JSH® Magazine | 01/2019 | 143ème année

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143e ANNÉE

JSH.SWISS JUIN 2019 SPECIAL SALON EPHJ-EPMT-SMT CONGRES SSC PRIX GAÏA ABO CHF 18.76 / AN CHF 14.30 | € 12,91

® SINCE 1876

Le plus grand tourbillon du monde (cage de 27mm de diamètre) tutoie le plus ancien journal horloger (fondé en 1876). Deux records en «  une  » de ce JSH. Développé par un motoriste de La Chaux-de-Fonds présent dans ce numéro, en exclusivité pour et avec une marque neuchâteloise ultra-luxe, le calibre KRB-08 Tourbillon volant central géant, remontage mécanique, 18’000 alt/h, 34 rubis et 54h de réserve de marche.


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ÉDITO JSH, la voix du secteur Créé en 1876, le Journal Suisse d’Horlogerie est rapidement devenu, dans la pratique, le JSH. Economie de salive oblige, c’est ainsi qu’on le désignait dans le secteur. Retour aux sources donc en 2019, ou plutôt aux usages. Retour aussi, côté contenu, à ses valeurs fondatrices. Car, pendant plus de 50 ans, il a régné entre autres autant comme seul organe officiel de la Foire de Bâle, que comme porte-parole de la SSC, la Société Suisse de Chronométrie. C’est donc ainsi qu’en 2019, il revient. JSH, le journal du secteur horloger, parce que les personnels de cette branche et leurs proches, leurs amis aussi, méritent aujourd’hui de disposer de leur propre journal suisse d’horlogerie, et non plus seulement des magazines destinés aux clients des marques ou, plus laborieuses, des fiches techniques ou des documentations de travail à ramener chez soi. Un média suffisamment luxueux, sans ostentation, qui réponde aux codes d’un vrai magazine. Bref, un canard léger, solide, qu’on embarque à la maison, qu’on partage, commente et critique. Un vendredi, au SIHH du temps où c’était encore le jour dédié aux fournisseurs : quatre à cinq visiteurs se retrouvent face à une vitrine, attirés par un superbe garde-temps. Dans leurs yeux, autrement que chez n’importe quel spectateur, une pincée de poudre magique. En y regardant de plus près, chacun d’eux a eu cette montre sur son établi, dans sa fabrique ou chez l’un de ses sous-sous-traitants, cet artiste-artisan hors pair. Tous la découvrent néanmoins pour la première fois en version finie, pimpante, lustrée.

La même fierté ! Sur les cinq pourtant, deux seuls se connaissent. Et la marque ne sortira même pas de son stand pour les saluer. Le pourrait-elle ? Qui peut savoir qu’à ces cinq-là, les collaborateurs sur place doivent leur raison d’être et la grande richesse des mots qui les inspirent ? JSH a cette mission : que sur les cinq, quatre se quittent en s’étant reconnus, et que quelqu’un de la marque s’interrompe pour venir les saluer : un bravo, une chaude poignée de main ou juste une tape sur l’épaule... Interdit aux marques, première mondiale ? Vrai, JSH en magazine imprimé refuse désormais la publicité des marques de montres à l’exception des visites de musée, des inaugurations de manufactures (auxquelles les fournisseurs sont souvent conviés) et des offres d’emploi. Pas d’annonces produit. N’est-il pas rassurant de lire un sujet sur un garde-temps en sachant qu’il n’existe aucune possibilité pour que le discours ait été influencé par le risque de perdre un annonceur ? Hors d’une telle logique, aurais-je pu écrire à quel point la marque Baume m’a heurté (page 70) ? En tant que lectrices, les marques ainsi que leurs sphères décisionnaires, seront par contre bichonnées. Car le secteur auquel elles appartiennent et à qui elles doivent une partie de leur excellence, a désormais une voix, indépendante. JSH, humblement, respectueux des discrétions d’usage, s’attachera à montrer la beauté des gestes, des matériaux, des savoirfaire. Ou simplement, à raconter les belles histoires entrepreneuriales d’un riche tissu et de ses terroirs. Joël A. Grandjean, rédacteur en chef

jag@jsh.swiss

#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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Moment Bienvenue à l’ephj Le plus grand salon international de la haute-précision Rendez-vous déjà en 2020, à Palexpo Genève, du 16 au 19 juin. Avis à tous les instagrammeurs et autres geeks de la connectivité, le hashtag de cette année est : #EPHJ2019. Photo : Inauguration du Salon EPHJ par M. Schneider-Ammann, président de la Confédération, accompagné des deux fondateurs, André Colard et Olivier Saenger, du Conseiller d’Etat, Mauro Poggia, de Robert Hensler et du Directeur général de Palexpo, Claude Membrez.

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#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019


Valeurs durables et souffle neuf Dès 2019, le salon fait évoluer son identité visuelle et son nom (voir en couverture 4 de ce magazine). EPHJ est devenue une marque connue dans le monde entier. Ses pères fondateurs, André Colard et Olivier Saenger, ont su passer le flambeau tout en entretenant la flamme. Et si l’horlogerie demeure sa locomotive et son socle dur, les autres branches de la haute précision sont en également en plein essor tandis que le nombre d’exposants actifs dans les medtech propulse l’événement en tête des rassemblements suisses de ce secteur d’avenir. L’idée de créer des ponts entres ces trois domaines, de les réunir formellement durant quatre jours et sous trois couleurs distinctes a montré toute sa pertinence au fil des années. Car les outillages et les compétences de la même famille permettent aux entreprises de s’enrichir entre elles, en échangeant des idées, des technologies, des procédés et des innovations. Bonne visite! Stephan Post / Dynamics Group #JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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Juin 2019 JSH® un magazine soutenu par JSH Archives & Patrimoine, association créée pour faire revivre le plus ancien magazine horloger, le Journal Suisse d’Horlogerie, et pour digitaliser l’ensemble de ses éditions entre 1876 et 2002. Organe officiel de l’association JSH Archives & Patrimoine 12, James-Fazy 1201 Genève www.journal-suisse-horlogerie.swiss Editeur et rédacteur en chef Joël A. Grandjean, journaliste RP jag@jsh.swiss m +41 76 328 03 79 tel +41 44 586 79 27‬ Journalistes Anna Aznaour, journaliste RP anna@aznaour.com

Me Marc-Christian Perronnet conseil en propriété intellectuelle mc@perronnet.law

SOMMAIRE

Agences de presse : TàG Press +41, Agence de presse 12, Bd. James-Fazy, 1201 Genève www.tagpress41.info ProWatCH Savoirs & Horlogers Suisses www.prowatch.ch 143E ANNÉE

Photographes, crédits photos DR / Visuels et photos libres de droits fournis par les entreprises citées. ©Guy Luca de Peslouan, studio@artsight.fr ©Grégory Maillot, info@point-of-views.ch @Marie Demille demille@web.de Service de traductions St-LuSwiss, Shaniah Asha Gibson, présidente st.luswiss@gmail.com

Remerciements Emmanuel Alder, journaliste / TàG+41 Guy Laurent Ballif, André Colard, emmanuel.alder@gmail.com Imed Hajam, Marco Gabella, Shaniah Asha Gibson, Alain et Thomas Baillod, expert Olivier Guttly, Bernard Marendaz, Fondateur de la Amarildo Pilo, Olivier Saenger, Igor Sokolov, Watch-Trade Academy Alexandre Takacs, Kalust Zorik info@watch-trade.academy Ollivier Broto, journaliste, expert horlogerie / TàG+41 obroto@tagpress41.info Albert-J. de Buttes-LaCôte, journaliste / TàG+41 ajdlc@tagpress41.info Vincent Daveau, horloger, journaliste historien rédacteur en chef de Express Montres (F) v.horloger@orange.fr

EPHJ-EPMT-SMT Direction & Team Alexandre Catton, André Colard, Stephan Post, Olivier Saenger Jean-Daniel Dubois, entrepreneur jddubois@bluewin.ch

Publicité, Relations Publiques Association JSH, Archives & Patrimoine Philippe Perret du Cray (PPDC) Secrétaire Général ppdc@jsh.swiss adv-pr@jsh.swiss

Impression GroupeDoc SA - Fadi Marachly Chemin du Coin 8D CH-2501 Bienne fadi.marachly@groupdoc.ch‬ Abonnements & Soutiens abo@jsh.swiss / CHF 18.76/an presidence@jsh.swiss Compte CCP 15-269360-9 IBAN CH84 0900 0000 1526 9360 9 BIC/SWIFT POFICHBEXXX

Prix au numéro Séverine Favre, Responsable numéro ISBN-ISSN (en cours) formation professionnelle Convention CHF 14.30 / EUR 12.91 Patronale de l’Industrie Horlogère Suisse Abonnement annuel CHF 18.76 s.favre@cpih.ch Fabrice Mugnier & Suzanne Wettstein fondateurs de Watchprint, éditeurs libraires de l’horlogerie. Anciens éditeurs de Journal Suisse d’Horlogerie - JSH info@watchprint.com

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#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

ABO CHF 18.76 / AN CHF 14.30 | € 12,91

Le plus grand tourbillon du monde (cage de 27mm de diamètre) tutoie le plus ancien journal horloger (fondé en 1876). Deux records en « une » de ce JSH. Développé par un motoriste de La Chaux-de-Fonds présent dans ce numéro, en exclusivité pour et avec une marque neuchâteloise ultra-luxe, le calibre KRB-08 Tourbillon volant central géant, remontage mécanique, 18’000 alt/h, 34 rubis et 54h de réserve de marche. ©Credit-Photo-Kerbedanz JOURNAL-SUISSE-HORLOGERIE.SWISS

Cage du tourbillon le plus grand du monde en montre bracelet, le Maximus de Kerbedanz. Calibre conçu, manufacturé et fabriqué par et pour Kerbedanz avec Concepto à La Chaux-de-Fonds

Maquette originale Copyrights et droits d’auteur Bernard Marendaz Sur autorisation spéciale, cession à Joël A. Grandjean b.marendaz@optiproduction.com

Informatique & Solutions Online Lee Warrien, rédacteur / TàG Press +41 Alexandre Takàcs a@atc.ch lwarrien@tagpress41.info Contributions, expertises Pierre Amstutz, directeur Ecole d’Horlogerie Genève pierre.amstutz@edu.ge.ch

JSH.SWISS JUIN 2019 SPECIAL SALON EPHJ-EPMT-SMT CONGRES SSC, PRIX GAÏA

Spéciales dédicaces Marie Demille, Peter G. Rebeiz, Dave-William, Ralf-Arnaud, Manon, Zoé

Press design et mise en page Gael Lugaz / Brandlift, graphisme, press design Henri-Maxime Khedoud, journaliste RP hello@brandlift.ch hmkhedoud@gmail.com Marton Radkai, journaliste RP rédacteur en chef de Wristwatch Annuel traducteur & rédacteur expérimenté m.radkai@bluewin.ch

® SINCE 1876

©JSH® Marque déposée La reproduction même partielle des articles, photos et illustrations parus dans JSH – Journal Suisse d’Horlogerie est encouragée sous toutes ses formes, éditoriales ou électroniques, sous réserve de demande préalable et d’autorisation écrite.

Moments

03 Edito Journal du secteur horloger, JSH revient

Echo des fabriques News, focus et apartés 04, 13, 17 Salon EPHJ-EPMT-SMT

#EPHJ2019, ouverture et bienvenue Le temps d’un expresso, Alexandre Catton Grand Prix des Exposants, tables rondes

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Livres

et plus si entente…

70 Observatoire Le scandale Baume L’agaçante Code 41

72 Pierre-Yves Donzé, historien L’interview, le livre Haute-Horlogerie face à la vérité historique 74

Opinion

Mauvaises pratiques


Le partenaire global spécialisé dans les solutions de production de composants, de mouvements et d‘habillage horlogers

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SOMMAIRE Moteur

Métiers

20, 23

Ouverture et dossier

Echappements libres, questions taboues Faudra-t-il réinventer le tic-tac ?

28

AgenGraphe

42,45

Le chronographe réinventé

Ouverture & dossier

Futurs métiers et relève, interview

48 Métiers et portraits

Grâce à l’horlogerie, artiste à Berlin Miss beauté horlogère chez Patek Philippe Le dernier chainiste de Suisse et de France Formateurs: Denis Flageollet et Sven Andersen

Matières 30, 33

Ouverture & dossier

Le temps, la nuit Luminosités cadranières et reflets historiques

38 « Arpanisation »

Montres et matières parfois loufoques

Marché 56

Ouverture & dossier

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Agence M.P. Berthoud, Skybrands

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Watchbox, l’ambitieuse

La grande bataille des marges Les intermédiaires dans le viseur

Le ciel à portée des regards

#JSH1876 #JournalSuisseHorlogerie #EPHJ2019 Prochaine parution JSH® Magazine, fin novembre 2019 Abo annuel à JSH® CHF 18.76* / an & donations – presidence@jsh.swiss *1876, année de création du Journal Suisse d’Horlogerie (CHF 20.— acceptés !)


UNE SYMPHONIE DE SAVOIR-FAIRE Dubois & Dépraz SA Grand-Rue 12 CH – 1345 Le Lieu

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MOMENTS

Expresso avec Alexandre Catton Directeur du Salon EPHJ-EPMT-SMT Propos recueillis par Joël A. Grandjean Depuis 2016, ce chef de projet Palexpo manage le plus grand salon professionnel de Suisse qui, en 2019, affiche une bonne santé. Il le développe dans le respect des valeurs instaurées par ses fondateurs, André Colard et Olivier Saenger. Interview cash ! Quelques chiffres, hors micro SVP ? Plus de 800 exposants suisses et internationaux, dont plus de 700 déclarent une activité horlogère et 330 actifs dans les medtech. 20’000 visiteurs professionnels venant des 5 continents. Des chiffres simples qui indiquent pourquoi nous sommes le plus important salon professionnel de Suisse. La bonne santé du salon n’est-elle pas insolente face aux interrogations du moment sur la nécessité des salons ? Nous sommes là pour mettre en valeur les savoir-faire dans les secteurs de la haute précision avec un modèle B to B qui privilégie le business. Cette différence, c’est notre atout majeur. Baselworld et le SIHH abandonnés par de prestigieuses enseignes, cela vous laisse-t-il indifférent ? La vitalité de ces deux salons est indispensable pour la haute horlogerie. Toute la communauté horlogère dont nous faisons partie doit aller dans le même sens car la qualité des produits finis dépend beaucoup des compétences des fournisseurs. Le côté convivial et ambiance industrielle du salon n’est-il pas un frein à la visite des CEO de marques habitués aux tapis rouges ? Ils adorent venir. Nous les croisons chaque année et ils apprécient ces

moments avec leurs fournisseurs ou de jeunes entreprises novatrices. Ils viennent en visiteurs, ils sont beaucoup plus décontractés. Chacun d’eux est à la recherche des innovations qui, demain, feront la différence. Se cachent-ils lors de leur visite, pour ne pas révéler leur dépendance au secteur de la cotraitance et avouer donc que même la plus intégrée des manufactures en a besoin ? Ils ne se cachent pas, ils apprécient que tout le monde soit sur un pied d’égalité et que nous ne sortions pas les trompettes pour les accueillir. Ils peuvent se promener à leur guise, saluer leurs amis sous-traitants et scruter chaque stand à la recherche de la nouveauté qui les intéressera. Sans blague, le phénomène d’un nombre de visiteurs collectionneurs en recrudescence existe-t-il vraiment ? De plus en plus. Certains d’entre eux sont plus experts que certains collaborateurs dans l’horlogerie. Ils adorent rencontrer les horlogers et leur poser mille questions.

Ne plus grandir, vous l’affirmez. Il y a pourtant encore de la place à Palexpo Genève ? Très peu de places si nous voulons conserver une unité de lieu sur un seul niveau ; ce qui est notre souhait. Nous sommes clairs là-dessus et les exposants l’apprécient. Écoles, start-up, métiers rares sont, dites-vous, les bienvenus. Concrètement, vous faites quoi pour eux ? Nous leur proposons des conditions extrêmement favorables. Parce que c’est notre rôle de faire émerger de nouveaux talents, de promouvoir la formation ou de protéger les métiers rares. Tables rondes thématiques, Grand Prix des Exposants... Est-ce vraiment utile ? Plus que jamais ! Il faut conserver une certaine hauteur de réflexion et anticiper l’avenir. Et donner l’éclairage nécessaire à celles et ceux qui innovent vraiment et bouleversent notre industrie. Au fait, vous refusez totalement le produit fini dans les vitrines de vos exposants ? Oui, nous regroupons la sous-traitance en amont et en aval du produit fini. Et non pas un salon de marques même si nous aimons que leurs représentants nous rendent visite. n #JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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MOMENTS

L’ÉCHO

DES FABRIQUES

Henri Robert SA dompte les matériaux durs et rebelles

Des petits pas aux grandes enjambées. Cette fabrique d’avant-garde présente au Salon EPHJ-EPMT-SMT 2019 est spécialisée dans la fabrication d’outils de coupe, parfois vraiment minuscules. Son histoire est solide : au milieu des années 60, les fabricants d’outils de coupe de haute précision étaient rares dans l’horlogerie. Henri Robert perçoit le besoin. Il quitte Zenith pour acheter quelques machines afin de fabriquer ce type d’outils. Aujourd’hui, devenue PME high-tech basée à la Chaux-de-Fonds, l’entreprise reprise par Thibault Richard produit des outils pour fabricants de composants, de mouvements au 1/10ème de millimètre ainsi que de matériaux réputés durs et rebelles. Elle réalise également des outils spécifiques comme ces fraises de forme pour l’usinage de boîtes de montres ou ces minuscules microfraises. La dizaine de mécaniciens tient des délais inhabituels dans ce secteur, de trois à dix jours. Ses clients ? Des marques horlogères de renom, des décolleteurs et des structures dans le médical, l’automobile et la mécanique générale. _HMK/JAG n www.henri-robert.ch

Meccad, le bureau d’études de demain

Passer de la conception de systèmes et des simulations numériques avancées au développement en parallèle de ses propres produits, tel est le défi de Meccad, une PME de Cossonay. Pour Eric Perrier, fondateur de ce bureau de conseil et d’ingénierie, l’innovation est une quête permanente. Cet ancien de Zenith vient du monde des étampes et du découpage de la matière. L’horlogerie est son terreau. Pour s’adapter au marché en constante évolution du conseil en ingénierie, Eric Perrier et son équipe profitent de leurs connaissances des besoins de l’industrie microtechnique pour développer une servopresse électrique à même de répondre à la demande des secteurs horloger et médical. Grâce à elle, le montage des composants horlogers pourrait gagner en rapidité et précision. Un outil clef-en-main que Meccad s’apprête à livrer au marché en quête d’optimiser ses opérations d’assemblage et de contrôle. _HMK/ JAG n www.meccad.com

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Bracelets indispensables, écolos.

Promotion Spa, basée à Vicence, berceau italien de la joaillerie et des composants pour l’horlogerie, faisait à ses débuts dans le bracelet pour montre en métal. Aujourd’hui, elle en réalise en acier ou céramique, des boucles ardillon en titane et des fermoirs si raffinés qu’ils séduisent les marques horlogères prestigieuses. Enfin pour se prémunir contre les risques allergiques de certains composants, l’entreprise fidèle du salon EPHJ-EPMTSMT, recourt à de l’acier à faible teneur en souffre, un procédé de fabrication respectueux de l’environnement. _HMK n www.promovi.it/

#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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MOMENTS

Réflexions pour l’avenir, thématiques et conférences Quatre jours pour un tour du monde Lee Warrien

La cuvée 2019 des tables rondes organisées par les organisateurs du Salon EPHJ-EPMT-SMT balaie le large spectre des problématiques actuelles et à venir. Modérateurs, résumés des sujets. A vos blocnotes…

MERCREDI 19 JUIN 2019 11h00 à 12h30, table ronde Intégration verticale des fournisseurs ou partenariat technologique : l’avenir de la sous-traitance ? Orateur, Joël A. Grandjean, rédacteur en chef de JSH Par le passé, les grandes marques rachetaient leurs fournisseurs et les intégraient dans un principe de verticalisation de la production. Une tendance semble aujourd’hui se confirmer : ce sont les fournisseurs eux-mêmes qui opèrent ces intégra-

Grand Prix des exposants Dans l’édition prévue pour fin novembre 2019, JSH Journal Suisse d’Horlogerie présentera le gagnant du Grand Prix des Exposants. Cette récompense salue une entreprise présente au salon, pour ses hautes valeurs d’innovation, sélectionnée par ses pairs. Les nominés sont  : Beckhoff New Automation Technology, Dense Fluid Degreasing SA, Ellistat, FemtOprint, GF Machining Solutions International SA.

L’entrepreneur Ramon Iso du groupe Sercab, sera présent à la table ronde du 19 juin 2019 à 11h00. tions, se rachètent ou organisent des partenariats. Ce mouvement va-t-il perdurer ? Dans quel but ? Pour un meilleur contrôle de la chaîne de production ou pour pérenniser leur activité en se diversifiant ? Quelles sont les bénéfices pour le secteur microtechnique ou pour la perpétuation de certains métiers ? Cette table-ronde tentera d’apporter des lumières sur ce phénomène grandissant.

14h00 à 15h30, table ronde Industrie 4.0, quelles solutions d’optimisation pour l’industrie ? Orateur, Eric Rosset, Professeur HEPIA La numérisation a été annoncée comme étant la quatrième révolution industrielle. Mais pour de nombreuses entreprises, aucunes solutions évidentes n’apparaissent pour franchir ce

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MOMENTS

14h30 à 16h00, table ronde Normes et règlementation dans les Medtech, trop de contraintes pour les PME ? Orateur Benoit Dubuis Directeur Fondation Inartis

Egalement présent le 19 juin, Roderich Hardwin Hess, grand connaisseur du tissu de la cotraitance horlogère fait preuve d’un franc-parler toujours apprécié. cap. Ce panel abordera la question de l’industrie 4.0 sous un angle pratique, mettant en valeur la parole d’experts et de praticiens, à même de proposer des angles de réflexions concrets pour les acteurs du domaine microtechnique. 16h00 à 17h30, table ronde Usine du futur et Logistique 4.0 : économie de la robotique ou économie circulaire ? Orateur Naoufel Cheikhrouhou, professeur de Logistique et Supply chain, HEG Genève/ HES-SO Cette thématique suscite beaucoup d’interrogations voire de craintes parmi les professionnels. Qu’en estil ? L’usine du futur ne sera-t-elle peuplée que de robots surveillés par un unique employé ? Quelle place prend la logistique ? Ce Forum réunit des experts ayant contribué à des projets internationaux. Il a pour objectif de présenter des cas concrets « d’industrialisation 4.0 par petits pas », dans le cadre des programmes de collaboration et d’accompagnement soutenus par la Confédération et/ou la Commission européenne.

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#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

JEUDI 20 JUIN 2019 10h30 à 12h00, table ronde PME : Investissement, financement, succession  : comment valoriser et pérenniser mon entreprise ? Orateur Nicolas Wirth Directeur Général de l’IFAGE La réglementation, le contrôle et l’exigence de qualité n’ont cessé de se renforcer autour des PME qui, de surcroît doivent faire face à une rude concurrence et à une forte pression sur les coûts. Comment tirer son épingle du jeu, non seulement en viabilisant, développant et valorisant sa société, mais aussi en conservant sa pleine capacité d’innovation et de coopération ? Ou les secrets de la bonne vieille combinaison entre gestion et créativité.

A l’heure où les PME de la microtechnique se tournent de plus en plus vers le secteur de la medtech pour des raisons de diversification, il est nécessaire de se poser la question du coût de la recherche et du développement. Le secteur médical reste très réglementé, et s’adapter à ses réglementations a un coût. La medtech deviendra-t-elle l’apanage des grands groupes ? La Suisse risque-t-elle de perdre sa capacité d’innovation au profit d’acteurs moins regardants ? Quelles solutions pour les PME ?

VENDREDI 21 JUIN 2019 11h00 à 12h30, table ronde Quelle nécessité pour la formation continue pour l’industrie horlogère ? Modératrice, Virginie Pilault Journaliste, porte-parole chez UNIA, formatrice d’adultes, conseillère en communication médiatique. Le secteur de production est soumis à de fortes pressions au sein de l’industrie horlogère. Les limites techniques sont sans cesse repoussées et le niveau de qualité est toujours plus important. Afin de répondre à ce haut niveau d’exigence, la formation continue apparait comme l’une des solutions possibles. En mettant en valeur la parole de représentants de divers instituts de formation et à la Convention Patronale, cette table ronde fera le tour de la question, et mettra en avant le potentiel offert par cette forme d’apprentissage. n


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Echappements libres les questions taboues

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#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019


Le rêve sans les tabous, Quelques marques horlogères sont lancées dans une course contre la montre pour s’approprier les lauriers médiatiques qui jonchent le territoire de la recherche sur les nouveaux échappements. Cette conquête fait rêver. Et ces échappements libres transcendent leur statut de concept puisqu’ils trouvent parfois déjà une clientèle. C’est le cas notamment chez Dominique Renaud grâce à Luiggino Torrigiani, un leveur de fonds transfuge de Solar Impulse. Tout va très vite. Entre le moment de ces lignes et leur parution, vu que d’aucuns retiennent leurs premières mondiales pour l’EPHJ, de nouvelles avancées démentiront peut-être un tabou tu par les médias jusqu’à ce jour : ces nouveaux échappements sont poussifs au démarrage et ils présentent une hypersensibilité aux chocs. Signé Vincent Daveau, horloger, historien et journaliste, ce dossier est à conserver. Car au passage, il revisite les différents échappements et lance les chercheurs sur une nouvelle piste. Joël A. Grandjean

#JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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DOSSIER

MOTEUR

Les échappements libres face à l’avenir

Démarrages improbables et hypersensibilité aux chocs ? Vincent Daveau

Sans cesse, les maîtres horlogers les plus brillants tentèrent d’améliorer l’organe réglant couplé au spiral Huygens de 1675. 344 après, une poignée de visionnaires décide d’en découdre avec les certitudes. Rien n’est gagné !

A

Roue de Rencontre et quête du Graal

bien y regarder, une montre est un mécanisme simple dans lequel se trouve quatre roues principales et autant de pignons associés à un groupe de régulation censé faire se dévider de façon constante le ressort principal fournissant l’énergie. Cet ensemble transmet cette force séquencée via un arbre constitué en général par l’axe de la roue des heures pour faire se mouvoir l’aiguille des minutes et celle des heures grâce à une sorte de boîte de vitesse composée d’une chaussée, d’un renvoi avec réduction et d’une roue à canon destinée à la porter.

Echappement Genequand sonne beaucoup mieux que Senfine (sans fin en italien), une invention du marketing de Parmigiani Fleurier qui gomme la mémoire du créateur Pierre Genequand, un physicien genevois retraité du CSEM

Pendant des siècles, l’échappement dit à roue de rencontre ou à recul, pour aussi primaire qu’il soit, a servi la cause des horlogers y compris celle de John Harrison qui a su en tirer la quintessence avec sa montre marine H4. Ce système devait toutefois très vite montrer ses limites techniques. Démarrant seul, il avait le défaut de transmettre directement au balancier la puissance du couple du barillet. Aussi, monté sans régulateur comme le Stackfreed ou la Chaîne-fusée, le balancier accélérait au début du fonctionnement, entraîné par la puissance du ressort primaire bandé à fond, et s’arrêtait rapidement une fois le couple de ce même ressort devenu insuffisant. Dès que fut réglé ce problème de constance de la force, les horlogers en ont rencontré d’autres liés aux frottements des composants entre eux. Pour améliorer sensiblement la bonne marche des organes de régulation couplés au spiral inventé par Christiaan Huygens en 1675, les plus fameux ont cherché à produire des échappements capables d’avoir la plus faible interaction avec le mouvement de base. Le but était de faire se

Une réserve de marche non plus en jours, mais en mois ? Telles sont les recherches de la Manufacture Vaucher à Fleurier (une entreprise appartenant à La Fondation Sandoz) libérer la force du ressort pour faire tourner le rouage primaire destiné à entraîner les aiguilles sans que les frottements engendrés par cette action n’interfèrent sur le cycle oscillatoire. Seulement, il faut aussi que lors de ce contact le plus court et le moins intrusif possible, une partie infime de cette force parvienne au balancier pour entretenir les oscillations et ainsi compenser au plus juste, les effets de la gravitation et des frottements de l’air et des pivots sur les portées.

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Echappement libre, l’hypothèse existait déjà

En l’absence de moyens comme le magnétisme pour transmettre une force entre deux composants, il faut un contact. Or chacun d’eux est une perturbation en soi qui, multipliée, génère des erreurs à l’affichage de l’écoulement transformé en heures et minutes. Très vite, les meilleurs horlogers ont saisi l’importance de produire des montres et des pendules d’une grande précision. Les principaux destinataires de ces pièces d’exception avaient eux-mêmes le ciel comme étalon. Et en matière de précision, longtemps ce référentiel est resté difficile à battre. Aiguillonnés par ce défi d’égaler les cieux dans une notion de perfection, les plus éclairés se sont mis en quête du système le plus fiable pour atteindre ce but. Les premiers échappements à repos frottant (cylindre, Duplex, etc.) même s’ils garantissaient des performances supérieures à celui à roue de rencontre, n’étaient pas suffisants pour satisfaire les plus exigeants.

Enfin le compromis idéal ?

Une fois l’échappement à ancre mis au point par Thomas Mudge au milieu du Siècle des Lumières, avec un seul et très instantané contact par demioscillation, les meilleurs esprits du temps ont saisi qu’ils touchaient enfin

Echappement réinventé par Dominique Renaud, dans l’esprit d’une horlogerie de bon sens et de valeurs de tradition.

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Chez Renaud Papi, c’était le pape des complications mères telles que la Répétition Minutes. Dominique Renaud, armé de ses maquettes en plexiglas, joue aujourd’hui avec un couteau. du doigt la solution à tous leurs problèmes de perturbations. Seulement, la progression en terme de précision allait révéler d’autres soucis qui, invisibles dans le passé, obligeaient à trouver de nouvelles voies de recherches. Ces grands du génie mécanique du XVIIIème siècle se sont donc mis en quête de la solution pour diminuer les contacts. L’échappement à détente devait voir le jour et repousser encore les limites de la précision puisque ce dernier n’avait alors qu’une interaction par oscillation avec le balancier auquel il transmettait une force calibrée tout en bénéficiant de son passage pour laisser échapper le rouage. Presque parfait, ce système faisait gagner les précieuses secondes. Cet organe devait s’imposer dans les modèles qu’ils proposaient aux marins car jusque pratiquement l’invention de la montre à quartz, aucun garde-temps de taille raisonnable et transportable ne réglait mieux qu’un instrument de mesure du temps doté d’un organe de régulation à détente. Malheureusement pour les horlogers, cet organe à coup perdu a deux défauts importants : il est sensible aux chocs (la rupture de l’échappement intervient si l’ensemble saute une dent, ce qui est possible en cas de choc) et il a besoin d’une impulsion externe au moment d’être lancé car il ne démarre pas seul, contrairement à l’échappement à ancre qui, une fois le ressort primaire bandé au couple de fonctionnement normal,

démarre sans qu’il soit nécessaire de lui donner une impulsion.

Eternel mouvement, la recherche relancée

L’horloger est un magicien de la mécanique de l’infiniment petit. N’étant toutefois pas démiurge, il ne peut revenir sur les lois physiques élémentaires et doit composer avec. Assurément, ces dernières années, ces professionnels du mouvement ont largement bénéficié des travaux effectués par les constructeurs automobiles pour les airbags, et le travail de composants aux formes de plus en plus complexes, réalisés en silicium, contribue à révolutionner le métier. Aujourd’hui, la technique avancée n’a de limite que l’intelligence humaine et, comme dans le passé, les concepteurs se remettent à phosphorer autour de l’échappement idéal qui, léger, pratiquement sans interférence avec l’organe moteur et à haute fréquence, pourrait s’abstraire de la gravité universelle, des mouvements parasites générés par le porteur de la montre et transmettre l’heure aux aiguilles qui, bizarrement, demeurent invariables dans cet univers en pleine mutation. Dominique Renaud fabrique 12 gardetemps de laboratoire, des œuvres d’art à CHF 1 million, permettant à des fortunés de s’associer à une recherche essentielle sur les fondamentaux.


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L’ère des pionniers, leurs pistes de recherche

Il y a quelques années, TAG Heuer avec le Mikrogirder et De Bethune avec l’échappement prototype baptisé Résonique, annonçaient une vraie révolution en matière de régulation mécanique du temps avec leurs systèmes d’échappements vibrants. Aujourd’hui mis en sommeil, ces organes ont été remplacés par de nouveaux types de groupes de régulation dans lequel le balancier est aussi le résonateur grâce à la présence de ressorts lames à déformation programmée. Celui appelé Senfine, créé par la division Recherches et Développements de la manufacture Parmigiani, à partir d’une idée de l’ingénieur Pierre Genequand, a fait sensation. Celui proposé par Dominique Renaud avec sa construction inspirée des balances de précision et ses lames couteaux a impressionné par son originalité. L’oscillateur tout silicium mis au point par Zenith en septembre dernier pour la Defy Inventor, intègre lui aussi un équivalent de spiral sous la forme de lame à déformation dans son balancier. L’idée se retrouve sous une autre forme encore dans le nouveau groupe de régulation élaboré par Ulysse Nardin pour la montre concept Freak NeXt.

Lancée par l’horloger Denis Flageollet pour de Bethune la résonique se voulait projet ‘open source’ afin d’inciter des talents à rejoindre la réflexion.

La Freak NeXt incarne les recherches de l’incubateur Ulysse Nardin qui précèdent les grandes idées du siècle (spiral en silicium par exemple) notamment grâce au savant Ludwig Oechslin l’un des esprits les plus inventifs de son temps.


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Réserves au démarrage et face aux chocs

Dans tous les cas et à preuve du contraire, ces nouveaux échappements ont en commun de n’avoir pas la capacité de démarrer sans une première impulsion, chose dont est capable l’échappement traditionnel à ancre suisse dont les angles de levées sont faits pour que la poussée de la roue d’échappement sur les palettes de l’ancre, suffise à la faire échapper de son point de repos et lance le balancier.

Bien plus qu’un concept, un modèle déjà présent sur les marchés qui rompt avec les codes des montres Zenith Comme le rappelle Jean-Daniel Dubois, sommité en matière horlogère, le problème de ces nouveaux échappements intégrés à éléments flexibles – échappement à frottements permanents - n’est pas tant qu’ils ne démarrent pas seuls, mais qu’ils soient très sensibles aux chocs qui sont susceptibles de les faire s’arrêter. Pour éviter l’arrêt à ces nouveaux organes réglants pensés, comme le Senfine de Parmigiani, dans le but d’accroître la réserve de marche d’une montre qui en serait équipée, il faudrait développer des mécanismes leur permettant de se relancer seuls. Seulement, comme la puissance absorbée est égale à la puissance dissipée, le gain obtenu d’un côté serait perdu de

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l’autre pour garantir un fonctionnement optimal (plus de frottements, plus de composants, plus de coût).

Avantages négligeables ?

Aussi, les avantages obtenus avec ces nouveaux échappements par rapport aux traditionnels échappements à ancre suisse seraient sans doute négligeables. Et Jean-Daniel Dubois d’ajouter qu’un certain nombre de ces développements s’inspirent d’échappements anciens. Le Senfine reprend un peu celui à Sauterelle de John Harrison, le fameux inventeur du chronomètre de marine. D’autres s’inspirent des lames des échappements à détente... Mais ce qui était valable pour des horloges et des régulateurs de parquet n’a pas de sens dans une montre soumise à trop de contraintes de mouvements et de chocs. Comme l’Isomètre à Ellipse de Jaeger-LeCoultre dans la Reverso à Triptyque – un échappement à détente revisité pour éviter de casser en cas de choc –, ces nouveaux organes offrent des pistes de réflexion susceptibles d’améliorer les rendements. Seulement, en situation, ils ne tiennent finalement pas tant la distance que cela, inadaptés qu’ils sont aux aléas de la vie courante.

Defy Lab est le fruit de l’Institut de recherche dirigé par Guy Sémon au sein de la division Montres du groupe LVMH. La présentation eut lieu au Locle le 14 septembre 2018, en pleine journée d’étude de la SSC, la Société Suisse de Chronométrie.

Nouvelle piste de recherche ?

Tout cela pour dire que la projection dans le futur, si elle a toujours du bon, n’aboutit pas forcément. Faute d’atteindre un but en recyclant de l’ancien à la sauce de la modernité, peut-être serait-il judicieux pour les horlogers contemporains de se pencher sur l’approche au demeurant classique des échappements traditionnels dits équidistants. Cela sera sans doute moins époustouflant, mais assurément plus rentable... n


L’ÉCHO

MOMENTS

DES FABRIQUES

MARCHÉ

L’AgenTour des Wiederrecht Prendre sa voiture et aller une journée entière à la rencontre de tous les soustraitants qui travaillèrent sur un modèle compliqué, telle est la démarche initiée par les Wiederrecht d’Agenhor, inventeurs des complications poétiques. Leur rendre un hommage mérité en leur apportant, en primeur et avec l’autorisation de la marque, la Fabergé Lady Compliquée Peacock. La magie opéra. Ceux qui s’étaient arraché les cheveux à réaliser ici une opération si complexe qu’elle leur semblait à jamais non reproductible, là une finition à n’en plus dormir la nuit, succombèrent au Waow Effect. Une marque de reconnaissance comme on aimerait en voir souvent. _JAG n www.agenhor.ch

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Witschi, Grand Prix des Exposants 2017 Son nom est tellement associé à un appareil qui se trouve sur tout établi horloger qui se respecte, qu’on en oubliait qu’il est aussi celui d’une société qui ne cesse d’innover. En cela, le prix 2017 au salon EPHJ-EPMT-SMT a pu faire passer le message, notamment en récompensant le WisioScope S, la nouveauté de l’année. Et à l’heure où les mesures, et pas seulement la précision chronométrique, se démocratisent jusque chez les particuliers, il est bon de rappeler que les autres inventions de cette société créée en 1947, telles que le Watch Expert et le ProofMaster - pour tester l’étanchéité -, continuent d’envahir les terreaux horlogers et leurs salles de production. _JAG n www.witschi.com

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Manufacture La Joux-Perret, nouveau calibre 8000 Avant ce calibre, il y avait le 7750, un mouvement de plus en plus réservé sur les marchés et pour lequel cette fabrique indépendante, propriété du groupe Citizen et apparentée aux marques Arnold & Son et Angelus, avait développé une septantaine de modules. Vision et proactivité obligent, le 8000 est à même d’accueillir sur sa base tous les développements effectués. Récemment fusionnée à la fabricante de composants Prototec, l’entité chaux-de-fonnière, avec plus de cent collaborateurs, dispose d’une rare autonomie. Jusqu’à ses propres outillages qu’elle conçoit et développe, jusqu’à des réserves de matériaux plutôt inhabituelles et même jusqu’à son département d’électroérosion, pour ne relever que quelquesunes de ses spécificités. _JAG n www.lajouxperret.com

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AgenGraphe, genèse de création

Après plus de 100 ans, le chronographe réinventé Vincent Daveau

A

découvrir à l’EPHJ-EPMT-SMT : ce calibre issu de plus d’une dizaine d’années de recherche attend de séduire encore d’autres marques que Fabergé ou Singer Reimagined, deux enseignes qui lui doivent de francs succès médiatiques et primés.

Repenser le temps et l’espace

Dans le métier de la conception de mouvements, qui ne connaît pas Jean-Marc Wiederrecht, le père des complications dites poétiques, récemment décoré du Gaïa ? Il fonde en 1996 son entreprise spécialisée dans le développement de modules à complications pour les marques horlogères les plus prestigieuses. Une entité où toute la famille est impliquée, de sa femme à ses enfants. Un motoriste qui produit quelques-uns des mouvements les plus sophistiqués de ces dernières années et cumule les distinctions avec notamment plusieurs nominations au Grand Prix de l’Horlogerie de Genève (GPHG). S’il existe différentes possibilités d’afficher les temps chronométrés au cadran, deux méthodes se sont plus ou moins imposées au fil des ans pour devenir pratiquement une norme. La première fait appel à un embrayage latéral avec roue à colonne ou genouillère, la seconde avec embrayage vertical est apparue en 1969 avec Seiko. L’AgenGraphe®, lui, est radicalement différent et contribue à redéfinir des concepts qui sont restés inchangés des décennies durant.

Refonder les paradigmes fonctionnels

Ce calibre innovant veut assurer par son architecture révolutionnaire une

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De toutes les complications horlogères, le chronographe est sans doute la plus répandue, l’une des plus complexes à produire aussi. Après plus de 100 ans d’occupation du poignet, il est réinventé par Agenhor. lisibilité et une utilisation optimale. L’option privilégiée est donc de proposer une lecture centrale des temps chronométrés, instinctive, ne nécessitant plus de sauter d’un compteur à l’autre pour appréhender la mesure. Afin d’autoriser cette lecture au centre des secondes, également des minutes et des heures écoulées, il a fallu entièrement repenser l’architecture du mouvement qui offre aux mesures essentielles possibles par la mécanique du chronographe d’occuper l’espace sans concession, tandis que l’affichage du temps courant, heures et minutes, a été repoussé en périphérie. Dans la plupart des instruments classiques, les affichages des temps écoulés sont dits traînants, autrement dit évoluent comme le fait l’heure. De ce fait, lorsqu’il s’agit de les relever, ce mode d’affichage peut entraîner des erreurs de lecture. Du coup, le choix d’Agenhor s’est porté sur une indication sautante des minutes et des heures chronométrées. L’énergie nécessaire au saut instantané du marqueur est accumulée pendant une minute ou une heure complète avant d’être libérée au moment où un palpeur (doigt) tombe sur une came en colimaçon et 10 ans de recherche, Agenhor passe d’une réputation réductive de constructeur de modules additionnels à la dimension d’un motoriste capable d’inventer des calibres compliqués.

L’AgenGraphe® incorpore également le système de réglage AgenPit®, un dispositif breveté qui permet d’éliminer le recours à un porte piton fixe. La dernière spire du ressort spiral est guidée dans une fente avec une vis. Une fois la longueur active optimale déterminée, elle est maintenue en place par un système de serrage. Subtil.

provoque un incrément d’une minute ou d’une heure en fonction de la came. Lorsque le chronographe est enclenché, la rotation de la came des secondes charge celle des minutes et des heures tout en assurant une marche parfaitement constante. Ces cames en colimaçon dont la tribologie a été optimisée, servent également dans la remise à zéro des afficheurs.


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Sur le conseil du brillant conseiller en propriété intellectuelle, Marc-Christian Perronnet, le nom d’AgenGraphe devient marque. S’en suit toute une série d’AgenEtc…

En effet, une pression sur le poussoir de remise à zéro libère le frein du mobile de seconde, soulève les sautoirs en étoile des heures et des minutes et leur cliquet pour permettre le retour en arrière des aiguilles. Les palpeurs, mis sous tension par des ressorts, sont alors libres de glisser vers leur position de repos. Cette construction ingénieuse autorise un retour en douceur que n’offrent pas les mécanismes de chronographes traditionnels faisant appel à des marteaux et des cœurs.

Nouveaux principes

Pour connecter ce mécanisme de chronographe innovant au train de rouages du mouvement, l’AgenGraphe incorpore un nouvel embrayage

appelé AgenClutch® combinant les avantages de l’embrayage horizontal et de l’embrayage vertical. Avec ce mécanisme innovant, l’accouplement du mécanisme de chronographe est horizontal ce qui requiert moins d’espace. Cependant, contrairement aux embrayages horizontaux traditionnels, la connexion est effectuée par friction entre des roues sans dents, ce qui évite les vibrations habituellement observées lorsque les roues s’engrènent. Et pour empêcher tout glissement entre les deux disques, ceux-ci sont recouverts de Dianip, une matière composite (Diamant- Nickel) qui augmente leur adhérence. De plus, des roues de sécurité aux dents allongées suppriment tout risque de désindexation de l’embrayage. Un ressort en forme de tulipe lui offre de fonctionner avec un

A l’heure où l’horloger entrepreneur passe la main à ses fils, Jean-Marc Wiederrecht obtient l’ultime récompense, le Prix Gaïa. maximum de souplesse. Il autorise de maintenir le couplage des deux roues de l’embrayage tout en amenant de la flexibilité : en cas de choc, le ressort peut se déplacer jusqu’à un certain point mais les roues de sécurité resteront toujours actives. n

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Matières

Et la lumière fut Lire l’heure dans l’obscurité

Photo signée de l’artiste Guy Lucas de Peslouan. Ami des marques indépendantes et co-auteur de livres joailliers richement illustrés, ce photographe enjoliveur traque inlassablement la matière travaillée, les gestes nobles et les éclats d’excellence. studio@artsight.fr

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Brillances nocturnes… Le journaliste Marton Radkai, rédacteur en chef de Wristwatch Annual et traducteur, raconte l’histoire fascinante de la luminescence des montres. Si au fil des siècles, en matière de quête de la précision et de recherche sur la mesure du temps, l’art et l’ingénierie se sont bien amusés, il est un domaine où ce sont par les sciences naturelles que les progrès sont arrivés. Non sans faire de dégâts puisqu’à leurs débuts, il y avait de la radioactivité dans l’air. En 2018, selon l’Office fédéral

de la santé publique (OFSP), les bâtiments contaminés au radium étaient au nombre de 1000 environ. Un vaste plan d’assainissement est en cours… Pendant ce temps, quelque part à Meyrin, les artistes de la société Billight domptent au quotidien un matériau désormais inoffensif fabriqué en Suisse, le Super-Luminova. Ils seront présents au salon EPHJ-EPMT-SMT. Joël A. Grandjean

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Let’s innovate together

contre le bruit et pour la Haute Horlogerie

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DOSSIER

MATIÈRES

Du son à la lumière

Cloches d’église, radioactivités et Super-Luminova Marton Radkai

Curieusement, parmi les véritables innovations horlogères révélées lors des salons de ces dernières années, certains développements, pourtant fascinants, semblent échapper au radar. Il était une fois le temps, la nuit.

H

istoriquement, avant que nos sociétés ne soient régies par les rythmes du travail, qui avait besoin de connaître l’heure 24h sur 24 ? En cas de réveil la nuit, il suffisait d’une connaissance même sommaire du ciel, de la position des constellations ou de la lune, pour évaluer le temps restant avant le lever du jour. Sa durée exacte n’avait que peu d’importance. La chercheuse Marie Curie découvre le radium.

Lorsque la lune est à son zénith, la nuit tombée, le savoir-faire de Billight offre à la montre un visage de nuit.

Lire l’heure la nuit, son et lumière

Assistant de Thomas Edison, William Joseph Hammer invente l’ampoule électrique.

Plus tard, le temps fut rythmé par les heures de prière, dont une seule avait lieu la nuit. L’arrivée des affichages du temps survient avec le commerce et le développement d’une classe moyenne urbaine. Sous nos chrétiennes et européennes latitudes, les cloches d’église, combinées à des facteurs saisonniers comme la durée variable du jour, furent utilisées pour réguler et coordonner les activités, celles du travail ou des affaires officielles. Comme des siècles plus tard les machines à timbrer, ces cloches ne furent jamais vraiment appréciées des ouvriers. De plus, leurs inexactitudes suscitaient un certain mécontentement.

À la fin du XVIIe siècle, peu après l’invention de l’horloge à pendule par le Hollandais Christiaan Huygens, l’Anglais Daniel Quare invente la montre à répétition qui indique l’heure nocturne aux rares acheteurs capables de se l’offrir. De tous les sens, c’est encore celui de la vue qui prédomine quand il s’agit de lire l’heure. N’importe quelle horloge standard nous permet instantanément d’évaluer le temps restant dans la pratique de nos activités. Ainsi, les cadrans évoluèrent dans des tons de blanc brillant, comme l’émail grand feu, pour que les aiguilles plus foncées parviennent à mieux se détacher. #JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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Brillance en ligne de mire

Si la physique et l’ingénierie ont contribué au développement des mécanismes horlogers, l’éclairage du cadran est rapidement devenu, lui, l’enfant de la science. En 1898, la scientifique franco-polonaise Marie Curie, effectuant des recherches sur le rayonnement observé pour la première fois par Henri Becquerel en 1895, découvre le radium, un élément radioactif (ainsi que le polonium). Les particules alpha du radium connotent d’un bleu étincelant l’azote de l’air. Lorsqu’il est mélangé avec du sulfure de zinc contenant des traces de cuivre ou excité avec du cuivre, la lueur devient verdâtre, tandis que le sulfure de zinc titillé au manganèse dégage un éclat orange foncé. William J. Hammer, ingénieur électricien, assistant de Thomas Edison et un des premiers aviateurs, obtint cette information de Marie Curie elle-même. Il fit dès lors une peinture au radium en ajoutant un agent adhésif qui pouvait être appliqué aux index et aiguilles des horloges et des montres. Lorsque la Première Guerre mondiale éclata, la technologie fut largement utilisée non seulement pour les toutes premières montres bracelets, mais aussi pour coordonner attaques et bombardements. Elle servit aussi à rendre visibles les jauges des voitures, des chars et des avions.

Toxicité, l’affaire des Radium Girls

Le problème avec le radium, c’est qu’il était très toxique, bien que, dans une poussée de charlatanisme consumériste, de nombreuses entreprises commercialisèrent des médicaments brevetés contenant du radium, de la crème pour la peau aux suppositoires. Le porteur de la montre ou celui qui était exposé à des jauges n’était pas en danger, au contraire des ouvriers qui les manipulaient.

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Dans les années 1920, l’affaire des Radium Girls allait marquer l’univers du travail aux Etats-Unis. Comme beaucoup d’autres, ces six femmes peignaient des cadrans pour la US Radium Corporation à Orange, dans le New Jersey. En dépit du fait que leurs dirigeants avaient conscience du danger, elles devaient utiliser un pinceau en poils de chameau qu’elles humectaient entre leurs lèvres. Inconscientes du danger, certaines appliquaient même la substance sur leurs ongles, histoire de pimenter leurs sorties nocturnes. Il en résulta une recrudescence d’anémies aplasiques, une atteinte de la moelle osseuse, ou de cancers des os. Certaines ne survécurent pas aux années de procès qu’elles finirent par gagner, créant un précédent au monde de la sécurité au travail.

Dans ses ateliers de Meyrin, Billight use du Super-Luminova pour pétrir et mouler les index et les tours d’heure d’un cadran Bell & Ross.

Malgré cela, en raison de conditions de travail améliorées telles qu’une tenue vestimentaire adaptée et qu’une meilleure ventilation, on continua à utiliser dans les montres jusqu’en 1960, le radium et le sulfure de zinc. A noter que si le sulfure de zinc cesse de briller après un certain laps de temps, ce n’est pas que le radium s’affaiblisse car sa durée de vie et d’émission de particules bêta est de 1600 ans. D’où la prudence recommandée face aux vieilles montres.

Après le radium, le tritium

En 1968, le radium est définitivement interdit. L’armée, avait cependant besoin d’alternatives, ses instruments et ses viseurs se devant d’être encore lisibles au moins huit heures dans l’obscurité totale. Les Suisses participent à la recherche, comme le fabricant de matières luminescentes MB-Microtec, une filiale de Merz & Benteli AG fondée en 1969. Ils mettent au point des trigalights ou GTLS (sources lumineuses au tritium gazeux), une technologie qui consiste à introduire du gaz tritium dans de minuscules tubes

Le même cadran Bell & Ross de nuit. Une luminosité intense. Photo Billight. recouverts à l’intérieur de sulfure de zinc. Un gaz émettant des particules alpha capables d’être excitées exactement comme le radium, mais en beaucoup moins dangereux. Et puisque ce matériau est volatile, on le retient dans des tubes robustes en borosili-


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Tritium toléré En 2009, le ministère fédéral allemand de l’Environnement (BMUB) tente de faire interdire le tritium dans tous les biens de consommation, montres comprises. Pratiquement impossible à mettre en œuvre ! Après quelques pressions d’un certain nombre d’entreprises horlogères, il doit finalement renoncer. Après tout, selon l’industrie, il y a plus de radioactivité dans des bananes que dans un brin de tritium. Quant aux habitués des voyages, ils sont régulièrement exposés à des niveaux plus élevés de rayonnement. Au pire, le porteur d’une telle montre risque de se faire plus mal si les tubes se brisent suite à un choc qu’avec leurs rayonnements.

cate, ce qui offre une protection supplémentaire contre le rayonnement. L’armée et les lieux publics, comme les enseignes des salles de cinéma par exemple, sont preneurs. L’industrie horlogère aussi. Car les trigalights émettent une lumière forte et constante. Comme le confirme son

actuel CEO Josef Siggenthaler, MBMicrotec qui compte environ 90 employés, est pionnière : « Nous avons d’abord fourni une marque de montre de style militaire appelée Traser, puis sont arrivées Luminox, Ball et d’autres. » Aujourd’hui, les éléments peuvent être découpés à n’importe quelle taille à l’aide de la technologie laser, puis collés ou fixés sur des index ou des aiguilles afin de créer des cadrans lumineux très attractifs. Reste l’inconvénient de la demi-vie du tritium, presque 12,5 ans, ce qui signifie que la lueur disparaît après environ 25 ans. « Théoriquement, on pourrait remplacer les tubes », précise Josef Siggenthaler. Reconnaissons toutefois qu’une montre Traser n’est pas conçue pour être léguée à la postérité. Du point de vue des autorités de régulation, le tritium reste radioactif. De quoi décourager Luminox dont le discours marketing tablait sur une montre militaire rayonnante en permanence.

L’autre voie lumineuse

Les piles miniatures et les montres à quartz offrent aux cadrans de pouvoir être éclairés par de minuscules ampoules. La fin 1960 et les années 1970 sont l’âge du gadget. On se souvient de ceux de Casio par exemple qui arboraient même des calculatrices sur le cadran.

Cette Midnight Nuit Lumineuse de Van Cleef & Arpels est dotée d’un système d’éclairage qui permet de faire apparaître en bas à droite de son décor astronomique, par un phénomène de piézoélectricité, la constellation de la Licorne. Pour les montres mécaniques, il faut trouver d’autres voies. Tandis que MB-Microtec insère du tritium dans ses tubes, une autre société suisse expérimente un procédé à base de tritium. RC Tritec AG, initialement dénommée Radium-Chemie, s’était fait un nom dès la fin des années


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1930 en fabriquant des aiguilles à pointe de radium pour le traitement des tumeurs cancéreuses. En 1958, l’entreprise trouve le moyen de recouvrir le sulfure de zinc d’un polystyrène contenant du tritium. Le produit, agréé en 1962 aux Etats-Unis, peut être peint sur les aiguilles et les cadrans de montres comme l’était le radium. Cette nouvelle peinture tombe à pic dans l’horlogerie, car elle permet de ne pas interrompre la chaîne de production. Les montres en question sont reconnaissables au T ou à l’inscription H3 visibles sur le cadran.

La solution idéale, enfin

Jusqu’à l’orée des années nonante, le tritium est la norme. Soudain, explique Albert P. Zeller, descendant du fondateur de Tritec AG/LumiNova AG, « Le Swatch Group a décidé d’éliminer pro-

gressivement le tritium et donc plus aucune marque ne voulut l’utiliser. C’était peu après Tchernobyl, tout le monde avait peur de la radioactivité ». Par chance et aussi parce qu’elle est proactive, l’entreprise est sauvée. Lors d’un voyage au pays du soleil levant, le père du directeur actuel découvre un produit chimique appelé aluminate de strontium. Il s’agit d’une poudre non toxique bien plus photoluminescente que le sulfure de zinc, plus chère également. Nemoto, le partenaire japonais de Tritec, teste avec succès ce produit en utilisant comme excitant, du dysprosium, de la famille dite des terres rares. Le matériau peut être chargé de lumière ultraviolette. Les électrons titillés de ce composé dégagent une faible quantité d’énergie même lors qu’ils redeviennent calmes. « C’est comme une batterie, Présenté en 2016 déjà, ce développement intégrant dans la lecture du temps une source lumineuse, provient d’une marque qui a fait vibrer les geeks de la montre en utilisant des fluides pour afficher le temps. Dans cette H4 Metropolis, les ingénieurs de HYT et de sa société-sœur Preciflex, ont placé un minuscule générateur, semblable à celui qui alimente un phare de bicyclette, capable d’être remonté à l’aide d’une couronne située à 4h30, puis actionné à la demande en appuyant sur le bouton de la couronne. Il fournit en électricité deux LED situés à 6h, inondant de lumière la construction du squelette de la montre, faisant briller le fluide du tube indicateur des minutes en mode rétrograde.

Voir l’heure aussi par grands fonds, expérimentation faite par le champion apnéiste Guillaume Nery, ambassadeur Panerai.

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donc plus vous en ajoutez, plus elle tiendra la charge longtemps », explique Albert P. Zeller. Deux minutes d’exposition à la lumière du soleil suffisent pour une charge complète. Un accord avec Nemoto qui n’a pas accès au marché suisse est conclu. Les deux sociétés fondent LumiNova AG en 1998, le fabricant officiel du Super-LumiNova ®, cette matière luminescente si répandue dans l’horlogerie, s’offrant au marché sous différentes orthographes. « Toute notre production se fait en Suisse », souligne son dirigeant Albert P. Zeller. « Nemoto nous rend visite une fois par an pour constater que tout va bien et récolter ses dividendes. » Le Super-LumiNova est un régal pour les designers horlogers puisqu’il peut être facilement teinté. Il existe même en couleur vieux radium, pour coller à la tendance vintage. L’entreprise offre des conseils sur comment l’appliquer pour de meilleurs résultats, elle travaille étroitement avec l’industrie pour le développer et pour rallonger sa durabilité lumineuse ; comme pour les dernières Omega dont la luminosité dure le plus.

Etoiles et étincelles

Un des moteurs des grandes idées créatives est la quête de la beauté et le recrutement de talents de tous

La marque Panerai doit son existence à l’histoire de la luminosité notamment sousmarine. Avec son modèle Luminor, du nom de matériau développé pour la marine italienne. bords, comme l’incarne Van Cleef & Arpels avec sa Nuit Lumineuse. Certes, le marque n’est pas la seule à doter son cadran d’une constellation astronomique, mais de nuit, la pièce se charge d’un relief nouveau : soudain, la constellation de la Licorne apparaît via six diamants rétroéclairés par des LED alimentés par une bande de céramique que l’on peut surligner par une pression sur le poussoir discret posé à 8h. Une électricité natu-

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rellement stockée dans la matière est libérée, un phénomène de piézoélectricité, le même que celui utilisé pour alimenter les briquets des cuisinières à gaz. Trouvera-t-on le moyen d’éclairer un jour une montre toute entière ? A réfléchir… Comme pour bon nombre d’innovations authentiques, ce dossier n’est pas la fin de l’histoire, mais son premier chapitre. La suite reste à écrire... n


L’ÉCHO

MATIÈRES

DES FABRIQUES

L’Arpanisation du secteur horloger

Albert-J. de Buttes-LaCote

L

e fil des actualités des marques horlogères est truffé de premières. En plongeant un peu dans l’histoire récente d’ArtyA, la marque d’Yvan Arpa, on se pose soudain la question de savoir qui a commencé. D’aucuns parlent, ce qui a le don d’agacer, d’arpanisation.

Choisis ta légende

Certes, au monde du design ou de la créativité liée aux garde-temps, face aux 200 dernières années, il faut savoir rester humble. Non pas que tout ait été inventé, mais il est certain que les bonnes idées n’ont pas attendu les nouvelles générations pour germer. Reste qu’avant le naufrage du Titanic, quelle boîte de montre aurait pu contenir des fragments de sa coque ? Au-delà du coup génial qui fit gagner des années de notoriété à la marque qu’il dirigeait, l’ancien professeur de mathématique venait de mettre au point une formule que de nombreuses marques ont depuis conjuguée.

Yvan, pionnier en matériaux de légende Inclassables, surprenants, loufoques et parfois géniaux, les matériaux qu’Yvan Arpa utilise pour ses créations, en mode street culture et art urbain, n’en finissent pas d’inspirer. Troublantes similitudes. Dés lors, et certainement pas par esprit de suivisme, les marques se sont lancées dans une course aux légendes. Un sprint bienvenu à une époque où la plupart d’entre elles avaient succombé à la tendance des séries spéciales et limitées, voire des pièces dédiées à une thématique ou une association. Lorsqu’un pneu Pirelli entre en fusion avec une Roger Dubuis, sûr qu’il n’est plus question de gomme mais d’adrénaline de Grands Prix, de vitesse et de victoires sur circuit. Quand les enchères permettent d’acquérir une vraie touffe de cheveux de Napoléon, De Witt décide d’en intégrer quelques millimètres dans chacune de ses montres Napoléon. Pour Hublot, qui se revendique pourtant jusque dans son ADN des arts de la fusion, des index sont réalisés avec du véritable gazon d’Old Trafford (Manchester United). La Hublot King power Red Devil voit le jour. Enfin, il faut aller chez H. Moser & Cie pour trouver, dans l’esprit éclairé d’une talking piece hommage aux clichés suisses, un extrait de Vacherin Mont d’Or emprisonné dans une boîte de montre grâce à un matériau composite.

Fusion des genres, écarts sacrilèges

Féru d’arts martiaux, trublion de l’horlogerie, l’ex prof de maths invente des formules que d’autres conjuguent souvent.

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La liste est longue. Quelques perles encore avec la marque REC qui intègre dans ses modèles des morceaux d’anciennes voitures du genre Mustang, Porsche 911 ou Mini Coopers. Avec encore Saint-Honoré qui dote une collection d’une lunette en véritable acier de Tour Eiffel. Ouf, seulement 64

pièces, donc pas de quoi faire vaciller le symbole parisien. De même, chez Warenbach qui intègre à toutes ses montres des objets ayant été dans l’espace, comme des fragments de la fusée Soyouz, et chez Analog Watch Company qui opte elle pour ses Lunar Watches taillées dans de la pierre de lune collectée par la sonde Luna. Finalement, pour clore ce chapitre légendes, Yvan Arpa s’allie à QoQa pour une série de pièces numérotées, du nombre de degrés qu’il faut pour que l’acier entre en fusion, porteuses d’une petite plaque d’un magma obtenu à partir de la fonte devant notaire de cinq des montres les plus iconiques de l’horlogerie suisse. Sacrilège, vous viendrait-il à l’idée de fondre des modèles de légende telles qu’une Patek Philippe, une Rolex, une Omega, une Breitling et une Tank de Cartier ? Ravagé ? Moins que lorsqu’il use de balles réelles qu’il détourne des champs de batailles pour égayer ses cadrans, de billets de banque d’euro ou des dollars passés

Sacrilège ou hommage ? Fondre cinq montres authentiques et légendaires pour en faire une plaquette Magma of Respect.


Fibre de verre chez Milus Fabriquée par Composite Busch SA à Porrentruy, la fibre de verre utilisée par Milus pour les cadrans de sa nouvelle collection Lab 01, est de celle qui nous entoure et a trouvé, jusque dans nos chaises, d’infinies déclinaisons industrielles. Des bandes très fines de ce matériau, mélangées à de la résine Epoxy et des colorants. Grâce à un procédé d’infusion sous vide, dans un four à 80 degrés afin que la matière puisse se réticuler, d’originaux cadrans ont vu le jour. Paul William Junod, fondateur de cette enseigne née en 1919 aurait certainement aimé, lui qui professait l’art industriel. A noter que la marque, après s’être fourvoyée le temps d’une parenthèse d’actionnariat chinois, vient d’être reprise (2016) par l’un des plus grands capitaines de l’industrie horlogère suisse, Luc Tissot. Celui-là même, héritier d’une marque passée au Swatch Group, qui connaissait chacun des prénoms de ses plus de 1000 collaborateurs et qui quitta son usine en 1977, à l’heure où les départements mécaniques se fermaient. Après avoir collectionné les succès avec sa société Tissot Medical Research, le voici de retour aux affaires… _JAG https ://www.milus.com

Artya: Son of Earth Gold Tobacco

La fibre de verre, un matériau scintillant, organique. La marque revient en mains suisses.

ArtyA Tribal Butterfly Luminova - medium au broyeur de documents. Ou encore d’ailes de papillons, d’araignées, de fonds marins, de caca fossilisé de dinosaure – coprolithe –, de cuir de crapaud buffle, ou, un peu avant les autres, de feuilles de cigare. n www.artya.com

MATIÈRES

Artya: Son of Art Dollar for Dollar


MOMENTS

L’ÉCHO

DES FABRIQUES

Matières usinées : Niru Swiss, PME avec vue sur Lamborghini La Bumotec de Starrag qui séduit Félix Baumgartner A l’étage, l’espace d’exposition de la marque automobile de luxe. Au Rez inférieur, au sein de la filiale suisse du groupe Niru, on usine des composants pour la bijouterie et l’horlogerie. C’est le centre d’usinage Bumotec s191V de Starrag. Lien entre la montre réalisée et la machine Cet atelier performe dans le luxe notamment en raison de sa technologie de production, une des meilleures de sa catégorie. C’est ici entre autre qu’a pu être réalisé le boîtier complexe de la montre-bracelet UR111C, un ovni horloger signé Félix Baumgartner, cofondateur de la marque horlogère Urwerk. Une boîte de montre qui a participé au buzz entourant le modèle mécanique aux allures retro-futuristes, en raison de sa hauteur de seulement 15 mm pour 46 mm de largeur et sans fond à visser. Le fond est en réalité découpé en un seul bloc à partir d’une pièce d’aluminium brute et comprend un compartiment latéral de 20 mm de profondeur pour accueillir le mouvement. Tout a été possible grâce à la cinq axes de Starrag, cette Bumotec dernière génération.

Julien Ducommun, directeur général de Nir Swiss SA, s’en dit pleinement satisfait : ce centre d’usinage CNC vertical hautes performances Bumotec s191V est capable d’usiner avec précision et rapidité des composants extrêmement complexes. Son équipe utilise au total quatre machines-outils CNC. L’association de moteurs linéaires, d’entraînements directs, de la nano-interpolation et d’une capacité de mesure haute résolution de 1/100 µm, permet d’obtenir une excellente précision de contournage. Perspectives possibles Sa stabilité thermique permet de tourner et de découper des composants en continu du petit matin jusqu’au soir, sans perte de précision. Grâce à cette technologie, le team peut travailler simultanément sur cinq axes et usiner des composants complets en un seul cycle de production. « Nous avons désormais de nouveaux marchés à conquérir », affirme Julien Ducommun, « car notre entreprise usine non seulement des métaux, mais aussi des matières plastiques telles que la fibre PEEK. » Un véritable gisement. Henri-Maxime Khedoud n https ://www.nirugroup.com/fr/

La marque Urwerk accomplit l’impossible avec son modèle UR-111C, une montre mécanique avec affichage linéaire de l’heure.

Felix Baumgartner, fondateur et PDG de la marque Urwerk avec Stéphane Violante de Starrag.

Julien Ducommun, directeur général de Niru Starrag Vuadens SA à visiter à l’EPHJ.

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MOMENTS

Starrag Group, machines -outils pour haute précision et productivité Le groupe, depuis son siège de Rorschach en Suisse, occupe sur le marché mondial une position de leader technologique dans la fabrication de machinesoutils de précision. Présent en Suisse, Allemagne, France, Grande-Bretagne et en Inde. Clients ? Dans l’aérospatiale, l’énergie, les transports, le luxe et les MedTech. Sous sa marque ombrelle Starrag sont regroupées les gammes de produits Berthiez, Bumotec, Dörries, Droop+Rein, Ecospeed, Heckert, Scharmann, SIP, Starrag, TTL et WMW._HMK https ://www.starrag.com/fr-fr/v/

MATIÈRES

Percée du diamant de synthèse Présente au salon EPHJ-EPMT-SMT, la société NeoCoat a de belles heures devant elle. En effet, l’intérêt croissant de l’industrie pour ce type de matériau laisse prévoir un pic de la demande dans les prochaines années. Car aujourd’hui, plus de 95% de ces diamants synthétiques dédiés à l’industrie sortent des laboratoires d’une dizaine de sociétés dont deux en Suisse. Installée à La Chaux-de-Fonds, NeoCoat est sur les rangs. « Nous sommes en train d’élaborer un procédé afin de créer des diamants synthétiques à une plus basse température – 200°C en lieu et place des 800°C. L’acier, largement utilisé dans l’horlogerie, ne supporte pas ces trop hautes températures. Avantages ? Les objets seront plus solides et durables », explique Christophe Provent, son CEO. La stagnation de la filière du diamant naturel et la demande exponentielle depuis dix ans de ce matériau augurent un pic de la demande pour la prochaine décennie. Car en marge de l’horlogerie, les diamants de synthèse s’apprêtent à révolutionner le marché mondial du bijou avec leurs prix compétitifs. Un diamant naturel de 1 carat se négocie à CHF 8’000.-- tandis qu’une pierre similaire fabriquée en laboratoire se vend dix fois moins cher. Quelques chiffres : le marché mondial des diamants synthétiques est évalué à plus de 80 milliards de francs. Pour les diamants naturels, 20% servent à la joaillerie, soit vingt millions de carats/an. Le reste, soit 500 millions de carats/an, trop opaque ou déformé, se voit transformé en poudre, pour finir en outils abrasifs et tranchants. Oui, ce matériau de synthèse a le vent en poupe... _HMK. n www.neocoat.ch #JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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Métiers Miser sur la relève

Disciplines d’antan et d’avenir

A Baselworld, un élève en horlogerie doit ajouter au coût de son voyage le prix du ticket d’entrée. Systématiquement, l’EPHJ-EPMT-SMT invite les écoles horlogères à visiter le salon. Inspiré d’identiques valeurs en phase avec son Histoire, JSH offrira toujours une mise en valeur des savoirs et de leurs transmissions. Sur la scène du GPHG 2018, face à la branche toute entière, Christopher Lanz reçoit le Prix du Meilleur jeune élève de l’Ecole d’Horlogerie de Genève. ©Grégory Mailot

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Table ronde junior, les perspectives Certaines professions sont en voie de disparition, parce leur cursus de formation s’est éteint. Comme ce dernier bijoutier chaîniste que nous avons retrouvé et dont la mise en lumière pourrait inspirer de nouvelles vocations. Comme l’émailleur/euse qui, bien que les plus prestigieuses enseignes de l’horlogerie d’excellence se réclament de ses arts, ne dispose plus d’aucun diplôme officiel en Suisse. Parallèlement, l’évolution du secteur, des matériaux et des machines – comme l’arrivée des interfaces haptiques par exemple –,

ou parfois juste l’énoncé de besoins récents, accouchent de nouvelles disciplines que la CPIH, la Convention Patronale de l’Industrie Horlogère s’emploie à définir. Le Qualiticien en fait partie. Imaginée par Pierre Amstutz, la table ronde dédiée aux jeunes, dans l’espace événementiel et médiatique du salon EPHJ-EPMT-SMT, enrichit la réflexion. Elle se veut aussi dédiée à cette formation qui s’acquiert après l’obtention des diplômes. A suivre… Joël A. Grandjean

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INTERVIEW

MÉTIERS

Séverine Favre, responsable de formation

La Convention Patronale se mobilise Joël A. Grandjean

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Et si se former devenait une attitude, si le nouveau diplômé restait en mode formation continue ? Tandis que cette idée fait son chemin, le secteur veille entre autres à se doter de nouvelles formations.

Pierre Amstutz, directeur de l’Ecole d’Horlogerie de Genève, est l’inspirateur d’une table ronde EPHJ-EPMT-SMT baptisée « Quelle nécessité pour la formation continue pour l’industrie horlogère? ».

Quoi de neuf du côté de la CPIH ? Pour la première fois, c’est le gros défi 2019-2020, deux de nos métiers entreront dans la compétition SwissSkills 2020 : micromécanicien et dessinateur en construction microtechnique.

Continuer à acquérir des compétences Lui qui incarne la formation initiale, celle qui donne un métier, pourrait en rester là. « Continuez à vous former » exhorte-t-il au contraire. Il y a toujours quelque chose à construire. Et, de citer les organismes qui, pour les adultes, permettent d’aller vers une polyvalence de plus en plus nécessaire : centres cantonaux de formations pour adultes et, à Neuchâtel, très active FRSM, la Fondation Suisse pour la recherche en microtechnique.

Hormis deux nouveaux métiers (voir encadrés), quels sont ceux qui vous occupent ? Nous travaillons sur la révision des métiers horlogers ainsi que celle du règlement modulaire des métiers du polissage afin de mettre cette formation en adéquation avec la nouvelle ordonnance. Mais nous nous penchons aussi sur la révision de la filière ES en microtechnique avec ses quatre différentes orientations.

En charge de la formation au sein de la Convention Patronale pour l’Industrie Horlogère, Séverine Favre n’a pas attendu ce genre d’injonction. Bachelor en sociologie, master en criminologie, psychocriminologue, elle prépare un Bachelor en droit dans le cadre de son nouvel emploi horloger. Une femme qui bouscule et avance.

Votre message à la jeunesse ? Les métiers de la microtechnique ouvrent de magnifiques voies pour un avenir professionnel plein de surprises, de diversité et d’innovation. Il faut se montrer curieux envers les nouvelles technologies : nouvelles méthodes industrielles, nouvelles organisations qui s’implantent dans les entreprises. Au-delà des compétences à maîtriser

Nouveau CFC, Qualiticien Entrée en vigueur le 1er mars 2020. 4 ans pour un CFC, début des apprentissages en août 2020. « Le qualiticien en microtechnique est capable de déployer des démarches qualité de maintien des acquis et d’amélioration continue au sein d’un atelier de microtechnique. Il participe à leur définition avec les chefs d’atelier et les responsables Qualité, veille à leur mise en application et contribue à leur optimisation. » - Définition complète à télécharger sur le site www.cpih.ch _JAG

Séverine Favre : « La voie de la formation professionnelle est la voie du succès. »

Pierre Amstutz, Directeur de l’Ecole d’Horlogerie de Genève, exhorte à continuer à se former après les diplômes.

Cadranographe, 2 ans de formation Pas de diplôme fédéral à la clef ! Toutefois, en conservant cette formation sous son égide, la CP dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour adapter cette formation à la rapide évolution de l’industrie.

en sortant de formation, les jeunes doivent acquérir des compétences analytiques, de communication, de mise en relation. Aujourd’hui il faut garder de bonnes bases techniques, mais impérativement offrir aussi des outils aux jeunes afin qu’ils développent ces autres compétences. n

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L’ÉCHO

MOMENTS

DES FABRIQUES JSH la nuit, en cas d’insomnies, Helmut le précurseur

L’air de rien, derrière son humilité et son indécrottable jovialité, le Docteur Helmut Crott est une sommité. Comme son plus médiatisé confrère Oswaldo Patrizzi, l’école italienne, ce collectionneur est à l’origine des ventes aux enchères horlogères thématiques. Il est le premier à en organiser une sur A. Lange & Söhne en Allemagne, avant que son homologue italien ne le fasse à Genève avec Patek Philippe. La suite, on la connaît. Plus de 30 ans d’une histoire en marche, celle des records les plus fous pour des montres déjà portées, celles de marques à jamais inscrites dans la postérité. Celles aussi des grandes maisons de ventes aux enchères, les Christie’s, Sotheby’s ou Phillips. Non content d’être propriétaire de la base de données la plus gigantesque du monde avec près de 60’000 montres référencées, d’être à ce jour l’expert mondial numéro un en matière de pièces vintage, ce passionné fut au passage le gardien de Urban Jürgensen, une marque historique mythique. Et l’ami-sponsor de l’horloger Derek Pratt qui lui redonna son lustre. Docteur Crott est un puits de savoir. Pour rien au monde, celui devant lequel les tapis rouges mondiaux se déroulent (marques, commissaires-priseurs, historiens), ne raterait l’EPHJ-EPMT-SMT, le salon des coulisses de l’horlogerie. Et si je vous en parle avec emphase, c’est que la nuit, lorsque le sommeil le fuit, il se délecte de la lecture assidue d’anciens numéros de JSH, le Journal Suisse d’Horlogerie. Longue vie... _Albert-J. de Buttes-LaCôte/TàG n www.vintagewatchexpert.com

JSH, en 1940, déjà les Millennials Le Breitling nouveau est arrivé, la marque vit à l’ère Georges Kern. Tandis que je visionne un film dédié à l’un des nouveaux territoires de la marque, le surf, je tombe sur un visuel publicitaire délicieux paru dans un vieux Journal Suisse d’Horlogerie de l’entredeux-guerres. Sous l’appellation Breitling Girls, la marque n’aura jamais semblé si avant-gardiste et si à l’aise dans son périmètre aéronautique encore si vivace. 1940, trois femmes parachutistes, jeunes, branchées, insouciantes. 2019, deux femmes et un homme, jeunes, sortant de l’eau, dégoulinant de bonheur. L’histoire se répète, sauf que les vapeurs de kérosène, c’est plus trop politiquement correct. Au fait, comment dit-on Millennials en vieux français ? Car c’est déjà cette cible qui était visée... _Joël A. Grandjean n www.youtube. com/breitling

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MÉTIERS

De la traduction horlogère au statut d’artiste à Berlin

De l’art de rebondir grâce à l’horlogerie Anna Aznaour

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ardé de diplômes, le parcours d’Ellie ressemble à un sablier : lorsque la dernière graine s’écoule et l’avenir paraît compromis, c’est un nouveau cycle qui commence. Avec, à chaque fois, les mêmes lueurs d’espoir et de résilience.

Entrée en horlogerie

Son cycle d’il y a quinze ans débute sur…LinkedIn, le plus grand réseau professionnel en ligne. Et, à cause de Trados, un logiciel de traduction automatique que son nouvel employeur parisien l’oblige à utiliser. Malheureuse, la perfectionniste claque la porte, qui lui ouvre, peu de temps après, une fenêtre sur un monde qui va enchanter sa vie. Recommandée en ligne par un confrère au rédacteur en chef suisse de l’agence de presse TàG Press +41, le journaliste RP Joël A. Grandjean, elle entre dès lors dans le domaine très sélect de l’horlogerie. Mais pour la petite blonde au physique de sylphide, le hasard n’existe pas ! « Mon père était ingénieur en mécanique. Ce qui a sûrement dû influencer ma fascination pour tous les mécanismes horlogères », explique-t-elle. D’autant plus que la Galloise, née dans une banlieue londonienne, perçoit ce secteur comme un alliage entre ses trois domaines de prédilection : la science, l’art et la technique. « L’authenticité d’une œuvre d’art se mesure par la réponse émotionnelle qu’elle provoque chez le public » Elisabeth Hiscott

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Une traductrice anglaise à la source de nombreux articles pour des médias horlogers devient, grâce à l’horlogerie, artiste à Berlin mais aussi scénariste pour cinéma ! Lumière sur la vie d’Elizabeth Hiscott... Elizabeth Hiscott, en bref 1963 naissance à Londres 1985 à 1992 licence en langues modernes, spécialisation français/allemand à l’Université de Londres. Etudes supérieures en histoire de l’art/ architecture et le cinéma à l’Université de Londres (1988-1989). Etudes supérieures en traduction à Open University (1992) Depuis 2012 copywriting dans tous les domaines artistiques y compris la danse contemporaine (hip-hop, etc), voix-off et sous-titrage pour le cinéma, en parallèle aux traductions pour le secteur horloger 2016 traduction de textes pour l’ouvrage Streetwise Abstract d’Alain Biltereyst, peintre belge Depuis 2017 création de textes et d’éléments graphiques pour le website de l’artiste belge Dominique Vangilbergen.

Des traductions comme des œuvres

« Peu de gens savent que 90% du travail de traduction est composé de celui de recherche. On doit d’abord trouver les termes consacrés pour chaque sujet traité, se familiariser avec leurs divers usages, et ensuite seulement entamer la traduction à proprement parler. » Et c’est en réalisant diverses missions pour le compte de grandes agences parisiennes qu’elle prend, progressivement, conscience de ses centres d’intérêt. Parmi eux, la création de textes pour et sur les artistes que les institutions culturelles lui confient, lui permettant ainsi de renouer avec son premier amour : la pratique de l’art. Une activité salvatrice pour cette âme sensible en proie à la douleur provoquée par le décès de son premier mari, puis le suicide récent de son frère.


Le statut d’artiste (Künstler) est prisé en Allemagne pour des raisons de coûts d’assurance maladie. Depuis 2013 Elizabeth Hiscott traduit en anglais des dossiers ou des communiqués de presse ainsi que de nombreux articles horlogers parfois très techniques pour les magazines Europa Star et Watchonista.com.

Reconnue à Berlin comme « artiste » depuis début 2019, Ellie compose de la musique et écrit actuellement un scénario pour le cinéma qui retrace la vie de son frère. Mais, au milieu de tout son foisonnement artistique, demeurent des difficultés que cette indécrottable optimiste relativise : « Seulement un artiste sur dix peut vivre de son art à Berlin. Les autres doivent être polyvalents, c’est-à-dire pratiquer simultanément plusieurs activités professionnelles pour arriver, financièrement, à tirer leur épingle du jeu. Pour ma part, la traduction de textes sur l’horlogerie a été la planche de salut que le destin m’a offerte... » n Sortie en famille à Berlin au Musée des Illusions



MÉTIERS

Margaux, le métier d’horloger porté par une miss

Joël A. Grandjean

De l’établi aux feux de la rampe

Présente en 2018 à la table ronde dédiée aux jeunes durant le salon EPHJ-EPMT-SMT, cette jeune horlogère, grâce à son titre de miss, s’est faite porte-parole d’une profession où les femmes sont les bienvenues...

L

a sublissime Margaux MattheyBroto, jeune horlogère dans l’une des grandes manufactures de Plan-Les-Ouates a bousculé la donne. D’un clignement d’œil, elle a soufflé le temps d’un règne et d’une couronne sur ce cliché encore vivace qui représente l’horloger en vieux monsieur un rien grisonnant, armé de sa loupe et de sa blouse rétro. En Suisse, ce genre d’élection rime avec déferlante médiatique… Les journaux du pays en ont parlé, pas seulement les médias francophones. Télévision et magazines se sont fendus de leurs meilleurs 1. Margaux espaces, parfois en ‘unes’ convoitées. Matthey-Broto participait à Cette exposition aux feux de la rampe une table ronde est saine, bordée d’élégance, de Jeunes organi- classe et d’authenticité. Quand bien sée par le salon même est-elle un rien futile, elle proEPHJ-EPMT- fite pour une fois à un métier ainsi SMT. A suivre qu’à ses filières de formation. Horcelle de 2019. logère ? Les jeunes filles n’en rêvent pas forcément, elles y ont pourtant 2. Son sacre et sa médiatisa- leur place. Et sans l’avoir cherché, la tion pourraient marque Patek Philippe, plutôt habiinciter d’autres tuée à l’encre médiatique qui coule jeunes filles chaque fois que les performances à devenir de ses garde-temps atteignent des horlogère.. records inimaginables dans la galaxie

vent question d’enchères : bien avant l’heure, Ollivier Broto, un expert qui se commet encore ici ou là à l’écriture d’articles dans les journaux horlogers, détint en effet le record mondial de la Patek Philippe la plus chère jamais vendue sur internet ! Quelque part en Suisse, loin des projecteurs, une miss a retrouvé son établi. Telle une petite fourmi, elle œuvre comme tant de femmes dans un de ces univers de fabrique où les coudes soudés et les concentrations stimulées s’exercent à générer d’autres rêves... n 1 des ventes aux enchères horlogères mondiales, s’est offert indirectement, l’un des titres les plus convoités de la notoriété people en mode générations Y et Z… Plutôt sympa pour une enseigne dont la communication prône des valeurs trans-générationnelles.

Programme des tables rondes 2019 www.ephj.ch

Tombée dans l’horlogerie depuis toute petite

Fraîcheur, candeur et innocence, telles sont les valeurs que Margaux, dont l’orthographe du prénom rappelle les grands crus, véhicule auprès de celles qui voudraient exercer son métier. Il est question de beauté, de confiance en soi, d’interviews soft, sucrées, sur fond de suites de palace, de couronnes et de strass. Reste qu’au-delà de ce ramdam médiatique, le talent est là, au bout des doigts. Depuis toute petite, cette horlogère est tombée dans les arts manufacturiers et joailliers. Sa mère fit carrière chez Harry Winston, tandis que chez son père collectionneur, il est sou-

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MÉTIERS

Invité à l’EPHJ-EPMT-SMT, le dernier chaîniste !

Emmanuel Alder

Laurent Jolliet, espèce en voie de disparition Son métier ne fait plus l’objet d’aucune formation certifiante, ni en Suisse, ni en France. Portrait d’un personnage attachant qui, à sa façon, incarne le maillon manquant d’une industrie se gargarisant de fait-main.

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ans le monde du savoir-faire et du luxe, il existe une constellation de métiers, certains évidents et d’autres plus mystérieux. Tous participent à la création d’une quantité d’objets extraordinaires dans le monde horloger ou bijoutier.

Indispensable à l’horlogerie haut de gamme

A l’heure où les grandes institutions du secteur, fondations et autres « .Org » capitalisent un max sur le discours marketing des métiers d’art, il est des professions manuelles et nobles dont l’existence est menacée. Pourtant indispensable au secteur, le métier en voie d’extinction de chaîniste incarne un savoir-faire spécifique à la réalisation de chaînes, colliers ou bracelets. Cette spécialité était autrefois incluse dans la formation du joaillier-bijoutier, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Laurent Jolliet, établi au Lignon, Genève, est l’un de ces rares hommes de l’art sinon le dernier, encore capable de réaliser de façon traditionnelle toutes les variantes imaginables de chaines ou bracelets. Un savoir-faire unique qui lui permet de répondre présent aussi bien pour la réalisation de chaînes ou bracelets classiques que pour celle de modèles personnalisés que seule l’imagination pourrait limiter. Des compétences également mises au service de grandes enseignes horlogères ou joaillières aux fins de réparations ou encore des officines de ventes aux enchères.

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Une passion, plus encore qu’un métier

La rencontre de cet artisan-artiste dans son antre ne peut laisser indifférent. On y respire la passion au milieu de toutes les traces d’une activité débordante de créativité et de minutie. A chaque occasion il s’attèle à la réalisation de nouvelles chaînes ou bracelets, pour le plaisir parfois, même sans commande, parce que tout simplement il se doit de présenter tout l’éventail de ses possibilités ! L’amour des beaux objets le conduira même à restaurer quelques mouve-

ments horlogers dont un mouvement à répétition-minute de 1895 (probablement produit par Patek Philippe) installé dans une boîte unique, avec l’assistance pour la partie horlogère de Jean-Pierre Hagmann, son voisin d’atelier. Et de participer à sa manière à la transmission d’une partie de ses savoir-faire, via les deux semaines de cours par an qu’il dispense dans le cadre du CFC de bijoutier-joaillier, au fil de 3 ans de formation. Pas assez pour appréhender l’étendue

Le dernier chaîniste, une passion déchaînée, un savoir-faire unique


MÉTIERS

Réalisées à la main, chaînes en argent. Le métier pourrait disparaître

des connaissances nécessaires pour devenir un bon chaîniste. Il s’agit plutôt d’être en mesure d’assurer une réparation ou de se faire une idée du métier. Selon Laurent Jolliet, c’est d’ailleurs une exception genevoise, un tel module n’existant pas dans les autres cantons.

Perspectives

Certes, quelques grandes enseignes ont dans leurs rangs des employés capables de réaliser des chaînes, mais tout ce qui est compliqué finit toujours chez lui, en raison de la complexité des calculs nécessaires à la réalisation de chaînes au design irrégulier ou compliqué. Autre difficulté évoquée, l’important matériel inhérent au métier de chaîniste qui s’avère dissuasif pour qui voudrait ajouter cette corde à son arc.

Gros plan sur des chaînons en forme de cœur sur une chaîne en cuivre

Je l’écoute parler, je l’observe… J’ai la sensation de côtoyer l’espace d’une parenthèse magique une sorte d’alchimiste. Et je me pose une question : qui des instances de formation, des grandes enseignes, ou des fondations, aura l’indispensable bonne idée de rendre pérenne cet étonnant savoir-faire qui ne compte ici plus qu’un seul dépositaire ? n

Laurent Jolliet en bref L’avant-dernier élève à avoir reçu un CFC spécifique Septembre 1995 apprentissage chez Gay-Frères à Genève Septembre 1999 premier travail de chaîniste chez Gilbert Albert Septembre 2005 rachat de l’affaire de Michel Hess Entre 2003 et 2005 études en bijouterie-joaillerie

Bracelets de montre. Laurent Jolliet, le chaînon manquant du savoir-faire joaillier #JournalSuisseHorlogerie  Juin 2019

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MOMENTS

L’ÉCHO

DES FABRIQUES

MÉTIER

Les établis formateurs de Sven Andersen Décrochée de son mur et de son cadre, la photo jaunie d’un Franck Muller tout jeune. Il paraît que Félix Baumgartner, co-fondateur d’Urwerk, Nicolas Commergnat (Alliance Sàrl) et bien d’autres, sont passés par là, au Quai du Seujet, là où officie le maître horloger Sven Andersen. Qui a trouvé un moyen rempli de bon sens de former une relève composée de recrues horlogères fraîchement diplômées. Ici, il leur offre un établi et les outils qui vont avec, de temps à autre un surplus de travail lié à la restauration de pièces pour des maisons de ventes aux enchères ou des commandes spéciales. Ainsi, ils apprennent et mettent en pratique un savoir frais, encore rempli de potentiels. A ceux qui ainsi renoncent à une carrière immédiate au sein d’une maison horlogère, ce qui très souvent les aurait amenés à perdre plus de la moitié de leurs acquis, il permet une pause postestudiantine qui souvent mène à l’entrepreneuriat. Le lieu regorge d’excellence, de créativité. Un bien beau modèle de transmission de savoir-faire, construit sur le win win et sur l’esprit pratique d’un grand Monsieur, par ailleurs co-fondateur avec son compagnon Vincent Calabrese, de la plus que trentenaire AHCI, la célèbre Académie Horlogère des Créateurs Indépendants. _JAG n http ://andersen-geneve.ch

MÉTIER

Denis Flageollet, formation Mécanique d’Art Secrets des maîtres. Autour de lui, l’horloger de De Bethune réunit cinq autres maîtres d’art de la région, Sainte-Croix et ses environs. Ensembles, ils accompagnent durant un mois une volée d’élèves. Cette année, Nicolas Court (Automatier, Horloger), François Junod (Automatier, Sculpteur), Boris Masur (Constructeur en mécanique d’art), Victoire Halter (Bijoutière Décoratrice en horlogerie) et Renaud Lelièvre (Coutelier) ont embarqué les inscrits 2019. Un succès, un huis-clos enrichissant. Des photos plein les albums, la RTS qui vient en reportage, une rare intensité de compétences qui se plaît à se confronter avec une jeunesse encore emplie d’ingéniosité pure, de spontanéité. Les enrichissements sont réciproques, confirme Denis Flageollet qui rejoint ainsi un programme régional « dédié à la conservation des traditions ancestrales, à leur progression sur les plans technologiques et artistiques. » Futurs talents et nouveaux entrepreneurs. _Ollivier Broto/TàG n

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L’ÉCHO

MOMENTS

DES FABRIQUES

MÉTIER

Charles Zuber, des valeurs érigées en marque Pour Piaget, Audemars Piguet, Harry Winston ou Parmigiani, ce maître de l’ombre adoubé par ses pairs parvenait toujours à réaliser d’incroyables chefs d’œuvres d’horlogerie en version haute-joaillerie comme cet œuf Audemars Piguet. A Genève, il mériterait qu’une rue porte son nom, à l’heure où la Cité de Calvin, avec l’arrivée du Salon GemGenève dédié aux pierres précieuses et à ceux qui les travaillent, renoue avec son passé joaillier et avec cette période où les orfèvres, également des cabinotiers, œuvraient aux côtés des horlogers. Une association s’est créée en son hommage « Charles Zuber & Tradition Joaillière à Genève ». Elle entend retrouver, parmi les 3000 visuels conservés et scannés, des créations non signées dont l’histoire n’a pas retenu pour qui elles furent réalisées. Comme l’écrit le journaliste Malcom Lakin dans un livre à sortir prochainement, cet exceptionnel artisan-créateur « avait le génie pour trouver des solutions à des concepts improbables. Un homme capable de prouesses d’orfèvre, doté d’un talent créatif sûr et d’un sens inné de l’innovation. Un homme dont le savoir-faire a permis aux plus grandes marques horlogères et joaillière mondiales de briller ». Finalement, ce Lucernois devenu figure genevoise incontournable, connaît de manière posthume la reconnaissance ultime d’une marque créée sur la base et dans la continuité de ses valeurs. Vincent Perego, un joaillier entrepreneur ayant travaillé avec lui, appose avec respect son nom sur les collections d’une signature joaillière dont la proposition horlogère risque fort de créer le buzz. Une série de montres dessinées par le designer Eric Giroud, habitée par un calibre manufacture de forme. Charles Zuber devient marque à part entière. Les valeurs ont la vie dure, hommage mérité. _Emmanuel Alder/TàG n www.charles-zuber-association.ch

MÉTIER

Odorico, Olivier Conte invente un nouveau sertissage Olivier Conte ne fait pas qu’exécuter les sertissages les plus extrêmes que de prestigieux clients lui réclament, dans le silence et la patience de son établi. Il sort, se ballade et, lors d’une retraite en pays de Loire, tombe en extase devant, dit-il, « l’art et le savoirfaire des mosaïstes du début XXème siècle, dans l’élégance et la pureté du mouvement Art-Déco ». Il décide d’appliquer cette discipline au sertissage et invente un Stone Setting System auquel il donne le nom d’Odorico. C’est le nom d’une famille installée en Bretagne en 1882, passée maître jusqu’aux générations suivantes, de cet art particulier. D’une mosaïque, lorsqu’on l’observe de près, se dégage une sorte de dissonance. Puis en s’éloignant, l’harmonie visuelle surgit. Devenu marque et procédé déposés, également pour l’architecture, Odorico® commence à séduire les grands noms de l’horlogerie, à commencer par la disruptive Rebellion Timepieces. Bouillon d’idées, Olivier Conte a plus d’un tour dans sa besace. Un parcours à suivre… _Ollivier Broto/TàG n

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Marchés La guerre des marges La résistance s’organise...

Photo : Maison de l’Horlogerie à Genève, rue du Cendrier. Alain et Olivier Guttly transforment à Genève l’échoppe paternelle en new concept store. Restaurant, le Swiss Made, the WatchPlace to be, magasin agrandi, projet de musée… Les marques neuves tutoient les vieilles Patek Philippe, Rolex et autres merveilles. Librairie horlogère, galerie, événements dont l’institutionnel Watch Café le dernier mercredi de chaque mois et plus récemment, les Speaks WatchEasy, mini-conférences cocktails façon TED, didactiques et accrocheuses… _JAG

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Vendre une montre, mécanismes décortiqués Soudain, sous la plume de Thomas Baillod, expert en marchés pour avoir sillonné le monde et ses réseaux de vente, la problématique d’une vente de montre semble si simple. Ce qui se passe entre la sortie d’usine et le poignet devient limpide. Il rappelle: « l’horlogerie traditionnelle est une industrie qui vend et réfléchit en gros, et délègue le lien avec le client final ». Or, logiques financières obligent, les groupes, surtout, doivent croître et réjouir leurs actionnaires. Où puiser du

cash pour reverdir les totaux de leur bilans mis à mal par la conjoncture ? A première vue, le digital ayant déjà bousculé le marketing et la pub et transformé l’information en fourretout hybride (médias se mettant à vendre des montres), elle risque fort de tsunamiser l’univers des détaillants et fournisseurs. Selon ce spécialiste, « la riposte s’organise ». Ouf, les pistes, les espoirs existent… Joël A. Grandjean

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DOSSIER

MARCHÉS

La guerre des marges bat son plein Le retail n’a pas dit son dernier mot

Thomas Baillod

A

près avoir cherché pendant des décennies à accroitre leur présence dans les marchés, les marques semblent à présent faire marche arrière et se mettent à couper de manière significative dans leur réseau de revendeurs agréés, tout en prédisant une augmentation de leur marge opérationnelle. Pas d’intermédiaires, uniquement de la vente en direct ! L’annonce d’Audemars Piguet au deuxième semestre 2018 a au moins eu le mérite d’être claire. Dévoilée dans la foulée de son retrait du SIHH pour 2020, la stratégie de François-Henry Bennahmias, directeur général de la marque, est venue souligner une tendance lourde des marques horlogères : intégrer de plus en plus leur réseau de distribution.

Autre exemple, le dernier en date : dans une interview accordée à la NZZ – Neue Zürcher Zeitung – du 23 mars 2019, Jean-Christophe Babin, CEO de Bulgari, annonce vouloir couper en Allemagne 300 des 600 points de ventes que la marque y compte actuellement. Les 300 restants représentant aujourd’hui 85% du chiffre d’affaires, l’homme à la tête de cette enseigne romaine ayant rejoint en 2011 le groupe LVMH est confiant : en recentrant ses ventes sur la moitié de ses partenaires, il leur offrira de mieux mettre en avant la marque ce qui devrait permettre à Bulgari de récupérer les 15% de vente perdus. Ce calcul, la plupart des grandes marques le font actuellement et de

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Ventes en ligne, coupes en masse dans les réseaux de détaillants, interrogation sur l’avenir des foires horlogères… Quelle est cette lame de fond qui balaye les fondements de la distribution horlogère traditionnelle ?

plus en plus n’hésitent pas à le dire haut et fort. Mais ce qu’elles ne disent pas forcément, c’est que dans la plupart des cas, elles ont un joker dans leur manche.

Récupération de la marge

Tournons-nous du côté des marques lifestyle pour mieux comprendre. Décomplexées et avec un passé aussi bref que l’est leur espérance de vie, ces marques prennent des risques et tentent de nouvelles expériences. Durant Baselworld 2018, l’ensemble du staff de la marque Daniel Wellington avait quitté le salon le dimanche matin déjà. Il ne restait sur le stand plus que le barman et le DJ… pour des raisons légales d’ouverture du stand ! D’une foire déjà raccourcie à six jours, les équipes de vente n’en ont passé que trois sur le stand, du jeudi au samedi. Qu’ont-ils fait durant ce temps ? Ils ont drillé leur réseau de revendeurs et coupé tous ceux qui ne suivaient pas, ou que la marque ne voulait plus. Impossible d’obtenir des chiffres officiels de cette campagne de désengagement, mais une hypothèse suffit à révéler la nature du joker : supposons que durant ces trois jours, la marque, a fermé 20% de son réseau et que cela entraîne une baisse de 20% de ses ventes. Étant très active sur les ventes en ligne via son portail officiel, la marque suédoise a raisonnablement pu espérer, grâce à ce canal direct, récupérer une partie de ses ventes.

Jean-Claude Biver au printemps 2018 avertissait les détaillants : « spécialisez-vous, sinon les marques iront en direct ».


MARCHÉS

Distribution horlogère, modèle séculaire Le modèle séculaire associé à la distribution horlogère repose sur un réseau d’intermédiaires possédant et acheminant à tour de rôle le stock de montres jusqu’au consommateur final. Offrir en permanence aux potentiels clients un stock de montres qui attend patiemment leur visite dans un magasin est un modèle très coûteux, et du coup très vorace en marges. Le détaillant, dernier maillon de la chaîne de distribution, assume les trois principaux coûts : les frais de location du magasin (le lieu), les salaires des employés (le service) ainsi que les montres qu’il possède (le stock). Cela justifie largement les marges élevées qu’ils doivent prélever. En plus d’être couteux, ce modèle induit également un biais fondamental : le business model des marques horlogères consiste avant tout à vendre leurs montres aux intermédiaires (ce qu’on appelle le sellin) et laisse à ces-derniers la charge de les vendre aux consommateurs finaux (le sellout). L’horlogerie traditionnelle est donc une industrie qui vend et réfléchit en « gros », et délègue le lien avec le client final.

Soyons pessimiste, en estimant que ce ne soit même que la moitié, soit 10%, cela lui permet déjà de générer une augmentation de 50% de son profit ! Comment ? En supprimant les intermédiaires, les distributeurs et les détaillants, la marque pouvait récupérer environ 70% de la valeur prix public de ses montres et ainsi, grâce à cet apport de vente en direct faire exploser son profit jusqu’à 400% (voir l’encadré dédié à la Décomposition des marges.) Le calcul est vite fait, le profit étant égal à la marge fois la quantité, une perte de 20% du volume compensé par 50% de marge supplémentaire donne un profit en croissance de 30%. De quoi sans doute permettre au barman de régaler des cocktails sur le stand jusqu’au mardi de la fin du salon Baselworld.

Lame de fond digitale, le client final visé

Cette nouvelle tendance de vente direct to consumer, soit se passer des intermédiaires pour vendre directement au client final, agite actuellement les conseils d’administration de la plupart des marques et résonne comme le nouvel Eldorado de l’horlogerie, à l’heure ou pour beaucoup de ces enseignes les ventes sont à la peine. Il aura fallu la conjonction de deux phénomènes simultanés pour que cette course à la marge soit lancée. Le premier, qui a servi de déclencheur, est conjoncturel. Le second, irréversible, est structurel. En 2009, le trou d’air conjoncturel de l’économie mondiale a été un coup de semonce pour l’industrie horlogère suisse. La plupart des marques ont su l’absorber et s’en suivirent six années de ventes records. Mais la crise qui s’amorça en 2015 eut un impact bien plus profond, car elle

dura officiellement jusqu’à fin 2018. Officiellement seulement, car officieusement toutes les marques n’en sont pas ressorties indemnes. Marasme économique mondial, abandon du taux plancher, avènement des bracelets connectés (Ndlr. Terme préféré à smart watches) et changement de comportement d’achat des consommateurs, représentent les principaux facteurs pouvant expliquer les raisons de cette récession des ventes de montres. D’autant que durant ces quatre années entre 2015 et 2018, la lame de fond digitale, la même que celle qui transforma préalablement en profondeur le marketing, s’est propagée à la distribution et a modifié les fondements même du commerce traditionnel. (lire l’encadré, Distribution horlogère, modèle séculaire).

Trois fondements bousculés par internet

En quoi le digital permet-il de révolutionner ce modèle traditionnel ? Le

Audemars Piguet vient de passer le CHF milliard de CA et tourne le dos au SIHH 2020. Son CEO François-Henry Bennahmias, ici en plein lancement de la Code11’59 et face à la Présidente du Conseil d’Administration Jasmine Audemars, incarne la tentation des marques d’intégrer leur distribution.

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MARCHÉS

Membre du comité des JIMH, les Journées Internationales du Marketing Horloger, l’expert en marchés Thomas Baillod fonde la Watch Trade Academy entièrement dédiée à l’enseignement de la distribution horlogère. Cours en ligne, conférences, consulting, ce fils d’une figure fameuse du journalisme suisse, est à l’écoute des avancées digitales qui viendront peut-être au secours du réseau des détaillants et distributeurs dont il est en train de constituer une base de données mondiale.

digital modifie trois paramètres fondamentaux : les notions de temps, d’espace et d’information. Il élimine les deux premiers et rend le troisième abondant et libre, alors que l’information était jusque-là rare et chère. Or, si on décompose l’acte d’achat d’un consommateur, on retrouve justement ces trois paramètres, puisque le client se rend à un moment donné (temps) dans un magasin (espace) pour recevoir de l’information sur un produit (service). Ces trois paramètres sont les plus coûteux, ils captent le plus de marge. En couplant le digital avec la disponibilité de stock en ligne, les marques peuvent ainsi éliminer les principaux facteurs de coût, tout en apportant au client un choix sur l’ensemble de sa

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collection, choix que le détaillant ne pourra jamais concurrencer. Et, cerise sur le gâteau, la vente directe apporte aux marques l’information clé qui leur faisait jusqu’à présent cruellement défaut : la connaissance du sell-out. Cette information permet à la marque de connaître ses ventes en temps réel dans les marchés et ainsi d’optimiser ses actions commerciales, ses campagnes marketing et sa production. Le Graal.

Qui bougera le premier ?

Si ce modèle offre tant d’avantages, pourquoi les marques ne l’ont elles pas adopté plus tôt ? Premièrement parce que jusqu’à très récemment il n’existait pas d’alternative au fait de vendre dans un point de vente physique. Plusieurs marques de luxe ont

tenté l’expérience d’ouvrir de leurs propres boutiques à partir des années 2000, mais elles se sont vite rendu compte qu’elles sortaient de leur métier de base et que le retail nécessite un savoir-faire particulier. La donne va changer avec l’avènement d’internet. D’utilisateurs, les internautes sont progressivement devenus des consommateurs. Et même si les ventes en ligne ont mis du temps à se démocratiser, le panier moyen d’achat n’a jamais cessé d’augmenter progressivement. Quand finalement les internautes étaient mûrs pour acquérir des montres en ligne, le frein est d’abord venu des marques. La vente est une affaire de territoire et elles voyaient d’un très mauvais œil le fait que des


MARCHÉS Marges décortiquées, clefs de répartition Cet exemple théorique se base sur la vente à des distributeurs internationaux d’une montre swiss made basique, un modèle automatique, trois-aiguilles. Le coût de production pour un tel modèle avoisine les CHF 175. La marque prenant une marge raisonnable de 50%, y ajoutera CHF 175 que l’on peut décomposer entre son profit brut (CHF 140.--) et un budget marketing (CHF 35.-- ) équivalent à 10% du prix de revente aux intermédiaires, (à noter qu’en général, l’intermédiaire répliquera les CHF 35.-- en dépenses marketing, ce qui amène le budget marketing à un total de CHF 70.-). Les CHF 350.-- que l’on obtient s’appellent valeur ex-factory et représentent le chiffre d’affaires de la marque. Les intermédiaires dans notre exemple représentent 65% du prix final, soit CHF 650.-- Ceci amènera la montre à un prix de vente en magasin (hors taxe) de CHF 1000.-- Dans le cas de figure où cette marque décide de vendre en direct, elle peut théoriquement multiplier par 5 son profit (+ 400% d’augmentation), tout en augmentant son budget marketing de 14% (de CHF 70.-- à 80.--). Si au contraire sa priorité est de maximiser l’expérience client, elle peut dédier la moitié du prix de la montre au marketing, tout en doublant son chiffre d’affaires.

détaillants empiètent sur le territoire d’autres collègues aux environs. Pire encore lorsqu’on remonte au niveau des distributeurs, qui par contrat ont l’interdiction d’exporter dans un autre pays. Pourtant, ironiquement, ce sont souvent les marques qui ont indirectement amené les intermédiaires à braver les interdits de la vente en ligne, en poussant les stocks chez les

Décomposition des marges. Exemple d’une montre à CHF 1’000.1100 1000

45 80

900

45

800 700

500

650

(50% du prix de la montre)

600

700

500

(+400%)

400 300 200 100

35

280

140

(+100%)

175

175

175

Modèle traditionnel

Maximisation du profit

Maximisation expérience client

0

Coûts production

Profit marque

Marketing

Intérmédiaires

Envoi

Le CEO de Bulgari Jean-Chrisophe Babin entend réduire le nombre des détaillants afin d’obtenir de ceux qui restent une meilleure représentativité.

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MARCHÉS

Intermédiaires, la riposte s’organise ! Précurseurs de la vente horlogère en ligne, les intermédiaires – détaillants en tête – se retrouvent à présent piégés dans la boîte de Pandore qu’ils ont ouverte. Les marques horlogères établies qui ont d’abord combattu cette tendance, s’engouffrent à présent dans la brèche. Elles s’adressent directement aux clients finaux. Les détaillants n’ont pas dit leur dernier mot. La révolution digitale leur apporte également des solutions nouvelles. Deux pistes bordées d’espoir : •

Réalité augmentée : l’expérience utilisateur est la clef d’une vente réussie et, grâce à son téléphone portable, le client peut vivre une expérience augmentée en magasin avec des vitrines qui prennent vie, des montres qui vous racontent une histoire ou qu’on passe virtuellement à son poignet afin de les embarquer avec soi histoire de la partager avec son/sa conjoint(e).

Le service commissionné : de plus en plus de détaillants fournissent un service aux clients pour lequel ils ne sont pas rétribués, ces derniers venant se renseigner et essayer la montre en magasin mais ne l’achèteront que plus tard, parfois en ligne. De nouveaux système se mettent en place tel que Meotion, afin de pouvoir qualifier l’interaction avec le client en magasin et toucher une commission même s’il l’achète plus tard en ligne.

détaillants au-delà de leur capacité de revente. Difficile dans ce contexte pour les enseignes horlogères d’appliquer elles-mêmes ce qu’elles refusaient à leurs partenaires et vendre officiellement en ligne. D’autant plus que la première marque qui serait sortie du rang se serait vu immédiatement sanctionnée par le réseau des revendeurs. C’était prendre un énorme risque. Mais avec la crise amorcée en 2015, la branche horlogère dans son ensemble a connu une sorte de sauve qui peut général. Les digues ont sautées à tous niveaux. La course au consommateur final pouvait commencer et la guerre des marges était lancée.

Et l’expérience client dans tout ça ?

Quid du service, de l’expérience client en magasin et du contact physique avec la montre ? Comme démontré dans le graphique de la page précé-

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dente, une marque qui vend en direct pourrait décider d’allouer la moitié du prix d’une montre à l’expérience client. En extrapolant cette marge à une montre de luxe vendue à CHF 40’000.-, une vente directe permettrait théoriquement à la marque de consacrer CHF 20’000.- pour faire vivre une expérience inoubliable à son client. Quel est le détaillant capable de concurrencer un tel investissement ? Dans ce contexte, que vont devenir les détaillants ? Jean-Claude Biver les mettait déjà en garde au printemps 2018 : « spécialisez-vous, sinon les marques iront en direct ». La messe est dite et la course à la spécialisation poussera beaucoup de détaillant à la reconversion. Mais ils n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Le digital sera peut-être leur meilleur allié quand la technologie permettra la mise en relation du réseau de détaillants, la traçabilité du service et la vente augmentée en magasin (voir encadré Intermédiaires, la riposte s’organise). n

L’avenir sera peut-être ce code barre qui offrira à celui qui le tend, le détaillant par exemple ou simplement l’influenceur, une traçabilité qui permettra à la marque une rémunération d’intermédiaire jusqu’ici impossible. Identifié par Thomas Baillod, le système existe. Il a été mis au point par un jeune geek normand immigré à Paris, Emeric Delalandre, amoureux de belle horlogerie, déjà courtisé par des grands groupes de l’agro-alimentaire et de l’automobile.


FLASH L’AGENCE M.P. BERTHOUD, UN DESTIN DE 50 ANS LIÉ AU RAYONNEMENT HORLOGER

Présence urbaine, de nuit comme de jour Lee Warrien

L

es clients privilégiés à même de décrocher ce genre d’emplacements, qui se réservent pour 5, 10, 20, 50 ans, ne jouent jamais la carte du one shot. Dans la cour des grands, ou plutôt au toit des immeubles des grandes capitales mondiales, ceux qui, en matière de communication globale corporate, choisissent cette voie plutôt inaccessible et rare en emplacements premium disponibles, savent qu’ils misent sur le long terme. Ils inscrivent leur marque sur un territoire d’assise supérieure, rassurante, prestigieuse. Et lorsqu’ils le font à Genève ou à Zurich, lorsqu’ils sont des marques d’horlogerie et de finance appartenant au carré restreint de ceux qui comptent, ils accèdent à un statut bordé de suissitude, une sorte de passeport à la croix blanche auquel les clients du monde attachent de l’importance.

Emplacements imprenables pour une communication de prestige. Ici la rade de Genève, l’un des sites les plus prisés au monde par les marques de luxe et de finance.

Forte de cette expertise dont la discrète et secrète liste d’emplacements s’échange au fil de contacts confidentiels avec les patrons et les directeurs marketing des marques, l’Agence M.P. Berthoud a su jouer la carte de l’international en se connectant à la compagnie Skybrands, dont elle joue le rôle de filiale suisse. Du coup, aux enseignes lumineuses des immeubles se sont ajoutés de manière

Plus de 50 ans d’expertise, leader dans les Skysigns – enseignes lumineuses en toitures d’immeubles –, cette agence reliée à un réseau international s’occupe durablement de l’image des marques de la finance et du luxe.

permanente ou éphémère, les écrans LED géants, (encore interdits en Suisse mais tant prisés en Asie par exemple), et, très en vogue, ces immenses surfaces publicitaires toilées qui recouvrent les chantiers urbains. Notamment lorsqu’un magasin s’apprête à ouvrir et veut informer habitants comme touristes de l’arrivée prochaine de son enseigne en ville, ou lorsqu’une réfection ou une restauration s’installe le temps d’un chantier, au risque d’enlaidir passablement le paysage. Alors, on recouvre les échafaudages et les grabats d’un message qui fait patienter le public et qui, par ses motifs en gigantographie, embellit l’espace vital. Bien entendu, on aura du au préalable avoir obtenu des autorisations qui, d’une ville à un canton, varient en fonction de la législation.

Emplacements Premium

Suisse & International De nuit comme de jour, la palette d’opportunités offerte par cette Carougeoise héritière d’une tradition à laquelle le destin des horlogers a toujours été lié, irradie et fait briller des logos qui, lorsque le site est copieusement visité, se retrouvent colportés dans le monde entier au gré des albums photos souvenirs. Durable, la démarche se situe à l’intérieur d’une niche de marché qui réclame une solide expertise et l’accès à un portfolio riche en emplacements imprenables en Suisse et à l’International. En contrepartie, pour accéder à ce Graal, une marque aspirante devra faire preuve d’une patience proportionnelle à la récompense et à la satisfaction qui entourent le droit de faire enfin partie des heureuses élues. n Agence M.P. Berthoud www.agencempb.ch admin@agencempb.ch

Comme ici à Madrid, recouvrir les dégâts visuels d’un chantier de rénovation par une toile urbaine géante, porteuse d’un message éphémère.

La cour des grands  ? En marge des marques incontournables et leaders, il arrive que d’autres, plus discrètes et plus agiles, aspirent à accéder à la cour des grands. Elles choisissent alors d’investir en priorité sur ce type de communication corporate, car elles savent pertinemment ce que cela peut leur rapporter. _LW

Le célèbre quartier des affaires -CBD- de Hong Kong.

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Av i sh e r c h e rec

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ZUB S E L R A H EC

Cherchons à retrouver q u é r ir et/ou à ac hefs ces deux c a il li e r s d ’œ u v r e jo

Talentueux joaillier, Charles Zuber (1932-2012), gardien d’une tradition genevoise réputée, inventait et fabriquait des bijoux et des merveilles horlogères pour les plus grands noms, Audemars Piguet, Piaget, Michel Parmigiani, Harry Winston...

Toute indication est la bienvenue Association ‘Charles Zuber & Tradition Joaillière (Genève)‘, Emmanuel Alder Président, presidence@charles-zuber-association.ch +41 79 328 0279 ou +41 79 652 83 53


L’ÉCHO

MOMENTS

DES FABRIQUES MARCHÉ

Wellington-Manor, la boucle est bouclée

MARCHÉ

Zenith prestige assumé La question avait été éludée en pleine conférence au Locle, alors que les autorités touristiques neuchâteloises inauguraient le parcours ‘visite’ de la manufacture Zenith. « La renaissance du calibre ‘El-Primero’, n’avait-elle pas été initiée par Pierre-Alain Blum ? Qui aurait réalisé que seul, avec sa marque EBEL et son client Cartier, il ne pouvait entreprendre de recréer un calibre chronographe juste au sortir de crise du quartz ? » D’où sa bonne idée d’aller chez Zenith, là où ce savoir-faire se trouvait, puis de convaincre Rolex, le voisin d’en face. A question dérangeante, réponse fortuite, dans les greniers de la Manufacture. Au beau milieu de l’espace Charles Vermot à découvrir impérativement, dans un délicieux fatras d’outillages épars, je tombe sur ce chablon Cartier. Au fait, en quoi cette révélation aurait-elle pu ôter une seule miette de prestige à la Manufacture locloise ? _JAG n www.explorewatch.swiss/zenith/

Un business model qui se passe du distributeur, du détaillant et qui se suffit à lui-même, via la vente directe. Ajoutez à cela un sens de la communauté, celle qu’internet permet de construire, et vous avez Daniel Wellington, une marque fashion créée en 2011 par le suédois Filip Tysander (Ph), portant le nom d’une improbable rencontre. Succès sans précédent avec des montres hors label swiss made, qui fait fantasmer jusqu’aux géants suisses du genre. Du coup, la chaîne Manor, pour attirer ses clients et vendre ses ‘autres’ montres, n’a pas hésité à l’accueillir au sacrifice de ses marges traditionnelles. La boucle est bouclée. Le virtuel devient physique, l’engouement du Clic and Pay fait place à la foule des grands magasins. Les temps changent. (Lire « La Guerre des Marges », section « Marchés » de ce magazine). _JAG n

MÉTIERS

L’ASMEBI parie sur la relève via la formation L’Association Romande des Métiers de la Bijouterie fait partie de ces institutions qui trouvent toujours au salon EPHJ-EPMT-SMT une place privilégiée. Sa mission, protéger les Métiers d’Art. Son enjeu, la formation. Ses adhérents se recrutent au sein des bijoutiers indépendants, de structures dans la joaillerie et l’orfèvrerie et quelques marques prestigieuses. « Notre rôle principal est de défendre les formations et de pérenniser les métiers de l’artisanat, que l’on considère comme fragiles. Certains ont perdu leur certification, comme l’émailleur », confie André Perrin, président. Certaines professions ont disparu. En fait, si leur désignation perdure, et que des artisans mettent tout en œuvre pour que leurs savoirs ne disparaissent à leur départ, plus aucun diplôme helvétique n’atteste la formation d’émailleur, lapidaire (photo) ou bijoutier-chaîniste. Ainsi, pour devenir sertisseur aujourd’hui, vous devez vous rabattre sur la formation de bijoutier option sertissage. Egalement en lieu et place du CFC de polisseur, l’impétrant aura tout au plus une attestation fédérale de formation professionnelle. « Même si nous ne visons pas toujours la rentabilité, il est aisé de deviner que si une formation n’attire pas suffisamment d’élèves, elle risque de s’éteindre. », poursuit André Perrin. _HMK/JAG n Devenir membre > www.asmebi.ch/fr/adhesion

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MARCHÉ

Révolution au marché du déjà-porté

WatchBox s’installe à Neuchâtel

Henri-Maxime Kehdoud

Société à forte valeur technologique, un mix de Google et de Wall Street, cette société de Philadelphie fait bien plus que du e-commerce. Du conseil, du service, des stocks et même, une présence aux Ambassadeurs.

A

près Philadelphie, Hong Kong et prochainement l’Afrique du Sud, la plate-forme digitale américaine de vente de montres d’occasion ouvre en mai dernier, une filiale dotée d’un lounge à Neuchâtel. Puis annonce par voie de presse son partenariat avec la chaîne des Ambassadeurs. Après tout, pour vendre des montres neuves, les magasins de luxe n’ont-ils pas intérêt à disposer d’une service performant de reprise des anciennes montres ?

Technologie de pointe et réactivité

C’est l’annonce d’un changement total de paradigme dans ce marché en plein essor. Patrick Hoffmann acteur du monde horloger depuis plus de trente ans, aurait-il rejoint WachBox comme vice-président pour la Suisse, si c’était une simple entreprise horlogère ou un de ces innombrables sites dédiés au e-commerce ? Le doute est permis. Certes, cet ex-CEO d’Ulysse Nardin était à la recherche d’un challenge, mais hors de l’horlogerie traditionnelle. Qu’à cela ne tienne, le sémillant Danny Govberg, propriétaire de Govberg Jewelers à Philadelphie, co-fondateur de WatchBox avec Liam Wee Tay et Justin Reis et surtout gros revendeur mondial de montres neuves et d’occasion, l’invite à rejoindre l’aventure. Patrick Hoffmann se rend donc au siège de WatchBox dans la ville des Quakers en Pennsylvanie pour découvrir finalement une société qui, en

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Nommée Vice-Présidente Marketing de WatchBox Suisse, Suzanne Hurni, 30 ans d’expertise horlogère chez Ulysse Nardin. matière de ventes online, préconise que le système Clic & Buy a fait son temps. « Si vous comptez investir 20 ou 40’000 francs dans une montre, le conseil devient primordial, et nos clients peuvent prendre contact avec nos conseillers, par tous les moyens électroniques existants », explique la nouvelle recrue. Et ce n’est pas tout, WatchBox dispose d’une application unique au monde, qui recense le prix des montres d’occasion sur des dizaines de sites et calcule ainsi la valeur vénale de la pièce proposée. Le prix fluctue en fonction de l’offre et la demande. Cette application est le pendant d’Eurotax, l’argus des voitures en Suisse.

Dany Govberg, CEO et co-fondateur de WatchBox à Philadelphie.

Intérêts convergents Fondée en 2017 seulement, WatchBox possède déjà son réseau de distributeurs agréés, notamment aux Etats-Unis avec la chaîne Hing Wa Lee Jewelers dont le siège est en Californie. Les Ambassadeurs, détaillant leader de marques de montres et de bijoux en Suisse, vient de l’intégrer. Ainsi, ses magasins de Zurich, Genève, Lucerne et Lugano ouvrent leurs portes à ce service d’achat, de vente et d’échange certifié de montres d’occasion. Du win-win puisque WatchBox disposera de Digital Corners propices aux présentations numériques interactives dans les centres les plus prestigieux de Suisse et que Les Ambassadeurs aura accès au stock complet de WatchBox, pouvant même l’ajouter sur son site internet lesambassadeurs.ch. _Joël A. Grandjean


Chiffres

MARCHÉ

15 milliards de dollars US annuels, tel est le montant estimé par les consultants financiers de Kepler Cheuvreux pour le marché mondial actuel des montres d’occasion. 20 à 40’000 francs, la valeur des montres d’occasion visées par WatchBox

A Genève Rue du L’impatience des Millennials Rhône, l’espace WatchBox prend le risque d’acheter Connaisseur aux pour elle-même des montres à des Ambassadeurs. privés. « Nous disposons d’un stock horloger de près de septante millions de francs », précise Patrick Hoffmann. Charge à ses traders spécialisés en horlogerie d’écouler ces garde-temps via leurs réseaux. Une vingtaine de courtiers est basée à Philadelphie pour deux à Neuchâtel et six à Hong Kong. Ainsi, une montre disponible à New York est rapidement vendue à Pekin. Car aujourd’hui, les consommateurs, et surtout les Millennials, ne veulent plus attendre six mois pour acquérir l’objet de leur désir. Authentifier et rassurer. Les pièces issues des stocks de cette plate-forme repartent avec un certificat d’authenticité et une garantie de quinze mois. Chaque montre est soumise à des horlogers formés en Suisse afin de faire la meilleure offre aux revendeurs et rassurer les amateurs de pièces d’occasion sur leur origine. Le paiement s’effectue entre 24 et 48 heures maximum. Déjà 20’000 passionnés dans le monde se sont inscrits à cette plateQuelques unes des grandes marques du stock WatchBox. Certifiées et garanties 15 mois : La Byblos de F.P. Journe, Patek Philippe, un chrono Royal Oak Audemars Piguet ainsi que cette Omega Speedmaster.

20’000, le nombre des abonnés à l’application WatchBox dont les collections et modèles de montres sont estimés à 500 millions de francs. 200 millions de dollars US, le chiffre d’affaires estimé de WathBox en 2019. 70 millions de francs, la valeur du stock déjà acquis par WatchBox.

forme, histoire d’évaluer la valeur de leur portefeuille horloger, estimé à près de 500 millions de francs, même s’il y a des trésors que leurs propriétaires n’abandonneront jamais.

Panacée contre le marché gris ?

La question taraude les observateurs. Ce nouveau business model peut-il enrayer le marché gris ? D’autant que les horlogers ont largement surstocké ces dernières années. Le Groupe Richemont, il est loin d’être le seul,

a ainsi racheté en 2018 ses invendus pour un montant de 200 millions de dollars. WatchBox, en proposant le juste prix du marché, pense pouvoir réguler ces transactions opaques. Un avis partagé par Georges Kern, CEO de Breitling, qui affirmait au magazine Forbes, que cette plateforme offrait toutes les garanties pour lutter contre le marché gris, soit 80 % des transactions en ligne de montres de seconde main du luxe. D’ailleurs, rien ne dit que les marques – et parfois leurs détaillants – ne seraient pas tentées un jour de liquider leur new old stock, (ces montres neuves invendues qui stagnent dans leurs espaces de stockage), en usant de ce canal pour faire entrer du cash. Pour l’heure, WatchBox prévoit un chiffre d’affaires de plus 200 millions de dollars cette année. Et la Suisse et Neuchâtel, si proches des manufactures, outre la légitimité indéniable qu’elles apportent, augurent bien des marchés prometteurs en Europe pour cette dernière-née ambitieuse. n

WatchBox au cœur de Zurich, dans l’enseigne Les Ambassadeurs.

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L’ÉCHO

MOMENTS

DES FABRIQUES

MOMENT

JSH partage l’espace de Watchprint.com La bibliothèque horlogère mobile Watchprint, avec ses plus de 850 références en ligne, revient au salon EPHJ-EPMT-SMT. Et c’est là que vous trouverez JSH. Retour à l’envoyeur ? Les livres, le Journal Suisse d’Horlogerie les aime. Et surtout lorsque ceux qui les promeuvent et les éditent, Fabrice Mugnier et Suzanne Wettstein, sont si intimement liés à son destin. Ne furent-ils pas en effet ses anciens éditeurs ? Vice-Président de l’association JSH Archives et Patrimoine, en charge de faire revivre et de digitaliser les anciens numéros du Journal Suisse d’Horlogerie de 1876 à 2002, comprenant les éditions allemandes, anglaises ou dans d’autres langues, Fabrice Mugnier revient aux premières loges. presidence@journal-suisse-horlogerie.swiss. _JAG n www.explorewatch.swiss/zenith/

MÉTIERS

Décrocher la lune, à tout prix D’un côté le livre Une Montre Sur La Lune édité par Watchprint et dédié à cette Omega à jamais entrée dans l’histoire pour avoir participé à la conquête lunaire. Du rêve relié en 224 pages sur l’histoire extraordinaire de la Speedmaster et de ce petit pas humain qui fut un bond de géant pour l’Humanité. De l’autre, Label Noir, une marque de luxe dédiée à la personnalisation horlogère. Ou quand tous les savoir-faire discrets de la cotraitance, des modifications de calibres les plus folles aux traitements de surface les plus innovants, deviennent une marque déposée, acquise il y a peu par le groupe 21st Century, propriétaire entre autres du réseau de boutiques Nous (ex-Colette). Genève ville et aéroport, Monaco, Paris, St-Tropez, peuvent désormais découvrir ces pièces que des clients épris d’originalité ultime commandent à l’horloger CEO Emmanuel Curti. Comme cette lunaire Royal Oak en or, recouverte de MMC, Magmatic Moon Coating. Il s’agit d’un dépôt exclusif à Label Noir qui reproduit des cratères de lune sur une boîte et son bracelet. A quand une Speedmaster ainsi modifiée ? www.watchprint.com www.labelnoirdesign.com n

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OBSERVATOIRE BAUME, le déclin

de l’horlogerie suisse ?

Préférer le custom made au swiss made ? Autrefois les marques souffraient du syndrome de l’Oyster et rêvaient de ressembler à Rolex-Tudor. Aujourd’hui, leur référence semble être devenue Daniel Wellington. Cherchez l’erreur !

Joël A. Grandjean

A

vis aux fournisseurs des berceaux historiques de l’horlogerie suisse ! A commencer par les plus de 700 PME présentes à l’EPHJ et actives dans l’horlogerie. Cette petite sœur de Baume & Mercier a décidé de se passer de vous. Assemblage aux Pays-Bas, ce qui a au moins l’honnêteté de laisser supposer qu’une part importante de la fabrication a été sous-traitée en Chine, mouvements non suisses revendiqués, à savoir des Miyota made in Japan pour les mécaniques.

Sauver les animaux, se passer des humains ?

Respecter les animaux et la planète c’est bien, respecter le travail fait en Suisse c’est mieux. Les espèces menacées, au monde de la sous-traitance horlogère sont nombreuses. Baume n’entend pas ou peu faire appel au riche tissu de la cotraitance de son pays de domicile, mais elle soutiendra – à hauteur de 2%

de ses ventes en fait – les associations actives dans le nettoyage des océans infestés de plastique. C’est noble. Et les médias, y compris spécialisés, ont gobé sa communication rondement menée. Ils ont encensé une nouvelle signature fashion dont la Directrice Marie Chassot annonçait : « Nous n’utilisons aucun matériau précieux ou celui issu des animaux. Les composants inutilisés sont recyclés ou employés à nouveau. Nos bracelets de montres interchangeables sont fabriqués à partir de tissus naturels ou recyclés tels que le liège, le coton, le lin, l’alcantara et le PET recyclé. (..) Enfin, nous utilisons uniquement du papier et du carton certifiés FSC ».

Non-suissitude revendiquée

A ma connaissance, aucun média n’a relevé que la ligne rouge venait d’être franchie, celle de revendiquer sans complexe une production Custom Made qui permet de louvoyer avec les appellations d’origine et de faire la nique au swiss made. Côté calibres, rien à dire. Les Miyota mécaniques sont issus d’une maîtrise industrielle japonaise qui n’en finit pas de s’améliorer. Quant aux quartz, leur lieu de provenance n’est pas indiqué, à savoir s’il s’agit

Baume & Co : depuis Les Bois, un petit village du Jura à quelques enjambées de La Chaux-deFonds, la famille Baume, armée de valeurs de terroir et de précision mécanique, partit à la conquête du monde

Environnementalement correcte, la communication de Baume respecte la nature. des Ronda fabriqués en Suisse et vendus moins de CHF 5.00 à leur sortie d’usine, ou de ceux vendus environ CHF 1.80, fabriqués en Thaïlande dans une usine également propriété de cette société suisse.

« Les espèces menacées au monde de la cotraitance horlogère sont nombreuses » Bref, depuis plusieurs centaines d’années, pour une multitude de raisons, l’horlogerie mondiale est suisse. Et tandis que certains affutent leurs outils industriels en territoire helvétique afin de participer à une conquête des segments inférieurs, ces monstrueux volumes des montres en-dessous de CHF 1’000.00, d’autres décident sciemment et en l’annonçant du haut de leur force économique de groupe


MOMENTS

L’agaçante Code 41, donneuse de leçons Cracher dans la soupe, c’est pas cool. Ancien designer horloger pour des marques ayant pignon sur rue et ayant apporté à son CV quelque prestige, Claudio d’Amore parvient à exister en clamant que les autres sont des bandits. Sur le mode de tout finit par se savoir, il enfonce d’abord des portes ouvertes, s’intronise gourou de la transparence dans le seul pays qui a inscrit dans sa Loi les conditions d’obtention de ce qui s’y fabrique sur le plan horloger, et lance une marque qui n’a de Suisse, dans un premier temps, que l’indicatif et la couleur de la ligne qu’il ne cesse de franchir. Impossible de ne pas tomber nez à nez avec sa pub, au détour d’une recherche Google. Il est partout, il nargue le secteur, jusque dans les trams qui, de la gare de Bâle, mènent à la Messeplatz. En raccourci, on ne vous dit pas tout. Tous, hormis lui, sont des arnaqueurs qui vous volent à coups de marges qu’une vente directe à une communauté crédule permet d’assainir. A la rue ceux qui, du simple détaillant de quartier au plus honorable des distributeurs, vivent sur le dos d’un consommateur qui se fait avoir ! Puis soudain, après avoir mis à contribution ses fidèles, il les assomme en passant de quelques centaines de francs à presque CHF 4’000.00. Bizarre, son calibre en mode participatif est manufacture et bien suisse, finitions soignées comprises. Quant à sa levée de fonds en prévente – livraison en décembre 2019 – elle tutoie de peu les CHF 3 millions. Honnêtement, qui dit mieux ?

de haute horlogerie domicilié en Suisse, de scier la branche sur laquelle l’ensemble du secteur est assis.

Histoire bafouée : Mercier à la limite, mais en tous cas pas Baume

Tandis que le Swatch Group parvient au miracle industriel certes chimico-physique d’une Swatch mécanique à moins de CHF 200.00 (Sistem51), tandis qu’il donne les moyens à Tissot de produire un chronographe mécanique swiss made à moins de CHF 300.00, la marque Baume rêve d’un configurateur aux infinies possibilités (plus de 2’000 modèles), d’une vente directe au consommateur et d’interchangeabilité de bracelet. La Compagnie Financière Riche-

mont SA, dans une léthargie généralisée, crée ce qui aurait pu être perçu comme un scandale. Car s’il fallait oser s’aventurer sur ce terrain, ce qui commercialement, dans un contexte de guerre économique et de dividendes d’actionnaires peut se comprendre – qui peut en effet rester insensible aux volumes de Fossil ou de Festina (une marque historique suisse produite ailleurs) – fallait-il se réclamer de la si riche histoire des Baume ? De cette famille qui, depuis Les Bois dans le Jura, mit le monde et le Royaume d’Angleterre à ses pieds avec ses premiers comptoirs, ses victoires aux concours de chronométrie et ses tourbillons ? Si au moins le Groupe de Bellevue-surGenève-en-Suisse, s’était réclamé, dans

son errance, de Monsieur Mercier. Car Paul Tchereditchenko, tel était son nom, était un homme raffiné, enthousiaste, un créateur et homme d’affaires à qui la marque Baume & Mercier doit ses plus belles heures féminines et design. Le fashion made, c’était son génie. Ceci dit, ce brillant esthète suisse aux vécus cosmopolites et aux origines russes aurait certainement plaidé avec plus de ferveur encore que ses concitoyens d’alors, pour qu’une horlogerie liée à son nom restât à jamais suisse.

Les temps changent

Tandis que nos pères fondateurs se retournent dans leur tombe, votre serviteur se réveille d’un mauvais rêve. Et attends avec impatience vos réactions à ce débat lancé, à cette opinion tranchée. redaction@jsh.swiss n

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MOMENTS

Haute-Horlogerie, selon l’historien Pierre-Yves Donzé

Le livre qui remet les pendules à l’heure !

Joël A. Grandjean

P

our en savoir plus, il va vraiment falloir lire ce livre paru chez Alphil, L’invention du Luxe, histoire de l’industrie horlogère à Genève, de 1815 à nos jours. Titre assez long, universitaire, visible au stand de Watchprint.com, la librairie horlogère en ligne et présente au salon EPHJEPMT-SMT, comme dans les grands événements du secteur.

L’Histoire sans les histoires

Cet article vous met juste sur la voie, il ne vous en dira pas plus. Il semble que dans cet ouvrage, l’Histoire, celle qui s’étudie de manière indépendante et avec rigueur, se permette une fois de plus de tordre le cou à certaines histoires. Vous savez, ces histoires qui servent les intérêts des marques, qui peaufinent leur image et qui enjolivent leurs passés. Ainsi, la certitude qui place Genève dans la perception collective du secteur et du marché comme étant le pôle du luxe horloger, ce qui par extenso relègue le reste des régions horlogères suisses à des rangs inférieurs, plus industriels par exemple, apparaît totalement incomplète : l’auteur révèle ce que l’appellation ‘haute-horlogerie’ signifiait réellement aux 18e et 19e siècles.

Chercheur indépendant

Mais qui est donc Pierre-Yves Donzé, ce scientifique qui, de la hauteur de ses

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Son livre lance un pavé dans la marre : l’appellation ‘haute-horlogerie’ date en fait des 18e et 19e siècles, à une époque où elle désignait totalement autre chose. Rencontre avec un auteur qui bouscule des certitudes sacrées. recherches et de ses trouvailles, remet les pendules de la haute-horlogerie à l’heure ? Ceux qui suivent les médias horlogers indépendants, les passionnés et les collectionneurs, le savent également auteur puisqu’ils le lisent régulièrement dans le magazine Watchonista. com (The Watches Network, Pully) où il commet régulièrement d’intéressantes sagas historiques. Depuis le Japon où il vit et sévit comme professeur à l’Université d’Osaka, cet historien avait choisi Genève pour lancer son livre, dans un lieu chargé d’Histoire, le Palais de l’Athénée. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre, vos motivations ?

Il y a deux raisons principales. Premièrement, rien n’avait jamais été écrit sur l’histoire de l’horlogerie à Genève de 1815 à nos jours, c’était une période inconnue, donc un challenge important pour un historien de l’horlogerie. Deuxièmement, je travaille depuis plusieurs années sur le business du luxe avec des collègues d’autres pays et nous nous interrogeons sur les fondements de la compétitivité de cette industrie aujourd’hui. Je contribue à ces réflexions avec le cas de Genève et de la Suisse.

D’après-vous la haute-horlogerie existait déjà aux 18e-19e siècles ?

Le principal apport de ce livre est de montrer qu’il n’y a pas de continuité dans l’horlogerie du luxe du 18e siècle

En 2011, Pierre-Yves Donzé reçoit le prix Gaïa délivré par le MIH - Musée International de l’Horlogerie à La Chaux-de-Fonds. Il s’agit d’une prestigieuse reconnaissance appelée aussi le Nobel de l’Horlogerie.


MOMENTS

qui vivez au Japon ? N’est-ce pas un handicap pour vos recherches ?

Nous vivons aujourd’hui dans un monde interconnecté et la distance géographique n’est plus un problème. Bien sûr, il faut être extrêmement bien organisé pour réaliser les déplacements dans les archives lors des passages à Genève. Et vivre dans un environnement culturel et social différent permet d’offrir un regard original de ma part (à la fois proche et distant).

Quelle montre portiez-vous lors de la cérémonie de lancement de votre livre à Genève, le 27 septembre 2017 ?

Livre disponible sur le site Watchprint.com ou sur le stand «  librairie horlogère  » du Salon EPHJ-EPMT-SMT. à nos jours. Comme ailleurs en Suisse, les Genevois ont produit une large variété de montres, y compris des montres simples, bon marché et de mauvaise qualité. Ce livre démontre la nécessité d’une démarche historienne, avec un retour aux sources de première main et une analyse critique des données, afin de prendre de la distance avec le discours des marques, qui vise à construire de belles histoires n’ayant pas toujours un lien avec la réalité. L’idée de « haute horlogerie », qui remonte aux 18e-19e siècles mais qui n’a pas le moindre rapport avec son acception actuelle, est un bon exemple.

Vous, que pensez-vous du concept de Haute Horlogerie et de Métiers d’Art ?

Comme démontré dans mon livre, je pense que c’est un concept vide de sens qui sert les intérêts des entreprises membres de la Fondation de la Haute Horlogerie. Il faut le comprendre comme la volonté de s’imposer comme les véritables représentants du luxe face à d’autres concurrents suisses (Swatch Group notamment).

Comment gardez-vous le contact avec les réalités helvétiques et genevoises vous

J’ai porté comme chaque jour une Longines, parce que c’est une entreprise établie dans la région d’où je viens (le Jura), parce que c’est une marque qui présente une certaine cohérence (elle ne s’est pas inventé complètement une histoire, ce qui est rare...) et parce qu’elle représente un excellent rapport qualité-prix.

Vous avez reçu le fameux prix Gaïa, une reconnaissance ?

C’est l’un des rares prix décernés dans l’horlogerie par des institutions qui ne sont pas les entreprises horlogères elles-mêmes. Par ailleurs, le MIH est sans doute l’institution qui possède la meilleure légitimité pour un prix de ce type. Il m’a apporté une grande reconnaissance et surtout un encouragement à poursuivre mes travaux sur l’histoire horlogère abordée de manière globale et transnationale. n

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OPINION

Mauvaises Joël A. Grandjean

pratiques

L

e pire de cette histoire, c’est que lorsque je la raconte , on me regarde avec une sorte de sourire entendu qui signifie «ah, tu débarques, on voit bien que tu n’es pas du métier». Et mon auditeur, pour autant qu’il travaille dans le domaine de la cotraitance horlogère, y va de sa propre histoire, de sa propre anecdote. Les cas se ressemblent, je tombe des nues. Se pourrait-il que de telles pratiques, apparemment répandues, prennent le risque un jour d’arriver aux oreilles des consommateurs et ainsi d’écorner le capital confiance qui fait que pour eux, l’horlogerie mécanique et même en général, se doit d’être suisse. Je résume, Albert*, fabricant de composants horlogers (je n’en dirais pas la nature afin que personne ne se reconnaisse ni ne puisse user de représailles), reçoit la visite d’un groupe. Qui indique vouloir une offre pour 3’000 exemplaires… au meilleur prix. Albert fait ses calculs, la marque est prestigieuse, il accouche d’une offre qui, à l’aune de sa légendaire intégrité, tient compte de tous les paramètres, au plus juste. Car son peut-être futur client pèse lourd. Il serait plutôt content de voir en cette première commande le début d’une relation durable. Peu après, le groupe lui passe commande pour 1000 premières pièces. Albert y va, se donne, puis livre dans les délais. Peu après, il reçoit le paiement de sa première facture ainsi que des compliments qu’il n’attendait pas. Le temps passe, aucune impulsion, malgré quelques courtoises relances. Quid des 2’000 autres pièces? Dans ce secteur, certaines choses prennent du temps, il ne s’en fait pas. Environ une année après, le voici bousculé dans son quotidien par un téléphone ravageur. Au bout du fil, un représentant très en colère du groupe qui le réprimande et lui jette à la figure, verbale-

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ment, des pièces qui sont, dit-il, de qualité lamentable. Albert tombe des nues. Il les réclame en retour afin, s’engage-t-il, de les mettre à niveau. Il ferme les yeux sur le fait que, quoiqu’il en soit, il ne peut accepter le ton, la manière et l’arrogance utilisés lors de l’appel. Mais il se tait, le groupe est puissant et un con, même petit, peut être vénéneux. Lorsqu’un échantillon de pièces lui revient, il se précipite. Observe à la loupe, détaille, appelle un de ses collaborateurs. Une certitude, ces pièces ne proviennent pas de sa fabrique puisque sa manière de faire comporte une ou deux spécificités apparemment trop subtiles pour pouvoir être détectées par son client.

Il retourne le tout et invite son client à s’adresser à «l’autre fournisseur». Il sait très bien que celui-ci se situe en Chine. Il ne recevra aucune excuse, ni commentaire. Décodage. Le groupe a sciemment obtenu le prix d’une série de 3’000 sachant qu’il n’allait en commander que 1’000 puis donner le reste à faire en Asie. Pour enfin mélanger le tout, ni vu ni connu. En définitive, Albert n’aurait jamais soupçonné la supercherie si un petit con teigneux ne l’avait pas choisi pour se défouler. Mauvaises pratiques, à dénoncer, parce qu’elles font du tort à tous. n {*} prénom fictif, nom connu de la rédaction.


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