L'Atelier du poète

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L’ATELIER DU POETE Priscille Phelip Mathilde Morel Florent Allemand Dessin Peintures Poèmes


Publié à l’occasion du Printemps des poètes 2015


L’ATELIER DU POETE Priscille Phelip Mathilde Morel Florent Allemand Dessin Peintures Poèmes



« La peinture est une poésie qui se voit » (Leonard de Vinci) Le printemps des poètes, image que je me plais à morceler, à déconstruire, à inverser. Photographie dont je ne regarde que le négatif, photo que je solarise. C’est l’automne du poète que je voudrais écrire, l’embrasement fictif et les mauves lenteurs. Deux paysages d’automne factice : l’atelier de Lucian Freud avec son jardin de plantes d’intérieur, ces tas d’ordures hors de fenêtres, qui sèment sur le parquet grisâtre leurs feuilles rousses, les cataractes de chiffons blancs tachés de peinture à l’huile. Le mur couvert de fientes de pinceaux. Matière qui se développe comme une écorce granuleuse. Et au centre le chevalet et le tableau. Second paysage : l’atelier de Bacon, une concrétion de peinture à faire, achevées, de rebut, tubes vides, de photos délaissées, d’images exploitées, de papiers découpées, de palettes accouchantes. Un paysage entre le champ et bataille et un chantier de construction. Avec le souvenir de ces ateliers mémorables, le poète entasse ses manuscrits, ses carnets, ses notes, ses visions, sur une table où il faut pousser les récipients d’huile et de térébenthine pour pouvoir appuyer sa feuille, table couverte de palettes dont on ne peut s’approcher sans se maculer les doigts et les habits de peinture à l’huile. Le poète pousse les pinceaux que les autres manient, à la recherche d’images nouvelles il cristallise les siennes, l’agencement des mots se fait plus vite face à la réciprocité des formes et des couleurs. Le poème surgit du moindre éclat, éclaboussure, de peinture jaune et se développe à partir des images qu’on lui montre, qu’il s’approprie. Pourtant, orchidée orgueilleuse, il garde son indépendance et fleurit pour lui seul dans un contentement méditatif, elle digère les mécanismes et les plaisirs de la vue. Les pigments et le vocabulaire s’amalgament et s’enrichissent de leurs doubles joyeux jumeaux.



Priscille Phelip Liquoriste factice et marchant de lueur, Le salon silencieux, L’étrange château de cartes écroulé. Coup de dés. Les voilà abolit. Le temps des trahisons et des écroulements, Le temps des tricheries et des révélations, Le temps des entassements et des dès pipés. Les voilà abolit.


Mathilde Morel Sourire d’abruti, œil crevé, demi-borgne, Face rose-bonbon, dentier écarquillé, Idiot encyclopédique, nez perspicace, Dent en moins, dent en or, Traits tirés dans l’acidité des couleurs, La face moqueuse, ironique et pitoyable, Des jours quotidiens et étirent leurs dents, Joker de jeux de cartes qui annoncent la fin de la partie, Et mangent nos manteaux.



Affolement facile, de Courbet, de Rembrandt, de tous les fous qui se croient des génies, De tous les génies qui se font passer pour fous. L’océan des nocturnes déchiré par une chemise qui s’esquisse et Des mains s’élançant après une commotion de l’esprit contre quelque vision furtive, Fictive, Qu’il faut s’empresser de figer Pour en garder la dynamique fragile, hasardeuse et certaine ; La disposition aléatoire composition. Bondissement des yeux, Front bouillonnant et visage de désordre Sous cet ébranlement. C’est l’instant même de la secousse recomposé, Quand l’esprit s’enfuit seul à la rencontre d’un motif Et nous laisse figé dans l’ébahissement, déroute et naufrage.




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