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DE TEMPS EN TEMPS, JE LAISSE TOUSSER LE TERRAIN

Alfi Stoisser est le head greenkeeper de l’Engadine Golf Club. Depuis 34 ans, il entretien et chérit avec son équipe qui compte aujourd’hui douze collaborateurs, les parcours de golf de Zuoz et de Samedan et les hisse au top niveau pour la saison. Il dispose donc d’une bonne expérience pour évoquer la biodiversité et certains moments particuliers dans son travail.

M. Stoisser, l’Engadine Golf Club vient d’être certifié par la GEO Foundation pour sa biodiversité et sa durabilité. Jusqu’où un terrain de golf peut-il être durable ?

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Alfi Stoisser: Une durabilité totale n’existe pratiquement pas dans le domaine du golf. Toutefois, nous avons visé un optimum au fil du temps et avons pu réaliser beaucoup d’actions positives au cours de ces dernières années, raison pour laquelle nous avons été certifiés. Nous n’utilisons, par exemple, plus de fongicides ni d’insecticides depuis 2020 sur nos parcours de Zuoz et de Samedan. La nature y trouve son équilibre.

Est-ce que cela veut dire qu’en été vous n’avez plus rien d’autre à faire que tondre l’herbe sur les greens ? (Il rit) Ne croyez pas cela. Il faut savoir qu’en été, nous avons des journées de travail d’au moins dix heures. Nous devons arroser les terrains, ce qu’ici à la montagne, nous pouvons heureusement faire avec l’eau des glaciers dirigée dans des étangs, puis pompée. Nous devons observer attentivement le comportement des plantes, car l’eau glacée procure, comme pour nous, un facteur immédiat de stress. Outre l’arrosage et l’entretien des greens, les animaux nous réservent toujours des surprises et du travail. Depuis des années, nous avons des renards sur le terrain de Samedan. Au printemps, les renardeaux s’ébattent dans les bunkers comme des enfants dans un bac à sable. Nous devons toujours relisser le sable. Ceci-dit, pour les golfeurs, les animaux constituent une expérience particulière.

Cela a l’air d’un travail fort agréable, vous êtes toujours en plein air. Oui, c’est une activité très agréable. Nous nous levons le matin avec la nature, les plantes et les animaux. Une année, un chevreuil et ses deux faons ont brouté tout près de nous. Ils ont remarqué que nous ne représentions aucun danger et sont revenus toute au long de la saison.

Mais pour nous, les greenkeepers, rien n’est jamais comme avant. Chaque saison, nous recommençons à zéro. A Samedan, par exemple, nous avons des push-up greens. Ils ont des structures différentes, un peu comme 18 enfants qui ont tous besoin d’une attention particulière. S’ils montrent des signes de maladies, nous devons évaluer avec précision si et quand nous devons intervenir avec des moyens auxiliaires. Mais c’est comme pour nous, les humains: un petit rhume ne doit pas être combattu avec des moyens violents. De temps en temps, je laisse tousser le terrain.

Vous êtes certainement devenu un expert en graminées au cours de vos 34 années d’activité.

À une altitude de 1800 mètres, toutes les herbes ne conviennent pas. Les graminées destinées aux régions chaudes, comme l’agrostide des chiens, ne poussent pas chez nous. Elles ne supportent pas les grandes différences de température que nous avons en Engadine. Entre-temps, nous avons créé un jardin avec des surfaces d’essai et composé nos propres graminées. Nous transformons notre stock en pure fétuque rouge. Elle a des feuilles fines et pousse de manière très dense, comme un tapis. Tout cela demande un équilibrage permanent. Dans les années à venir, l’industrie de graminées créera certainement de nouvelles espèces, encore plus résistantes à la sécheresse et aux maladies.

Votre travail inspire sans doute un grand respect auprès des golfeurs. On pourrait le penser. Mais cela a un peu changé ces dernières années. Avant, j’avais plus de contacts avec les joueurs. Aujourd’hui, tout est devenu plus rapide et plus éphémère. Tout le monde veut tout – immédiatement. Il y a des joueurs qui nous donnent l’impression d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Mais la majorité d’entre eux continue d’apprécier le fait que nous entretenions chaque jour une surface de plus de 30 hectares en les rendant parfaits pour le jeu. •

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