Trois Couleurs #111 - mai 2013

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©potemkine

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Extrait du Joli Mai

foire. Et puis, nous étions en pleine découverte des gens, tout le temps surpris par eux. En fin de journée, nous parlions de ceux qu’on avait rencontrés, nous étions fascinés. Comme ce jeune militant du FLN qui apparaît à la fin du film : il faut voir comment il parle de la vie, des femmes, de la guerre… Avec ce film, j’ai appris à écouter, alors que dans mon métier, on a davantage l’habitude de regarder – on est presque sourd quand on filme. À partir du Joli Mai, nous avons formé une équipe inséparable avec Chris et Antoine. Y avait-il beaucoup d’heures de rushs ? Avezvous participé au montage ? C’est toujours délicat de faire face à une telle richesse de matériau. Il y avait quarante-cinq heures de rushes, le premier montage faisait sept heures. Des courts métrages ont été réalisés avec les chutes. On se promettait d’en utiliser pour monter d’autres films, mais malheureusement beaucoup de choses ont été perdues. Je n’ai pas participé directement au montage – à ce moment-là, j’étais en sanatorium. J’en parlais avec Chris au téléphone. Chris n’a gardé au montage que les gens qui étaient intelligibles, pittoresques mais pas trop. Car c’est le danger lorsqu’on filme des gens dans la rue : se laisser happer par le pittoresque. On peut rapidement

« Avec ce film, j’ai appris à écouter, alors que dans mon métier, on a l’habitude de regarder. » tomber dans la mystification. Ce qui me frappe également, c’est la façon dont les gens s’expriment, très bien, avec du vocabulaire, et sans chercher à se donner en spectacle. Dans le film, la voix off dit que dans dix ans, les gens ne reconnaîtront plus ces lieux. Aviez-vous l’impression d’immortaliser un Paris appelé à disparaître ? Je connais bien Paris, j’aime beaucoup cette ville. J’ai filmé le Paris que je connaissais et il a beaucoup changé depuis. Une ville, c’est comme un visage : lorsqu’on le regarde tous les jours, on ne le voit pas changer. Mais en vingt ans, les transformations sont énormes. Je pense au quartier des quais de Seine : les habitants ont changé, le paysage a changé. La prison de femmes de la Roquette n’existe plus non plus, c’était l’une des dernières prisons de Paris.

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