DOSSIER: LE SPORT AU LABORATOIRE
Cest vraiment trop injuste! Des chances Ă©gales pour tous. A y regarder de plus prĂšs, ce qui semble ĂȘtre une Ă©vidence se rĂ©vĂšle nâĂȘtre quâune illusion. Trois exemples. Texteâ Yvonne Vahlensieckâ Illustrationsâ JoĂ«l Roth
Deux femmes athlĂštes sâaffrontent â Ă conditions Ă©gales. La motivation, la discipline et la volontĂ© dĂ©cideront de la victoire ou de la dĂ©faite et la rencontre pourrait devenir passionnante. Câest cela qui attire sans cesse des millions de spectateurs dans les stades ou devant leur petit Ă©cran. Mais peut-ĂȘtre quâici le public se laisse tromper. Car ce nâest souvent pas la performance personnelle qui dĂ©cide qui va lâemporter, mais lâĂ©quipement, le programme dâentraĂźnement ou, tout simplement, la bonne disposition gĂ©nĂ©tique. Quand une compĂ©tition est-elle Ă©quitable? Les avis divergent, mĂȘme parmi les scientifiques.
Médicaments dopants pour compenser des désavantages?
tise des sciences antidopage de lâUniversitĂ© de Lausanne, il cherche de meilleures mĂ©thodes de dĂ©tection des substances interdites. «Dans notre sociĂ©tĂ©, le sport a aprĂšs tout aussi pour fonction dâapprendre Ă nos enfants quâon peut atteindre un objectif par le travail et la discipline», dit-il. A ses yeux, il est parfaitement inacceptable dây couper court en avalant des pilules. «En prenant des mesures antidopage, nous donnons aux athlĂštes qui sâentraĂźnent dur une chance Ă©quitable de gagner», estime RaphaĂ«l Faiss. Le dopage ne pourra jamais ĂȘtre Ă©vitĂ© complĂštement, mais les mailles du filet se sont resserrĂ©es ces derniĂšres annĂ©es. Le spĂ©cialiste considĂšre toutefois comme admissible de sâen- Alexandre Mauron traĂźner en altitude, par exemple, ce qui favorise Ă©galement la production de globules rouges. «Contrairement au dopage, cette pratique exige aussi un certain effort de la part des athlĂštes et câest un processus naturel.» Les personnes qui ne peuvent pas compenser naturellement un dĂ©savantage gĂ©nĂ©tique doivent donc renoncer Ă une carriĂšre en sport dâĂ©lite.
«LâĂ©quitĂ© signifie que les mĂȘmes rĂšgles sâappliquent Ă tous les participants dâune compĂ©tition.»
Prenons par exemple lâĂ©rythropoĂŻĂ©tine (EPO), une substance naturellement prĂ©sente dans lâorganisme, qui stimule la formation de globules rouges et accroĂźt ainsi lâabsorption dâoxygĂšne et la performance. Les cyclistes qui produisent naturellement plus dâEPO ont donc un avantage certain. Ne serait-il pas Ă©quitable dâautoriser les autres Ă prendre des doses dâEPO complĂ©mentaires afin quâils ne soient pas dĂ©savantagĂ©s dĂšs le dĂ©part? «LâĂ©quitĂ© signifie en fait simplement que dans une compĂ©tition les mĂȘmes rĂšgles valent pour tous», dit Alexandre Mauron, professeur Ă©mĂ©rite de bioĂ©thique Ă lâUniversitĂ© de GenĂšve. Selon cette dĂ©finition, interdire ou autoriser de Genre â Qui doit pouvoir participer chez maniĂšre gĂ©nĂ©rale la consommation les femmes? dâEPO sont deux solutions justes. Par contre, il serait injuste de permettre Ă Toutefois, lâargument du caractĂšre naturel ne suffit pas quelques cyclistes prĂ©tĂ©ritĂ©s par la na- toujours pour Ă©tablir des rĂšgles Ă©quitables, ce que montre ture de compenser artificiellement ce le cas de la Sud-Africaine Caster Semenya, une coureuse de demi-fond de pointe. Nombre de ses concurrentes se dĂ©ficit. Dâun point de vue Ă©thique au moins, sentent dĂ©savantagĂ©es parce quâelle profite dâun taux de lâautorisation du doping sous surveillance testostĂ©rone Ă©levĂ© qui rĂ©sulte dâune variation du dĂ©velopmĂ©dicale est dĂ©fendable, estime Alexandre pement du genre. Mauron. «Dâautres sports tels que la boxe ou le base La question de savoir si elle doit nĂ©anmoins ĂȘtre autojump sont eux aussi dangereux pour la santĂ©. Mais la so- risĂ©e Ă courir dans les compĂ©titions fĂ©minines occupe deciĂ©tĂ© accepte que les adultes responsables dĂ©cident eux- puis des annĂ©es le Tribunal arbitral du sport (TAS). Et en mĂȘmes des risques quâils veulent prendre. Il est Ă©videm- 2020, le Tribunal fĂ©dĂ©ral suisse a confirmĂ© un rĂšglement ment lĂ©gitime de se demander si, en soi, cette large de lâassociation internationale dâathlĂ©tisme (World Athleacceptation est Ă©thiquement dĂ©fendable, mais ce nâest pas tics) qui prescrit pour les coureuses de demi-fond un taux supĂ©rieur limite de testostĂ©rone de 5 nanomoles. Les une question dâĂ©quitĂ©.» Le physiologiste du sport et ancien entraĂźneur cycliste femmes diagnostiquĂ©es intersexuĂ©es ont la possibilitĂ© de RaphaĂ«l Faiss voit les choses tout autrement. En tant que rĂ©duire leur taux de testostĂ©rone par un traitement hordirecteur de recherche au Centre de recherche et dâexper- monal si elles veulent participer aux compĂ©titions. 18 Horizons 130