BNQ quarterly (20/06/2018) - La ville réinventée

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Une smart city ne se résume pas à la technologie Des applications high-tech ne sont pas toujours indispensables pour développer une smart city. Le sociologue urbain Stijn Oosterlynck (UAntwerpen) préfère s’intéresser aux "smart citizens". En effet, en matière de lutte contre la pauvreté et de problèmes de diversité, la technologie ne remplacera pas l’humain. Cette approche est également payante pour les entreprises.

u’entendez-vous par ‘intelligent’?", interroge Stijn Oosterlynck. "La technologie seule ne fait pas la différence: comment allezvous l’utiliser? À quelle fin? Pour répondre à quels besoins? Dans quel contexte? La ville est mon champ de recherche. Pauvreté et cohabitation dans la diversité sont mon quotidien." "Une technologie intelligente pourrait par exemple permettre de verser automatiquement les allocations qui leur reviennent à ceux qui vivent dans la pauvreté. Car ne vous y trompez pas: il y a plus de gens qui ne perçoivent pas d’allocations auxquelles ils ont droit que de gens qui profitent d’allocations auxquelles ils ne peuvent en réalité pas prétendre. Parce qu’ils ne sont pas informés, qu’ils ne remplissent pas ou remplissent mal des formulaires pour des bourses d’études ou des primes au logement,

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qu’ils les envoient hors délai, etc. Pourtant, l’administration dispose d’une masse d’informations. En les fusionnant, elle pourrait donner à ses administrés ce à quoi ils ont droit. Je n’ai entendu aucun dirigeant politique discuter de cette proposition sous la forme d’une application ‘smart city’. Cela en dit long sur leurs priorités."

Impliquer les citoyens Stijn Oosterlynck voit donc peu de tentatives pour mettre sur pied de véritables projets collaboratifs avec les citoyens à Anvers. "L’administration communale manifeste une vision de la ville intelligente exclusivement centrée sur les entreprises. Celles-ci peuvent collecter des données et développer de nouveaux produits sur cette base. Grâce à des applications, les places de stationnement disponibles sont gérées plus efficacement. Certes

LES APPS N’ONT AUCUN IMPACT SUR LES FONDEMENTS DU PROBLÈME DE LA MOBILITÉ: IL Y A TROP DE VOITURES! Stijn Oosterlynck, UAntwerpen

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utiles, ces apps n’ont toutefois aucun impact sur les fondements du problème de la mobilité. Le souci, c’est qu’il y a trop de voitures!" Le projet Curieuzeneuzen ("nez curieux"), dans le cadre duquel des citoyens mesurent la qualité de l’air dans leur ville, est en revanche un bel exemple de projet smart city. "La technologie n’est pas des plus avancées: vous faites appel à des citoyens pour collecter les données à grande échelle et cartographier un problème", observe Stijn Oosterlynck. "Simultanément, vous les intégrez dans le processus de réflexion qui doit mener à des solutions. Comment rendre une ville plus saine et plus viable? La technologie, dans ce cadre, n’est pas essentielle. Souvent, elle autorise trop peu de participation. D’où mon scepticisme." Parfois, la technologie est utilisée là où on l’attend le moins. "Le récent flux de réfugiés du Moyen-Orient exploite habilement la technologie GSM et les médias sociaux. Comment rejoindre Bruxelles à pied, à partir de la Syrie? À quoi faire attention? Chez qui pouvez-vous vous rendre? Les réfugiés sont des early adopters de technologies smart city. GSM et médias sociaux sont des instruments cruciaux pour eux. Ils peuvent abandonner leur foyer et tous leurs biens, mais pas leur smartphone."


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