n°293 - Points Critiques - février 2009

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique février 2009 • numéro 293

éditorial Gaza et la jeunesse bruxelloise

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)

HENRI GOLDMAN*

M

ohamed, Adam, Rayan, Nathan, Gabriel, Amine, Ayoub, Mehdi. Ces prénoms constituent le « top 8 » de ceux qui ont été attribués aux garçons bruxellois nés en 2007. Cinq de ces prénoms sont à consonance arabo-musulmane. La jeunesse bruxelloise d’aujourd’hui est ainsi, pour le meilleur et le pire. Le meilleur : c’est grâce à la vitalité de l’immigration (notamment, mais pas seulement) maghrébine que Bruxelles a mis fin à son déclin démographique. Le pire : la société bruxelloise n’a toujours pas trouvé le moyen de faire de ses habitants d’origine populaire extra-européenne des citoyens reconnus et acceptés pour ce qu’ils sont. À Bruxelles, la pro-

portion de jeunes issus de l’immigration est telle que, souvent, les politiques dites d’intégration fonctionnent à l’envers. Sur le terrain, chacun s’en rend compte. Mais le système institutionnel continue à tourner sur lui-même comme si Bruxelles était toujours composée d’habitants « de souche » répartis entre 85% de francophones et 15% de Flamands. Cherchez l’erreur… Les frères et les sœurs de Mohamed, Rayan et Mehdi, avec ou sans leurs parents, se sont massivement retrouvés à la manifestation du dimanche 11 janvier contre les massacres de Gaza. On a parlé à ce propos d’une manifestation communautaire. C’était surtout une manifestation bruxelloise. Ce qui est d’ordinaire confiné

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

éditorial

1 Gaza et la jeunesse bruxelloise................................................. Henri Goldman

agir

4 La manif : Oui ? Non ? Oui ! ......................................................... Gérard Preszow

dessiner

5 L’actualité ................................................................................................Jo Dustin

écrire

6 La guerre depuis Bruxelles ................................................. Carine Bratzlavsky 8 Noirceur au pays de Kassam ........................................................ Julia Chaitin

lire

10 Russie 1905. Chronique d’une révolution avortée .......Tessa Parzenczewski

regarder

11 Après ? ......................................................................................... Gérard Preszow

diasporas

12 Musées d’histoire à Varsovie .............................................. Roland Baumann

réflexions

15 De l’usage de certains symboles ............................................... Jacques Aron 16 Un livre important. Comment le peuple juif fut inventé . Michel Staszewski

yiddish ? yiddish !

! widYi ? widYi

18 Un trop fervent socialiste ..........................................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

20 Ça commence bien .....................................................................Anne Gielczyk

le blog allochtone 22 Bande de Gaza et bandes à Bruxelles...................................... Mehmet Koksal

le regard 24 L’an prochain à Jérusalem ou à Bruxelles .............................. Léon Liebmann

communauté/identité

26 « ...et tu aimeras ton prochain comme toi-même » ........................ Didier Buch

cultes et laïcité

28 Coming out à l’ONU .............................................................. Caroline Sägesser 30

activités à venir upjb jeunes

38 Journal du camp 40 Cela n’en valait-il pas la peine ? ......................................... Noémie Schonker 42 44

éditorial

courrier des lecteurs les agendas

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dans les rues et les maisons de Molenbeek ou Saint-Josse que le beau monde ne fréquente pas a pris ce jour-là possession des boulevards centraux de la ville. On a découvert une population jeune qui avait des valeurs et des préoccupations situées à des années lumières de Bruxelles - Hal Vilvorde ou de la déconfiture de Fortis. Et ce qu’elle a montré d’elle a fait peur. Ces jeunes Bruxellois ont pris fait et cause pour un peuple écrasé sous les bombes d’une armée puissante. Un peuple qui n’occupe aucune place particulière dans l’imaginaire européen, mais dont le destin tragique résonne dans tous les foyers arabes à partir des images d’Al Jazira consommées jusqu’à la nausée. Comme si le destin des Arabes de Bruxelles, et notamment d’une part importante de la jeunesse de cette ville, se jouait désormais en Palestine. Cette identification vous choque ? Pourtant, elle ne fait que reproduire ce que tout le monde accepte comme une évidence : la solidarité « naturelle » des Juifs de partout avec Israël. À toutes les manifestations juives de quelque importance, le drapeau israélien est déployé. Quand un hymne national est de rigueur, l’Hatikva israélienne accompagne toujours la Brabançonne. Le Comité de coordination des organisations juives de Belgique affirme son « soutien par tous les moyens appropriés à l’État d’Israël, centre spirituel du judaïsme et havre pour les communautés juives menacées ». Enfin, l’éditorial du dernier numéro de Contact J, mensuel très pro-


fessionnel édité par le Cercle Ben Gourion, réitère son soutien inconditionnel au « peuple d’Israël engagé dans un combat vital contre des agresseurs qui ont délibérément choisi de tourner le dos à l’humanité ». (En passant, on se demandera qui, dans les événements de Gaza, « tourne le dos à l’humanité ».) Ce lien privilégié des Juifs avec Israël a une histoire. Une autre histoire est en train de tisser un lien de même type entre les jeunes Bruxellois d’origine maghrébine et les Palestiniens. C’est désormais en Palestine que se joue leur dignité de vivre en femmes et en hommes libres et respectés, leur fierté de ne pas courber l’échine malgré la disproportion des forces en présence, c’est aussi là que s’élabore un sens à leur vie puisque, pour beaucoup d’entre eux, celle qui les attend ici n’a pas de sens. Si l’islamisme a le vent en poupe aujourd’hui au sein de cette jeunesse, c’est qu’il apparaît à la fois comme le ferment de la résistance à l’occupation de

la Palestine et comme porteur de valeurs là où nos droits de l’Homme à géométrie variable ont été complètement démonétisés par notre inconséquence. Voilà le paysage sur fond duquel se constitue une nouvelle culture de résistance qui relie ici et là-bas. Sans aucun doute, cette culture charrie des références et se prête à des fréquentations difficiles à admettre pour des démocrates, mais les donneurs de leçon n’ont pas toujours fait la fine bouche. S’il faut comptabiliser les crimes selon le nombre de victimes, le Hamas est moins coupable que Tzipi Livni qui fut pourtant accueillie à bouche que veux-tu par Sarkozy alors que Gaza croulait sous les bombes. Georges W. Bush, président élu d’une grande démocratie et qui sera resté notre allié jusqu’au bout, a plus de sang sur les mains que Ben Laden. Attention à ne pas exonérer mentalement du statut de criminel celle ou celui qui partage nos bonnes manières. Un crime en Chanel, avec des mains soignées et un

langage policé, reste un crime. Il s’agit donc de notre jeunesse. Nous n’en avons pas d’autre de rechange. Son engagement existentiel aux côtés des Palestiniens massacrés est nettement plus honorable que la lâcheté et l’indifférence généralisées, même s’il y a beaucoup à redire sur les formes que cette solidarité emprunte. En les accompagnant franchement mais de façon critique dans cette solidarité, nous aiderons les plus lucides d’entre eux à contenir l’influence suicidaire de l’islamisme qui autrement risque d’occuper seul tout le terrain. Si cette hypothèse désastreuse devait se confirmer, c’est notre démission qui lui aura déroulé le tapis vert. ■ * Auteur de Oublier Jérusalem ? Une approche d’Israël, du sionisme et de l’identité juive, Quartier Libre, 2002 http://blogs.politique.eu.org/ henrigoldman/index.html

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agir La manif : Oui ? Non ? Oui ! GÉRARD PRESZOW

D

e quoi une opinion est-elle faite ? Quels rapports entre une opinion et la réalité ? Mais qu’est-ce que la réalité ? Y a-t-il seulement LA réalité, qui existerait sans interaction avec le terrain, avec l’autre ? Peut-on se mettre d’accord sur UNE réalité pour en faire LA réalité ? Le dialogue n’est-il pas la preuve et la nécessité de sa propre incomplétude ? Quels rapports entre une conviction et une opinion ? Entre penser et agir ? Et qu’est-ce qu’agir ? À partir de quel moment, de quel acte commence l’action ? Et puis-je reprocher à mon ami de ne pas agir comme moi ? De ne pas penser comme moi ? Peut-il être mon ami s’il ne partage pas mes idées ? Qu’est-ce que l’amitié ? De quoi est-elle tissée ? Est-ce que je pense ? Est-ce que j’agis ? Faut-il seulement penser et agir ? Cela se pose-t-il ? Ou cela s’impose-t-il ? En pensant comme ceci, en agissant comme cela. En écrivant ceci, en écrivant cela ? Et la justice entre les hommes ? Et les mots pour la nommer ? Et la vérité et le mensonge ? Et la mauvaise foi ? Et manifester ? Ça sert à quoi, manifester ? Manifester, n’est-ce pas avant tout SE manifester ? À soi-même et aux autres ? Ne doisje manifester qu’avec des amis ? Ne dois-je manifester que l’amitié ? Et de quel goût sont les couleuvres ? En connaît-on la saveur avant d’en avoir avalées ? Et ma mère qui disait : « on est plus intelligent quand on revient du marché que quand on y va ». Et Brecht qui disait : « quand le peuple vote mal, changeons de peuple »…Et la vérité dans tout cela ? Et le jus-

te mot posé sur la réalité ? Il est un moment où les choses s’imposent …sans imposer à l’autre ce qui s’impose à soi. Le carnage commis par Israël enlève la décision. Toute autre considération devient secondaire, ce qui ne signifie pas « dérisoire ». Les mots d’ordre de l’appel sont corrects. Certains de mes comanifestants m’effraient mais ne m’enlèvent pas le sens d’être là. La manifestation me paraît historique en Belgique. Pour la première fois, et massivement, la communauté maghrébine affirme sa présence en occupant la rue. Elle s’affirme familialement, communautairement, religieusement. Pas assez politique ? Ce n’est pas à moi d’en décider. Ca ne me plaît pas ? C’est ainsi. Il n’y a guère, pendant les trente glorieuses, on pensait voir le monde évoluer selon un progrès linéaire. Annoncée depuis un siècle, la prophétie de la mort de dieu devait se réaliser. Et bien non. Oublie-t-on qu’en 1967 les boulevards du centre de Bruxelles étaient alors occupés par des milliers de Juifs, dont les « hommes en noir »/versus « barbus », et que l’on a dansé la hora à l’annonce en direct de la capitulation de l’Égypte. J’avais 13 ans et j’y étais. Et si les « hommes en noir »/ versus « barbus » sont nocifs, c’est avant tout pour ceux - et surtout celles - qui veulent s’en émanciper. Il ya des slogans antisémites et des calicots aux relents nauséabonds ? Oui. Mais si la guerre et les morts sont là-bas, ici c’est la guerre des signes et des images. Et ils obligent à une double vigilance : la dénonciation d’Israël et

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la dénonciation de l’antisémitisme. La complexité fait pâle figure dans l’univers des passions. Les références à la deuxième guerre mondiale, au nazisme sont nombreuses. Il en a toujours été ainsi dans les manifestations. CRS=SS, US=croix gammée. L’étoile de David, symbole du peuple juif et de l’État d’Israël, est l’objet de confusion et de détournement glauques. L’ambiguïté, dans le meilleur des cas, de certaines expressions n’a d’équivalent que la prétention d’Israël à être l’État de tous les Juifs et l’étoile de la bannière israélienne à se substituer à celle de la menorah de mon salon. Cela fait mal à mes yeux que Gaza soit nommé ghetto ? Oui, mais comment nommer cet espace enclavé qu’Israël ouvre et referme à sa guise ? Et dire ghetto n’est pas dire génocide. Mais, au fond, que veut Israël ? Ni stratège ni politicien prompt à tirer au cordeau les tenants et aboutissants, je peux en tout cas affirmer ceci : Israël ment. Pour avoir été en Cisjordanie (c’est où la Palestine ?) par trois fois en quelques mois, j’ai vu la nouvelle trinité : le Mur, les checks points humiliants, la floraison des colonies partout dans le paysage. Israël parle de paix alors qu’elle asservit les Palestiniens. Israël sème la haine pour des générations. Ce pays qui s’enorgueillissait de faire fleurir le désert assèche aujourd’hui les cœurs. Ce pays qui s’est donné la Bible pour fondement sait pourtant que des trompettes suffisent à abattre un mur et que : qui vit par le glaive périra par le glaive. ■


dessiner

L’actualité vue par Jo Dustin : “ Si jeunes et déjo terroristes ? ”

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écrire La guerre depuis Bruxelles CARINE BRATZLAVSKY

L

e 7 janvier, 17 heures. Je suis en voiture, en route vers Flagey. J’allume la Première.

« Gaza, toujours. Au moment où, dans la région, la diplomatie s’active pour tenter de mettre un terme à l’offensive israélienne, dans la bande de Gaza, la situation inquiète chaque jour un peu plus. Suite au bombardement par l’armée israélienne d’une école administrée par les Nations unies et où, au moins quarante personnes auraient trouvé le mort, John Ging, le directeur des opérations de l’Office de secours de l’ONU pour les réfugiés palestiniens a expliqué que le drapeau des Nations unies flottait au dessus du bâtiment quand celui-ci a été frappé. En outre, John Ging a assuré que le personnel de l’école avait pris soin de vérifier l’identité des civils palestiniens venus s’y réfugier, afin d’éviter, justement, la présence de combattants. Il a appelé à l’ouverture d’une enquête. Pendant ce temps, des tirs de roquette sont à nouveau tombés sur Beer sheeva. Ils n’ont heureusement pas fait de victime ». Je mets mon oreillette. Je tape Mich sur mon clavier. Le +9 apparaît. - Ken ?... Ah, c’est toi, Carine ! - Comment ça va depuis la semaine dernière, Mich ? Je viens d’entendre à la radio.

- Oui, j’avais la télé allumée. Je viens de voir les images. Les roquettes sont tombées à deux pas du labo. Heureusement, on l’avait fermé aujourd’hui. C’est terrible ! - Oui, il faut que ça cesse, ce bain de sang. Et Adam ? Toujours pas de problème ? -Non, il est trop jeune recrue. Ca fait à peine deux mois qu’il a commencé. Non ,je t’ai dit, il n’y a pas de problème pour lui. Demain il y a une cérémonie pour la fin de la première étape de sa formation. Il me dit que c’est dur mais bon, il va s’habituer. Mais moi, franchement, depuis qu’il est parti, j’sais pas mais j’ai pas trop la forme. … Tu vois, ces roquettes, près du labo, et l’autre fois, sur une école, heureusement vide, le maire venait de décider de fermer l’école, c’est bien la preuve qu’ils s’attaquent aux civils. - …Oui mais tu as vu hier, pour cette école de l’ONU, … - Mais tu crois que l’armée israélienne est assez dingue pour frapper des civils ? ! Ils ont tiré parce que des roquettes venaient d’être tirées depuis l’école. - On dirait qu’on n’entend pas les mêmes choses chez vous que chez nous… - Rega, rega…Attends, attends, téléphone…C’était pour la nourriture du chien. Ben oui, il faut bien qu’il mange ! - Ça fait du bien de t’entendre rire. - Tu sais, mon frère était ici

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avec Hugo. Il y a eu une alerte. Ils allaient juste prendre le taxi pour l’aéroport. Mais bon, ça a été. On est allé dans l’abri, tu sais, à côté de notre chambre, mais ça a été, je crois ils n’ont pas eu trop peur. Mais moi je n’avais qu’une idée en tête, qu’ils rentrent vite en Belgique. - C’est épouvantable ! - Écoute, c’est dur mais franchement, ça va. Ici c’est pas facile mais à Gaza, c’est terrible. Mais bon, ça sera bientôt fini. - Ils ont plutôt annoncé que ce serait long, non ? - Oui mais tu sais, c’est à cause de la guerre du Liban. Ils avaient tellement dit que ce serait court et ils s’y sont embourbés qu’ils préfèrent maintenant annoncer le contraire. L’armée a beaucoup changé depuis. T’es où ? - J’étais en route vers la Place Flagey , qui a beaucoup changé comme tu sais, mais je viens de faire un détour par l’avenue Franklin Roosevelt. Je suis curieuse de voir si cette manif à laquelle ont convié les organisations juives aura beaucoup mobilisé. Ils ont appelé devant l’ambassade d’Iran, tu te rends compte ? - D’Iran ? ! Oui, j’ai vu ce mail, venant du CCLJ . Comme j’suis pas là, j’ai pas fait très attention. Il ya plein de choses à dire sur pourquoi Israël fait cette guerre mais l’Iran, là, j’vois pas. Il y a du monde ? -J’sais pas, à la louche, j’dirais 200 personnes, mais bon, il est


encore tôt. Surtout, beaucoup de flics. Moi, j’y vais pas. Par contre, j’t’ai pas dit qu’on s’est joint à une autre manifestation les tout premiers jours, le 31, pour un cessezle-feu immédiat. C’était pas facile parce qu’il y avait des gens du Hamas qui criaient Allah Ouakbar à côté de nous et plein de choses en arabe qu’on comprenait pas. - …Une manif avec le Hamas ?…

- Ben oui, c’est compliqué. Il y a des manifs contre la guerre en Israël, j’ai vu ? Et des pétitions, aussi ? Une à Sdérot, signée par les deux parties, à ce qu’il paraît ? - J’sais pas trop. Oui, une manif à Tel-Aviv. J’entends que tu es arrivée. - Oui, je marche dans la neige. Je longe l’église et je peux même voir , en face, l’immeuble de ton enfance. Il y a une brume épais-

se, la nuit est tombée, il fait froid et tout est blanc. - Ca fait longtemps que j’ai pas vu la neige. Je te laisse. Je t’embrasse très fort. - Fais attention à toi, on se donne des nouvelles, hein ! Je t’embrasse fort, je t’embrasse, j’tembrasse. ■

Comment Tsahal couvre ses arrières: le bombardement d’une école des Nations unies OK, imaginez que vous êtes le commandant de l’armée israélienne (ou son porte-parole), et que vous apprenez qu’un missile a frappé les bâtiments d’une école des Nations-Unies tuant des civils innocents, y compris des enfants. Qu’est-ce que vous faites ? D’abord, vous menez une enquête « préliminaire » et vous lâchez une histoire à la presse (vous pouvez allez voir sur le site de l’armée) : « Des activistes du Hamas tués dans une école des Nations-Unies. D’après une enquête menée il y a une heure, il apparaît que des activistes du Hamas sont morts dans l’école de Jabalya et que des obus de mortier avaient été tirés, depuis l’école, sur les forces de l’armée dans la région. Parmi eux, les activistes du Hamas, Imad Abu Askhar et Hassan Abu Askhar. » « Le Hamas fait une utilisation cynique des enfants et des femmes », a déclaré le porte-parole de l’armée, le général Avi Benyahou, après l’incident. Pour embellir l’histoire, vous l’accompagnez d’images de terroristes du Hamas tirant depuis l’école. Pas de chance pour vous, il s’avère que les images datent de 2007 et elles sont contredites par les représentants des Nations-Unies sur le terrain. Alors, des choses étranges commencent à se produire. D’abord, des officiels des Nations Unies disent au Haaretz , que lors de discussions qu’ils ont eues avec des officiers de l’armée, ils se sont rétractés sur l’histoire. Il n’y avait pas de terroristes du Hamas dans l’école. Ensuite, face aux rumeurs croissantes, l’armée mène une autre enquête « préliminaire ». Les terroristes ont mystérieusement disparu de l’école et de l’histoire. Vous racontez à la presse qu’une équipe de l’armée voulait en découdre avec des terroristes qui se battaient près de l’école. Un « dysfonctionnement technique » a rendu le recours à un « missile intelligent » impossible. Alors, le commandant a utilisé un missile doté d’un GPS avec une marge d’erreur de 30 mètres. Malheureusement, les missiles sont tombés sur l’école. Pour améliorer encore l’histoire, vous pouvez ajouter qu’il n’y a pas eu tant de morts que cela, que le Hamas exagère toujours sur le nombre de morts. Je n’ai évidemment pas la moindre raison de croire en la deuxième ou la troisième histoire de l’armée comme je n’en avais pas plus de croire en la première. Quel être rationnel aurait raison de croire en une organisation comme l’armée qui ment notoirement ? Vous trouverez [sur son site] la dernière version de l’armée. Demain, ce sera peut-être encore autre chose. Et comme l’armée interdit aux journalistes l’accès à Gaza et interdit aux habitants d’envoyer des photos depuis leurs téléphones portables, qui peut nous dire ce qu’il s’y passe vraiment ? Une dernière chose. La nouvelle « enquête » est racontée dans Haaretz. Mais, juste au cas où, gardez la première histoire sur le site de l’armée. Tout le monde ne lit pas Haaretz. Le texte original « How the IDF Covers Its Derrière: The Bombing of the UNRWA School » est paru le 11 janvier sur le blog The Magnes Zionist (Self-criticism from an Israeli, American, and Orthodox Jewish perspective) tenu par Jeremiah Haber (« le pseudonyme d’un professeur d’études juives vivant entre les États-Unis et Israël »). Adresse : http://themagneszionist.blogspot.com

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écrire Noirceur au pays de Kassam JULIA CHAITIN*

Membre du kibboutz Orim, Julia Chaitin est professeur au département de sciences sociales du Sapir Academic College et program developper à l’Institut du Néguev pour les stratégies de paix et de développement. Ce texte est paru sous le titre Darkness in Qassam-Land dans le Washington Post en date du 31 décembre 2008.

E

n hiver, le Néguev devient très beau. Même s’il pleut très peu ici, tout devient vert et il flotte dans l’air une pureté que nous n’avons pas pendant la sécheresse des mois d’été. Mais, depuis ce samedi où une offensive israélienne majeure a été déclenchée dans la Bande de Gaza, à moins de 20 km de ma maison et 2 du collège où j’enseigne, tout n’est que noirceur, peur et désespoir. Cette guerre est une erreur. Une erreur parce qu’elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs déclarés - une vie « normale » et durable pour les habitants de la région du Néguev. Cette guerre est une erreur morale parce que la plupart des victimes sont des civils palestiniens et israéliens dont le seul « crime » est de vivre dans le Néguev ou à Gaza. Cette guer-

re est une erreur parce qu’elle ne conduira pas à une solution viable du conflit mais, au contraire, exacerbe la haine et la détermination des deux peuples à se meurtrir mutuellement. Cette guerre est une erreur car elle augmente le sentiment des deux camps de n’avoir plus rien à perdre à continuer ainsi à se battre et de plus en plus fort. Cette guerre est une erreur car, même avant que ne montent au ciel les dernières fumées et que n’arrivent dans les hôpitaux les dernières ambulances transportant les derniers corps, nos responsables politiques auront signé un nouvel accord de cessez-le-feu. C’est une guerre cruelle, cynique et inutile - une guerre qui aurait pu être évitée si nos responsables politiques avaient eu le courage, pendant la trêve de ces derniers mois, d’œuvrer vraiment

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à l’amélioration des conditions de vie de ces gens dont le seul crime est de vivre dans le Sud. Depuis que les forces aériennes israéliennes ont commencé à bombarder Gaza, il est devenu quasiment impossible de dire ouvertement son opposition à la guerre. Il est difficile de trouver des forums publiques où l’on peut en appeler à un cessez-lefeu ou à des solutions alternatives au conflit - de celles qui ne reposent pas sur la force militaire ou sur le siège de Gaza. Lorsque les gens sont pris dans la guerre, ils ne sont pas ouverts aux voix de la paix ; ils parlent (et crient) sous l’effet de la colère et demandent réparation pour les douleurs subies. Quand on est pris dans la guerre, on oublie qu’on peut recourir à des capacités cognitives supérieures, la raison et la logique. On a, au contraire, tendan-


À Gaza et à Sderot, les petites filles veulent vivre. Image http://orthodoxanarchist.com/

ce à s’appuyer sur ces structures du cerveau qui enclenchent la peur et l’angoisse en dépit des menaces objectives à notre survie où elles nous conduisent. Quand on est pris dans la guerre, les voix qui en appellent à la prudence, au dialogue, à la négociation tombent dans des oreilles de sourds, quand bien même on leur laisse même le droit de s’exprimer. Je vis dans le Néguev et j’enseigne au Sapir Academic College – l’école située à côté de Sderot- au coeur de ce qu’on appelle le pays de Kassam, du nom des roquettes qui sont tombées sur nous. Je connais l’accélération des battements du cœur et le ventre qui se noue lorsqu’une alerte rouge - tzeve adom - annonce une attaque de roquettes. Je sais ce que c’est de rassurer les étudiants et les collègues lorsque les tirs de roquettes frappent, près, très près

de vous - et que vous aimeriez, vous aussi, avoir quelqu’un pour vous rassurer vous. Je sais ce que c’est que d’avoir peur de monter dans la voiture pour aller au travail et d’avoir peur de ne pas arriver vivant, entre le parking et la salle de classe. Mais je sais aussi que la réponse à ce conflit ne viendra pas par cette guerre. Nous ne connaîtrons la paix que lorsque nous aurons accepté que les Palestiniens de la Bande de Gaza auront le droit de vivre dans la dignité. Nous ne connaîtrons la paix que lorsque nous aurons admis que nous n’avons pas d’autre choix que de négocier avec le Hamas, notre ennemi, même si nous sommes anéantis que les Palestiniens n’ont pas élu un parti plus modéré pour les diriger. Nous ne connaîtrons la paix que lorsque nos responsables politiques cesseront de considérer

nos vies comme moins que rien et qu’ils nous aideront à construire un Néguev beau et vert, libéré de la peur et du désespoir. ■ Traduction : Carine Bratzlavsky *Julia Chaitin a pris la parole le 10 janvier dernier à la manifestation organisée par Shalom Arshav à Tel-Aviv. Voir http:// www.dailymotion.com/La_Paix_Maintenant/video/x80821_manifestation-deshalom-arshav-tel_news

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lire Russie 1905. Chronique d’une révolution avortée TESSA PARZENCZEWSKI

É

crit entre 1929 et 1934, édité brièvement en 1941 et aussitôt envoyé au pilon par les obscurantistes staliniens qui y cherchèrent en vain un héros positif, Viktor Vavitch, le roman majeur de Boris Jitkov, émerge aujourd’hui de l’oubli et c’est la découverte d’un immense écrivain. Grèves insurrectionnelles, répressions féroces et pogroms jalonnent l’année 1905. Multipliant les angles de vue, passant d’un milieu à l’autre, du monde ouvrier aux étudiants révolutionnaires, de la bourgeoisie libérale aux « basfonds » de l’Okhrana, la police tsariste, l’auteur nous plonge dans les vies tourmentées, bousculées d’une série de personnages sans liens apparents entre eux mais dont les trajectoires vont se croiser dans cette année cruciale, où la chasse aux révolutionnaires et aux Juifs est ouverte, à volonté. De Viktor Vavitch, le policier ambitieux et implacable à Philippe, militant ouvrier, de Sanka et Nadejda, étudiants révolutionnaires, à Bachkine, indic ambigu, véritable personnage dostoïevskien, Boris Jitkov déploie toute la gamme des sentiments, du plus noble au plus corrompu et nous jette dans un univers d’une brutalité et d’une violence inouïe. On n’oubliera pas de sitôt la nuit du pogrom fomenté par la police, où des hordes de

cosaques soutenus par la population massacrent des familles entières. Une narration haletante, éclatée, menée dans un rythme d’enfer. Des phrases courtes parfois, sans verbe, les mots qui claquent, comme syncopés. Des chapitres aux titres brefs, révélateurs, un mot anodin ou une expression mise en exergue, : « Sortez », « Qu’il me tue », « Avec simplicité », « peut-être »…. Certains ont parlé aussi d’une approche cinématographique, ce qui est particulièrement vrai dans les mouvements de foule qui font penser à Eisenstein : cavalcades, déploiements policiers, foules compactes en marche, mais toujours, un zoom sur un visage pour le détacher de la masse. Un roman foisonnant, riche et questionneur. Né en 1882 dans une famille juive aux environs de Novgorod, Boris Jitkov fut chimiste et marin au long cours. Il voyage beaucoup et ne commence à écrire qu’à l’âge de quarante ans, essentiellement des ouvrages pour la jeunesse qui eurent beaucoup de succès et sont encore prisés aujourd’hui en Russie. Apparemment, il n’a pas

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été persécuté sous le stalinisme comme tant d’autres artistes et écrivains juifs. Il est mort de maladie en 1938. Il n’a jamais vu son livre édité. Ce n’est qu’en 1999 que Viktor Vavitch a été édité en Russie, grâce à quelques exemplaires échappés au pilon. ■ Boris Jitkov Viktor Vavitch Traduit du russe par Anne Coldefy - Faucard et Jacques Catteau Calmann – Lévy 750 p., 28,05 EURO


regarder Après ? (*) GÉRARD PRESZOW

J

im est là pas là. Jim, cette fois, n’expose pas. Il se tient dans le coin. Je dis d’abord « vous », et puis on se dit « tu ». Jim, c’est Jim ou Haïm ? J’aime bien l’appeler Haïm, avec le « h » qui gratte fort, venu de loin, venu de longtemps, dans la gorge, avec ce « h » qui nous rend complices, pour la vie. « Lé haïm », Jim. De ce « h » qui se prononce, ou pas, pour « hamas », comme « jamas » en rude castillan. Le judéo-espagnol, le ladino, n’a pas la jota de « jamas », de « joder », de « jamas sera vencido ». Je ne peux pas en placer une. Elle l’appelle : « Jimmeke ! ». Sœur Sarah dit, elle dit : « c’est moi qui ai tout fait pour lui ». Il dit en me regardant : « c’est vrai ». Enlève ton écharpe Jimmeke : « tu vas prendre froid en sortant ». Jim est dans le coin. Pas puni, mais c’est pas son jour. Il observe. C’est pas lui qui expose aujourd’hui mais j’aime qu’il

soit là. J’aime tout ce cirque. J’aime cette histoire. J’aime cette expo en devenir… J’y suis allé pendant l’accrochage. Je suis accroc de tous ceux qui exposent :Sarah, Marianne, Arié. Et le petit André qui a conçu l’expo et qui se tient à l’abri de la famille… Ses colères le protègent. Je dis à André, en tentant de dissimuler le tré- Jim/Haïm Kaliski (Photo Gérard Preszow) molo dans ma voix : « tu Ils racontent pareil : la dispasais, c’est historique ton expo ? ». Il me répond : « je fais, sans me po- rition, l’effacement, la blessure ser la question ». Il a raison. Moi, du rouge, dire là où l’autre tait, je vois l’histoire, dans les visa- aimer, baiser, le corps en veux-tu ges, dans les histoires, dans les en voilà… la chambre à gaz (gaœuvres. Je suis à cran. Je craque. zer gaza : allitération de très mauNous vieillissons ensemble : les vais goût !), la peinture italienne artistes d’avant et d’après. Les ar- (faire preuve de culture…)… les tistes juifs bruxellois de la guerre, corps emballés, empalés, le silenles paumés orphelins, les descen- ce de y-a-plus-personne ? Si ce dants déshérités. Les tristes à ja- n’est celui qui rend visite pour ramais, les coupables de ne pas rire conter la chose. J’ai demandé des mots à chaà la vie. Lé haïm ! cun : Marianne : « Le thé répandu s’en va avec les feuilles / et chaque jour meurt un coucher de soleil » Sarah : « sensation de cette carence/le corps/ballon gonflé » Arié : « Poliptico del esclusion amorosa » Après après ? Tant et trop de proximité. Osez, osez. ■ (*) Exposition « La mémoire partagée » de Marianne Berenhaut, Sarah Kaliski et Arié Mandelbaulm au Centre culturel Jacques Franck du 21 janvier au 1er mars 2009 (voir annonce page 37)

Arié Mandelbaum, Marianne Berenhaut, Sarah Kaliski (Photo Gérard Preszow)

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diasporas Musées d’histoire à Varsovie ROLAND BAUMANN

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uvert en 2004, le Musée de l’Insurrection, s’est vite imposé comme le haut-lieu de la transmission de la mémoire de la Seconde guerre mondiale à Varsovie et le musée le plus visité de la capitale. Comparé à cette jeune institution, le Musée historique de Varsovie, sur la place du Marché de la Vieille Ville, semble bien désuet. Curieux labyrinthe qu’on traverse avec une sensation d’immersion dans un univers clos, oublié de l’histoire. Et pourtant, la réouverture des salles de la Deuxième guerre mondiale, rénovées l’été dernier, montre une volonté de modernisation. Conservatrice du département d’histoire, Barbara Hensel-Moszczynska, retrace les origines de l’institution. Fondé en 1936, le Musée dépendait du Musée National [Musée des beaux-arts] et occupait trois maisons sur le Rynek [place du Marché]. Presque toute ses collections ont disparu dans la destruction de Varsovie. Dès 1948, lorsque démarrait la reconstruction de la Vieille Ville, on a décidé de fonder un Musée d’histoire de Varsovie dont l’exposition permanente évoquerait aussi tous les grands moments de l’histoire nationale. Inauguré le 17 janvier 1955, dixième anniversaire de la prise de Varsovie par l’Armée rouge, le musée bénéficie du « dégel »

relatif qui suit la mort de Staline, puis les évènements de 1956. En 1958, il accueille une première exposition temporaire sur l’insurrection de Varsovie. Le régime communiste ne cessera pas pour autant de présenter l’insurrection de 1944 comme une aventure, provoquée par les agents de Londres, interdisant toute commémoration publique le premier août, date à laquelle les Varsoviens ont coutume de se réunir au cimetière sur les tombes de leurs parents morts en 1944. Le succès du nouveau Musée de l’Insurrection n’entrainera pas pour autant un regroupement de collections et une redéfinition des périodes de l’histoire représentées au musée historique de la ville. Barbara précise : C’est ici même, que se sont livrés les combats les plus acharnés, en août et septembre 44, avant que les survivants ne s’échappent par les égouts. Les visiteurs étrangers qui découvrent l’histoire de la ville et du pays dans notre musée seraient déçus de ne plus rien y trouver sur l’insurrection de 44. Fin 2009, nous devons commencer d’importants travaux, afin d’éliminer l’humidité qui affecte les caves du musée, dans lesquelles nous installerons une exposition sur les origines de la ville et les fouilles archéologiques de l’après-guerre avant la reconstruction du Rynek. Nous moderni-

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serons aussi l’ensemble des salles de nos collections. Il faut des moyens multimedia, de nouvelles scénographies, etc. Tout cela exige des financements importants de la ville, de l’Union européenne... En attendant le début des travaux, une exposition temporaire montre le siège de Leningrad vu par les artistes russes et nous participerons ensuite à une programmation d’expositions et d’évènements culturels commémorant l’avènement de la démocratie en juin 1989 et la défense de Varsovie en septembre 1939.

LA RÉVOLTE DU GHETTO Les nouvelles salles de la Deuxième guerre mondiale évoquent la révolte du ghetto, Zegota... mais, l’histoire juive de Varsovie est le plus souvent absente du reste du musée ! La conservatrice explique: Le Musée voulait jadis donner une vision homogène de la capitale et de ses habitants. On sait pourtant à quel point Varsovie était une ville multi-ethnique. Le musée rénové montrera la multiculturalité de la capitale et donc la contribution majeure des Juifs à son histoire. Notre institution chapeaute plusieurs musées locaux dont celui de Praga duquel dépend un mikveh du dix-neuvième siècle décoré de peintures murales. Nous espérions pouvoir restaurer ce bâtiment, l’intégrant à une nouvelle structure muséa-


Détail d’une des nouvelles salles de l’Insurrection de 44 au Musée historique de la ville. Photo Roland baumann

le mais pour le moment ce projet semble compromis par le refus des financements promis. De même, nous souhaitons développer le Korczakianum, notre centre de documentation et de recherche sur l’oeuvre de Janusz Korczak installé dans les anciens locaux de l’orphelinat juif qu’Henryk Goldszmit dirigeait avant la guerre. Responsable des salles rénovées de l’Insurrection, l’historien Stanislaw Maliszewski, souligne l’historicité et la valeur symbolique des objets exposés. Outre l’intérêt d’une scénographie ingénieuse qui tire parti de l’espace restreint des salles, au dernier étage du musée, son exposition rassemble des « reliques », vestiges divers (armes, pièces d’uniformes, brassards, etc.) associés à la mémoire d’insurgés qui, pour la plupart, ont combattu ici même. Le Musée montre aussi pour la première fois une série de diapositives couleur, prises avant la chute de la Vieille Ville par Ewa Faryaszewska, étudiante des beaux-

arts, tuée le 28 août 1944, quelque jours après avoir capté sur la pellicule ces images « miraculées » d’une ville anéantie. Visions quasi iréelles de rues en feu, réduites à des monceaux de ruines, reconstruites « à l’identique » après-guerre et parcourues aujourd’hui par les foules de touristes, où seules les plaques commémoratives nous disent encore l‘horreur passée.

L’ENTRE-DEUX-GUERRES Incendié par la Luftwaffe en septembre 1939, puis dynamité par les allemands après l’écrasement des insurgés en septembre 1944, le château royal fut entièrement reconstruit en 1971-1984. C’est dans ce monument national, simulacre de l’ancienne résidence des rois de Pologne, qu’une exposition temporaire du futur Musée d’histoire de Pologne (créé par le ministre de la culture et de l’héritage national en mai 2006), évoque la Pologne de l’entre-deuxguerres : l’économie, l’architecture et les beaux-arts, la mode, les sports, l’éducation et les jeux des

enfants... Tirant parti des nouvelles techniques muséographiques, cette exposition évoque bien la diversité culturelle de la Pologne d’avant 1939. Tels ces courts-métrages documentaires filmant la rue juive à Varsovie et à Cracovie, y compris en couleurs... Des images éprouvantes, tant la couleur renforce le sentiment de proximité avec ce monde anéanti. Notons aussi que dans son introduction politique l’exposition n’omet pas de citer le virage antisémite des autorités polonaises après la mort du maréchal Pilsudki (1935), ainsi que le numerus clausus, la fondation de l’ONR, les pogroms... Bref, le musée d’histoire à venir, manifeste sa volonté de dialoguer avec les pages obscures de l’épopée nationale ! ■ -Musée Historique de la ville de Varsovie (Muzeum Historyczne m.st. Warszawy) Rynek Starego Miasta 28-42, www.mhw.pl -Exposition: « Entre-deux-guerres : les facettes de la modernité », jusqu’au 01.03.09, Château royal (Zamek Królewski w Warszawie), www.dwudziestolecie.muzhp.pl -Musée d’histoire de la Pologne: www. muzhp.pl

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Un lourd frémissement de l’aile Éditorial de la rédaction 11 janvier 2009 Deux semaine environ après le début des combats à Gaza, on ne reçoit que des informations très vagues sur les succès qu’obtient Israël dans les dégâts infligés aux « infrastructures terroristes ». En revanche, les chiffres des dégâts infligés aux civils s’accumulent. Plus de 800 Palestiniens ont été tués et près de 3 000 blessés, dont une majorité écrasante par des frappes aériennes. Selon les chiffres des Nations Unies, la moitié des morts sont des civils, et parmi eux, la moitié sont des femmes et des enfants. Outre les informations sur le nombre de morts et de blessés, il y a des informations sur des médecins à qui l’on interdit l’entrée, l’incapacité d’ONG de parvenir à entrer en contact avec les réfugiés et de leur faire parvenir de la nourriture, ainsi que sur une crise sanitaire très grave. La responsabilité de l’armée israélienne n’est pas seule engagée. Le Hamas et d’autres organisations palestiniennes ont délibérément tiré sur un convoi transportant de la nourriture parce qu’il cherchait à pénétrer dans Gaza par un autre point de passage que celui que souhaitait le Hamas. Le Hamas liquide également ses adversaires politiques de l’intérieur et refuse (comme Israël, ndt) d’adopter l’initiative de cessez-le-feu égyptienne. Mais tout cela ne peut pas servir d’excuse à une guerre cruelle et totale contre 1,5 million de civils palestiniens. Hier, Israël a annoncé, en lançant des tracts depuis les airs dans des zones densément peuplées de Gaza, qu’il comptait intensifier son opération militaire. Cela suscite des inquiétudes, similaires à celles qui étaient déjà là lors de la seconde guerre du Liban : la raison de l’entrée en guerre a été oubliée pour être remplacée par le désir illusoire de renverser le régime du Hamas dans la bande de Gaza. Si, il y a quelques années encore, l’opinion criait sa protestation après le bombardement d’une maison à Gaza et la déclaration de l’ancien pilote, puis chef d’état-major Dan Haloutz, qui avait dit qu’il n’avait ressenti qu’un « léger frémissement de l’aile » en larguant ses bombes sur une maison, aujourd’hui, elle réagit avec indifférence, voir avec satisfaction, aux souffrances infligées aux Palestiniens. Les leçons des guerres précédentes, quand l’armée avait détruit des infrastructures et des maisons de civils, sans pour cela gagner l’accalmie qu’elle recherchait, n’ont pas été tirées. Les justifications apportées par Israël en agissant contre les lanceurs de roquettes sont de plus en plus mises à mal ces deux dernières semaines. La légitimité et la compréhension dont a brièvement joui Israël ont fondu au milieu des images de mort et de destruction. Israël est accusé de crimes de guerre. Il faut que cette guerre soit immédiatement remplacée par la voie diplomatique et des accords qui, seuls, mettront fin aux fantasmes et aux illusions des deux côtés. Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant France

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réflexions De l’usage de certains symboles JACQUES ARON

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n trouvait regrettable dans Points critiques (n° 292, janvier 2009) que la Maison Blanche ait illustré une invitation du président Bush aux représentants de la communauté juive américaine par l’arrivée du sapin de Noël. Ce vieux symbole païen me paraît au contraire parfaitement indiqué pour caractériser la dérive idolâtre de tous les monothéismes. Le Conseil européen des Communautés juives a fait dresser au cœur du Quartier de l’Europe, au milieu du Rond Point Schuman, un chandelier dont les ampoules se sont allumées progressivement du 22 au 29 décembre à l’occasion de Hanoukkah 5769. Pourquoi pas ? L’objet sans commentaire était bien un peu perdu au milieu de la place et ne suscitait l’attention des passants que par son groupe électrogène bruyant et polluant. En se documentant quelque peu, on découvre que cette initiative n’était pas isolée et qu’au contraire ce chandelier en aluminium aux bras obliques (en opposition à la menorah aux supports courbes), marque du mouvement loubavitch, était apparu en même temps à Moscou, à Berlin et dans d’autres villes d’Allemagne. Manifestement, les nouvelles communautés allemandes (majoritairement formées de récents immigrés d’Europe de l’Est) et en général celles d’Europe orienta-

le font l’objet de l’intérêt missionnaire des différents courants du judaïsme. Ainsi, au cœur de l’Ukraine, à Dnipropetrovsk, le plus grand centre communautaire de l’Europe de l’Est prendra la forme d’une gigantesque menorah célébrant les racines locales de ce rameau de l’orthodoxie. Avant la Seconde Guerre, on y dénombrait encore 60.000 Juifs, l’une des trente plus grandes communautés. Le bâtiment de 36.000 m² contiendra, outre un musée juif et un mémorial de l’« holocauste », des institutions communautaires, un restaurant cachère, une librairie, etc. On y trouvera des salles de conférences et de séminaires, des bureaux, dont on espère louer certains à l’Agence juive et à la légation d’Israël. Le tout, financé par le mécénat et notamment par deux milliardaires enrichis dans les années 1990 et propulsés à la tête des communautés locales. Leur holding de banques et de sociétés industrielles et financières s’est construit sur l’écroulement du régime soviétique, et le dynamique rabbin loubavitch, arrivé des États-Unis dans les mêmes années, se réjouit de leur brillante ascension, pourvu qu’ils consacrent une partie de leur fortune récente à soutenir son mouvement. Comme il le dit : « Si les grues s’arrêtent ailleurs en Ukraine, ici nous continuerons à cons-

truire ! » Un bâtiment estimé à 70 millions de dollars, pour une communauté locale qui dispose déjà d’un budget annuel de 7 millions de dollars. Sans doute ceci nous ramènet-il à une longue tradition de rivalités internes entre des courants religieux qui, pendant tout le 19e siècle et le début du 20e siècle, formaient un éventail particulièrement large entre la réforme d’esprit libéral et la plus stricte orthodoxie. Mais dans le monde juif et dans sa perception extérieure, quelle place y at-il pour une judéité incroyante ? L’idée même apparaît-elle dans la conscience générale que l’on a des Juifs ? L’image du Juif d’après le génocide est bien plus souvent celle de l’homme en habits religieux ou traditionnels, voire du porteur de kippa plutôt que de celui qui va tête nue. La sécularisation des Juifs remonte pourtant à plusieurs siècles et la distance est plus grande qu’il n’y paraît entre les communautés synagogales et la judéité consciemment vécue par beaucoup comme une communauté de destin historique. Cette dernière est d’ailleurs parfaitement légitime dans une société démocratique respectueuse de la liberté religieuse, de la liberté philosophique et d’association. ■

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réflexions Un livre important. Comment le peuple juif fut inventé MICHEL STASZEWSKI

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ès l’avant-propos, cet « essai à caractère historique »1, comme le définit Sand lui-même, m’est apparu comme l’oeuvre d’un chercheur rigoureux et honnête, qui « annonce la couleur » en montrant au lecteur «d’où il parle» : il le fait au travers de portraits de personnages ayant compté dans sa vie personnelle au point d’avoir joué un rôle dans la genèse de ce livre. Suit une analyse historique approfondie des origines des concepts de peuple, d’ethnie et de nation. Puis vient le «plat de résistance » : Sand s’attaque à des questions le plus souvent ignorées par les historiens israéliens spécialisés en «histoire du peuple juif»2 telles que : « un peuple juif a-t-il réellement existé pendant plusieurs millénaires là où tous les autres « peuples » se sont fondus et ont disparu ? Comment et pourquoi la Bible (…) dont personne ne sait vraiment quand ses parties ont été rédigées et ordonnées, est-elle devenue un livre d’histoire crédible qui décrit la naissance d’une nation ? Dans quelle mesure le royaume des Hasmonéens3 de Judée, dont les différents sujets ne parlaient pas la même langue et, pour la plupart, ne savaient ni lire ni écrire, pouvait-il constituer un Etat-nation ? Les habitants de Judée ont-ils vraiment été exilés après la destruction (…) ? Et s’il n’y a pas eu d’exil du peuple, qu’est-il advenu

des habitants locaux et qui sont ces millions de juifs apparus sur la scène de l’histoire en des lieux si inattendus ? Si les juifs disséminés de par le monde constituent un même peuple, quelles composantes communes pourra-t-on trouver, aux plans culturel et ethnographique (laïc), entre un juif de Kiev et un juif de Marrakech, si ce n’est la croyance religieuse et certaines pratiques rituelles ? (…) A défaut de dénominateur commun culturel profane entre les communautés religieuses, les juifs seraient-ils unis et distingués par les « liens du sang » ? Les juifs forment-ils un « peuple-race étranger », comme les antisémites se le représentaient et ont voulu le faire croire depuis le XIXe siècle ? »4.

LA FIN D’UN MYTHE Thèse centrale du livre : « les juifs ont toujours formé des communautés religieuses importantes qui sont apparues et ont pris pied dans diverses régions du monde, mais ne constituent pas un « ethnos » porteur d’une même origine, unique, qui se serait déplacé au cours d’une errance et d’un exil permanents ».5 Cette thèse s’oppose à celle qui s’est imposée, en Israël et ailleurs, surtout depuis les années 1970 mais qui trouve son origine dans les conceptions essentialistes élaborées principalement à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Selon celle-ci, la grande majorité des

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juifs d’aujourd’hui sont les descendants des Hébreux des temps bibliques qui, malgré leur dispersion, ont toujours réussi à préserver les « liens du sang » entre leurs communautés pourtant très éloignées géographiquement. Sand démonte un à un les mythes « historiques » constitutifs de cette vision d’un peuple préservé miraculeusement « malgré l’histoire ». Pour lui la Bible ne peut être considérée comme un livre d’histoire. Il établit de manière convaincante l’impossibilité historique du grand exode des Hébreux d’Egypte. Il met en doute l’importance du royaume de David et de Salomon. L’exil à Babylone ? Il n’aurait concerné que les élites politiques et intellectuelles. Celui de l’an 70 de notre ère n’aurait tout simplement pas eu lieu : à l’époque de la domination romaine, seule une minorité de prisonniers réduits en esclavage auraient été forcés de quitter la Palestine. Ses recherches le mènent à la conclusion que l’écrasante majorité des habitants de la Judée continuèrent à vivre sur leurs terres, même après la destruction du second temple. Une partie d’entre eux se convertit au christianisme au IVe siècle, tandis que la majorité se rallia à l’islam lors de la conquête arabe au VIIe siècle. Mais d’où proviennent alors les nombreuses communautés juives qui se sont développées en dehors de la Palestine ?


UNE RELIGION PROSÉLYTE Du IIe siècle avant J.C. au IIe siècle après J.C., le judaïsme fut la première religion prosélyte. C’est ainsi qu’il se répandit sur tout le pourtour de la Méditerranée. Au premier siècle de l’ère chrétienne apparut, sur le territoire de l’actuel Kurdistan, le royaume juif d’Adiabène. Malgré la victoire du christianisme au IVe siècle dans l’empire romain, le judaïsme continua à se répandre aux marges du monde chrétien : naissance, au Ve siècle, du royaume juif d’Himyar sur le territoire de l’actuel Yémen et conversion de tribus berbères au VIIe siècle dont certaines prendront ensuite part à la conquête de la péninsule ibérique. Au VIIIe siècle, le judaïsme se répandit dans l’immense royaume khazar qui s’étendait du Caucase à l’Ukraine actuelle. À partir du XIIIe siècle, de nombreux juifs issus de ce royaume auraient été refoulés vers l’est de l’Europe du fait des conquêtes mongoles. Ce serait là qu’avec des juifs venus des régions slaves du sud et d’autres issus des actuels territoires allemands, ils auraient posé les bases de la culture yiddish. Jusque dans les années 1960, on trouve des éléments de cette histoire plurielle de l’origine de juifs dans l’historiographie sioniste. Mais une « normalisation » interviendra suite à la conquête de la Cisjordanie en juin 1967 : « Les conquérants de la cité de David (…) se devaient d’être les descendants directs de son royaume mythique et non (…) les héritiers de guerriers berbères ou de cavaliers khazars ! »6. A la même époque, à l’appui de la thèse de l’unici-

té d’origine du « peuple juif », des biologistes israéliens commenceront à défendre l’idée d’une « proximité génétique » des Juifs du monde entier.

REMISES EN QUESTIONS Depuis la fin des années 1980, les « nouveaux historiens » israéliens ont fait voler en éclat les mythes sionistes concernant les conditions de la création de l’État d’Israël7. Il en résulte qu’aujourd’hui, seules des personnes très mal informées ou de mauvaise foi soutiennent encore que les dirigeants sionistes étaient prêts à partager la Palestine selon les stipulations de la résolution 181 votée par l’Assemblée générale de l’O.N.U. en novembre 1947 ou que les Arabes de Palestine ont volontairement quitté leur pays en 1948. Le fait qu’il soit aujourd’hui scientifiquement établi que les Palestiniens ont été à cette époque victimes d’un nettoyage ethnique constitue un argument de poids pour ceux qui demandent la reconnaissance des droits des exilés. Avec l’ouvrage de Sand, c’est un des principaux mythes fondateurs du sionisme qui s’écroule : celui selon lequel, du début de l’ère chrétienne au milieu du XXe siècle, les juifs auraient constitué un peuple en exil ayant toujours aspiré au retour dans sa patrie. Sand démontre au contraire, de manière convaincante, qu’il n’y a pas eu d’exil massif et que ce sont par conséquent les Palestiniens d’aujourd’hui qui sont, pour la plupart, les descendants des Hébreux de l’Antiquité, majoritairement convertis à l’islam à

partir du VIIe siècle. Ainsi, s’effondrent une à une les justifications « historiques » du dessein sioniste de remplacement des populations autochtones par des juifs venus du monde entier. Non, la Palestine de la fin du XIXe siècle n’était pas une « terre sans peuple ». Non, les Arabes de Palestine ne sont pas partis volontairement en 1948. Non les juifs du monde entier ne constituent pas un seul peuple et ne sont pour la plupart pas les descendants des Hébreux de Palestine. Ces remises en question me semblent porteuses d’espoir. Car comme l’écrit Shlomo Sand pour terminer son livre : « Si l’on peut tenter de modifier de façon si radicale l’imaginaire historique, pourquoi ne pas chercher également à envisager, en faisant preuve de beaucoup d’inventivité, un avenir totalement différent ? Si le passé de la nation relève essentiellement du mythe onirique, pourquoi ne pas commencer à repenser son avenir, juste avant que le rêve ne se transforme en cauchemar ? ». ■ Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Editions Fayard, 2008. 2 Les universités israéliennes comportent des départements séparés d’« histoire générale », d’« histoire du Moyen-Orient » et d’« histoire du peuple juif ». 3 Hasmonéens ou Asmonéens : dynastie fondée par Simon Macchabée qui régna sur la Judée de 140 à 36 av. J.-C. 4 Comment le peuple juif fut inventé, pp. 34-35. 5 Ibidem, p. 36. 6 SAND, S., « Comment fut inventé le peuple juif », in Le Monde diplomatique, Août 2008, p. 3. 7 Cf. VIDAL, D., Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), Éditions de l’Atelier, Paris, 2007. 1

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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN

hix retseuuw NUm mayn shvester khaye Ma sœur Khaye Ce texte (dont nous avons supprimé deux strophes par manque d’espace) a été écrit par Binem Heller (1906-1998), l’un des derniers poètes d’expression yiddish en Israël. Heller, à qui on demandait pourquoi il s’évertuait à écrire dans « une langue morte », a répondu avec ce poème : sa sœur Khaye, qui s’est occupée de lui et qui a péri à Treblinka, est peut-être toujours à l’écoute, quelque part, alors qu’elle ne comprend que le yiddish. La chanteuse israélienne Chava Alberstein (khave albershteyn) a mis ce poème en musique et l”interprète merveilleusement (CD : « The Well », Chava Alberstein + The Klezmatics - MW Records).

.Ngiuj enirg id tim hix retseuuw NUm oygn grine di mit khaye shvester mayn + peq eqr=uuw id tim hix retseuuw NUm tsep shvartse

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TRADUCTION Ma sœur Khaye aux (avec les) yeux verts/Ma sœur Khaye aux nattes noires/La sœur Khaye qui m’a élevé/ Dans (sur) la rue Smocza, à (la) maison aux escaliers tordus. La mère est partie de la maison à l’aube/Quand le ciel commençait à s’éclaircir/Elle est partie au magasin gagner/La misérable menue monnaie. Et Khaye est restée avec les frères/Et elle les a nourris et veillé sur eux/Et elle leur chantait les belles chansons/Le soir, lorsque les petits enfants succombent à la fatigue. (...) Ma sœur Khaye aux yeux verts/Un Allemand l’a brûlée à Treblinka/Et je suis, dans l’État juif,/Le tout dernier qui l’ait connue. Pour elle j’écris mes chansons en yiddish/Aux jours terribles (“dans les jours les terribles”) de notre temps/ Auprès de Dieu seul elle est (une) fille unique/ Au ciel elle est assise à sa droite (à son côté droit).

REMARQUES Ngiuqred dertsoygn : part. passé de Neiqred dertsien = élever (un enfant). butw shtub

= 1) maison, habitation; 2) pièce, chambre. Miuk koym = à peine, difficilement. Nleh heln = commencer à faire jour (leh hel = clair). endib bidne = misérable, pauvre. enb]rd drobne

= menu, petit ; menue monnaie. kidew]rg groshedik (ou kidnw]rg groshndik) : adjectif à

partir de Nw]rg groshn = groschen (monnaie polonaise), sou. Nemr]k kormen = nourrir. Ntih

hitn = veiller sur. Negniz tgelf iz zi flegt zingen = elle avait l’habitude de chanter. hnidm medine (hébr.) = royaume, État. em=s same : adj. aux multiples traductions : même, véritable,

tout... ; et aussi adv. = le plus. hdixi+[b bas yekhide (hébr.) = fille unique.

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ANNE GIELCZYK

Ça commence bien

M

erci pour vos marques de sympathie et vos bons conseils. Les journées s’allongent et je remonte la pente comme prévu. On ne peut pas en dire autant de la conjoncture ni du monde. Cette année 2009 a accouché prématurément d’une nouvelle guerre. Il ne manquait plus que ça, puisque tout le reste va déjà mal. Celleci a la particularité de nous toucher de près, difficile dans ces conditions de garder la tête froide. Certains nous reprochent, nous, Juifs progressistes de Flandre et de Navarre, de ne pas chérir suffisamment Israël, il nous serait facile de critiquer puisqu’on n’aime pas. En dehors du fait qu’il n’est pas dans mes habitudes d’aimer des peuples, des pays et encore moins des États (je me contente comme tout le monde d’aimer des gens, le filet de sole à l’ostendaise, la musique de J.S. Bach et la peinture de James Ensor), j’ai quand même du mal à m’exprimer librement quand il s’agit de critiquer le gouvernement d’Israël, là où, dans tout autre cas de figure cela me pose nettement moins de problème. Dans ces cas-là, j’ai l’habitude de faire un petit exercice qui me calme à chaque fois et que je vous recommande chaudement. Je remplace le nom

d’Israël par n’importe quel autre nom de pays et tout devient plus clair, enfin, moins compliqué. Donc ici, vous gardez Gaza et vous remplacez « Israël » par « Égypte » par exemple et vous verrez que vous n’aurez aucun problème à condamner le blocus, les accords privilégiés avec l’Europe, ni l’offensive, pourtant lancée par l’Égypte pour défendre son intégrité face aux tirs de roquettes du Hamas. D’ailleurs je suis au regret de vous dire que tous les partis en Flandre ont condamné ce massacre et que seul le Vlaams Belang, en tant que parti, défend de façon inconditionnelle l’offensive de l’armée israélienne car « Israël a le droit de se défendre et la violence utilisée n’est pas disproportionnée » (Philip Dewinter cité dans De Morgen du 13 janvier). Je ne crois pas qu’il s’agisse ici uniquement de manœuvres platement électoralistes, gagner des voix juives à Anvers. C’est également inspiré par le fait que l’opposition aux agissements d’Israël est composée en grande partie d’organisations de gauche et des communautés arabe et turque, que déteste bien sûr ce parti fasciste et raciste.

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eci dit, pendant que nous avons les yeux rivés sur la bande de Gaza, le paysage

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politique belge est en train de changer à toute vitesse. D’abord, nous voilà enfin débarrassés de Leterme. Une affaire rondement menée après tous ces mois d’immobilisme et sans l’interminable ballet de voitures aux abords du palais de Laeken. Juste le temps d’apercevoir Paola au volant de sa Fiat 500 sortant faire ses courses et puis rentrer. Puis Miet Smet déposant son tout nouveau mari appelé in extremis pour servir le pays, alors qu’il passait du bon temps avec elle et ses enfants à Disneyland. Conclusion des courses, les prochaines élections ne seront plus fédérales, elles seront régionales et européennes. La bataille pour BHV peut recommencer (jusqu’à présent sans roquettes et sans bombes au phosphore). Rudy Aernoudt, le chouchou flamand des médias francophones, s’y prépare et semble vouloir mettre à profit son statut de BV sponsorisé par la RTBF en lançant un nouveau parti en Wallonie, le LiDé (pour Liberté et Démocratie). Sa façon à lui de réaliser la circonscription fédérale. Certains pensent à tort que Rudy Aernoudt qui est un bon copain de JeanMarie Dedecker veut installer ainsi un sous-marin de la Lijst Dedecker (LDD) dans la Meuse (à Lustin près de Namur pour être précis). Certes, leurs programmes économiques sont


identiques (et pour cause c’est Rudy Aernoudt qui les Geert Lambert avec le SP.a, Geert Lambert sans le SP.a, une différence de poids ? a écrits et il ne s’en cache pas) et très très libéraux (flat progresser spectaculairement Tobback. En effet, les derniers tax sur les revenus pour tous dans les sondages et attire à socialisten dans le parti (Louis de 25%, réduction drastique lui toutes sortes de transfuges Tobback, Mia De Vits, Erik De du nombre de fonctionnaires Bruyne, qui avait quand même venant de la N-VA et du VB. de l’État, etc. etc.), mais sur À suivre. obtenu un tiers des voix comme l’avenir de la Belgique ils candidat à la présidence du PIRIT, le rejeton de parti contre Caroline Gennez...) divergent profondément. Rudy Aernoudt est pour le maintien centre-gauche né de la n’apprécient que modérément de la Belgique car selon lui les scission de la Volksunie cet « élargissement » et ce transferts ne se situent pas le en 2001 et dirigé par changement de nom décidés long de la frontière linguistique Bert Anciaux, après avoir changé sans leur demander leur avis. La mais des deux côtés de la banane son nom en VL.Pro (abréviation vraie question étant pourtant, me de Vlaams-Progressieven) en semble-t-il, de savoir ce qu’il qui relie Anvers à Namur en passant par les deux régions les avril 2008, vient de se détacher reste encore aujourd’hui des plus riches de la Belgique, le du SP.a, avec lequel il était valeurs socialistes au sein du Brabant flamand et le Brabant en cartel depuis les élections SP.a ? De toute façon, ça faisait wallon. En bon économiste de 2003. À peine avions-nous déjà un bout de temps que plus qui raisonne en termes appris à prononcer correctement personne ne savait ce qui se Vleupro que celui-ci se mue en cache derrière la marque SP.a. d’efficience il ne voit donc pas en quoi la scission le long de la SLP (Sociaal-Liberale Partij) Car c’est bien de produits et de frontière linguistique pourrait sous la direction de Geert marques qu’il s’agit désormais faire avancer le schmilblick. Lambert. Le SLP en quittant la en politique. Pour preuve, les lecteurs du Standaard ont choisi Toujours est-il qu’on peut mouvance SP.a, perd du même encore se poser la question : coup tous ses parlementaires, comme produit de l’année pourquoi tout à coup ce parti dont Bert Anciaux, qui ont choisi 2008… Barack Obama, après en Wallonie ? Selon Guido « opportunément » de rejoindre le l’iPod en 2005 et l’iPhone en Fonteyn (journaliste flamand, SP.a. Geert Lambert, lui, a perdu 2007. Vous connaissez mon 50 kilos et changé de lunettes, amour pour les produits Apple, spécialiste de la Wallonie) Aernoudt n’a aucune chance je ne sais s’il y a lieu d’y voir mais Barack Obama, ça c’est d’être élu et vise une nouvelle vraiment top. J’espère qu’ils une relation de cause à effet. Le carrière comme fonctionnaire ou SP.a a acté ces bouleversements n’attendront pas aussi longtemps en changeant lui aussi son nom que pour l’iPhone et qu’on comme cabinettard en Wallonie, depuis qu’il a été viré en Flandre en … SP.a. Le Socialistische le trouvera bientôt dans les comme secrétaire général du Partij anders qui devait se muer magasins. ■ département d’économie après en Socialisten en Progressieven avoir dénoncé les abus de sa anders restera finalement ministre Fientje Moerman. Socialistische Partij anders après Dedecker lui, continue de une bonne gueulante de Louis

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DE MEHMET KOKSAL

Bande de Gaza et bandes à Bruxelles

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eaucoup pensent que Bruxelles, de par sa position stratégique mondiale (sièges de nombreuses institutions européennes et internationales), possède un pouvoir magique symbolique et peut, quand elle veut, influencer d’une manière ou d’une autre le cours des conflits au niveau international. C’est ainsi qu’on assiste à Bruxelles à des marches, des manifestations, des protestations, des actions d’agitation, des appels aux boycotts, des actes de violence. qui ressemblent souvent plus à des thérapies de masse, des défouloirs politiques ou des tribunes libres (où d’ailleurs les petits partis non représentés au Parlement sont généralement surreprésentés). Mais, après la séance de cassage et d’engueulade, il convient de se faire une raison : Bruxelles n’a pas de pouvoir magique et si elle en avait vraiment un, elle l’utiliserait d’abord pour sortir de son conflit franco-flamand avant de répandre la bonne parole urbi et orbi. La guerre disproportionnée lancée par Israël a logiquement fait d’abord réagir massivement les militants pro-palestiniens en Belgique (belges ou non,

musulman ou juif, humaniste, socialiste, progressiste, libéral, chrétien flamand.). Dans ce chapitre, il convient de souligner le lobbying du Mouvement Citoyen Palestine (MCP) animé principalement par Nordine Saïdi. Ce groupe, qui compte actuellement une vingtaine d’activistes, fait un lobbying politique et symbolique très rapproché sensibilisant une bonne partie des électeurs bruxellois sur la problématique de la colonisation israélienne, la langue de bois « équidistante » des partis politiques belges ou encore le financement belge (via Dexia) des forces d’occupation en Palestine. Un cas particulier qui fait partie de MCP est Mohsin Mouedden, coordinateur des éducateurs sportifs dans une association paracommunale molenbeekoise, chroniqueur pour Le Journal du Mardi et exanimateur sur Radio Al manar à Bruxelles. Enragé par l’impunité systématique accordée à Israël, Mohsin Mouedden a lancé une grosse (et grossière) « enquête » journalistique sur la position des élus belges d’origine étrangère sur la guerre à Gaza. Un courrier provoquant et généralisant est parvenu à l’ensemble des élus régionaux d’origine

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marocaine, tunisienne et turque en les invitant à répondre aux interpellations insultantes de « l’acteur associatif ». Tant bien que mal, notre animateur a réussi à obtenir un grand nombre de réponses de la part des élus stigmatisés. Mohsin a ensuite décidé de porter son combat sur Radio Al Manar ainsi que sur le site belgo-marocain Wafin. be. Il sera finalement licencié des ondes de la fréquence arabe bruxelloise par le directeur Ahmed Bouda (par ailleurs conseiller communal PS à Koekelberg) suite à une altercation avec le député socialiste Yvan Mayeur.

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u coté des sionistes qui soutiennent inconditionnellement l’opération militaire israélienne, Joël Rubinfeld (président du CCOJB) a réussi à braquer les caméras de télévision belge sur l’ambassade de la République d’Iran désignée comme l’ennemi numéro 1 du gouvernement israélien. Tactique très subtile de Rubinfeld qui a lancé un appel aux « Palestiniens qui aspirent à un État pacifique et démocratique aux côtés de l’État d’Israël » à manifester ensemble le 7 janvier 2009


contre « le régime iranien et son bras armé à Gaza, le Hamas » en ajoutant que « le CCOJB exprime également sa solidarité à l’égard des souffrances endurées par la population palestinienne prise en otage par le Hamas ». Pourtant, assez curieusement, l’Iran brille justement par sa discrétion sur la scène internationale à propos de la nouvelle guerre israélopalestinienne.

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nfin, un petit mot sur la manifestation propalestinienne du 11 janvier 2009 dans les rues de Bruxelles avec la participation des représentants des quatre grands partis politiques francophones. Un jour avant cette manifestation nationale, une centaine de jeunes militants pro-Hezbollah manifestaient sur les marches de la Bourse à Bruxelles. On pouvait y voir des séances de crachats groupés sur le drapeau israélien, plusieurs drapeaux israéliens incendiés ainsi que des saluts hitlériens effectués par trois jeunes militants. Le lendemain, il y a également certains propos antisémites, des amalgames entre Israël et le régime nazi, une apologie du terrorisme (poster de Ben Laden) ou des appels à la violence et à la haine à l’égard des Juifs. Un malaise qui a fait l’objet d’une carte blanche dans le quotidien Le Soir où Manuel Abramowicz, Claude Demelenne et Sam Touzani critiquent le caractère « très communautariste de la manifestation, souvent rythmée par des slogans très peu fédérateurs - « Allahou Akhbar ! » (Dieu est grand) et parfois carrément choquants - les appels au Djiad (guerre sainte) ou à la mise de côté de la démocratie. », s’attaquent

au « cléricalisme musulman intolérant, impérialiste et antiprogressiste ! » et lancent un appel, eux-aussi, « aux nombreux élus, notamment bruxellois, d’origine maghrébine : chers amis, il ne faudrait pas que votre silence face à ces dérives, devienne assourdissant. » La présence visible d’un service d’ordre musulman, portant des gilets fluorescents de la Fédération islamique de Belgique (une filiale belge du mouvement islamiste turc Milli Görüs fondé par l’ancien Premier ministre Necmettin Erbakan), explique en partie la mobilisation religieuse et les craintes émanant de certains observateurs externes au milieu turcophone.

L

e malaise exprimé à travers cette carte blanche ne manquera pas de provoquer un autre malaise et dans le même camp. « Moi qui suis un laïque particulièrement imperméable au discours, aux opinions et au mode de vie des « barbus », je trouve très « politiquement correct » de la part d’Abramowicz et Cie de s’en prendre à la liberté d’expression des communautés musulmanes qui ont légitimement manifesté contre la barbarie sioniste. On a l’impression que les auteurs de cette carte blanche sont bien plus choqués par quelques slogans et tenues vestimentaires que par l’anéantissement physique et moral d’une population entière », réplique le militant de gauche radicale Bahar Kimyongur. Encore plus critique, Jamal B. s’en prend au « tierceron de laïcistes, émargeant tous les trois à la Communauté française de Belgique, égaré dans une manifestation propalestienne,

n’a rien trouver de mieux à faire que de jouer à se faire peur. L’objet de celle-ci : l’islam, esprit du temps et surtout esprit du laïcisme oblige. Angoisse déclinée sous toutes ses formes. Le seul point commun entre elles est une certaine dose de mauvaise foi. On distingue par ordre d’apparition. L’affabulation : « les slogans qui mettent de côté la démocratie » (sic). La conspiration : « des groupes, apparemment bien pris en mains par les mosquées ». Le stéréotype : « Des « barbus » occupant le pavé fétiche de la gauche française, tandis que les femmes voilées attendent sagement à une rue de là. » La calomnie : « des religieux réactionnaires et rejetant les principes élémentaires de la démocratie, du vivre ensemble ». Le mépris : « des femmes enfoulardées d’un côté, hommes barbus hurlant Allahou Akhbar ! de l’autre ». La diffamation : « la montée en puissance d’un cléricalisme musulman intolérant, impérialiste et antiprogressiste ». La paranoïa : « Nul, parmi vous, ne l’ignore : les radicaux qui ont tenu le haut du pavé, dans les rues de Bruxelles, vous détestent. » Soit une déclinaison de toutes les « passions tristes » qui génèrent ou sont générées par la peur - un cas d’école. »

L

a guerre à Gaza n’est pas terminée et la campagne électorale belge ne fait que commencer. En marge des manifestations, des débats et des dérapages sur cette thématique, il convient de garder un oeil sur les intérêts de chaque partie en n’oubliant pas qu’en fin de compte, ce sont des vies humaines qui sont en jeu. ■

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LE

DE LÉON LIEBMANN

L’an prochain à Jérusalem... ou à Bruxelles

L

e titre que j’ai choisi pour la présente chronique pourrait faire croire, si je n’en précisais pas d’emblée le sens et la portée, que j’ai voulu tracer un parallèle entre deux villes que presque tout différencie et même oppose ou entre deux pays dont les capitales reflètent des contrastes et des disparités poussées à l’extrême. Mon propos est tout autre : analyser les attitudes et les comportements des Juifs diasporiques et, plus particulièrement, de la population juive de notre pays face à la soudaine et sanglante aggravation du conflit israélopalestinien qui, depuis le 27 décembre dernier, embrase les alentours et, bien davantage encore, l’intérieur de la Bande de Gaza, territoire aussi exigu (363 km2, soit à peine un peu plus d’un pour-cent du territoire belge) que surpeuplé (1,5 million d’habitants, dont plus de 900.000 sont des réfugiés chassés de chez eux par l’armée israélienne en deux épisodes : en 1948 et en 1967). Vous avez, tout comme moi, suivi de plus en plus effarés et indignés l’escalade démesurée des opérations militaires où chacun des deux camps imputait à son vis-à-vis la responsabilité

exclusive des pertes en vies humaines - infiniment plus nombreuses chez les Palestiniens et dont une grande partie était constituée de femmes, d’enfants et de vieillards - et des gigantesques dégâts matériels infligés quasi exclusivement à la population civile de Gaza. Ce qu’on appelle la communauté internationale a été bien lente à s’émouvoir et plus lente encore à se mouvoir pour y mettre fin. L’administration Bush, en extrême fin de mandat, a pris mollement position en faveur d’un cessez-le-feu à la fois immédiat et durable tout en l’entravant, par l’exercice réitéré de son droit de veto au Conseil de sécurité et plus souvent encore par la simple menace d’en faire usage. Les pays arabes et musulmans se sont contentés de clamer leur indignation après le déclenchement de l’offensive militaire israélienne contre Gaza. Quant à l’Union européenne, elle ne s’est pas bornée à adopter des résolutions platoniques ne parvenant pas à s’entendre sur une réaction énergique et cohérente en raison de l’applicabilité de la règle de l’unanimité en matière de politique étrangère. Elle a, par contre et à l’unanimité de ses membres, opté pour un élargissement et un renforcement

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de la participation israélienne à ses instances les plus actives et les plus dynamiques. On peut comprendre, sans l’approuver, l’attitude prudentissime affichée trop longtemps par des grands pays et par des conglomérats de pays moins grands face à ce rebondissement d’un vieux et récurrent conflit. Par contre, les comportements adoptés par les Juifs de la Diaspora et en particuliers par les citoyens juifs de Belgique se sont cristallisés de façon beaucoup plus nette et plus rapide.

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n peut, sommairement, les répartir en trois groupes numériquement très inégaux : 1) Les défenseurs indéfectibles de l’État d’Israël et de sa politique même quand celleci s’avère aussi sanglante que belliqueuse. 2) Leurs opposants qui, eux, font la différence entre le droit d’un État de se défendre contre les attaques dont il est l’objet et le choix d’une riposte « tous azimuts » ne connaissant d’autres limites que celles de sa capacité de tuer, de blesser, de détruire et d’endommager le « camp ennemi ».


3) Ceux qui, soit par crainte de « représailles », soit par refus de prendre position dans un conflit dans lequel ils ne veulent pas être partie prenante, s’abstiennent de s’exprimer publiquement et d’intervenir de quelque façon que ce soit dans le débat : celui qui oppose le plus souvent des Juifs fiers de l’être et tout aussi fiers de l’État juif qu’ils revendiquent et dont beaucoup d’entre eux se revendiquent à ceux qui, au contraire, entendent s’en démarquer et qui, quand humainement le « démarcage » ne leur paraît pas suffisant, interviennent activement en faveur et aux côtés des victimes de la politique agressive et parfois impérialiste de l’État d’Israël et de ses dirigeants. Certes, ils sont très minoritaires et, dans notre pays, la seule organisation juive qui ose dire tout haut ce que beaucoup de Juifs pensent tout bas est l’UPJB, dont les prises de position nettes et franches indisposent le camp opposé, qui trouve que nous faisons tache dans la communauté juive et craignent que nous y fassions tache d’huile.

C

e simple repérage des principales tendances qui coexistent au sein des populations juives diasporiques appelle un correctif important et une précision significative. Le correctif tout d’abord que de nombreux lecteurs auront déjà opéré par eux-mêmes : un certain nombre de personnes sont, à l’un ou l’autre moment de leur vie, passé d’une des catégories décrites plus haut à une, voire successivement, à deux options qui s’affrontent à ce sujet car devant ce problème crucial et

douloureux beaucoup d’entre nous ont pu changer une ou plusieurs fois d’avis. Je vous en citerai un exemple : le mien. J’ai été inscrit pendant près de trois ans à un mouvement de jeunesse sioniste et cela jusqu’à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Après cette guerre, mon sionisme s’est progressivement amolli et j’ai immédiatement quitté le mouvement associatif où j’avais fait mes « premières armes ». Mais le tournant décisif dans mon évolution se situe en 1967 lors de la guerre dite des « six jours » qui m’a complètement détaché de ma mouvance première et m’a amené à défendre la cause palestinienne dans la lutte qu’elle implique pour la survie du peuple palestinien et pour l’établissement d’une paix prochaine et juste avec Israël. De nombreux cas de ce genre et quelques-uns en sens opposé ont pu être identifiés. Chacun de nous en connaît l’un ou l’autre. Quant à la précision, peutêtre plus surprenante pour un certain nombre de mes lecteurs, elle concerne le double langage pratiqué par beaucoup de Juifs diasporiens : celui qu’ils tiennent en public (« vive Israël et oui à l’intégralité de sa politique ») et celui auquel ils recourent à l’abri de toute publicité. Des réserves pouvant aller jusqu’à des critiques cinglantes font contraste avec leur alignement de façade. Je vous en citerai également un exemple précis qui me revient en mémoire : une personnalité juive éminente de notre pays, dont je tairai le nom car ses propos étaient confidentiels, m’a, au terme d’une longue et passionnante discussion, tenu en substance le curieux discours que voici :

« à propos d’Israël, tu as raison, mais toute vérité n’est pas bonne à dire et le linge sale doit se laver en famille ». D’autres propos plus ou moins similaires m’ont été rapportés par d’autres « confidents malgré eux ». Je m’abstiendrai d’en faire état par discrétion. Retenons-en, d’une manière générale, que beaucoup de Juifs belges partagent, au moins en partie, les vues pseudo extrémistes de l’UPJB sans oser s’exprimer publiquement sur ce sujet jugé brûlant. Leur « sionisme intégral » apparent contraste avec l’esprit critique qu’ils possèdent et n’utilisent en public que contre les ennemis d’Israël et plus particulièrement contre les kamikazes et autres terroristes du « camp d’en face ». Mais dans leur tréfonds, ils pensent tout autre chose que ce qu’ils disent ou écrivent.

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ue conclure de ce bref panorama d’une communauté éclatée présentée abusivement comme unie et même unanime ? Que les « Amants de Sion » qui peuplent nos synagogues et d’autres lieux de rencontre juifs de Bruxelles et d’ailleurs ressentent des réticences parfois fort vives à l’encontre d’une politique dont ils ne peuvent, dans leur for intérieur, accepter et approuver le caractère profondément injuste. S’ils sont nombreux à prononcer, religieusement ou non, le voeu pieux par lequel se termine la lecture de la Haggadah pascale, « L’an prochain à Jérusalem », la plupart d’entre eux ont l’intention de le réciter longtemps encore... à Bruxelles et non à Jérusalem. ■

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LA CHRONIQUE DE DIDIER BUCH

“ ... et tu aimeras ton prochain comme toi-même ” (Lév. 19,18)

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l peut paraître vain de creuser encore notre sillon critique et culturaliste à l’heure où l’unanimisme et l’inconditionnalité du monde juif sont plus flagrants que jamais. Il aura suffi pour cela qu’Israël se dise menacé (et détruise ceux qui le menacent sans pouvoir le détruire). Aucune institution représentative ou fédérative juive (dans chaque pays de chaque continent) n’a remis en question « l’explication » gouvernementale de « l’opération » à Gaza. Des manifestations de soutien ont été organisées et médiatisées dans chaque pays. Le président du Consistoire central de France, une institution censée gérer le culte israélite, dédouane Israël de toute responsabilité et accuse le Hamas d’utiliser « les civils comme boucliers et comme cibles », de ne pas avoir créer d’abris pour les civils et de ne jamais « prévenir la population civile de l’imminence d’une attaque ciblée » (Le Monde du 16 janvier). Le nouveau Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, qui semblait plus « ouvert » que son prédécesseur, ne craint pas de déclarer que « dans ce conflit, nous avons une armée [israélienne] qui défend sa population et de l’autre des guerriers [le Hamas]

qui se servent de la leur » et qu’il n’a « pas d’avis à donner sur les décisions prises par l’armée ». Son homologue libérale bruxelloise délivre un message identique, accompagné de considérations messianiques et iréniques. « C’est un commandement pour Israël de protéger ses citoyens. Le Hamas prenant, contre toute convention internationale, la population palestinienne en otage, cette obligation vient se heurter douloureusement à celle d’épargner des innocents » nous dit-elle en ajoutant que « certains [...] s’imaginent que les Juifs ont part aux événements d’Israël » (Le Soir du 15 janvier). La synagogue libérale, membre du CCOJB, a d’ailleurs rejoint la manifestation de soutien à Israël organisée par celui-ci devant l’ambassade d’Iran. n’est pas en reste. Le dernier éditorial de Contact J, le « Mensuel d’expression du judaïsme belge » (qui publie un article qualifiant les Territoires de « disputés ») est sans tache : « Contact J soutient et soutiendra toujours inconditionnellement le peuple d’Israël qui est engagé dans un combat vital contre des agresseurs qui ont délibérément choisi de tourner le dos à l’humanité ». Pour le CCLJ, qui

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a relayé l’appel à manifester du CCOJB (et demandé le cessez-le-feu et une trêve de longue durée), « l’amplification des tirs de roquettes, à portée de plus en plus longue, par le Hamas a conduit Israël à mener une opération militaire d’envergure pour assurer à sa population la protection à laquelle elle a droit ». La section belge de « l’Appel unifié pour Israël » (Keren Hayessod) lance, elle, une « campagne d’urgence pour les habitants du Sud » qui prévoit de financer, entre autre, « la rénovation de plus de 300 abris anti-aériens à la demande du gouvernement israélien ». Quant à la seule épicerie juive de Bruxelles, elle ne propose qu’un seul organe de presse : Actualité juive, un hebdomadaire français au sionisme religieux « radical ».

L

e relais est donc automatique de l’explication israélienne du conflit, sans questionnement et sans aucune prise de distance. Pendant ce temps, circulent dans les milieux communautaires des argumentaires essentialistes et racistes fleurant bon le « choc des civilisations » : l’historique « nous pouvons pardonner aux Arabes d’avoir tué nos


enfants. Nous ne pouvons pas leur pardonner de nous avoir contraints à tuer les leurs » de Golda Meïr ainsi que des listes comparées de prix Nobel juifs et arabes. à chaque crise, se rejoue donc la même pièce. Une radicalité profondément ancrée se révèle qui s’exacerbe encore à l’aune du jusqu’au-boutisme militaro-politique israélien. On veut croire que la limite sera cette fois-ci atteinte mais elle ne l’est jamais. Quant aux dissidences, elles ne se font que sur les marges ou à l’extérieur des communautés et ne sont jamais entendues à l’intérieur de celles-ci.

I

l serait au moins partiellement erroné de comprendre cette description par le biais d’une analyse strictement politique et de se contenter de stigmatiser l’idéologie de la rue juive. C’est d’identité qu’il est question, de cette identité juive blessée, détruite jusque dans ses tréfonds par le judéocide et reconstruite dans un lien indissoluble avec l’État salvateur. L’identité juive contemporaine s’est faite israélienne et de « substitution ». La remise en cause de l’action d’Israël est consubstantiellement impossible. Au risque, à l’opposé, de saper son être au monde, la vertu d’Israël est impérative même si elle conduit à la déresponsabilisation totale de l’État juif, toujours et par essence innocent. Toute critique même mesurée est donc

nécessairement antisémite ou relève de la haine de soi. Le président du CCOJB l’illustrait en déclarant, en décembre dans Contact J, s’engager non pas « pour Israël » mais « contre l’antisémitisme », étant entendu que « L’État juif s’est substitué à l’être juif dans l’esprit de certains. Israël est devenu le Dreyfus des nations ». Les notions « politiquement correctes » d’« amalgame » et d’« importation du conflit » qui sont, de manière automatique, avancées (cyniquement par les instances communautaires) pour lutter contre l’antisémitisme ou la simple critique sont prises en défaut. Comment contrer un éventuel antisémitisme en assenant que tous les Juifs ne pensent pas de la même manière si l’alliance politique entre les instances communautaires et l’appareil d’État israélien est aussi patent ?

A

u delà des questions d’ordre éthique et d’identité, c’est l’impunité politique, corollaire de l’impunité de l’Etat d’Israël lui-même sur la scène internationale, dont bénéficient les instances communautaires qui pose question. Une brèche a peut-être été ouverte par le président du parti socialiste, Elio du Rupo, qui eut certes mieux fait d’employer des arguments politiques et non émotionnels : « J’ai pour la population juive plus que de la sympathie, j’ai une forme d’amour, [...] Et cette attitude

de sang-froid, ne pas avoir de remords, voir des écoles être anéanties et tous ces morts, c’est inacceptable, c’est totalement inacceptable » (sur RTL-TVI le 7 janvier). La notion de « population juive » vise les Israéliens mais peut-être aussi la communauté juive. C’est en tout cas ce que semble avoir compris le CCOJB qui reproche au président du PS d’« importer le conflit du Proche-Orient dans nos rues » et de « participer de ce fait à la libération de la parole et de l’acte antisémites ». Notons sur le même sujet que la carte blanche « Le pouvoir aux « barbus » ? Non merci ! », publiée dans Le Soir du mercredi 14 janvier par trois militants laïques (et que l’ambassade d’Israël fait circuler), demande aux élus politiques d’origine maghrébine de se désolidariser des islamistes mais n’interpelle pas les quelques mandataires juifs qui s’identifient comme tels et soutiennent publiquement la guerre d’Israël.

L

a forteresse communautaire est imprenable et « creuser le sillon » d’un autre judaïsme s’avère donc une nécessité. Pour que ce ne soit « pas en notre nom », il faut que cela nous soit un nom au lieu d’un adjectif. Asseoir sa légitimité à agir et ne pas laisser le judaïsme aux mains de ceux qui en sont jusqu’ici massivement les dépositaires appelle à plus de judaïsme. ■

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cultes et laïcité Coming out à l’ONU. Nouveau clash entre Israël et les pays arabes. CAROLINE SÄGESSER

A

lors que l’on célèbre le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, les Nations Unies se sont penchées sur les droits des personnes homosexuelles. Lors de la 71ème session plénière de l’ONU, l’Assemblée a examiné la proposition de déclaration sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre proposée par l’Argentine, à l’initiative de la France. Cette déclaration réaffirme les droits des personnes homosexuelles et le principe de non discrimination sur base de l’orientation sexuelle, et demande aux États de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment législatives et administratives, pour garantir que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne soient, en aucune circonstance, le fondement de sanctions pénales, en particulier d’exécutions, d’arrestations ou de détention ; de garantir que des enquêtes sont menées sur les violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et que leurs auteurs sont reconnus responsables et traduits en justice ; et d’assurer une protection adéquate aux défenseurs des droits de l’Homme et de lever les obstacles qui les empêchent de mener leur travail sur les questions des droits de l’Homme et de l’orientation sexuelle et de l’identité de

genre. Rappelons brièvement à ce propos que plus de soixante pays ont encore des lois contre les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe, des lois qui sont souvent un héritage de l’époque coloniale1. Les relations homosexuelles sont punies de mort dans plusieurs pays musulmans et de lourdes peines de prisons dans d’autres. On peut aussi rappeler que l’interdiction des pratiques homosexuelles est demeurée la règle dans une douzaine d’États américains, jusqu’à ce qu’une décision de la Cour suprême des États-Unis vienne invalider de telles dispositions en... 2003.

USA, PAYS MUSULMANS... La déclaration a reçu le soutien de 66 pays des cinq continents, dont la Belgique, mais pas des États-Unis ni d’aucun pays de culture musulmane. La position de la Turquie est intéressante à relever, puisque c’est le seul pays candidat à l’UE qui n’a pas soutenu la déclaration. L’Organisation de la Conférence islamique s’est opposée à l’adoption de la déclaration, et a présenté par l’intermédiaire de la Syrie un texte de résolution alternatif, exposant notamment que la reconnaissance des droits des homosexuels susciterait davantage de crimes pédophiles… Le texte de la Conférence islamique a été soutenu par

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57 pays, soit un nombre presque aussi élevé que celui des pays signataires de la déclaration ellemême… Un tel événement est ainsi l’occasion de s’interroger, une fois de plus, sur l’universalité ou au moins sur l’exportabilité du respect des Droits de l’homme...

ET VATICAN L’opposition à la déclaration sur l’orientation sexuelle a également reçu le renfort du Vatican, dont le représentant à l’ONU a déclaré qu’il ne pouvait soutenir un projet qui visait à « demander aux États et aux mécanismes internationaux d’application et de contrôle des droits de l’homme d’ajouter de nouvelles catégories devant être protégées contre la discrimination, sans tenir compte que, en cas d’adoption, elles créeront de nouvelles et terribles discriminations ». C’est principalement la crainte de voir ce texte, qui affirme le principe de non-discrimination, utilisé comme une base pour réclamer l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe dans les pays où ce n’est pas encore le cas, qui a suscité l’opposition du Vatican. Devant l’ampleur des protestations, le Saint-Siège a mis un peu d’eau dans son vin, et précisé lors de la session onusienne qu’il soutenait bien la dépénalisation de l’homosexualité et la fin de toutes les peines criminelles. Cependant, quelques jours plus tard, dans son message


de Noël, le pape dénonçait à nouveau « l’émancipation de l’identité de genre, qui se traduit en définitive par l’émancipation par l’homme de la création et de son créateur ». Le Pape a critiqué l’homme coupable de vouloir « se faire seul et disposer seul de ce qui le concerne », et a rappelé qu’en agissant ainsi « il vit contre la vérité et contre son créateur. » C’est évidemment sans réelle surprise que l’on a observé à l’occasion du vote à l’ONU le Vatican et les pays islamiques se retrouver dans une opposition au libre exercice de certains droits fondamentaux de la personne humaine. Et le refus des États-Unis de soutenir ce texte, un peu plus surprenant, peut sans doute être inter-

prété comme un dernier « cadeau » de l’administration Bush aux fondamentalistes de la droite chrétienne.

SOUTIEN ISRAÉLIEN Il est d’autant plus intéressant de remarquer que l’État d’Israël a, lui, soutenu le texte appelant à la non-discrimination sur base de l’orientation sexuelle. Et cela alors que le judaïsme n’est guère plus ouvert à l’homosexualité que l’islam ou le christianisme, et que l’on reproche souvent à Israël son absence de séparation « entre la synagogue et l’État ». Selon la représentante de l’État d’Israël à l’ONU, Meirav Eilon-Shahar, « Israël respecte les droits de tous ses citoyens, quelle que soit leur orien-

tation sexuelle ou leur identité. Nous avons donc estimé opportun de souscrire à une déclaration qui établit les principes d’égalité et de non-discrimination ». Chacun interprétera sans doute cette position en fonction de son agenda politique, ou, peut-être, tout simplement, en fonction de son degré de cynisme. En tout état de cause, cette prise de position d’Israël à l’ONU, où on ne voit pas souvent cet État voter avec l’ensemble des pays de l’Union européenne contre les États-Unis, méritait d’être relevée. ■ 1

Lire à ce propos le rapport de Human Rights Watch, The Alien legacy. The Origins of “Sodomy” Laws in British Colonialism. Disponible via www.hrw.org

Des athées mobilisés Depuis quelques semaines, les Londoniens peuvent découvrir des bus frappés du slogan « There is probably no God. Now stop worrying and enjoy your life ». Il s’agit d’une réponse à la campagne préalable d’un groupe religieux promettant une éternité de souffrances en enfer aux non croyants1. On notera avec intérêt la décision des organisateurs d’insérer au moins l’ombre du doute dans le slogan avec l’utilisation du mot « probably » : selon l’un d’entre eux, affirmer avec certitude que Dieu n’existe pas reviendrait à un acte de foi, or, les athées n’ont pas la foi. Une vision modeste dont les prosélytes de tout poil pourraient utilement s’inspirer… L’initiative a rapidement séduit d’autres groupes, et des campagnes similaires s’organisent en Espagne et en Italie. On peut se réjouir d’une visibilité accrue des groupes qui défendent la légitimité d’une vision du monde débarrassée de la référence à toute transcendance, et ce dans un contexte où le religieux, y compris dans ses formes les plus bigotes et les moins respectueuses des Droits de l’homme, semble (re)gagner du terrain. Mais il est regrettable et peut-être dangereux que cela se passe par panneaux publicitaires interposés. Au moins cela donne-til une occasion de sourire : on vient d’apprendre qu’un groupement religieux avait porté plainte auprès du Jury d’éthique publicitaire en Grande-Bretagne pour publicité mensongère… De l’autre côté de l’océan, une autre initiative est à épingler. Un groupe d’Américains a demandé à un tribunal de Washington d’interdire au président Obama d’ajouter les mots « So help me God » à la fin du serment constitutionnel. Le 15 janvier, le juge a, sans surprise, rejeté cette demande. Parmi les plaignants se trouvait l’activiste juif et athée Michael Newdow, qui milite depuis des années pour une plus stricte séparation de la sphère publique et du domaine de la religion aux États-Unis. Newdow semble également aborder la question avec humour, puisqu’il est aussi le fondateur de FACTS (First Atheist Church of True Science) dont le site web2 propose un accoutrement, des rites et un hymne aux adeptes… 1 Les détails de cette opération et une flopée de sites très intéressants sont consultables sur www.atheistcampaign.org. 2 http://factschurch.com

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activités vendredi 6 février à 2Oh15 À l’occasion du centenaire de la Conférence de Czernowitz sur la langue yiddish

Yiddish pour le futur Un film d’Alexandre Wajnberg Œuvre de témoignages et de réflexions avec Mendy Cahan (Yung YiDish), Avraham Novershtern (Université de Tel-Aviv), Justin Cammy (Smith College, Massachussetts) et le grand poète et chanteur Theodore Bikel, en special guest star. Alexandre Wajnberg a participé en 2006 au zumer-program de yiddish à Tel-Aviv, coorganisé par l’Université et le centre Yung YiDish. Par les liens tissés avec ses camarades de classe, sa petite caméra nous introduit au cœur d’un yiddish vivant, joyeux, émouvant, marrant. Ce film est aussi une ode au yiddish en forme de documentaire, où l’on voit le grand Théodore Bikel chanter et expliquer son yiddish, en même temps qu’un linguiste américain situe bien le yiddish dans le monde aujourd’hui. Cette année voit le centenaire de la « Première conférence sur la langue yiddish » qui eut lieu à Czernowitz en Pologne fin 1908. De « jargon » pour certains, le yiddish y acquit, après de fiers débats entre linguistes et intellectuels, le statut de langue à part entière, une des langues du peuple juif (avec l’hébreu)*. La langue que l’on parle est le berceau de notre pensée. Toute réflexion sur le judaïsme aujourd’hui ne peut faire l’économie de la place de ses langues, et donc du yiddish, dans la société et dans le cœur des hommes. On en connaît le destin pour le yiddish, attaqué à la fois par le nazisme, l’Internationalisme, la modernité. Le yiddish, blessé ...mais pas mort (contrairement à une opinion trop répandue). De plus en plus d’étudiants suivent des cours ou des stages d’été donnés aux quatre coins du monde. Ceci pour des raisons très variées: identitaires, familiales, intellectuelles, académiques, musicales, artistiques... Alexandre Wajnberg * Voir le site très documenté : http://cernowitz.org

La projection sera suivie d’une conférence-débat avec

Alexandre Wajnberg, journaliste et documentariste Alain Mihály, professeur de yiddish (CCLJ) et rédacteur à Points critiques PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

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vendredi 13 février à 21h « Soirée - Lokshen »

« La Commission centrale de l’Enfance » Un spectacle à ne pas manquer, après le succès rencontré à Paris

Texte et interprétation

David Lescot

Petite restauration dès 19h « Enfant, je passais mes vacances d’été dans les colonies de vacances de la Commission Centrale de l’Enfance (CCE), cette association créée par les Juifs communistes français après la Seconde Guerre mondiale, à l’origine pour les enfants des disparus. Elles existèrent jusqu’à la fin des années 80. Mon père y était allé aussi. J’ai voulu m’en souvenir, sans nostalgie, et raconter par bribes cette histoire, qui me revient par flashes de souvenirs inconscients, parfois confus, parfois étonnamment distincts : il y est question de conscience politique, de l’usure d’un espoir, de règles strictes, d’idéologie tenace, de transgressions en tous genres, d’éveil des sens. J’en ai fait une sorte de petit poème épique, scandé, chanté, qui fait le va-et-vient entre les temps de l’origine et ceux de l’extinction, entre la petite et la grande histoire. » D’évidence, vous l’aurez compris, à travers ce bref résumé que nous livre David Lescot, c’est aussi de nous, de la Sol, de l’UPJB, de nos colonies, de notre et nos histoires qu’il nous parlera en humour, tendresse et chansons. Comme lors de toutes les « soirées - Lokshen », vous pourrez, dès 19h, déguster un succulent bouillon, préparé maison comme il se doit. PAF : 15 EURO, 12 EURO pour les membres, tarif réduit : 6 EURO

RÉSERVATION INDISPENSABLE AU 02.537.82.45

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activités samedi 14 février à 20h15

Shlomo Sand, historien Conférence-débat à propos de son livre

« Comment le peuple juif fut inventé » Se basant sur des recherches historiques, Shlomo Sand déconstruit les mythes en remettant en question la thèse de l’unicité du peuple juif et en affirmant que l’existence des diasporas de Méditerranée et d’Europe Centrale est principalement le résultat de conversions anciennes au judaïsme. Pour lui, l’exil du peuple juif est un mythe né d’une reconstruction a posteriori sans fondement historique. Une thèse controversée et à débattre. Né en 1946, Shlomo Sand a fait ses études d’histoire à l’université de Tel-Aviv et à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. Depuis 1985, il enseigne l’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv. Outre des ouvrages consacrés au sociologue français Georges Sorel, il a publié également en français Le XXe siècle à l’écran et Les mots et la terre, les intellectuels en Israël. PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

Arié Mandelbaum Die Umwelt. Nuit et Jour. l‘USINE GALERIE 40 rue du Doyenné, B-1180 Bruxelles tél.: 0032-(0)2-344 52 45 http://www.l-usine-galerie.com/ 25/01 - 15/03/2009 jeudi - samedi de 14 h à 18 h, dimanche de 16 h à 18 h ou sur rendezvous

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(tempera on paper on cancas, 149/210 cm)


mercredi 25 février à 20h15

Une rencontre avec Giorgio Pressburger, écrivain et Marguerite Pozzoli, sa traductrice et responsable du domaine italien aux Éditions Actes Sud (voir article page 4) PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

Giorgio Pressburger. Tous les romans mènent à Babel La vie de Giorgio Pressburger se place sous le signe d’une double fracture. En 1956, lui et son frère jumeau Nicola, alors âgés de 19 ans, quittent la Hongrie, leur pays natal, à la suite des événements que l’on sait : cette séparation d’avec son pays, sa famille, sa langue le marqueront à jamais. Ce n’était pas la première épreuve vécue par cette famille de petits commerçants juifs de Budapest, terriblement marqués par l’Holocauste. L’Italie deviendra la patrie d’adoption des deux frères : Nicola optera pour la carrière de journaliste, Giorgio, après des études à l’Académie Nationale d’Art Dramatique de Rome et des études de biologie, choisira la mise en scène de théâtre, d’opéra, d’opérette. Il met en scène, pour les plus grands théâtres italiens, des opéras comme La flûte enchantée de Mozart ou La femme sans ombre, de Strauss. Éclectique, il travaille également pour la radio et pour le cinéma, signant, en 1981, la réalisation de Calderòn, sur un texte théâtral de Pasolini. Mais en 1985 intervient la seconde fracture dans la vie de Giorgio Pressburger, avec la mort de son frère Nicola. Ensemble, ils ont écrit deux livres : Histoires du Huitième District, et L’Éléphant vert, tous deux situés dans le Huitième District de Budapest, patrie littéraire de l’auteur... Celui-ci a poursuivi, parallèlement, ses activités d’homme de théâtre et d’écrivain, traduit dans de nombreuses langues. Ces activités l’ont constamment mené du nord au sud : festivals de Taormine et de Spolète, « Mittelfest » de Cividale del Friuli, direction, pendant plusieurs années, de l’Institut Culturel Italien de Budapest. Dans le domaine littéraire, nous retiendrons plus particulièrement le magnifique roman Les Jumeaux et L’Horloge de Munich, plusieurs nouvelles qui constituent le « roman généalogique » de l’auteur, mais plus encore, un véritable parcours dans la Mitteleuropa : à travers ce travail de mémoire et cette quête d’identité, l’auteur nous livre une galerie de personnages tantôt célèbres, tantôt humbles, qui ont fait l’Histoire, parfois avec des moyens dérisoires, entre rire et larmes, entre espoir et désespoir. Écrivain de frontière par excellence, grand européen imprégné de culture juive, Giorgio Pressburger incarne, comme Canetti, Nabokov ou Beckett, l’image d’un auteur orphelin de sa langue maternelle, mais qui a su démontrer, de manière éclatante, que « tous les romans mènent à Babel »... Marguerite Pozzoli

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activités vendredi 27 février à 20h15

Le kibboutz : mythe et réalité Que reste-t-il aujourd’hui de l’utopie fondatrice du kibboutz, initiée au début du siècle dernier ? Quel a été le chemin parcouru, du collectivisme absolu à la propriété individuelle ?

Conférence-débat avec

Rina Cohen, historienne Rina Cohen est enseignante à l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales), spécialiste de la Palestine au XIXième siècle et de l’Israël contemporain (histoire et civilisation) PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

Un séminaire de réflexion à l’UPJB

Du judaïsme au communisme... du communisme à nous Prochaines séances les mercredis 11 février et 18 mars à 20h15 Aux XIXe et XXe siècles, le judaïsme (au sens large) a fortement contribué à la constitution et au déploiement du communisme (au sens large de critique de la civilisation bourgeoise/capitaliste et de volonté de lui substituer une société collectiviste). Apport non seulement humain (en militants et en dirigeants) ou matériel mais aussi en idées et en valeurs. Le judaïsme a irrigué le communisme par des dizaines de canaux visibles ou invisibles. Après la crise puis la faillite du totalitarisme soviétique et de la perte qui s’en est suivie de la force d’attraction des idées socialistes et communistes, on a pu assister à un souhait de redécouvrir le judaïsme et de renouer les fils brisés de la tradition. L’itinéraire de l’UPJB est un exemple de cette démarche. Mais sous prétexte que l’adhésion au communisme avait parfois coïncidé avec une occultation voire un rejet des références et des repères du judaïsme, le risque existe aussi de tomber dans une autre forme d’occultation, comme si le communisme n’avait représenté qu’une parenthèse sans lien profond avec le judaïsme, et donc dans une nouvelle forme d’auto-reniement. L’objectif du séminaire sera d’entreprendre une nouvelle élaboration des liens entre judaïsme et communisme, surtout sous l’angle de la philosophie politique et éthique. La nécessaire pluralité des identités juives passe nécessairement par la reconnaissance de la part latente et invisible de leur passé et donc aussi de leur avenir, à l’encontre de l’enfermement communautariste et du judéo-centrisme sectaire. Jean Vogel

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vendredi 6 mars à 20h15 Les chantiers d’été de restauration de cimetières juifs anciens Conférence-débat avec

Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique À l’initiative de Philippe Pierret, conservateur, et d’Olivier Hottois, conseiller scientifique, les jeunes volontaires ASF, après avoir résidé un an au Musée Juif de Belgique, sont invités à réunir un groupe de jeunes volontaires issus de tous les pays d’Europe, pour participer à un chantier d’été et se familiariser aux techniques d’inventaire et de restauration d’un cimetière juif ancien. L’Aktion Sühnezeichen Friedensdienste (ASF), « Action Paix et Réconciliation », est une organisation allemande protestante, engagée depuis 1958 dans divers projets pour la réconciliation des différentes populations victimes du nazisme. Celle-ci s’est spécialisée dès le début du programme dans la sauvegarde et la restauration du patrimoine funéraire juif qui avait fortement souffert en Allemagne et dans les pays occupés. Les chantiers d’été font appel à un volontariat de courte durée, ouverts aux jeunes de toute l’Europe. Quatre chantiers ont été réalisés entre 2005 et 2008 dont les deux premiers dans les villes d’Arlon (B) et La Ferté-Sous-Jouarre (F) ont été récompensés en 2007 du prix Primo Lévi de la Fondation Auschwitz (Belgique) Les chantiers d’été ont pour missions premières de 1. Promouvoir la connaissance et la compréhension de l’histoire, de la religion et de la culture juive à travers le temps et l’espace, et en souligner la richesse spirituelle et matérielle. 2. Inciter les jeunes volontaires à s’interroger sur les spécificités, les correspondances et les emprunts réciproques de leurs héritages culturels respectifs. 3. Participer à un projet de sauvegarde du patrimoine juif d’Europe. Les chantiers de restauration sont l’occasion de dresser des inventaires épigraphiques et photographiques. En parcourant les différents sites de Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et de France, je présenterai, à l’aide d’un diaporama les enjeux, mais aussi les aspects sociologiques, techniques et pratiques de ces restaurations. PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

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activités vendredi 13 mars à 20h15

Et en plus, il faut les éduquer Conférence-débat avec Jacques Ravedovitz, psychothérapeute, accueillant au Gazouillis (lieu d’accueil parents-enfants) et formateur auprès des professionnels de la petite enfance (association Françoise Dolto) Enfants-rois, enfants violents, tyrans, hyperkinétiques, en refus d’autorité, de scolarité, ... Mais qu’ont-ils donc, tous ces enfants qui posent tant de problèmes aux parents et aux professionnels d’aujourd’hui ? Coaching pour les uns, rilatine pour les autres,... Supermammy pour les uns, Baby TV pour les autres.... rien n’y fait ! Parents, puéricultrices, enseignants, pères, mères, tous se renvoient la balle. Et l’enfant, au centre, compte les points... Tableau catastrophe ? Caricature ? Excès de langage ? Pas tant que cela, pourtant. En recherche constante de l’équilibre à trouver entre autorité et souci d’épanouissement pour leurs enfants, les parents sont souvent pris dans des difficultés ou des contradictions, se sentent mal à l’aise, voire coupables, de mettre trop de limites, ou pas assez, d’être trop autoritaires, ou pas assez, etc.. « Il est interdit d’interdire » clamait-on en mai 68. 40 ans plus tard, qu’en est-il de l’autorité, des limites, de la place du père, de la mère, des grands-parents... et des enfants ? Qu’en estil du rôle de l’instituteur, du psy, des médias, ... ? Qu’en est-il de notre société d’aujourd’hui et quel regard peut-on porter sur elle, à travers la place qu’elle « offre » aux enfants, eux dont les comportements doivent nous questionner tant aux niveaux sociopolitique que psychologique et éducatif ? PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

vendredi 27 mars à 2Oh15

Une rencontre avec François Mathieu, auteur et traducteur littéraire À propos de son livre Poèmes de Czernovitz. Douze poètes juifs de langue allemande À Czernovitz, en Bucovine, entre les deux guerres, la littérature juive connut une véritable efflorescence et donna naissance à toute une constellation de poètes écrivant en allemand. François Mathieu est parti sur les traces de ces poètes, souvent inconnus du public francophone, à l’exception de Paul Celan. Ils écrivaient dans des registres variés, mélancoliques ou satiriques avant guerre, mais tous exprimeront plus tard ce qui semblait indicible, la tragédie qui les a frappés. Né en 1941, François Mathieu est auteur, traducteur et critique littéraire. Il a notamment traduit les frères Grimm, Wedekind, Kafka, Brecht... PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO

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Au Centre Culturel Jacques Franck

94, chaussée de Waterloo 1060 Bruxelles - 05.538.90.20

La mémoire partagée Une exposition de dessins, peintures, sculptures et installations de Marianne Berenhaut, Sarah Kaliski et Arié Mandelbaum Du 22 janvier au 1er mars 2009 À l’occasion des représentations de la pièce de Richard Kalisz, « Quelque chose d’Anne Franck », voici rassemblés trois artistes plasticiens contemporains d’Anne Franck, qui questionnent la singularité des destins individuels dans l’imaginaire collectif de notre histoire récente qui continue à nous interpeler. Marianne Berenhaut (Bruxelles, 1934) dispose, pose côte à côte, elle assemble et rassemble des objets très ordinaires appartenant visiblement au passé, à la mémoire, aux souvenirs et pour une bonne part à l’enfance. Avoir dix ans en 1944 n’était pas nécessairement un cadeau. Ce vécu est loin mais imprégné dans l’être tout entier. (...) Et l’histoire s’enclenche, lentement de plus en plus pesante dans le souvenir, de plus en plus tragique dans la dignité des métaphores. Le silence est celui de l’absence et du vide, même les mots n’ont plus cours. (...) L’être humain a disparu du champ de vision, le linge blanc sèche tout seul, plombé, et plus rien ne fonctionne. On pourrait croire que l’artiste dit l’impossible et pourtant ce sont les souvenirs qui ont raison (...) : le drame s’est accompli. La souffrance reste, indélébile. (Claude Lorent) Sarah Kaliski (Bruxelles, 1941) est hantée par les gens sacrifiés, par leur souvenir, par leur âme. Son œuvre témoigne d’une recherche de dépouillement, d’une économie plus grande du geste et de la couleur. Elle utilise comme supports des bâches, des toiles, des draps, du papier, des mannequins et pratique aussi le collage. « Peintre hallucinée par les bourreaux et les victimes, ses amants de l’Histoire (Nietzshe, Freud, Trotsky), ses crimes d’amour... De l’histoire du XXe siècle avec ses génocides, avec ses blessures de nos histoires individuelles, de la maladie de l’époque. De la folie des hommes, de la passion des artistes qui affrontent la violence pour en faire des mots, des images d’une beauté cruelle et douce comme la vie. (Jacques Sojcher) » Sarah Kaliski Arié Mandelbaum (Bruxelles, 1939) (...) Si les maîtres du quattrocento (on songe à l’Adam et Eve de Masacio) aident Mandelbaum à situer ses « nus » à l’aune de valeurs humanistes, c’est aussi pour mieux descendre et affronter l’enfer des siens, la difficulté d’être dans ce non-lieu de sa propre judéité. Alors, lui qui, voici bien longtemps, tenait haut les slogans de révolte et l’utopie communiste, regarde ou, plutôt, respire l’odeur des souffrances d’un peuple, le sien. (...). Et la douleur, alors, par-dessus la préparation blanche au gesso, par-dessus les infinités de tracés au fusain sec, par-dessus les voiles de couleurs pâles, rougit les surfaces. La tache enfle, la teinte se laisse aller à l’une ou l’autre coulure. Abandon. L’œuvre de Mandelbaum doit s’approcher plus près encore. Naissent d’autres tracés courbes qui disent le plan, la déroute et la profondeur, le vertige. On devine même des grains, voire de la poudre de fusain qui, peu à peu, rendent vie à l’absence immaculée. La technique de la gravure (à la pointe sèche) convient ici au propos, et de même son format modeste qui force le visiteur à se pencher, comme on se penche sur un mourant afin de mieux entendre le souffle et les mots à peine audibles. (...) C’est que la colère habite cette angoisse-là, la violence d’un artiste hanté par ses liens, habité par ses frères de sang et de culture. Marqué au blanc d’un vide impossible à combler. (Guy Gilsoul)

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UPJB Jeunes Journal du camp NOÉ, SACHA, CHARLINE, FANNY, PIERRE-RAPHAËL, ARISTIDE, SALOMÉ, JÉRÉMIE, BASIL, ZOÉ ET ACHILLE

Les lumières de Hanouka

LE DOMAINE DE MOZET Par Noé, Sacha, Charline et Fanny (Mala) Au départ, nous n’étions pas emballés à l’idée de quitter Louette-Saint-Pierre, lieu de camp par excellence et source de souvenirs pour nous qui y allons depuis si longtemps. Notre arrivée se fit dans le noir ce qui nous empêcha, fatalement puisque nous ne sommes pas nyctalopes, d’admirer la beauté des alentours et du paysage. Tous les jours, des ateliers étaient organisés en fin de journée. Un jour, l’un d’entre eux proposait une balade au milieu des pâturages gelés de Mozet jusqu’au village. C’est à cette occasion que nos monos ont découvert avec nous l’étendue du domaine, la splendeur du village et qu’il nous ont permis d’assister à un magnifique couché de soleil hivernal. Grâce à cette balade, nous avons compris pourquoi Mozet avait été classé parmi les plus beaux villages de Wallonie…

L’ORGANISATION DES CHAMBRES Par Pierre-Raphaël (Zola) Les chambres sont très spacieuses et confortables. On y dort très bien car il ne fait jamais trop chaud ni trop froid. Les lits et les coussins sont très moelleux.

Les chambres sont beaucoup plus chouettes qu’à Louette-SaintPierre car elles permettent eux groupes de dormir dans le même dortoire (sauf les Korczak qui se sont répartis dans trois chambres mais qui avaient tout de même un couloir pour eux seuls). J’ai été séduit par le domaine de Mozet et mes monos aussi, je pense.

LES ACTIVITÉS DU CAMP Par Aristide (Jospa) L’essentiel des activités était basé sur le thème du camp : « à travers le temps ». Nous avons donc joué des rôles tant préhistoriques que futuristes.

ACTIVITÉS DE GROUPE Tous les jours après avoir englouti notre petit-déjeuner, nous faisions des activités que nos monos respectifs nous faisaient faire. Ces activités, qui correspondaient, comme je vous l’ai dit plus haut, au thème du camp, étaient originales et réfléchies.

LE GRAND JEU Le grand jeu fut une activité majeure qui dura deux jours. Le premier jour, nous étions soumis à des robots - c’était une activité futuriste - qui nous empêchaient de toucher les autres gens. Nous nous révoltâmes contre le gouvernement robotique et le retournâ-

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mes. Le lendemain, nous fîmes le procès de Robot, le cerveau de ce gouvernement, et il fut condamné à la prison ininterrompue.

LES ATELIERS Les ateliers étaient des activités que nous faisions à partir de 5h et qui n’ont, au contraire des deux autres, aucun rapport avec le thème du camp. C’étaient des activités simples qui avaient comme nom de catégorie : jeux d’extérieur, jeux d’intérieur, bricolage, etc. C’est ici que s’arrête mon article. J’espère qu’il vous aura plu.

HANOUKA Par Salomé et Jérémie (Zola) Lundi 29 décembre, nous avons fêté Hanouka. Au petit-déjeuner, nous avons eu une petite pièce de théâtre sur le début de l’histoire de Hanouka jouée par les monos. Durant la journée, nous avons eu des activités en rapport avec l’histoire de Hanouka. Le soir, le groupe des Jospa à jouer la suite de l’histoire de Hanouka, commencée le matin. Pendant les ateliers, qui étaient pour une fois en lien avec le thème, nous avons dansé et chanté, cuisiné des latkes, confectionné des hanoukia et des toupies que nous avons utilisées le soir à la veillée. Après avoir misé nos bonbons, nous avons chanté des


Carte de visite L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective.

e Hanouka

chants de Hanouka.

VOYAGE DANS LE TEMPS Par Basil, Zoé et Achille (Korczak) Le premier jour, après notre arrivée, il y avait un tissu vert à l’entrée de notre réfectoire. On ne pouvait pas entrer parce que c’était dangereux d’aller seuls, sans mono, dans la machine à voyager dans le temps. On risquait de se retrouver seuls à une époque que l’on n’avait jamais vécue. Après avoir passé la porte, les monos faisaient un petit sketch pour nous faire comprendre dans laquelle on arrivait. Le premier jour, Sheva nous a demandé de nous prosterner devant le roi et la reine. Nous étions à l’époque de la Révolution française. Le deuxième jour, Antioche nous a raconté qu’il voulait que les Juifs changent de religion. Le troisième, des hommes préhistoriques sont arrivés dans le réfectoire. Ils avaient l’air étonnés de nous voir. La veille de la nouvelle année, nous avons été dans le futur. Des monos déguisés en robot nous ont mis des cachets sur le front… Le grand jeu commençait… Après la fête du nouvel an, la machine était complètement raplapla et nous sommes restés à Mozet, au présent jusqu’à la fin du camp. ■

Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus pour les enfants de 6 ans ou qui entrent en

Les 1ère primaire Moniteurs :

Félicia : 0472/62.06.95

Morgane : 0478/64.79.40 Les

Janus Korczak pour les enfants de 7 à 8 ans

Moniteurs : Max : 0479/30.75.71 Mona : 0487/35.77.15 Les

Émile Zola pour les enfants de 9 à10 ans

Moniteurs : Sheva : 0499/27.80.50 Lucas : 0476/56.72.37 Valentine : 0494/59.43.09 Les

Yvonne Jospa

pour les enfants de 11 à 12 ans

Moniteurs : Ivan : 0474/35.96.77 Léone : 0479/36.17.44 Cyril : 0474/26.59.09 Les

Mala Zimetbaum

pour les enfants de 13 à 15 ans

Moniteurs : Alice : 0476/01.95.22 Théo : 0485/02.37.27

Informations : Noémie Schonker - noschon@yahoo.fr - 0485/37.85.24

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UPJB Jeunes Cela n’en valait-il pas la peine ? NOÉMIE SCHONKER

J

’étais au camp quand les attaques israéliennes à Gaza ont commencé. C’est une amie qui me l’a annoncé mais ce n’est qu’à mon retour que j’ai pris conscience de l’ampleur de l’événement. Depuis, je n’ai cessé de consulter le net pour suivre les nouvelles et les débats qu’elles suscitaient. J’en suis malade… Les bulletins d’informations avec leurs valses d’horreurs, le parti pris des journalistes et l’inertie de la communauté internationale me révoltent et m’indignent. Les mails odieux et infamants envoyés à l’UPJB par des membres de la « communauté juive » - certains désirant nous retirer le droit de nous dire juifs, d’autres nous rappelant qu’« il y a déjà quatre morts de trop dans cette histoire. Des juifs (comme vous !) » — m’écoeurent et me choquent. Par ailleurs, le témoignage des monos sur la montée du racisme et des tensions communautaires dans les écoles me fait froid dans le dos. En effet, samedi dernier, alors que je voulais savoir qui parmi eux comptait se rendre à la manifestation nationale à laquelle l’UPJB participerait, plusieurs jeunes m’ont rapporté que, depuis la rentrée, les relations étaient extrêmement tendues dans leur école. L’un d’eux s’est par exemple fait traiter de « sale Juif » alors qu’il tentait de décourager un ami de s’inscrire à Ganenou suite à

ces insultes antisémites. Ils m’ont aussi exprimé leur désarroi lorsque ce copain a affirmé que désormais il ne lui était plus possible de côtoyer des arabes qui « soutiennent tous le Hamas ». Dans ce climat, certains se sentent paumés et esseulés d’autant que leurs professeurs ne semblent pas armés pour faire face. J’étais déjà convaincue de l’importance de la présence de l’UPJB à cette manif. En effet, lorsque la rhétorique de guerre « avec ou contre Israël » et les clichés qui veulent que tous les Juifs soutiennent la politique israélienne et que tous ceux qui s’y opposent sont antisémites gagnent du terrain et terrorisent de plus en plus la pensée, il faut qu’une autre voix juive se fasse entendre.

SOUTENIR L’UPJB Toutefois les propos de nos jeunes m’ont encouragée à appeler les copains, juifs ou non, à rejoindre les rangs de l’UPJB. Je l’ai fait parce que je pense qu’aujourd’hui plus que jamais, il est important de soutenir l’UPJB et de rappeler ses prises de positions sur la question israélo-palestinienne : il ne s’agit pas d’un conflit religieux ou communautaire mais d’un conflit politique, d’une guerre d’occupation. J’avais aussi demandé aux amis de nous rejoindre pour encadrer les jeunes à qui j’avais préféré fixer un rendez-vous plus tôt.

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Nous savions que l’UPJB se trouvait en début de cortège mais arrivés à la gare du Midi, celuici avait déjà démarré et les rues étaient noires de monde. Nous nous sommes faufilés dans la foule en tentant d’expliquer aux monos l’idéologie de chaque groupe que nous croisions car les jeunes ne parvenaient plus à distinguer les slogans « légitimes », des appels au djihad ou des chants assimilant Israël à l’Allemagne nazie. Mais bientôt l’inquiétude de ne pas trouver nos amis commence à miner l’humeur des jeunes : « Noémie, si on ne trouve pas l’UPJB toute de suite, je me tire ! », me prévient une des monos. En remontant le cortège, nous avons croisé des groupes avec lesquels nous aurions pu marcher sans le moindre malaise et cela détendit déjà l’atmosphère. Je pense notamment à celui composé essentiellement d’enfants, keffieh autour du cou, scandant « Libérer la Palestine et Israël, une seule solution, la fin de l’occupation » ou à cette foule silencieuse rassemblée derrière la bannière « Votre silence tue ! ». Au bout d’une heure enfin, nous réussissons à localiser l’UPJB. ce qui fut un terrible soulagement. Nous avons appelé les copains perdus en cours de route, dit bonjour aux amis avant de nous placer derrière le calicot que nous n’avons plus lâché.


L’ÉCHANGE Après le temps de l’apaisement vint celui de l’émotion et l’échange et je ne peux que conseiller à ceux que cette manif a déprimés de porter notre pancarte la prochaine fois. Ils auront ainsi l’occasion de voir des gens, de toutes origines, nous applaudir, lever le pouce en souriant et venir nous remercier de notre présence. Ils pourront également recevoir les félicitations des pères de famille et de mères en foulard pour notre courage et notre position. Ils n’ont peut-être pas pu voir l’homme accompagné de son fils posant pour la photo devant notre banderole avant d’accepter, heureux, de la porter un court instant. Ils n’auront pas rencontré non plus cette fille, portant fièrement le keffieh, qui nous a rejoints en disant qu’aujourd’hui elle ne pouvait manifester qu’avec nous, ni cet homme qui nous a accompagnés jusqu’au bout ému et visiblement soucieux qu’il ne nous arrive rien. Ils n’ont pu rencontrer ces manifestants musulmans qui ne voulaient pas être associés à leurs coreligionnaires appelant au djihad et se reconnaissaient davantage dans nos positions. Ils n’auront pas davantage rencontré et entendu les jeunes sur les escaliers de la Bourse héler leurs copains à notre passage : « Pitain, t’as vu, c’est l’IPJB. Ils ont des couilles ceux-là ! » [sic], ni

ceux qui, apprenant que des Juifs militaient depuis longtemps pour le droit des Palestiniens, avouent ne plus rien y comprendre. Des témoignages pareils, j’en ai plein les oreilles et plein les yeux. Et, de là où j’étais, j’ai aussi pu entendre cette fille dire à sa petite sœur de se taire devant nous alors qu’elle se mettait à crier « Israël, assassin ». J’ai pu voir cet homme baisser sa pancarte « Gaza = Auschwitz » et demander à son voisin d’en faire de même « parce que là, cela devient obscène ». Dès le lendemain, les blogs débordaient de commentaires regrettant les dérapages antisémites et négationnistes des manifestants, la domination des religieux extrémistes et… la participation de l’UPJB.

DES SLOGANS AFFLIGEANTS C’est vrai qu’il y avait beaucoup de slogans affligeants, de bêtises, faisant le jeu d’Israël mais, on pouvait s’y attendre. En effet, lors des manifs contre la guerre en Irak, nous avions déjà constaté les dégâts causés par la disparition des forces progressistes et l’apparition de groupes radicaux confessionnels occupant la place vacante. Cela n’avait pas, si je me rappelle bien, créé un malaise comme celui si fortement ressenti et exprimé aujourd’hui. Cela étant, je n’avais en effet jamais vu autant de croix gammées

et si la symétrie entre le magen david et le passé nazi est « obscène », les réactions à notre présence démontrent une certaine prise de conscience chez les manifestants que la communauté juive n’est pas aussi monolithique. Il est évidemment déplorable, navrant et peut-être effrayant, de constater le regain d’obscurantisme, nourri par la politique sanglante d’Israël et la prégnance des amalgames, si bien entretenus ; l’un, qui assimile tous les Juifs à des partisans de la politique israélienne et l’autre, ses opposants à des antisémites.

DES RÉACTIONS POSITIVES Quoi qu’il en soit, je n’ai pas senti d’antisémitisme à notre égard durant la manifestation. Au contraire, les échanges que nous avons eus et les réactions des participants sont plus que positifs. Certes, la portée de notre action est minime mais elle est essentielle. Je suis convaincue que la première étape de l’énorme travail de pédagogie politique qui reste à faire, c’est justement de participer à ces manifestations en choisissant évidemment la bannière derrière laquelle on marche. ■

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courrier des lecteurs À propos de la manifestation du 11 janvier contre l’opération israélienne à Gaza

Malgré les difficultés qu’ont rencontrées certains à nous rejoindre, nous nous sommes retrouvés finalement à une septantaine derrière la nouvelle banderole de l’UPJB (qui manque de bâtons !) lors de la manifestation du dimanche 11 janvier, contre l’action militaire menée par Israël dans la bande de Gaza. Je ne reviendrai pas ici sur le fond du problème. Les positions de l’UPJB sont claires et je les soutiens sans réserves. Je voudrais plutôt réagir face à ceux qui nous reprochent d’avoir participé à cette manifestation. Il est vrai qu’il n’était ni simple ni évident d’y être. Même si les mots d’ordre officiels étaient justes, et même s’ils étaient très majoritairement respectés, il n’empêche qu’il est toujours difficile d’être confrontés aux slogans simplistes, pratiquant l’amalgame entre l’étoile de David appartenant au drapeau israélien, et celle étant le signe distinctif d’une communauté. C’est encore plus difficile quand ces ambiguïtés servent à faire des parallèles avec le nazisme et le génocide des Juifs. Même si, et je tiens à le répéter, ces panneaux étaient très minoritaires, ils étaient bien présents. On pouvait aisément les repérer et le caractère clairement antisémite de certains d’entre eux était plus qu’évident. Nous savions que nous serions confrontés à cette triste réalité. Fallait-il pour autant s’abstenir d’être présents ? Je ne le pense pas. En tant que citoyen, en tant que Juif, il m’a semblé essentiel de dire

par ma présence ma révolte face au massacre de populations civiles à Gaza. Aurait-il fallu, parce que Juif, être plus prudent, moins m’afficher publiquement, étant donné que certains se trompent dans leurs colères ou que d’autres profitent délibérément de ces rassemblements pour distiller leur haine antisémite ? C’est par notre présence, au contraire, que nous affirmons notre refus de nous laisser enfermer dans ces amalgames, tant ceux décrits cidessus, que ceux au nom desquels on attendrait de nous, parce que Juifs, une solidarité de fait avec Israël, ou, au minimum, un devoir de réserve. On peut ne pas être d’accord avec les positions que l’UPJB défend. Toutes les positions sont respectables. Y compris la nôtre, d’ailleurs ! Mais je trouve aberrant qu’on nous reproche de les affirmer publiquement sous prétexte que d’autres tiennent des propos racistes et antisémites. Notre présence à la manifestation ne les cautionne en rien, bien au contraire. Comme les plus de trente milles manifestants présents ne cautionnent en rien les débordements violents de fin de parcours. De nombreuses personnes nous applaudissaient, nous remerciaient d’être là, nous félicitaient « pour notre courage ». Pour ma part, je ne vois pas dans ma présence à cette manifestation l’expression d’un quelconque courage. J’y vois plus l’expression d’une cohérence entre un positionnement

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politique et un lieu public où j’ai l’occasion de l’exprimer. Le Centre pour l’Égalité des Chances a été saisi pour porter plainte contre les slogans négationnistes et antisémites. Tant mieux. Pour ma part, ceux-ci ne réussiront jamais à m’empêcher d’exprimer où et quand je le désire ce que j’estime juste de dire publiquement, en tant que citoyen et en tant que Juif. Jacques Ravedovitz


est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est membre de la Fédération des Juifs européens pour une paix juste (www.ejjp.org) et est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Sender Wajnberg, Manuel Abramowicz, Caroline Sägesser, Tessa Parzenczewski. Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Didier Buch Jo Dustin Mehmet Koksal Léon Liebmann Gérard Preszow Noémie Schonker Michel Staszewski Conception de la maquette Henri Goldman

L’UPJB à la manifestation du 11 janvier. Photo Points critiques

Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Abonnement annuel 18 EURO Abonnement de soutien 30 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier : établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB (CCP 000-0743528-23). Montant mensuel minimal: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple.

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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

vendredi 6 février à 20h15

Projection de « Yiddish pour le futur », un film d’Alexandre Wajnberg et conférence-débat avec Alexandre Wajnberg Wajnberg et Alain Mihály (voir page 30)

vendredi 13 février à 21h

« Soirée - Lokshen ». « La Commission centrale de l’Enfance », un spectacle de David Lescot. Restauration à partir de 19h (voir page 31)

samedi 14 février à 20h15

« Comment le peuple juif fut inventé ». » Conférence-débat avec Shlomo Sand, historien (voir pages 16 et 32)

mercredi 25 février à 2Oh15

Une rencontre avec Giorgio Pressburger, écrivain et Marguerite Pozzoli, sa traductrice et responsable du domaine italien aux Éditions Actes Sud (voir page 33)

vendredi 27 février à 20h15

Le Kibboutz : mythe et réalité. Conférence-débat avec Rina Cohen, historienne (voir page 34)

vendredi 6 mars à 20h15

Les chantiers d’été de restauration de cimetières juifs anciens. Conférence-débat avec Philippe Pierret, conservateur au Musée juif de Belgique (voir page 35)

vendredi 13 mars à 20h15

Et en plus, il faut les éduquer. Conférence-débat avec Jacques Ravedovitz, psychothérapeute (voir page 36)

vendredi 27 mars à 20h15 Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Une rencontre avec François Mathieu, auteur et traducteur littéraire (voir page 36)

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h. (Ouverture des portes à 14h30.)

jeudi 5 février

« L’aide aux sans-abri » par Anne Herscovici, directrice du Centre d’appui au secteur de l’aide aux sans-abri de Bruxelles (La Strada)

jeudi 12 février

« Conflits civils : aide humanitaire et/ou aide au développement ? » par Madame Guha - Sapir, professeur à l’UCL, spécialiste en épidémiologie.

jeudi 19 février

L’actualité politique belge et internationale analysée par Léon Liebmann, magistrat honoraire.

jeudi 26 février

« Viols et violences sexuelles dans la province du Kivu (République Démocratique du Congo) » par Mado Chideka, coordinatrice de l’Axe Femme et Développement de l’ASBL Impact-Sud.


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