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iv- la mosquée de France, ouverte à
tous et pour tous : polyfonctionnalité et multifonctionnalité
Le projet d’une mosquée est à étudier selon deux aspects fondamentaux : l’aspect centrifuge, le programme, donc ce qu’il se passe à l’intérieur ; d’autre part, l’inscription de l’édifice dans le contexte bâti. Chaque édifice se doit selon moi d’exprimer sa fonction. Il est difficile de donner à voir sans laisser voir. Il y a une intimité à protéger à l’intérieur (la salle de prière notamment), qui peut être contradictoire avec la volonté de rendre le plus possible visible une mosquée. Lorsque la mosquée comprend dans son programme des fonctions culturelles, celles-ci se chargent d’être visibles et lisibles, pour mieux “cacher” les fonctions intimes à préserver. Les fonctions culturelles ont aussi pour objectif de mieux intégrer la mosquée dans la ville. La question de la poly fonctionnalité devient alors très intéressante et complétement justifiée. La mosquée deviendrait alors plus “légitime” et serait mieux acceptée. Son existence serait en quelque sorte plus “naturelle”. Parler de la notion de poly ou multi fonctionnalité a émergé suite à la lecture d’un projet de fin d’étude d’une étudiante à l’ENSA de Marseille. Elle y évoque de nombreuses fonctions pouvant cohabiter avec la salle de prière : salle de jeux, salle de musique, bibliothèque, … Un programme de mosquée doit être choisi et étudié de manière pertinente. Il ne faut pas oublier le caractère sacré premier du lieu, avec lequel certaines fonctions semblent évidemment incompatibles.
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a- que-ce que la polyfonctionnalité ?
La poly fonctionnalité a en quelque sorte toujours existé. Elle consiste à comprendre dans un même programme plusieurs fonctions qui cohabitent entre elles.
La mosquée, outre a la fonction de salle de prière, faisait office d’université, d’école, lieu de pouvoir, de justice, … Puis l’évolution de l’architecture des mosquées a participé à l’éclatement de ces fonctions. La mixité fonctionnelle tend à revenir dans les nouveaux projets de mosquées. Les fonctions sont quelque peu différentes de ce que l’on pouvait retrouver autrefois, allant plus avec les besoins de la société d’aujourd’hui. Mais cette multifonctionnalité amène à un enferment des populations musulmanes d’origine étrangère. Plus les projets seront complets et moins les fidèles s’ouvriront au monde qui les entoure, accentuant la distinction et la séparation entre les 2 sphères. Ces lieux s’apparenteraient plus à des centres communautaires.
b) dans quel but ?
Tout de même, les fonctions annexes enrichissent les relations sociales. Ces dernières, en étant ouvertes à tous, croyants ou non, pourraient casser cette barrière culturelle. Par exemple, une mosquée associée à un musée s’intégrera mieux dans le secteur où elle s’implante car elle s’adressera à un nombre plus important de personnes, même non fidèles.
Étant donné qu’une mosquée n’est pas utilisée de la même façon selon heures, les jours, les périodes. Le vendredi, la mosquée est beaucoup plus fréquentée que les autres jours de la semaine. Les prières sur les morts accueillent également plus de fidèles, les soirées du ramadan également. La temporalité influe donc sur la fréquentation de la mosquée, qui sera plus ou moins importante. Cette variable impose donc une flexibilité des espaces pour supporter une forte fréquentation quand cela est nécessaire. Les salles de prière devraient avoir un potentiel d’extension, lorsque cela est nécessaire, que ce soit une extension intérieure ou sur l’extérieur. Le plan programmatique de la mosquée doit donc permettre cette extension, en associant notamment des espaces réservés à d’autres fonctions en lien direct avec la salle de prière.
L’islam est une religion universelle, son architecture doit exprimer cette universalité, et non pas simplement copier-coller les formes des pays d’origines des populations musulmanes. Cela cause en quelque sorte les réactions hostiles des opposants. Cela s’apparenterait à une certaine incompréhension de la part des populations locales, qui ne comprennent pas pourquoi de tels édifices viennent s’installer près de chez eux. Il y a donc un langage adéquat et compréhensible à trouver, pour exprimer la mosquée dans l’espace urbain européen. On ne peut pertinemment pas venir construire des répliques de mosquées qu’on trouverait ailleurs. Le contexte, le site, l’histoire du lieu où l’on s’installe sont primordiales dans n’importe quel projet architectural, pas seulement les mosquées. Ces dernières ne font donc évidemment pas exception à la règle.
c) cas concrets
Les deux exemples que j’ai présentés et décrit précédemment (la mosquée de Canteleu et de Dreux) illustrent ce point de deux manières différentes. Celle de Dreux, où le plan ne traduit pas une tentative réelle de faire cohabiter les deux fonctions culturelle et culturelle. C’est une traduction littérale, sans réelle recherche à mon sens. Elle répond aux besoins primaires de la mosquée (salles de prière et salles de classe). La morphologie est basique, ne permettant pas une réelle reconnaissance de celle-ci. Dans un sondage que j’ai proposé, je demandais aux sondés de deviner la fonction de la mosquée. Environ la moitié n’ont pas donné la bonne réponse. Contrairement à celle de Canteleu, où le plan est le résultat d’une recherche intéressante, distinguant le culte du culturel, sans pour autant les séparer. La morphologie architecturale cependant reprend la référence classique des mosquées maghrébines.


C’est là où je me demande à qui s’adresse réellement la mosquée ? Si c’est au plus grand nombre de personnes d’origines différentes, pourquoi valoriser une seule culture à travers l’architecture de l’édifice ? Ne serait-ce pas une façon maladroite de cibler une population, en excluant inconsciemment les autres ? Arriverons-nous à produire des modèles de mosquées dans le futur ouvertes à tous, construites dans un langage expressif et cohérent avec leur milieu ?

Tous les projets de mosquées récents cherchent à inclure l’aspect culturel dans leur programme, pour garantir une meilleure intégration dans l’espace urbain. Ainsi, on ne réserve pas la mosquée seulement à ceux qui viennent y prier, mais également à toute personne voulant venir au musée, à la bibliothèque, écouter une conférence dans l’auditorium, ... Je trouve ce concept extrêmement intéressant ! Le projet des architectes Daniel Andersson et Flügel Christiane à Dubaï propose une organisation verticale, où chaque étage correspond à une affectation (salle de prière, ablutions, auditorium, médiathèque, commerce, …) L’idée de la verticalité est justifiée par la volonté de mieux intégrer la mosquée dans la ville, surtout quand celle-ci est dense (Paris, New-York, Shangaï, …) et marquée par la verticalité (gratte-ciels). Il serait très intéressant d’apporter ce modèle en France pour amener une nouvelle réflexion. Les salles de prières sont sur plusieurs niveaux, pour que chacun puisse voir l’imam pendant la prière. Ce projet s’intègre à la fois grâce à son programme généreux, et à sa morphologie architecturale.
