Trois Couleurs #142 - juin 2016

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LA FORÊT DE QUINCONCES

Avec

ses dialogues écrits en vers et son intrigue amoureuse tirant vers le fantastique, le premier long métrage de l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet est de nature aventureuse et exaltée. Paul (Leprince-Ringuet lui-même) aime Ondine (l’impétueuse Amandine Truffy) à se damner, mais la jeune fille étouffe et préfère le quitter. Dès lors, il fait le vœu de ne plus jamais aimer… Le film est écrit dans une très belle langue, avec des dialogues poétiques qui font des allers-retours entre vers et prose. On passe ainsi souvent d’un langage très sophistiqué à un registre beaucoup plus spontané – des changements de style qui font écho aux atermoiements sentimentaux des personnages. Si on est d’abord perturbé par l’artifice des dialogues, qui pourraient paraître un peu raides ou empesés, on est ensuite conquis par leur musicalité, le film

faisant preuve d’un lyrisme audacieux, passionné. À travers ce langage élaboré et des personnages souvent montrés en situation de fuite, comme s’ils voulaient sortir d’un cadre amoureux trop rigide, il est aussi question de contrainte et de liberté. Paul brise son serment et finit par tomber dans les bras de Camille (Pauline Caupenne, mystérieuse), qui use d’un sortilège pour faire de lui un captif amoureux. Cette échappée vers le fantastique correspond à une croyance qui est au cœur du film, celle du pouvoir d’envoûtement des mots. • QUENTIN GROSSET

— : de Grégoire Leprince-Ringuet (1 h 49) avec Grégoire Leprince-Ringuet, Pauline Caupenne… sortie le 22 juin (Alfama Films)

3 QUESTIONS À GRÉGOIRE LEPRINCE-RINGUET Qu’est-ce qui vous intéresse plus particulièrement dans la poésie ? J’en lis depuis que je suis très jeune et j’ai une préférence pour la poésie versifiée. Ce qui me charme le plus, c’est la concordance entre le sens des mots et la construction, la musique de la phrase. Paul Valéry est mon poète préféré, parce que sa langue est à la fois très articulée et très sensuelle.

À quoi correspond le motif de la forêt plantée en quinconce dans laquelle Paul se perd ? C’est l’idée qu’il est beaucoup plus facile de se perdre dans un univers très normé, rectiligne, que dans le chaos, où l’on peut se créer nous-mêmes des points de repère. Je pense que le désordre de la vie peut aider à faire des choix. 72

Le film est littéraire, mais aussi très physique, notamment dans la scène de danse. Je voulais que Paul et Camille se rencontrent avec leur corps avant de s’adresser la parole. J’ai fait appel à la chorégraphe Georgia Ives. Dans ses chorégraphies, il y a toujours un moment où on a l’impression que les mouvements sont des gestes quotidiens.


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