March 2025 French

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Principales caractéristiques

Perspectives Académiques

Professeure Zeenath Khan, Université de Wollongong Dubaï, Émirats Arabes Unis

Lumières sur le leadership

Professeure Nathalie Martial-Braz

Chancelière de l’Université

Sorbonne Abou Dabi, Émirats Arabes Unis

Volume 3

Voix Étudiante

Salima Almuete Loutfi

Université d'Abou Dabi, Émirats Arabes Unis

Tendances

Dr Muhammad Usman Tariq

Université d'Abou Dabi, Émirats Arabes Unis

Sujets Spéciaux

Pourquoi le plurilinguisme est essentiel :
Impacts transformateurs et possibilités insoupçonnées

Dr Natalia Brussard

Université Simon Fraser, Canada

Table des Matières

Un Mot de la Rédactrice en Chef

Par Laura Vasquez Bass

Perspectives Académiques

Exploiter l'IA générative pour un apprentissage éthique et l'intégrité académique

Par Professeure Zeenath Reza Khan

Université de Wollongong Dubaï, Émirats Arabes Unis

Présidente fondatrice, ENAI WG

Centre for Academic Integrity in the UAE

Voix Étudiante

Transformer le secteur de la santé pour un avenir durable à travers mon parcours doctoral

Par Salima Almuete Loutfi

Doctorante en administration des affaires

Université d'Abou Dabi, Émirats

Arabes Unis

Manager - Bonheur des clients

Hôpital général Sheikh Khalifa, Émirat d’Umm Al Quwain

Sujets Spéciaux

ARTICLE DE COUVERTURE

Plus de langues, plus de possibilités : votre vie, amplifiée

Par Dr Natalia Bussard, MSc. Responsable de programme, Sciences, Environnement et Santé Coopérative Éducation, Apprentissage Intégré au Travail Université Simon Fraser, Canada

Lumières sur le leadership

Je n'ai jamais cessé d'être profes- seure" : jongler entre les rôles d'enseignante, juriste et chancelière de l'Université Sorbonne Abou Dabi ntretien avec la Professeure Nathalie Martial-Braz

Arabes Unis 04 08 14 20 26 30

Tendances

Renforcer l'engagement des étudiants à l'Université d'Abou Dabi : une initiative transformatrice

Par Dr Muhammad Usman Tariq Professeur associé en gestion de la qualité

Responsable d'équipe – Advance HE

Change UniversitéAcademy d'Abou Dabi, Émirats

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Découvrez comment la maîtrise de plusieurs langues peut ouvrir votre esprit et renforcer vos compétences en empathie. Page 06

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Bienvenue à la Lettre d'information Universitaire

Comme toujours, nous espérons que la diversité des sujets abordés dans ce numéro vous apportera autant de plaisir que d'inspiration.

Un mot de la rédactrice en chef

Ceux d’entre vous qui suivent La Lettre d'Information Universitaire depuis son lancement l’an dernier savent à quel point nous nous engageons à offrir notre contenu dans la langue préférée de nos lecteurs. Dès la création de cette publication, le multilinguisme a été perçu par toutes les parties prenantes comme une composante essentielle de notre identité. Vous pouvez donc imaginer ma joie lorsque j’ai eu l’opportunité d’échanger avec la Dr Natalia Bussard, MSc., responsable des programmes en sciences, environnement et santé à l’Université Simon Fraser, au sujet de ses recherches sur le plurilinguisme. Contrairement au multilinguisme, qui désigne la coexistence de plusieurs langues parlées, le plurilinguisme se réfère plus précisément, comme l’explique Dr Bussard, à « l’éventail de langues qu’un individu peut mobiliser pour s’exprimer ou communiquer ». Cette distinction est essentielle, car chaque langue d’un répertoire personnel porte des nuances émotionnelles et contextuelles spécifiques. Ce que nous pouvons apprendre de cette richesse linguistique est précisément le sujet de son article, qui ouvre ce numéro dans la section Sujets Spéciaux. Fidèle à notre engagement en faveur du plurilinguisme, le titre de cette édition s’inspire directement de l’explication éclairée de Dr Bussard sur l’importance de cette notion.

Un autre sujet crucial qui domine les débats dans l'enseignement supérieur depuis 2023 est abordé par la Professeure Zeenath Reza Khan de l'Université de Wollongong Dubaï, Émirats Arabes Unis, qui est également la présidente fondatrice du ENAI WG Centre for Academic Integrity in the UAE. Pour ceux qui ont vécu l'enseignement durant la pandémie de COVID-19 et l'explosion de ChatGPT, son article intitulé "Exploiter l'IA générative pour un apprentis-

Laura Vasquez Bass

sage éthique et l'intégrité académique" résonnera particulièrement. Dans ce contexte, elle met en lumière les efforts déployés aux Émirats Arabes Unis pour intégrer l'IA dans l'éducation de manière éthique, en mettant l’accent sur la montée en compétences des enseignants grâce à des initia tives telles que le programme "AI in My Classroom –Teacher Incubator Program", ainsi que sur les impli cations politiques via le Green Paper Initiative. La Professeure Zeenath souligne que l'IA, lorsqu'elle est adoptée de manière responsable avec le soutien institutionnel adéquat, peut non seulement amélior er l’apprentissage, mais aussi renforcer l'intégrité académique au lieu de la compromettre.

La section Lumières sur le leadership de ce numéro met en avant un entretien inspirant avec la Profes seure Nathalie Martial-Braz, Chancelière de l'Univer sité Sorbonne Abou Dabi, Émirats Arabes Unis. Elle retrace son parcours académique, depuis sa thèse doctorale en droit de la propriété intellectuelle en France jusqu'à sa nomination en tant que Chancelière en 2023. Spécialiste en droit financier, propriété intellectuelle et droit du numérique, elle a joué un rôle clé dans l'évolution de l'enseignement juridique face aux défis posés par l’IA, la cybersécu rité et la transformation numérique. Elle insiste sur la nécessité d’une collaboration interdisciplinaire, de l’adaptation des programmes aux nouvelles tech nologies et d’un style de leadership fondé sur le travail d’équipe plutôt que sur la hiérarchie. Sous sa direction, l'Université Sorbonne Abou Dabi renforce ses initiatives de recherche, adopte des approches transdisciplinaires et prépare ses étudiants à naviguer dans les complexités d’un monde globalisé.

Nous sommes ravis de vous présenter Salima Almuete Loutfi, doctorante en administration des affaires à l'Université d'Abou Dabi (ADU), Émirats Arabes Unis, qui contribue à ce numéro en tant que Voix Étudiante. Comme elle l’explique, la télémédecine transforme le secteur de la santé aux Émirats Arabes Unis, en améliorant l’accessibilité, l’efficacité et la durabilité des soins. À la fois étudiante en DBA et responsable de la gestion des soins de santé, Salima explore le rôle de la télémédecine dans l’amélioration des résultats pour les patients et le soutien des objectifs de durabilité des Émirats. Ses recherches, encadrées par le corps professoral de l’ADU, ont été reconnues sur des plateformes nationales et contribuent à l’intégration de la télémédecine dans des modèles de soins durables. Avec la priorité accordée par les Émirats Arabes Unis aux soins de santé intelligents, la recherche continue est essentielle pour maximiser l’impact de la télémédecine et stimuler l’innovation dans ce domaine.

qualité à l'ADU, qui apporte une contribution précieuse sur l'engagement étudiant. Il met en lumière la participation de l’ADU au projet Change Academy, une initiative britannique axée sur l’engagement des étudiants, et son rôle en tant que chef d’équipe de cette initiative. Dans un contexte où le désengagement des étudiants est une problématique courante dans l’enseignement supérieur, Dr Muhammad détaille l’approche proactive et collaborative adoptée par l’ADU pour y remédier, en accord avec les recommandations du Change Academy. Il expose plusieurs stratégies et objectifs concrets pour améliorer encore davantage cet engagement, offrant ainsi une lecture précieuse tant pour le corps enseignant que pour les responsables de l'enseignement supérieur.

Comme toujours, nous espérons que la diversité des sujets abordés dans ce numéro vous apportera autant de plaisir que d'inspiration.

Plus de langues, plus de possibilités :

votre vie, amplifiée

Dr Natalia Bussard, MSc.

Responsable de programme, Sciences, Environnement et Santé

Coopérative Éducation, Apprentissage Intégré au Travail

Université Simon Fraser, Canada

Les langues et les cultures m'ont toujours passionnée et ont façonné mon identité. Je commencerai par partager mon expérience avec différentes langues et cultures, avant d’expliquer comment le multilinguisme – ou plutôt le plurilinguisme, terme que je préfère –peut vous être bénéfique. Dans le domaine riche et diversifié de la recherche linguistique, les chercheurs européens et nord-américains ont tendance à utiliser des terminologies différentes pour désigner des concepts simi laires, bien qu'il existe des distinctions nota bles. Comme l’observe Jasone Cenoz, profes seure en sciences de l’éducation à l'Université du Pays basque en Espagne, les chercheurs européens emploient fréquemment le terme « plurilinguisme », tandis que leurs homologues nord-américains privilégient « multilinguisme ». La Professeure Cenoz souligne que le multilinguisme est un phénomène dominant dans le paysage linguistique mondial, avec environ 7 000 langues parlées à travers le monde en 2025. La majorité des locuteurs de ces langues se trouvent en Asie, suivie de l’Afrique, puis de l’Australie et de l’Océanie. La mondialisation a considérablement renforcé la valeur du multilinguisme, favorisant la diversité linguistique et la communication interculturelle. En revanche, le plurilinguisme désigne le répertoire linguistique d’un individu, c’est-à-dire l’ensemble des langues qu’il peut mobiliser pour s’exprimer ou communiquer. Ces langues peuvent avoir été acquises simultanément dès la nais-

sance ou apprises à différents moments de la vie.

Dans mes recherches sur l’intersection entre la linguistique appliquée et l’apprentissage transformationnel, j’utilise le terme plurilinguisme pour mettre en avant la diversité des niveaux de compétence linguistique chez les individus, ainsi que leur capacité à passer naturellement d’une langue à l’autre selon le contexte. Le plurilinguisme reconnaît que les langues présentes dans le répertoire linguistique d’un individu ne fonctionnent pas comme des systèmes séparés et indépendants, mais plutôt comme un réseau interconnecté et dynamique.

Le Plurilinguisme : Ouvrir les Portes à des Opportunités Insoupçonnées

Le plurilinguisme reconnaît que les langues faisant partie du répertoire linguistique d’un individu fonctionnent comme un réseau interconnecté, plutôt que comme des systèmes distincts et isolés.

Dr Natalia Bussard, MSc.
Université Simon Fraser, Canada

Ayant grandi en Tchécoslovaquie socialiste, j’ai été exposée simultanément à deux langues : le tchèque, à travers la télévision, la radio et les visites occasionnelles de la famille à Prague et Plzeň, et le slovaque, qui était la langue du quotidien familial.

La Tchécoslovaquie, qui s’est scindée en République tchèque et Slovaquie en 1993, partageait ses frontières avec la Pologne au nord-est, l'Allemagne à l’ouest, l’Autriche au sud et la Slovaquie à l’est, offrant ainsi une exposition naturelle aux langues polonaise, allemande, autrichienne et slovaque. Malgré les opportunités limitées d’apprentissage des langues étrangères à l’école primaire – où seule la langue russe était enseignée – mon immersion dans le slovaque, le tchèque et le russe a éveillé ma curiosité linguistique et nourri mon désir d’apprendre d’autres langues à l’avenir. Alors que je terminais l'école primaire, une enseignante bénévole canadienne au charisme captivant a éveillé en moi une passion pour l’anglais. Son accent fascinant m’a ouvert les yeux sur un monde infini de possibilités linguistiques.

Quelques années plus tard, après l'université, j’ai eu l’opportunité d’embrasser la culture espagnole en Murcie. Là-bas, je me suis immergée dans l’apprentissage de l’espagnol, tout en partageant ma passion pour l’anglais en tant qu’enseignante au Colégio La Milagrosa, dans la charmante ville de Totana, en Andalousie. Cette expérience bilingue a non seulement élargi mes horizons, mais m’a aussi confirmé le pouvoir de l’immersion culturelle dans l’acquisition des langues.

De retour en Slovaquie, j’ai tiré parti de mes expériences linguistiques en occupant des postes variés en tant que responsable de formation dans le secteur bancaire, enseignante d’anglais et de slovaque au Canadian Bilingual Institute, journaliste pour le magazine Business Slovakia, et interprète et traductrice lors de conférences pour des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ces rôles multifacettes m'ont permis de collaborer avec des professionnels et des étudiants issus de différents domaines, renforçant ainsi mon aspiration à explorer une vie d’expatriée au Canada.

Mon expérience au Canada comprend des rôles administratifs et académiques à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et à l’Université Simon Fraser (SFU). À SFU, je dirige les programmes coopératifs en sciences, environnement et sciences de la santé, où je collabore avec une équipe d’experts – coordonnateurs et conseillers – pour faciliter l’échange de connaissances entre le milieu académique et les partenaires industriels. À UBC, au sein de la Faculté d’éducation, j’ai mené une étude de recherche en leadership éducatif et politique, portant sur la manière dont la connais-

soif d’en apprendre davantage sur les personnes qui m’entourent, sur leurs cultures et sur les prismes uniques à travers lesquels elles perçoivent le monde.

Recherche : Pourquoi le plurilinguisme est essentiel (et comment il peut tout changer)

En m’appuyant sur les travaux d’Enrica Piccardo, professeure en éducation des langues et des littéracies à l’Université de Toronto, Canada, j’ai observé chez mes participants une augmentation significative de la créativité. Certaines pratiques plurilingues créatives incluaient : identifier des similarités dans les rythmes espagnols et les adapter à d’autres dialectes, réciter des phrases d’une langue dans une autre comme mécanisme d’apaisement lors de moments difficiles, explorer des dictionnaires pour affiner leur capacité à transmettre des messages efficacement, et passer d’une langue à l’autre en fonction de l’aspect de leur personnalité qu’ils souhaitaient mettre en avant devant un certain public.

Dans la lignée des recherches de Philip Bamber,

tolérance, l’acceptation et l’ouverture aux autres. L’adversité forge souvent l’empathie et une compréhension plus profonde de la diversité linguistique et culturelle. Relever les défis liés à l’apprentissage et à l’usage de plusieurs langues permet de développer une appréciation plus profonde de la communication efficace et une empathie accrue envers les difficultés linguistiques d’autrui. Un parcours plurilingue peut ainsi élargir la compréhension des cultures, éveiller une passion pour l’apprentissage tout au long de la vie, et ouvrir en permanence de nouveaux horizons cognitifs et une perspective globale.

Sur la base de recherches approfondies et de mon expérience personnelle, je peux affirmer avec conviction que l’apprentissage de plusieurs langues peut avoir un effet transformateur sur votre vie. Cette démarche permet de développer une persévérance accrue, une plus grande confiance en soi et une créativité renforcée. De plus, elle favorise souvent une approche moins jugeante et plus bienveillante envers les autres, renforçant ainsi l’empathie et améliorant les compétences d’écoute. Ces bienfaits combinés mènent inévitablement à une meilleure capacité à nouer

des relations, un atout essentiel pour évoluer avec succès dans notre société de plus en plus complexe et interconnectée. C’est pourquoi j’encourage chacun à élargir ses horizons en apprenant une langue supplémentaire, afin de découvrir le monde à travers au moins une autre perspective.

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Un parcours plurilingue peut approfondir la compréhension des cultures diverses et insuffler une passion pour l’apprentissage tout au long de la vie, en élargissant continuellement les horizons cognitifs et la perspective globale.

Professeure Zeenath Reza Khan

Université de Wollongong Dubaï, Émirats Arabes Unis

Présidente fondatrice, ENAI WG Centre for Academic Integrity in the UAE

Exploiter l'IA générative pour un apprentissage éthique et l'intégrité

académique

Étant donné notre fascination quasi-romantique pour les êtres artificiellement intelligents, largement influencée par la science-fiction et les personnages emblématiques du cinéma hollywoodien, il est fascinant d'observer comment mes collègues à travers le monde abordent l’intelligence artificielle. Les discussions oscillent entre un rejet catégorique et un optimisme prudent, certaines dictées par la peur, d’autres par la curiosité ; mais une chose est certaine : l’IA est là pour rester. En tant qu’universitaire passionnée par l’intégrité et l’éducation éthique, mes recherches se concentrent sur la manière d’exploiter la puissance de l’IA tout en maintenant une rigueur pédagogique et éthique. Au ENAI WG Centre for Academic Integrity in the UAE, nous avons mené des

initiatives visant à faire évoluer le débat, passant d’une approche axée sur la restriction à une adoption responsable. Notre objectif est de garantir que tant les enseignants que les étudiants comprennent la valeur de la maîtrise de l’IA.

Renforcer les compétences des enseignants : Le programme "AI in My Classroom – Teacher Incubator"

L’un des principaux défis de l’intégration de l’IA en classe est de garantir que les enseignants soient équipés pour guider les étudiants dans une utilisation éthique de l’IA. Si l’expérience de l’apprentissage à distance en urgence

pendant la pandémie nous a appris quelque chose, c’est que le rôle des enseignants est de plus en plus exigeant et que leurs compétences ont dû s’adapter rapidement. Nous n’étions pas préparés, nous manquions de temps ou de ressources pour nous préparer, et pourtant, du jour au lendemain, il était impératif que nous maîtrisions de nouvelles technologies, que nous refondions nos cours et que nous assurions des leçons fluides pour que l’apprentissage des étudiants ne soit pas compromis. Quel a été l’impact de cette période tumultueuse ? À l’échelle mondiale, cette expérience a révélé des lacunes dans la préparation des enseignants et a soulevé des questions sur les attentes placées sur eux. Elle a également mis en évidence que l’investissement dans le développement des compétences du corps enseignant serait primordial.

Trois ans plus tard, en 2023, nous nous sommes retrouvés face à une autre impasse. Avec la montée en flèche de ChatGPT, l’outil de génération de contenu d’OpenAI, la question de l’IA en classe est devenue omniprésente, dominant chaque espace académique. Une fois encore, les enseignants et le personnel éducatif ont dû rapidement s’adapter et tenter de naviguer dans ce changement soudain de discours, tout en gérant leurs charges de travail déjà exigeantes. L’IA dans l’éducation n’était plus une question d’avenir –elle représentait un défi immédiat pour tous, et en particulier pour les enseignants, chargés d’orienter les étudiants dans son utilisation. Alors que nous entrons en 2025, le niveau d’attente reste élevé : nous devons nous adapter, nous ajuster et développer rapidement une maîtrise fluide de ces outils afin de mieux soutenir les étudiants. Cependant, une intégration durable et éthique de l’IA dans l’éducation exige du temps, de la formation et un soutien institutionnel.

À cet égard, j’ai la chance d’être aux Émirats Arabes Unis, un pays doté d’une vision progressiste et ambitieuse pour ses générations futures. De la stratégie Éducation 33 de Dubaï, qui vise à transformer l’enseignement traditionnel en discussions dynamiques centrées sur l’apprenant, à la stratégie IA des Émirats Arabes Unis 2031, qui ambitionne de positionner le pays comme un leader mondial en intégrant l’intelligence artificielle dans les secteurs clés –l’engagement en faveur de l’innovation par l’IA est clair. Le nouveau label UAE AI Seal vient renforcer cette vision, garantissant que la fiabilité de l’IA demeure au cœur des discussions nationales. Ces initiatives ne se limitent pas à l’adoption de l’IA, mais visent à l’intégrer de manière responsable et éthique dans l’éducation, afin de préparer à la fois les étudiants et les enseignants à un avenir où la maîtrise de l’IA sera essentielle.

Après le AI Retreat de 2024, inspiré par l'accent

med sur le renforcement des compétences des enseignants, j'ai collaboré avec Mme Veena Mulani de Al Diyafah High School Dubai, sous la direction des membres du conseil du Centre, pour lancer l’année dernière le programme AI in My Classroom – Teacher Incubator. Cette initiative a réuni 50 enseignants dans un environnement sûr et collaboratif, où ils ont pu discuter librement, expérimenter et mieux comprendre le rôle de l’IA dans la pédagogie. Le programme avait pour objectif de doter les enseignants de la confiance et des compétences nécessaires pour intégrer efficacement l’IA dans leurs classes, tout en veillant à ce que les discussions sur l’IA restent ancrées dans des principes d’éthique, de

Alors que nous entrons dans l’année 2025, le niveau d’attente reste élevé : nous devons nous adapter, nous ajuster et rapidement développer une maîtrise de ces outils afin de mieux accompagner les étudiants.

Cependant, une intégration durable et éthique de l’IA dans l’éducation nécessite du temps, de la formation et un soutien institutionnel.

L’IA pourrait être une alliée précieuse pour encourager la pensée critique, la créativité et l’intégrité chez les étudiants, plutôt qu’un simple raccourci menant potentiellement à des fautes académiques.

responsabilité et de réussite des étudiants.

Le programme a été conçu pour encourager une expérience pratique et interactive. Grâce à une série de sessions de formation courtes, couvrant divers concepts pédagogiques et outils d’IA pertinents, des partenaires académiques et industriels issus de start-ups et d’institutions d'enseignement supérieur ont accompagné les enseignants dans un travail collaboratif. Ces derniers ont élaboré des projets exploitant l’IA pour favoriser un apprentissage éthique, des évaluations pertinentes et une meilleure interaction en classe. Les meilleures propositions ont été récompensées par des prix en espèces destinés à financer leur mise en œuvre, garantissant ainsi que ces idées ne restent pas théoriques, mais trouvent une application concrète dans les salles de classe. Ambassador School Sharjah et MSB Private School ont remporté la compétition, tandis que GEMS Cambridge International School Dubai s'est classée en deuxième position. Cette initiative a prouvé qu’avec la bonne orientation, l’IA pouvait être une alliée précieuse pour encourager la pensée critique, la créativité et l’intégrité chez les étudiants, plutôt qu’un raccourci pouvant mener à des fautes académiques.

classe, l’une de nos principales préoccupations concernait les implications politiques de l’IA en éducation. Lors d’une discussion fortuite avec Dr Stephen Wilkinson, Directeur de la Recherche à l’UOWD, et des partenaires industriels dans le cadre d’un projet Global Challenges RISE sur l’IA dans les milieux de travail, nous avons réalisé qu’il était essentiel d’élargir ce débat au grand public. Nous avons consacré une grande partie de l’année 2024 à l’élaboration d’un Livre Vert analysant le rôle de l’IA en éducation sous un prisme politique. L’objectif était de poser des questions sur les opportunités et les défis liés à l’intégration de l’IA dans l’éducation aux Émirats Arabes Unis, en adoptant une approche centrée sur l’intégrité académique – une approche qui ne repose pas uniquement sur la détection et la sanction, mais qui interroge plutôt l’intégration de la littératie en IA, la refonte des méthodes d’évaluation et le développement des compétences des enseignants. Cette démarche s’aligne avec les recherches existantes soulignant la nécessité d’interventions politiques proactives plutôt que réactives en matière d’éthique de l’IA.

Une Approche Axée sur les Politiques : L’Initi-

ative du Livre Vert

Au-delà des interventions au niveau des salles de

Les tables rondes autour du Livre Vert et des questions qu’il soulève commencent déjà à apporter des éclairages importants. Par exemple, nos discussions avec les parties prenantes en début d’année – impliquant des chercheurs académiques, des étudiants et des décideurs politiques –ont mis en évidence que l’approche réactive face à l’IA et aux fautes académiques est intenable.

À la place, les institutions doivent établir des cadres structurés qui reconnaissent la présence de l’IA tout en guidant les étudiants vers une utilisation éthique. Cela implique une évolution des méthodes d’évaluation, en passant d’épreuves basées sur la mémorisation à des évaluations axées sur les compétences, où l’IA est un outil favorisant un apprentissage approfondi plutôt qu’un moyen d’éviter l’effort intellectuel. Ceux d’entre nous qui travaillent en profondeur sur l’intégrité académique savent qu’aucune solution miracle ne peut garantir la sécurité des évaluations. Toutefois, nous savons aussi que cela exige un soutien institutionnel pour les enseignants, dont beaucoup découvrent et naviguent encore les impacts de l’IA sur l’éducation. Cette conversation est en constante évolution.

Façonner l’Avenir de l’Intégrité dans les Salles de Classe à l’Ère de l’IA

S’il y a une leçon essentielle à tirer de notre travail, c’est que l’intégrité en éducation n’est pas un effort isolé, mais un processus continu, collaboratif et holistique. L’IA ne remet pas en cause l’intégrité académique, et son adoption ne signifie pas fermer les yeux ou ignorer ses implications, comme l’image proverbiale de l’autruche. La manière dont nous choisissons d’intégrer l’IA dans l’éducation déterminera son impact. Nos initiatives mettent en évidence l’importance de donner aux enseignants les moyens d’agir, d’impliquer les étudiants dans un dialogue éthique autour de l’IA et de concevoir des politiques qui équilibrent innovation et rigueur académique.

À l’avenir, l’enjeu ne réside pas dans la limitation des capacités de l’IA, mais dans la garantie que les considérations éthiques restent au cœur de son utilisation en éducation. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons préparer les étudiants non seulement à un apprentissage enrichi par l’IA, mais aussi à un avenir où l’intégrité et la responsabilité guideront leur parcours professionnel et personnel.

S’il y a une leçon essentielle à tirer de notre travail, c’est que l’intégrité dans l’éducation n’est pas un effort isolé, mais un processus continu, collaboratif et holistique.
Professeure Nathalie Martial-Braz
Chancelière de l'Université Sorbonne Abou Dabi, Émirats Arabes Unis
“Je

n’ai jamais cessé d’être professeure”

Jongler entre les rôles d’enseignante, de juriste et de chancelière de l’Université Sorbonne Abou Dabi

Entretien avec la

Professeure Nathalie Martial-Braz

Professeure Nathalie, nous sommes ravis et honorés que vous ayez accepté de nous accorder cet entretien pour ce numéro de la Lettre d'Information Universitaire. Comme il est de coutume dans notre section Focus sur le Leadership, pourriez-vous commencer par retracer votre parcours académique, qui vous a conduite à votre nomination en tant que chancelière de l’Université Sorbonne Abou Dabi (SUAD)?

J’ai débuté ma carrière en réalisant une thèse doctorale sur les sûretés portant sur les droits de propriété intellectuelle à Paris, après avoir obtenu ma licence à l’Université de Bordeaux, dans le sud de la France. Durant mes études doctorales, j’ai enseigné à l’Université Paris Descartes (Paris V). Après avoir soutenu ma thèse en 2005, j’ai été nommée maîtresse de conférences à l’Université de Rennes, en Bretagne, où je me suis spécialisée en droit du numérique. Pendant cette période, j’ai préparé l’agrégation, un diplôme essentiel en France pour devenir professeur des universités. J’ai ensuite été nommée professeure des universités à l’Université de Franche-Comté (UFC), une petite université située dans l’est de la France. Là, j’ai dirigé un master en droit de la propriété intellectuelle et digitalisation.

Par la suite, j’ai été transférée à Paris, où j’ai créé, en 2014, un master en droit de la

protection des données, en collaboration avec mon collègue, aujourd’hui vice-président de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). J’ai poursuivi mon travail dans le domaine du droit du numérique, publiant de nombreux travaux sur le sujet.

En 2021, j’ai rejoint la Sorbonne Abou Dabi avec l’intention de travailler sur le Sorbonne Center for Artificial Intelligence (SCAI) et la réglementation de l’intelligence artificielle, ayant dirigé un projet de recherche sur ce sujet depuis 2019. Mon objectif était de mener des recherches transdisciplinaires impliquant différentes disciplines – sciences humaines, sciences exactes et droit –autour de l’intelligence artificielle au sein du SCAI. En 2023, j’ai été nommée chancelière de l’université.

Le rôle d’un professeur des universités englobe de multiples responsabilités, bien plus qu’un simple poste d’enseignant. J’aime profondément l’enseignement et je chéris les relations que je tisse avec mes étudiants. Il y a un moment particulièrement gratifiant lorsque j’enseigne le droit des contrats à des étudiants de deuxième année : celui où je vois l’étincelle de compréhension dans leurs yeux, lorsqu’ils saisissent la matière et parviennent à l’appliquer en pratique. L’enseignement au niveau master est tout aussi stimulant, car il permet d’échanger avec des étudiants très motivés, d’approfondir des sujets complexes et d’encourager la réflexion, l’analyse et le débat entre différents systèmes

Le rôle d’un professeur titulaire au sein d’une université englobe de multiples responsabilités plutôt qu’un poste unique. J’apprécie sincèrement l’enseignement et j’attache une grande importance aux relations tissées avec mes étudiants.

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de pensée. J’apprécie également le travail avec les doctorants, qui s’inscrit dans un temps long et permet de tisser une relation académique enrichissante et évolutive. En plus de l’enseignement, j’ai une véritable passion pour l’écriture et la recherche.

Vous êtes particulièrement reconnue pour votre expertise en droit financier, droit de la propriété intellectuelle et droit du numérique. Pourriez-vous nous expliquer comment votre formation et votre profil intellectuel influencent votre manière d’exercer votre rôle de chancelière ainsi que votre style de leadership ?

Ma spécialisation en droit financier m’a énormément aidée dans l’exercice de mes fonctions de chancelière. Je suis à l’aise dans la gestion des contrats, des questions budgétaires et des problématiques organisationnelles d’une institution. Par le passé, j’ai exercé en tant que conseillère juridique dans un cabinet d’avocats, ce qui m’a familiarisée avec la gestion des entreprises. Ce rôle n’est donc pas une fonction nouvelle pour moi, c’est simplement la première fois que je l’applique dans le contexte d’une université internationale. Par ailleurs, tout au long de ma carrière, j’ai eu l’opportunité de diriger différentes structures universitaires, notamment des laboratoires de recherche, ce qui m’a permis d’acquérir une connaissance approfondie des rouages administratifs d’une université. Mon expertise juridique constitue sans doute mon atout le plus important dans ce poste. Bien que mes spécialités en droit de la propriété intellectuelle et droit du numérique ne soient pas directement liées à mes activités quotidiennes en tant que chancelière, mon expérience prolongée avec des startups et des petites entreprises du secteur numérique a probablement influencé mon style de leadership. Je ne me considère pas comme une leader traditionnelle et autoritaire ; au contraire, j’adopte une approche plus collaborative, qui découle de mon expérience dans un contexte horizontal, où j’ai toujours travaillé avec divers interlocuteurs plutôt que dans une stricte hiérarchie verticale.

De plus, mon expérience en tant que professeure des universités m’a offert une vision plus large et la capacité de prendre du recul pour gérer efficacement. Mon parcours, combiné à mon expérience de professeure invitée à la Sorbonne depuis 2014, m’a permis de développer une compréhension approfondie de l’institution, ce qui, selon moi, constitue un atout majeur dans mes responsabilités actuelles. J’apprécie l’interaction avec les étudiants, et je m’efforce de favoriser un environnement de travail positif ; pour moi, l’esprit de communauté est fondamental. Mon expertise juridique reste omni-

présente, me conférant la rigueur nécessaire pour diriger une équipe et prendre des décisions stratégiques essentielles à la gestion d’une institution dynamique comme l’Université Sorbonne Abou Dabi.

Comme nous l’avons évoqué, vos recherches portent sur le droit du numérique et la protection des données. Comment envisagez-vous l’évolution de l’enseignement juridique pour doter les étudiants des compétences nécessaires dans une ère dominée par l’IA, les enjeux de cybersécurité et la transformation numérique?

À mon avis, il est essentiel d’éduquer les jeunes générations aux nouveaux outils, car l’intelligence artificielle deviendra un outil du quotidien dans leur environnement professionnel. Nous devons leur apprendre à l’utiliser correctement, ce qui passe notamment par une formation sur la protection des données. Cela est important non seulement parce que la réglementation peut limiter leur accès à certaines informations, mais aussi parce que cette connaissance est fondamentale pour leur compréhension de la vie privée. Ces jeunes, qui sont très actifs sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques, doivent apprendre à se protéger, mais aussi à utiliser l’information de manière éthique, en respectant la confidentialité des autres. Il est également crucial de les former à tous les aspects liés à l’IA, notamment en matière de cybersécurité, afin de garantir que les systèmes soient sécurisés dès leur conception.

Nous devons aussi préparer cette génération à utiliser ces outils de manière responsable, tout en restant vigilants face aux capacités offertes par l’IA. Il est crucial qu’ils

continuent d’apprendre à interagir avec l’IA et à garder le contrôle sur l’utilisation des algorithmes. Le défi majeur est que les algorithmes sont intelligents et capables de fournir des réponses, mais nous devons nous assurer de l’exactitude de ces réponses. Les étudiants doivent développer une pensée critique, être capables de modifier les résultats et d’ajouter des éléments supplémentaires pour parvenir à la bonne conclusion. Nous devons également anticiper l’impact des algorithmes sur l’avenir et les intégrer dans nos méthodes d’enseignement. En droit, par exemple, certains postes dans les cabinets juridiques vont disparaître, car les algorithmes seront capables d’effectuer efficacement des tâches qui étaient auparavant confiées aux jeunes collaborateurs, comme la collecte de données. Cette transformation ne se limitera pas au domaine juridique ; elle affectera aussi d’autres disciplines, comme la médecine et l’histoire. Nous devons préparer cette génération à ces évolutions, car certains métiers sont appelés à disparaître.

Enfin, nous avons besoin d’une réglementation pour ne pas perdre la bataille face à l’IA et aux avancées numériques. L’objectif n’est pas de freiner l’innovation, mais de mettre en place un cadre structurant afin d’anticiper les effets collatéraux qui pourraient résulter d’une mauvaise utilisation de la technologie.

Compte tenu de votre expertise en droit bancaire et en propriété intellectuelle, comment les universités devraient-elles faire évoluer les programmes de commerce et de droit pour mieux préparer les étudiants aux carrières dans la fintech, le commerce piloté

Je ne me considère pas comme une leader traditionnelle et autoritaire ; au contraire, j’adopte une approche plus collaborative, qui découle de mon expérience dans des environnements fonctionnant de manière horizontale et participative, plutôt que dans une structure strictement

hiérarchique.

par l’IA et le droit du numérique ?

Nous avons déjà adapté nos programmes pour préparer les étudiants à l’ère numérique, notamment en droit de la propriété intellectuelle (PI) et en droit bancaire. L’essor des technologies numériques a d’abord impacté le domaine de la propriété intellectuelle, avec l’accès en ligne aux œuvres protégées, qui est devenu une réalité. Pour accompagner cette transformation, nous mettons à jour nos cursus depuis plus de 15 ans, afin que nos étudiants soient pleinement préparés à traiter les enjeux numériques dans leur carrière. En ce qui concerne le droit bancaire, nous avons également apporté des modifications significatives. Nos anciens cours de droit financier et bancaire ont évolué vers un programme plus complet, intégrant la finance, la fintech et le droit bancaire numérique. Nos enseignants jouent un rôle actif dans l’élaboration des réglementations en Europe, notamment avec l’adoption d’un nouveau cadre juridique sur les actifs numériques. En participant à ces discussions réglementaires, nous veillons à ce que l’écosystème émergent de la finance numérique, qui manque encore d’un cadre réglementaire suffisant, soit guidé par des règles équilibrées et éclairées.

Cependant, réglementer l’évolution rapide du secteur de la fintech et du commerce piloté par l’IA reste un défi permanent. Les réglementations émergent souvent en réaction à de nouveaux comportements, ce qui nous oblige à nous adapter rapidement. Notre approche ne consiste pas à créer des réglementations ex nihilo, mais à s’appuyer sur les cadres juridiques existants et les adapter aux nouvelles réalités numériques. En conclusion, les universités doivent continuer à faire évoluer leurs programmes en commerce et en

droit pour préparer les étudiants aux mutations rapides de la fintech, du commerce piloté par l’IA et du droit du numérique. Notre priorité doit être de construire sur la base des réglementations existantes et d’adapter les principes juridiques aux nouveaux défis technologiques, tout en reconnaissant la nécessité d’une formation continue tout au long de la carrière des étudiants.

Comment la SUAD se positionne-t-elle dans le paysage de l’enseignement supérieur aux Émirats Arabes Unis et au-delà?

Depuis 2014, avec la mise en œuvre de notre nouveau plan stratégique, nous avons placé la recherche et l’éducation au cœur de notre mission. Cela signifie que nous cherchons à développer davantage de centres de recherche, afin de promouvoir une recherche de haut niveau dans divers domaines, y compris l’intelligence artificielle, la biologie marine, la physique quantique, entre autres. Notre stratégie repose sur une approche axée sur l’objet de l’étude plutôt que sur un champ disciplinaire strictement délimité. Par exemple, en ce qui concerne l’étude de l’intelligence artificielle, nous ne nous limiterons pas uniquement à ses aspects scientifiques ou humanistes, mais adopterons une perspective holistique afin d’explorer toutes les dimensions du sujet. Cette approche transdisciplinaire garantira que notre recherche englobe différentes perspectives. Concrètement, cela signifie que dans le domaine de l’IA, nous nous intéresserons aux implications juridiques liées à la réglementation et aux algorithmes, aux enjeux géographiques en matière de développement durable, ainsi qu’aux applications médicales dans le domaine du diagnostic. De même, avec le lancement de notre Ocean Institute en décembre 2023, notre approche ne se limitera pas à la biologie marine, mais intégrera une recherche interdisciplinaire sur les implications juridiques et biologiques de la pollution plastique, par exemple.

Nous cherchons également à renforcer notre offre éducative en développant des modèles pédagogiques plus flexibles et adaptables, afin de préparer nos étudiants aux défis posés par les nouvelles technologies et la mondialisation. Cependant, nous restons fermement attachés à l’ADN de l’Université de la Sorbonne, qui, depuis des siècles, repose sur l’excellence et des standards académiques élevés pour ses étudiants.

Dans le contexte de l’enseignement supérieur aux Émirats Arabes Unis, la SUAD occupe une position unique. Bien que nous soyons une institution relativement petite au sein de l’écosystème de la recherche, nous bénéficions du soutien de nos universités partenaires en France, à savoir Sorbonne Université et l’Université Paris Cité, qui comptent parmi les institutions les plus prestigieuses du pays. Grâce à un réseau de plus de 25 000 chercheurs, nous sommes

ne bénéficient pas seulement à la SUAD, mais qui sont également alignés avec les priorités nationales.

Alors que l’enseignement supérieur continue d’évoluer, quel changement ou innovation espérez-vous voir dans le monde académique au cours de la prochaine décennie, et comment voyez-vous la Sorbonne Abou Dabi contribuer à cette vision?

Au cours de la prochaine décennie, je pense que le secteur de l’enseignement supérieur devra évoluer pour prendre en compte les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, notamment le changement climatique, le réchauffement global et la nécessité urgente d’innovation en santé et en médecine. Il est essentiel de garder à l’esprit ces enjeux sociétaux et d’adapter le secteur académique en conséquence. En alignant nos programmes d’enseignement à la fois sur les exigences des savoirs fondamentaux et sur des méthodes pédagogiques modernes, nous visons à doter les futurs professionnels des compétences et de la capacité d’adaptation nécessaires pour exceller dans un monde en constante évolution.

En mettant l’accent sur la pensée critique et en enseignant aux étudiants comment interagir avec les connaissances, nous nous assurerons qu’ils sont polyvalents et capables de relever divers défis. J’ai moi-même constaté les limites d’un cloisonnement des disciplines, notamment dans mon travail en droit du numérique. La communication avec des scientifiques peut être complexe, car nos approches et méthodologies diffèrent. C’est pourquoi il est indispensable de former des étudiants capables de comprendre à la fois les perspectives juridiques et scientifiques.

En cultivant à la fois une expertise spécialisée et une capacité à collaborer entre disciplines, nous préparerons nos diplômés à devenir non seulement des experts compétents, mais aussi des citoyens responsables et engagés sur la scène mondiale.

Merci infiniment d’avoir répondu à nos questions, Professeure Nathalie. Pour conclure, tout au long de votre carrière – en tant que juriste, enseignante et aujourd’hui chancelière – quel a été l’aspect le plus gratifiant de votre parcours dans l’enseignement supérieur, et quel conseil

seure ; j’ai toujours embrassé le rôle d’éducatrice. Enseigner et partager le savoir font partie intégrante de mon identité et de ma vocation, et je suis fière de l’impact que je peux avoir à travers ces échanges. Mon conseil aux étudiants et aux jeunes universitaires est de continuer à croire en leurs rêves. Si vous aspirez à transmettre le savoir, vous participez à la construction de solutions pour la société. Persévérez, même face aux échecs. L’échec fait inévitablement partie du parcours ; il est impossible de réussir sans rencontrer d’obstacles. En réalité, nous apprenons davantage de nos échecs que de nos succès. Alors, continuez à rêver, travaillez avec acharnement et faites confiance au fait que vos efforts finiront par porter

Transformer le Secteur de la Santé pour un Avenir Durable à Travers Mon Parcours Doctoral

Salima

L’industrie de la santé aux Émirats Arabes Unis est en pleine transformation, avec la télémédecine comme moteur clé du changement. La télémédecine a profondément transformé le paysage mondial des soins de santé. En tant que professionnelle du secteur de la santé, j’ai constaté comment la télémédecine contribue à réduire les inégalités d’accès aux soins et à promouvoir les objectifs de développement durable (ODD) dans le domaine de la santé et au-delà.

En tant que femme émiratie, j’ai toujours été motivée par le désir de contribuer à la société des Émirats Arabes Unis. Dès mon entrée dans le monde du travail, ma curiosité et mon engagement envers des initiatives durables se sont renforcés. En tant que responsable de la satisfaction client à l’Hôpital général Sheikh Khalifa à Umm Al Quwain, j’ai toujours été convaincue que les professionnels de la gestion des soins de santé doivent être dotés des compétences nécessaires pour relever les défis du secteur, en adoptant à la fois une approche pratique et fondée sur la recherche et l’évidence scientifique. En développant mon expérience managériale dans le domaine de la santé, j’ai été attirée par le Doctorat en Administration des Affaires (DBA) proposé par le Collège d’Administration des Affaires de l’Université d’Abou Dabi (ADU). J’ai perçu ce programme comme une opportunité précieuse pour approfondir mes connaissances et laisser un impact durable sur les pratiques de soins de santé.

Ma passion s’est encore renforcée en intégrant le programme doctoral de l’ADU, car il m’a non seulement permis d’acquérir des compétences essentielles en recherche pour analyser les

En tant que personne ayant une expérience dans l’industrie de la santé, j’ai constaté comment la télémédecine contribue à combler les inégalités d’accès aux soins et favorise la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) dans le secteur de la santé et au-delà.

problématiques en milieu de travail, mais aussi d’établir des liens entre mes recherches et les objectifs de développement durable des Nations Unies. En avançant dans ma phase de recherche, mes interactions directes avec les patients m’ont inspirée en tant que chercheuse à explorer comment la télémédecine peut véritablement optimiser les résultats des patients, améliorer leur satisfaction et transformer la prestation des soins de santé. Ma thèse sur la télémédecine met l’accent sur son potentiel à combler des lacunes essentielles et à révolutionner l’accès aux soins. Plus important encore, elle s’aligne avec la vision de durabilité des Émirats Arabes Unis, qui met l’accent sur des solutions de soins de santé innovantes et axées sur la technologie pour l’avenir.

Télémédecine et la Vision de Durabilité des Émirats Arabes Unis

Les Émirats Arabes Unis ont mis l’accent sur l’importance du développement durable dans leurs plans stratégiques à long terme, notamment à travers la Vision des Émirats 2050 et l’Agenda National visant à bâtir une nation plus saine et plus résiliente. Grâce à mon expérience dans le secteur de la santé, j’ai observé comment les longs délais d’attente, la surcharge des hôpitaux, les coûts exorbitants et les obstacles géographiques rendent les soins de qualité inaccessibles pour de nombreuses personnes. J’ai également constaté comment la télémédecine a non seulement amélioré l’efficacité et l’accessibilité des soins de santé, mais a aussi contribué à réduire l’empreinte environnementale, optimiser l’utilisation des ressources, renforcer l’équité sociale et promouvoir la prévention médicale. La télémédecine s’aligne parfaitement avec la vision de durabilité des Émirats Arabes Unis, en améliorant l’accès aux soins, en favorisant l’innovation technologique et en soutenant la durabilité environnementale. Grâce

à cette synergie, les Émirats Arabes

Unis tracent la voie vers un système de santé plus vert, plus efficace et plus inclusif.

Comment le Programme DBA de l’Université d’Abou Dabi a Développé Mes Compétences en Recherche

Poursuivre ma recherche doctorale au sein du Collège d’Administration des Affaires de l’ADU a marqué un tournant décisif dans mon parcours académi que. L’accent mis par le programme sur la recherche appliquée en durabil ité a joué un rôle fondamental dans le développement de solutions concrètes visant à intégrer la télémé decine dans des modèles de soins durables, façonnant ainsi mes aspira tions professionnelles. J’ai été active ment impliquée dans des programmes innovants et créatifs, mettant les patients au centre des priorités et améliorant leur expérience.

Tout au long de mon parcours académique et de ma thèse, j’ai acquis une solide expertise en recherche, ce qui a renforcé mes compétences en pensée critique. Cela m’a permis non seulement de mieux comprendre les problématiques de ma recherche et d’identifier des solu tions efficaces, mais aussi d’adopter une approche innovante et de dével opper des solutions fondées sur la recherche dans mon travail profes sionnel. Par exemple, j’ai été sélection née parmi les 10 finalistes d’un concours national de grande enver gure, "Trailblazers", organisé par un leader du secteur de la santé aux Émirats Arabes Unis, parmi 3 000 prop ositions innovantes. Mon idée nova trice a contribué au processus de digitalisation des soins de santé, en intégrant une perspective téléméde cine. Cette réussite témoigne de la manière dont le programme doctoral de l’ADU m’a permis de combiner la théorie et la pratique.

L’Encadrement des Professeurs et des Mentors en Recherche

Grâce au soutien précieux des professeurs et des mentors en recherche, j’ai pu élaborer un cadre stratégique permettant d’intégrer la durabilité dans les modèles économiques du secteur de la santé. Ma superviseure de DBA, la Professeure Fauzia Jabeen,

valeur pratique aux décideurs politiques, aux prestataires de soins de santé et aux dirigeants d’entreprises. D’un point de vue théorique, ma recherche a également été sélectionnée parmi les meilleures contributions lors du 5e Forum des Femmes dans la Recherche, intitulé « QUWA : Innover Ensemble pour Façonner l’Avenir », organisé par l’Université de Sharjah. Pour moi, cette reconnaissance externe

“ “

tout en s'inscrivant dans les multiples politiques de développement durable qui façonnent l’avenir des soins de santé.

vantes pour relever les défis mondiaux en matière de santé, tout en soutenant les politiques de développement durable qui façonnent l’avenir du secteur médical. Cette expérience m’a renforcée dans ma confiance quant à la pertinence de mes résultats de recherche. De plus, cette approche interdisciplinaire garantit que mon travail soutient les objectifs de durabilité plus larges des Émirats Arabes Unis.

cadre de la vision globale des Émirats pour le développement d’un système de santé intelligent et durable, la télémédecine est amenée à jouer un rôle de plus en plus central dans la transformation des services de soins.

Grâce à mon expérience en tant que gestionnaire de soins de santé et chercheuse, j’ai appris que, alors que les Émirats Arabes Unis progressent dans ce domaine, les

différents acteurs du secteur doivent collaborer pour garantir que la télémédecine continue d’évoluer en tant que domaine dynamique, capable de s’adapter aux avancées technologiques. La recherche est essentielle pour exploiter pleinement le potentiel de la télémédecine et veiller à ce qu’elle soit utilisée efficacement et durablement dans divers contextes médicaux. Aujourd’hui, alors que j’approche de l’achèvement de mon parcours doctoral, je collabore activement avec l’Institut de Recherche pour des Avenirs Durables de l’ADU, où l’un des thèmes fondamentaux en matière de durabilité est l’ODD 3. En tant que doctorante et praticienne, je suis profondément engagée dans des initiatives liées à la durabilité, et je suis convaincue que la recherche peut apporter des solutions novatrices aux obstacles existants. Elle permet également de fournir des données et analyses précieuses qui contribuent à l’amélioration des politiques, des pratiques et du développement technologique dans le secteur de la santé.

Renforcer l’Engagement des Étudiants à l’Université d’Abou Dabi :

Une Initiative Transformative

Dr Muhammad Usman Tariq

Professeur associé en gestion de la qualité

Responsable d’équipe – Advance HE Change Academy

Université d’Abou Dabi, Émirats Arabes Unis

Désengagement des Étudiants : Un Défi Mondial

Il est clair pour les administrateurs, les enseignants et les étudiants que la communauté étudiante dans l'enseignement supérieur est aujourd’hui plus diversifiée que jamais, avec de nombreux étudiants non traditionnels trouvant leur place en salle de classe. Ce phénomène mondial est en partie lié à l’évolution de l’apprentissage à distance et de l’enseignement entièrement en ligne. Les étudiants entrent dans l’enseignement supérieur avec des parcours variés, des préférences d’apprentissage différentes et des attentes distinctes. Certains s’épanouissent dans des environnements traditionnels basés sur des cours magistraux, tandis que d’autres s’engagent mieux grâce à des approches expérientielles ou renforcées par la technologie. Bien que cette diversité de perspectives et d’expériences soit une avancée positive, elle soulève également des défis, notamment le maintien de l’engagement au sein de cohortes étudiantes diverses. Aujourd’hui, les institutions d’enseignement supérieur (HEIs) à travers le monde font face à un défi de taille : le désengagement des étudiants. Qu’il soit dû à la conception des programmes, aux méthodes pédagogiques ou à des pressions extérieures, le désengagement peut avoir un impact significatif sur les résultats d’apprentissage, la réussite académique et l’expérience étudiante globale. La difficulté réside dans la création d’un environnement d’apprentis-

sage équilibré qui réponde aux besoins de tous les étudiants.

Cependant, ce défi offre également une opportunité unique. En analysant les retours des étudiants, les analyses d’apprentissage et les évaluations des cours, il est possible d’identifier les principaux moteurs d’engagement et d’adapter les interventions en conséquence. De plus, la technologie, en particulier les outils d’apprentissage basés sur l’IA et les méthodes d’évaluation adaptative, ouvre de nouvelles perspectives pour des stratégies d’engagement personnalisées. Consciente de cet enjeu, l’Université d’Abou Dabi (ADU) a pris une initiative majeure en devenant la seule université des Émirats Arabes Unis à participer au prestigieux programme Advance HE Change Academy au Royaume-Uni, une initiative que je dirige. Change Academy vise à améliorer l’engagement des étudiants dans les programmes de licence, master et doctorat, afin d’optimiser les résultats d’apprentissage et la réussite institutionnelle. À travers ce projet, ADU s’engage à comprendre les causes profondes du désengagement étudiant et à mettre en place des stratégies fondées sur des preuves pour renforcer la motivation, la participation et l’implication académique des étudiants.

Mon Parcours et le Programme Change Academy

des programmes académiques. Cela inclut :

• Identifier les principaux facteurs contribuant au désengagement des étudiants dans l’enseignement supérieur.

À l’ADU, j’ai eu le privilège de diriger plusieurs initiatives en matière d’enseignement et d’apprentissage, et mon rôle actuel en tant que responsable d’équipe du projet Advance HE Change Academy s’inscrit dans la continuité de mon engagement à transformer l’engagement des étudiants grâce à des pratiques innovantes et fondées sur la recherche.

• Développer des interventions structurées pour améliorer l’engagement aux différents niveaux académiques.

• Intégrer des approches centrées sur les étudiants dans la conception et la mise en œuvre des cours.

• Exploiter les analyses de données issues des retours des étudiants et des évaluations de cours pour orienter les améliorations.

• Créer des politiques durables qui institutionnalisent l’engagement des étudiants en tant que valeur académique essentielle..

Au cœur de ce projet se trouve une approche collaborative, garantissant que les enseignants, les étudiants et les responsables académiques travaillent ensemble pour mettre en œuvre des changements significatifs, en accord avec la vision plus large de l’ADU en matière d’excellence académique. À l’ADU, nous sommes convaincus que l’engagement des étudiants est un élément fondamental de la réussite académique. Cet engagement ne se limite pas à la participation en classe, mais englobe

des cours afin d’affiner les méthodes d’enseignement.

• Programmes de mentorat étudiant : Renforcer l’apprentissage entre pairs et les interactions entre enseignants et étudiants.

Notre projet au sein du Change Academy représente

ière d’innovation dans l’enseignement supérieur et démontre notre engagement en faveur de réformes éducatives significatives. En collaborant avec des éducateurs et des dirigeants académiques internationaux, nous ne nous contentons pas d’améliorer nos stratégies internes d’engagement des étudiants, mais nous contribuons également aux discussions mondiales sur les meilleures pratiques en matière d’en-

Dr. Muhammad Usman Tariq

Abu Dhabi University, UAE

En regardant vers l’avenir, notre objectif est de créer un impact durable – non seulement au sein de l’Université d’Abou Dabi (ADU), mais aussi à l’échelle du secteur de l’enseignement supérieur aux Émirats Arabes Unis. Les prochaines étapes clés incluent :

1.Élargir notre cadre d’engagement au-delà des programmes pilotes pour une adoption institutionnelle à grande échelle.

2.Publier des analyses et des études de cas issues de notre participation au Change Academy.

3.Organiser des ateliers et des sessions de partage de connaissances pour accompagner les enseignants dans l’intégration des stratégies d’engagement dans leurs pratiques pédagogiques.

4.Impliquer les décideurs politiques et les responsables académiques afin de favoriser des réformes éducatives plus larges qui placent l’engagement des étudiants au cœur des priorités.

Cette initiative est bien plus qu’un simple projet –c’est un engagement en faveur de l’avenir de l’enseignement supérieur, à travers des expériences d’apprentissage innovantes et centrées sur les étudiants.

Cette initiative ne se limite pas à un simple projet –c’est un engagement en faveur de l’avenir de l’enseignement supérieur, à travers des expériences d’apprentissage innovantes et centrées sur les étudiants.

Je suis enthousiaste quant au potentiel transformateur de cette initiative. L’engagement des étudiants est un facteur clé de la réussite académique, et grâce à ce projet, nous avons l’opportunité d’avoir un impact concret sur la manière dont les étudiants vivent et interagissent avec leur formation.

De plus, la participation de la direction de l’ADU à cette initiative, en particulier celle de notre Provost, le Professeur Barry O’Mahony, constitue un exemple inspirant pour les établissements d’enseignement supérieur aux Émirats Arabes Unis et dans toute la région. Je suis convaincu que les stratégies que nous développons permettront non seulement d’améliorer l’engagement des étudiants au sein de notre université, mais aussi de servir de modèle pour une innovation éducative plus large.

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