n°299 - Points Critiques - octobre 2009

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique octobre 2009 • numéro 299

anniversaire Les trente ans d’un titre

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)

ALAIN MIHÁLY En juin 1979 paraissait le premier numéro d’un nouveau bulletin trimestriel de l’UPJB intitulé Points critiques (et dépourvu étrangement, comme on le verra plus loin, de « numéro »). Ce bulletin s’inscrivait dans une suite de publications qui débuta dans l’immédiat après-guerre avec l’hebdomadaire yidishe solidaritet et prenait directement la succession du mensuel Flash. De bulletin, le titre se transforma rapidement en une revue de plus en plus étoffée, une véritable revue de réflexion et de débat qui connut plusieurs vies. Les mises en page se modernisèrent en même temps qu’on passait de la linotype à l’offset puis à l’informatisation intégrale. Le comité de rédaction se renouvela continûment autour d’un petit noyau resté stable tandis que la lourde charge de

publier une revue réalisée entièrement sur base du bénévolat hors l’impression - conduisit après une vingtaine d’années de travail acharné et ininterrompu à des délais de publication de plus en plus longs. En février/mars 2004 parut le dernier numéro (à ce jour..), le soixante-huitième, de Points critiques en tant que revue. D’une certaine manière, l’histoire des plus belles années de la revue fut celle d’une génération de membres actifs (pas tous cependant) de l’UPJB, une génération qui tenta, sans peut-être se le formuler, par l’action d’écrire, de (se) construire une identité juive de gauche, critique et interrogative dans une maison, l’UPJB, au passé particulier et au présent profondément marqué par ce passé. Soixante-huit numéros, souvent très épais, en réalité un peu

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

anniversaire

1 Les trente ans d’un titre .................................................................Alain Mihály

israël-palestine

4 Une sinistre farce ...................................................................... Henri Wajnblum

politique d’asile

6 De la chasse à l’homme à l’Agora...... ......................................... Cédric Tolley

lire

8 Écrire après le deuil...... ...................................................Tessa Parzenczewski

regarder

9 La Torah de Tarantino ............................................................... Gérard Preszow

lire, regarder, écouter

10 Notules de septembre ................................................................ Gérard Preszow

mémoire

12 Le Judéocide en BD .............................................................. Roland Baumann

yiddish ? yiddish !

! widYi ? widYi

14 Oyf di vegn sibirer - Sur les routes sibériennes ... .................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

16 Une rentrée chaude ......................................................................Anne Gielczyk

le regard 18 Belgique. D’un régime en crise à une crise de régime ? ...... Léon Liebmann

cultes et laïcité

20 L’affaire de l’Aftonbladet ....................................................... Caroline Sägesser

Société

22 Un entretien avec Henri Wajnblum ..............................................Erdem Resne 24

activités upjb jeunes

28 Nouvelle année ..................................................................... Caroline Sägesser 30 32

anniversaire

hommage les agendas

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moins puisqu’il faut compter quelques numéros doubles, une masse d’articles, d’interviews, de questions, de réflexions, de lectures, d’intervenants aussi, qui donne le vertige. Une « époque », on devrait dire une « durée », où l’on ne comptait ni le nombre de signes, ni celui des pages. Points critiques publiait, parfois au désespoir de certains de ses lecteurs, des articles qui atteignaient souvent des dimensions, disons, respectables. Ce n’est certes pas dans le cadre de cet « article anniversaire » qu’une recension exhaustive en sera faite. Mais mettons en évidence le fait que, dès le départ, seront présentes les pistes dont nous creusons encore aujourd’hui les sillons, qui restent notre « marque de fabrique » et font notre identité. Celle aujourd’hui d’une des rares publications juives de langue française - probablement la seule avec cette périodicité à s’inscrire dans une optique de pensée qui ne soit pas politiquement et culturellement « israélocentriste ». Ces pistes, quelles sont-elles, et au risque d’en oublier ? La résistance, matrice de l’identité de l’UPJB, présente dès le premier numéro avec une interview de Maxime Steinberg, qui collabora à maintes reprises à la revue et dont les recherches irriguèrent littéralement les réflexions de la rédaction ; un thème qu’on retrouvera entre autres dans deux dossiers spéciaux, l’un consacré à Mala Zimetbaum et Edek Galinski (n°56) et l’autre aux « Partisans armés » (n°58). La mémoire, avec des dossiers consacrés au ghetto de Varsovie (n°15), à « Shoah » de


Claude Lanzman (n°37), à la « Mémoire en esclavage » (n°46), au Ghetto de Varsovie une nouvelle fois (n°52) et à la question des restitutions (n°64). L’histoire avec le numéro spécial (n°62/63) dédié au 100ème anniversaire du Bund faisant suite à un colloque éponyme mais aussi au n°18 de janvier 1984 consacré aux « Révolutionnaires du Yiddishland ». Le conflit israélo-palestinien avec une traduction d’un article de Uri Avnery dès le n° 2 en novembre 79, un dossier « Quelle paix au MoyenOrient » (n°4 de juin 80) et une succession, jusqu’à aujourd’hui, de couvertures, d’analyses et d’éditoriaux. La culture juive au présent : à ceux qui voudront un jour savoir quels artistes juifs ont créé à Bruxelles à la fin du XXè siècle, il leur faudra tourner les pages de Points critiques. Ils rencontreront Samy Szlingerbaum dès le n° 2, et « Des Juifs à l’oeuvre » en février 1982 (n°10). L’identité juive avec en avril 1981 (n°7) le dossier « Juifs comme bon nous semble » et une suite ininterrompue d’articles incisifs et souvent auto-

critiques. Le yiddish, trace légère mais totalement absente ailleurs, avec deux pages (non traduites!) de Fishke le boiteux de Mendele Moykher-Sforim dans le n°5 d’octobre 1980, aînées glorieuses des pages yiddish actuelles. Il ne s’agit bien sûr, répétons-le encore, que d’un aperçu des plus fugaces. La revue, l’UPJB elle-même, ne sont, d’autre part, pas restées figées sur des positions initiales qui étaient par ailleurs diversifiées. Le regard sur ces thématiques a donc évolué, s’est peut-être libéré, diront certains, de gangues idéologiques. Tout en restant très résolument, pour reprendre le vocabulaire « maison », sur le trottoir de gauche tant de la « rue juive » que de la « rue belge », l’identité de Points critiques s’est ouverte. Pour aborder librement cette aventure éditoriale, nous ouvrirons dès le prochain numéro une nouvelle rubrique récurrente qui lui sera consacrée et à laquelle contribueront d’anciens et d’actuels rédacteurs de la revue.. et du mensuel. Du mensuel car l’histoire de la presse de l’UPJB s’est vite compliquée. Nantie d’une revue, l’UPJB se retrouvait dépourvue d’un organe de liaison mensuel en un temps où l’imprimé régnait encore en maître absolu. Il fallut donc le créer et un titre s’imposa de lui-même : Entre points critiques. En 1996, la revue ne maintenant plus un rythme de parution trimestriel et « l’entre » perdant son sens, le titre fut contracté en EPOC. Un titre finalement si ésotérique que, par un retour de plume au point de départ, le mensuel finit en 2001 par s’appeler... Points

critiques, le mensuel et à partir de novembre 2007, avec la formule actuelle, simplement Points critiques. Toujours est-il que le mensuel, essentiellement agenda d’activités à ses débuts, allait très vite prendre de l’envergure, devenir bien plus qu’un simple bulletin et comporter de nombreuses rubriques récurrentes dont certaines sont encore présentes. Revue et mensuel s’étaient finalement rencontrés pour se partager un même nom. Nous ne cachons pas la satisfaction d’avoir pu maintenir et enrichir, malgré la faiblesse de nos moyens et notre absence relative de « profondeur communautaire », un projet éditorial que nous pensons avoir été de qualité sur une telle période. La célébration pour elle-même nous convient cependant fort peu. Mais nous comptons saisir l’occasion, du moins nous l’espérons, d’interroger le travail accompli pendant ces trente années du titre, revue et mensuel confondus, soit près de 400 numéros parus au total. D’interroger ce travail et de laisser entrevoir, peut-être, que ce fut, et que cela reste, aussi une aventure humaine avec ses débats, ses tensions et désaccords, les apports de chacun. Une aventure qui n’aurait pas été ce qu’elle fut sans Marcel Liebman, membre du comité de rédaction de la revue de 1981 à son décès en 1986, sans Elie Gross, disparu en 2004, parmi les fondateurs de la revue et son maître d’oeuvre de 1979 à 1991 et sans Marcel Gudanski qui « fabriqua » le mensuel jusqu’à sa disparition soudaine en 2002. ■

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israël-palestine Une sinistre farce HENRI WAJNBLUM

S

i vous lisez la presse, et surtout la presse israélienne, vous devez être persuadé que les ÉtatsUnis et Israël sont tout proches d’un accord sur le gel, exigé par Washington, de la construction dans les colonies juives en territoire palestinien occupé. Un accord qui devrait permettre aux Palestiniens et aux Israéliens de se retrouver rapidement à la table des négociations. C’est en tout cas ce que Binyamin Netanyahou ne cesse de répéter à qui veut l’entendre. Son problème est que l’Autorité Palestinienne, en la personne de son président, Mahmoud Abbas, ne veut en aucun cas l’entendre ainsi. Et pour cause… Netanyahou est en effet passé maître dans l’art de distiller le chaud et le froid, et lorsqu’il fait mine d’accéder aux exigences de l’Administration américaine, il ne fait en réalité que dresser un vaste écran de fumée dont il espère qu’il abusera le président américain. Mais ses intentions réelles sont tellement évidentes qu’elles ne devraient précisément abuser personne, hormis ceux qui veulent l’être. Ainsi, lorsqu’il assure que « nous n’’avons aucune intention de prendre d’autres terres, ou de créer de nouvelles implanta-

Constructions à Jérusalem-Est

tions » - on se demande ce qu’il pourrait encore prendre si ce n’est l’ensemble de la Cisjordanie -, il s’empresse d’ajouter «J érusalem est la capitale souveraine d’Israël, à propos de laquelle nous n’accepterons aucune limitation », s’asseyant ainsi sur le droit international qui considère, lui, Jérusalem-Est comme un territoire occupé, un territoire qui compte aujourd’hui quelque 200.000 colons juifs. Et lorsque ce n’est pas lui qui le dit, il en charge ses seconds couteaux. Notamment Eli Yishai, vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et leader du parti ultraorthodoxe Shas, pour rassurer ses troupes et son électorat dont les

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colons constituent une part non négligeable… « Il n’est pas question que nous abandonnions la construction à Jérusalem - entendez Jérusalem-Est -, nous continuerons à y construire des centaines de logements . » Pas plus d’accord en vue sur la Cisjordanie d’ailleurs… C’est Uzi Landau, membre de Likoud de Netanyahou et ministre des Infrastructures, qui s’est chargé de mettre les points sur les « i » : « Cette terre est à nous et à nous seuls - ben voyons -, le gel de la construction dans les colonies serait une violation des droits humains. Que pourrions-nous dire aux familles ? N’ayez plus d’enfants ? Ne construisez pas une nouvel-


le maison ? La construction doit continuer à tout prix. » Et d’ajouter pour faire bonne mesure…«Ce sont les Arabes (sic) qui sont les occupants ». On voit dès lors mal sur quoi Mahmoud Abbas accepterait de négocier, lui qui exige, tout comme Barack Obama, un gel total de la construction, à Jérusalem-Est comme en Cisjordanie, et en fait une condition sine qua non à toute reprise du dialogue avec Israël.

JUSQU’À QUAND Et on peut se demander jusqu’à quand le président américain va accepter de se prêter à cette sinistre farce mise en scène par le premier ministre israélien, et d’en être le dindon. Quand va-t-il enfin se décider à sonner la fin de la récréation ? Quand va-t-il se décider à mettre Israël face au choix : le gel de la colonisation ou des sanctions ? Le gouvernement israélien a beau bomber le torse, il est loin d’être insensible aux sanctions. Souvenons-nous du précédent de 1991… Le 30 octobre s’ouvre à Madrid, sous la coprésidence des États-Unis et de l’Union soviétique, une conférence multilatérale sur le Proche-Orient. Yitzhak Shamir, premier ministre israélien de l’époque, refuse de s’y rendre jusqu’à ce que George Bush senior le menace de lui refuser la garantie des États-Unis pour un emprunt de 10 milliards de dollars… Yitzhak Shamir fait aussitôt ses valises et prend le premier avion à destination de la capitale espagnole…

Mais Barack Obama a-t-il la volonté, ou le pouvoir, de mettre Israël face à ce choix ? Il y va pourtant de sa crédibilité.

UN ACTE DE COURAGE En attendant, le courage vient, une fois encore, de Norvège, vous savez, le pays d’« Oslo »… La ministre des Finances, Kristin Halvorsen, vient en effet d’annoncer la décision de son pays de retirer ses investissements de la société israélienne Elbit Systems à cause de « son implication intensive dans la construction de la barrière de séparation ». Mme Halvorsen a justifié cette décision par la recommandation du comité d’éthique du Fonds des pensions national selon lequel Elbit Systems aurait fourni 90 % des systèmes de contrôle et de surveillance du Mur et par conséquent, « soutient un acte contraire à la morale internationale ». La recommandation du comité se base principalement sur l’avis de la Cour internationale de justice de La Haye qui avait établi en 2004 que « la construction de la barrière est une violation du droit international et porte atteinte aux droits des citoyens palestiniens qui vivent à proximité ». On peut penser que n’est pas étrager à cette décision l’appel qu’ont lancé à la Norvège vingt organisations israéliennes - des associations féministes et de communautés, des associations pour les Droits de l’Homme, des associations centrées sur les droits civiques et l’égalité au sein de l’Etat d’Israël, des associations militan-

tes contre l’occupation des territoires palestiniens - afin que les investissements du Fonds des pensions national se retirent de toutes les firmes israéliennes et internationales impliquées dans l’occupation des territoires palestiniens. Dès que fut annoncée la décision du gouvernement norvégien, l’ambassadeur de Norvège en Israël a été convoqué par le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères qui lui a signifié « la protestation d’Israël à la suite de la démarche de la ministre norvégienne des Finances ». Les choses n’en resteront peutêtre pas là… Les fonds de pension norvégiens ont en effet investi dans 41 sociétés israéliennes différentes. Or, un projet de recherche de la « Coalition des Femmes pour la Paix » intitulé « Qui profite de l’occupation ? » a révélé que près des deux tiers de ces entreprises sont impliquées dans le développement et la construction de colonies en Cisjordanie. A quand un geste fort de l’Union Européenne, de la même veine que celui que vient de poser la Norvège qui, rappelons-le, n’en fait pas partie ? Et qu’on ne vienne pas nous resservir le sempiternel couplet selon lequel on préfère privilégier la diplomatie, car les sanctions seraient improductives… Il ne s’agit pas ici de productivité, mais tout simplement de faire respecter le droit international et de montrer à Israël qu’il ne peut plus continuer à se moquer du monde. ■

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politique d’asile

De la chasse à l’homme à l’Agora CÉDRIC TOLLEY

L

iquidation totale, tout doit partir... Les 30 et 31 juillet 2009, près de 1000 travailleurs sans-papiers ont été jetés à la rue par la police de Bruxelles. L’opération a commencé le 30 vers six heures du matin. Un vingtaine de camionnettes de la police de Bruxelles sont arrivées au Boulevard de l’Empereur où près de 480 sanspapiers logeaient sous tentes et réclamaient leur régularisation. Ils ont été brutalement évacués à coup de matraque et de gaz lacrymogène. Le lendemain, les autres occupations de Bruxelles ont subi le même sort. Si bien qu’au début du mois d’août, toutes les occupations de sans-papiers avaient été liquidées et, du même trait, tous les foyers de résistances historiques de ceux qui se battaient pour une politique d’immigration respectueuse des droits humains. Il semble évident, vu la concordance de temps des évacuations et le silence complet des responsables politiques à tous les niveaux, que cette opération visait a éteindre le mouvement des sanspapiers. Ceci après que, le sentiment du travail accompli, notre

gouvernement ait sorti deux instructions. L’une instituant des critères de régularisation restrictifs et l’autre prévoyant l’éloignement du territoire de tout ceux qui ne seraient pas régularisés. Cette volonté d’extinction semble aussi attestée par le fait que les ordonnances judiciaires d’évacuation des occupations ont été prononcées entre juin et la mi-juillet et, que tous les bourgmestres concernés n’ont signé les arrêtés communaux d’évacuation qu’à l’approche du 30 juillet. L’extraordinaire mobilisation policière témoigne elle aussi d’une coordination de ces évacuations qui furent quasiment simultanées. Durant toute la journée du 30, les sans-papiers du Boulevard de l’Empereur ont été harcelés dans les rues de Bruxelles par des troupes de police survoltées. Injures racistes (« sale race, j’vais t’faire regretter ton pays »...), menaces et coups ont été le martyre de ces travailleurs clandestins de six heures du matin à vingt heures. Où qu’ils aillent, ils étaient poursuivis. Ils ont terminé leur journée, terrorisés et dépossédés de leurs affaires personnelles dans une ruine insalubre de la rue

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du Viaduc (Ixelles), sous la maigre protection de... deux citoyens dont j’étais.

PSEUDO-POLITIQUE CONTRE LUTTE SOCIALE Au bilan politicien, nous avons une mesure ponctuelle prise par le gouvernement qui prétendra sans doute avoir répondu aux critiques d’inertie qui lui étaient adressées, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette mesure ne peut d’aucune manière être confondue avec la politique d’immigration respectueuse des droits humains pour laquelle nous nous battons depuis des décennies. Au plus, une régularisation ponctuelle, qui contentera une poignée d’étrangers clandestins, laissera sur le carreau la majorité d’entre eux et réservera aux cohortes de nouveaux arrivants les conditions « d’accueil » qui fondent cette originalité occidentale : misère sociale, exploitation dans le travail, aucun accès aux droits humains même les plus élémentaires, traque, peur, enfermements, violences, expulsions. Nous attendons avec une impatience ironique le bilan 2010 de cette pseudo-politique.


Au bilan politique, nous avons des brassées de citoyens, de travailleurs associatifs et d’avocats mobilisés et submergés par la construction de dossiers de régularisation pour les quelques milliers de clandestins qui entrent dans les critères (flous et inhumains) de l’instruction ministérielle. Les occupations et la résistance qu’elles offraient sont liquidées. Les militants avec ou sans papiers sont épuisés par des années de lutte et tanguent entre l’envie de croire qu’ils ont obtenu « quelque chose » et le constat d’une nouvelle défaite cuisante. En clair, comme en 2000, après la précédente régularisation ponctuelle, l’insolence gouvernemental et le naufrage du mouvement social et politique nous font mal et nombreux parmi nous en sont prostrés. Les associations font le constat que nous n’obtiendrons rien de plus avant longtemps et hésitent à s’engager à nouveau. Comme si le mouvement social devait se laisser dicter son calendrier de lutte au gré des annonces et des urgences artificielles du ministère du mépris.

AUJOURD’HUI Depuis le 31 juillet, les 200 travailleurs sans-papiers qui res-

tent du groupe du Boulevard de l’Empereur occupent l’ancienne librairie Agora, au 330 avenue de la Couronne, à Ixelles. Ils ont passé une convention d’occupation précaire avec le propriétaire, un agent immobilier qui attend une autorisation de détruire. Cette convention tolère l’occupation jusqu’au 31 octobre. Ils ont assuré le bâtiment et les occupants, ceci avec l’aide du curé du Béguinage. Et la police d’Ixelles contrôle et encadre de près cette nouvelle occupation. À l’heure actuelle les sans-papiers de l’Agora ne reçoivent plus l’aide de personne. Ni en terme politique ni en terme logistique. Ils sont livrés à euxmême. Toute tentative de créer la solidarité autour d’eux se heurte au même mur de désespoir des militants et des associatifs : « les conditions ne sont pas bonnes » ; « nous avons obtenu une régularisation, il faut en profiter »; « faites des dossiers individuels » ; « il n’y aura plus rien avant 10 ans »... Aujourd’hui, les alternatives sont maigres pour les occupants de l’Agora. La majorité d’entre eux n’entrent pas dans les critères de régularisation. En cela, ils sont très représentatifs de la population sans-papière de Belgique. Et ils ont le choix entre le repli indi-

vidualiste et la lutte politique. Ils peuvent se battre seulement pour eux-même en prenant acte du tarif établi par l’État belge : 50 jours de grève de la faim = une carte orange. Ils pourraient aussi être le moteur d’une restructuration d’un mouvement social qui vise l’imposition d’une politique d’immigration respectueuse des droits humains. Et comme dans toutes les occupations, ces deux tendances sont en tension dans le groupe. Dans tout les cas, ils ont besoin de soutien. Ils ne peuvent rien faire sans notre solidarité et notre engagement. Peut-être que nous pouvons témoigner par l’action auprès d’eux de cette expérience qui fait que nous savons que même dans les moments les plus crades, la résistance est la solution de l’espoir. ■

Les sans-papiers de l’Agora appellent l’UPJB à l’aide Nous sommes sans-papiers et nous nous battons pour retrouver notre dignité. Pour obtenir des papiers pour tous les sans-papiers, pour que la Belgique soit un pays démocratique pour tout le monde, nous avons besoin de faire connaître notre existence et notre combat. En ce mois de Ramadan, plus personne ne nous soutient, toutes les portes se ferment devant nous. S’il vous plaît de nous aider pour créer la solidarité avec les citoyens belges, pour faire venir les médias et les journalistes et, pour organiser des événements et des manifestations pour le public. Merci infiniment. Les sans-papiers de l’Agora. Contact : sans.papiers.agora@gmail.com Mounir : 0470 99 30 88

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lire Écrire après le deuil. Le dernier roman de David Grossman TESSA PARZENCZEWSKI

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n août 2006, Uri, le fils de David Grossman , meurt au Liban. Plusieurs mois auparavant, David Grossman avait entamé l’écriture d’un roman, l’histoire d’une femme qui fuit sa maison pour ne pas attendre dans l’angoisse les messagers de la mauvaise nouvelle : la mort de son fils au combat. Et voilà que la réalité s’engouffre dans la fiction.

Malgré sa douleur, Grossman s’est immergé dans l’écriture comme dans une sorte de thérapie et son roman a paru en Israël en 2008. Un roman où se croisent l’amour et l’amitié entre Ora, Avram et Ilan, trois adolescents qui tissent entre eux des liens qui font parfois penser à « Jules et Jim ». Les années ont passé. Ora a épousé Ilan, Avram a été fait prisonnier en Égypte et revient brisé. Les années ont passé mais les guerres sont toujours là. Son fils au combat, Ora, accompagnée d’Avram, part à pied sur les routes de la Galilée, et parle de son fils, le raconte, fait défiler toute sa vie, dans l’espoir illusoire de le maintenir ainsi en vie. Entre vie intime et fracas des guerres, David Grossman décline la gamme des sentiments, évoque avec une sensibilité frémissante la petite enfance avec ses découvertes et ses peurs, comme lorsque le fils d’Ora fait le lien entre la viande qui est dans son assiette et l’animal dans le pré et s’imagine que ses parents dépècent les vaches comme des bêtes sauvages, « Vous êtes des loups », dit-

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David et Uri Grossman

il. C’est une constante dans le récit, ce va-et-vient entre les détails émouvants, au plus près des êtres, et la violence guerrière omniprésente qui semble ici comme un phénomène naturel. Seul le personnage d’Ora se pose des questions et confrontée dans la vie courante aux Palestiniens d’Israël, lutte entre compassion et méfiance. Un roman aux multiples facettes, très riche et questionneur, où l’histoire se déroule au rythme de l’errance dans des paysages attachants, et où parfois surgissent des épisodes énigmatiques, des plongées dans un réel dérangeant. À lire dans un avenir proche, lorsqu’il paraîtra en français. ■ Isha borekhet mibesora La femme qui fuit la nouvelle Hasifria hakhadasha. Kibbutz Hameukhad.


regarder La Torah de Tarantino JACQUES ARON

S

’il existe un observateur céleste penché sur les humains, il doit bien constater qu’ils ne changent pas. À peine ont-il acquis quelque compréhension de leur histoire, qu’ils la transforment en nouveaux mythes ou en appendices des anciens. En deux heures de cinéma magistral, à travers quelques figures admirablement campées du bien et du mal, Quentin Tarantino vient d’ajouter un chapitre à la Torah, celui des Inglorious bastards, les salauds de l’ombre. Le réalisateur est talentueux, il joue avec maîtrise sur plusieurs registres, et je renonce à démêler le réel de la fiction, les traits authentiques des traits imaginaires1. Le film va bien au-delà de ce jeu subtil pour cinéastes avertis. Il n’a plus rien à voir avec un autre du même nom, qui mêlait, il y a trente ans, sang, sexe et nazisme. Ce remake nous montre avec brio comment l’histoire engendre sans cesse le mythe qui la dévore. Une thèse déjà remarquablement développée par le grand philosophe juif-allemand, Theodor Lessing, assassiné par les nazis en août 1933. La Jüdische Allgemeine2, gazette des communautés juives allemandes, titre à propos du film : « Quentin Tarantino fait de la Shoa un film d’action. Et c’est très bien ainsi ! » Hollywood avait déjà transformé la Bible en scénarios ; toute la tradition picturale de l’Occident s’est nourrie de ses héros. Quand Rembrandt, le peintre le plus cinématographique du 17e siècle montrait Dalila scal-

Rembrandt, L’aveuglement de Samson, 1636

pant Samson, il consultait les rabbins de son quartier. S’il avait eu à sa disposition les moyens techniques et financiers de Tarantino, gageons que l’œil du héros écrasé par les Philistins nous aurait éclaté au visage. Et que dire de sa vengeance ! « L’expérience de la Shoa se traduit probablement mieux par le moyen du film d’horreur que par les mélodrames politiquement corrects et pleins de bonnes intentions, comme Le pianiste », écrit encore ce journal. « Sans doute saisit-on mieux l’esprit du fascisme dans un film qui représente les nazis en vampires et en cannibales, en monstres sanguinaires plutôt qu’en créatures qui argumentent et qui raisonnent. » Posons quand même la question : à quel prix ? L’adhésion du public allemand ou juif d’aujourd’hui ne repose-t-elle pas sur la façon qu’a le mythe d’évacuer, « glorieusement » ou pas, la réalité : une poignée de Juifs y gagne la guerre que les Juifs ont en vérité subie ? Relue à la manière de Tarantino, la Torah, un film qui

tourne en boucle depuis des millénaires, serait-elle la somme des défaites d’un petit peuple, métamorphosées en victoires ? Selon la tradition, D. n’apparaît pas non plus dans le film, mais qui d’autre aurait pu accomplir ce miracle ? On imagine la suite : dans quatre ou cinq mille ans, une équipe de scientifiques fouille le site qui fut, dit-on, la capitale du royaume des Francs, une cité nommée Paris. Ils sont à la recherche du « Temple du 7e Art », dans lequel eut lieu le sacrifice par le feu de toutes les incarnations de l’Adversaire, de l’affreux Hitler à son servile Goebbels. Mais les scientifiques se trompent, ce qu’ils cherchent se trouve à quelques centaines de kilomètres plus à l’est. À Babelsberg3. Tout un programme. ■ 1

Je renvoie les lecteurs intéressés par la vision cinématographique du IIIe Reich à l’excellent dossier : Crimes et génocides nazis à l’écran, Revue de la Fondation Auschwitz, n° 103, avril-juin 2009, Éditions KIMÉ, Paris. 2 Rüdiger Suchsland, Nazi horror picture show, n° 44 du 30 octobre 2008. 3 Studios de Berlin.

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lire, regarder, écouter Notules de septembre GÉRARD PRESZOW

C

ette année, pour Malines, je voulais prendre le bus affrété par la Communauté, je voulais faire collectif pour avoir des choses à vous raconter, un récit de voyage : les gens, le mood. Depuis que j’ai mis ma voiture à la casse, ma connaissance du monde (corps, peaux, odeurs, couleurs, visages, langues, vêtements et… lutte pour la place assise dans le sens de la marche) passe par les transports en commun… Loupé, le bus est plein. Je fais quoi, je dis quoi ? À part vous rappeler que, place Rouppe, Verlaine tira amoureusement sur Rimbaud… et qu’après avoir été terrorisé par « le babellique Palais de justice de Bruxelles », il écrivit très chrétiennement Sagesse à l’ombre de la prison de Mons. Je dégaine mon gsm et ausculte mon répertoire : qui est-ce que je connais qui pourrait (encore) aller à Malines ? Et bien, incroyable, non seulement il y allait, mais il a renoncé à son chauffeur pour nous y conduire, sachant que nous étions quatre. C’est un bon Juif qui a fait sa mitzvah pour la vie. Aujourd’hui, je sais, grâce à lui, que je suis devenu un vieux Juif radoteur (et lui, encore plus…) : et celui-là… et celle-là… Quel voyage à Malines ! (on ne dit pas

À Malines. Photo gépé

ça ! On ne rit pas avec nos morts !). Le plaisir fut si grand (et on n’y prend pas plaisir !) que, grâce à son GPS, on fit trois fois le tour de Malines à l’aller et trois fois le tour de Bruxelles au retour. Ah, le plaisir de la parole… Et on ne s’attarde pas dans la belle ville de Malines pour y boire un pot… * Henri Kichka, survivant d’Auschwitz et de la vie, monte à la tribune. Droit et altier, il refuse la main qui se propose de l’aider à gravir l’escabeau. Il raconte avec ses mots à lui la cache, la traque, la capture, la déportation, la mort de sa mère, la mort de son père, la mort de sa sœur. Le plus insupportable, le plus hallucinant : en-

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tendre un vieux monsieur dire : « mon papa », « ma maman » d’une voix qui rengorge les larmes proscrites de l’enfance. Pendant qu’à Bozar, nous sommes les témoins du dernier souffle de la maman de Sophie Calle. Une fin sereine qu’un DVD répète à l’infini, la ressuscitant autant de fois qu’elle meurt… Une fois de plus… C’est exactement le sujet d’ Archipels nitrate, le film de Claudio Pazienza, un essai sur le cinéma : le cinéma réveille les morts et les rend immortels, pour peu que la matière cinéma, son support matériel, ne meure à son tour... Même le cinéma a du corps… et de la mort. Le reste de Sophie Calle est le reste. Tous ces textes écrits sur les murs : à lire à la maison. Bozar


manque de fenêtres aux murs, de fenêtres sur cour… Le cortège de jolies filles, ces nombreuses visiteuses qui ouvrent l’espace et font la fête à Sophie, n’y suffit pas. * « Regarde ! Mais regarde ! Mais regarde-moi ! » : malgré les gesticulations de ce gamin irascible de 85 ans, Le Lièvre de Patagonie, cette brique de près de 600 pages, s’avale d’une seule rasade. Il se lit comme il fut écrit : sous le souffle de la dictée. Cette dictée qu’il met en scène, prise dans l’urgence de se dire, se refusant à perdre du temps pour vérifier citations et sources sous peine de les voir se tarir et s’anéantir. Claude Lanzmann a du corps, comme un bon vin âpre à jeun. C’est un fameux conteur qui nous tient en haleine pour des choses parfois désuètes. Il ne sait pas s’arrêter ? C’est, limite, son charme. Mais l’auteur de Shoah est l’auteur de Shoah, on ne peut pas le dire autrement, l’auteur de cette œuvre qui a retourné sa vie comme un gant, qui l’a fait littéralement naître sur la tard et a profondément changé la nôtre. Jusque là, oui, et quoiqu’il s’en défende, sa vie publique fut faite des autres, nos people à nous, Sartre, de Beauvoir, Deleuze et… ça excite la lecture. On tourne la page avec fébrilité dans l’attente du croustillant. On sait, désormais, jusqu’à l’haleine de Simone par temps d’angoisse. Elle, qui a pu écrire du film majeur (et comment le dire mieux ?) : « une pareille alliance de l’horreur et de la beauté ». Claude Lanzmann en fut canonisé.

plus juste dans cet élan d’un seul tenant qui jette une femme (belle orientale pulpeuse au Christ d’or qui balance ostensiblement entre ses glorieux seins) et son ado de fils dans les bras de l’Amérique. Mais si pour une Palestinienne, ça fait longtemps que la Terre Promise n’est plus la Terre Promise, elle s’apercevra vite que l’Amérique n’est plus l’Amérique. Ce premier film de la réalisatrice américano-palestinienne, Cherien Dabis, sonne juste dans ses détails, vrai dans ses petites choses. Le film surprend par sa morale : d’un côté les minorités qui s’épaulent (chrétiens palestiniens, Juifs, homos), de l’autre les arrogants WASP de toujours… * On espérait autre chose de l’un et de l’autre. Puisqu’ils sont de ces artistes qu’on attend… Avec Z32 , Avi Moghrabi donne un cours de morale à mettre en toutes les mains. Ce n’est pas tant le fait criminel commis par un soldat dressé à le faire qui l’intéresse

- auquel cas, il aurait mené l’enquête sur ce fait particulier - mais une suite d’interrogations morales : la mauvaise conscience, l’acte commis, le plaisir, la responsabilité, la culpabilité, le pardon. Et le masque que portent les témoins est moins une dissimulation de l’identité qu’un visage commun de la parole. Le film est aussi un hommage au théâtre, du chœur antique au chœur brechtien. Comme l’Israélien Avi Moghrabi, le Palestinien Elia Suleiman aime faire tourner ses films autour de lui. Ils forment famille avec les Nani Moretti, Claudio Pazienza, Boris Lehman, Woody Allen… Avec Le temps qui reste, Elia Suleiman n’a pas encore retrouvé le duende de son premier film : Chronique d’une disparition. * Au retour de Malines, une bonne étoile est plantée devant l’ancienne devanture de la librairie du Monde entier, à deux pas de la place Rouppe… ■

* Comment l’orthographier : Amreeka (V.O.) ou Amerrika (V.F.) ? Amreeka sonne tellement

Place Rouppe. Photo gépé

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diasporas Le judéocide en BD ROLAND BAUMANN

M

algré le succès international de Maus, récit graphique de Art Spiegelman, les représentations du génocide des Juifs sont assez rares en BD. Des publications récentes tentent d’utiliser la bande dessinée pour répondre au « devoir de mémoire », en particulier auprès des jeunes.

UNE BD POLONAISE L’art de la bande dessinée, marginal en Pologne communiste, manifeste un lent essor, en particulier la BD historique, portant sur la deuxième guerre mondiale. Publiée à Oswiecim avec le soutien du Musée d’Auschwitz-Birkenau, la série Épisodes d’Auschwitz consacre sa première livraison à l’histoire de Mala Zimetbaum et Edek Galinski. Créée par deux jeunes polonais, le scénariste Michal Galek et le dessinateur Marcin Nowakowski, cette BD, éditée en polonais et en anglais, s’adresse en priorité aux jeunes (de plus de seize ans) qu’elle veut inciter à mieux connaître l’histoire du camp nazi. L’amour à l’ombre de la mort évoque l’histoire d’amour vécue par Mala et Edek à Birkenau, décrit les étapes de leur évasion à l’été 44, identifie leurs complices (dont l’Unterscharführer Lubusch, engagé dans la SS mais patriote polonais) et s’achève par leur mort héroïque. Mais cette BD ne donne pas à la figure de Mala l’importance qu’elle occupait dans la mémoire des survivantes juives de Birkenau. Dans l’évo-

cation graphique des amours et de la « fuite romantique » du jeune couple, la figure d’Edek domine l’image et tient le premier rôle. Présentée comme la première BD historique sur Auschwitz, cette oeuvre liée au « devoir de mémoire » n’est pas à la mesure de ses ambitions. Le dessin, la couleur, et surtout la narration, restent en deçà des attentes esthétiques d’un lecteur de bandes dessinées. Les deux épisodes suivants L’évasion de Mala Zimetbaum et Edek Galinski de la série sont consacrés à de grandes figures de la Magneto, ennemi principal des Xmartyrologie polonaise en 39-45 Men et figure ambivalente dont : Witold Pilecki, initiateur du com- on découvre les origines de resbat clandestin contre l’occupant, capé du génocide détenu à Auschwitz où il organise Mini-série des éditions Marla résistance et exécuté par la po- vel (5 numéros en septembre lice secrète communiste en 1948. 2008- février 2009) venant de Et, le père Maximilien Kolbe, véri- sortir en album (et dont les éditable icone de la déportation po- tions Paninini sortent une tralonaise à Auschwitz, mais dont ce duction française), Le testament 3e épisode d’Auschwitz ne dissi- de Magneto (X-Men : Magneto mule pas l’antisémitisme d’avant- Testament), écrit par Greg Pak et guerre (voir le site web : www. dessiné par Carmine Di Giandomenico, retrace les grandes étaepisodesfromauschwitz.pl). pes de la Shoah. Confronté à la haine du Juif dans son école à LE TESTAMENT Nuremberg, le jeune Max EisenDE MAGNETO hardt (alias Magneto), voit sa vie Contrastant avec cette BD po- basculer dans l’horreur. Il assiste lonaise d’Auschwitz évoquant à l’humiliation de son père, vétédes personnages historiques, une ran de 14-18, victime d’un foncoeuvre d’imagination situe dans tionnaire nazi, ancien camarales années de la Shoah l’enfan- de des tranchées qu’il avait sauvé ce d’un super-héros de l’univers sur le front. Il voit la Nuit de Crisdes comics américains, le mutant tal... Forcés de fuir l’Allemagne et

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réfugiés en Pologne, les Eisenhardt vivent l’invasion de septembre 39. Enfermé dans le ghetto de Varsovie, Max survit, pareil à tant d’autres enfants qui passent le mur au péril de leur vie pour alimenter leur famille. Au milieu des déportations de l’été 42, les Eisenhardt fuient le ghetto. Dénoncés aux allemands, ils sont abattus sur le champ. Jeté dans une fosse, Max survit mais n’échappe pas à la déportation. Sur la rampe à Birkenau, lors de la sélection, il est reconnu par son professeur juif du lycée de Nuremberg, devenu un ancien du camp. Affecté au Sonderkommando, Max entrevoit au camp des Tsiganes, la jeune Magda, dont il s’est épris au début du récit. Le couple s’enfuit lors de la révolte du Sonderkommando le 7 octobre 1944. Une planche décrit ensuite les étapes de la liquidation du camp et sa libération. Sur la planche finale, datée de septembre 1948, Max revenu à Birkenau, déterre son manuscrit, des ruines du crématoire. Un texte qui incite au devoir de mémoire... Créé en 1963 dans le premier numéro de la série X-Men par Stan Lee et Jack Kirby, Magneto manifeste ses origines de rescapé de la Shoah à partir des années 1980 sous la plume du scénariste Chris Claremont : membre du Sonderkommando, il aime la Tsigane Magda et l’arrache à la mort. «Le Testament » amplifie et structure les références diverses aux origines juives de Magneto dans l’univers des Marvel Comics. Ce récit imaginaire s’accompagne en appendice de plusieurs pages de notes qui documentent le contexte historique des épisodes de la mini-série, et d’un guide pour l’enseignant. Dans ce même album, Le Testament est suivi d’une BD documentaire de 6 pages, en noir et blanc, Le dernier outrage, réalisée

par Joe Kubert et Neal Adams sur un scénario de Rafael Medoff (directeur du David S. Wyman Institute for Holocaust Studies) nous racontant l’histoire vraie de l’artiste Dina Gottliebova, Juive tchèque survivante de Birkenau, et incitant la communauté des auteurs de BD à faire pression sur le Musée d’Auschwitz pour que cette institution lui restitue une série de portraits de Tsiganes qu’elle avait peinte à Birkenau pour le docteur Mengele. Dans sa postface, Stan Lee, le fondateur de Marvel Comics, souligne le geste de résistance de Dina, qui en février 1944, réalise dans une baraque d’enfants à Auschwitz une peinture murale de Blanche Neige et les sept nains. Oeuvre disparue, inspirée du film de Disney, réalisée pour le plaisir d’enfants promis à la mort. Dina et sa mère survivent à Auschwitz et aux marches de la mort. Après la guerre, la jeune artiste épouse un américain, animateur de dessins animés. Installée en Californie, elle travaille pour différents studios de cartoons, animant entre-autres Daffy Duck et Speedy Gonzalez. Dans les années septante, le Musée d’Auschwitz la contacte pour qu’elle authentifie sept des portraits de Tsiganes peints pour Mengele, achetés par le musée en 1963 à un habitant d’Oswiecim. Dina demandera en vain que ces aquarelles lui soient restituées. Elle est décédée le 29 juillet 2009, sans avoir obtenu satisfaction. Le Musée montre ces peintures dans son exposition permanente sur le génocide des Tsiganes et juge que ces documents uniques doivent rester à Oswiecim.

SOBIBOR Toujours dans l’univers Marvel, Wolverine, dans le dernier numéro de la série Ennemi de l’État (vol 3 #32, 2005), se retrouve à

Sobibor, où il pousse à la folie le commandant du camp, désemparé par sa capacité de survie... Citons aussi, la dernière aventure du Sergent Rock, La prophétie, de Joe Kubert, (The Prophecy, DC Comics, 2007) où la Shoah figure en toile de fond du périple d’un commando de la Easy Company à travers les Pays baltes à l’hiver 44. Cette BD n’est pas encore traduite en français, au contraire de Yossel, 19 avril 1943, une histoire du soulèvement du ghetto de Varsovie (publiée chez Delcourt en 2005), toujours de Kubert, « maître » de l’âge d’or des comics.

LIGNE CLAIRE SANS VOYEURISME Plus près de chez nous, la Fondation Anne Frank est à l’origine de deux BD éducatives sur la Shoah. Créations singulières, du dessinateur hollandais Eric Heuvel (qui sortent cet automne en traduction française aux éditions Belin: Un secret de famille et La quête). Dans De ontdekking (2005), un jeune garçon fouille le grenier de sa grand-mère, à la recherche d’objets de brocante et y découvre des souvenirs de la deuxième guerre mondiale : des coupures de presse, des photos, une étoile jaune... Sa grand-mère lui raconte alors l’histoire de sa meilleure amie, une jeune juive... Dans le deuxième volume, De zoektocht (2007), Heuvel adopte à nouveau la « ligne claire » de l’âge d’or de la BD franco-belge. Une bande dessinée historique qui évoque avec talent le sort d’une famille de Juifs allemands réfugiés en Hollande. Une oeuvre porteuse de mémoire qui s’inscrit dans la tradition graphique d’un Hergé, mais nous montre Auschwitz, sans verser dans le voyeurisme macabre. ■

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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN

reribis Ngeuu id Fiuj oyf di vegn sibirer Sur les routes sibériennes Dans ce poème, H. Leyvik (nom de plume de Leyvik Halpern) évoque sa déportation en Sibérie, à l’âge de dix-huit ans, pour « activités subversives ». Né en 1888 en Biélorussie, il prit part en effet, dès l’adolescence, au mouvement révolutionnaire en tant que membre du Bund. Il s’évada en 1913 et gagna les États-Unis l’année suivante. Il y devint, comme d’autres auteurs yiddish, poète-ouvrier, travaillant dans les sweatshops (« ateliers de la sueur ») le jour et écrivant la nuit. Il mourut à New York en 1962. La traduction que nous vous proposons est celle de Charles Dobzynski dans Le Miroir d’un peuple, Anthologie de la poésie yiddish dont la dernière édition a été publiée chez Gallimard dans la collection Poésies.

reribis Ngeuu id Fiuj sibirer vegn di oyf lkirtw = ,lpenk = Nenifeg retqij C]n Qeme Nek shtrikl a knepl a gefinen itster nokh emets ken ,Cuw Menesireq = snUm Nuf shukh tserisenem a mayns fun ,lkitw = lgirk Menemiil = Nuf ,s=p Menemir shtikl a krigl leymenem a fun pas rimenem .Cub Nkiliih Nuf ltelb bukh heylikn fun bletl

= a = a

reribis NcUt id Fiuj sibirer taykhn di oyf ldnepw = ,Nciiq = Nenifeg retqij C]n Qeme Nek shpendl a tseykhn a gefinen itster nokh emets ken ;tilp Meneknurtred = snUm Nuf plit dertrunkenem a mayns fun ,ldneb Ntnkirtr=f-tkitulbrjf = _ dl=uu Nij bendl fartrikntn-farblutikt a – vald in .tirt eneriurfegnUj _ iinw Nij trit ayngefroyrene – shney in

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! widYi ? widYi TRADUCTION LITTÉRAIRE DE CHARLES DOBZYNSKI Sur les routes de Sibérie / On pourrait encore aujourd’hui retrouver le lacet / D’un de mes souliers déchirés, / Une ceinture en cuir, les débris d’une cruche, / Un feuillet du Livre sacré. Sur les fleuves de Sibérie / On pourrait retrouver comme un signe, l’épave / De mon radeau submergé. / Dans la forêt un bout de corde ensanglantée / Dans la neige – des pas gelés.

En Israël, la Maison Leyvik abrite l’association des écrivains et journalistes de langue yiddish.

REMARQUES reribis sibirer = sibérien (suffixe re er pour les adjectifs de lieux ). (re)tqij itst(er), également dniq= atsind ou encore tqei yetst = maintenant, actuellement. (re)Qeme emets(er) = quelqu’un. lpenk knepl : diminutif de p]nk knop = bouton. lkirtw shtrikl : diminutif de kirtw shtrik = corde. s=p pas = ceinture. Nemir rimen = en cuir; ceinture de cuir. lgirk krigl : diminutif de gurk krug = cruche. Nemiil leymen = en terre (de Miil leym = argile, glaise). ldnepw shpendl : diminutif de N]pw shpon = éclat, copeau. Neknurtred dertrunken = noyé, submergé. tnkirtr=f fartriknt = sec, desséché. ldneb bendl : diminutif de dn=b band = ruban.

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ANNE GIELCZYK

Une rentrée chaude

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33 policiers armés jusqu’aux dents ce 9/9/9 pour protéger les élèves des athénée et lycée de Malines. La raison ? Un message posté sur le net le 13 janvier 2009 annonçant « 239 days to go i an hero at KTA Lyceum Mechelen, Belgium, watch the news ». Mais outre la syntaxe et l’orthographe aussi approximatifs que sibyllins, pas de tueur(s) 239 jours plus tard à Malines et pas l’ombre d’un suspect ce 9 septembre malgré plusieurs mois d’enquête judiciaire. On n’ose pas penser à ce qui aurait pu se passer si notre « héro » s’était trompé dans ses calculs et avait en fait visé la caserne Dossin de Malines trois jours plus tôt ! C’était plein d’enfants juifs pour l’hommage annuel aux déportés juifs de Belgique, le top du top des écoles juives (plus quelques olibrius de l’UPJBjeunes). Et puis moi aussi j’y étais ! Et avec moi, que du beau monde : des représentants des ambassades de Russie, de Pologne, d’Israël (sisi), le nouvel ambassadeur des ÉtatsUnis et sa femme (qui semble connaître l’incontournable Hatikva), la présidente du SP.a Caroline Gennez (à laquelle je discerne le prix judéo-flamand du meilleur discours), et même Annemie Turtelboom, venue

écouter comment on avait fait encore plus fort qu’elle avec les sans-papiers avant-guerre, sans oublier bien sûr nombre de dignitaires du monde juif. Même l’UPJB avait quatre chaises réservées à son nom (le président, sa femme et les deux co-présidentes, pas de maris, ils sont bien renseignés). Tout ce beau monde, un tueur attendu trois jours plus tard et seulement quelques agents pour régler la circulation ! Bon heureusement qu’il y avait aussi les agents du Mossad (très reconnaissables à leurs lunettes solaires même par temps couvert). Ça rassure. Les temps sont difficiles. Cette grippe H1N1 qui n’en finit pas de (ne pas) venir, la crise économique qui continue quoi qu’on en dise, Obama qui n’a encore rien réalisé, BHV qui n’est toujours pas résolu, la dette publique qui a remonté d’un (méga)cran pour renflouer les banques et ce foulard dont on n’a pas fini de discuter.

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i vous saviez comme j’en ai marre d’entendre parler de ça, mais c’est comme pour le conflit au Proche-Orient, ce n’est franchement pas le centre de nos préoccupations, mais on est quand même constamment sommés de donner notre avis sur la question. Et Dieu sait (si

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j’ose dire) qu’on s’en passerait bien. Cette fois-ci, c’est à Anvers, et donc en Flandre, que les choses se sont envenimées. Depuis la rentrée, le port du foulard y est interdit dans les deux dernières écoles officielles qui l’autorisaient encore, un pas décisif vers une interdiction désormais généralisée dans l’enseignement officiel en Flandre, ce qui n’a pas manqué d’échauffer les esprits car ces jeunes femmes au foulard ne se laissent pas faire et toutes ne sont pas téléguidées par la mosquée, loin de là. Depuis quelques années elles se sont regroupées au sein du Boeh ! ( = baas over eigen hoofd par analogie avec l’ancien baas over eigen buik des militantes pour l’avortement et leur leitmotiv « la femme décide » « de vrouw beslist »). Elles se revendiquent du féminisme et hormis le fait qu’elles se sentent obligées de se couvrir jusqu’aux cheveux, là où les féministes des années 70 quand même, sont allées jusqu’à enlever leur soutiengorge, elles soutiennent toutes les revendications des féministes (droit à l’avortement compris, ce qui n’était pas le cas souvenezvous des militantes chrétiennes). Évidemment toutes les filles voilées ne sont pas féministes, à l’instar de la plupart des filles de leur génération dirais-je, et


d’information quotidien sur Canvas, les invités ce 8 septembre étaient l’Imam anversois Nordine Taouil et Bart Dewever ! Pourquoi pas une femme voilée face à une femme non-voilée tout simplement ? N’y a-t-il donc pas de femmes musulmanes suffisamment articulées pour mériter de débattre de ce qui les concerne quand même au premier (couvre) chef me semble-t-il ? Une affiche des féministes anversoises de « Boeh ! » : « Le foulard ? La femme décide » nous dit cet homme

puis il y a celles qui refusent de porter le foulard. Elles ont souvent payé le prix fort de cet affranchissement, ce qui explique pourquoi certaines le portent tout simplement pour qu’on leur fiche la paix. Mais dans les deux cas, je ne vois franchement pas ce qu’une interdiction apporte de plus à ces femmes en leur interdisant dorénavant l’accès à l’école publique.

F

inalement ce qui compte ce n’est pas ce qu’elles ont SUR la tête mais ce qu’elles ont DANS la tête. Mais en fait personne ne le leur demande. Vous avez sans doute lu le débat sur deux pages dans Le Soir entre nos amis Goldman et Demelenne. Très instructif mais pourquoi deux hommes blancs ? ? Dans les médias flamands c’est pareil, à qui donne-t-on la parole pour parler de la crise à Anvers : aux directrices mais pas aux élèves, à Terzake, le magazine

E

nfin, il n’y a pas que du mauvais dans les médias. Une famille d’accueil nazie de Hoboken (pas loin d’un des athénées susmentionnés justement) dont la crèche était reconnue par Kind en gezin (l’équivalent flamand de l’ONE) s’est vue retirer sa licence après la diffusion d’un reportage tourné en caméra cachée par un journaliste de Terzake. Le reportage est visible sur le site de la chaîne Canvas (http:// terzake.canvas.be/category/ video/). Nous suivons la onthaalmoeder (mère d’accueil) dans les pièces où jouent les enfants : aux murs, un drapeau du VMO, le Vlaamse Militanten Orde de sinistre réputation, des photos d’Adolf Hitler et de Bert Eriksson (membre de la branche flamande des Jeunesses hitlériennes pendant la guerre, propriétaire du café « Odal », repaire de fascistes de tout poil à Anvers dans les années 70 et 80), une bibliothèque pleine de

livres négationnistes car « mon mari est un nazi, pas un néonazi mais un vieux nazi de la ligne pure et dure (…) c’est un spécialiste de la guerre ». « À l’époque c’étaient les Juifs qui avaient l’argent, qui avaient la terre (glups), le travail et que sais-je encore (…) » aujourd’hui ce sont « les Turcs et les Marocains, l’Islam en général » pérore la dame « ils nous prennent notre travail, notre espace de vie, ils achètent toutes nos maisons (…) on se sent de plus en plus à l’étroit, on étouffe, c’est ce qui s’est passé à l’époque (d’Hitler ndlr) et une personne très intelligente est venue (Hitler donc) et a dit hé là, on va résoudre ça » ; « Qu’estce qu’on demande maintenant, exactement la même chose ». Le journaliste ne lui a pas demandé si elle comptait tous les gazer, les Turcs, les Marocains et l’Islam en général, mais finalement, elle n’est que onthaalmoeder, son domaine c’est l’éducation et là aussi elle semble avoir des idées bien arrêtées (à la droite de la droite). Elle n’est pas d’accord du tout avec les principes éducatifs de Kind en Gezin pour cause de trop de liberté accordée à l’enfant « ik doe niet mee, ik doe absoluut niet mee » et les enfants des « gens avec foulard » ? demande le journaliste « die komen er niet in » (ils ne rentrent pas ici). Selon Leen Dubois, la représentante de Kind en Gezin interrogée à chaud après le reportage, l’organisme n’avait pas de preuve que « ces valeurs portent atteinte à l’intégrité physique et morale des enfants »…. Le lendemain pris dans l’oeil du cyclone médiatique, Kind en Gezin retirait la licence. ■

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LE

DE LÉON LIEBMANN

Belgique. D’un régime en crise à une crise de régime ?

M

on titre sera sans doute jugé trop alarmiste, malgré le point d’interrogation qu’il comporte in fine, par certains de mes lecteurs qui misent sur l’art du compromis qu’on prête volontiers à nos dirigeants politiques et qui, une fois de plus, devrait se déployer opportunément au moment où d’aucuns désespèrent de le voir à nouveau prévaloir. Je voudrais pouvoir partager leur inébranlable optimisme mais trop de problèmes apparemment inextricables ont envahi et obscurci notre horizon national pour qu’on puisse légitimement les minimiser. Si aucun d’entre eux ne me paraît, considéré isolément, à proprement parler insoluble, leur accumulation a de quoi effrayer ceux qui se risquent à les aborder de face. Pour les appréhender dans toute leur ampleur et dans leur complexité, il faut partir des résultats des scrutins du 7 juin dernier. Les ayant analysés dans ma précédente chronique, je pourrai me contenter d’en rappeler les points les plus saillants. Du côté flamand, on a assisté à un double chambardement dans l’électorat d’extrême droite : le recul considérable du Vlaams Belang - qui perd près d’un tiers de « ses » voix et un peu plus d’un tiers de « ses » sièges - et la progression tout aussi importante de l’ensemble de l’extrême droite qui, crevant tous ses plafonds antérieurs, dépasse,

au total, 36 % du corps électoral et cela à la suite d’une très forte poussée de la N-VA du leader populiste et charismatique Bart De Wever. Le CD&V est le seul parti « traditionnel » à tirer son épingle du jeu. Il se maintient en tant que premier parti flamand et obtient à peu près 23 % des suffrages. Ses deux ex-compères et concurrents, l’Open VLD à droite, et le SPA à gauche, connaissent de nouveaux revers et voient leurs électeurs les quitter de plus en plus massivement. Quant au parti Groen, il se maintient péniblement aux alentours de 7 %. Du côté francophone, Ecolo est le seul à progresser sensiblement en faisant plus que doubler son capital de voix et de sièges. Les partis traditionnels apparaissent les plus stables : le CDH fait quasiment du surplace ; le MR perd un siège tant à Bruxelles qu’en Wallonie et le PS, lui, recule sensiblement par rapport à 2004 mais regagne une grande partie des voix qu’il avait perdues en 2007. Enfin, le Front National est en chute libre, perdant toute représentation parlementaire aussi bien à Bruxelles qu’en Wallonie et, subséquemment, à la Communauté Française. Au vu de ces résultats aussi tranchés que disparates, les leaders politiques ont réagi tout aussi diversement que leurs électorats respectifs. Du côté flamand, c’est le CD&V Kris Peeters, ministre-président

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du gouvernement sortant, qui, dès l’annonce des résultats, prit les choses en mains et, dans un premiers temps, convoqua tous les chefs de partis flamands pour un premier tour d’horizon des problèmes à traiter. Il passa très rapidement aux choses sérieuses, ne gardant autour de lui que les présidents du CD&V, du SPA et de la NVA, écartant donc l’Open VLD, son ex-rival, de la participation à l’exécutif flamand. L’accord des trois partis précités s’avéra beaucoup plus aisé que prévu et le nouveau gouvernement a pu être très rapidement constitué sur cette base.

D

u côté francophone, on assista à une « première » par rapport à tous les cas de figure connus dans le passé : c’est Jean-Michel Javaux, président du troisième parti en degré d’importance, qui prit l’initiative des premiers contacts en vue de l’élaboration d’un programme de gouvernement d’abord au niveau wallon, puis bruxellois et enfin « communautaire ». L’originalité de sa démarche ne se limita pas à cela : il prit d’abord langue avec la direction du CDH, quatrième parti francophone en ordre d’importance, pour mettre au point les grandes lignes d’un accord gouvernemental. La manœuvre s’avéra fort habile : l’embryon d’accord conclu entre Ecolo et le CDH fut entièrement approuvé par les deux « grands », chacun d’eux


craignant, en cas de rejet ou de réserves explicites de sa part, d’être écarté du pouvoir au profit de « l’autre grand ». Fort de ces deux acceptations, le « bloc » Ecolo-CDH décida de ne plus négocier qu’avec le PS - dont il se sentait plus proche sur les plans économique et social - et cela aussi bien en Wallonie qu’à Bruxelles et dans la Communauté Française.

L

es négociations aboutirent assez rapidement à des alliances formalisées sur des platesformes gouvernementales et à la constitution d’exécutifs tripartites (PS, Ecolo et CDH) tous les trois dirigés par des socialistes. Ne resta sur la touche que le MR dont le veto contre la participation du PS se retourna contre lui-même. Tandis que ces deux approches si différentes l’une de l’autre s’avérèrent fructueuses, le gouvernement fédéral qui, bien avant la campagne électorale du printemps dernier, était paralysé par ses contradictions internes entre les positions des 5 partis (CD&V, Open VLD, PS, MR et CDH) constituant sa majorité parlementaire, allaitil enfin sortir de son quasiimmobilisme ? On se rappelle que le premier Ministre de l’État fédéral, Herman Van Rompuy, avait publiquement déclaré qu’il ne traiterait qu’après les élections du 7 juin les épineux problèmes de son ressort, et cela dans l’ordre de ce qu’il estimait être leur degré d’urgence et d’acuité. Jusqu’ici, un seul de ces problèmes à haute valeur symbolique, celui des demandeurs d’asile et des autres candidats à l’obtention

d’un droit de séjour de plus ou moins longue durée, a été pris à bras le corps et a fait enfin l’objet de mesures concrètes applicables depuis le 15 septembre. Un compromis a, en effet, pu être trouvé entre les diverses composantes de la majorité parlementaire fédérale. L’accord comporte l’indication de critères permettant, si un d’entre eux est rempli, la régularisation individuelle du demandeur et de ses éventuels ayants-droit. Mais le texte adopté par le gouvernement fédéral ne s’applique qu’aux cas « en cours » et ne préjuge en rien des normes à faire respecter aux situations qui se présenteront à l’avenir.

J

e n’énumèrerai pas de façon exhaustive la liste des sujets qui doivent encore être traités au niveau fédéral dans les six prochains mois, selon l’échéancier concocté par Van Rompuy et ses acolytes. Je n’en citerai que ceux dont le premier ministre a luimême reconnu le caractère « urgentissime » : la réforme de la justice devant notamment mettre fin à ce qu’on appelle pudiquement et abstraitement ses « dysfonctionnements » ; les critères applicables à la régularisation des demandeurs d’asile et des cas assimilables ; l’adoption du budget fédéral pour 2010 et 2011, alors que les prévisions les plus sérieuses et les mieux étayées tablent sur base de la législation actuelle, sur un déficit de 20 à (plus probablement) 25 milliards d’euro ; la nécessité d’une sérieuse et efficace régulation bancaire ; la politique énergétique et de l’environnement ; enfin et c’est

sans doute la tâche la plus hardie et la plus ardue à entreprendre : la réforme institutionnelle, tant de fois mise en chantier et autant de fois renvoyée aux calendes grecques.

I

l n’est plus temps d’encore tergiverser. Il faut traiter et résoudre tant bien que mal les problèmes sérieux et complexes qui concernent le peuple belge tout entier et pas seulement les plus excités des deux blocs linguistiques qui veulent imposer leurs vues partisanes à l’ensemble de la population. La discussion sera malaisée. Elle n’en est pas moins indispensable car aucun des deux camps ne se soumettra aux ukases et aux veto de son « partenaire ». Un seul exemple de ces attitudes matamoresques qui risquent de braquer le camp d’en face et d’empêcher tout rapprochement des thèses en présence : vouloir imposer à « l’autre » la teneur des sujets à traiter et, cerise sur ce gâteau déjà si peu engageant, des solutions concoctées par les uns et toujours rejetées par les autres. La partie sera serrée. L’heure est à la conciliation et à la réconciliation ou, à défaut, à une interminable confrontation ne pouvant déboucher que sur un nouvel et sans doute irréparable échec. Notre régime est en pleine crise. Si nos dirigeants ne mettent pas de l’eau dans leur vin, ils finiront par provoquer une crise de régime qui elle-même, à plus ou moins brève échéance, mettra en péril la pérennité de nos institutions. Pour l’éviter, lançons cet appel mobilisateur à nos mandataires publics : « soutenez les droits de l’Etat belge, garants de l’État de Droit ». ■

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cultes et laïcité L’affaire de l’Aftonbladet CAROLINE SÄGESSER

L

’Aftonbladet est le journal le plus lu en Suède. Le 17 août dernier, il a consacré un article à des trafics d’organes organisés aux États-Unis et en Israël. Si un réseau d’importation illégale d’organes à des fins mercantiles a bien été démantelé au New Jersey, et si des Juifs religieux ont effectivement été arrêtés par le FBI dans le cadre de l’enquête, en revanche, la seconde partie de l’article qui expose un soi-disant trafic d’organes prélevés sur des Palestiniens morts ou même, sous-entend-t-il, tués pour cette raison, ne repose sur aucun fait. Le journaliste accorde crédit aux allégations de Palestiniens, choqués de recevoir les corps de leurs proches portant de longues sutures (résultat des autopsies) et aux rumeurs d’enlèvement qui circulent parmi eux. Il appelle, dans sa conclusion, à faire la lumière sur cette activité macabre, et à révéler ce qui se passe dans les Territoires occupés. On se demande comment un journal, certes sensationnaliste mais pas complètement trash, qui existe depuis plus de 175 ans, et dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que la Confédération suédoise des syndicats, a pu publier un tel article. Sans doute faudrait-il être suédois pour apporter une réponse. L’article a suscité l’indignation en Israël et dans les organisa-

tions juives du monde entier qui ont condamné l’antisémitisme du journaliste et relevé que son propos rappelait méchamment les accusations moyenâgeuses de meurtres rituels (blood libels) à l’encontre des Juifs. La lecture de l’article, postérieure naturellement à l’explosion du scandale, et dans sa traduction anglaise (mon suédois n’étant pas des plus fluides), ne me permet personnellement pas de conclure qu’il s’agit d’un article ouvertement antisémite. C’est assurément du très mauvais journalisme, l’hostilité de l’auteur à l’égard d’Israël ne fait pas de doute et ses intentions antisémites sont très probables. Mais dans sa rédaction - le mot « juif » en est d’ailleurs absent - il ne me paraît, personnellement, pas possible de condamner l’article pour son antisémitisme.

«CRÉDIBILITÉ» ET ANTISÉMITISME En revanche, ce qui me semble assurément révélateur d’un antisémitisme toujours virulent, c’est la crédibilité immédiatement accordée aux allégations du journaliste dans le monde musulman, dans les milieux d’extrême droite, mais aussi, hélas, dans certains cercles de gauche, pro-palestiniens. Quiconque souhaite se « choper » une solide déprime n’a qu’à taper « aftonbladet » dans un moteur de recherches pour se re-

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trouver aiguillé sur une foule de sites qui affichent, impunément, des propos qui révèlent la haine des Juifs. Et il est certain que ceux qui sont capables de lire l’arabe peuvent accéder à un degré supplémentaire dans le dégoût. Pour cette raison, il me paraît difficile de suivre le journaliste d’Haaretz Gideon Levy qui écrit que « Le Ministre des Affaires Etrangères Avigdor Lieberman aurait dû envoyer un gros bouquet de fleurs à Donald Boström, le journaliste suédois qui a écrit cet article. (… ) Cela faisait longtemps qu’un tel atout de propagande n’était pas tombé entre les mains des amis de l’occupation. Cela faisait longtemps qu’un aussi grand tort n’avait pas été causé à ceux qui essayent sérieusement de documenter les horreurs de l’occupation. (…) Tout comme la comparaison perverse avec les Nazis, toute exagération dans la description de la cruauté de l’occupation finira par nuire à la lutte menée contre elle. Il est facile de prouver qu’Israël ne s’est pas livrée au trafic d’organes palestiniens, tout comme il est facile de prouver que les soldats israéliens n’agissent pas comme des nazis et qu’Israël ne commet pas de génocide. Cela ne veut pas dire que l’occupation ne soit pas immorale, criminelle et brutale. Ces fausses histoires servent la propagande israélienne : Regardez ! Nous


avons publié un démenti, nous avons prouvé que l’occupation n’était pas aussi cruelle qu’ils le disent, et nous avons jeté le doute sur tous les autres témoignages sérieux et parfaitement fondé » »1. Car non, il ne sera pas facile de prouver que Tsahal ne se livre pas à un trafic d’organes, et ne tue pas des Palestiniens pour prélever leurs organes. Parce qu’effectivement, des choses horribles se passent dans les Territoires occupés, et des Palestiniens meurent sous les balles de Tsahal (le drame est d’ailleurs bien qu’ils meurent, et non pas le sort réservé à leurs dépouilles.) Mais surtout, il sera impossible de convaincre le monde que les allégations de l’Aftonbladet sont dénuées de fondement, parce que trop de gens ont envie de les croire vraies, parce qu’ils sont antisémites à des degrés divers, ou parce qu’ils sont imprégnés d’un antisionisme qui y confine. Aussi, il ne me paraît pas possible de se réjouir de la publication d’un tel article.

CARICATURES ET DIPLOMATIE Revenons aux réactions qu’il a suscitées. Sa publication a déclenché une mini-crise diplomatique entre Stockholm et Jérusalem. Devant les protestations du gouvernement israélien, l’ambassadrice de Suède à Tel-Aviv a, dans un premier temps, condamné l’article, avant d’être désavouée par son propre gouvernement, qui tint à rappeler son attachement à la liberté d’expression, ce qui déclencha une nouvelle protestation, et bientôt des appels au boycott fusèrent de part et d’autre. Avigdor Lieberman se laissa aller à déclarer qu’il était honteux que le ministère des Affaires étrangères suédois ne s’ex-

prime pas sur des propos diffamatoires contre les Juifs, ce qui lui rappelait la position du pays devant Hitler. La réaction de Lieberman renforce évidemment les dommages causés par l’article, parce qu’elle contribue à accréditer l’idée selon laquelle les Israéliens ou les Juifs, c’est selon, ramènent toutes les problématiques contemporaines au judéocide qui est ainsi instrumentalisé à des fins politiques. Autre raison de déplorer la publication de l’ article de l’Aftonbladet. Quant à la tiédeur des réactions à Stockholm, elle interpelle, parce qu’elle contraste avec l’attitude des autorités lors de la publication d’une caricature du prophète Mahomet avec un corps de chien, en août 2007. Deux ans après l’affaire des caricatures danoises, la publication de ce dessin dans un journal suédois avait déclenché de vives protestations, et entraîné des menaces de mort contre l’auteur et l’éditeur du journal. Le gouvernement suédois avait alors rencontré les ambassadeurs de tous les pays musulmans et déployé, avec succès, de gros efforts pour éviter que la situation ne dégénère. Rappelons aussi qu’en 2005, lors de la crise des caricatures danoises, Jacques Chirac avait appelé à ne pas blesser les convictions d’autrui, Georges Bush avait estimé inacceptable cette incitation à la haine religieuse et ethnique, et le groupe Carrefour avait annoncé le retrait des produits danois de ses magasins au Moyen-Orient…

RESPONSABILITÉ DE LA PRESSE

peuvent expliquer la différence de réactions, il me semble que la nature des publications incriminées est également un élément d’explication. Dans un cas, on publie des dessins jugés blasphématoires par les croyants d’une religion, et, devant l’indignation suscitée, des excuses plus ou moins profondes, plus ou moins sincères, sont prononcées devant ce manque de respect à l’égard d’une religion. De l’autre, on publie un article calomnieux pour des hommes et des femmes, les soldats de Tsahal, qui sont déjà dans une position extrêmement difficile et qui essuient plus de critiques qu’ils n’en peuvent sans doute porter. Et l’on se retranche ensuite devant la liberté de la presse, ou même la liberté d’expression tout court, pour ne pas exprimer même des regrets face à l’attitude du journal. Alors qu’il ne s’agit pas ici de liberté d’expression mais bien de responsabilité de la presse. Responsabilité qui emporte une obligation de vérification des sources, mais qui ne comporte pas l’obligation de respecter la religion et les valeurs d’autrui. N’est-il pas, selon notre échelle humaniste de valeurs, beaucoup plus grave d’accuser sans preuve quelqu’un d’un crime qu’il n’a pas commis que de critiquer une religion ? On aimerait le croire. ■

1

Gideon Levy, « Swedish article on organ harvesting was cheap and harmful journalism », Haaretz, 27 août 2009.

Si le poids démographique des musulmans, l’enjeu économique que représente l’accès aux marchés des pays musulmans et la crainte du terrorisme islamiste

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société Se faire entendre dans la rue belge et immigrée La revue du MRAX a publié dans sa dernière livraison (MRAXinfo n° 187) un dossier consacré aux répercussions du conflit israélo-palestinien. Nous en reprenons une interview d’Henri Wajnblum, rédacteur en chef de Points critiques et co-président de l’UPJB.

Beaucoup de gens estiment que l’antisionisme est la nouvelle sorte d’antisémitisme, qu’en pensez-vous ? Il est certain que l’antisionisme sert parfois de paravent. Je pense que c’est tout à fait évident mais il ne faut pas généraliser pour autant. L’antisionisme est d’abord une conception politique, elle se discute et se débat. Il y a d’ailleurs des Israéliens antisionistes, au même titre que des Juifs de la diaspora. S’il est donc vrai que l’antisionisme sert parfois de paravent à certains pour manifester des sentiments antisémites, il est erroné d’en conclure que l’antisionisme est globalement la nouvelle forme d’antisémitisme ! Vous parliez d’éventuel paravent pour des antisémites. Où se situe pour vous la différence ? Est-ce que vous l’avez sentie, pour votre part, dans l’importation du conflit en Belgique ? Oui cela fait un bout de temps que je le sens. Lors de débats auxquels j’ai eu l’occasion de participer, des clichés me semblent refaire surface : les Juifs et l’argent, par exemple, etc. Il ne fait aucun doute que ce phénomène existe mais, encore une fois, je ne veux absolument pas généraliser ! Et si des antisionistes continuent à dé-

fendre cette position, c’est parce qu’ils considèrent que le sionisme n’était pas et n’est pas la solution, la réponse, à la question juive. Il y a aussi du ressentiment que j’appellerais antijudaïsme ou anti-israélisme ; tout simplement parce que des gens qui se sentent plus ou moins concernés par le conflit réagissent de façon viscérale. Vous venez de parler du fait que pour certains cela devenait de l’anti-israélisme. Étant donné que l’État d’Israël base sa création sur un principe qui est le sionisme, notamment concrétisé par la loi du retour, et symbolisé par un signe religieux sur son drapeau, est-ce qu’il est possible d’être antisioniste sans être anti-israélien ? Il faut quand même se rendre compte qu’Israël est un fait accompli. C’est un État qui existe, il est reconnu par la communauté internationale, il est même reconnu par l’OLP. Depuis les accords d’Oslo, on ne négocie plus sur la disparition d’un État mais sur l’avenir des territoires occupés. C’est un fait mais il est vrai que certains continuent à contester les bases même de la création de l’État d’Israël et surtout la philosophie selon laquelle cet État doit être un État juif. On peut être

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antisioniste, tout en étant un patriote israélien aujourd’hui. Je dirais aussi qu’on peut être antisioniste sans être anti-israélien, sans pour cela être opposé à la politique d’Israël et à celle d’un État juif ethniquement homogène avec des droits citoyens pour les minorités. Vous avez participé à la manifestation du 11 janvier, est-ce que vous avez pu observer des dérives ? Ecoutez, il y avait trente mille personnes, les mots d’ordre étaient bien clairs et acceptés par la majorité des manifestants. D’ailleurs, l’UPJB avait aussi appelé à la manifestation. On ne peut pas nier pourtant qu’il y ait eu des dérives et elles ont été de deux ordres. D’une part, on a entendu des groupes, manipulés d’une manière ou d’une autre, qui professaient des inexactitudes historiques. Sur trente mille manifestants, environ un millier a été à la base des dérives. La toute grosse majorité des manifestants était là pour crier sa colère. C’est quelque chose que je peux comprendre et accepter, je peux moi-même crier ma colère. Quand on crie « Israël assassin », il faut reconnaître qu’Israël s’est effectivement rendu assassin dans son offensive à Gaza. Par contre,


quand on crie « Gaza égale Auschwitz » ou « Gaza égale la croix gammée », je ne peux pas l’accepter, c’est tout à fait inexact. Dire qu’il y a un génocide dans les territoires palestiniens est faux. Le génocide est un terme juridique très pointu qui veut dire ce qu’il veut dire. On peut parler de crime de guerre ou contre l’humanité, il y a suffisamment de termes pour ne pas devoir avoir recours à ce terme. Ensuite, on a vite fait d’assimiler tous les Juifs a ces actes qui sont considérés comme relevant du génocide. Il y a eu aussi des slogans plus graves encore qui étaient criés contre les Juifs. « Mort aux juifs » fut crié dans un certain nombre de groupes. Je ne nie pas que la colère soit légitime mais je dirais que les groupes qui savent qu’il y a une organisation juive présente, ne serait-ce que par égard pour sa sensibilité, devraient s’abstenir de tels slogans. Il est certain que, dans beaucoup de cas, ces slogans sont criés pour faire mal aux Juifs. On vise parfois l’ensemble des Juifs, parfois les communautés juives de la diaspora. Le service d’ordre a bien fait son boulot mais tout n’était pas contrôlable vu le nombre de personnes présentes. Pour notre part, nous aurions voulu pouvoir prendre la parole à la fin de la manifestation. Le président du CCOJB a parlé de négationnisme, qu’en pensez-vous ? Il n’y avait rien de négationniste. Au contraire, en comparant ce qui se passe à Gaza au judéocide, on ne nie pas la Shoah ! Il est certain que Gaza, c’est l’horreur et donc comparer l’horreur à une autre horreur incommensurable, ce n’est pas nier le judéocide... L’aspect qui nous intéresse le plus dans cette interview, ce

sont les importations du conflit. Est-ce que les diasporas ne seraient pas plus facilement manipulables sur le plan de l’attachement à une communauté en tant que telle ? Effectivement, je crois que oui. Je me dis que si ce type de comparatif se produisait en Palestine, je pourrais le comprendre, sans l’approuver. Pour eux, c’est l’horreur et les gens confrontés à l’horreur ne font pas nécessairement dans la nuance. Mais ici, on a du recul et on peut réfléchir. Néanmoins, curieusement, il apparaît que les communautés issues de l’immigration ont tendance, soit à devenir plus palestiniennes que les Palestiniens et, en ce qui concerne les Juifs, à devenir plus israéliens que les Israéliens. Une violence s’exacerbe, bien qu’heureusement, on soit encore dans les mots et pas dans la violence physique. Le conflit est bien importé par les deux communautés, tout simplement parce qu’elles sont sensibles à la question. La communauté juive est, dans sa grande majorité, pro-israélienne, pro-politique israélienne. Quelle est la place d’opposants minoritaires au sein de la communauté juive en Belgique ? Nous sommes assez marginalisés et ostracisés dans la communauté. Mais, petit à petit, on sent qu’au sein des différentes tendances, la coupe déborde par rapport à ce qui se passe en Palestine. Trop c’est trop, ce qui s’est passé à Gaza est inacceptable, et je veux croire que nous sommes pour quelque chose dans cette prise de conscience. Par ailleurs, je n’aime pas quand on dit que l’attitude d’Israël provoque l’antisémitisme. L’antisémitisme est un racisme, et comme tout racisme, il est inacceptable. On peut être

anti-israélien mais devenir pour le coup antisémite, je n’y crois pas. C’est qu’il y avait déjà un relent de racisme chez les gens qui disent qu’ils deviennent antisémites à cause de l’attitude d’Israël. Je ne l’accepte évidemment pas. Il est important que la voix de l’UPJB se fasse entendre dans la rue belge et immigrée. C’est aussi pour cette raison que nous avons décidé de ne pas quitter la manifestation du 11 janvier. Il faut éviter de globaliser, tous les arabes ne sont pas terroristes ou antisémites ! Il n’en reste pas moins que notre voix, et ce message dans la communauté juive, restent assez minoritaires. Ne pensez-vous pas que l’attitude de ce petit millier de manifestants contribue à renforcer une autre forme de racisme, à savoir, l’islamophobie ? L’islamophobie a augmenté autant, si pas davantage, dans la communauté juive que dans la communauté belge en général, après le 11 septembre. La méfiance, l’amalgame entre islam et islamisme font leur chemin. Les dérives islamophobes sur radio judaïca sont édifiantes. C’est aussi pourquoi nous pensons que notre présence dans ce conflit est nécessaire. Il est important de faire connaître une autre voix juive comme il est important de faire connaître une autre voix israélienne, celle des opposants. Nous continuerons à le faire avec des précautions, comme la possibilité de pouvoir prendre la parole, par exemple, au terme de manifestations telles que celle du 11 janvier. ■ Propos recueillis par Erdem Resne Avec l’aimable autorisation du MRAX

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activités vendredi 2 octobre à 20h15 Images de la vie juive en Belgique par les cartes postales au XIXe et XXe siècles Conférence-débat avec

Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique La carte postale ancienne, support narratif de plus en plus utilisé, constitue une documentation inédite sur la vie juive en Belgique, encore méconnue du public. Pour la première fois, une telle iconographie projette un éclairage particulier sur l’histoire des Juifs en Belgique dans les domaines aussi divers que la toponymie, les célébrités, les activités professionnelles, les événements, l’anti-judaïsme chrétien et l’antisémitisme politique, ou bien encore les fêtes et les institutions religieuses. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

vendredi 23 octobre à 20h15 Conférence-débat autour du livre Marcel Liebman. Figures de l’antisémitisme Textes choisis et introduits par Jean Vogel Le livre comprend l’ensemble des textes consacrés par Marcel Liebman aux différentes formes de l’antisémitisme, ainsi que leurs manifestations dans l’histoire et dans la société contemporaine. Sont abordées successivement les relations entre l’antisémitisme et le fascisme, la catholicisme, le communisme et le sionisme. Marcel Liebman avait notamment prédit que la poursuite de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens finirait par alimenter de nouveaux développements de l’antisémitisme au niveau international. Dans son introduction, Jean Vogel confronte les enseignements de Liebman à la situation actuelle. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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vendredi 9 octobre à 20h15 Rencontre et dialogue avec

Omer Sharir et Michal Raz, membres du collectif des Anarchistes Contre le Mur Le collectif des Anarchistes Contre Le Mur (Anarchist Against The Wall : AATW) a été créé au mois d’Avril 2003, suite à un campement de résistance qui s’est tenu aux abords du village de Mas’ha, situé à 6 km de la ligne verte. Sous la pression de la construction du mur qui confisquait ses terres, le comité populaire local du village avait invité israéliennes et israéliens à venir se joindre à la lutte contre le plan de ségrégation imposé de force par leur propre gouvernement. Une des actions que le collectif AATW coordonna fut de venir à Mas’ha pour intervenir directement sur l’élévation de la barrière de séparation, en y Bil’in sectionnant le grillage de son portail principal. Durant cette action, l’armée israélienne utilisa pour la première fois des tirs à balles réelles à bout portant contre le groupe de manifestants. Gil Na’amati, membre du collectif fut grièvement blessé. Aujourd’hui, joindre le mouvement de soulèvement populaire palestinien devient une entreprise de plus en plus difficile et le défi des Anarchistes Contre le Mur est de maintenir et d’élargir à long terme son réseau de communication et de présence sur le terrain en collaboration avec les divers comités populaires locaux. Les Anarchistes Contre le Mur persévèrent dans leur soutien aux nouveaux villages susceptibles de participer à la lutte, maintiennent leur présence durant les diverses manifestations organisées par les comités populaires locaux et programment de nouvelles actions directes visant à enrayer le mécanisme de construction et d’entretien du mur. Afin de rendre possible son action, le collectif Anarchistes Contre le Mur appelle à un soutien financier afin de pourvoir principalement : • Aux coûts de représentation légale qui s’élèvent à 50.000 EURO par an. • Aux coûts de transport qui s’élèvent à 9.600 EURO par an. • Aux coûts de matériel qui s’élèvent à 3.000 EURO par an. Omer Sharir et Michal Raz nous feront part plus en détail de la nature de l’action de leur collectif, un des plus dynamiques aujourd’hui au sein du camp israélien du combat contre l’occupation et la construction du Mur. Nos échanges seront entrecoupés par la projection de courts documents qui illustreront leurs propos. Nous vous demandons de venir nombreux à cette soirée. Il ne s’agira en effet pas seulement de venir nous informer, mais aussi de manifester notre solidarité avec ces jeunes qui n’hésitent pas à affronter la violence de la répression des forces armées israéliennes pour dénoncer la politique d’annexion de leur gouvernement. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO

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samedi 24 octobre à partir de 14h

Atelier et soirée « cuisine juive » Gehakte leyber, latkes, krupnik, keys kihen, borcht, kreplers, eppel kihen, gefilte fish, matzobra, ...

Autant de mots magiques qui font saliver rien qu’à les entendre ou les lire Non ? ! Vu le plaisir rencontré par les participants à l’atelier d’avril dernier, on remet le couvert. Certains d’entre vous s’en souviennent, d’autres voudraient s’en souvenir, d’autres encore voudraient connaître... Cuisiniers confirmés et apprentis en herbe, rejoignez-nous. Convivialité et léchages de babines garantis !

Au programme : 14h : .Gehakte leyber (à l’authentique !) et gehakte hering - Chef cuistot : Lorne Walters .LE goulash hongrois - Chef cuistot : André Reinitz .L’inattendu et succulent lokshn pudding - Chef cuistote : Nathalie Dunkelman Vers 17h : pause cuisson Dès 19h : repas-dégustation et plotkes (bavardages) Ne laissons pas s’engloutir dans l’oubli toutes ces recettes si douces au palais. Ce deuxième atelier est là pour laisser s’exprimer à travers goûts et arômes le quotidien de certaines des traditions juives les plus savoureuses. PAF : Atelier seul 5 EURO, Atelier + repas 7 EURO, Repas seul 10 EURO

Réservation indispensable avant le 20 octobre tant pour l’atelier que pour le repas du soir au 02.537.82.45

Bloquez déjà cette date dans votre agenda

Mardi 10 novembre à 20h à l’auditorium 12215 de l’ULB Conférence-débat sur le thème de la situation des citoyens palestiniens d’Israël Un partenariat : UPJB, Dor Hashalom, Cercle des étudiants arabo-européens Tous les détails dans le prochain numéro de Points critiques

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Femmes en résistance Exposition et conférences du 12 au 15 novembre Du 12 au 25 novembre, exceptionnellement l’UPJB se délocalise en participant à la Quinzaine des femmes avec l’exposition « Femmes en résistance » au Petit Théâtre Mercelis. L’exposition est consacrée à quatre femmes du Mouvement « Solidarité Juive » : Maggy Volman, Yvonne Jospa, Sonia Goldman et Sarah Goldberg. Leur parcours de militantes infatigables est évoqué par des images et des textes qui mettent en relief leur engagement. Le vernissage de cette exposition aura lieu le jeudi 12 novembre à partir de 18h30. Théâtre Mercelis, 13 rue Mercelis, à Ixelles. Lors de la quinzaine des femmes, deux conférences seront données à l’Hôtel de ville de Bruxelles: celle de Jo Szyster le 13 novembre à 20h15 « Quatre résistantes de ‘Solidarité juive’ ». La conférence est consacrée à ces quaFélicie Aron-Lewin tre femmes du Mouvement « Solidarité Juive » : Maggy Volman, Yvonne Jospa, Sonia Goldman et Sarah Goldberg, quatre femmes qui ont milité toute leur vie contre l’antisémitisme et le racisme et activement combattu le fascisme et le nazisme. Et le 17 novembre à 20h15 également à l’Hôtel de ville de Bruxelles, celle de Jacques Aron consacrée à « Félicie Aron-Lewin, résistante belge condamnée par la Wehrmacht, déportée comme juive par les SS ». Compagne de Jean Guillissen, dirigeant communiste des Partisans armés qui fut condamné à mort et exécuté malgré d’innombrables protestations, Félicie Aron-Lewin fut arrêtée et fut condamnée à trois mois d’emprisonnement. À l’issue de sa peine, la SS s’en saisit pour compléter le IIIe Convoi vers Auschwitz, auquel manquaient 269 Juifs. Le destin d’une fille d’émigrés juifs avait rejoint celui du fils de patriotes belges. Le récit d’une rencontre avec l’histoire.

Sarah Goldberg, deuxième à partir de la gauche

Conférences à l’Hôtel de ville, Grand-place à 20h15.

samedi 26 novembre à 20h15 Notez dès à présent :

Concert « place aux jeunes » avec

Yvan Rather, Noé Preszow et leurs groupes « guest » surprises octobre 2009 * n°299 • page 27


UPJB Jeunes Nouvelle année CAROLINE SÂGESSER

C

’est parti pour une nouvelle année ! Notre calendrier, qui nous a fait entrer en 5770 le mois dernier, place l’an neuf en même temps que la rentrée scolaire (aïe) et que la rentrée pour notre mouvement de jeunes (chouette !). Après avoir vécu de belles vacances ensoleillées, scandées par un camp d’été pour la première fois depuis longtemps hors de nos frontières, tous nos jeunes, leurs monos, leurs parents et les membres de l’UPJB se sont retrouvés pour un grand pique-nique de Rosh Hashana. Ce fut l’occasion d’évoquer les projets de l’année qui s’ouvre. Confortés par le grand succès de ce camp d’été, nous préparons déjà le prochain camp d’hiver, qui

aura lieu, notez le déjà, aux vacances de Carnaval (soit du 13 au 20 février 2010). Avant cela, nous nous retrouverons chaque samedi après-midi pour partager des rires, des jeux bien sûr, mais aussi pour apprendre et grandir ensemble dans le respect de l’autre et dans celui des valeurs qui sont celles de l’UPJB. C’est la raison d’être de notre mouvement. À l’UPJB-jeunes, chacun est le bienvenu, et est invité à développer sa personnalité et ses talents propres. Il est aussi convié à apprendre les mécanismes de la vie en groupe, et à trouver ses propres solutions pour améliorer le vivre ensemble. Notre tradition juive met en effet l’accent sur la responsabilité. Responsabilité visà-vis de soi même d’abord, notamment de respecter son corps et son esprit, et de chercher sans cesse à apprendre et à progresser ; responsabilité collective ensuite, vis-à-vis de son groupe, bien sûr, mais aussi

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vis-à-vis de la société tout entière. À l’UPJB-jeunes, la conscience de cette responsabilité et la solidarité ne sont pas des mots creux. L’action menée en soutien des sans-papiers en est une vivante illustration. Nous sommes responsables. D’autant plus pour nous, Juifs et laïques, que toute notre existence s’écrit au présent. C’est aujourd’hui qu’il faut améliorer le monde. La lutte contre le réchauffement climatique, le combat pour une paix juste au Moyen-Orient et la restauration des droits des Palestiniens, la réduction des inégalités dans notre société, l’intolérance de toute manifestation de racisme et d’antisémitisme sont des combats qui doivent être menés aujourd’hui. Modestement, l’UPJB-jeunes apporte sa pierre à l’édifice. L’UPJB-jeunes est, elle aussi, une organisation de jeunesse juive et laïque. La laïcité juive se différencie de la laïcité chrétienne en ce qu’elle n’est pas de combat. Nous ne rejetons personne, nous n’avons pas à nous dégager du joug d’une quelconque autorité religieuse. Nous affirmons simplement, et vivons au quotidien, ce qu’une terrible expérience nous a appris : la gestion de la cité est l’affaire de chacun. Notre laïcité se traduit dans un en-


Carte de visite L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus pour les enfants de 6 ans ou qui entrent en

Les 1ère primaire Moniteurs :

Félicia : 0472/62.06.95

Volodia : 0497/26.98.91 Les

Janus Korczak pour les enfants de 7 à 8 ans

Moniteurs : Max : 0479/30.75.71 Mona : 0487/35.77.15 Les

gagement quotidien à travailler à un vivre ensemble harmonieux où chacun peut s’épanouir librement. Elle n’a pas besoin d’organiser des cérémonies de Bar/BatMitsvah laïques ou d’allumer des bougies le vendredi soir (même s’il n’ya aucun mal à le faire, bien sûr). Voilà pourquoi l’UPJB-jeunes est un mouvement de jeunesse qui n’est semblable à aucun autre. Selon les mots d’Armand Abécassis, la « tradition juive rend l’homme inassimilé car inassimilable »1. Notre spécificité est une richesse. Venez la partager, chaque samedi, on vous attend. ■ 1

Armand Abécassis, Rue des Synagogues, Robert Laffont, 2008, p.359.

Émile Zola pour les enfants de 9 à10 ans

Moniteurs : Sheva : 0499/27.80.50 Lucas : 0476/56.72.37 Valentine : 0494/59.43.09 Les

Yvonne Jospa

pour les enfants de 11 à 12 ans

Moniteurs : Ivan : 0474/35.96.77 Léone : 0479/36.17.44 Cyril : 0474/26.59.09 Les

Mala Zimetbaum

pour les enfants de 13 à 15 ans

Moniteurs : Alice : 0476/01.95.22 Théo : 0485/02.37.27

Informations : Noémie Schonker - noschon@yahoo.fr - 0485/37.85.24

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hommage Henri Gross (Kangourou) 1934-2009 Le conseil d’administration de l’UPJB ainsi que le comité de rédaction de Points critiques présentent à Catherine, Claude et Laurent, ses enfants, à Ilan, Samy et Sarah, ses petits-enfants, à Clairette Schock, sa compagne, à Gisèle et Sylvain, ses soeur et frère, aux familles Gross et Liebermann ainsi qu’à Simone Klajman leurs plus sincères condoléances suite au décès de Henri Gross.

Nous étions la bande des quatre. Nous faisions partie de l’équipe de basket-ball, qui fit les derniers beaux jours de l’ « Unité », fleuron sportif portant haut les couleurs de l’USJJ. Nous étions quatre mousquetaires, Charles Epstein, dit Autruche. Il fallait voir sa silhouette désaccordée sur le terrain. Il se servait du ballon comme d’un taille-haies. Arthur Taszman, sobre et modeste à défaut d’être précis, surpris lui-même si par hasard son ballon rencontrait le panier. Moimême, la chouette, j’étais dans la moyenne, légèrement supérieure. Et Henri Gross. Henri Gross, je connais peu, par contre avec Kangou, tout en félinité et gouaille, membre de l’ordre des carnivores, là l’album de famille s’éclaire. Étions-nous les plus forts, les meilleurs ? Pas sûr, mais sur la photo prise avant le match, quelle dégaine nous avions, une gueule ou s’enferraient déjà nos premières midinettes. On cessait d’avoir des projets solitaires, on n’avait plus que la crainte des séparations. Nous formions le dernier carré de l’équipe de base sous la houlette de Marcel Gudanski, notre stratège sans partage qui fustigeait notre maladresse sur le terrain. C’était sa manière à Marcel de nous secouer les cornes, à nous encourager à plus de précision dans le jeu. Nous nous tenions cois, prêts à

reconnaître tous les torts que nous n’avions pas commis, pourvu que se calme l’ire de notre mentor. Tous contrits ? Tous sauf Kangou. Sa modestie frisait le minimum légal. Il ne se prenait pas pour la moitié d’une boîte d’allumettes. Sa pyrotechnie mentale fusait à l’immédiat. Sur le terrain, il paradait comme s’il était le fils d’un capitaine d’artillerie prêt à faire feu de tout bois. Il avait cette incapacité animale à accepter toute contrainte, rien n’était anodin ou futile dans cette affaire, si modeste que soit l’enjeu. Face au panier, Kangou retrouvait sa plénitude, sa densité. La nature ne l’avait pas totalement ignoré. Elle lui fit don de l’élégance de ses gestes, il avait souvent deux points d’avance sur nous, plutôt seconds couteaux. Le basket-ball fut l’élément fondateur de notre relation d’amitié, et pour chacun de nous le point fixe de référence, Mais c’est de l’autre dimension qu’il s’agit. Nous partagions quotidiennement le manque, le creux, au-delà du défi sportif. On se déterminait au feeling. C’est cette complicité intérieure, commune, cette complémentarité qui a fait que notre amitié à défaut de rayonnement, survive à ce qui a changé dans nos vies. Kangou est de ceux qui ne vous demande pas si vous n’êtes pas malade parce qu’il ne vous a pas vu depuis une semaine. Il me recevait au bout d’un an, souvent comme s’il m’avait vu la

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veille et que nous n’avions rien fait d’autre que de nous attendre. En revanche cet ami d’époque que j’évoque en écrivant ces lignes avait un don supplémentaire, une attitude qui relève de la chevalerie espagnole, qui consiste à faire un geste deux fois supérieur à celui qu’il n’avait pas reçu lui dans sa prime jeunesse. Lorsqu’en rue nous passions devant les plantureux étals de fruits, de sucreries, que nous n’avions pas d’argent pour acheter, (nous étions aussi dénués que Cendrillon) et que nous faisions mine de ne pas en avoir envie, il trouvait le moyen d’aller acheter un de ces produits qu’il nous voyait convoiter ou de le dénicher dans le frigo toujours bien fourni (qu’il dévalisait sans vergogne) des Liebermann, ses oncle et tante qui l’hébergeaient. Cela lui était naturel, dans son ordre des choses, dans son défi permanent, dans sa séduction. Je le soupçonne fort de nous faire entendre encore aujourd’hui avec son insolence et sa nostalgie, l’inguérissable silence des rêveurs. Qu’il a préféré sans doute conserver intact, cet arrêt sur images d’un lien qui l’a, qui m’a accompagné dans la vie. Quand j’ai dit tout ça, que nous reste t-il à partager alors, sinon le souvenir ? Et bien, protégeons-le. Marcel Goldstein


est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est membre de la Fédération des Juifs européens pour une paix juste (www.ejjp.org) et est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente)

Notre ami Kangou est mort Au début des années 50, Henri Gross, Kangou (Kangourou) a rejoint l’USJJ. C’était un copain joyeux et assidu de la section Michel. Grand et costaud, avec un physique à la Yves Montand, il faisait rêver toutes les filles de sa section et mêmes plusieurs adolescentes de la section Leïbke... Mais Kangou s’intéressait plus au basket qu’aux filles. Avec son grand ami Autruche il a été un des piliers de l’équipe de basket de la section Unité qui était de fait la « section juive de la J.P.B. », la Jeunesse Populaire de Belgique. À l’âge du service militaire il a été d’office versé dans la police militaire. Sa stature imposante et son caractère débonnaire calmaient rapidement les esprits échauffés des ploucs éméchés... Kangou a épousé notre amie Simone en 1954 ; il a continué à jouer au basket jusqu’après la naissance de son fils Laurent. Kangou avait fait des études d’ingénieur. Il a commencé sa carrière dans un bureau d’études et s’était spécialisé dans le calcul des structures de béton armé. Par la suite, il a travaillé comme ingénieur de chantier dans plusieurs grosses entreprises de travaux publics et privés. À l’époque de « Contact 66 », le mouvement de relance de « Solidarité juive » initié par Léon et Mina, Kangou faisait partie de ce groupe d’anciens de l’USJJ et participait régulièrement avec sa fa-

mille aux nombreuses activités du groupe et a donc été un des acteurs de la création de l’UPJB. Cher Kangou, tes amis de l’USJJ pensent à toi. Jo Szyster

Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Sender Wajnberg, Caroline Sägesser, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Marcel Goldstein Léon Liebmann Gérard Preszow Jo Szyster Cédric Tolley Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Abonnement annuel 18 EURO Prix à l’unité 2 EURO Abonnement de soutien 30 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB (CCP 000-0743528-23). Montant minimal mensuel: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple. Ces montants sont respectivement ramenés à 5 et 7,5 EURO pour les personnes disposant de bas revenus.

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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

vendredi 2 octobre à 20h15

Images mages de la vie juive en Belgique par les cartes postales au XIXe et XXe siècles. Conférence-débat avec Philippe Pierret, conservateur conser au Musée juif de Belgique (voir page 24)

vendredi 9 octobre à 20h15

Rencontre et dialogue avec Omer Sharir et Michal Raz, membres du collectif des Anarchistes Contre le Mur (voir pages 25)

vendredi 23 octobre à 20h15

Conférence Conférence-débat autour du livre Marcel Liebman. Figures de l’antisémitisme. Textes choisis et introduits par Jean Vogel (voir pages 24)

samedi 24 octobre à 20h15

Atelier et soirée « cuisine juive » (voir page 26)

mardi 10 novembre à 20h

Conférence-débat sur le thème de la situation des citoyens palestiniens d’Israël. Auditoire 12215 à l’ULB (voir page 26 )

du 12 au 15 novembre

Femmes en résistance. Dans le cadre de la Quinzaine des femmes. Exposition et conférences. Salle Mercelis et Hôtel de Ville de Bruxelles (voir page 27)

samedi 26 novembre à 20h15

Concert « Place aux jeunes » avec Yvan Rather, Noé Preszow et leurs groupes « guest » surprises (voir page 27)

Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 1er octobre

« L’actualité politique au Proche-Orient » par Henri Wajnblum

jeudi 8 octobre

« l’actualité politique belge et internationale » par Léon Liebmann, magistrat honoraire

jeudi 15 octobre

« Quand une partie de la gauche belge était ouvertement républicaine » par Roger Barbier, professeur de français et d’histoire

jeudi 22 octobre

« Descente au cœur de la commune » visite guidée par Simone Klajman, rendez-vous à 14h45 (et départ à 15h précises) à la Maison Atelier Victor Horta 23-25 rue Américaine à 1060 Bruxelles

jeudi 29 octobre

« Du signe à l’éthique » par Michel Olyff, directeur de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie Royale de Belgique


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