n°294 - Points Critiques - mars 2009

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique mars 2009 • numéro 294

éditorial Élections israéliennes. La grande perdante : l’Autorité palestinienne

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)

HENRI WAJNBLUM

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a préoccupation majeure de la presse et de l’opinion publique israéliennes au lendemain des élections, n’est pas de savoir qui sera premier ou première ministre, mais de savoir qui sera ministre de la Défense (prononcez ministre de la Guerre), ce qui en dit long sur leur état d’esprit. Le nom le plus couramment cité, et même assez largement plébiscité, est celui d’Ehud Barak qui a encore montré à Gaza de quoi il était capable. Mais il est fort probable que le parti travailliste optera pour une cure d’opposition dans l’espoir d’enrayer l’hémorragie qui l’a fait passer de 19 à 13 siéges à la Knesset, et du rang de

deuxième parti à celui de quatrième, devancé par Kadima (28 siéges), le Likoud (27 siéges) et Israël Beitenou d’Avigdor Lieberman, ouvertement raciste et qui ne rêve que d’en découdre avec les Palestiniens de l’intérieur (15 siéges). Connaissant cependant la soif de pouvoir de Barak, il n’est pas absurde de penser, qu’il pourrait opter pour la solution qu’avait choisie Shimon Peres pour s’assurer un strapontin de ministre quand Ariel Sharon avait créé Kadima : passer du parti travailliste à ce nouveau parti… Si ce ne sera pas Barak, ce pourrait bien être Shaul Mofaz, ancien chef d’état-major, faucon notoire et rival de Tzipi Livni, il y quelques mois, lors des élections in-

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire éditorial

1 Élections israéliennes… ......................................................... Henri Wajnblum

politique d’asile

éditorial ➜

4 Sans papiers : l’heure n’est plus à l’état des lieux ....... Youri Lou Vertongen

proche-orient

6 La guerre de Gaza se termine par une défaite totale ............... Guidéon Lévy

agir

8 J’étais là, parmi eux ! ................................................................Henri D. Hurwitz

lire

10 Adolphe Nysenholc. Bubelè, l’enfant à l’ombre ...................... Françoise Nice 12 Hanna Krall. L’écriture après ...........................................Tessa Parzenczewski

regarder

13 Robert Capa. Les instantanés de l’histoire.........................................Jo Dustin

vie de l’upjb

14 Lire et entendre Marianne Rubinstein ...............................Carine Bratzlavsky

société

16 Le long chemin de l’égalité des sexes ................................. Roland Baumann

réfléchir

18 Tel Aviv sous les feux de l’actualité ....... .................................... Jacques Aron 19 Une exposition politique ? ................................................... Roland Baumann

yiddish ? yiddish !

! widYi ? widYi

20 Poyln 1968 ..................................................................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

22 Antisémite la VRT ? Antisémite ? ..............................................Anne Gielczyk

le regard 24 Le microcosme juif bruxellois en pleine ébullition................ Léon Liebmann

communauté/identité

26 L’aliénation communautaire ............................................................ Didier Buch

cultes et laïcité

28 La messe est dite... mais en quelle langue ? ..................... Caroline Sägesser

mémoire

30 Vatican : la marche arrière ..................... Un entretien avec Christian Laporte

dessiner

31 L’actualité ................................................................................................Jo Dustin 32

activités à venir upjb jeunes

36 Une rencontre avec Marianne Blume ................................... Noémie Schonker 38 40

courrier des lecteurs les agendas mars 2009 * n°294 • page 2

ternes pour la présidence de Kadima qu’il n’avait perdues que de quelques dizaines de voix (voir notre éditorial d’octobre dernier : Tzipi Livni. Une victoire ric-rac, ce qui est, malheureusement pour elle, également le cas pour les législatives du 10 février). Il n’est pas surprenant que le nom du (ou de la) futur premier ministre ne passionne guère l’opinion qui sait que, leur ego mis à part, rien ne différencie vraiment Tzipi Livni et Binyamin Netanyahu. Chacun a en effet donné à sa campagne un ton de chef de guerre, avec Gaza et la lutte contre le terrorisme en toile de fond. Quasi pas un mot sur la poursuite des négociations avec l’Autorité palestinienne, ce qui fait de celleci la grande perdante de ces élections. Et le Hamas le grand vainqueur… N’est-ce pas Netanyahu qui déclarait « Au final, il n’y aura pas d’autre choix que de renverser le gouvernement du Hamas à Gaza. Le travail n’a pas été achevé (une expression éminemment bushienne) lors de la dernière opération et nous devrons le terminer plus tard » ? Et n’estce pas Livni qui, ne voulant pas être en reste, demandait quant à elle « Qui peut mieux défendre le pays du Hamas qu’un gouvernement Livni-Barak ? Nous avons détruit la moitié de Gaza (quel titre de gloire !) et tué des centaines de terroristes (dont, faut-il le rappeler, des enfants, des femmes et des vieillards, tous terroristes aussi bien entendu). Qui osera nous chercher des noises maintenant ? » ?1 Pouvait-il rêver d’un plus beau cadeau ?


QUELLE COALITION ? À l’heure actuelle (15 février) rien n’est encore décidé quant à la future coalition. Shimon Peres n’a en effet pas encore entamé ses consultations. Nous voyons deux options envisageables, l’une plus mauvaise que l’autre… Commençons par la plus mauvaise… Une coalition de toutes les droites, jusqu’à la plus extrême : Likoud (27), Israël Beitenou (15), Shass (11), Judaïsme unifié de la Thorah (5), et Maison juive (3), ce qui lui donnerait une courte majorité de 61 siéges sur 120 qui pourrait néanmoins passer à 65 si on y inclut Union nationale/ religieux nationaux (4). Mais pour mener quelle politique ? Netanyahu n’a pas cessé de dire durant sa campagne qu’il ne rendrait jamais le Golan et qu’il ne toucherait pas à la moindre colonie, sans oublier « Jérusalem capitale éternelle et indivisible d’Israël »… Et Lieberman n’a rien trouvé de mieux à promettre que le retrait de la nationalité israélienne à ceux qui feraient montre de déloyauté, comprenez qui ne feraient pas preuve d’une allégeance totale à la politique du gouvernement… Et comme on sait, s’il est malaisé d’expulser ses nationaux, cela ne pose pas problème pour ce qui est des étrangers, CQFD. Seconde option, et sans doute la plus plausible : une coalition, menée par Tzipi Livni ou par Binayamin Netanyahu et regroupant Kadima, le Likoud et le parti travailliste pour autant que la tendance participationniste de Barak l’emporte. Le cas échéant, il pourrait être remplacé par Shass. parti ultra orthodoxe séfarade. Cela donnerait une majorité de 68 siéges en cas de participation travailliste et de 66 au cas où c’est Shass qui ferait l’appoint. Mais pour mener quelle politique ? Nous connaissons déjà les

Bonnet blanc et blanc bonnet

positions de Netanyahu. Qu’en est-il de celles de Livni ? Aux yeux de la Communauté internationale, elle fait figure de modérée parce qu’elle accepte le principe de deux États et celui de négociations avec l’Autorité Palestinienne. C’est pour cela que Kadima est considéré comme un parti centriste. Mais à y regarder de plus près, il s’agit bel et bien d’un parti de droite dont le numéro deux n’est autre que le va-t-en guerre Shaul Mofaz. Car que s’est-il passé depuis novembre 2007 et la conférence d’Annapolis où les deux parties s’étaient engagées à « lancer immédiatement des négociations bilatérales en toute bonne foi pour conclure un traité de paix résolvant toutes les questions pendantes, y compris les questions essentielles sans exception, comme spécifié par les accords antérieurs, (…) et à déployer tous les efforts possibles pour parvenir à un accord avant la fin 2008 (…) » ? Négociations il y a bien eu ; les négociateurs se rencontrés à de très nombreuses reprises, mais il s’est surtout agi d’un dialogue de sourds dans lequel Ehud Olmert et Tzipi Livni n’ont fait aucune concession à leurs interlocuteurs palestiniens. En fait, Tzipi Livni fait furieusement penser à Yitzhak

Shamir qui, en 1991, en se rendant à la Conférence de Madrid, contraint et forcé par George Bush senior, avait déclaré que négocier n’engageait à rien, et qu’il ne voyait pas d’inconvénient à le faire durant dix ans, voire plus… Dix-huit ans ont passé… Il y a eu Oslo, Camp David, Taba, Annapolis… Et on « négocie » toujours… Et Israël en profite pour intensifier sa colonisation… Et aux prochaines élections présidentielles palestiniennes, Ismaël Haniyeh pourrait bien l’emporter puisque Mahmoud Abbas se sera montré impuissant à obtenir quoi que ce soit d’Israël… Et le gouvernement Livni/Netanyahu ou vice versa prétendra qu’il n’y a pas de partenaire pour la paix… Et peut-être Haniyeh sera-t-il la cible d’une exécution extrajudiciaire… Et on assistera à un soulèvement général des Territoires palestiniens… Et ce ne sera plus seulement la moitié de Gaza qui sera détruite mais la moitié aussi de la Cisjordanie, et plus seulement des centaines de « terroristes » qui seront tués mais des milliers… Et Israël justifiera cette opération en excipant de son « droit de se défendre »… ■ Propos rapportés par Baudouin Loos dans Le Soir du 12 février 1

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politique d’asile Sans papiers : l’heure n’est plus à l’état des lieux YOURI LOU VERTONGEN*

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e 12 octobre 2007, Hans Van Themsche, un jeune anversois de 19 ans avait été reconnu coupable par la cour d’assises d’Anvers de l’assassinat raciste de la petite Luna Drowart, 2 ans, et de sa nounou malienne Oulematou Niangadou, 25 ans, ainsi que de la tentative d’assassinat de Songul Koç, une femme turque de 48 ans. Le ministère public, à juste titre, avait réclamé à son attention la réclusion criminelle à perpétuité. Début janvier de cette année, une dépêche RTBF annonçait que la famille de la nurse malienne ne sera pas indemnisée par l’Etat belge « car elle [Oulematou Niangadou] n’avait pas de permis de séjour valable lorsqu’elle a été tuée, son visa ayant expiré1 ». Une décision administrative plus que contestée par les groupes de défense des sans-papiers et certaines personnalités politiques mais qui reste malgré tout, comme annoncé plusieurs fois par le nouveau ministre de la justice Stefaan De Clerck (CD&V), en accord avec la loi belge et donc tout fait « normale » sur un plan légal… La justice démocratique belge fait une fois de plus défaut. Ce cas accuse une fois de plus la partialité du système juridique belge. La personne « sans papiers » est reléguée au second rang de la citoyenneté. Elle n’a pas droit à ce que justice soit faite en son nom, même pour

les cas traitant d’agression mortelle, fasciste, xénophobe. La particule « sans papier » semble rayer à elle seule le terme qui le précède : personne humaine, homme, femme. Le terme « sans papier », à l’époque où nos « papiers » sont en plastique, où notre identité est résumée en une puce RFID, n’est pas un hasard sémantique, une préposition ajoutée à l’occasion pour pouvoir classifier de manière neutre et gestionnaire des groupes sociaux. Non ! Nous la soupçonnons d’être un moyen minutieusement mis en place par les politiques d’anti-immigration visant à discriminer, marginaliser les personnes en situation dite « irrégulière » et légitimer bien des choses.

LE DURCISSEMENT Hier, il légitimait l’absurde réification de l’homme en attribut économique, utilitaire, les conditions de travail désastreuses, les « exploitants » de sommeil sans scrupules. Aujourd’hui, la machine se durcit encore et légitime le « deux lois, deux mesures » en matière pénale. La personne « sans papiers » n’est plus homme ou femme à part entière, il ou elle est personne de second rang. Ou encore « personne de non-rang ». À laquelle même la justice morale se voudrait s’appliquer. Personna juridiquement, moralement (économiquement, politiquement,

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culturellement,…) non grata. Elle n’appartient à rien, si ce n’est à la masse anonyme qui transgresse les frontières chaque jour. Pas censé rester, si ce n’est dans l’exploitation. Pas censé s’émanciper, si ce n’est pour le profit d’un autre. Pas censé vivre, si ce n’est pour repartir. Censé partir !

L’INTERÊT NATIONAL Année après année, mois après mois, ce qui étaient hier des scandales, sont devenus banalités. De Semira Adamu à l’affaire Oulematou Niangadou le nombre de personnes scandalisées s’amenuise, les manifestations sont devenus rassemblements et les revendications existentielles se sont transformées en timides réclamations fonctionnelles. Rafler est devenu nécessité, les expulsions sont devenues accords bilatéraux et exclure et enfermer synonymes d’intérêt national. Hier en Italie l’instance Parlementaire votait l’obligation pour les médecins du service public de dénoncer les immigrants en situation « irrégulière » se présentant dans les hôpitaux en vue de recevoir des soins. Les politiques discriminantes et xénophobes s’attaquent ici au domaine de la santé. Un domaine temple dans lequel l’éthique prime mais qui malgré les codes se plient au bon vouloirs des politiques xénophobes. Hippocrate en pleurerait,… et


Luna Drowart et sa nounou malienne Oulematou Niangadou

nous en pleurons déjà. Ces politiques fascisantes ne sont pas sans rappeler des mauvais souvenirs dans nos mémoires de (petit-)fils et (petites-)filles de déportés. Et même dans l’imaginaire commun ! Que reste t-il quand l’Homme Politique se fait gestionnaire économique, que le policier se fait matraque et le médecin délateur ? Le citoyen spectateur dans la « société spectacle » peut-être…

L’HEURE N’EST PLUS À L’ÉTAT DES LIEUX ! Personne ne répond plus depuis des mois. Un gouvernement est tombé. Il s’est redressé. Il tombera encore mais rien ne changera. Les marionnettistes socialistes, chrétiens, libéraux flamands et francophones continuent à tirer sur les mêmes cordes des mêmes pantins, arborent encore et toujours les mêmes décors de façades : ceux de la déprime politique et de la morosité économique

leur donnant les pleins pouvoirs. Même les partis-partenaires sont devenus partis-collaborant à la machine. L’Europe actait la fermeture des frontières hier à Vichy2, demain elle l’appliquera de manière ferme . En Belgique, 150.000 personnes se réveillent chaque jour avec la peur de sortir de chez elles. Ce n’est pas le terrorisme, une quelconque crise ou un raz-de-marée qui les effrayent, ce sont les mots « rafle », « expulsions », « centres fermés » qui les tyrannisent. Aujourd’hui environ 23 d’entre-elles seront expulsées de force de l’aéroport de Bruxelles- National vers un pays et un avenir qui s’avèrent incertain. Demain ? D’autres suivront… Àchaque moment, près de chez nous, des dizaines d’individus se dressent contre la machine à expulser. Certains bloquent, d’autres hurlent, d’aucuns résistent, d’autres brûlent, tous luttent ! Sortons dans les rues, crions

notre rage de l’immobile, notre dégoût du dédain. Aujourd’hui, plusieurs occupations s’organisent à Bruxelles (ULB (x2) ; UCL ; VUB,…) D’autres se préparent encore. Occupons ensemble. Dénonçons l’ « immorale », faisons disparaître le « normal ». Opposons aux rafles une citoyenneté salvatrice : dans les gares, les métros, les écoles, les universités…Coupons les chaînes qui privent nos frères de rêves. Scions les barrières qui les enferment, sabotons les expulsions. ■ * Youri Lou Vertongen est membre du conseil d’administration de l’UPJB Voir dépêche RTBF du 9.01.09. Voir le Sommet Européen sur l’Immigration réunissant, à l’initiative de Brice Hortefeux, les 27 ministres de l’Immigration dans la ville symbolique de Vichy les 3 et 4 novembre dernier. Ce sommet se tenait en vue de sceller l’accord sur la « Directive Retour » homogénéisant les politiques des pays de l’Union en matière d’immigration. 1 2

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proche-orient La guerre de Gaza se termine par une défaite totale pour Israël GUIDÉON LÉVY Ha’aretz 31 janvier 2009 Traduction : FLorent Barat

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a guerre de Gaza se termine par une défaite totale pour Israël Au lendemain du retour du dernier soldat israélien de Gaza, nous pouvons définitivement dire qu’ils y étaient tous allés pour rien. Cette guerre est une défaite totale pour Israël. Et cela s’étend au-delà de la profonde faillite morale, qui est un problème grave en soi, mais confirme l’incapacité d’Israël à atteindre ses objectifs annoncés. En d’autres mots, le chagrin n’est pas complété par la défaite. Nous n’avons rien gagné dans cette guerre, si ce n’est des centaines de tombes, certaines très petites, des milliers de personnes mutilées, beaucoup de destruction et la détérioration de l’image d’Israël.

Ce qui représentait une faillite dès le départ pour une poignée de gens, va peu à peu se révéler l’être effectivement à beaucoup d’autres, une fois que les trompettes de la victoire s’essouffleront. L’objectif initial de la guerre était de faire cesser les tirs de roquettes Qassam. Ils n’ont pas cessé jusqu’au dernier jour de combat. Ils ont seulement pris fin après qu’un cessez-le-feu ait été arrangé. Les représentants du ministère de la Défense estiment que le Hamas possède toujours 1000 roquettes. Le deuxième objectif de la guerre : le démantèlement du trafic, n’a pas été rempli non plus. Le commandement du service de sécurité du Shin Bet pense que le trafic reprendra d’ici deux mois. La plus grande part du trafic qui se poursuit a uniquement pour but d’approvisionner en nourriture une population assiégée, pas d’acquérir des armes. Et même si l’on accepte l’argument du trafic d’armes, et ses exagérations, cet-

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te guerre a permis de prouver que seulement des armes rudimentaires et de pauvre qualité passaient par les tunnels entre Gaza et l’Égypte. � La capacité d’Israël à remplir son troisième objectif est aussi douteuse. Dissuasion, mon œil. La force de dissuasion dont nous avons soi-disant fait preuve lors de la seconde guerre du Liban n’a pas eu le moindre effet sur le Hamas, et celle de cette guerre n’est pas plus efficace : les tirs sporadiques de roquettes depuis la bande de Gaza ont continué ces derniers jours. Le quatrième objectif, qui lui, n’a toujours pas été avoué, n’a pas été atteint non plus. Les Forces de Défense Israéliennes n’ont pas restauré leurs capacités. Elles n’auraient pas pu, pas en mettant en place une pseudo-guerre contre une organisation misérable et mal équipée d’armes artisanales, et dont les combattants ont à peine relevé le combat. Les descriptions héroïques et les poèmes de victoire à propos du « triomphe militaire » ne changeront pas la réalité. Les pilotes étaient en mission d’entraînement et les forces terrestres


engagées dans des exercices de cohésion et de tirs. Que les différents généraux et les analystes qui ont pris part à l’opération la qualifient de « réussite militaire » est tout simplement ridicule. Si quelqu’un a été affaibli par cette guerre, c’est le Fatah, dont la fuite et l’abandon de Gaza prend maintenant une signification particulière. À la succession d’échecs qu’a été cette guerre, doit être ajoutée, évidemment, la faillite de la politique d’embargo. Nous avions déjà réalisé son inefficacité depuis un moment. Le monde l’a boycotté, Israël assiégeait et le Hamas dirigeait (et dirige toujours). Mais le bilan de cette guerre ne s’arrête pas, pour ce qui concerne Israël, au fait qu’aucun objectif n’ait été atteint. Elle va être un lourd fardeau, et pour quelques temps encore. Et quand on évalue la situation internationale d’Israël, nous ne devons pas nous laisser berner par la parade de soutien des leaders européens, venus pour une opération photos avec le premier ministre Ehud Olmert. Les agissements d’Israël ont infligé un coup dur au support de

l’opinion publique à son égard. Même si cela ne se traduit pas toujours par une réaction diplomatique immédiate, les répercussions se feront sentir un jour. Le monde entier a vu les images. Elles ont choqué chaque être humain qui les a vues, même si elles n’ont pas ému la plupart des israéliens. Nous n’avons pas affaibli le Hamas. La grande majorité de ses combattants n’a pas été blessée et le soutien populaire pour l’organisation a, en fait, augmenté. La guerre a intensifié leur esprit et leur capacité de résistance. Un pays qui a nourri une génération entière sur l’esprit de la résistance de la minorité contre la majorité devrait savoir cela maintenant. Il n’y avait aucun doute sur qui était le David et qui était le Goliath de cette guerre. La population de Gaza, qui a subi un coup sévère, ne va pas être plus modérée maintenant. Au contraire, le sentiment national va de plus en plus aller contre ceux qui ont asséné ce coup - l’État d’Israël. Exactement comme l’opinion publique israélienne penche à droite après chaque attaque contre nous, il va se pas-

ser la même chose à Gaza après l’attaque massive que nous avons lancée contre eux. La conclusion est qu’Israël est un pays violent et dangereux, exempt de toute contrainte et ignorant manifestement les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en se moquant éperdument de la loi internationale. Les enquêtes sont en cours. Plus grave encore est l’impact que cela va avoir sur nos valeurs et fondements moraux. Cela viendra de questions difficiles concernant ce qu’ont fait les Forces de Défense Israéliennes à Gaza, qui arriveront, malgré l’écran de fumée jeté par les médias propagandistes. Qu’est-ce qui a été obtenu finalement ? Si cette guerre avait pour but de satisfaire des considérations de politique intérieure, l’opération a réussi au-delà de toutes espérances. Le président du Likoud, Benjamin Netanyahu, est de plus en plus haut dans les sondages. Et pourquoi ? Parce qu’on n’est jamais rassasiés de la guerre. ■

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agir J’étais là, parmi eux! HENRI D. HURWITZ

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aut-il qu’à chaque fois les stratégies politiques belliqueuses d’Israël conduisent les gens soucieux de la dignité de l’homme et de la justice à l’exaspération face au cynisme qu’elles dévoilent, à l’ignominie des actes guerriers auxquelles elles conduisent, à l’insupportable malheur des populations qui les subissent ! Faut-il également que l’on soit à chaque fois atterré par le spectacle désolant de la pusillanimité des pays et institutions du monde dit démocratique lorsqu’il s’agit de forcer le gouvernement d’Israël à protéger les populations civiles en temps de guerre et à respecter la déclaration des droits de l’homme. Nous pourrions être à l’écoute des problèmes d’existence de cet État situé dans un environnement hostile. Mais encore faudrait-il que cette hostilité ne soit pas elle-même constamment alimentée par le mépris affiché par cet État pour les droits de l’adversaire, par le refus de reconnaître les besoins et conditions nécessaires à la survie du peuple palestinien et, comme cela fut et reste le cas fréquemment, par l’instrumentalisation des situations conflictuelles aux frontières pour des raisons de politique intérieure.

Encore aujourd’hui à Gaza, comme il y a trois ans au Liban, se répètent les exactions démesurées infligées à une population civile par une armée puissamment équipée par l’Occident sans que ce dernier n’exerce sur le gouvernement d’Israël la contrainte indispensable pour le conduire à plus de retenue.

UNE COLÈRE LÉGITIME L’armée israélienne a pratiqué un carnage à Gaza sur une population civile dépourvue de refuges qui puissent la mettre à l’abri des chars et des bombes. Aucune fanatisation ou noyautage des masses ne fut nécessaire pour que la colère alimentée par ces multiples massacres conduise les gens à manifester le dimanche 11 janvier à Bruxelles ; il a suffi que l’irritation devienne rage, parce qu’elle se double chez chacun du sentiment spontané d’être soi-même atteint dans son identité, de la perception d’être dépossédé de sa dignité d’être humain par des actes criminels commis envers des semblables, de la conscience d’être volontairement conduit par Israël, au travers de la justification cynique de ses actes guerriers, au délitement des valeurs naturelles et profondes que la plupart d’en-

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tre nous entretiennent à partir de leur éducation. Choisissons quelques arguments de la propagande du gouvernement israélien. Démontrons comment ils contreviennent à ces valeurs élémentaires en évoquant des cas exemplaires exposés dans les actes criminels ou dans l’imagerie populaire. Les tirs israéliens font de nombreuses victimes parce que « le Hamas prend les civils en otage ». Même à supposer que cela fut vrai dans tous les cas, la relation des faits divers nous apprend que lorsqu’un malfaiteur s’empare d’un otage, la police cesse de tirer de peur de mettre la vie de cet otage en danger et recourt à des négociations avec l’auteur de l’enlèvement. Elle se dispense de faire appel à ces négociations seulement si la vie de l’otage l’indiffère. La vie de l’otage n’a pas un poids différent lors de la conduite d’une guerre. Autre exemple : le procureur général d’Israël et son ministre de la Justice ont mis en place un dispositif juridique visant à rendre les agissements de l’armée d’Israël inattaquables. Ce gouvernement d’Israël agit à l’instar des bandes de gangsters et de mafieux qui se payent les meilleurs avocats afin d’échapper à la justice. Dès lors qu’un cri commun d’in-


dignation a résonné dans les rues de Bruxelles, proféré par une foule rassemblant les multiples composantes de notre société civile, certains en viennent à faire la fine bouche, parce que parmi cet attroupement figurent des groupes « socio-religieux musulmans ». Les censeurs, auteurs de la carte blanche intitulée « Le pouvoir aux barbus ? Non merci ! », aiment se croire investis du don de la pensée juste. Ils fustigent les masses mues par les passions et parmi elles les gens de gauche obnubilés par la pensée dite correcte. Cette prétention les amène malheureusement à inféoder leur représentation de la réalité sociale et politique à leur système de pensée. Pour des raisons évidentes liées à la diversité des origines sociales des manifestants et à l’immense émotion suscitée par les évènements à Gaza, on ne pouvait espérer trouver dans la rue ce dimanche une population fortement imprégnée par la pensée laïque et formée par une conscience politique. Mais dès lors que les auteurs de cette carte blanche fondent largement leur perception de l’évolution de notre société sur la montée (réelle) des comportements racistes et de la poussée du fanatisme islamique dans le

monde, ils sont tentés de déplacer leur vision de ce grand mouvement de foule en colère vers un angle biaisé. Beaucoup de participants à la manifestation de masse de dimanche 11 janvier, dont moi-même, n’ont en effet nullement perçu cette totale radicalisation extrémiste qu’ils condamnent. Voudrait-on interdire aux femmes voilées et aux hommes musulmans barbus de défiler dans la rue ? Il est absolument vrai que certains d’entre ceux-ci et des enfants manifestaient au sein d’organisations socio-religieuses musulmanes proférant des appels et exhibant des slogans racistes ou négationnistes inacceptables.

UNE AUDACE NOUVELLE On pouvait aussi être irrité par d’autres groupes, pas tous musulmans, ostensiblement provocateurs, aspirant à heurter des sensibilités juives avec des formules dont souvent ils ignoraient eux-mêmes le sens véritable. Une exécration de l’État d’Israël et du sionisme était fréquemment exprimée. En cela rien d’inadmissible, compte tenu des circonstances historiques et politiques, même si je déplore personnellement les excès de cette détestation. Mais loin de se réduire à

ces groupes, les manifestants témoignaient, dans leur grande majorité, de la volonté de se ranger dans l’ordre derrière les consignes officielles. Autour de ma délégation qui affichait son origine juive, les nombreux manifestants d’origine maghrébine ou orientale étaient affables, accueillants et solidaires. Ils me paraissaient mus par une audace nouvelle dont, en frémissant d’un plaisir contenu, ils se renvoyaient le spectacle. En prenant possession de la rue, ils s’affirmaient enfin acteurs dans un mouvement démocratique, libérés de la marginalité que notre société leur impose. Issus en très grand nombre de leurs ghettos, répartis dans différents endroits de Bruxelles et des provinces, ils défilaient pour que l’intensité de leur indignation soit connue et qu’elle agisse au niveau politique. Une indignation indiscutablement nourrie par leurs sentiments d’identité face aux Palestiniens, mais valable audelà à l’échelle humaine et partagée par tous les manifestants désireux que cesse sur le champ le massacre de la population palestinienne et que justice soit rendue à son droit de vivre libre. ■

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lire Adolphe Nysenholc. Bubelè, l’enfant à l’ombre FRANÇOISE NICE

« C’est quand « demain » ? J’ai regardé longtemps par la fenêtre. J’étais tenu de taire qui j’étais et d’où je venais. Enfant caché, je cachais quelqu’un en moi. Je ne pouvais pas me vivre moi-même, car je ne pouvais pas vivre tout court. Être moi était mortel… Jeune j’étais seul, comme un vieux. Sans parents. Pour être son petit homme , à ma mère ». Bubelè, l’enfant à l’ombre est un roman retravaillé avec la liberté de l’artiste. Les noms et les situations ont été modifiés, pour ne pas blesser. Chacun écrit et réécrit sa saga familiale, avec des points de cristallisation, des mises en symbole, des oublis volontaires et involontaires. Spécialiste de Chaplin mais aussi de l’œuvre du cinéaste André Delvaux, Adolphe Nysenholc a fait œuvre de son histoire personnelle. Comment devenir un homme, comment se déprendre de la mère disparue et attendue sans fin ? Comment vivre alors qu’on est possédé par la figure manquante ? Comment accéder à une judéité épanouie ? Ces questions sont au cœur de trois pièces de théâtre, Survivre ou la mémoire blanche, Mère de guerre et Pas lui. Tour à tour, Nysenholc braque le projecteur sur sa maman, sa mère et son père adoptifs.

Restait à trouver la voix de l’enfant. Après pas mal de tentatives, c’est le roman qui s’est imposé. Dans Bubelè, le narrateur est cet enfant qui nous prend la main, et que le lecteur accompagne dans un roman d’initiation, un trajet chahuté, fait d’arrachements, d’acculturation et d’assimilation brutales. Un parcours sur le mode paradoxal du « devenir soi contre soi » Mais comment retrouver la voix de cet enfant sans voix qu’on a été ? C’est le premier défi littéraire. Celui que sa mère appelait Bubelè, et que sa famille adoptive appelait Dolfi, n’a que trois ans quand, dans l’urgence des grandes rafles de l’été 42 perpétrées par l’occupant nazi et ses auxiliaires belges, sa mère le confie à Nunkel et Tanke Van Helden, un couple flamand de Ganshoren. Nunkel a été soldat pendant la grande guerre, il a pris l’enfant dans un réflexe de solidarité. Tanke a sans doute trouvé avec Dolfi une maternité de substitution. Et l’enfant qui commençait à parler yiddish devient un ketje de la banlieue bruxelloise. « Dans la rue, pour les enfants, j’étais « monsieur Euh… » Je cherchais sans cesse mes mots… je devais tout oublier, jusqu’à moimême… La moindre parole pouvait me trahir. J’étais bloqué, comme à l’entrée d’un sens interdit. C’est ainsi que l’enfant vif, gâté,

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volubile que j’étais, était devenu timoré, voire bègue ».

CHEZ NUNKEL ET TANKE, LE DÉBUT DE L’ATTENTE Dès les premières pages, on s’attache à un ton, à un style concis et sans pathos, qui parvient à nous faire ressentir les traumatismes physiques et psychiques de l’enfant arraché et caché, un état de stupeur et de mille « pourquoi » sans réponse. Mère, pourquoi m’as-tu abandonné ? Au milieu des « il est trop petit pour comprendre », et du silence embarrassé de Tanke à la question « c’est quoi être orphelin ? », l’enfant bricole ses réponses. Il transforme ce qui était un geste de sauvetage en un abandon dont il serait coupable. « Comment ma mère pouvait se séparer de cet enfant qui semblait si attachant ? Elle me disait de ne pas pleurer, le bleu de mes yeux pourrait s’effacer. Avaisje fait quelque chose de grave ? On me cachait. Comme si j’étais la honte de la famille. » Présenté au voisinage comme un neveu, Bubelè/Dolfi joue « à la rue ». Et le début du roman est aussi la peinture réaliste d’un quartier populaire flamand de Ganshoren pendant la guerre, une fresque des actes de solidarité au quotidien. L’historien Maxime Steinberg estime qu’un tiers des 6.000 enfants juifs cachés en Belgique l’ont été par des parti-


culiers agissant par réflexe d’humanité. Ils ont refusé de les envoyer vers un soi-disant travail obligatoire à l’Est. Enfants cachés par des particuliers, par des institutions, catholiques le plus souvent, ou par le Comité de défense des Juifs.

APRÈS-GUERRE : LES CONFLITS DE LOYAUTÉ « Devine qui est là ! Ton oncle, Abraham. (…) ce revenant n’était pas à mes yeux un chanceux rescapé des camps de la mort. C’était le témoin intempestif de la catastrophe. Pauvre homme, ce n’était pas lui qu’on attendait. Lui qui, libéré, devait croire qu’on allait l’accueillir en libérateur. Il posait plus de problèmes qu’il n’en résolvait ». Les parents ne reviennent pas, l’attente se fait plus douloureuse encore. Dolfi/Bubelè se découvre un oncle polonais et entre dans les conflits de loyauté. Dans la paix des nations éclate une guerre de familles, qui se règle devant les tribunaux. L’oncle Abraham obtient la tutelle de Bubelè/Dolfi. Tanke fait de la dépression. Le frère retrouvé part et revient d’Israël. Tanke et Nunkel dérobent l’enfant et le soustraient à l’alyah.

GRANDIR, MALGRÉ TOUT… LE TEMPS DES HOMES Bubelè/Dolfi l’enfant clivé va découvrir les homes de Profondsart et à Malderghem, le « Ruysbroeck », dirigé par un Juif très religieux. La religion devient l’enjeu de la reconquête de l’identité perdue. Bubelè n’a pas été circoncis, Bubelé n’a pas rejoint la Terre d’Israël. Zadig met la pression… Bubelè accepte d’être circoncis à la veille de sa Bar mitzva. Mais le préadolescent s’interroge : où était Dieu pendant la guer-

re. Il n’y croit pas. Et ce réancrage dans le judaïsme est aussi vécu comme incongru. Ses parents, Léa et Salomon étaient des Juifs progressistes, avec un passé militant à Guer en Pologne avant leur exil en Belgique en 1929. Leur judaïsme n’est pas celui de la kippa. Avec beaucoup de finesse psychologique, en jouant de tous ces paradoxes existentiels sur un mode humoristique - l’humour des schlemiels - Adolphe Nysenholc compose, recompose les apprentissages des enfants qui renaissent et à la liberté. Si Malderghem est le lieu d’une assimilation inversée, Profondsart est celui de la réinsertion dans le groupe, des premières amitiés féminines, de la découverte de la littérature, yiddish notamment. Un espace de réinsertion qui fut aussi un modèle de pédagogie alternative inspirée par l’expérience de Janusz Korczak. « Régnaient ici un esprit de liberté, inspiré du grand pédagogue, et un respect de l’enfant, qui n’allaient toutefois pas jusqu’à me redonner mes parents. » Avec des faits authentiques ou vraisemblables, l’autofiction d’Adolphe Nysenholc nous donne un témoignage où d’autres enfants cachés se reconnaîtront ou ne se reconnaîtront pas. À chacun d’écrire son destin dans l’extermination programmée de tout un peuple.. Depuis les années 90 et les premiers congrès internationaux d’anciens enfants cachés, depuis les travaux de Marcel Frydman ou de Siegi Hirsh, avec la disparition des rescapés, les enfants cachés ont enfin pris la parole. Ils ont longtemps vécu dans le silence, silence de la cache et de l’après –guerre, face au silence encore plus lourd des rares rescapés, revenus « du no man’s land dont on ne peut rien dire ».

Depuis le 6 février jusqu’au 27 mars, Adolphe Nysenholc organise un cycle de conférences sur les autobiographies d’enfants cachés à l’Institut d’études du judaïsme de l’ULB*. Avec la question centrale de la validité historique de ces témoignages, ou, autre question : les enfants cachés ont-il été des victimes principales ou collatérales ? Pour Maxime Steinberg, l’enfant est la cible centrale du judéocide. À l’arrivée au camp, un homme sur deux est retenu pour le travail. 76% des femmes et des filles sont tuées immédiatement. En octobre 43, Himmler confie aux Gauleiter avoir pris la décision de tuer ces enfants qui risquaient d’un jour crier vengeance. Des 4.000 enfants et adolescents déportés de Belgique, 12 seulement sont revenus. Par sa capacité à révéler le monde intime de l’enfant caché, Bubelè l’enfant à l’ombre ouvre de belles portes vers la connaissance d’une histoire cachée dans nos manuels d’histoire, dans nos classes de rhéto, où la visite de Breendonk et de la caserne Dossin est menée au pas de charge par nos ados pas nécessairement réceptifs. Le livre offre le temps de la rencontre, il est l’outil du lien, comme le furent les aventure de Thyl Ulenspiegel pour Bubelè. Avec ce roman, occasion nous est donnée, comme elle le fut avec Estoucha de Georges Waysand et L’année du souvenir de Jacques Aron, de nous approprier une part de notre histoire. Un souhait : qu’Adolphe Nysenholc et son Bubelè soient invités encore et encore dans les écoles et les bibliothèques. ■ Bubelè, l’enfant à l’ombre, L’Harmattan * www.ulb.ac/philo/judaism

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lire

Hanna Krall. L’écriture après... TESSA PARZENCZEWSKI

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lle s’appelle Izolda Regensberg. Elle se teint en blond et fuit le ghetto. Elle change de nom, de voix et de rire. Elle se fait tirer les cartes. Son roi de cœur va partir en voyage. En effet, il est à Auschwitz. Il demande des colis. Izolda/Maria parcourt la Pologne avec une seule idée, trouver de l’argent pour les colis, sauver son mari. Réseaux d’amis sûrs, rencontres périlleuses, elle invente des stratégies ingénieuses, vend, achète, se livre au troc, se fait arrêter, et la voilà à la case prison. Elle s’évade. Son mari est à Mauthausen, Autriche, elle s’en va donc à Vienne, est capturée et se retrouve à Auschwitz… De tribulations en tribulations, dans des situations désespérées, sur la corde, elle survit, lui aussi. Des années plus tard, elle raconte son histoire à Hanna Krall. Hanna Krall en fait un roman. Connue pour ses conversations avec Marek Edelman, Hanna Krall pratique le reportage littéraire, courant essentiel des lettres polonaises, à la frontière du journalisme et de la littérature. En partant de

faits réels, elle les transpose dans un autre registre, ne nous épargne rien mais ne s’appesantit pas, fixe des instantanés, souligne des détails, fragments de mémoire qui font surgir tout un monde. Et pardessus tout imprime à sa prose un rythme particulier, indéfinissable, qui lui donne ce ton si prenant. Elle-même enfant cachée, Hanna Krall explore sans cesse, à partir de témoignages, des destins individuels pris dans la tragédie collective. Comme si elle voulait rendre à chacun son existence unique, parce que chaque trajectoire est singulière et précieuse. Ainsi la distance de la journaliste et la sensibilité de l’écrivain se conjuguent pour conférer au récit un impact intense. Hanna Krall est née en 1937 à Varsovie. Journaliste, scénariste, notamment pour Krysztof Kieslowski, elle est l’auteur de nombreux romans dont Tu es donc Daniel, éd. Interférences, 2008, Prendre le bon Dieu de vitesse, Gallimard, 2005, Là-bas, il n’y a plus de rivière , Gallimard, 2000. ■

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Hanna Krall Le roi de cœur Traduit du polonais par Margot Carlier Ed. Gallimard 179 p,. 19 EURO


regarder Robert Capa. Les instantanés de l’histoire JO DUSTIN

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onçue par la mythique agence Magnum, fondée en 1947 par Robert Capa, David Seymour et Henri Cartier-Bresson, l’exposition présentée au Musée Juif de Belgique retrace de façon exemplaire le parcours mouvementé de Capa. Ici la mémoire historique fusionne avec une quête visuelle exigeante et nous voguons dans les temps proches qui nous fascinent. Né Endre Friedmann en 1911 à Budapest, Capa s’exila à Berlin pour fuir le régime autoritaire de Horthy et l’antisémitisme et se réfugia à Paris à la montée du nazisme. Son itinéraire de photo-reporter épouse tous les événements majeurs de ces années cruciales. L’exposition s’ouvre sur un portrait de Trotsky lors d’une conférence à Copenhague en 1932. Ensuite, des manifestations du Front Populaire à Paris aux poings levés des républicains espagnols, de la guerre sino-japonaise au débarquement en Normandie, Capa s’est immergé dans toutes les batailles. De la guerre civile espagnole, il nous laisse des témoignages poignants, devenus emblématiques. Attentif aux mouvements de foule, il sait aussi capter comme nul autre, l’intensité des regards, comme celui de ce combattant républicain lors de

l’adieu aux brigades internationales. De la guerre de 40-45 nous restent les photos prises en juin 44 à Omaha Beach, sous le feu de l’ennemi, les barricades à Paris, la mort à Leipzig tout à la fin de la guerre d’un soldat américain, comme une amère fin de partie et cette femme tondue à Chartres, en 1944… Presque tout un étage de l’exposition est consacré à Israël. Robert Capa s’est trouvé au bon endroit, au bon moment. Il a pu ainsi photographier les cérémonies officielles de la proclamation d’indépendance et la guerre qui a suivi. Plus tard, à côté des séquences de la vie au kibboutz, nous découvrons les nouveaux immigrants dans les camps d’accueil, et Robert Capa pose un regard plein de compassion sur des enfants dépaysés, inquiets… Le dernier volet de l’exposition est un hommage aux amis : Hemingway, Faulkner perdu dans ses pensées, le rayonnement de Picasso et de Françoise Gilot, et un portrait d’Ingrid Bergman, allusion à une brève liaison. Et tout s’achève en 1954, en Indochine, sur une route perdue, où Capa saute sur une mine. Capa a vécu avec une particulière intensité son rôle de photographe de presse et ses images deviennent pour nous des réfé-

rences tangibles, à contre oubli. Une exposition qui palpe la trame rude de l’Histoire et qui nous restitue un passé déchiré. À voir et à méditer. ■

Musée Juif de Belgique Jusqu’au 19 avril 2009

Barcelone, Espagne, 1936. Guerre civile espagnole ROBERT CAPA © 2001 By Cornell Capa/Magnum Photos

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vie de l’upjb Lire et entendre Marianne Rubinstein CARINE BRATZLAVSKY

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’est le livre de Marianne Rubinstein, Le journal de Yaël Koppman, que je me suis offert pour grasse matinée, samedi dernier. J’ai adoré. Elle était venue un de nos vendredis soirs et elle nous avait parlé de son premier livre, Tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin. Son exposé, qui était davantage un dialogue avec la salle qu’une conférence, avait été très réussi. D’abord parce que c’était gai d’avoir, dans ce lieu, quelqu’un de jeune à la tribune. Et parce que le public, pas tellement plus fourni qu’à l’habitude, certes, comptait lui aussi quelques « jeunes » de ma génération. Non pas que je veuille faire du jeunisme à tout crin, déformation professionnelle oblige, non, simplement j’enrage quand des choses qui me touchent ne sont pas partagées par d’autres que tout, dont l’âge, pourrait réunir ! Comme l’autre soir, par exemple, où ce formidable jeune homme, David Lescot, est venu nous interpréter son spectacle, La Commission centrale de l’Enfance, où il nous raconte ses vacances dans les colonies de vacances de la CCE, association créée par les Juifs communistes de France après la Seconde Guerre mondiale, à l’origine pour les enfants des disparus. Il y est question de conscience politique, de l’usure d’un espoir, de règles strictes, d’idéologie tenace, de transgressions en tous genres,

d’éveil des sens, bref, c’est ni plus ni moins NOTRE propre jeunesse qu’il nous racontait et nous étions à tout casser vingt dans la salle ! C’est promis, on le réinvitera et on trouvera les arguments ! Mais revenons à Marianne - une cousine de Marcel Gudanski, a découvert Rosa par hasard en l’invitant. Marianne donc, formidable d’humour, d’éloquence, de distance, d’intelligence, vibrante et rayonnante. Elle nous a raconté comment elle avait tiré un livre de la souffrance qui avait été la sienne d’avoir un père orphelin, fils de déportés. Comment pour elle, enfant née dans un milieu social aisé, d’une famille aimante, ne manquant de rien, elle avait pris sur elle le chagrin et la mélancolie de son père, qu’elle en avait porté tout le poids tout en se sentant coupable de son propre chagrin, elle qui avait tout, qui n’avait pas connu la guerre et qui surtout était en vie. Lorsqu’elle avait rencontré, pour son projet de livre, d’autres enfants comme elle, lors de retrouvailles d’anciens enfants cachés accompagnés de leurs enfants, elle s’était vite rendue compte, sans en faire une véritable enquête sociologique, qu’elle n’était pas la seule à avoir éprouvé ce qu’elle avait éprouvé. Elle nous a très bien raconté comment elle avait progressivement souhaité quitter ce judaïsme mortifère, associé à la mort et la déportation, pour se rallier à un judaïsme vivant.

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- Qui consiste en quoi ? lui ai-je demandé. - Le judaïsme, pour moi, c’est une posture, c’est une attitude au monde. Sans vouloir être pédante - cela a été mal pris un jour où j’ai dit cela, alors je suis prudente - je dirais que pour moi, mon judaïsme, c’est le plaisir de la lecture, à laquelle je donne une grande place. Et à l’écriture, puisque maintenant, j’écris. À la musique, aussi, j’en écoute beaucoup, j’en joue aussi beaucoup. Pour moi, tout ça c’est très juif. C’est aussi par le choix de mon compagnon, l’éducation de mon fils, des soirées où je vais… - Il est juif, donc, votre mari ? - J’ai fait plus fort : j’ai choisi quelqu’un qui, tout comme moi, porte un nom juif et se sent juif bien que sa mère ne le soit officiellement pas. - C’est étonnant comment ce que vous dites si simplement, vivre son judaïsme joyeusement, peut être un problème pour certains, notamment dans cette maison où vous parlez ce soir, a demandé Alain M. - Je vous l’ai dit, je ne suis pas sociologue mais économiste. Oui, je ne sais pas. Ce que vous dites évoque juste une image, un film. Le film de Eytan Fox, Tu marcheras sur l’eau. L’histoire de Eyal, un agent du Mossad particulièrement reconnu pour son efficacité lorsqu’il s’agit de tuer les ennemis d’Israël et même des Juifs. Il va, au fil du film et suite au suicide


de sa femme qui lui en veut de sa brutalité, s’ouvrir, craquer, pleurer, libérer sa souffrance, devenir plus humain et sensible pour finalement renoncer à tuer. Je ne sais pas, votre question me rappelle cette scène finale du rêve où lui et Axel, l’homme qu’il recherchait et devenu son ami, marchent sur l’eau de la Mer de Galilée, manière un peu maladroite mais éloquente qui semble dire que deux êtres (ou deux blocs, deux parcours) que des conditions initiales opposent peuvent, par la tolérance et l’ouverture, les dépasser pour regarder ensemble dans la même direction et aller au-delà de ce que la vie semblait leur réserver.

YAËL KOPPMAN À méditer. À l’époque, nous avait-elle raconté, son livre n’avait pas fait beaucoup de bruit. On était en 2002 et là, sortaient pas mal de livres d’orphelins qui commençaient à peine à parler. Alors un livre d’un enfant d’orphelin, ça avait paru déplacé pour la presse spécialisée, notamment. À l’issue de la soirée, par contre, le livre de Marianne était épuisé. Restait sur la table, son dernier livre, Le journal de Yaël Koppman . Qu’Anne a acheté et m’a prêté. « Dimanche 29 juin. Drôle de soirée. J’ai aimé le spectacle qui ne s’est pas terminé en bal improvisé. Ensuite, nous sommes allés boire un verre, avec des amis de Pierre, fous de Tango. Lequel a

lancé cette conversation sur le judaïsme ? J’ai tendu l’oreille, jouant machinalement avec le papier d’emballage de chocolat accompagnant mon déca. Je craignais la phrase rédhibitoire, qui rend toute suite impossible, l’énonciation d’un préjugé, philosémite ou antisémite, préludant une phrase du genre : « Avec ce qu’ils ont souffert, comment peuvent-ils faire ceci ou cela » ? Soyons clairs : je ne supporte pas le déni de la Shoah, pas plus que je ne goûte la posture victimaire. Je ne veux pas que l’on plaigne les juifs, qu’on les porte au pinacle ou qu’on les mette au pilori. Je demande simplement que l’on ne décide pas à l’avance de ce que nous sommes, et de ce que nous avons le droit de faire ou de ne pas faire en tant que Juifs. Sur cette base, rien de ce que n’a dit Pierre n’a heurté mes oreilles sensibles. Ce qui ne fut pas le cas d’un de ses amis qui ne sera jamais le mien. Reste une question posée à Pierre, dont la réponse n’a pas dissipé le mystère : - As-tu des nouvelles de Claudia ? - Oui. Elle va bien, a-t-il répondu sans s’étendre. - Et si c’était elle, la phrase augurant d’une impossible suite ? » Ce livre raconte l’histoire d’une jeune femme, enfant de soixantehuitards, qui, elle l’avoue, rêve d’une histoire simple et conven-

tionnelle, cherche l’amour, donc, se bat toujours avec ses migraines et sa mère, mais qui, pendant ce temps, s’est construit un métier - elle est prof d’économie, donc - a publié des livres et en écris un autre (ce journal intime) sur les rapports de son économiste favori, John Maynard Keynes avec Virginia Woolf, son écrivain favori et le groupe de Bloomsburry ; s’est achetée son appartement à Paris ; s’est créé son cercle d’amis ; connaît ses racines, ses assises et ses points d’appui. Drôle et vivant, vous disais-je. Très juif, nous dirait-elle ? Le livre est paru chez Sabine.Wespiesser éditeur. Je vous le recommande.

YIDDISH POUR LE FUTUR Une chose encore. Y aviez-vous déjà pensé, vous, que nos soirées culturelles se sont toujours tenues traditionnellement, le vendredi soir, comme d’autres vont, ce soir-là, à la synagogue ? C’est une des choses retenues de la soirée Yiddish passionnément animée par les Wajnberg et Mihály Brothers, nouveau duo de la rue juive bruxelloise que je vous recommande également pour une prochaine fois et où là, par contre, il y avait et foule et toutes les générations. À méditer, cela aussi ! ■

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société Le long chemin de l’égalité des sexes ROLAND BAUMANN Garçon ou fille... un destin pour la vie ? Jusqu’au 31 mai 2009, Musée Belvue, 7 Place des Palais, 1000 Bruxelles, tous les jours (sauf lundi) 10-17h, 10-18h week-end info: www.belvue.be ; tél. 070 22 04 92

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a nouvelle exposition temporaire du musée Belvue, Garçon ou fille... un destin pour la vie ? porte sur la dimension historique et culturelle des notions de féminité et de masculinité dans notre pays. Retraçant l’évolution de stéréotypes sexués, qui ne sont ni « naturels », ni immuables, cette exposition, conçue par le Centre d’Archives pour l’Histoire des Femmes (CARHIF-AVG), révèle les rapports entre ces idées, ancrées dans les mentalités, et la réalité des relations vécues, pour l’ensemble des catégories sociales. Privilégiant l’image, (dessins, caricatures, photos, etc.), l’exposition nous montre donc la fabrication des stéréotypes sexués dans la famille, puis leur transmission à l’école et enfin leur application dans le monde du travail. Associant l’évocation des discriminations du passé, à celle des luttes émancipatrices, ainsi qu’au récit des grandes étapes de l’évolution vers une société plus égalitaire, qui favorise les intérêts et les compétences des individus, indépendamment des clichés sexués, Garçon ou fille... nous incite à faire le point sur des thèmes actuels, à l’heure où les idéaux d’égalité et

de mixité sont menacés.

MÈRE DE FAMILLE Au 19e siècle, un modèle familial, fondé sur la stricte division des rôles entre hommes et femmes, s’impose dans la bourgeoisie. Le Code Napoléon place la famille sous l’autorité maritale et paternelle, légalisant l’incapacité de la femme mariée. Le mariage chrétien sacralise cette « complémentarité » des rôles masculins et féminins. Renforcé par le discours scientifique de l’époque, l’évolution du statut de l’enfant, la politique nataliste, ainsi que la question sociale, ce modèle familial, devient peu à peu dominant, sans jamais correspondre tout à fait à la réalité sociale. Ainsi, dans la bourgeoisie, les « dames » délèguent les tâches maternelles et ménagères à la domesticité. Et, beaucoup de femmes vivent sans la « protection » d’un mari : à Bruxelles, en 1910, plus de la moitié des femmes âgées de 18 à 65 ans sont célibataires, veuves ou divorcées. Les femmes obtiennent le droit de vote aux élections communales (1920), puis aux élections provinciales et législatives (1948), mais encore aujourd’hui, restent minoritaires à tous les niveaux de

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pouvoir. On dit souvent que la Première Guerre mondiale marque un progrès pour les femmes qui peuvent alors exercer une série de métiers, suite au départ massif des hommes au front. Certes, en France comme en Allemagne, la majorité de la population masculine rejoint l’armée. Mais, en Belgique, seuls 20% des hommes mobilisables sont engagés dans le conflit. Dans notre pays occupé, la majorité des hommes subissent le chômage massif qu’entrainent l’arrêt de l’industrie et la paralysie du commerce. La paix revenue, on retiendra surtout l’image mythique de l’infirmière et du soldat héroïque...

L’ÉCOLE DES INÉGALITÉS Au 19e siècle, l’enseignement des filles est laissé le plus souvent aux congrégations religieuses. Destinées à être épouses et mères, les filles ne doivent jouer aucun rôle dans la vie publique et professionnelle. Alors que depuis 1833, les garçons bénéficient de cours industriels formant des techniciens qui maitrisent le progrès technologique, l’enseignement technique et professionnel des filles les forme aux métiers


Photo Roland Baumann

artisanaux de l’habillement et de la décoration ou tend à les limiter à la sphère domestique (arts ménagers, soins). Les études commerciales (secrétariat, dactylographie) ne se développent qu’après la Première Guerre mondiale, suite à l’explosion du travail de bureau. L’exposition évoque la création, en 1865 à Bruxelles, de la première école professionnelle pour filles sous l’impulsion du banquier-mécène Jonathan Bischoffsheim, grande figure du judaïsme belge, avec l’objectif de procurer aux jeunes filles les moyens d’acquérir les notions théoriques et pratiques nécessaires à l’exercice des professions industrielles et commerciales dans lesquelles elles peuvent trouver un travail rénumérateur. Des universités s’ouvrent aux femmes. Mais l’accès aux professions libérales sera l’objet de longues luttes. Marie

Popelin se voit refuser l’inscription au barreau (1888). Cette affaire motive la création de la Ligue belge du Droit des Femmes (1892), dont un des membres, Émile Vandervelde fera voter la loi qui donne enfin aux femmes le droit de s’inscrire au barreau (1922).

LE MONDE DU TRAVAIL Le travail des femmes répond rarement à la définition d’un travail productif et régulier, rémunéré, à temps plein et effectué hors du foyer, telle qu’elle s’impose dans les recensements professionnels au 19e siècle. La maternité, les tâches ménagères, l’éducation des enfants, ne sont jamais considérés comme un « vrai » travail. Les femmes ont toujours exercé des métiers très variés : agriculture, commerce, industrie, travail et industries à domicile... Outre les aléas du travail des femmes, à la

mine comme au bureau, l’exposition nous documente aussi les grands domaines d’action des luttes féminines, dont la grève historique des ouvrières de la FN (1966) pour obtenir de la Fabrique nationale d’armes à Herstal « un salaire égal pour un travail égal ». Offrant un panorama des actions multiples des dernières décennies : la famille, le système éducatif, le monde professionnel, la vie politique… l’exposition fait le point des inégalités qui persistent malgré tous les progrès accomplis.. Bref, un parcours historique centré sur des images et qui incite à reconsidérer l’histoire de Belgique en partant de la base, celle d’hommes et de femmes « du commun », dont les vies et les luttes exemplaires doivent nous inspirer dans les combats actuels pour la justice sociale, l’égalité et la mixité. ■

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réfléchir Tel Aviv sous les feux de l’actualité JACQUES ARON*

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el Aviv, ville moderne construite par des architectes venus de toute l’Europe, figure à juste titre dans le patrimoine mondial. L’Institut d’Architecture de La Cambre et le CIVA devaient accueillir une exposition très attendue à son sujet. En raisons des circonstances, les organisateurs ont préféré post-poser l’événement. Le Soir a publié le 5 février une carte blanche protestant contre cette décision qualifiée de boycott inavoué. Sollicité de signer ce texte, j’avais préféré envoyer au journal une lettre qui n’a pas été publiée. Sans doute pour ne pas alimenter la campagne de certains milieux juifs qui qualifient en permanence notre presse de partiale et de « pro-palestinienne ». Voici cette lettre : « J’ai été sollicité de signer une carte blanche que votre journal publiera ce mercredi 4 février (date annoncée par les initiateurs) au sujet du report de l’exposition du CIVA consacrée à l’architecture de Tel Aviv dans les années 1920-30. Comme historien du modernisme et organisateur de l’Exposition Bauhaus au Musée d’Art moderne de Bruxelles en 1988, je ne peux que regretter ce report. Je comprends cependant parfaitement que l’École d’Architecture de La Cambre, dont je suis diplômé et dans laquelle j’ai enseigné pen-

« Si le messie revient et s’établit à Tel-Aviv », 1935, reproduit dans « Tel-Aviv, Neues Bauen 1930-39, Wasmuth-Verlag, Berlin, 1993 »

dant 35 ans, n’ait pas tenu à s’associer à l’événement en raison des actes barbares commis par le gouvernement israélien, partenaire de l’exposition. On ne peut pas, à la fois, défendre la culture et son contraire. Je comprends aussi que, dans ces conditions, le CIVA ait préféré différer l’ouverture de l’exposition et ait appelé à la réflexion sur ce sujet. Culture et politique sont en effet indissociables, et l’histoire de l’architecture moderne en témoigne abondamment. J’avais déjà protesté jadis contre l’idée aberrante de présenter Tel Aviv comme une ville de « style Bauhaus », notion contre laquelle tous les professeurs de cette école allemande s’étaient déjà insurgés en son temps. Ceux qui ont construit Tel Aviv, la ville blanche, n’étaient pas davantage des « artistes israé-

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liens (?) ». Il suffit de rappeler que tous avaient alors la nationalité palestinienne, la seule reconnue sous le mandat britannique. C’est sous cette nationalité que certains d’entre eux suivirent les cours du Bauhaus. Pour finir, je rappellerai le titre d’un très beau livre consacré au modernisme par l’architecte Anatole Kopp, l’un de ses protagonistes : « Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause ». En l’occurrence, c’est bien de cela qu’il s’agit. Espérons que comme à cette époque la culture du Moyen-Orient sera demain internationale, ni juive ni arabe, mais fruit de la paix et de la collaboration pacifique des peuples. ■ * Professeur honoraire de l’Institut supérieur d’Architecture de la Communauté française - La Cambre


Une exposition politique ? ROLAND BAUMANN

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o-signataire de la carte blanche dénonçant la déprogrammation de l’exposition « La Ville Blanche, le mouvement moderne à Tel Aviv », je vous expose quelques raisons personnelles de mon soutien au texte collectif. D’abord, j’estime le principe du boycott hostile à toute forme de réflexion collective, de débat public, ou de conflits d’idées. Annuler l’exposition, c’était peutêtre, « la solution du moindre mal », éviter toute manifestation hostile à une exposition « belgoisraélienne », voire empêcher l’un ou l’autre attentat visant la « façade totalement vitrée » de l’Espace Architecture La Cambre ? Mais pourquoi une exposition culturelle doit-elle nécessairement s’entourer de sérénité ? S’agit-il d’une simple question de maintien de l’ordre, ou de la crainte « légitime » de voir profaner l’ambiance de ravissement esthétique censée accompagner la visite de toute exposition d’art ? Il me semble que cette exposition qui nous révèle les qualités architecturales d’un site urbain, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en juillet 2003, doit aussi susciter critiques et débats sur le contexte historique et politique du Yishouv de 1931 à 1948, ces « années héroïques » durant lesquelles fut édifiée la Ville Blanche de Tel Aviv. Mais je crois que de tels débats ne peuvent se substituer à la représentation dans une exposition de ces étonnantes « maisons sur le sable » et de la surprenante transposition du « Mouvement moderne et

de l’esprit Bauhaus » sur ces zones de dunes au Nord-Est de Jaffa. Et puis, montrer les beautés formelles de la Ville Blanche c’est aussi évoquer le temps du « sionisme utopique » avec ses paradoxes, toute sa profondeur culturelle et historique. Comme en témoigne la « section Palestine » de la rétrospective Robert Capa au Musée Juif de Belgique, cette complexité est ignorée du grand public... L’annonce par le CIVA (Guy Duplat, La Libre Belgique 4/2/09) d’un colloque sur les rapports entre événements culturels et politique d’un État dont on expose le patrimoine me semblait encore plus « surréaliste » : exception israélienne, ou alors « rite de fondation » d’une « nouvelle politique citoyenne » visant aujourd’hui Tel Aviv, demain la Turquie, la Russie, la Chine, etc. ? Je me réjouis donc d’apprendre que l’exposition ne sera finalement pas annulée. Je ne prise guère le boycott, ni la censure, même au nom de « la bonne cause ». En 2002, j’avais dénoncé dans les colonnes de Regards la censure dont venait d’être l’objet l’exposition à Berlin des travaux des deux architectes israéliens Rafi Segal et Eyal Weizman, lauréats d’un concours de l’Association israélienne des architectes. La critique radicale de l’architecture israélienne dans les Territoires occupés à laquelle se livraient ces deux architectes engagés venait de provoquer l’annulation en dernière minute de l’exposition officielle de leurs travaux et la mise au pilon des catalogues de leur exposition. Publié ensuite

en anglais (A Civilian Occupation, Verso, 2003) puis en français, avec une préface de Paul Virilio (Une occupation civile : La politique de l’architecture israélienne, 2004) ce catalogue cartographiait et décrivait minutieusement les formes architecturales de base et l’implantation des colonies juives en « Judée et Samarie », reliant ces formes d’habitat actuelles aux colonies qu’édifiaient les pionniers du Yishouv dans les années trente... En 2007, Eyal Weizman a publié une monographie qui fait le point de ses travaux sur l’architecture israélienne d’occupation (Hollow Land : Israel’s Architecture of Occupation, Verso, 2007) et dont malheureusement seul un chapitre, consacré aux nouvelles techniques de guerre urbaine menées par Tsahal, a été traduit en Français (À travers les murs. L’architecture de la nouvelle guerre urbaine, La Fabrique, 2008). Ces travaux récents de Weizman ont été présentés en 2007 et 2008 au public bruxellois. Je constate que les analyses de cet architecte sont surtout citées par des sites pro-palestiniens, dont une partie remettent en cause l’existence de l’État juif, ou parfois virent à l’antisémitisme. Mais, je pense qu’il faut lire Weizman, et de même, je veux découvrir les beautés formelles de la Ville Blanche et me passionner pour l’histoire de ses créateurs, quelle que soient les enjeux politiques, réels ou fantasmés, dont aurait été l’objet cette manifestation culturelle, qui met en valeur un patrimoine de l’humanité. ■

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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN

1968 Nliup poyln 1968 Pologne 1968 2008 a donné lieu à maintes commémorations qui se rapportaient à l’année 1968. Essentiellement le mai français et le printemps de Prague. Il a nettement moins été question du mars 68 polonais. Et pourtant... Voici un extrait d’un article publié dans le mensuel Yidisher tam-tam édité par la Maison de la culture yiddish de Paris (Bibliothèque Medem) et destiné à ceux qui ont eu la témérité de se lancer dans l’étude du yiddish.

NdYi uq gnuYq=b id zij 1967 Nij ljrWi Nij hmxlm rekiget-skez red C]n yidn tsu batsiung di

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(Nwtnem 30000 iuu sepe) Nliup Nuf keuu= mentshn 30000 vi epes) poyln fun avek

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! widYi ? widYi TRADUCTION Après la guerre des Six Jours au Proche-Orient (“en Israël”) en 1967, l’attitude envers les Juifs en Pologne (comme aussi dans d’autres pays communistes) est devenue hostile. De plus, en Pologne, en mars 1968, un vent de protestation a soufflé contre l’Union soviétique et le gouvernement communiste (polonais). Il s’est produit des manifestations étudiantes. Le gouvernement a recouru à (“a commencé”) des répressions contre les étudiants en général et contre les étudiants juifs en particulier. On les a considérés comme (“tenus pour”) les organisateurs des manifestations et le gouvernement les a contraints à émigrer. Environ 90% des Juifs ont alors quitté la Pologne (quelque chose comme 30000 personnes).

Manifestation d’étudiants en Pologne en mars 1968

REMARQUES rekiget-skez zeks tegiker = d’une durée de six jours (également : rekig]t togiker) ; g]t tog (pluriel : get teg) = jour. hmxlm milkhome (hébr.) = guerre (également : girk krig). CeltnUf fayntlekh (de tnUf faynt = ennemi) = hostile. Nz]lbeg geblozn : part.passé de

Nz]lb blozn = souffler. dn=br=f-Nt=r ratn farband = Union soviétique (de t=r rat =

conseil [assemblée], traduction du mot russe “soviet”) ; dn=br=f farband = union, fédération. Nemukegr]f forgekumen : part.passé de Nemukr]f forkumen = se produire, avoir lieu.

Nbiuhegn] ongehoybn : part. passé de Nbiihn] onheybn = commencer. llcb bikhlal (hébr.) =

en général. trfb bifrat (hébr.) = en particulier. tiineg geneyt : part.passé de Ntiin neytn =

forcer ; également Negniuuq tsvingen. Cre N= an erekh (hébr.) = environ. sepe epes : un peu; quelque chose.

mars 2009 * n°294 • page 21


ANNE GIELCZYK

Antisémite la VRT ? Antisémite ?

P

remiers résultats des élections israéliennes ce matin à la radio. Notre ami Amir H. (« van de Belgische Progressieve Joden ») est invité à la VRT pour donner son avis sur l’avenir du processus de paix. Michael Freilich de Joods Actueel vient d’expliquer que même avec Avigdor Lieberman, un processus de paix n’est pas exclu. Autant vous dire que ce n’est pas l’avis d’Amir. Il a une minute pour s’expliquer et va donc à l’essentiel : Israël s’étend et s’installe depuis 40 ans bien au-delà des frontières de 1967 et personne pour le sanctionner, alors pourquoi iraitil aujourd’hui faire la paix et avec qui d’ailleurs si personne ne l’y oblige ? Pas optimistes ces Progressieve Joden diraisje. Antisémite ! diront certains et il ne faut pas s’étonner que cela passe à la VRT, c’est une télévision antisémite. Antisémite la VRT ? C’est en tous les cas ce que prétend Joël Rubinfeld, le président qui tire sur tout ce qui bouge du CCOJB. Selon J.-P. Stroobants, le correspondant du Monde en Belgique, le CCOJB aurait porté plainte contre la chaîne Canvas auprès du centre pour l’égalité des chances (Le Monde du 11 février). Pourquoi le CCOJB et pas le Forum ? On peut se poser la question. Toujours est-il qu’il

ne doit pas regarder souvent la VRT car l’émission incriminée « Man bijt hond » passe tous les jours de la semaine sur la première chaîne de la VRT et pas sur Canvas. Je ne dis ça pas pour faire mon intéressante, mais parfois il faut placer les choses dans leur contexte. Pour qui connaît « Man bijt hond », il est de notoriété publique que la séquence « Het gesproken dagblad » (le journal parlé), qui est un pastiche des actualités des années 1940-50, utilise les stéréotypes pour les détourner en faisant rire au passage. En tous les cas, ils n’y vont pas de main morte : les Noirs vont tout nus, les gays sont efféminés, Tia Hellebaut a l’air d’une institutrice, à la NV-A, le président est un führer, et j’en passe. Jusqu’à présent ni les Noirs, ni les gays, ni les institutrices, ni même Bart Dewever n’ont porté plainte. Selon les auteurs du programme, les Juifs réagissent de façon disproportionnée (sic) car tout ça est à prendre au second voire au troisième degré. Je veux bien, mais parfois on s’y perd entre tous ces degrés et il n’est pas sûr du tout que le spectateur prime time comprenne toutes ces subtilités. De toute façon, il s’agit là d’un exercice qui explore les limites de la bienséance et du politiquement correct. Qui dit limite dit risque

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de dépassement de ces limites. Ainsi dans ladite séquence « Joden weer wat boos » (« Les Juifs encore fâchés »), on se moque de la susceptibilité de la communauté juive, chose confirmée par la réaction à cette séquence selon les auteurs.

L

a Communauté juive est fâchée (« Boos de Joodse Gemeenschap ? Boos ? »), fâchée sur tout le monde, sauf sur ellemême : les organisations juives et… Rolex et Rolls Royce. Les Juifs et l’argent, un cliché qu’on dénonce ou un cliché qu’on utilise ? ? À leur décharge, il faut préciser que l’image du Juif au nez crochu qu’on a pu voir sur le site de Joods Actueel (où vous avez sans doute vu la séquence dûment sous-titrée en français) n’y a pas été placée par la VRT mais par Joods Actueel (pour souligner l’aspect judéophobe de l’émission j’imagine) et a été retirée depuis. Alors antisémite « Man Bijt Hond » ? L’émission n’en est pas à sa première moquerie concernant la communauté juive. Il y a quelque temps, elle avait ironisé sur l’interdiction du « Plat préféré » de Hitler, dont je vous ai parlé dans une chronique précédente (janvier 2009). La séquence de « Man bijt hond » intitulée « Plat annulé » y met en parallèle victimes juives de


la politique génocidaire d’Hitler et ses… victimes animales - en l’occurrence les truites - tuées de façon barbare par les chemises brunes hitlériennes ainsi qu’un petit jeu de mots sur la cuisine au gaz. Là on n’est pas loin de la banalisation du judéocide, qu’on retrouve d’ailleurs de façon très explicite cette fois dans les propos de Philippe Geubels, l’humoriste qui dans un show de fin d’année sur la VRT (diffusé trois fois !) se demande si les Juifs vont porter plainte auprès de la ville s’il y a fuite de gaz à Anvers et félicite les Juifs de s’être dispersés un peu partout dans le monde maintenant (ben tiens, c’est bien connu la diaspora juive est un phénomène très récent) et vu qu’ils ont émigré surtout aux États-Unis (pas un mot sur Israël, sans doute veut-il éviter d’être traité d’antisémite), on ne pourra plus les transporter par train vers les chambres à gaz. Enfin, lui au moins reconnaît l’existence des chambres à gaz. Non ce qui fait le plus mal, c’est de voir le public nombreux se gondoler, mais, nous affirme Philippe Geubels dans une interview (Humo 27/01/2009), Michael Freilich lui-même se serait bien marré avec la première partie de la blague (fuite de gaz à Anvers). Pas avec la seconde partie (déportation). Et d’ailleurs le public ne rigole plus non plus depuis qu’on a attiré son attention sur le caractère blessant de ce « trait d’humour », à tel point que Geubels a décidé de supprimer ce passage dans son spectacle (« ze gaan niet mee », ils ne me suivent pas). Est-ce qu’ils le suivent encore pour le premier ? Je n’ai pas été vérifier

et ça ne risque pas de m’arriver.

M

ais comment réagit la Flandre (goy) ? Ludo Abicht, qui a écrit jadis un livre bien documenté sur les Juifs d’Anvers, donne son avis dans De Morgen (03/02/2009). Comme entrée en matière, il nous gratifie de deux blagues juives pour montrer à quel point les Juifs ont le sens de l’autodérision. Ah ! le fameux humour juif ! On ne peut pas lui reprocher ce cliché, les Juifs sont les premiers à le colporter. Mais quelle mouche les a piqués se demande Abicht, ont-ils perdu leur sens de l’humour ? Selon lui c’est à mettre en rapport avec « la campagne internationale contre l’antisémitisme » qui confond anti-sionisme et antisémitisme. Certes, porter plainte à tout va et l’utilisation sans discrimination du qualificatif « antisémite » participent d’une stratégie de la tension, chère à une certaine droite pro-israélienne poussée dans ses derniers retranchements idéologiques depuis les évènements de Gaza. Ceci dit, ne se pourrait-il pas tout simplement, cher Ludo Abicht, que les Juifs, survivants et enfants des survivants de la Shoah se sentent blessés et que dans ces cas-là on a tendance à perdre un peu de son sens de l’humour ? Rik Van Cauwelaert de Knack (04/02/2009) lui, renverse ce raisonnement. Selon lui, les évènements de Gaza sont le prétexte pour donner libre cours à un retour du refoulé aux relents antisémites parce que « sommigen onder ons hebben kennelijk de Joden

nog altijd Auschwitz niet vergeven » . « Certains d’entre nous n’ont apparemment pas encore pardonné aux Juifs (leur) Auschwitz ». Il suffit d’aller lire les nombreuses réactions de citoyens sur les sites des journaux flamands pour s’en rendre compte.

Q

uant à Bert Anciaux, il ne pouvait pas être en reste. Inénarrable Bert Anciaux, il s’est cru obligé de comparer le massacre des enfants de Termonde à celui des enfants de Gaza. C’est normal me direz-vous, il est ministre en charge de l’enfance, alors les enfants c‘est un peu sa spécialité. D’ailleurs il l’a dit : « parce qu’un enfant c’est un enfant ». Oui et une voix c’est une voix, et puisque les élections ne sont pas loin, un peu de démagogie mettra du beurre dans les épinards. Tom Lanoye, sans doute le plus grand écrivain vivant de Flandre, mais également citoyen engagé contre l’extrême droite depuis le début des années 90 (co-fondateur de Charta 91) s’insurge (Humo 01/11/2008) contre la censure de l’émission « Plat préféré » tout en dénonçant la démarche qui consiste à mettre sur le même pied Hitler, La Callas et Jacques Brel par leurs plats préférés interposés. C’est l’éternel débat, faut-il censurer et par extension faut-il légiférer en matière de racisme ? En Belgique, l’incitation à la haine est punissable par la loi mais en gros je crois qu’il faut éviter toute censure et privilégier le débat, ouioui sans crispation et si possible avec humour. On fera mieux la prochaine fois ! ■

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LE

DE LÉON LIEBMANN

Le microcosme juif bruxellois en pleine ébullition

J

’ai, dans ma précédente chronique, épinglé et analysé les premières réactions apparues au sein de la population juive de Bruxelles à la suite des « représailles » israéliennes exercées dans la bande de Gaza. Avant de décrire et de commenter l’évolution de ces réactions depuis qu’on est entré dans « l’Après Gaza », il me paraît nécessaire de vérifier si l’usage du terme « représailles » par les dirigeants israéliens et par leurs propagandistes patentés se justifie en l’occurrence. Selon les auteurs de l’excellent dictionnaire modestement appelé par eux-mêmes « le petit Robert », le mot « représailles » peut être utilisé dans deux cas. Il s’applique à toute mesure de violence, illégale en soi, que prend un État pour répondre à un acte également illicite (= violation du droit international public) accompli par un autre État. En second lieu, il vise toute riposte individuelle à un mauvais procédé et cela dans un esprit de vengeance. La riposte particulièrement musclée et sanglante ordonnée par les dirigeants israéliens à la suite des tirs de roquettes contre des sites urbains situés en Israël par des membres du Hamas ne rentre dans aucune de ces catégories de

représailles puisqu’elle n’est ni consécutive à une violation du droit international public, ni une riposte individuelle à une action illégale. Cet abus de langage n’est ni innocent ni bénin. Il tend à induire en erreur ceux qui se fient à la phraséologie utilisée par les protagonistes de ces ripostes, tellement violentes et, de leur propre aveu, « disproportionnées » car frappant massivement et indistinctement la population civile de la bande de Gaza.

C

ette mise au point nous permettra de mieux comprendre le sens et la portée des thèses défendues par les partisans ainsi que par les adversaires des violences exercées par l’armée israélienne au cours de ce qu’elle a appelé la « contre-offensive » à Gaza en riposte aux tirs de roquettes dirigés contre son territoire. Commençons notre tour d’horizon par l’examen des arguments mis en avant par le clan des Juifs bruxellois favorables aux agissements des unités combattantes d’Israël dans la bande de Gaza. Leur teneur a été quelque peu modifiée pour se concentrer sur deux affirmations répétées à satiété en application de l’aussi célèbre que simpliste « méthode

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Coué » : finir par se convaincre de ce que l’on dit soi-même à force de le répéter. La vaste panoplie composée par les « bénis oui oui » pro israéliens s’est, à l’usage, réduite à quelques slogans assénés sans cesse : les souffrances endurées par les civils de Gaza ne sont imputables qu’au Hamas, dont l’action terroriste perpétrée contre des civils israéliens entraîne et justifie les « représailles » israéliennes. Le Hamas est une organisation terroriste appartenant à la mouvance islamiste et, comme tel, il fait partie du « Grand Complot anti-occidental » ourdi par l’Iran, la Syrie et Al-Quaïda. Israël, qui ne se laisse pas faire par cette bande de criminels fanatiques, est l’unique bastion occidental dans le Proche et Moyen-Orient. Ceux qui le contestent sont des antisémites avérés ou déguisés en « antisionistes » et les Juifs qui les appuient sont des imbéciles ou des traîtres. Deux échantillons de cette prose enflammée et incendiaire ont trouvé place dans le Fax de Jérusalem et du monde juif , mensuel de l’Organisation Sioniste de Belgique. En première page de sa couverture, figurent deux phrases symétriques accolées et opposées l’une à l’autre : « Si les Arabes du monde déposaient


leurs armes aujourd’hui, il n’y aurait plus de violence ! Si les Juifs déposaient leurs armes aujourd’hui, il n’y aurait plus d’Israël ! ». Ces deux points d’exclamation sont dans le texte qui est assez parlant pour ne pas devoir en faire l’exégèse ou en entreprendre la critique.

S

econd exemple de ces clichés dépourvus de toute consistance : le « message de Madame Tamar Samash, ambassadeur de l’Etat d’Israël » en Belgique... J’en citerai trois extraits plus significatifs (évocateurs d’une opinion) que signifiants (égale pleins de sens). Dans le premier, elle démasque le Hamas et condamne son audience dans les médias ainsi que parmi les dirigeants politiques et dans les ONG d’ici et d’ailleurs : « Pourquoi voyons-nous des États démocratiques prendre fait et cause pour un groupe islamiste qui non seulement vise à détruire Israël mais prône la conquête par l’Islam du monde occidental ? » Et plus loin : « Il y a dans le monde des personnes qui accusent Israël de tous les maux de la terre. Leur vision du monde est en noir et blanc et Israël est toujours peint en noir ». Et enfin ce « message » final : « Si le Hamas vient à gagner la guerre de propagande, c’est le monde libre tout entier qui sera vaincu. Nous ne pouvons nous permettre de perdre. La vérité doit l’emporter ». À côté de ces partisans inconditionnels de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens il faut citer des voix discordantes qui sont issues de

cette mouvance. Elles émanent surtout d’ intellectuels, la plupart de tendance laïque et « socialdémocrate ». C’est ainsi que dans son éditorial, Nicolas Zomersztajn, rédacteur en chef de la revue Regards, s’est, tout comme je l’avais fait moi-même dans ma précédente chronique, employé à mettre en évidence les principales prises de position exprimées parmi les Juifs de Belgique, dont Bruxelles rassemble plus de la moitié. Il cite en premier lieu ce qu’il appelle « les Israéliens de service », « assurant à Israël un soutien inconditionnel dénué de toute critique ». Il leur oppose « ceux qui ont choisi de tirer à boulets rouges sur Israël, rendu exclusivement responsable de la crise actuelle », et s’aidant pour ce faire des analyses hypercritiques empruntées à la presse israélienne. Il repère enfin les Juifs qui gardent le silence car, je cite : « ils ont le sentiment qu’il est impossible d’exprimer avec nuance ce que ce conflit tragique leur inspire vraiment, tiraillés qu’ils sont entre l’indignation face à la brutalité de l’offensive israélienne et leur attachement à Israël même s’ils sont conscients que leur avenir est en Belgique » ( !!!).

D

ans le même numéro de cette revue Guy Haarscher s’exprime plus ou moins dans le même sens. Il consacre plus particulièrement ses « Propos d’un libre penseur » à la « dégradation du sens moral » qu’il décèle chez les Juifs pro-israéliens qui ten-

tent de minimiser le nombre des victimes palestiniennes et l’intensité de leurs souffrances. Il estime que « les forces de paix sont bien silencieuses » et que ce communautarisme, juif en l’occurrence, « dégrade le sens moral parce qu’il nous donne mille justifications de ne plus voir la souffrance que nous infligeons à d’autres ». « Les temps sont durs pour les moralistes », conclut-il avec une ironie teintée d’un certain cynisme. Enfin, toujours dans le même numéro de Regards, Joël Kotek directeur de la publication , va plus loin encore dans les « aveux ». Sous le titre « À l’ouest, rien de nouveau », il contredit en quelque sorte cet aphorisme célèbre en reconnaissant, dès la première ligne de son article, qu’il est - je le cite - « partisan d’un État palestinien avec JérusalemEst comme capitale. » Dans sa conclusion, pour le moins inattendue sous sa plume aguerrie, il fait cette double et pourtant singulière révélation : « Je rêve d’une évacuation, par la force s’il le faut, des colons juifs d’Hébron, un premier geste avant le démantèlement systématique des principales colonies de Cisjordanie ». J’ai moi-même, en lisant et ensuite en relisant ces propos, qui ne sont pas seulement de circonstance, cru avoir rêvé… Décidément, le microcosme juif bruxellois est en pleine ébullition et bien (plus) malin (que moi) celle ou celui qui pourrait, sans se tromper, prédire comment et jusqu’où il continuera à évoluer. ■

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LA CHRONIQUE DE DIDIER BUCH

L’aliénation communautaire

V

ivre au sein d’une société considérée comme incapable de comprendre l’évidence affirmée de sa cause ne peut manquer tout à la fois de déstabiliser et de radicaliser. C’est le sort de la communauté juive. Sa conscience de « l’injustice » est profonde, sa perception d’un porte-à-faux est permanente. Ce « malaise aussi profond », c’est Contact J lui-même, l’organe le plus représentatif du cœur de la communauté, qui nous le décrit (février 2009), sous la plume d’E. Stark: « La colère que la communauté juive a de plus en plus de mal à contenir est liée au fait que […] l’implication de certains dirigeants politiques a pris une dimension nouvelle »… « la critique de la politique d’Israël est légitime mais non sa criminalisation ni sa nazification... lorsque ce sont les acteurs politiques qui se l’approprient, […], elle enlève toute légitimité à la défense d’Israël ». Le coupable est désigné : « C’est exactement ce que fait M. Di Rupo lorsqu’il appelle à traîner les « criminels de guerre israéliens » devant la justice internationale ». Tombe

alors la conclusion, éclairante : « En tenant de tels propos, il fait de ceux qui soutiennent le droit d’Israël à protéger sa population, des apologistes d’actes supposés contraires aux droits humains, il criminalise donc leur opinion en les rendant complices de ces faits ».

S

’il importe de défendre la politique d’Israël, il faut plus encore préserver un lien vital et une image de soi qui ne peuvent souffrir aucune altération. Il ne s’agit pas de choisir entre « mon pays » ou « la justice » puisque « mon pays » incarne « la justice ». Une telle perspective ne laisse que la possibilité de nier ou minimiser les évidences et de se reconstruire un horizon limpide. On peut certes admettre de petits défauts, toujours involontaires ou causés par l’irrédentisme de l’adversaire et toujours compensés par des gestes d’humanité systématiquement valorisés (cf. les victimes palestiniennes soignées dans les hôpitaux israéliens). De petits défauts dont la reconnaissance permettra d’ailleurs d’affirmer son ouverture d’esprit ou

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sa « modération ». Mais cet acharnement à « expliquer » toujours et encore ne récolte d’écho qu’auprès des convaincus. La communauté juive ne se parle plus qu’à elle-même et à ceux qui, par adhésion à un discours islamophobe essentialiste, la voient comme une alliée. Son discours, ses certitudes, ses évidences sont trop éloignées de la réalité des faits. La sensation déstabilisante de ne pas être compris renforce encore l’acharnement à dire et redire, à « informer objectivement » contre la « désinformation », la mal-information, la mauvaise foi supposées. Et, effet pervers, ressoude encore plus les rangs et ferme les esprits. Ce sentiment d’aliénation et d’exclusion des Juifs communautaires est profond, leur défiance envers la société civile et le monde politique s’exprime donc continûment. Et il inclut, ce qui est révélateur, l’aveu de la défaite. En actionnant, c’est une constante, l’argument médiatique (« Notre communauté doit aujourd’hui relever le défi de l’image et de la communication »), D. Culer, présidente du CBG, dans un


« mot » significativement intitulé « Il faut rappeler... », écrit en effet (Contact J février 2009) que « c’est systématiquement à ce niveau qu’Israël et les autres démocraties sont vaincus par leurs ennemis ». Et de rappeler là le rôle de « notre journal, notre radio et notre site internet […] pour barrer la route à la haine antisémite et à la haine d’Israël ». Un article est précisément dédié à Radio Judaïca dont, nous dit-on, la « mission » est « d’informer d’abord, de la manière la plus objective et la plus exhaustive possible […] sans céder à la facilité de la propagande et du show ». Pour S. Cohn, « notre angle d’approche n’est pas neutre, mais nous ne censurons aucune information, même si elle est défavorable à Israël ».

I

l est difficile, face à ces déclarations, de ne pas parler de déni de réalité tant est unilatéral l’engagement d’une radio censée, officiellement, être la voix d’une communauté juive comprise - en l’absence de toute autre définition légale comme l’ensemble de tous les Juifs vivants en Communauté française et donc plurielle. Quoi qu’il en soit de l’acharnement mis à réaliser cette « mission » qui apparaît de plus en plus comme une tâche irréalisable, d’autres contributeurs au même numéro de Contact J nous confirment qu’« au travers des discussions, des débats, on se rend compte qu’une grande partie de la société, si touchée par ce malheureux conflit, ne veut ou ne peut comprendre » (C. Kandiyoti) ou que « le moins que l’on puisse

dire, c’est qu’aujourd’hui, l’incompréhension est mutuelle [entre la communauté juive de Belgique et le monde politique] » (W. Racimora). Des messages paradoxaux laissent néanmoins penser que certains acteurs de la droite communautaire ont pris conscience que leurs ouailles se laissent aveugler. W. Racimora titre, certes pour avoir interviewé Jean-Michel Javaux, « Éloge du dialogue » son éditorial et C. Kandiyoti, tout en soutenant « qu’Israël devait se défendre » face « à un Hamas qui a pris le peuple palestinien en otage », estime néanmoins «que cette guerre aurait pu être évitée si les gouvernements israéliens, présents et passés, avaient œuvré au renforcement des Palestiniens modérés, en allégeant les checkpoints dans les Territoires, en négociant le désengagement de Gaza avec l’OLP de Mahmoud Abbas »…

R

ien que de très marginal cependant dans un univers communautaire où puisqu’il faut avant tout avoir raison, le recours à l’argumentaire fragile du « deux poids deux mesures » reste omniprésent sinon obsessionnel. Un recours qui en dit d’ailleurs moins sur l’absence d’arguments de fond que sur le rapport au monde de tous ceux qui ne comprennent pas qu’on s’en prenne à un « État d’Israël et à un peuple juif » qui « aspirent à la paix » (D. Culer). Citons, à titre d’exemple, cet extrait d’un des innombrables courriels reçus : « Pourquoi l’injustice commise envers les Palestiniens reçoit-elle vingt

fois plus d’écho que celle faite aux Tibétains, aux Tamouls, aux chrétiens du Soudan, aux Indiens du Guatemala, aux Touaregs du Niger, aux Noirs de Mauritanie ». Pour une fois, les Tchétchènes sont absents de la liste ainsi que les habitants du Darfour, probablement pour cause d’Islam trop évident. Il n’y a bien sûr pas lieu de répondre à une « question » dont la fonction dilatoire est première. L’argument est extrêmement fragile parce qu’à double tranchant. L’obstacle éthique que représente la politique palestinienne d’Israël est avoué puisque mesuré à l’aune des pires massacres de l’histoire contemporaine. Et à le « comparer », on reconnaît donc, très cyniquement, le drame palestinien. La mise en abîme est presque effrayante. C’est ce que nous dit, à sa manière, le rédacteur en chef de Regards. S’il lâche quelque lest « face à l’indignation sélective dont peuvent faire preuve les contempteurs d’Israël », N. Zomersztajn assène qu’« on peut néanmoins regretter qu’ils (une partie des Juifs de Belgique) mesurent les actes d’une démocratie comme Israël à l’échelle des valeurs d’un Vladimir Poutine déterminé à «buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes». Las, une page plus loin, J. Kotek, son directeur de publication, reprend, sous une variante encore plus rude, le même argument : « Trouvez un seul autre conflit où l’on dénombre systématiquement le nombre d’enfants tués comme s’il s’agissait du fond de la question. […] Combien d’enfants tchétchènes, géorgiens, tamouls, congolais ? »... ■

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cultes et laïcité La messe est dite... mais en quelle langue ? CAROLINE SÄGESSER

E

n juillet 2007, le pape confirmait les craintes de tous ceux qui le croyaient désireux d’abolir les acquis du concile Vatican II : il réhabilitait la messe en latin. Les événements récents auront conforté leur opinion : Benoît XVI a levé l’excommunication qui frappait les quatre hommes ordonnés évêques par le traditionnaliste Lefèvre sans l’approbation de Jean-Paul II. Si la déception des catholiques progressistes se comprend, l’indignation de ceux qui ne se réclament pas de cette foi est plus difficile à comprendre. Quant elle émane de milieux laïques militants, elle paraît encore plus étonnante, car voir sombrer l’Église catholique dans un sectarisme de plus en plus étroit ne peut qu’accélérer le discrédit de l’institution. Il faut créditer les anticléricaux de cette élégance qui leur fait refuser un calcul opportuniste. Reste que l’indignation générale paraît exagérée, même au vu de la révélation des déclarations négationnistes de Richard Williamson. Il y a un malentendu, dans la mesure où la presse accrédite l’idée que Williamson serait, désormais, un évêque catholique. Or, la portée du geste de Benoît XVI ne va pas au-delà de la levée de l’excommunication : en clair, « les Quatre » redeviennent catholiques, et ne sont plus exclus des sacrements. Ce faisant, ils quit-

tent la longue liste des excommuniés, qui, de Luther en 1520 à Fidel Castro en 1962, compte bien des noms qu’à leur place, on se serait plutôt réjouis de côtoyer… Gageons aussi que parmi le milliard de catholiques que compte la planète se trouve d’autres négationnistes que Williamson, et quelques fripouilles d’autre acabit ; attendrait-on de l’Église catholique qu’elle les traque et les expulse tous ?

UN DIALOGUE JUDÉO-CHRÉTIEN ? On aura lu que cet acte nuira à la poursuite du dialogue judéochrétien, que la poursuite de la procédure de béatification de Pie XII avait déjà sérieusement entamé. On a rappelé que la restauration de la messe de rite tridentin, en latin, avait été un autre coup de canif de Benoît XVI dans ce dialogue, car elle emportait la restauration de la prière pour la conversion des Juifs. Là aussi, on peut avoir du mal à comprendre le problème. En effet, l’Église catholique est missionnaire par nature, c’est bien pour cela qu’elle peut s’enorgueillir de compter plus d’un milliard de fidèles ; pourquoi renoncerait-elle au prosélytisme envers les Juifs comme envers quiconque, puisqu’elle se donne une vocation universelle ? Ce qui est évidemment condamnable, c’est l’usage de la coercition dans les tentatives de con-

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version, et les méthodes violentes auxquelles l’Église a abondamment recouru dans les siècles passés. Pour le reste, nous sentirions-nous tellement vulnérables que l’on exigerait de l’Église qu’elle renonce à toute tentative de conversion, alors même qu’elle s’est faite, ces dernières années, beaucoup plus discrète que les témoins de Jéhovah, les Mormons et autres scientologues… ? La nature de l’Église catholique est missionnaire. Par ailleurs, cette Église est une institution puissante, dirigée par un despote omnipotent, le pape. Elle ferme ses rangs à la moitié de l’humanité - les femmes -, et rejettent tous ceux - divorcés remariés, homosexuels … - qui ne suivent pas strictement ses commandements. Cela, Vatican II ne l’a pas modifié. Dans ces conditions, pourquoi s’indigner aujourd’hui de la reprise de liens avec les catholiques intégristes préconciliaires ? Y avait-il tant de différence entre les uns et les autres ? Oui et non. S’il n’y avait pas beaucoup de différence entre les opinions des membres de la fraternité Saint Pie X et la ligne officielle de l’Eglise catholique, il y avait - il y a toujours - un gouffre entre eux et la grande majorité des catholiques d’Europe occidentale. Depuis longtemps, le peuple catholique n’a plus les yeux rivés sur Rome. En Belgique particulièrement, l’Église, dont les


représentants ont véritablement « fait » Vatican II, a toujours souhaité poursuivre dans la voie de la modernité. Nous connaissons tous de ces catholiques engagés, solidaires de leurs frères humains et fidèles au message évangélique dans ce qu’il a de plus social, voire révolutionnaire, et que l’attitude de Rome désole depuis longtemps. Aujourd’hui, ils ont droit, plus encore qu’hier, à toute notre sympathie.

LES EXCUSES DE DANNEELS Le cardinal Danneels, est, même si on ne le rangera pas dans la catégorie des chrétiens révolutionnaires, un homme de progrès, que beaucoup, y compris dans le camp laïque, auraient voulu voir sur le trône de Pierre. Visiblement affecté par les événements, le cardinal s’est excusé auprès du peuple juif

idée d’imprimer des dépliants et affiches bilingues, destinés à être distribués dans tout le diocèse, qui recouvre l’ancienne province de Brabant (Brabant flamand, Brabant wallon et la Région de Bruxelles-Capitale) et quelques communes de la province d’Anvers. Malencontreuse, l’idée l’était évidemment aux yeux de nombreux Flamands, qui ont pas manqué de condamner très fermement cette promotion de la langue française en terre flamande ! En particulier, le bourgmestre de Malines et président de l’Open VLD, Bart Somers, a estimé que la loi imposait aux cultes reconnus d’utiliser la langue administrative de la Région. Si l’on peut soutenir que dans leurs rapports avec l’autorité publique (gestion du temporel, fabriques d’église) les cultes reconnus soient contraints d’utiliser le néerlandais, il paraît impossible de leur imposer la langue du culte proprement dit. Une telle idée heurte de front deux principes constitutionnels, celui de la liberté religieuse (art. 19) et celui de la liberté de l’emploi des langues (art. 30).

Le cardinal Danneels

LE BOYCOTT DE L’INBURGERING

pour les propos de Williamson et a conseillé au pape de faire de même. Ce « scandale du retour des intégristes », qui a profondément ennuyé l’Église belge, a cependant eu, peut-être, un effet bénéfique pour elle : celui de détourner l’attention d’un autre dossier brûlant, belgo-belge celui-là. L’archidiocèse de Malines-Bruxelles, qui fête cette année son 450ème anniversaire, a eu la malencontreuse

Il est vrai que les autorités flamandes n’observent plus scrupuleusement ces principes depuis quelque temps déjà. La réglementation flamande sur le temporel des cultes fait la part belle aux obligations linguistiques : la pratique du néerlandais est imposée aux communautés religieuses qui demandent leur reconnaissance ; celles-ci doivent également s’engager à ce que leurs ministres du culte remplissent les obligations du processus d’intégration

civique (inburgering), parmi lesquelles figure l’apprentissage du néerlandais. À propos de l’inburgering, son boycott par les nouveaux venus de la communauté hassidique est également l’objet d’un débat : ils ont refusé de continuer à suivre la formation si elle incluait l’inculcation des valeurs de la société flamande en matière d’avortement, d’homosexualité et de sexualité en général, des sujets qui étaient jusqu’à présents laissés de côté, la formation étant assurée jusqu’à l’an dernier par un membre de la communauté. Ce dernier n’a plus eu l’autorisation de dispenser la formation en raison de son refus d’enlever sa kippa, neutralité du service public oblige. En s’attaquant aux communautés religieuses, les autorités flamandes vont-elles rencontrer une résistance difficile à vaincre ? Il n’est pas exclu que des recours basés sur les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’homme en matière de liberté religieuse puissent aboutir s’ils étaient un jour déposés. Mais, en ce qui concerne l’institution la plus puissante, l’Église catholique, dont on connaît les liens historiques avec le mouvement flamand, il est peu probable qu’elle s’oppose aux aspirations des politiciens flamands. En particulier, maintiendra-t-elle le caractère bilingue de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles ? Il n’est pas certain qu’elle le souhaite. Son aile flamande imposera peutêtre bientôt la scission de l’archidiocèse, un processus qui pourrait être au moins aussi complexe que le dossier BHV… ■

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mémoire Vatican : la marche arrière UN ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN LAPORTE Le pape a levé l’excommunication qui frappait, depuis 1988, les évêques intégristes opposés à l’héritage rénovateur du concile Vatican II (1962-1965). Les convergences entre les catholiques intégristes et l’extrème droite sont connues depuis longtemps. L’un de ces évêques, Mgr Williamson, va jusqu’à nier l’existence des chambres à gaz. Sur cette question, nous avons interviewé Christian Laporte, journaliste à La Libre Belgique, spécialiste des questions religieuses.

I

l est difficile de penser que Benoît XVI ne connaissait pas le fond idéologique des intégristes qu’il se dit prêt à accueillir... Effectivement, il ne serait pas très intelligent de penser que Benoît XVI ne connaît pas l’arrière-plan idéologique des intégristes. Il a prôné cette réintégration dans le but de revenir à une certaine tradition catholique. On ne peut pas affirmer que le pape partage les vues de ceux des traditionnalistes qui sont liés à l’extrême droite, cependant sa démarche met dans l’embarras la base catholique pour laquelle il ne peut être question de revenir sur les acquis de Vatican II. Or la question est de savoir si les intégristes vont accepter de ne plus rejeter Vatican II. C’est pour le moins loin d’être acquis. Est-ce qu’on peut dire qu’un courant réactionnaire est en train de prendre le dessus au Vatican ? Un courant que je qualifierais

plutôt de conservateur est en place depuis le lendemain de Vatican II. Un certain nombre de prélats (et aussi de fidèles) n’ont jamais voulu accepter que Vatican II aille jusqu’ au bout de sa logique. C’est-àdire, notamment, donner plus de pouvoir et d’autonomie aux églises locales, faire davantage confiance au « peuple de Dieu ». Toute une frange de l’Église n’a jamais voulu l’accepter, raison pour laquelle, d’ailleurs, elle avait vu d’un mauvais oeil le schisme intégriste de 1988. Vatican II avait tenté d’ouvrir l’Église sur le monde contemporain. Est-ce qu’on n’est pas occupé, à Rome, à fermer portes et fenêtres ? On ose espérer, pour l’Église, que non. Parce que, au lieu de reprendre du poil de la bête, si j’ose ainsi m’exprimer, l’Église ne ferait que renforcer un côté « sectaire », dans la mesure où un grand nombre de chrétiens se sont déjà détournés d’elle, particulièrement depuis 1968. Cette année-

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là, l’Église s’était exprimée avec fermeté contre les moyens anticonceptionnels. C’était une intrusion dans la vie privée des gens ; l’Église s’installait au pied du lit conjugal. À partir de là, elle a vu pas mal de fidèles se détourner d’elle. Cela ne s’est pas arrangé avec les années, dans la mesure où une bonne frange de l’Église n’a jamais voulu se mettre au diapason des changements sociétaux. Cela explique pourquoi un certain nombre de catholiques sont aujourd’hui en froid avec une Église qui veut réhabiliter, réintégrer les plus traditionnalistes tout en ne manifestant aucun geste d’ouverture, notamment à l’égard des femmes, à l’égard des homosexuels, bref à l’égard de tous ceux qui ne vivent pas tout à fait selon les dogmes ecclésiaux. ■ Propos recueillis par Willy Estersohn


dessiner

L’actualité vue par Jo Dustin

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activités NOUVEAU !

vendredi 6 mars à 20h15

À partir du mois de mars, petite restauration avant les conférences, de 19 à 20h

Les chantiers d’été de restauration de cimetières juifs anciens Conférence-débat avec

Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique À l’initiative de Philippe Pierret, conservateur, et d’Olivier Hottois, conseiller scientifique, les jeunes volontaires ASF, après avoir résidé un an au Musée Juif de Belgique, sont invités à réunir un groupe de jeunes volontaires issus de tous les pays d’Europe, pour participer à un chantier d’été et se familiariser aux techniques d’inventaire et de restauration d’un cimetière juif ancien. L’Aktion Sühnezeichen Friedensdienste (ASF), « Action Paix et Réconciliation », est une organisation allemande protestante, engagée depuis 1958 dans divers projets pour la réconciliation des différentes populations victimes du nazisme. PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO Petite restauration de 19 à 20h

samedi 7 mars de 14 à 18h Grande fête intergénérationnelle de Pourim* Au programme : 14h-15h30 : quatre ateliers animés par les aînés et les parents et ouverts à tous (parents, grandsparents, monos anciens et actuels, enfants...) - Création d’instruments bruyants pour chahuter Haman ! - Création de poupées, pantins représentant la belle Esther, le vilain Haman, le sage Mordechaï, le Roi Assuérus et la pauvre Vachti... - Cuisine : confection des Homen-tashn - Danses et chants juifs (en prélude au Grand bal yiddish du 21 mars !) 15h45 : Histoire racontée par Mina (apportez vos crécelles !) 16H : goûter 16h30 : Blagues, sketches 17h00 - 18h00 : chant, musique et danse!!

Déguisement obligatoire pour tous !!!!!

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*Proposée par l’UPJB Jeunes


on

vendredi 13 mars à 20h15

Et en plus, il faut les éduquer Conférence-débat avec Jacques Ravedovitz, psychothérapeute, accueillant au Gazouillis (lieu d’accueil parents-enfants) et formateur auprès des professionnels de la petite enfance (association Françoise Dolto) Enfants-rois, enfants violents, tyrans, hyperkinétiques, en refus d’autorité, de scolarité, ... Mais qu’ont-ils donc, tous ces enfants qui posent tant de problèmes aux parents et aux professionnels d’aujourd’hui ? Coaching pour les uns, rilatine pour les autres,... Supermammy pour les uns, Baby TV pour les autres.... rien n’y fait ! Parents, puéricultrices, enseignants, pères, mères, tous se renvoient la balle. Et l’enfant, au centre, compte les points... Tableau catastrophe ? Caricature ? Excès de langage ? Pas tant que cela, pourtant. En recherche constante de l’équilibre à trouver entre autorité et souci d’épanouissement pour leurs enfants, les parents sont souvent pris dans des difficultés ou des contradictions, se sentent mal à l’aise, voire coupables, de mettre trop de limites, ou pas assez, d’être trop autoritaires, ou pas assez, etc.. « Il est interdit d’interdire » clamait-on en mai 68. 40 ans plus tard, qu’en est-il de l’autorité, des limites, de la place du père, de la mère, des grands-parents... et des enfants ? Qu’en estil du rôle de l’instituteur, du psy, des médias, ... ? Qu’en est-il de notre société d’aujourd’hui et quel regard peut-on porter sur elle, à travers la place qu’elle « offre » aux enfants, eux dont les comportements doivent nous questionner tant aux niveaux sociopolitique que psychologique et éducatif ? PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO Petite restauration de 19 à 20h

Un séminaire de réflexion à l’UPJB

Du judaïsme au communisme... du communisme à nous Prochaine séance le mercredi 18 mars à 20h15 Aux XIXe et XXe siècles, le judaïsme (au sens large) a fortement contribué à la constitution et au déploiement du communisme (au sens large de critique de la civilisation bourgeoise/capitaliste et de volonté de lui substituer une société collectiviste). Apport non seulement humain (en militants et en dirigeants) ou matériel mais aussi en idées et en valeurs. Le judaïsme a irrigué le communisme par des dizaines de canaux visibles ou invisibles. L’objectif du séminaire sera d’entreprendre une nouvelle élaboration des liens entre judaïsme et communisme, surtout sous l’angle de la philosophie politique et éthique. La nécessaire pluralité des identités juives passe nécessairement par la reconnaissance de la part latente et invisible de leur passé et donc aussi de leur avenir, à l’encontre de l’enfermement communautariste et du judéo-centrisme sectaire. PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

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activités

de L’Union des Progressistes Juifs de Belgique Maison Haute à Boitsfort

Le samedi 21 mars 2009 dès 19H Avec le

Yiddish Tanz Rivaïvele

et le traditionnel MÉGA-BUFFET Pré-vente : membres 10 EURO – adultes 13 EURO – jeunes et chômeurs 6 EURO Sur place : membres 12 EURO – adultes 15 EURO – jeunes et chômeurs 8 EURO - Moins de 12 ans : gratuit UPJB 61, rue de la Victoire 1060 Bruxelles Tél. : 02/537.82.45

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vendredi 27 mars à 2Oh15

Une rencontre avec François Mathieu, auteur et traducteur littéraire À propos de son livre Poèmes de Czernovitz. Douze poètes juifs de langue allemande À Czernovitz, en Bucovine, entre les deux guerres, la littérature juive connut une véritable efflorescence et donna naissance à toute une constellation de poètes écrivant en allemand. François Mathieu est parti sur les traces de ces poètes, souvent inconnus du public francophone, à l’exception de Paul Celan. Ils écrivaient dans des registres variés, mélancoliques ou satiriques avant guerre, mais tous exprimeront plus tard ce qui semblait indicible, la tragédie qui les a frappés. Né en 1941, François Mathieu est auteur, traducteur et critique littéraire. Il a notamment traduit les frères Grimm, Wedekind, Kafka, Brecht... PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO Petite restauration de 19 à 20h

Les « Mensch » de 2008, Henri Kichka et Maxime Steinberg En 1999, le CCLJ et Regards attribuaient pour la première fois le prix du « Mensch de l’Année » à Nathan Ramet, président-fondateur du Musée Juif de la Déportation et de la Résistance à la caserne Dossin. « Mensch de l’année 2008 », Henri Kichka et Maxime Steinberg recevront ce prix honorifique le dimanche 8 mars à 17h30 au CLLJ. « Le témoin d’Auschwitz » et « l’historien de la Shoah en Belgique » seront ainsi enfin honorés au nom de la communauté juive. Depuis plus de 30 ans, Maxime Steinberg s’acharne à reconstruire l’histoire du judéocide et des résistances à la solution finale dans notre pays. Intellectuel communiste, proche de Marcel Liebman, tirant de l’ombre les combats de la résistance juive armée, Maxime n’a aussi cessé de pointer du doigt les responsabilités de l’AJB dans la déportation des Juifs, s’attirant des animosités qu’attisent sa rigueur et son intégrité d’historien, son esprit d’ouverture, sa propension aux débats animés... Associé à la rénovation du pavillon belge d’Auschwitz, ou à la nouvelle édition du Mémorial de la Déportation, il n’en est pas moins devenu l’historien de référence sur la « solution finale » en Belgique. Un travail historique colossal qui, de plus, se fonde sur l’expérience directe de la traque aux Juifs, vécue par Maxime et sa famille. Le père de Maxime fut longtemps porte-drapeau de l’Union des Déportés, comme l’est aujourd’hui Henri Kichka, témoin d’une vitalité stupéfiante, présent à toutes les cérémonies patriotiques et qui sait parler aux jeunes, comme me le soulignait Urszula, lycéenne polonaise, immigrée récente, très émue par le récit d’Henri qui dialogue avec elle, à propos de la Pologne actuelle et aussi de l’antisémitisme d’avant la Shoah, la confrontant ainsi pour la première fois au versant juif de l’histoire polonaise et suscitant son intérêt pour ce monde disparu. Tout comme Maxime, Henri est né à Bruxelles, de parents immigrés, Juifs polonais, qui avaient rompu avec la tradition, et rêvaient d’un monde nouveau, animés par les idéaux de justice et de progrès social qui caractérisaient alors la rue juive... Roland Baumann

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UPJB Jeunes Une rencontre avec Marianne Blume NOÉMIE SCHONKER

C

ela faisait longtemps que l’idée d’organiser une séance d’information pour les jeunes sur l’histoire du conflit israélo-palestinien me trottait en tête. Nous avions certes participé à la journée consacrée au Freedom Theatre du camp de Jénine en réalisant des fresques1, entamé une correspondance filmée entre les « Arna Mer », aujourd’hui monos, et les jeunes de ce théâtre, rencontré des palestiniens et accueilli Matan Cohen2 dans nos locaux. Mais, cela ne suffisait pas. L’actualité et les réactions qu’elle a suscitées, les interrogations des jeunes et leur difficulté à se situer3 ont ravivé ce besoin d’information. Nous avons donc demandé à Marianne Blume, qui a vécu et enseigné pendant dix ans à Gaza et qui, depuis, passe d’associations en écoles pour témoigner et informer les jeunes et les moins jeunes, de venir parler aux « Malas » et aux monos. Un des monos, soucieux de ne rien perdre de la « conférence », enregistra Marianne, d’autres prenaient des notes. Les uns posaient des questions pour être sûrs de bien comprendre, les autres chuchotaient entre eux… La première partie fût consacrée à l’histoire du conflit, de la naissance du projet sioniste jusqu’à la Guerre des Six jours, la ligne verte et le début de la coloni-

sation de la Cisjordanie. On aurait pu aller plus loin mais les jeunes risquaient de saturer… La seconde partie, plus interactive, commença par une simple question : « pour vous, qu’est-ce qu’une occupation ? »

SE FAIRE UNE OPINION Sarah Desmedt, Maroussia Tongouz, Milena Demey (Mala) Quand on nous a annoncé que Marianne Blume venait nous parler du conflit israélo-palestinien, nous étions emballées. En effet, c’est un sujet qui nous tient à cœur car nous en entendons beaucoup parler. De plus, en tant que jeunes de l’UPJB, nous nous faisons souvent critiquer par nos amis proisraéliens qui nous disent : « vous les Juifs de l’UPB, vous ne méritez même d’être juifs, vous trahissez votre peuple. Retournez à la Gestapo, sales juifs de l’UPJB ! » Nous connaissions déjà pas mal de choses de ce qu’elle nous a raconté mais cela a quand même permis à certains de se faire une opinion sur le conflit et à d’autres d’enrichir leurs arguments. Et puis, on a aussi découvert plus en détail la réalité des palestiniens, ce que l’occupation voulait dire au quotidien. On s’est par exemple rendu compte de l’importance d’un coucher de soleil pour un enfant qui ne peut plus le voir depuis la construction du mur. Nous étions déjà très intéres-

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sées par l’idée d’aller en Israël et en Palestine mais à présent, l’envie est plus forte. Nous aimerions rencontrer des gens de notre âge pour qu’ils nous racontent leur réalité, leur quotidien… En attendant, on se pose encore beaucoup de questions. Entre autres, celle de savoir pourquoi les autres mouvements de jeunesse juifs ont autant d’animosité envers nous…

UNE INTRODUCTION NÉCESSAIRE Les monos Nous sommes ravis de la rencontre avec Marianne. Son exposé historique était clair, objectif et vivant, exactement ce qui nous fallait pour pouvoir commencer à en parler avec les enfants. Mais, l’apport réel de la rencontre fut son témoignage. Après une introduction « historique », nous avons pu poser des questions et elle y a répondu de manière nuancée et personnelle. Pour certains d’entre nous, ce point de vue, celui d’une bruxelloise ayant vécu là-bas, était plus accessible que celui par exemple de Matan Cohen, pourtant du même âge que nous, mais plus éloigné en termes de sensibilité et de références. On a spécialement été marqués par ce qu’elle nous a dit, avec humour et tendresse, des Israéliens


et Palestiniens qui n’ont plus vraiment droit à leur jeunesse et qui se sentent privés de leur âme. Certains d’entre nous ont été surpris d’apprendre que des jeunes israéliens refusaient de porter les armes pour aller occuper un territoire. D’autres ont été fort touchés par exemple par l’histoire de ce jeune étudiant qui a avoué à Marianne avoir eu l’intention de commettre un attentat suicide et par les raisons qui l’avaient amené à y penser puis à y renoncer. Nous la remercions donc pour cette enrichissante rencontre qui nous a donné envie d’en savoir davantage, de poursuivre la démarche et de la partager avec d’autres, les enfants, des membres de l’UPJB et des jeunes de maisons de quartiers. Dans un premier temps, nous allons donc inviter des membres de l’UPJB pour comprendre les positions de la maison, les différentes sensibilités internes et les raisons de son isolement au sein de la communauté juive. Nous avons également l’intention de contacter des maisons de jeunes ou des associations de quartier afin d’échanger nos points de vues, de leur présenter nos projets et nos envies et qui sait, d’élaborer des activités et des projets communs (correspondance avec des Palestiniens et des Israéliens, pièce de théâtre, visites d’expo, concerts…). Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain… ■ En décembre 2006, l’UPJB a organisé une journée de sensibilisation et de récolte de fonds, « Six heures pour le Freedom Theatre », à la fin de laquelle Juliano Mer est retourné à Jénine avec les fresques offertes par les jeunes. Voire Points critiques de Janvier 2007. 2 Jeune israélien, militant des « Anarchistes contre le mur ». Voire Points critiques d’avril 2008. 3 Voir Points critiques de février 2009. 1

Carte de visite L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus pour les enfants de 6 ans ou qui entrent en

Les 1ère primaire Moniteurs :

Félicia : 0472/62.06.95

Morgane : 0478/64.79.40 Les

Janus Korczak pour les enfants de 7 à 8 ans

Moniteurs : Max : 0479/30.75.71 Mona : 0487/35.77.15 Les

Émile Zola pour les enfants de 9 à10 ans

Moniteurs : Sheva : 0499/27.80.50 Lucas : 0476/56.72.37 Valentine : 0494/59.43.09 Les

Yvonne Jospa

pour les enfants de 11 à 12 ans

Moniteurs : Ivan : 0474/35.96.77 Léone : 0479/36.17.44 Cyril : 0474/26.59.09 Les

Mala Zimetbaum

pour les enfants de 13 à 15 ans

Moniteurs : Alice : 0476/01.95.22 Théo : 0485/02.37.27

Informations : Noémie Schonker - noschon@yahoo.fr - 0485/37.85.24

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courrier des lecteurs Après l’opération israélienne à Gaza, deux membres de l’UPJB nous font part de leurs réflexions Le 20 janvier 2009, l’UPJB a tenu une assemble générale thématique concernant les multiples points de vue émis concernant la participation de l’UPJB - aux côtés de nombreuses autres associations - à la manifestation du 11 janvier, destinée à condamner la violence de l’armée israélienne et soutenir la population civile de Gaza. Étant donné que je ne pouvais pas participer à cette assemblée, j’avais écrit une courte intervention, expliquant (forcément en grand raccourci), les raisons pour lesquelles je me suis abstenue de participer à la manifestation. Celleci fut lue au début de l’assemblée, mais j’ai demandé à la rédaction de Points critiques de la publier, afin de compléter les articles publiés dans le numéro de février par un sentiment quelque peu différent. Mon intervention : J’ai longuement hésité : participer ou non à cette manifestation, alors que j’ai presque toujours, jusqu’à présent, répondu : présente. En faveur du « oui, participer » : l’hécatombe de la population civile palestinienne devant la force militaire inouïe déployée par l’armée israélienne. La preuve que le processus de Paix est très malade et cela, pour l’essentiel, à cause de la politique israélienne. D’un autre côté, j’avais deux réserves : La première était l’activité militaire du HAMAS qui, même si elle émane d’un mouvement de résistance et ne se mesure pas à la force de frappe d’Israël, produit des dégâts pour sa population civile (avec parfois des victimes), qu’Israël - comme tout État le ferait - doit combattre. De ce point de vue, non plus, le Hamas ne contribue pas à la recherche de la paix, d’autant plus

qu’il déclare régulièrement vouloir la destruction d’Israël. Or, cela se dit très peu dans les milieux de soutien inconditionnel à la Palestine. La seconde réserve à ma nonparticipation était que je savais qu’il y aurait, comme d’habitude, des groupes, surtout arabomusulmans, portant des calicots et criant des slogans extrémistes, religieux, appelant à la fin d’Israël et comparant nazisme et sionisme. Je n’oublierai pas une manifestation ou l’on attendait un groupe britannique « décoré » d’étoiles de David jaunes munies d’une inscription du genre « Palestine », et qu’à ma question aux organisateurs sur comment ils allaient réagir, la réponse qui m’a été donnée, ce fût « Ho ! Il n’y a pas grande différence entre les deux étoiles ». Or, comme la pratique le montre à chaque fois, malgré l’engagement des organisateurs à faire respecter des slogans que l’UPJB a acceptés, il ne semble pas possible d’écarter les contreveneurs de la manifestation telle que prévue. Je me demande vraiment si, dans l’état actuel, l’UPJB en se joignant à ce type de manifestations n’agit pas comme prête-nom à des intérêts qui ne sont pas les siens, ni d’un côté, ni de l’autre. Ne serait-il pas plus normal, vis-à-vis de la moyenne de nos membres, que l’UPJB, dans des circonstances comme l’actuelle ré-invasion de Gaza, se rapproche plutôt d’autres mouvements, plus modérés. Je pense actuellement, à « Dor Hashalom », au « Groupe Susskind » : Israël –Palestine : Europe, Réveilletoi, « Dialogue et Partage » (bien qu’il n’ait pas encore réagi sur Gaza). Larissa Gruszow

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Je reçois de nombreux mails proisraéliens et anti-islamistes. Souvent outranciers, beaucoup colportent des informations fausses et des accusations calomnieuses. Certains empestent le racisme et la haine. Récemment, j’ai reçu celui d’un ami juif dénonçant l’annulation de l’exposition « La Ville blanche, le mouvement moderne à Tel-Aviv » en ces termes: « Encore un bel exemple de cet antisémitisme primaire qui gangrène même nos institutions scientifiques et qui démontre à quel point l’islam radical et le politiquement correct belge font de plus en plus bon ménage. Quelle déception et le pire reste à venir !!! » Cette fois, j’ai répondu, précautionneusement et uniquement sur l’accusation d’antisémitisme. S’en est suivi une avalanche de mails dénonçant en vrac la responsabilité du Hamas dans le massacre de Gaza, la manifestation du 11 janvier, l’électoralisme infâme des politiciens belges, la victimisation injustifiée des Palestiniens, l’antisémitisme éternel et la culpabilité de nos médias... Je vous livre une compilation de mes réponses successives. Cher David (prénom d’emprunt), À voir les mails que tu m’envoies en réponse aux miens, j’ai l’impression d’un malentendu. Je ne suis pas du tout un ami du Hamas et le débat autour de la manifestation bruxelloise n’a rien à voir avec ton premier mail, ni avec ma réponse. Si cette exposition n’est pas utilisée à des fins promotionnelles par l’ambassade d’Israël, elle n’a à mes yeux aucune raison d’être annulée et, à cette condition, je suis opposé à tout boycott d’activité, collaboration ou échange culturel ou scientifique


avec Israël. Il n’en est pas de même sur les plans politique et économique : je désapprouve la persistance de relations commerciales privilégiées et encore moins le récent rehaussement du niveau de relations politiques entre l’Europe et Israël, qui de toute évidence ne remplissent pas les conditions prévues. Doisje te rappeler qu’Israël occupe des territoires illégalement du point de vue international depuis plus de 40 ans et que la population civile sous occupation ne jouit pas des droits prévus dans les conventions internationales ? Et s’il est un boycott que je soutiens c’est celui des exportations israéliennes de produits cultivés ou manufacturés dans ces territoires. Mais revenons à notre sujet. Il est vrai que l’antisémitisme ne se développe pas seulement parmi les islamistes radicaux qui, entre autre, déclarent vouloir rayer Israël de la carte. Il commence à s’étendre jusque dans des milieux « progressistes »... Un des germes est sans aucun doute l’attitude et le discours de nombreux Juifs, en particulier de certains qui prétendent nous représenter tous, leur négation des droits légitimes des Palestiniens, leur indifférence quant à leur sort, leur absence d’humanité même face au massacre de Gaza, empressés qu’ils sont de justifier toujours tout ce que fait Israël. Ils n’en sont plus seulement les défenseurs, ils deviennent complices. Et l’accusation d’antisémitisme qui fuse à la moindre critique appuyée d’Israël conribue à la confusion des accusés : judaïsme - soutien inconditionnel à la politique Israélienne, synonyme à leurs yeux de négation de l’autre, de brutalité, de mépris, de racisme…. Pour ma part, je considère les Palestiniens comme les principales victimes du conflit et je comprends qu’ils puissent nourrir de la haine envers les Israéliens qui approuvent dans leur très grande majorité la politique menée par leurs dirigeants

et leur armée. Je comprends aussi que certains, ici, s’identifient aux « victimes » et haïssent ceux qui, ici, semblent s’identifier aux « bourreaux ». Mais rien ne peut pour autant justifier le dénigrement et l’hostilité envers les Juifs en tant que tels, l’antisémitisme, quelle que soit la forme qu’il prenne et d’où qu’il vienne. Quant à toi, ton amour d’Israël et la lecture du conflit qui en découle semblent te rendre toi aussi insensible au sort des Palestiniens et tu ne retiens que leur haine. Les slogans du Hamas te confortent dans ta suspicion par rapport à la résignation de la grande majorité des Palestiniens qui ne remet plus en cause l’existence de l’état d’Israël. Le discours iranien te rend sourd à la proposition de plus de 50 états arabes et musulmans de normaliser sous conditions leurs relations avec Israël. Tu t’inquiètes de la baisse de popularité et du risque de perte de partialité dont bénéficie Israël. Tu es obnubilé par les menaces qui planeraient sur son exitence… L’amour d’Israël est-il devenu une part tellement essentielle de ta judéité qu’il finit, comme chez de nombreux jeunes Juifs non religieux, par se confondre, se substituer au judaïsme ? Tout cela expliquerait ta confusion antisionisme - anti-israélisme antisémitisme. Je continue à la regretter et à la refuser, d’autant qu’à mes yeux la répétition des accusations d’antisémitisme, le plus souvent non fondées selon le seul vrai sens du mot, en constitue un ferment. A mes yeux, et aux tiens, l’accusation d’antisémitisme est grave. L’histoire l’a rendue particulièrement lourde de sens. Il ne faut pas la galvauder. Amitiés, Alain P.

est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est membre de la Fédération des Juifs européens pour une paix juste (www.ejjp.org) et est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Sender Wajnberg, Manuel Abramowicz, Caroline Sägesser, Tessa Parzenczewski. Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Didier Buch Jo Dustin Henri D. Hurwitz Léon Liebmann Françoise Nice Noémie Schonker Youri Lou Vertongen Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Abonnement annuel 18 EURO Abonnement de soutien 30 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier : établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB (CCP 000-0743528-23). Montant minimal mensuel : 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple.

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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles). Petite restauration de 19 à 20h.

vendredi 6 mars à 20h15

Les chantiers d’été de restauration de cimetières juifs anciens. anciens Conférence-débat avec Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique (voir page 32)

samedi 7 mars de 14 à 18h

Grand fête intergénérationnelle de Pourim (voir page 32)

vendredi 13 mars à 20h15

Et en plus, il faut les éduquer. Conférence-débat avec Jacques Ravedovitz, psychothérapeute (voir page 33)

mercredi 18 mars à 20h15

Séminaire de réflexion « Du judaïsme au communisme... Du communisme à nous ». Avec Jean Vogel (voir page 33)

samedi 21 mars à partir de 19h

Grand bal yiddish de l’UPJB. Avec le Yiddish Tanz Rivaïvele et le traditionnel méga-buffet. À la Maison Haute à Boitsfort (voir page 34)

vendredi 27 mars à 20h15 Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Une rencontre avec François Mathieu, auteur et traducteur littéraire (voir page 35)

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h. (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 5 mars

« Les mariages mixtes. Mon expérience personnelle » par Monique Buhbinder

jeudi 12 mars

Visite de l’exposition « Garçon ou fille...Un destin pour la vie ? » avec des commentaires sur « l’évolution des genres en Belgique de 1830 à 2000 » par Thérèse Liebmann, Docteur en Histoire. Rendez-vous à 15 h au Musée BELvue, 7 Place des Palais (PAF : 6 EURO)

jeudi 19 mars

« La presse en yiddish de Solidarité juive » par Jo Szyster

jeudi 26 mars

« Mon travail d’accueillante et d’animatrice dans le Centre de planning familial de Watermael-Boitsfort » par Pélosie

jeudi 2 avril

« L’actualité belge et internationale » analysée par Léon Liebmann, magistrat honoraire


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