Croisement métropolitain - Projet de fin d'étude

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Croisement métropolitain . *

* un port multimodale intégré au paysage au service d’une réindustrialisation durable*

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anna speakman


fig 1. Carte historique Long Island city, 1891.


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fig 1. Atrium de l’Êcole maritime


P10/PFE PASS Centralités émergentes. Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Malaquais Sous la direction de Jean-Pierre Pranlas-Descours Margaux Darrieus Et Jean Léonard Gaëtan Brunet

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fig 2.

fig 3. fig 2. David Llyod. Vue aÊrienne sur la pointe de Hunters Point. fig 3. Vue depuis le ferry sur l’embouchure, photo personnelle.


PRÉFACE Au détour de la East river, entre Queens et Brooklyn, l’estuaire formé par la Newtown Creek dévoile une grande zone industrielle en plein coeur de New York. Le projet portuaire présenté dans ce livret s’inscrit dans une stratégie commune qui s’étend le long de ce territoire. Il répond ainsi à 3 autres projets architecturaux implantés le long de l’embouchure de ce bras de fleuve. Ensemble, ils questionnent la place de l’industrie dans la ville. La Newtown Creek fut un temps le foyer d’une industrie très lourde. Il a ainsi accueilli la première raffinerie de kérosène et la première raffinerie d’huile moderne aux États-Unis. Cette industrie a permis la création d’un solide réseau d’infrastructure qui en fit un des principaux hubs portuaires de New York. Malheureusement, c’est aussi devenu une zone extrêmement polluée. On estime que plus de 30 000 millions de gallons américains de pétrole y furent déversés sans oublier les eaux usées non traitées par le système d’égouts de New York. Depuis le début des années 2000, une grande politique de dépollution s’accompagne d’une réforme radicale du zoning en place. En 2009, Bill de Blasio instaure le plan OneNYC. Il re-dynamise la zone industrielle de la Newtown Creek et ses infrastructures devenues obsolètes. En partant du contexte présent, le projet commun propose de re-qualifier, et désenclaver ce territoire, pour créer les conditions d’un re-déploiement industriel durable autour de la gestion des déchets.

En s’inspirant des formes de mutations industrielles actuelles, notamment le modèle de Dunkerque et le modèle de Kalundborg, le projet s’insère dans une toile industrielle. C’est un dispositif mettant en lien toutes les différentes entreprises présentes sur site et les met en réseaux pour créer une économie locale. Les déchets de l’un deviennent une ressource pour l’autre. Ainsi à l’embouchure de la Newtown Creek, quatre projets architecturaux font la vitrine de la toile industrielle qui s’étends le long des 6km de l’estuaire. Adossé au pont Pulaski, le site le plus à l’est accueille un centre de tri. Il représente le premier maillon de la chaine de l’économie circulaire. Face à celui-ci s’insère une usine de fabrication de mobiliers et de design de réemploi. En front de mer, côté Greenpoint s’installe une « industrie 4.0 », tournée vers les nouvelles technologies utilisant des matériaux recyclés. Enfin sur le cap de Hunters point se trouve le complexe portuaire qui permettra donc d’établir les échanges entre les différents sites.


TABLE DES MATIERES

fig 4. Perspective sur le port depuis le parc de Greenpoint


Préface Partie 1 : Le projet dans la Stratégie territoriale et urbaine commune

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I. Relancer le traffic fluvial pour réindustrialiser la Newtown Creek II. Produire dans l’écosystème urbain : la valorisation des déchets III. Donner à voir l’industrie

Partie 2 : Programme

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I. Infrastructure vis Individus.

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II. Ecole maritime : une ville dans la ville. III. Sport : un monde dans un monde. IV. Un hotel qui regarde Manhattan.

Partie 3 : Volumétrie et Insertion dans le site

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I. Une liaison paysagère. II. L’exception : une pause dans la skyline.

Partie 4 : L’infrastructure hybride

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I. Un monstre hybride? II. L’infrastructure comme architecture. III. Une séquence d’événements qui aspire vers le coeur du bâtiment.


PARTIE - I Le projet dans la stratégie territoriale et urbaine commune

Stratégie territoriale: Relancer le traffic fluvial pour ré-industrialiser la Newtown Creek : Une plateforme multimodale

standardisés entre ses différents moyens de transport, par l’intermédiaire de grues et de portiques.

À la pointe de Hunter’s Point, à l’embouchure de la Newtown creek, et face à la rive productive côté Green Point, mon projet s’insère sur un site qui possède toutes les caractéristiques d’un cap maritime. Jouant le rôle de phare au sens propre comme au sens figuré mon projet entend incarner la re-dynamisation des infrastructures industrielles maritimes autour de la Newtown Creek.

Ainsi, il récupère la marchandise des grands cargos et les charge soit sur le réseau ferroviaire soit sur des bateaux plus petits qui peuvent ainsi naviguer sur la Newtown Creek.

Aujourd’hui, le terminal de containers se trouve à Red Hook, 10 km plus au Sud à l’entrée de la East River. En effet, le circuit fluvial dans la zone industrielle de la Newtown Creek a été complètement abandonné au profit d’un échange principalement routier. Trop étroite et pas assez profonde, elle ne remplit pas le cahier des charge pour accueillir les cargos modernes. Les multiples docks qui s’étendent tout le long du bras de fleuve sont les vestiges d’un va-et-vient trépidant de bateaux pendant l’apogée industriel de la Newtown Creek. Ces espaces ont été réduit à des espaces de stockage et des parkings qui bloquent tout accès piéton à l’eau. Il s’agit de rendre aux docks leur rôle premier en recréant un trafic fluvial industriel. Pour ce faire, nous avons imaginé la mise en place d’une bretelle de transfert de livraison à l’embouchure de la Newtown Creek. C’est un port de transfert bi-modal qui permet l’interconnexion des transports routier et fluvial. Cette infrastructure organise le transbordement rapide des conteneurs

C’est une plateforme qui permet de résoudre l’obsolescence des infrastructures industrielles existant grâce à la création d’une liaison multimodale. C’est une plateforme qui permet de résoudre l’obsolescence des infrastructures industrielles existant grâce à la création d’une liaison multimodale. La création de cet élément connecteur1 s’accompagne d’un programme de formation avec une école maritime, et une antenne du Port Authority of New York avec une tour de contrôle et des bureaux.

1. Tiry-Ono Corinne, L’architecture des déplacements , Gares ferroviaires du japon, 2018.


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fig 5.

fig 6. fig 5. Vue sur l’embouchure de la Newtown Creek depuis le Pulaski bridge. photo personelle fig 6. Vue aÊrienne sur le terminal de Red Hook


fig 7.

fig 8.


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fig 7. Anthony Hamboussi, angle de Kingsland Avenue et GreenPoint Avenue Ă Brooklyn. fig 8. Les Docks de la Newtown Creek en 1940 fig 9. Ports Industriels Ă New York


Une stratégie locale : Produire dans l’écosystème urbain, la valorisation des déchets Mon site s’insère dans le projet commun à l’échelle territoriale par son action sur les infrastructures maritimes et ferroviaires. A l’échelle urbaine locale, il s’insère dans le schéma de la gestion des déchets avec la création d’un centre de valorisation des déchets organiques. En effet, la rive côté Hunter’s Point à l’embouchure de la Newtown Creek se différencie de la rive côté Greenpoint par un tissu urbain encore très industriel avec de grandes parcelles. C’est une enclave qui a été dessinée par le terminal de la Long Island rail train et le tunnel de l’autoroute 495 qui ont complètement déconnecté le site avec la trame new-yorkaise. De ce fait, c’est une zone qui est bien desservie et qui peut donc accueillir des programmes industriels plus lourds que sur la rive lui faisant face. Le recyclage correspond à la deuxième étape dans la chaîne de l’économie circulaire. Elle fait suite au premier tri réalisé par le centre de tri situé à l’est du site. Il s’agit d’une procédure qui s’appelle la méthanisation et qui, par un dispositif de fermentation, transforme les déchets en de l’énergie et de la chaleur. L’énergie créée est ensuite redistribuée à l’ensemble du plan urbain créant ainsi un écosystème industriel. Le site dédié à la méthanisation se trouve le long du terminal ferroviaire de la LIRR. Il se trouve ainsi à proximité immédiate du centre de tri et la connexion intermodale. De surcoît, il possède un périmètre suffisant pour éviter les nuisances pour les usagers

des programmes environnants. Donner à voir et mettre en valeur un site exceptionnel dans un contexte industriel C’est une parcelle qui a été l’objet de convoitises pour de nombreux projets exceptionnels. Et pour cause, c’est un site qui possède une position géographique unique. Ce bout de terre qui forme l’excroissance de Long Island s’étire vers l’île de Manhattan pour offrir une des plus larges vues sur la Skyline new-yorkaise. En 2004, le site fut proposé pour accueillir le village Olympique lors de la candidature de New York pour les jeux Olympiques de 2012. Aujourd’hui, elle fait l’objet d’un énième projet de tour de logements. C’est un programme banal et en continuité avec la gentrification généralisée le long des anciennes rives industrielles constituant un front de mer pauvre face à Manhattan. Quelles sont les alternatives paysagères, programmatiques et volumétriques au traitement linéaire de la East River? Comment intégrer le piéton et le public dans une zone industrielle? Comment dessiner une cohabitation qui donne à voir l’industrie? Quels sont les dispositifs urbains à mettre en place pour créer une hybridité cohérente avec les usages du site?


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Légende

Echanges Desserte par la route

1

COLLECTE

Desserte par navigation Desserte par train Axe piétons

1. collecte

2. tri

2

TRI

3

TRANSFORMATIONS

MERCES USINE DE CENTRES DE CENTRES DE ENTREPRISE TRI COLLECTRICE PRODUCTION RECYCLAGE

LES INFRASTRUCTURES: OUTILS DE LA TOILE INDUSTRIELLE

3. Transformation 4

USINAGE

5

VENTE

N 0

4. Usinage

5. Vente

500

m

O

E S

fig 10. Le projet dans la toile industrielle



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N 0

100

m

O

E S

fig 11. Plan masse et stratĂŠgie commune


PARTIE - II Programme

Infrastructure vs Individus

Ecole maritime : Une ville dans une ville

La plateforme multimodale répond aux enjeux industriels du site en développant une alternative à la voie routière à partir de l’ossature construite du territoire. Toutefois la morphologie d’une telle structure pose plusieurs questions.

Un pôle d’enseignement supérieur portuaire et maritime vise à consolider la reconquête industrielle de la Newtown Creek. D’un point de vue programmatique elle permet la formation in situ des futurs gestionnaires de la logistique portuaire. D’un point de vue architecturale, elle permet l’hybridation et l’intégration d’une dimension humaine au sein de l’infrastructure portuaire.

La première est due à l’imbrication de plusieurs échelles en raison des différents moyens de transport impliqués. Quelle échelle de références doit-on donner au pôle multimodale? L’axe de fret existant sur la rive nord de la Newtown Creek lui confère un territoire d’attribution à la SMIA2 . En revanche, la connexion avec le réseau routier et maritime de transport de containers donne un territoire d’action potentiellement illimité. Quel est donc son territoire d’action? En m’appuyant sur la stratégie du groupe qui vise le retour vers une logique industrielle locale, j’ai décidé de restreindre le champ d’attribution portuaire à la seule zone de la Newtown Creek. La deuxième question concerne le croisement de mobilités à caractère industriel et le flux des usagers. Ce sont des flux qui ne se mélangent pas. Il est peu imaginable de fusionner le transport de marchandises et sa logistique avec celui des personnes. Aucun espace partagé à ces deux usages n’est donc envisageable. Comment gérer ce conflit qui s’instaure entre un programme industriel peu accueillant et celui des individus? Comment intégrer des nouveaux espaces publics sur l’infrastructure?

La typologie de l’école est particulière dans le sens où elle rassemble un ensemble d’usages différents : travailler et apprendre mais aussi se restaurer, des espaces plus libres, et enfin des espaces de rassemblement. L’espace scolaire ne se réduit pas uniquement au la salle de cours et à l’apprentissage. Dans un sens, l’école est une typologie architecturale qui fonctionne presque comme une ville dans une ville avec des lieux fermés (les classes), des places (les halls), des rues (les couloirs). Les écoles maritimes accueillent en moyenne 800 étudiants départagés en deux catégories. La première est une formation plus manuelle destinée aux futurs mécaniciens. La seconde est une formation d’ingénieur qui permet l’obtention d’un titre de naviguant ingénieur. En plus des salles de cours traditionnels et auditoriums, ces deux formations requièrent des équipements et des espaces très spécifiques : des ateliers pour les uns, des simulateurs pour les autres. 2. SMIA (Significant Martime and Industrial Areas) : zone industrielle défini par le plan New York 2020 par le maire de Blasio.


L’école maritime a donc un caractère très applique et professionnalisante. Il est donc intéressant de fusionner complètement avec le pôle multimodal et ses bureaux administratifs. Sport : Un monde dans un monde : Thierry Mandoule et NP2F dans l’exposition « Sports portrait d’une métropole »3 ont pointé du doigt la capacité singulière de l’équipement sportif à absorber des situations hybrides et des situations complexes dans un cadre urbain. Ils décrivent la typologie de l’équipement sportif comme un monde dans un monde, un refuge spatial à part entière. Le temps d’un jeu, la pratique sportive coupe du monde réel et recrée un « monde » fictif. Il possède son propre cadre temporel ( deux mi-temps de quarante minutes pour un match de rugby), des limites de terrains, et des règles à respecter pour atteindre un but. Dans New York Délire4, Rem Koolhaas pousse à son paroxysme cette caractéristique, avec sa fiction des architectes maîtres nageurs russes dans les années 1930. Un groupe d’étudiants contestataires imagine une piscine flottante; une piscine dans l’océan; une véritable « planète artificielle ». Dans le contexte politique stalinien elle devient très vite le symbole d’« une enclave de pureté dans un environnement contaminé ». Ainsi, ils fuient la dictature communiste à bord de leur piscine. Ils traversent l’océan Atlantique grâce à la force motrice de ses nageurs. Leur but est de rejoindre les États-unis pour

arriver à New York. Ici, sur la Newtown Creek dans un contexte industriel, la greffe de ces microcosmes sportifs permet de rajouter de la mixité et d’incarner un refuge de rencontre social. D’autre part, la pratique sportive et éducative sont deux activités qui sont souvent associées. Ce rapprochement s’incarne notamment par la maxime latine « un esprit sain dans un corps sain ». Le projet propose donc l’insertion d’une piscine et d’un complexe sportif avec salles de danse et yoga. Ce sont des équipements qui seront à disposition des travailleurs du port, de ses étudiants mais aussi des clients de l’hôtel et des visiteurs. C’est un espace qui est imaginé comme le vecteur de lien social au sein du projet. Un hotel qui regarde Manhattan En front de mer, et sur un cap regardant Manhattan, la situation géographique du site impose un programme qui ne peut pas se limiter au seul usage industriel. New York attire plus de 68 millions de visiteurs par an. Ce serait idiot de ne pas faire profiter d’une telle vue. Durant notre voyage à New York, j’ai découvert une véritable culture du rooftop. Hors les seuls rooftops accessibles et ouverts au public étaient ceux des hôtels. Le site étant très bien desservi, c’est l’occasion de proposer un pied-à-terre à 20 min de Manhattan. De surcroît, il y a très peu d’hôtels aux alentours dans le Queens. 3. NP2F, Thierry Mandoul architectes, Sports, Portrait d’une métropole, Pavillon de l’arsenal, 2014. 4. Rem Koolhaas, Delirous New York, The Story of the Pool, Oxford University Press, 1978, p.307.

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Écoles Maritimes

école martitme du Havre

école martitme d’Anvers

école maritime de Rotterdam

école maritime de Nantes

9650 m2 700 étudiants

15 000 m2 700 étudiants

30 000 m2 800 étudiants

8000 m2 200 étudiants

Infrastructures portuaires de transfert de déchets

maritime transfer station New York

sunset park : centre de recyclage et centre de transfert maritime

5000 m2 584 000 t / an de déchets traités

13 006 m2 228 000 t / an de déchets traités

Bureaux logistiques du port

Usines de méthanisation

world port center rotterdam

méthaniseur aux herbiers

48 000 m2 _ 124m hauteur

3500 m2

méthaniseur à étampes 7000 m2

4500 personnes (bureaux)

28 000 t/an de déchets traités

38 000 t/an de déchets traités 17 GWh/an d’Energie produite = Electricité pour 2500 foyers

Hotels et piscines

public hotel New York

the standard hotel New York

piscine freemens London

piscine molitor

20 000 m2

18 998 m2

1750 m2

15 000 m2

370 chambres

337 chambres

1 piscine

98 chambres d’hotels


Usine de Biogaz

4000 m2

Méthaniseur à Étampes

Port de transfert maritime

193 places de parkings

4 amphithéatres 10 laboratoires / ateliers 20 salles de cours classiques 8 simulateurs Espace de travail informel

6000 m2

5000 m2

Port de Bilbao

800 m2 800 m2

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1300 m2 560 m2 1000 m2

Restauration Étudiante

800 m2

Médiathèque

800 m2

École maritime de Rotterdam Annexe du New York Port authorities

4000 m2

Piscine

2500 m2

Salle de Sport Salle de danse / Yoga

Commerces

400 m2 200 m2

2500 m2

The standard Hotel

9000 m2

fig 12. Diagramme comparatif de projets fig 13. Diagramme de Programme


PARTIE - III Volumétrie et insertion dans le site

Une liaison paysagère Entre grands bâtiment et fragment de ville, il s’agit d’instaurer un récit où le fil conducteur est l’interface entre le pôle multimodal, l’école, et l’hôtel.

« la mobilité inhérente à notre société contemporaine se matérialise par un ensemble d’espaces publics connectés aux réseaux de transports5 ». Contrairement à la rive de Manhattan qui est longée par une imposante autoroute, la rive côté Brooklyn et Queens sont ponctuées de grands espaces verts libérés par la ville. Ainsi, face à la FDR drive de Robert Moses, le nouveau quartier de Long Islands déploie une déclinaison d’espaces verts : mini-plages artificielles, jardins thématiques, terrains de sport et aires de jeu pour enfants. La voie automobile est rétrocédée en second plan donnant un rapport à l’eau paysager. En troisième plan de grandes tours solitaires se posent sur de grands blocs. Dans la stratégie commune, nous avons choisi de suivre cette logique paysagère à l’embouchure de la Newtown Creek afin de redonner un accès piéton à l’eau. Ainsi, le long de la rive côté Greenpoint, la trame New-Yorkaise est prolongée délimitant 3 grands parcs. De la même manière, l’espace en front de

mer est libérée pour donner une continuité au parc de Hunters Point South. Le paysage se déroule jusqu’au cap puis se termine en s’adossant au bâtiment du nouveau port intermodal. Cette grande barrière reporte les nuisances du trafic industriel derrière l’infrastructure. A ce premier axe linéaire logistique s’ajoute un nouvel axe public qui franchit la rupture créée par l’installation du port. Une grande diagonale publique traverse le parc, franchit la barre logistique pour atterrir à l’entrée du nouveau pont piéton qui relie les deux rives. La connexion intermodale s’incarne donc par un grand linéaire protecteur, alors que la connexion paysagère est assurée par l’interface d’une diagonale d’équipements sportifs rejoignant la rive de Greenpoint. En établissant ces deux axes, le projet crée des connexions en continuité du projet commun de ré-industrialisation et de remaillage du territoire de la Newtown Creek. Comment donner à voir cette stratégie de l’autre côté de l’East River? Quel signal donner à Manhattan? Comment s’inscrire dans la skyline New-Yorkaise?

5. Mercuriali Mathieu, Concevoir à grande Échelle Éditions B42, 2018.


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fig 14. Une liaison paysagère


Une démarcation dans la skyline Faire signal, c’est être visible, se démarquer de son environnement. La tour de Vinoly se repère car elle est la tour la plus haute et la plus fine de Manhattan. La barre moderniste des nations Unies crée l’exception, car elle est la seule à se développer dans l’horizontalité dans la trame New-Yorkaise. Et si l’événement dans la skyline se faisait par le non-événement?

Et si au lieu de se démarquer par un projet excessivement haut, excessivement grand, ou excessivement différent, on proposait de faire signal par l’absence? L’alternative ici, est de créer une pause dans la skyline, de préserver un espace d’horizon au bord de la East River. En effet la logique foncière crée un phénomène de prise d’assaut des bords de la East River. Les tours poussent les unes après les autres


en front de mer, cachant un désolant tapis d’immeubles bas derrière lui. Le développement des côtes semble être une logique inexorable. Ce projet propose d’aller à l’encontre de la verticalité en proposant deux tours horizontales. C’est un projet qui créera l’exception durablement, et de manière de plus en plus intense, au gré des constructions futures environnantes.

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fig 15. Riverscape 2020 fig 16. Riverscape 2030


PARTIE - IV L’infrastructure comme architecture

Un monstre hybride? En réponse à la croissance des villes le modernisme a proposé la séparation fonctionnelle des usages. L’énoncé des quatre grandes fonctions humaines (habiter, travailler, se divertir et circuler) fut suivi par leur isolation dans des structures disloquées. C’est un modèle qui a été rejeté par l’expérience dans les années qui ont suivi. La mondialisation et l’allongement des distances ont engendré des autoroutes tentaculaires et surdimensionnées. Le malheur absurde de ces réseaux est qu’en liant des territoires éloignés, ces grandes infrastructures ont créé des ruptures locales dans la ville. Le site du projet, entre un terminal et un pont autoroutier est un bel exemple de ce phénomène métropolitain. Comment abroger la limite entre les espaces bâtis et les espaces liés aux infrastructures de la ville? Suffit-il de lui greffer des équipements publics et ainsi forcer une cohabitation d’usage? Le terme hybride vient du latin ibrida « bâtard, de sang-mêlé ». Eric Alonzo6 montre comment Rem Koolhaas avait déjà joué de cette étymologie pour qualifier les grands échangeurs et autres pôles intermodaux tant bien que mal intégré à la ville. C’est un phénomène théorisé par ce dernier dans Bigness7, où il décrit une échelle architecturale monumentale. C’est un bâtiment qui concentre tous les programmes et les « congestionne » grâce à une multitude de dispositifs artificiels permettant de court-circuiter les distances. Il y décrit une échelle qui gonfle continuellement jusqu’à perdre toutes ses

caractéristiques architecturales primaires. Dans le « Bigness » la distance entre le noyau de circulation et l’enveloppe sont tel que la façade n’exprime plus ce qui se passe à l’intérieur. Si l’on suit cette définition, le bâtiment hybride serait donc un « bâtard », le résultat mutant de l’amalgame de plusieurs programmes, une OGM architecturale. Cette vision cynique témoigne peut-être d’un système où la commande architecturale est régie par des logiques foncières et mercantiles. Un système qui impose la création de bâtiments aux échelles disproportionnés, aliénés, et complètement hors contexte. L’infrastructure comme architecture Eric Alonzo propose une alternative à cette doctrine en renversant le postulat. Dans ce cadre de figure l’infrastructure relève autant de l’architecture que le bâtiment. La dissociation historique entre l’art architectural et ingénierie serait abolie. L’infrastructure est conçue avec les mêmes règles que le bâtiment. Dans ce scénario, la conception de la plateforme bi-modale est soumise aux mêmes exigences spatiales que les

6. Alonzo Eric, Marnes /4, Pour une nouvelle relation entre architecture et infrastructure Éditions parenthèses, 2016 7. Koolhaas Rem, Bigness and the Problem of Large, S, M, L, XL, New York: Monacelli Press, 1995 S, M, L, XL, (New York:


programmes qui viennent l’hybrider. Ainsi le port de transfert, est creusé dans le prolongement de la trame de Hunter’s Point. L’école maritime lui est directement rattachée grâce à la rotule circualire formée par la diagonale d’équipement publics rejoignant les deux parcs. La création de ces deux nouvelles lignes directrices reconnectent visuellement la pointe à l’espace urbain. Le port, les espaces logistiques, la piscine, l’école, et l’hôtel répondent ensemble aux mêmes enjeux sous la forme d’un seul bâtiment.

« la passion intuitive rejoint l’esprit intellectuel quand un ensemble architectural est plus qu’un collage de morceaux »

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Dans ces circonstances, le défi clé est donc de donner une cohérence, de créer une interface entre les différents éléments qui composent le bâtiment. A New York et dans un contexte de ré-industrialisation durable pour une métropole compacte mais responsable, l’hybride un peu « bâtard », devient justifié dans une corrélation entre infrastructure et bâti. Selon Steven Holl8 « la passion intuitive rejoint l’esprit intellectuel quand un ensemble architectural est plus qu’un collage de morceaux »

8. Holl Steven, This is Hybrid, An analysis of mixed-used buildings, a+t groups, 2014.


N

0

fig 17. RDC

40

m

E

O S


29

N

0

fig 18. R+1

40

m

E

O S


fig 19.

fig 19. Une piscine qui regarde Manhattan fig 20.

fig 20. Atrium circulaire


Une séquence d’évenements qui aspire vers le coeur du bâtiment L’interface entre les différents éléments se traduit par un système de circulation et une séquence de différents événements qui aspirent vers le coeur. Le noyau du bâtiment est la rotule qui relie l’axe portuaire et industriel avec la diagonale publique. Elle prend la forme d’un grand atrium circulaire (fig.20) qui transperce les 6 étages du bâtiment. Elle dirige ainsi les différents flux qui traverse les deux axes, en plus de créer un parcours vertical dans le bâtiment. Une grande rampe surgit du sol à l’entrée de l’hôtel au milieu du parc. Celle-ci monte sur la façade Nord regardant d’un côté les tours de Downton, de l’autre une grande piscine (fig. 21), jusqu’à atteindre l’atrium central au premier niveau. Arrivée au centre elle change de direction pour rejoindre une galerie publique qui longe les salles de danse sur la façade sud. Elle se termine sur l’embranchement du pont qui rejoint le parc de Greenpoint. Le mouvement de cette grande galerie publique est accentué par le porte-à-faux dessiné par un grand auditorium à l’entrée de l’hôtel. Ce dernier crée une pente qui aspire le visiteur à l’intérieur de la diagonale. L’accès principal de l’école se trouve à l’entrée du parc d’Hunter’s point. Une double hauteur dévoile une première cour intérieure autour de laquelle s’organisent les différentes salles de classe. Un second atrium relie les différents étages par une

succession de plancher ascendant formant un escalier colossal. Cette dernière crée des espaces de rencontre et de pause informels regardant le coeur du bâtiment.

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fig 22.


fig 23.

fig 24.

fig 25.

fig 26.

fig 22. Entrée de l’hotel fig 23. Piscine publique fig 24. Atrium circulaire fig 25. Entrée au niveau du pont fig 26. Une gallerie publique liante

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N

0

40

m

E

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fig 27. R+3 : hotel, bureaux, ĂŠcole

S


Chambre pour famille

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Deux chambres

Suite

fig 28.Trois typologies de chambres 1/200


fig 29. Entrée de l’école

fig 30. Atrium de l’école


fig 31. Port

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fig 32. Coupe sur l’école, les bureaux et le port

fig 29. Entrée de l’école fig 30. Atrium de l’école fig 31. Port fig 32. Coupe sur l’école, les bureaux et le port


conclusion De la volonté de relier les deux rives est née un bâtiment avec une volumétrie forte qui dessine les lignes directrices du parcours urbain et paysager. Pensée comme le symbole de la reprise du trafic industriel maritime autour de la Newtown Creek, c’est un phare couché à l’horizontale. En évitant la verticalité le projet crée une exception durable dans la future skyline de la East River. Il s’incarne par un bâtiment aux allures industriel. Une structure en acier noir souligne les grandes portées. Translucide, opalescente, elle dévoile les différents jeux de niveaux et de rampes qui traversent le bâtiment. Une grande promenade publique longe les façades. Elle est surélevée au premier niveau pour regarder Manhattan et sa zone industrielle. Cette grande galerie est d’un côté directement reliée au pont piéton, de l’autre elle se soulève depuis le parc grâce à une rampe. Les deux axes sont encastrés grâce à une rotule centrale. Une séquence de différents événements volumétriques dirige tous les flux publics vers ce grand croisement. Ce dernier prend la forme d’un grand atrium circulaire créant un puits de lumière zénithale au coeur du bâtiment.


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fig 33. axonomĂŠtrie


BIBLIOGRAPHIE 1. Tiry-Ono Corinne, L’architecture des déplacements , Gares ferroviaires du japon, 2018. 3. NP2F, Thierry Mandoul architectes, Sports, Portrait d’une métropole, Pavillon de l’arsenal, 2014. 4. Rem Koolhaas, Delirous New York, The Story of the Pool, Oxford University Press, 1978, p.307. 5. Mercuriali Mathieu, Concevoir à grande Échelle Éditions B42, 2018. 6. Alonzo Eric, Marnes /4, Pour une nouvelle relation entre architecture et infrastructure Éditions parenthèses, 2016 7. Koolhaas Rem, Bigness and the Problem of Large, S, M, L, XL, New York: Monacelli Press, 1995 S, M, L, XL, (New York: 8. Holl Steven, This is Hybrid, An analysis of mixed-used buildings, a+t groups, 2014. autre références : Rappaport Nina. Vertical Urban Factory. Actar Publishers. 2016. Barle Sabine. Comprendre et maîtriser le métabolisme urbain et l’empreinte environnementale des villes. Responsabilité & Environnement n° 52 octobre 2008 Baerhers Jean Baptiste, Bessière Maylis. Le grand gâchis et l’économie circulaire. France Culture. 20/11/2017 Maugard Alain BENHAÎM Tristan « Faire société en ville – Une utopie réaliste » L’aube, Bibliothèque des territoires. 2016. 160 pages Banham Reiner, Megastructures : urban futures of the recent past, New York, Harper and Row, 1976 Maki Fumihiko, Investigations in Collective Form, Washington University, St Louis, 1964 Fenton john, Hybrid buildings - Pamphlet Architecture n°11, Princeton Architectural Books, New York, Princeton 1985 Picon, Antoine, la ville territoire des cyborgs, Besançon, Les Éd. de l’imprimeur Jenks Mike, BURTON Elizabeth, WILLIAMS Katie : The Compact City : A sustainable Urban Form? Broché– 21 mars 1996


ANNEXE fig 1. Carte historique Long Island city, 1891. fig 2. David Llyod. Vue aérienne sur la pointe de Hunters Point. fig 3. Vue depuis le ferry sur l’embouchure, photo personnelle. fig 4. Perspective sur le port depuis le parc de Greenpoint fig 5. Vue sur l’embouchure de la Newtown Creek depuis le Pulaski bridge. photo personelle fig 6. Vue aérienne sur le terminal de Red Hook fig 7. Anthony Hamboussi, angle de Kingsland Avenue et GreenPoint Avenue à Brooklyn. fig 8. Les Docks de la Newtown Creek en 1940 fig 9. Ports Industriels à New York fig 10. Le projet dans la toile industrielle fig 11. Plan masse fig 12. Diagramme comparatif de projets fig 13. Diagramme de Programme fig 14. Une liaison paysagère fig 15. Riverscape 2020 fig 16. Riverscape 2030 fig 17. RDC fig 18. R+1 fig 19. Une piscine qui regarde Manhattan fig 20. Atrium circulaire fig 21. Entrée au niveau du pont fig 22. Atrium circulaire fig 23. Entrée au niveau du pont fig 24. Atrium circulaire fig 25. Piscine publique fig 26. Entrée de l’hotel fig 27. Une gallerie publique liante fig 28.Trois typologies de chambres 1/200 fig 29. Entrée de l’école fig 30. Atrium de l’école fig 31. Port fig 32. Coupe sur l’école, les bureaux et le port fig 33. axonométrie

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À la pointe de Hunter’s Point, à l’embouchure de la Newtown creek, et face à la rive productive coté Green Point, le projet d’un port s’insère sur un site qui possède toutes les caractéristique d’un cap maritime. Jouant le rôle de phare au sens propre comme au sens guré le projet entends incarner la re-dynamisation des infrastructures industrielles maritimes autour de la Newtown Creek. Entre grand bâtiment et fragment de ville, il s’agit d’instaurer un récit où le fil conducteur est l’interface entre le pôle multimodal, une école, et un hôtel. Cette interface s’incarne par une diagonale d’équipements publics reliant le parc de Hunter’s Point South au nouveau parc coté Greenpoint. En rejoignant le franchissement piéton sur l’estuaire, c’est un récit paysager qui s’instaure à l’embouchure de la Newtown Creek. Le développement des côtes semble être une logique inexorable. Ce projet propose d’aller à l’encontre de la verticalité en proposant deux tours horizontales.

P10 / PFE anna speakman ENSA Paris Malaquais - 2017/2018

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