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The Chocolatier’s Kitchen
Le livre sur le chocolat le plus beau, le plus complet et le plus innovant jamais publié
— Une mine d’inspiration et d’informations indispensables sous une couverture rigide de luxe — Davide Comaschi, maître du chocolat et responsable international de la création chez Barry Callebaut, partage ses connaissances. — Pour les vrais professionnels (pâtissiers, chocolatiers, chefs) ou les amateurs de chocolat chevronnés
The Chocolatier’s Kitchen est une délicieuse aventure pour les professionnels du chocolat. Découvrez les recettes de Davide Comaschi, maître mondial du chocolat, et de ses amis et surprenez les papilles de chacun avec des chocolats, des pralines fourrées, des préparations pour glaces, des pâtes à tartiner au chocolat et bien plus encore. Cette bible du chocolat de plus de 600 pages ne manquera pas de vous inspirer. Le chocolatier Davide Comaschi crée les compositions et les combinaisons de saveurs les plus impressionnantes avec, bien sûr, du chocolat. Il est actif en tant que directeur du centre Barry-Callebaut Chocolate Academy depuis 2016. En 2013, il a été le premier à remporter le World Chocolate Masters à Paris.
Société, Business & Économie
UN OBSCUR OBJET DE VOLONTÉ L’ATARAXIE OU L’ART D’ÊTRE HEUREUX

VI IV
«C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble.» Michel de Montaigne IX
III
LES ÉNIGMES DU MOI LE TEMPS HEUREUX DES TOUTOLOGUES Tout se transforme et nous sommes en perpétuel changement. Dès lors, quand je dis «Je Un lexème insolite désigne un phénomène socialement » ou «Moi je» ou avec un tour pléonastique « répandu qui consiste à distribuer son avis sur tout sans Moi personnellement, je pense que », qui est « Je connaître rien. C’est l’ultracrépidarianisme, l’arme fatale » ? Et qui est « Moi » ? des incompétents. L’automne succède à l’été, l’ours polaire disparaît des pôles Les mots, comme tout ce qui est vivant, ont une histoire et celle de l’ultracrépidarianisme provient d’un lointain pro verbe latinqui déclare sous la forme impérative Sutor, ne supra crepidam ! qui signifie littéralement « Cordonnier, et la Terre poursuit sa révolution, voilà qui s’appelleune série de changements. Comme le climat et comme les saisons et les heures, nous changeons également tout en demeurant ce que nous sommes. Mais alors, qui sommes-nous ? Sommes-nous « quelque chose », un « qui » identifiable pas plus haut que la sandaleou faut-il nous résoudre à admettre que nous sommes des ! ». Autrement dit : Foin d’au tosuffisance ! Ne te hasarde pas à outrepasser le champ des « additionnés », comme le formulait Romain Gary ? connaissances que tu maîtrises et limite-toi à parler de que tu connais vraiment !L’identité peut être comprise comme ce qui demeure identique à soi. Pourtant, est-il possible que les choses et les êtres D’où vient l’ultracrépidarianisme ? De Grèce et de Rome, c’est-à-dire du grec et du latin. Avant de perdre la vie lors

demeurent strictement identiques à ce qu’ils sont la question fondamentale qui, en 1865, se pose à Alice au chapitre chenille qui l’interroge d’une voix traînante « guid and sleepy voice « Vous, qui êtes-vous embarrassante et d’ailleurs Alice est bien embarrassée et nous sommes bien embarrassés, nous aussi, devant la ques tion de la chenille. Alice pourtant répond, hésitante, qu’elle ne sait pas trop qui elle est « sans doute le matin même mais qu’entre-temps, elle a chan LES ÉNIGMES DU MOI LE TEMPS HEUREUX DES TOUTOLOGUES gé tellement de fois qu’elle n’est donc vraisemblablement plus la même Alice qu’elle était le matin au réveil. La réponse d’Alice au bombyx du mûrier est un problème philosophique très ancien, répertorié depuis la Grèce an tique, sous le nom du Dans la pelle la légende de Thésée, rentré à Athènes vainqueur du Minotaure sur un navire à trente rames. Pour préserver le navire de l’usure du temps et célébrer la mémoire du hé ros, les Athéniens, raconte Plutarque, avaient retiré et rem placé les planches usées du bateau les unes après les autres, LE MEILLEUR DES MONDES LA BÊTE NOIRE DE DARWIN jusqu’au point où, de réparation en réparation, le bateau ne possédait plus aucun élément d’origine. Une dispute entre philosophes échauffa les esprits en ces termes : le bateau de XXV Thésée était-il le même ou bien ses transformations succes sives en avaient-elles fait un tout autre bateau ? LA BÊTE NOIRE DE DARWINPeut-être parce qu’il était issu d’un peuple de grands navi gateurs, le philosophe anglais Thomas Hobbes, est revenu sur ce problème nautique à l’époque moderne en émettant Il faut chercher du côté des mythes fondateurs pour comprendre pourquoi des professionnels de la valeur des voitures d’occasion et des spécialistes de la presse et de la communication ont pris pour nom de baptême Argos. Et pourquoi le concierge du collège Poudlard porte, sans DISPARAÎTRE POUR EXISTER qu’il soit question de hasard, le nom d’Argos Rusard. Argos est le nom de l’animal le plus tape-à-l’œil et le plus
L’ATARAXIE OU L’ART D’ÊTRE HEUREUX Dans l’industrie pharmaceutique, les responsables marketing font parfois preuve d’un certain savoir-faire philosophique dans le choix du nom des médicaments qu’ils produisent. Ainsi en est-il d’un antihistaminique aux vertus neuroleptiques appelé Atarax. Le principe actif de l’Atarax, l’hydroxyzine, est utilisé contre les manifestations de l’anxiété ou dans le traitement symptomatique de l’urticaire. L’anxiété et la peau, c’est tout un : l’Atarax agit à la fois sur l’âme et sur le corps, l’un et l’autre étant inextricablement liés, comme en était convaincu le philosophe grec Épicure, à qui l’on associe le terme technique d’ataraxie. Il existe un nombre considérable de fausses rumeurs associées au nom d’Épicure. Il suffit de prononcer son nom
XIX LE MEILLEUR DES MONDES Pourquoi habitons-nous ce monde-ci, avec ses vicissitudes et ses hideurs, alors qu’un autre monde aurait assurément mieux fait l’affaire ? Un philosophe polymathe, faisant fi de notre circonspection, a répondu avec optimisme prodigieux que nous habitons dans le meilleur des mondes possibles. Il porte accidentellement le nom d’une marque de biscuits au beurre ou mi-beurre, mi-chocolat mais de son vivant, il était savant, diplomate, philologue, juriste et mathémaGottfried Wilhelm Leibniz est un esprit rare dont
mal entretenue dans laquelle le destin a dû se fourvoyer et dont les habitants peuvent franchement mieux faire. Rien de tout cela pour le philosophe Leibniz, pas l’ombre d’une sombre pensée acrimonieuse ou alarmiste, car un architecte a tout pensé, tout prévu. L’architecte d’un grand immeuble des mondes possibles dont nous occupons, sans le savoir, le plus beau des appartements: le penthouse avec vue sur ciel, sur skyline ou sur mer. C’est du moins, à lire Leibniz, ce qu’il nous faut imaginer. La visite d’un appartement qui est un monde, c’est ce que Leibniz présente dans un traité de métaphysique qu’il écrit en 1710 en français à la suite de nombreuses conversations avec la reine Sophie-Charlotte de Hanovre, que ses intimes surnommaient Figuelotte et les historiens, plus solennelle ment, la Reine philosophe. Dans son Essai de Théodicée18, Leibniz se demande com ment trouver une explication au mal, au malheur et à tout ce que nous estimons désolant, en général, dans le cours habi tuel des choses. Pour répondre à ce problème métaphysique et moral, il crée une fiction qui prend pour point de départ « un palais d’un brillant inconcevable et d’une grandeur immense ». Ce palais n’est rien d’autre que le palais des des tinées depuis lequel un visiteur, comme s’il assistait à une représentation de théâtre, contemple tous les mondes qui auraient pu être, toutes les versions possiblesd’une infinité de mondes et de destinées. À mesure qu’il passe d’un étage à XIV l’autre, les appartements – qui s’élèvent les uns au-dessus des
UN OBSCUR OBJET DE VOLONTÉ Les objets connectés et les applications de nos téléphones portables peuvent-ils nous aider à vouloir ce que nous désirons vouloir ? Pavlov est un médecin et un physiologiste russe qui a remporté un prix Nobel en 1904 en reconnaissance d’une série travaux sur les formes automatiques de l’apprentissage, notamment chez le chien, ayant mis en évidence ce que l’on appelle le conditionnement des réflexes. Des ingénieurs contemporains ont décidé de lui faire un clin d’œil en baptisant une application du nom de Pavlok, se référant à une formule d’Aristote qui déclarait que nous sommes ce que répétons, que nous sommes une série d’habitudes et parmi ces habitudes, certaines ne sont pas nécessairement bonnes pour nous.
Ce qui est liquide s’oppose au solide. Chercher le chemin de l’eau en cas d’infiltration dans un mur est un véritable casse-tête : on perçoit souvent le dégât des eaux davantage que l’on en identifie les causes même si on sait, par expérience, que les fortes pluies, les vagues et la mer corrodent tous les éléments qu’elles touchent. Pour Zygmunt Bauman, nous sommes passés de sociétés « noix de coco» possédant des contours extérieurs solides et identifiables à des sociétés « avocat », pourvues d’une enveloppe extérieure molle, traduisant la volatilité, l’impermanence, la fluidité et le tourbillon du changement permaUNE SOCIÉTÉ LIQUIDE nent. Pour lui, une société est liquide lorsque les individus sont soumis à des vitesses de transformations telles qu’ils ne

Nous désirons arrêter letabac, le chocolat ou l’ davantage d’exercice physique ou nous lever plus tôt le matin, sans toutefois y parvenir par notre seule Comment repasser ces mauvais plis La technologie nous permet aujourd’hui de confier à un objet connecté d’être le gendarme de nous-mêmes en torisant à se substituer à notre volonté défaillante. Cet ob jet, c’est Pavlok, un bracelet un peu particulier qui rejoindre, avec une nuance de sadomasochisme pervers, le rang des applis de bien-être. Il comporte, sur fond noir, le sigle d’avertissement apposé à proximité des centrales élec triques, identique à la cicatrice que le héros Harry Potter porte sur son front à cause de Voldemort. Le bijou est conçu de manière à envoyer des décharges électriques à celui qui le porte afin de corriger ses vilains l’empêcher de céder à une mauvaise et dont il peine à se débarrasser. S’infliger délibérément des décharges électriques de dixsept à trois cent quarante volts sous couvert de bien-être relève de l’autopunition mais il y a un problème sion électrique qui nous indique que nous sommes fail libles demeure extérieure à nous-même. Autrement dit, Pavlok-le-punisseur se substitue à notre volonté. Or qu’est-ce que la volonté ? Selon sa définition classique, qui prend en compte notre liberté de choisir la manière de nous orienter dans les méandres de l’existence, la volonté peut se définir comme une autodétermination à agir. Pour tant un philosophe allemand, déprimé depuis l’âge de six ans et qui détestait tout le monde a l’exception de ses ca niches, a donné à la volonté une configuration spectaculai rement différente. Schopenhauer a fait moins qu’un principe métaphysique. Il s’est saisi d’une ma juscule pour en montrer l’importance et a appel XV

XXX LES COPAINS D’ABORD Dès l’origine de la philosophie – et dans le mot philosophie se trouve le verbe grec philein qui veut dire aimer – les philosophes, ces grands amoureux des choses du monde et de la vie quotidienne, sont convaincus que l’amitié est la condition du bonheur. Dans l’histoire de la pensée occidentale, c’est chez Aristote édition limitée, un thé, un alcool rare et précieux, du cho que l’on peut lire pour la première fois une réflexion théo- colat ou une bouteille de vin parce que nous estimons que rique sur la nature de l’amitié et c’est principalement à lui que l’on se réfère pour parler de ce sujet même si, pour être équitable et faire bonne mesure, il convient également d’innos hôtes ont droit au meilleur de ce que nous possédons. Une règle absolue a ainsi traversé le temps et les mœurs : celle des échanges que l’on appelle des cadeaux. Mais pour quoi offrons-nous des fleurs, du vin ou des chocolats pour voquer Montaigne. répondre à une invitation symbolique un engagement dans la relation. Le don dit : Pourquoi accorder tant de place à l’amitié? Simplement « Vous m’obligez en me faisant la faveur d’une invitation et parce que l’amitié est l’affaire de tout le monde et qu’elle je vous rends symboliquement par ce don (ces fleurs, ce vin est un lien universel. Pour Aristote, seul Dieu, l’animal et ou ce chocolat) un gage d’alliance et de paix. M’ayant invité, je vous dois implicitement à mon tour une invitation ou un don équivalent, que vous me rendrez plus tard par un comportement qui entretiendra la relation et qui engagera un processus de paix. »

les objets sont étrangers à ce sentiment véritablement hu main. Pourtant, avant d’être un pur sentiment, l’amitié est surtout une vertu qui régit la vie en commun des hommes et qu’il définit comme la sagesse de ceux qui désirent vivre ensemble. Autrement dit, l’amitié est un lien de réciprocité qui réunit deux ou plusieurs personnes de manière privilé giée, sous le signe de ce qu’ils ont en commun. Ce type de lien particulier qui nous lie aux autres, les Grecs l philia ou encore «amour d’amitié», pour distinguer cet « amour d’amitié» de l’amour passion, désir et sur le manque. Dans la pensée grecque, l’amour se LES COPAINS D’ABORD distribue entre trois pôles : Eros, qui est une sorte de folie dont le désir nous tourmente, philia, qui désigne un lien entre deux êtres fondé sur la réciprocité et le partage et en fin agapè, en latin caritas, l’amour de charité ou l’amour dans son versant inconditionnel, qui se donne sans rien at tendre en retour. L’amitié, ou «l’amour d’amitié» n’est donc pas une petite chose sans importance que l’on peut brader ou que l’on est en droit de négliger sous peine de la perdre. Dans à Nicomaque, Aristote s’interroge sur ce qu’est une amitié véritable et il répondque ce n’est pas un lien faible, fondé sur l’intérêt, sur le plaisir ou au gré léger des circonstances mais un lien qui unit une seule et même âme en deux corps. Montaigne ne dira pas autre chose. Lui, le penseur solitaire enfermé dans le donjon de son château, avait un seul ami, Étienne de La Boétie. Les deux amis s’aiment, pendant cinq ans, d’une amitié fervente jusqu’à la mort prématurée de La Boétie à l’âge de trente-trois ans et Montaigne, dans une désolation infinie, lui survivra trente ans. Il manière prémonitoire, porté par la force de ce lien essen tiel : « Si le destin le veut, la postérité, sois-en nos deux noms sur la liste des amis célèbres DONNER, RECEVOIR ET RENDRE

