par une rupture amoureuse mais Rivka la fiancée, on ne la voit pas. Heureusement pour Thomas, la fiancée a une tante, oui une tante qui viendra lui donner un coup de main et quelques conseils pour boucler son scénario, ils vivront même une idylle. « Captivé par son visage expressif, Thomas oubliait que Cécile était la tante de Rivka, tant l’aînée, malgré quelques marques du temps, paraissait ardente et pleine de vie. » (p.158) Ce roman a aussi un aspect conte de fées (et qui est la fée ? Toi, Cécile Kovalsky, bien sûr !). Oui, ce roman est en quelque sorte la suite du précèdent, paru en 2005 chez le même éditeur. Conte de fée, distu ? Exact ! il y a même une malle magique et fort enquiquinante car intransportable même si elle contient des trésors. Quoi ? De l’or ? Des bijoux ? Nenni ! De la mémoire, des pièces du puzzle dépareillé : « Le coffre des Kovalsky. Il

lui fallait impérativement revenir à la malle au trésor et aux images qu’elle inspirait. Admettre que les secrets s’étaient envolés depuis longtemps. » (p.224) Et cette malle, dont personne ne veut, se retrouve chez Thomas après sa rupture avec Rivka. Et elle sera son sésame ! Malle convoitée également par Cécile, la tante romancière, qui en espère une surdose d’inspiration : « Cécile avait abandonné son second roman, l’inspiration l’avait fuie, elle se sentait incapable d’écrire. » (p.187) Et c’est ici une des particularités de ce roman fait de diverses strates, d’allers-retours passé/présent : Que lisons-nous ? Qui en est l’auteur présumé ? Les prémisses du scénario pour le futur (et hypothétique ?) film de Thomas ? L’embryon d’un roman inachevé de la mère de Cécile Kovalsky ? On s’y perd un peu mais ça n’a strictement aucune importance puisqu’on a compris que l’essentiel c’est d’arriver au plus vite au mot FIN. Cependant, sous le roman existe d’autres romans mais qui ne sont que très vaguement esquissés : ça (sur)vit comment un couple mixte ?, comment rester fidèle aux idéaux de nos « anciens » ?, comment transmettre la mémoire de ceux et celles qui ne sont plus ?, comment lutter contre les injustices ?, c’est quoi faire un film et comment ça se prépare ?, comment surmonter une rupture amoureuse ?, etc. Thomas estil un doux rêveur ? Il espère reconquérir sa belle grâce à ce film.

« Meier lui appartenait. C’était son joker pour reconquérir Rivka, s’inventer un père et surtout faire quelque chose de son existence. » (p.159) Je disais conte de fée ? Dois-je vous raconter la fin ? Disons que ça ressemble à un ciel de Chagall, l’aïeul y fait des pirouettes sans béquille… Par l’abondance de ses notes en bas de page (50 sur 255 pages), ce roman renoue avec une vieille tradition tombée en désuétude : le roman pédagogique et didactique. Et cet aspect n’est pas à négliger, personnellement j’aurai même souhaité que le roman soit « plus simple », moins tordu dans sa construction, plus linéaire, afin d’en conseiller la lecture à des ados, ou tout simplement à tous ceux qui ont « envie de savoir ». Même si je tourne ma langue sept fois dans ma bouche, je ne peux le taire : ce roman est un peu mal fichu. Marianne Sluszny, je ne l’ai vue qu’une fois. Je suis allé vers elle, Le Frère du pendu dans les mains, j’ai dit : C’est pour une dédicace ! « La première chose que je vais faire, a-t-elle dit, c’est arracher ce bandeau qui m’agace profond, drôle d’idée de l’éditeur ! » Sur le bandeau rouge, en lettres blanches, il est écrit : la diaspora juive en Belgique. ■ Marianne Sluszny présentera son livre, Le Frère du pendu, paru aux Éditions de la Différence, à l’UPJB le vendredi 20 janvier à 20h15. Voir annonce page 25.

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lire Épreuve d’artiste ANTONIO MOYANO

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Francis Bacon II, 1980. Stéphane Mandelbaum

ourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? C’est avec des pourquoi-picotsde-cactus dans la gorge que j’ai lu tout ce livre. Mais également des pourquoi de mystère et d’énigmes, des pourquoi de lamentations. Était-ce dû à notre jeune âge (il était de ’61 et moi de ’58) mais pas un jour que je ne pense à lui, je pense à la beauté si érotique de tout son être, à l’infinie et brutale beauté de toute son œuvre. Et ça, chaque jour que le temps fait depuis le triste hiver de 1986. Pas un jour sans, pas un jour sans. Pas un jour sans son image devant mes yeux. Pardon, je vais dire une connerie mais tant pis : le jeune mort Stéphane Mandelbaum se conserve intact et en splendeur dans ma mémoire. Il en va de même avec mon propre père, mort à 80 ans (1914-1994), je le vois quotidiennement éternellement jeune, allez comprendre ! Yves Wellens a écrit un excellent livre : Épreuve d’artiste. Quel beau titre ! Et à large polysémie sémantique, dixit en patois péteux. Ah oui ! Qu’il est bon de vieillir car ce livre raconte la fin tragique d’un mec qui ne pourra jamais répondre à la supplique : « Et toi, qu’as-tu fait de tes vingt ans ? » N’oubliez jamais que Stéphane n’avait que 25 ans quand il est mort. Mort assassiné. Ce livre qui a des allures de roman (surtout par des effets de condensation, de resserrements, de

juxtaposition, de répétitions) m’a beaucoup appris, et notamment sur les suites judiciaires de l’affaire, les arrestations, les inculpations, le commanditaire et ses complices, etc. Et le non-lieu. Et le classement sans suite. Les séries enquêtes policières en tous genres font florès sur les grilles de toutes les chaînes, et même en style docu, genre Faites entrer l’accusé, alors quoi ? Verrons-nous un jour un film tiré de cette affaire « l’assassinat du peintre et truand Stéphane Mandelbaum » ? Dans les familles ouvrières et pauvres (ô mon pays ! aïe mi pais !) les parents avaient la frousse de deux choses : que leurs fils tâtent de la prison ou que leurs filles deviennent des putes. À part ça, le monde peut s’écrouler, comme le chante si bien Edith Piaf. Et comme tout est si étrange et bizarroïde, on avait envers la prison un sentiment ambigu : la prison peut aussi être salvatrice. Car elle arrête. Elle arrête et stoppe la course folle. C’est l’entrevue avec l’avocat qui m’y a fait repenser (voyez les pages l35-142). La prison, les putes, la mauvaise vie et les bars de la nuit… Oui, ça va, cette œuvre a de quoi vous satisfaire. Yves Wellens fait l’inventaire des figures tutélaires qui parsèment l’œuvre de Stéphane, il nous restitue ces « cas de figure » qui sont (le casting est d’enfer !) par ordre d’apparition : Pier Paolo Pasolini, Luis Buñuel, Francis Bacon, Pierre

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Goldman, Arthur Rimbaud et Mickey qui saigne du pif. Ces hommes sont-ils scandaleux ? Oui, certes… On est surtout paf d’admiration devant leurs œuvres. Et puis il y a ceux qui se considéraient ultra propre et de race supérieure mais en réalité pur-jus-cloaquede-haine-et-de-mort : Goebbels, Ernst Röhm, Himmler, et dont Stéphane a aussi tracé le portrait. En alternance, nous lirons « l’actualité » de l’affaire, le compte-rendu en style succinct de la page faitdivers et l’évocation en jeu de miroir et résonance de ces artistestotems. Quelle audace ! L’écrivain se glissant dans la peau du peintre le fait parler de son « abandon de la peinture » depuis l’au-delà. (pages 55-70). J’ai lu d’autres livres d’Yves Wellens mais celui-ci est sans conteste le meilleur. Et je souhaite vivement qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin : qu’il se lance dans l’aventure d’écrire aussi un livre sur le père, car il y avait le fils, car il y avait le père… Il y a une dizaine d’années, un écrivain-cinéaste venu de France, Jérôme Michaud-Larivière avait écrit Tête d’homme (édité chez Julliard, ce livre est aujourd’hui introuvable), s’inspirant directement de ce drame. Pas de doute, d’autres viendront encore… ■ Yves Wellens, Épreuve d’artiste, Renaissance du livre, collection Grand miroir, 230 p., 18 EURO


activités samedi 11 février à 20h Nous serions très heureuses que les membres et amis de l’UPJB viennent découvrir nos deux chorales pour un concert « sur mesure »

Rue de la Victoire La chorale de l’UPJB. Un répertoire de chansons de résistance, de lutte, de liberté, issus de différents pays et de différentes cultures et surtout puiser dans l’histoire de la maison...

Le Groupe

« Voix de voyageurs »

Une initiative du Planning Familial de la Senne, qui ouvre ses portes au chant. Un groupe ouvert à tous, personnes socialement fragilisées, demandeurs d’asile, femmes, hommes.. Chacun apporte une chanson de chez lui et l’apprend aux autres. Des chants du Rwanda, d’Afrique du Nord, de Bulgarie, d’Haïti forment ainsi notre répertoire. Mouchette Liebman et Lucy Grauman PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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regarder Les identités migratoires. En marge d’Europalia Brésil JACQUES ARON

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dentité, ce mot dont on nous rebat les oreilles, quelles étranges surprises ne nous réserve-t-il pas ? Il ne vous reste malheureusement que 15 jours pour découvrir au « Bozar », dans la foisonnante exposition Brazil-Brasil, comment un jeune Juif de Vilno (Vilnius) est aujourd’hui rangé parmi les figu-

Lasar Segall, vers 1910

res symboliques d’un pays profondément métissé. Lasar Segall, né en 1891, sixième enfant d’un copiste de la Torah, curieux de tout, possédé de peinture, part seul à Berlin à l’âge de 15 ans. Il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts. Le milieu est propice à la révolte culturelle qui sert d’exutoire dans un empire rigide et très hiérarchisé. Il conquiert ra-

pidement les moyens de son indépendance et devient en 1910 jeune maître-assistant à l’Académie de Dresde, où il dispose de son propre atelier. Ce sera son premier contact avec l’expressionnisme allemand qui le marquera profondément. Fin 1912, il entame un voyage de huit mois à la découverte du Brésil. Il n’a que 22 ans quand il expose à São Paulo ; ce sera la première rencontre du pays avec les avant-gardes picturales européennes. De retour en Allemagne, il est brièvement interné comme ressortissant russe au début de la guerre ; libéré à l’intervention de l’un de ses anciens professeurs, il peut reprendre son activité à Dresde, et dès 1919, avec Otto Dix, Felix-Müller et d’autres, il participe à la « Sécession » locale et s’inscrit pour quelques années dans de nombreuses manifestations artistiques rebelles. À la fin de l’année 1923, il rejoint le Brésil, dont il devient citoyen et où il s’établit définitivement. Il n’en a pas pour autant rompu tout contact avec l’Europe ; il expose en Allemagne, vit un temps à Paris, où il se mesure aussi à la sculpture, en terre, en bois et en pierre. Ce succès international lui permet de s’établir définitivement en 1932 à São Paulo, dans une maison et un atelier qui abritent aujourd’hui le Musée

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Lasar Segall. À partir de ce moment, il devient l’un des animateurs les plus influents du renouveau intellectuel brésilien, mais son œuvre d’émigré demeure habitée de l’écho des drames qui secouent ce continent qu’il a quitté. L’exposition de Bruxelles offre ainsi l’occasion unique de voir l’un des tableaux monumentaux d’une série qu’il débute en 1936 sur de grands thèmes comme : Pogrom, Navire d’émigrants, Vision de guerre, Camp de concentration, Exodus, etc. Et pendant que la guerre déchire l’Europe, le continent américain, au Nord comme au Sud, prend connaissance des puissantes images synthétiques qu’en a dressées le peintre. Jusqu’à sa mort en 1957, Segall, le Juif de nulle part et de partout, verra son influence grandir, prolongée par les hommages posthumes de la Biennale de Venise et de grandes expositions internationales. Célébré et riche, Segall aura brodé sa vie durant sur le thème de l’un de ses tableaux expressionnistes de 1919 : les éternels errants. Il demeure le peintre des pauvres, des exclus, des travailleurs noirs des plantations (le Brésil est le dernier pays à avoir aboli l’esclavage en 1888), des prostituées, des figures contradictoires d’un pays immense, dont on mesure au « Bozar » com-


Le peintre travaillant à ses grands tableaux « Navires d’émigrants » vers 1940. Source : Exposition Staatliche Kunsthelle Berlin, 1990

bien la multi-culturalité n’élimine ni le racisme ni l’idéalisation persistante du colonisateur blanc. L’étonnant tableau allégorique de Modesto Brocos (1852-1936), La Rédemption de Cham, condense dans sa vision chrétienne d’inspiration biblique ce cliché exemplaire : une jeune mère tient sur ses genoux un bel enfant à la peau pâle (à l’évidence « une vierge à l’enfant »), montrant du doigt

sa grand-mère noire. Cette dernière lève les yeux au ciel : oui, le miracle s’est bien produit, son petit-fils a été lavé plus blanc que blanc. D’autres surprises attendent le visiteur attentif : des coloniaux gitans battant leurs esclaves noirs, un brassage de cultures et de peuples aux rencontres souvent inattendues et qui balaie bien des idées reçues. ■

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histoires/mémoires La mémoire historique de l’Espagne ROLAND BAUMANN

C

urieux mois de novembre 2011 marqué par la victoire écrasante de la droite sur un parti socialiste (PSOE) en déroute, en ce 75e anniversaire de la bataille de Madrid, 36 ans après la mort du général Franco. La loi de la mémoire historique (2007) prévoyait de dépolitiser le mausolée du Valle de los Caidos où repose le Caudillo. Le triomphe électoral du Parti Populaire (PP) marquera-t-il l’arrêt de tels projets mémoriels et l’essor du révisionnisme néo-franquiste ? Une association belgoespagnole, le Foro de la Mémoria de Bélgica relance le travail de mémoire sur la guerre civile espagnole, qui vit l’engagement massif de Juifs progressistes dans la campagne internationale de solidarité et de lutte en faveur de la République. Comme l’explique sa cheville ouvrière, Ángeles Muñoz, ce « Forum » veut créer dans notre pays un espace de réflexion sur la mémoire historique de l’Espagne : « En 2010, dans le cadre de notre projet : « Espagnols dans la Seconde Guerre mondiale », réalisé avec le soutien de la cellule « Démocratie ou barbarie », nous avons organisé des journées de rencontres et débats à l’ULB, à la Maison du Livre, ainsi qu’au Musée de la Résistance, où nous avons collaboré à la réalisation d’une petite exposition sur la guerre civile, mettant en valeur les fonds documentaires du musée. Nous avons alors décidé d’élaborer un dossier pédagogique sur l’histoire espagnole, depuis la République jusqu’au retour de la démocratie.

Nous pensons que la démocratie espagnole restera fragile tant qu’elle ne rendra pas enfin justice en condamnant officiellement les crimes du franquisme, en assumant la recherche des disparus dans les fosses communes, en éliminant toute exaltation du fascisme dans le pays et en introduisant dans les manuels scolaires les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés. Nous voulons aussi faire connaître la part de responsabilité des démocraties occidentales dans la victoire de Franco et le maintien de sa dictature. De telles questions se posent aujourd’hui par rapport à d’autres pays, à d’autres guerres, à d’autres régimes de terreur, tantôt tolérés, tantôt combattus par les pays démocratiques au gré de leurs intérêts économiques ou stratégiques. Elles demandent un travail de pédagogie et de réflexion. Nous avons aussi conçu une série de panneaux didactiques sur le thème de la résistance au fascisme, sachant que, par exemple, la présence d’Espagnols dans les camps de concentration nazis reste méconnue. »

UN DOSSIER PÉDAGOGIQUE Réalisé par Ángeles Muñoz et l’anthropologue Maite Molina Mármol (Université de Liège) le dossier pédagogique « Espagne 1931-1981 : Histoire et Mémoire » est un excellent manuel illustré d’introduction à l’histoire de la démocratie espagnole. Chaque chapitre s’accompagne de repères chronologiques et d’une bibliographie citant les dernières études

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historiographiques sur les thématiques envisagées. Les relations entre la Belgique et l’Espagne sont l’objet d’une attention particulière. Enfin, un chapitre aborde les questions relatives à la mémoire historique et la conclusion fait le point sur l’état actuel des questions mémorielles. Comme le soulignent les auteurs du dossier, en Espagne depuis une dizaine d’années, l’essor du mouvement de « récupération de la mémoire historique », a permis à la mémoire des « vaincus », jusqu’alors réduite à la sphère privée des familles des victimes, de trouver enfin sa place dans l’histoire. Les fortes oppositions à la « Loi de la mémoire historique » finalement votée en 2007 ainsi que le procès intenté au juge Garzón pour avoir voulu enquêter sur les crimes du franquisme illustrent la difficulté du pays à affronter le lourd héritage de la guerre civile et de la dictature. Cet accablant dossier pédagogique interpelle aussi notre histoire. Une histoire de solidarité, celle des niños, enfants espagnols républicains réfugiés dans notre pays, ou des brigadistas de Belgique, ces volontaires des brigades internationales dont beaucoup de jeunes Juifs immigrés, actifs ensuite dans la Résistance, et toujours restés très attachés au souvenir de la cause républicaine. Aujourd’hui, en 2011, en Belgique, il n’y a plus de « brigadistes » survivants pour témoigner. Seul le monument au cimetière de SaintGilles immortalise leur engagement. Mais c’est aussi l’histoire des travailleurs espagnols ve-


Le documentaire de l’israélien Eran Torbiner

nus en Belgique après 1956, et de l’explosion du tourisme en Espagne franquiste à l’aube des sixties, le « paradis estival des Belges ». Comme le précise Ángeles Muñoz, ce dossier pédagogique veut inciter à aller au-delà de la simple présentation des crimes du franquisme et des souffrances des victimes : « Décrire les crimes épouvantables du franquisme, montrer les nostalgiques de la dictature drapeau au vent devant le tombeau de Franco, donner la parole aux victimes, c’est très honorable, sauf que cela peut servir, paradoxalement, à clore le débat en restant sur le rejet de la violence et la généreuse compassion vis-à-vis des victimes, sans se poser la question du franquisme qui perdure dans la société espagnole aujourd’hui. Le public peut se dire que tant de cadavres dans des fosses communes c’est terrible, que le régime franquiste était criminel, sans pour autant trouver dans ce passé des pistes de réflexion pour notre présent et notre avenir, sans comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la violence, et dans le déni de la violence. La « mémoire historique » est une mémoire qui questionne l’histoire. Savoir « tirer les leçons de l’histoire » c’est susciter la réflexion et le débat, ques-

tionner le présent. Notre dossier pédagogique veut contribuer à une réflexion sur la place de la mémoire de la guerre civile et du franquisme dans la société espagnole actuelle et, de manière plus générale, sur l’importance de la gestion d’un passé dictatorial dans la construction d’un avenir démocratique. Il n’y a pas eu, à la mort du dictateur, de rupture – ni symbolique ni réelle – avec ce régime bâti sur l’élimination physique, morale et mémorielle de l’ennemi vaincu par les armes, après un coup d’État militaire contre un gouvernement légal et au prix d’une cruelle guerre civile. Dans la société démocratique espagnole, les symboles franquistes occupent toujours l’espace public. Le franquisme « banalisé », l’« intégrisme néo-franquiste » comme le désigne l’historien Ángel Viñas, continue d’imprégner tous les aspects de la vie sociale et politique du pays jusqu’aujourd’hui. »

PARUTIONS Ángeles Muñoz dirige par ailleurs la collection « Passe-Mémoire » aux éditions Aden. Avec Sara Albert, elle y a traduit Ditesmoi à quoi ressemble un arbre ! Mémoires de prison et de vie par Marcos Ana, et Depuis la Nuit et le brouillard. Femmes dans les prisons franquistes de Juana Doña, militante communiste condamnée à mort, qui passa près de vingt ans dans les prisons franquistes. Ángeles travaille aussi à la réédition dans la même collection de deux écrits de l’écrivain-libraire belge Mathieu Corman : Salud camarada ! (1937) et Les brûleurs d’idoles (1935). Journaliste communiste, Corman témoigne sur la répression de la révolte des Asturies en 1934, puis tient un journal de bord aux débuts de la guerre civile sur les fronts d’Aragon, de Madrid et au Pays

basque. Correspondant du journal français Ce soir, il témoigne alors du bombardement des villes basques et de la destruction de Guernica. Aden éditions vient aussi de publier la traduction par Ángeles Muñoz des Chroniques de la guerre d'Espagne du poète Miguel Hernández, mort à la prison d’Alicante en 1942 et dont en février 2011, la section militaire de la Cour suprême espagnol a refusé d’annuler le procès de 1939 et la condamnation à mort (commuée en une peine de 30 ans) comme le réclamaient la famille du poète et de nombreuses associations et personnalités.

MADRID-HANITA Signalons aussi l’édition DVD en Allemagne du documentaire du cinéaste israélien Eran Torbiner, Madrid avant Hanita. 300 Juifs contre Franco (2006) évoquant l’épopée des volontaires juifs de Palestine qui, répondant à l’appel de la solidarité prolétarienne, se joignirent à la lutte du peuple espagnol dans les brigades internationales, bravant ainsi les consignes de la gauche ouvrière du yichouv qui, face à l’insurrection arabe, enjoignait alors à ses militants d’oeuvrer au développement des fermes collectives fortifiées (tour et palissade) tel le kibboutz de Tel Amal (Nir David) fondé en décembre 1936 par des militants de l’Hashomer Hatzair ou celui de Hanita (Galilée Occidentale). ■ Dossier pédagogique Espagne 19311981 : Histoire et Mémoire ; Foro de la Memoria de Bélgica asbl ; Email foromemoriabelgica@gmail.com Eran Torbiner, Madrid before Hanita. 300 Juden gegen Franco, Bear Family Records ; VO multilingue (Hébreu, anglais, allemand, polonais, espagnol) avec sous-titres français, anglais, espagnol, hébreu ou polonais ; vendu par l’éditeur www.bearfamily.com et aussi amazon.de

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histoires/mémoires Je n’étais pas venu pour Maxime... FABIAN DE BRIER

Le 20 novembre dernier, l’UPJB et Points critiques interrogeaient, à l’occasion d’une journée de réflexion et de débats, Maxime Steinberg ou [sa] passion indocile. Fabian De Brier nous en livre sa lecture et nous dit son enthousiasme. Nous publierons ultérieurement un dossier consacré à cette journée et reprenant plusieurs des interventions.

« Un document d’histoire n’est cependant pas fait sur mesure. On l’oublie trop souvent, la pièce d’archives, si remarquable soitelle, n’est toujours qu’une fenêtre entrebâillée. Le premier regard ne saisit pas d’emblée ce qu’elle laisse entrevoir. Une lecture au premier degré n’épuise pas la trace écrite. Entre ses lignes, elle condense plus d’histoire qu’elles n’en expriment . »*

E

t une journée de réflexion comme celle du 20 novembre à la maison du livre de St Gilles autour de l’historien Maxime Steinberg… si remarquable, condensée et expressive soit-elle, n’est sans doute aussi « toujours qu’une fenêtre entrebâillée »… J’étais venu dans une accroche très simple, impatiente et quasi familiale, pour écouter un jeune talent faire battre ses ailes d’écrivain et de penseur, Elias Preszow (oui le frère du chanteur), qui est aussi le parrain de mon fils. Voilà qu’il s’élance au milieu du matin et traite dans une envolée personnelle, audacieuse et lyrique

toutes les plus grandes questions du monde : l’identité, la mémoire, la transmission, le désastre, la persécution, le génocide, le passé, l’avenir, l’action,… Je regarde la beauté de sa lecture et dans le fond je n’entends pas tout… en cause une certaine, disons, « sidération empathique ». Me reviennent ici ces dernier mots, quelque chose comme… « il s’agit de prendre dieu de vitesse »… et bien là ! C’est fait mon gars, c’est fait. Non, Je n’étais pas venu pour Maxime… dit Ourson, de son totem de jeunesse. Et puis, et puis, ce qui c’est passé tout au long du jour, s’amplifiant au fur et à mesure des évocations, des échanges, des prises de paroles, des témoignages, c’est une captation, un attachement, à cet homme, Maxime Steinberg, sans doute un peu plus « ours » qu’ourson, mais et alors ? C’est semble-t-il, de cette façon, acérée, pointue, implacable, irritante parfois… avec les hibernations indispensables du savant, qu’il a, de sa patte rigoureuse et généreuse, marqué une empreinte indélébile dans la mémoire de tous ses « côtoyants » (élèves, amis, collègues, assistants, par-

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tenaires,..) et par capillarité en ce dimanche, une emprise, une patte ferme et vigoureuse sur moi aussi. Non, je n’imaginais pas la force et l’énergie de travail de cet homme ni la générosité tellement vivante de son influence de diffusion. Un flux, dense et fusant de savoirs, dans l’histoire de l’Histoire.

FENÊTRE ENTREBÂILLÉE SUR LE MOT HISTOIRE Autour de José Gotovitch, ardente tablée de quatre historiens ayant tous connu de près Maxime Steinberg, et qui convoquaient tour à tour, la rigueur scientifique, l’énergie patiente de la confrontation des sources, le parcours d’une œuvre en acte avec ses découvertes, ses impasses, ses baffes, ses fulgurances… la nuance des exposés, la profondeur des évocations donnaient vraiment envie de reprendre des études… d’histoire ! Passion maîtrisée de Julie Maeck quand, notamment, elle expliquait dépasser progressivement l’intimidation due à l’ampleur du savoir du maître, pour arriver à lui faire considérer quelques uns de ses arguments ; tableau et analyse limpide


Maxime Steinberg ou la passion indocile. Maison du livre. Photo Mehmet Koksal

des controverses autour de l’œuvre la plus connue de Steinberg (L’étoile et le fusil) par Jean-Philippe Schreiber ; hommage précis par Laurence Schram, qui a été l’assistante de Steinberg, à l’intérêt de celui-ci pour les chiffres et statistiques qui sont, loin de la froideur qu’on leur confère trop souvent, essentiels à l’écriture descriptive la plus juste ; résonnance internationale de l’œuvre avec la tonalité d’Oldenbourg dans la voix d’Insa Meinen, qui a pu aussi mettre en tension, suite à une question pertinente, toute l’ambivalence d’un certain usage journalistique et médiatique des travaux scientifiques qui eux, ont souvent pour effets de complexifier et problématiser des questions… dans l’exemple ici évoqué, il s’agissait notamment du travail sur les nuances autour de la responsabilité des autorités belges dans l’organisation des déportations… nuances qui ont été visi-

blement interprétées, instrumentalisées dans un article récent d’un hebdo pour tenter plutôt, par opportunité politique, de défendre un dédouanement de ces mêmes autorités, ce que ne laissait pas du tout entendre la scientifique. L’histoire (tiens, un peu comme l’histologie dans le fond) est peut-être bien : étude des tissus, tissus de réalités ; tissus de vérité… mais vérité pas toute… comme disait Lacan : « pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas... Les mots y manquent... ». Et nos historiens détricotent, suivent des fils, entrecroisent… passent au crible de la critique… un point à l’envers, un point à l’endroit… confection, non-dogmatique et « peu orthodoxe » donc, au plus loin des mots trouvés, de… Points critiques !

FENÊTRE ENTREBÂILLÉE SUR LE MOT MÉMOIRE Aux tables discutantes autour

des questions de mémoire, un maître-témoin et un maître-archiviste… c’est bien de maîtrise aussi qu’il s’agit ici… quand Simon Gronowski se lève et vibre et met ce corps « souvenant », ce corps « racontant », en émoi, ça passe, ça frissonne garanti, empathie, force, justesse. Cet homme robuste explique si bien cette façon, à la fois de provoquer et de disposer l’écoute, à chaque rencontre où il lui est demandé de témoigner des évènements traumatisants qu’il a vécu enfant… En maître-témoin entraîné, il humanise son histoire, ses souvenirs, les « dés-héroïsant » même, au plus juste du récit. Le récit justement : sa captation, sa trace. Un maître-ouvrage aussi que ce travail inouï d’archivage et de rencontres filmées avec les témoins et rescapés du génocide, poursuivi inlassablement par le réalisateur Johannes Blum… un travail d’écoute confiante et intime qui se déga-

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➜ ge de toute directivité préétablie, tout est accueilli dans l’ouverture la plus grande et non pas avec un discours préconstruit (ni questionnaires, ni entretiens orientés)… ne serait-ce pas là, une clé, l’esprit même de toute recherche, une façon de la faire vivre, à chaque rencontre. Soufflant ! Autre souffle fort dans les aléas de la mémoire, celui du monde éducatif et la question, cruciale, de la passation de ce savoir historique, comment le transmettre, l’instruire, le comprendre, l’intérioriser avec la rigueur critique de l’idéal scientifique, et cela tout en le gardant vivant. C’est autour de cet enjeu déterminant que Michel Hérode, chargé de mission de la fédération WallonieBruxelles à la cellule « Démocratie ou barbarie » (initiative conçue notamment par Maxime Steinberg) et Michel Staszewski (professeur d’histoire à l’athénée de Jette et assistant à l’ULB) ont évoqués leurs travaux, dans et autour des écoles, leurs intentions, leurs embûches, leurs inquiétudes et leurs optimismes. Bien entendu l’histoire de la Seconde Guerre mondiale est au programme du secondaire (ceci dit, pas dans l’enseignement professionnel, et c’est une lacune clairement relevée) mais ce n’est pas pour autant

que la complexité du sujet et l’horreur inouïe des assassinats massivement organisés sont évidents à expliquer et transmettre aux élèves. C’est ici aussi que la nécessité d’un talent créatif, pédagogi-

que et scientifique doit trouver les bonnes alliances, l’équilibre délicat. L’expérience et la réflexion continue de Michel Staszewski montre bien que la rigueur seule ne suffit pas. Il y a d’autres dispositions méthodologiques à envisa-

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ger : en effet, l’analyse rationnelle et objective aurait tout intérêt à s’allier d’une approche affective, subjective et empathique… les rencontres-débats, le partage des mémoires et traces familiales entre le professeur et ses élèves ouvrent une dynamique qui semble donner ses fruits pour activer un enseignement critique et pertinent de cette partie essentielle et tant cruelle de l’histoire européenne, en se penchant sérieusement mais sans obsession (ce qui serait semble-t-il contre-productif) sur la mise en place identifiable et progressive, par des humains, de cette mécanique implacable de la persécution, de la destruction et du désastre dont la Shoah est l’horrible illustration. Cette énergie de travail pédagogique et de transmission mémorielle, aussi bien dans les cours d’histoire qu’à travers la sensibilisation proposée par la cellule « démocratie ou barbarie » portent bien, il me semble, la patte d’ours(on) indocile et passionnée de Maxime Steinberg. Elle inscrit dans notre temps, une très salubre intranquillité… pour un « art » de mémoire ? Il semble bien que le souci de la connaissance soit au cœur de la mémoire. Le poète Jean-Michel Maulpoix rapporte une légende qui raconte


est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski

Elias Preszow, Michel Staszewski, Gérard Preszow et Michel Hérode. Photo Ariane Bratz

que « l’art de la mémoire » fut inventé en Grèce par le poète Simonide de Céos, lors d’un banquet donné par un noble de Thessalie. Le toit de la maison s’étant effondré sur les convives en l’absence de Simonide, celui-ci seul fut capable de rendre leur nom aux cadavres défigurés, grâce à son souvenir des lieux où les invités étaient assis. « Il comprit qu’une disposition ordonnée est essentielle à une bonne mémoire. » Alors ? Et pour revenir à l’intervention d’Elias Preszow qui se positionnait en ouvrant cette belle question : droit de mémoire ou devoir de mémoire ? Et si la mémoire et sa transmission s’inspiraient bien plus encore d’un art, que d’un droit ou d’un devoir…

J’ai dit … Ce dimanche là : « je n’étais pas venu pour Maxime ». Par contre ce qui est sûr, c’est que je suis reparti avec lui ! ■ * Maxime Steinberg, Les yeux du témoin ou le regard du borgne, L’histoire face au révisionnisme, Ed. Le Cerf, Paris, 1990.

Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Ariane Bratz Fabian De Brier Mehmet Koksal Antonio Moyano Michel Staszewski Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 EURO ou par ordre permanent mensuel de 2 EURO Abonnement de soutien 30 EURO ou par ordre permanent mensuel de 3 EURO Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN

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tsu a sotsyalistin À une socialiste

C’est Abraham Reisen (Avrom Reyzn) – Bielorussie, 1876 – New York, 1953 - qui est l’auteur de ce court poème. Nous avons déjà publié ici des textes de cet écrivain prolifique et précoce. Il commence en effet à écrire à l’âge de neuf ans et il a quinze ans lorsque ses premières œuvres sont publiées. Ce yiddishiste convaincu participa, en 1908, à la conférence internationale de Tshernovits où l’on proclama le yiddish langue nationale du peuple juif. Il ne cachait pas ses sympathies socialistes, des sympathies néanmoins plus instinctives que politiques.(*) Reisen est considéré comme un disciple de Yitskhok-Leybush Peretz, un des trois classiques de la littérature yiddish moderne avec Sholem Aleykhem et Mendele Mokher Sforim. (*) Voir The Penguin Book of Modern Yiddish Verse.

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! widYi ? widYi TRADUCTION Tes yeux brillent, scintillent / Quand tu parles de temps nouveaux ; / Tous les hommes égaux et heureux / Quand l’ordre sera changé. Et je crois en ta prophétie, / Cependant il y a des larmes dans mes yeux (mon oeil) ; / Dans le meilleur des ordres, (ma) bien-aimée, / Tu ne m’appartiendras toujours pas.

Tshernovits, 1908 : à gauche, Reisen, à côté de Peretz.

REMARQUES Nbiilg gleybn (et aussi Nbivlg gloybn) = croire. [vjiBn nevies (hébr.) = prophétie. snUm givj Nij in oyg mayns = givj NUm Nij in mayn oyg = dans mon œil. Niitw shteyn = être, se trouver en position verticale, debout. retseb bester : superlatif de tvg gut = bien, bon (comparatif : reseb beser). Jl= alts = 1) tout ; 2) encore, toujours, quand même. Nreheg gehern = appartenir à.

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ANNE GIELCZYK

Trente secondes d’orgasme politique

L

e plus dur les amis dans ce métier, c’est de se projeter dans l’avenir. Je veux parler du décalage entre le moment où j’écris (aujourd’hui pour moi, il y a deux semaines pour vous) et le moment où vous lirez ceci (aujourd’hui pour vous, dans deux semaines pour moi). Pire, là je vous écris en 2011 et vous allez me lire en 2012 ! Il peut s’en passer des choses dans ce laps de temps. La fois dernière j’ai eu chaud, très chaud. Vous n’avez rien remarqué hein ?! Pénards. Vous lisez mon article et vous n’êtes même pas étonnés que ça colle si bien à l’actualité du jour. Comme si c’était écrit hier. Eh bien non, entre le bouclage du numéro et sa publication, entre le moment où j’écrivais qu’on l’aurait notre gouvernement, et le jour où ça s’est fait, il y a encore eu dix réunions nocturnes cruciales de la dernière chance. Di Rupo a encore claqué des dizaines de portes et s’en est encore une fois allé démisionner chez le roi qui passait le weekend dans son château de Ciergnon près de Namur. Là j’ai eu très peur, je me suis dit, ça ne marche pas deux fois ce truc-là. Entre-temps le roi, en Flandre on l’a baptisé « de brandblusser van België », le pompier de la Belgique. Un pompier qui vit dans un château quand même. À propos, vous le connaissiez

vous, ce château de Ciergnon ? Moi pas. J’en déduis qu’il n’y a jamais eu de crise politique en Belgique à la saison de la chasse. Pourtant, c’est là qu’il passe tous ses weekends d’automne avec sa petite famille, notre roi. Ils y font de grandes balades dans leur domaine de 220 hectares. Pour récupérer du stress de la ville, c’est sûr : le bruit des voisins de palier qui s’engueulent ou font la fête, les clochards qui picolent sur le pas de la porte, les poivrots qui crient dans la nuit, l’air vicié, les heures à tourner en rond pour trouver une place de parking, les embouteillages, la course le matin pour amener les gosses à l’école, la cohue dans le métro… enfin toutes ces petites choses qui sont notre lot quotidien de citadins. Avoir un pavillon de chasse près de Namur, c’est précieux dans ces cas-là.

M

ais donc les amis, j’ai eu chaud, très chaud. J’ai prié – moi ! – pour que ce gouvernement se fasse. Pas parce que je trouvais qu’il nous en fallait absolument un, là, maintenant, tout de suite (franchement, on n’est pas à quelques jours près après un an et demi d’attente) mais parce que j’avais ÉCRIT qu’on en aurait un ! Enfin, on l’a eu l’accord sur le budget, juste avant la parution de mon papier. Là on sentait que

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c’était gagné, qu’on s’engageait dans la dernière ligne droite. J’étais, je crois, aussi contente qu’Elio di Rupo et tous les négociateurs réunis sur le pas de la porte du 16 ce samedi matin 27 novembre 2011. Béatrice Delvaux appelle ça un orgasme politique1. Enfin, un « orgasmeke », elle évalue ça à 30 secondes. Tout ça pour ça dites ! Toutes ces nuits blanches, ces claquages de portes, ces vaet-vient chez le roi, ces tonnes de papier noirci, … pour 30 pauvres petites secondes d’orgasme politique. 30 malheureuses secondes de septième ciel pour quelqu’un qui, toujours selon Béatrice Delvaux, se trouve aujourd’hui aux portes de l’enfer. Ça ressemble fort à une dépression post-coït ça, politique bien sûr, le coït. Parce que bon, maintenant les ennuis vont commencer, pour nous comme je vous le racontais la fois dernière, mais aussi pour Elio. Pour preuve, il n’avait pas encore obtenu la confiance du Parlement que déjà on lui reprochait son sexe linguistique. Pour quelqu’un qui n’a eu droit qu’à 30 secondes d’orgasme politique, c’est un comble. Donc c’est clair qu’il va falloir maintenant qu’il apprenne vraiment le néerlandais, car il lui faudra répondre en direct aux questions de la majorité de ce pays dans la langue de cette majorité comme dirait Bart


De Wever, et pas en LEGO de préférence. C’est quoi le LEGO ? C’est le Nederlands d’Elio, il fournit les pièces, à nous de construire la phrase. C’est Bert Kruismans2 qui a inventé ça. Moi qui suis attentivement le néerlandais d’Elio, (ça demande beaucoup, beaucoup de patience, car le débit est lent, très très lent) je peux vous assurer que c’est tout à fait ça. Mais il est courageux notre Elio, récemment encore, il affirmait dans un reportage de la VTM, la chaine commerciale flamande, qu’il allait y « travail dur ». « Ik zal hard werk », a-t-il dit en néerlandais3. Oui il y a encore du travail.

A

près l’orgasme, c’est bien connu, c’est le grand déballage intime. Les politiques se livrent, bons mots et états d’âme. Ainsi, on apprend à quoi ça tient parfois la formation d’un gouvernement ou le bouclage d’un budget, comme par exemple quand Benoit Lutgen a dit à Elio, sur le point d’arrêter tout pour la énième fois et ça après 18 heures de négociations sur la composition du gouvernement, Ah non ! Tu restes à table, pas question que tu partes !! Faut le tenir à l’œil ce Lutgen, il a l’air de rien comme ça, mais quand il pousse une gueulante, même un Di Rupo se rassied fissa. Bref, paraît que deux heures plus tard, on l’avait notre gouvernement. On comprend maintenant qu’il s’agissait en fait d’un gigantesque jeu de poker pendant 541 jours. Un quitte ou double avec la survie de la Belgique à la clé. C’est du moins comme ça que Laurette Onkelinx l’a

vécu, elle en avait la nausée en permanence, nous raconte-t-elle4. Vande Lanotte lui, raconte les dessous des 90 jours de sa mission royale dans un livre intitulé Johan Vande Lanotte, journal de bord d’une crise politique. Petit détail piquant (et vendeur), c’est « son ami » Bart De Wever – on en prend bonne note Monsieur Vande Lanotte – qui signe la préface. Il raconte comment il a quitté la table des négociations, pour aller chez le roi plusieurs fois, mais aussi, plus triste, pour aller au chevet de sa mère ; comment il l’a veillée pendant des jours et des jours tout en continuant sa mission (comment font-ils ?!) et comment il a raté le moment de sa mort. C’est trop bête, il était en train de regarder ses SMS et quand il a levé les yeux, elle ne respirait plus. À vrai dire, on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer.

B

art De Wever, lui, fait la gueule. Ça ne lui plait pas qu’ils y soient arrivés. Alors il nous bassine avec ce gouvernement qui n’a pas de majorité en Flandre, qui va coûter cher aux Flamands (aux autres aussi mais ça, il s’en fiche). Pourtant, il a un petit 40% d’intentions de vote en Flandre et sa cote ne cesse de monter. Alors, de quoi il se plaint ? D’ailleurs, ça a énervé Patrick Dewael (chef de file des libéraux flamands à la Chambre), il a fait une intervention magistrale à la Chambre. Il leur a dit que plus d’une voix sur quatre, c’était certes beaucoup mais que ça ne permettait pas encore de parler au nom de tous les Flamands et il a scandé « niet

in mijn naam ». Quelle envolée, quelle virtuosité oratoire, quel magnifique morceau de bravoure. J’en avais la chair de poule, et, oui je l’admets, un petit orgasme politique de 30 secondes. D’ailleurs, tous les partis flamands sortent les griffes maintenant. Ils n’ont plus le choix, leur survie en dépend, c’est eux OU la N-VA et plus eux ET la N-VA. Des cartels anti-N-VA pour les élections communales d’octobre fleurissent de partout. À Anvers où Bart De Wever brigue le maïorat, le bourgmestre Patrick Janssens (sp.a), le CD&V et Groen ! viennent de décider de faire liste commune. Mais c’est encore loin octobre 2012, des tas de choses peuvent arriver d’ici-là : une grève générale insurrectionnelle, l’éclatement de la zone euro, l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen (en France hein les amis, pas chez nous), la fin du monde… Le bruit court que la fin du monde c’est pour le 21 décembre 2012. Au moment où je vous écris, il nous resterait selon cette hypothèse exactement 370 jours, 3 heures, 24 minutes et 35 secondes à vivre (pour vous, ça fera 15 jours en moins). C’est pas grand chose, c’est en tous les cas nettement moins que les 541 jours qui ont mené à ce gouvernement. Alors les amis, un conseil, profitez-en vite en 2012. La vie, à l’instar de l’orgasme politique, est courte parfois. ■ Matin Première (RTBF), 5 décembre 2011. Le café serré du 17 octobre 2011 (RTBF) Telefacts (VTM) du 6 décembre/2011 4 Le Soir, 10-11 décembre 2011 1 2 3

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réfléchir Israël-Palestine : Un ou deux États ?

C

es derniers temps et particulièrement depuis que les dirigeants palestiniens font campagne pour obtenir de l’O.N.U. la reconnaissance pleine et entière de l’État de Palestine sur base des frontières du 4 juin 1967, parmi les militants soutenant la cause palestinienne, un débat, parfois très vif, s’est engagé entre partisans d’une solution à un et à deux État(s).

UNE SOLUTION À DEUX ÉTATS EST-ELLE ENCORE POSSIBLE ? En 1988, le Conseil National Palestinien a reconnu l’existence de l’État d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967. Ce fut une énorme concession faite aux Israéliens puisque cette décision impliquait l’acceptation de n’édifier l’État de Palestine que sur 22 % de la Palestine mandataire1. Depuis ce jour, il est devenu clair que les opposants les plus résolus à la solution à deux États étaient les gouvernements israéliens successifs, eux qui n’ont jamais cessé, depuis la conquête de la Cisjordanie en 1967, d’occuper ce territoire et d’y développer une colonisation de peuplement. En guise d’« État », ils acceptent tout au plus des « bantoustans », ce qui, de leur point de vue, offre l’avantage de priver la grande majorité des Palestiniens de la citoyenneté israélienne et donc de l’égalité des droits avec les habitants juifs de la Palestine-

Israël, tous détenteurs de cette citoyenneté.

DANS CES CONDITIONS, LE PARTAGE DU TERRITOIRE DE LA PALESTINE MANDATAIRE EST-IL ENCORE POSSIBLE ? Théoriquement oui. C’est une question de volonté politique. Mais vu l’imbrication des populations arabes et juives, il serait pour le moins compliqué. Un peu moins si chacun de ces futurs États acceptait et respectait les droits de la minorité sans déplacements forcés de population. Avantages de cette solution à deux États : Les Palestiniens disposeraient d’une « base territoriale » et les Israéliens garderaient la leur. Mais qu’en serait-il du « droit au retour » des exilés et de leurs descendants ? Où auraient-ils le droit de s’installer ?

QUELLE SOLUTION À UN SEUL ÉTAT ?

Quel État ? Démocratique de tous ses citoyens sans reconnaissance de droits nationaux, ou binational ? Fédéral, confédéral ou unitaire ? Comment, dans ce cas, appliquer concrètement le droit au retour des Palestiniens ? Et que deviendrait la revendication sioniste du « droit au retour » en « Eretz Israël » (la Palestine mandataire) de tous les Juifs du monde qui le souhaiteraient ?

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Le problème ne se limite donc pas à choisir entre un ou deux États. Imaginer une solution durable au conflit est une tâche complexe.

PENSER BINATIONAL

En quoi ce dilemme concernet-il les militants extérieurs (ni palestiniens, ni israéliens) de la cause palestinienne ? Ce ne sont pas eux qui auront à construire l’avenir de cette région ni à vivre la solution qui aura été choisie. Alors, pour ces militants (dont je suis), pourquoi et jusqu’où s’engager sur cette question ? Nous nous battons pour la cause palestinienne parce que nous la pensons juste, pour que justice soit rendue aux Palestiniens. Nous nous appuyons pour cela sur de grands principes qui se trouvent dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. En particulier pour ce qui nous occupe ici, sur son article 1 selon lequel « les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », sur son article 13 qui stipule que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État » et que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays » et sur son article 15 qui affirme que « Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. »


Un autre principe devrait nous guider : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il n’y aura de solution juste au conflit que si est pris en compte le fait qu’il existe maintenant deux peuples en Palestine-Israël : le peuple arabe palestinien et le peuple juif israélien (à ne pas confondre avec un soi-disant « peuple » juif qui engloberait tous les juifs de la Terre2). Actuellement, seul le peuple israélien a réalisé son droit à l’autodétermination. Et il l’a fait en niant ce même droit à l’autre peuple vivant sur cette terre et en l’opprimant. Certains parmi les « amis » du peuple palestinien pensent qu’on résoudra le problème en inversant la situation, c’est-à-dire en réalisant le droit à l’autodétermination du peuple palestinien au prix de la négation de celui du peuple israélien. Ceux-là oublient sans doute qu’aujourd’hui non seulement le peuple juif israélien, composé de près de six millions de personnes, existe mais que, de plus, la très grande majorité de ses membres sont nés sur place et n’ont pas d’autre patrie. Il découle de tout cela, qu’en tant que militant pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, je réponds à la question « Israël-Palestine : un ou deux États ? » en disant ceci : ces deux options peuvent chacune être défendables à condition de se concrétiser dans des formes respectant les Droits de l’Homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ceci implique avant tout : • L’accession à la citoyenneté pleine et entière de tous les habitants du ou des deux États, sur un parfait pied d’égalité des droits (pas de citoyens de seconde zone) ; • La reconnaissance pour tous de toutes les libertés fondamentales (individuelle, d’opinion, d’expression, de réunion, d’associa-

tion) ; • L’accès égal pour tous à tous les services à la collectivité (soins de santé, éducation, logement,…) et à toutes les fonctions de l’État ; • Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes doit nous conduire, au-delà de la garantie des droits individuels, à nous battre pour que soient garantis des droits collectifs, à admettre comme un fait irréversible que sur cette terre de PalestineIsraël vivent et vivront désormais deux peuples : les Palestiniens et les Israéliens. Par conséquent, plus fondamental que choisir entre un ou deux États, il faut « penser binational »3 et garantir aussi des droits collectifs. Exemple : reconnaître l’existence de deux langues nationales, même dans le cas de la solution à deux États. Penser binational s’oppose à la vision sioniste qui exige un « État juif » c’est-à-dire un État où les non-Juifs sont forcément des habitants ou des citoyens de seconde zone. Une solution juste au conflit passe aussi par la reconnaissance des injustices commises et par leur réparation : • symbolique : les oppresseurs doivent demander pardon aux opprimés ; • concrète : Les exilés et leurs descendants doivent avoir le droit de revenir s’installer dans leur pays ou, si c’est leur choix, être indemnisés pour les dommages subis. Les spoliateurs (de la terre, de l’eau, des biens immeubles et meubles) doivent réparer les dommages qu’ils ont causés aux personnes spoliées ; les victimes (d’emprisonnement pour raisons politiques, de sévices corporels ou psychologiques,) ou leurs ayant droit doivent être indemnisés ; les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité doivent rendre des comptes de-

vant la justice.

CONCLUSION Un ou deux États est une question secondaire qui ne doit pas diviser les partisans d’une solution juste au conflit palestino-israélien. Cette question est bien plus l’affaire des populations directement concernées et de leurs représentants. La responsabilité de ceux qui soutiennent de l’extérieur la cause d’une paix juste, est de soutenir toute solution respectueuse des Droits de l’Homme, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et des conventions internationales qui s’en inspirent. Dans ce sens, le principe le plus fondamental qui doit nous guider est celui de l’égalité des droits entre les personnes et entre les communautés nationales. ■ Palestine mandataire : l’ensemble du territoire sous contrôle britannique, de 1917 à 1948. Il est entièrement sous contrôle israélien depuis juin 1967. 2 Les sionistes considèrent que tous les Juifs du monde font partie d’un seul et même peuple. Comme l’a remarquablement démontré l’historien israélien Shlomo Sand dans son livre Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), cette vision relève du mythe car l’ensemble des juifs du monde ne constitue ni un « groupe humain (…) qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun » (définition de « nation » dans Le Nouveau Petit Robert 2010, p. 1672), ni un « ensemble d’êtres humains vivant en société, habitant un territoire défini et ayant en commun un certain nombre de coutumes, d’institutions » (définition de « peuple » dans Le Nouveau Petit Robert 2010, p. 1879). Par contre, au sens de cette définition, les Juifs de l’État d’Israël constituent aujourd’hui indéniablement un peuple. C’est un fait objectif, une réalité que tout partisan d’une paix juste doit prendre en compte. 3 Cf. Raz-Krakotzkin, A., Exil et souveraineté. Judaïsme, sionisme et pensée binationale, La Fabrique, Paris, 2007, en particulier p. 204 et suivantes. 1

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activités vendredi 13 janvier à 20h15 Le franquisme. 40 années de dictature, 40 années d’impunité pour crimes contre l’humanité Conférence-débat avec

José-Luis Penafuerte, cinéaste, réalisateur des Chemins de la mémoire

300.000 personnes dénoncées, 60.000 exécutions, 400.000 prisonniers, 3 millions de personnes fichées et environ 130.000 disparus, tel est le bilan des victimes du régime de Franco. En 1977, 2 ans après la mort de Franco et le rétablissement de la démocratie, une loi décrète l’amnistie et interdit d’enquêter sur les crimes franquistes. Récemment, le juge Garzon a été menacé de suspension pour avoir ouvert une enquête sur les disparus sous le régime franquiste... Fils d’exilés espagnols, José-Luis Penafuerte est né à Bruxelles en 1973. Il a passé son enfance et son adolescence entre la Belgique et l’Espagne. Après des études à l’IAD, il entame une carrière de réalisateur. Parmi ses films, Ninos qui retrace l’exil des orphelins de la guerre civile et Les chemins de la mémoire, film qui entend mettre à jour l’histoire récente de l’Espagne en rendant la parole à ceux qui furent condamnés pendant plus d’un demi-siècle à un silence forcé. Présent dans plusieurs festivals, ce film a obtenu de nombreux prix.

La conférence sera précédée par la projection à 18h30 du film Les Chemins de la Mémoire Petite restauration PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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vendredi 20 janvier à 20h15 Marianne Sluszny présente son roman

Le frère du pendu

Toi, Cécile Kovalsky, paru aux Éditions de la Différence en 2005, a obtenu le prix de la première œuvre de la Communauté française de Belgique et le prix Lucien Malpertuis de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Le Frère du pendu est le deuxième roman de Marianne Sluszny. Toi, Cécile Kovalsky évoquait une légende familiale et le malheur d’une diaspora juive émigrée à Bruxelles, moins intégrée qu’elle ne le croyait. Marianne Sluszny revient sur ces thèmes dans Le Frère du pendu. Thomas, jeune cinéaste désespéré par sa rupture avec Rivka, fille de juifs orthodoxes, découvre dans un coffre lui appartenant une série de cahiers racontant la vie d’un aïeul de son ex-fiancée, un certain Meier, né en 1880 à Siedlice en Pologne. Il se passionne pour l’existence de cet homme, éternel exilé, révolté par la pendaison de son frère Saul par les cosaques en 1905, et décide de réaliser un film sur le destin mouvementé de ce personnage PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

vendredi 10 février à 20h15 Israël/Palestine : Un État, deux États? Débat avec

Dominique Vidal,

éditeur de

Palestine/Israël : un État, deux États ?

et

Leila Shahid,

déléguée générale de Palestine pour la Belgique, le Luxembourg et l’Union européenne L’échec de la stratégie d’Oslo, après celui de la lutte armée, a rouvert le débat parmi les Palestiniens et leurs soutiens à travers le monde : un État, deux États ? Dominique Vidal a voulu faire le point sur cette question avec un ouvrage collectif. C’est à sa suggestion et avec plaisir que nous débattrons de ce problème stratégique (et de bien d’autres...) avec Leïla Shahid (déléguée générale de Palestine). Une discussion de fond indispensable... PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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et aussi du 19 janvier au 18 avril 2012 À la Maison du Livre 28 rue de Rome 1060 Bruxelles

– 02/543.12.20 – www.lamaisondulivre.be

Tsiganes, Roms, Gitans, Gens du voyage... Entre mythes et réalités Expositions, tables rondes, spectacles, animations Vagabonds, voleurs de poules ou d’enfants, diseuses de bonne aventure, mendiants effrontés, rois de la débrouille, gitanes lascives, musiciens virtuoses, derniers êtres humains libres comme le vent, seul peuple qui n’ait jamais fait la guerre... Ces stéréotypes qui ont la vie dure s’appliquent indifféremment aux Tsiganes, Roms, Gitans, Manouches et Gens du Voyage, alors qu’il s’agit de groupes humains qui ont des histoires et des cultures bien différentes.... La stigmatisation dont tous sont l’objet a permis à Nicolas Sarkozy, à l’été 2010, d’expulser de France dans une violence extrême des Roms et des Gens du voyage, non seulement dans le nonrespect des droits humains élémentaires mais en contradiction avec les législations nationales et internationales. Car les Roms en question étaient pour la plupart ressortissants de pays européens et auraient dû comme tels bénéficier d’une liberté de mouvement identique à celle de tout citoyen européen en Europe. Quant aux Gens du voyage, ils étaient tout simplement français et auraient dû dès lors jouir des mêmes droits que tout citoyen sédentaire de la République. À peu près à la même période, en Belgique, la commune de Dour adoptait une politique tout aussi discriminatoire. Alors que des dizaines de milliers d’amateurs de musiques rock venaient de démonter leurs tentes et d’abandonner leurs déchets sur les hectares consacrés au Festival, l’annonce de l’arrivée de quelques caravanes suscitait une réaction radicale de la part des autorités publiques: nos terrains communaux ne sont pas équipés pour accueillir dignement les voyageurs itinérants. L’envie nous a pris de comprendre : car si la misère, la discrimination et la mise au ban de la société ne sont pas l’apanage des Roms et des Gitans, le rejet et les préjugés à leur égard se concrétisent souvent avec une intensité haineuse particulière. Pourquoi cette haine ? De quelles constructions idéologiques est-elle le fruit ? D’où vient cette confusion entre Roms et Gens du voyage, ces amalgames aux conséquences néfastes pour tous, sédentaires, voyageurs et nomades malgré eux ? Voilà pourquoi la Maison du Livre a senti la nécessité de mettre sur pied, en partenariat avec de nombreuses associations, un événement multidisciplinaire consacré aux représentations — essentiellement littéraires et picturales — des Tsiganes, Roms, Gitans et Gens du voyage, ainsi qu’aux stéréotypes et aux discriminations dont ils sont victimes. Dans ce voyage exploratoire entre mythes et réalités, nous avons voulu montrer la diversité de ces peuples qui font partie intégrante de notre histoire depuis des siècles, de même que la richesse de leurs cultures.

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Jeudi 19 janvier à partir de 18h30 Vernissage Interventions des artistes présents et prise de parole d’Ahmed Akhim du Centre de Médiation et de Nicole Rey (Perpignan) sur la situation critique des Gitans dans les Pyrénées Orientales. Jeudi 19 janvier à 20h Exposé inaugural par Alain Reyniers Alain Reyniers, ethnologue, assume la direction scientifique de la revue Études Tsiganes à Paris. Depuis plus de vingt-cinq ans il suit les Tsiganes en Europe occidentale et orientale, et leur a consacré plusieurs ouvrages et articles dans des revues spécialisées, et notamment en 1998 le livre Tsigane, heureux si tu es libre ! Vendredi 20 janvier à 20h Table ronde : Roms et Gadjé : rapprochement par l’art et la culture Les acteurs de la sphère culturelle rom ont trouvé dans l’art un moyen de toucher le public des Gadjé et de présenter une image plus large et plus juste de l’identité complexe de leur peuple. Le rôle des festivals, expositions, concerts à message, films, etc. est crucial dans les efforts récents pour l’inclusion de la plus importante minorité européenne au sein de l’UE, tout en assurant la sauvegarde de son héritage culturel. Avec Tcha Limberger, violoniste manouche, Marina Obradovic, peintre et photographe, Kris Kaerts, animateur d’un atelier théâtre avec des jeunes Roms et des primo-arrivants d’origines diverses et Ljuba Radman, présidente de Romani Yag. Jeudi 26 janvier 2012 à 19h Projection du documentaire Gitana Soy Espagne, 2010 - 40 mn Dans l’Espagne des années nonante, les femmes gitanes commencent à s’organiser en associations afin d’améliorer leur situation et celle de leur communauté. Gitana Soy, réalisé par Meritxell de la Huerga, donne la parole à certaines d’entre elles. Il sera présenté pour la première fois en Belgique à l’occasion de cette soirée. Jeudi 26 janvier à 20h Table Ronde : Les Femmes dans la Culture Tsigane Claire Auzias, historienne, sociologue, féministe, chercheuse à l’Université de Lisbonne et spécialiste des Tsiganes évoquera notamment dans son exposé son ouvrage Chœur de femmes tsiganes, paru aux éditions Egrégores en 2009. Une soirée consacrée aux rôles et places des femmes dans les cultures tsiganes, avec des femmes roms, intellectuelles, artistes, travailleuses sociales. Refika Cazim est interprète et travaille à Bruxelles, Daniela Novac est travailleuse sociale au sein de l’asbl Diogène et Nouka Maximoff conte et transmet les récits tsiganes. Le débat sera animé par Irène Kaufer, membre du collectif éditorial de la revue Politique

La suite du programme sur www.lamaisondulivre.be et www.romstsiganesgitans.be

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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

vendredi 13 janvier à 20h15

Le franquisme. 40 années de dictature, 40 années d’impunité pour crimes contre l’humanité. Conférence-débat avec José-Luis Penafuerte, cinéaste, réalisateur des Chemins de la mémoire. Projection du film à 18h30. Petite restauration (voir page 24)

vendredi 20 janvier à 20h15

Marianne Sluszny présente son deuxième roman Le frère du pendu (voir page 25)

vendredi 10 février à 20h15 Israël/Palestine : Un État, deux États? Débat entre Dominique Vidal, éditeur de Palestine/ Israël : un État, deux États ? et Leïla Shahid, déléguée générale de Palestine (voir page 25)

samedi 11 février à 20h

Concert des chorales Rue de la Victoire et Voix de voyageurs (voir page 9)

club Sholem Aleichem Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 5 janvier Congé

jeudi 12 janvier

Après-midi récréative animée par Maroussia et son accompagnateur Yvan Kerekowski. Super Goûter confectionné par Simone et Maroussia. Participation : 8 EURO

jeudi 19 janvier

Projection du film Un moment de douceurs douceurs, présenté par le réalisateur belge Daniel Devalck (études de cinéma à l’INSAS et de sciences économiques à l’ULB). Sujet du film : « ...de pâtisseries en pâtisseries....un voyage immobile de Bruxelles à Gand en passant par Vienne et Budapest.... ». Un vrai régal !

jeudi 26 janvier

et aussi du 19 janvier au 18 avril

Tsiganes, Roms, Gitans, Gens du voyage... Entre mythes et réalités. Expositions, tables rondes, spectacles, animations. À la Maison du Livre 28 rue de Rome 1060 Bruxelles (voir pages 26 et 27) Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be

Prix : 2 EURO


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