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Passionnant comme jamais

Il y a beaucoup de British Open qui se sont déroulés en Ecosse. A Muirfield, Prestwick, Troon, Turnberry par exemple. Et pourtant, pendant des années, les gens s’imaginaient qu’il n’y avait que sur le Old Course de St. Andrews que le plus vieux majeur s’arrêtait tous les cinq ans. En 1999, les choses ont changé. Un second parcours s’est distingué par sa préparation très exigeante et surtout son finish palpitant, qui fit de Jean Van de Velde le plus malheureux des perdants: Carnoustie! Monstrueux pour certains, sévère pour d’autres, mais incroyablement stimulant pour tous, ce golf dont les origines sont incertaines mais remontent en tous les cas à 1842 a reçu sont premier Biritish Open en 1931. C’est Tommy Armour qui s’était imposé. Henry Cotton l’imita en 1937, avant que Ben Hogan ne vint définitivement inscrire Carnoustie dans le Hall of Fame des parcours, en dominant l’édition 1953 et en remportant sa seule et unique aiguière d’argent. Gary Player en 1968 et Tom Watson en 1975 furent les derniers vainqueurs, avant que le Royal & Ancient of St. Andrews ne «déclasse» le parcours, faute d’installations annexes propices à l’organisation d’un tel événement. Ce n’est qu’à la fin des années 90, avec la construction d’un hôtel sur le golf, que le R&A remit Carnoustie dans son tournus des parcours dignes de recevoir The Open. L’édition 1999 fut un must, «squattant» les mémoires de tous les acteurs et observateurs, et particulièrement celle d’un élégant Français…

C’est donc avec curiosité et impatience que joueurs, journalistes et spectateurs attendaient la cuvée 2007. Est-ce que le rough allait être aussi impitoyable qu’en 99? Est-ce que Tiger Woods allait réussir la passe de trois, après ses victoires à St. Andrews et Hoylake? Est-ce qu’un Européen allait s’imposer dans un majeur, puisque ce n’était pas arrivé depuis… 1999, à Carnoustie? Réponses: non, non, oui.

La première surprise de la semaine est venue de Sergio Garcia, qui prenait la tête avec une magnifique carte de 65 (-6) et qui effaçait d’un coup le souvenir de 1999, lorsqu’il avait terminé dernier et en pleurs après deux jours d’errance dans le rough. Même s’il avait joué avec Woods dans la dernière partie en 2006, on n’attendait pas vraiment l’Espagnol à pareille fête, son putting laissant trop à désirer. Mais la découverte récente d’un «belly putter», dont le grip se plante dans le nombril du golfeur, semblait avoir comblé tout ou partie des lacunes de Sergio. Trois tours durant, il allait maîtriser avec talent ce terrain maudit.

La seconde surprise venait de l’inconstance du numéro un mondial, dont le sommeil était visiblement perturbé depuis la naissance de sa fille! Le coup de fer hors limites au No1, lors du second tour, symbolisait les difficultés de Tiger. Mais à son sujet, on ne s’inquiète pas trop pour l’instant, le bougre a de la réserve. Et Jack Nicklaus s’est même fendu d’un commentaire au sujet de cette paternité, arguant par expérience – il a eu cinq enfants! – que cette nouvelle responsabilité allait booster le tigre. Troisième surprise, la partie d’Andres Romero, l’Argentin dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’il n’est pas parent avec Eduardo. Dix birdies le dimanche! Et plus un seul par depuis le No7. Mais malheureusement deux bogeys et deux double bogeys, dont celui du 16, qui le verra perdre un leadership inespéré un peu plus tôt. Et ensuite, on remplace le mot surprise, par celui de suspense! Car il ne restait plus en lice pour la victoire, à trois trous de la fin, que l’effacé Irlandais Padraig Harrington et l’impétueux Sergio Garcia. Les deux meilleurs joueurs du monde à n’avoir pas encore remporté un majeur. Le cœur du public battait certainement pour le cousin de Dublin, mais les fans du résident occasionnel de CransMontana se faisaient aussi entendre. Et comme en 1999, c’est le 18 de Carnoustie qui allait être le théâtre d’un drame. De deux en fait! Puisque Padraig Harrington mettait deux balles de suite dans le Barry Burn, celui-là même où Van de Velde avait pris un bain de pieds. Sorti du green avec un double bogey, les larmes aux yeux, il pensait que ce cadeau fait à Sergio était rédhibitoire. Mais c’était sans compter sur la générosité hispanique: coincé dans une stratégie prudente, Garcia terminait avec un ultime bogey son plus mauvais tour, non sans que sa balle ait accroché le trou pour le par, clin d’œil à un palmarès toujours vierge dans les tournois du Grand Chelem. Le play-off sur quatre trous – particularité britannique – ne pouvait être aussi intense et le bogey de Sergio le condamnait irrémédiablement au premier trou, alors que Padraig enquillait le birdie. Est-ce que Padraig a gagné? Est-ce que Sergio a perdu? En tous les cas, Carnoustie et le golf sont les grands vainqueurs de cette édition 2007. Et tout le monde de rêver à la prochaine édition «carnoustienne»!

■ Jacques Houriet

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