Trois Couleurs # 116 - Novembre 2013

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Capitaine Phillips Un film de pirates au temps de la mondialisation : tel est le principe de la dernière réalisation de Paul Greengrass qui, après Vol 93 et la saga Jason Bourne, confirme qu’il est un solide fabricant de thrillers vaguement adaptés de faits réels. PAR JULIEN DUPUY

©2013 columbia pictures industries

Derrière le style documentaire qui a fait son succès depuis la saga Jason Bourne (lumière réaliste grisonnante, caméra portée parkinsonienne) et son attirance pour des grands sujets de société contemporains, Paul Greengrass est finalement moins un cinéaste engagé à thèmes qu’un bon professionnel du divertissement. C’était déjà le cas de Vol 93 qui, en se focalisant sur l’un des épisodes héroïques du 11-Septembre, proposait un trip efficient – mais vide de sens – sur un drame d’une complexité pourtant abyssale. C’est une nouvelle fois le cas de Capitaine Phillips, un thriller inspiré de l’histoire vraie d’un capitaine de navire marchand aux prises avec des pirates somaliens. Il y a manifestement beaucoup à dire autour du clivage social entre ces deux univers contraints de cohabiter, mais aussi sur ce choc culturel qui

aboutit à un dialogue de sourds, et enfin sur l’impossibilité, pour la société occidentale, de résoudre une telle situation de crise autrement que par l’emploi de la force. Mais, à quelques lignes de dialogue près, Greengrass a préféré opter pour un traitement direct et sans fioritures des événements, quitte à verser dans le manichéisme – son capitaine Phillips, interprété par un Tom Hanks impeccable, est aussi vertueux qu’un super-héros Marvel. Ce que le film perd en complexité, il le gagne en efficacité. Finalement, Capitaine Phillips est une très honorable distraction du samedi soir. Ni plus, ni moins. de Paul Greengrass avec Tom Hanks, Barkhad Abdi… Distribution : Sony Pictures Durée : 2h14 Sortie le 20 novembre

3 QUESTIONS À PAUL GREENGRASS Comment s’est déroulée la cohabitation entre Tom Hanks et les acteurs débutants ?

J’ai fait en sorte qu’ils ne se rencontrent jamais avant le tournage de leur première confrontation. Et c’est en voyant le regard de Tom Hanks, quand Barkhad Abdi l’a invectivé en improvisant la réplique « Regarde-moi ! C’est moi le capitaine maintenant ! », que j’ai su que le film allait fonctionner.

Pourquoi avoir choisi de tourner en pleine mer ?

Le décor naturel me permettait de construire un langage visuel qui repose sur l’opposition entre cet énorme navire marchand et le minuscule bateau somalien qui le poursuit. Ce rapport de force s’inverse dans la seconde partie du film, quand les personnages fuient l’armée américaine à bord d’un petit canot de sauvetage.

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Peut-on dire que ce film est un western des temps modernes ?

Totalement. Comme tous les westerns, Capitaine Phillips est une histoire qui repose sur les frontières, qui en l’occurence ne séparent plus la civilisation du monde sauvage, mais les pays développés du tiers-monde. C’est également un duel entre deux hommes au milieu d’un décor dénudé ; à la place du désert, nous avons


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