Journal de la Santé au Travail N°53

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S ommaire

Actualité du syndicat …p 2 Interview … et écriture . . . . . . . . . . p 5 • Histoires • Pluridisciplinarite en santé travail : le regard infirmier

d’indépendance • Contentieux

Terrain . . . . . . . . . . . .

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• Comprendre plutôt que prévenir

Institution

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• La reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe

Chantier . . . . . . . . . . .

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• La résistible ascension du travail de nuit

Euréka . . . . . . . . . . . .

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• SUMER 2010, le dernier panoramique des risques professionnels

le Journal des professionnels de la Santé au Travail N ° 53

NOVEMBRE 2013

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É ditorial

La prévention pour la santé au travail passe par des lois et des décrets protégeant les conditions de travail. La réf orme en cours de l'Inspection du Travail inquiète sur le devenir de l'indépendance des inspecteurs et de l'efficacité du contrôle régalien sur l'évolution des conditions de travail. Pas de bonne prévention sans compréhension nous dit Quentin, l'interne qui gage d'assimiler en quelques semestres nos laborieux acquis tout juste sortis de jachère. Trois infirmières complètent cet espoir en s'engageant dans une coopération pluridisciplinaire qu'elles veulent efficace.

Inspection du Travail une réforme contestée Par Luc GERSON

Le JST avait déjà projeté au premier semestre de l'année 2013 de questionner la réforme Quelques exemples rappellent les de l'inspection du travail, présente depuis plus de cent ans dans notre pays. Le comité de enjeux pour la santé et le bien rédaction dans un premier temps en avait reporté la réalisation considérant que ce n'était être au travail. Le Pr Ramazzinus nous remémore des atteintes à qu'un problème interne à l'administration sans forcément d'impact sur les conditions de l'indépendance et au secret travail dans les entreprises. Nous en sommes moins sûrs aujourd'hui et les enjeux pour médical q ui guettent encore la santé au travail méritent d'être explorés. aujourd'hui. Notre juriste ne L'Inspection du Travail était organisée depuis plusieurs décennies par sections géographiques généralistes qui maillaient le territoire de chaque département. Un inspecteur du travail assurait l'inspection des entreprises de chaque section, avec le concours de contrôleurs pour les petites entreprises et l'assistance de secrétariats. En 2009, les Inspections du Travail des transports et de l'agriculture ont été intégrées à cette organisation départementale en maintenant une section spécialisée pour les travailleurs agricoles. D'autres secteurs comme les mines et le nucléaire restent dépendants des autres Ministères.

Parallèlement à ces sections, chaque direction départementale dirigeait un service de renseignements, et les directions régionales, DIRECCTE, constituaient des ressources techniques spécialisées. La réforme regroupe l'ensemble des agents de contrôle de plusieurs sections géographiques en unités de contrôle animées et pilotées par un responsable placé lui-même sous l'autorité hiérarchique du directeur départemental ou interdépartemental. Le statut de contrôleur du travail serait supprimé et une promotion de ceux-ci au rang d'inspecteur du travail est programmée. Le responsable de l'unité de contrôle aura compétence d'inspection

sur tout son territoire à la demande ou avec l'accord de ses agents. Et c'est le Directeur Départemental ou interdépartemental qui est le garant de la cohérence des actions et de la politique mises en œuvre. Des unités régionales et des réseaux transversaux interviendraient sur des thèmes particuliers comme l'amiante, le risque Seveso, le travail illégal, ou sur des secteurs ou branches spécifiques, industrie chimique, BTP, restauration, agriculture... L'inquiétude de syndicats du Ministère du Travail est alarmante : « la casse de l'Inspection du Travail, le MEDEF en rêvait, le PS l'a fait ». La première crainte avancée est une perte d'indépendance des inspecteurs du travail, managés par le responsable de l'unité de contrôle lui même sous l'autorité hiérarchique et administrative de la direction territoriale. Ils craignent aussi un délaissement des petites entreprises où déjà de nombreuses transgressions du code du travail auraient plutôt tendance à augmenter encore avec la crise et une diminution de l'accessibilité par leurs salariés qui ont de moins en moins de relais syndicaux pour les défendre. Ils redoutent que des filières de spécialisation, certes indispensables en tant que ressources, ne s'enferment durablement dans des compromis avec des lobbys dont la complexité des structures et des ramifications ne permettraient plus les contrôles réels. Les syndicats s'inquiètent par ailleurs pour le devenir des contrôleurs qui ne réussiront pas le concours d'inspection et pour la reconversion des agents de catégorie C assistant les sections actuelles.

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désarme pas face aux der niers décrets. Les atteintes prof essionnelles psychiques sont très peu reconnues dans notre pays comme à travers toute l'Europe. La réextension du tra vail de nuit serait une dramatur gie Brechtienne. L'enquête SUMER 2010 élargit son panorama de risques sous estimés aussi dans les Fonctions Publiques.

Les acteurs en devenir de la prévention au travail ont du pain sur la planche. Gérard Lucas

Le Ministère justifie la réforme en revendiquant un « ministère plus fort ». Par une note de réponse aux préoccupations syndicales et par instruction ouverte aux DIRECCTE, en septembre et octobre 2013, il rappelle l'intérêt de mieux lier la politique d'inspection du travail à celle de l'emploi, et veut associer au rôle régalien de l'inspection le portage de projet pour le progrès social, la plus grande injustice étant celle du chômage. Il présage d'une meilleure efficacité collective au niveau des unités de contrôle par la priorité d'actions en nombre limité pour avoir un véritable impact. Il annonce un renforcement législatif notamment par l'instauration de sanctions administratives financières pour certains manquements. Il demande à chaque direction d'élaborer

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Actualité syndicale >>

Histoires d'indépendance par Caius RAMAZZINUS Episode 7 : Un médecin-coordinateur, pour quoi faire ? Notre vénérable entomologiste de la santé au travail décrit aujourd'hui une espèce bien particulière : celle de ces médecins du travail aspirant à de hautes responsabilités qui s'affublent du titre de médecin-chef ou médecin-coordinateur , et prétendent de ce fait expliquer à leurs confrères comment on doit faire le boulot. On définit communément l'idée d'indépendance médicale comme le fait de pouvoir résister aux pressions extérieures. Mais qu'en est-il quand ceux qui exercent les pressions sur les « médecins du travail de base » sont eux-mêmes des « chers confrères » ? En effet, les services de médecine du travail (puis de santé au travail) hébergent depuis toujours une faune bien particulière de médecins à épithète qui fondent leur autorité soit sur le principe hiérarchique, soit (c'est plus moderne) sur la nécessité d'une « coordination ».

en remettait une couche dans une lettre à l'Ordre pour soutenir Suzanne Blanc-Guillemin, médecin du travail en conflit avec le médecin-chef de l'entreprise Peñarroya, dont nos lecteurs ont suivi les tribulations dans les épisodes précédents : « La fonction de médecin-chef, résultat de la faveur d'un ou plusieurs employeurs, est un scandale parce que cette fonction consiste en réalité à orienter et contrôler l'activité d'autres médecins du travail conformément aux conceptions que ce ou ces employeurs peuvent avoir de la En 1972, Charles-Pierre Hitier, futur Secrétaire Général médecine du travail ». Et il n'avait pas tort : à Peñarroya, du SNPMT, s'élèvait dans les colonnes de cette publication le médecin-chef prétendait avoir son mot à dire sur la nature des examens complémentaires pratiqués, l'identité contre le bien-fondé de l'existence des « médecinschefs », nommés en dehors de toute disposition légale du laboratoire d'analyses, et même l'interprétation des et de tout principe démocratique : « Un médecin chef? résultats (ne manquant pas de peindre un tableau noir Pour quoi faire ? ». Il mettait en garde contre « l'ambition des habitudes d'hygiène ou de boisson des salariés, pour contrer les propos du médecin du travail sur de certains présidents de services, de certains l'origine professionnelle des maladies). responsables administratifs, ou de certains médecins chefs qui trouvent dans le gigantisme de ''leur'' service Aujourd'hui, il subsiste des postes de médecins-chefs l'occasion de satisfaire leur vanité, leurs ambitions ou dans nombre de services autonomes. Bien que ce poste leurs appétits ». C'est pourquoi il préconisait que «dans ne soit pas prévu par la réglementation, les médecins les services où une coordination s'avère nécessaire, du travail craignent souvent de s'opposer aux directives elle devrait être confiée à un ou plusieurs confrères venues de leur « hiérarchie médicale ». À tort, ils voient possédant l'estime de leurs pairs, donc démocratiquement dans cette subordination la contrepartie de leur statut élus par eux ». de médecins salariés, alors qu'ils ont d'abord un droit et un devoir d'indépendance. En 1976, le désormais Secrétaire Général CP Hitier

Plus subtil est le poste de « médecin-coordonnateur », qui s'est imposé dans de nombreux services interentreprises. Il semble fondé sur le bon sens : avec des effectifs par médecin qui grandissent, et désormais des axes de service à mettre en œuvre, quoi de plus salutaire qu'un peu de « coordination » ? Dans les faits, l'action du médecin-coordonnateur revient cependant souvent à une forme d'ingérence dans le travail des médecins du travail de base : « concentre-toi sur ce risque plutôt que celui-là », « occupe-toi de cette entreprise ». Ils ne sont pas toujours élus démocratiquement par le personnel des services, comme l'explique récemment un médecin d'un service interentreprises du nord de la France : « Je me suis donc présentée, et puis... c'est moi qui ai été choisie, en fait. Par les collègues. Par les confrères. Et Mme G. [la directrice] n'a pas désiré que ça soit moi qui devienne médecin-coordonnateur, parce qu'elle avait l'habitude de travailler avec l'autre médecin ». Et même lorsqu'il y a élection démocratique, il manque ensuite des moyens de contrôle démocratique de l'activité de ces médecins « n+1 », notamment lorsqu'ils ont tendance à épouser un peu trop systématiquement les objectifs de la direction. La coordination, cheval de T roie des atteintes à l'indépendance ? La vigilance est de mise.

Contentieux engagés par le SNPST concernant la réforme de la médecine du travail Après la parution des décrets de janvier 2012 pris pour application de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, le SNPST avait déposé, avec les organisations membres du Collectif Santé travail, un recours en Conseil d’Etat pour annulation des deux décrets, 2012-135 (articles en « R ») et 2012-137 (articles en « D »).

dossier médical en médecine du travail et l’article D 4624- 50 relatif à la participation du médecin du travail aux recherches, études et enquêtes entrant dans le cadre de ses missions (1).

Le reste de nos demandes a été rejeté. Au total, le résultat de notre action qui visait à obtenir l’annulation de ces deux décrets peut paraître décevant mais certains articles annulés participaient à la mise L’argumentation développée pour faire annuler ces décrets était basée essentiellement sur des vices de sous contrôle des médecins du travail en limitant leurs possibilités d’expression et d’alerte. Ainsi, dans les forme : - Absence de consultation du Haut Conseil de Santé services interentreprises, l’établissement et la mise à jour de la fiche d’entreprise étaient maintenant dévolus Publique pour le premier (décret pris en Conseil d’Etat) en s’appuyant sur l’article L1311-1 du code à l’équipe pluridisciplinaire et non plus au médecin du travail (D.4624-37). Or on sait que les membres de la santé publique - Absence de consultation du Conseil d’Etat pour le non-médecins de l’équipe pluridisciplinaire ne deuxième (décret simple) alors que de nombreuses bénéficient pas du même statut d’indépendance que les médecins. Par ailleurs, le rapport annuel n’est plus dispositions concernent les actions et moyens des présenté par le médecin du travail lui-même aux membres des équipes pluridisciplinaires de santé organismes de contrôle (ancien article D.4624-43), au travail et que les modalités d’application de la mais simplement remis à ces organismes. Le débat et loi dans ce domaine auraient dû faire l’objet d’un les commentaires sur ce rapport médical étaient décret en Conseil d’Etat conformément au nouvel article L 4624-4 du code du travail introduit par la devenus possibles hors de la présence du médecin ! Enfin la fiche d’entreprise n’était plus à disposition loi du 20 juillet 2011. de l’Inspection du Travail et le rapport annuel ne Les décisions du Conseil d’Etat sur ces deux recours pouvait plus lui être adressé. Le transfert vers la ont été rendues publiques respectivement le 5 et le DIRECCTE de ces prérogatives limitait de fait les 17 juillet 2013. Si le recours contre le premier décret possibilités d’intervention de l’inspecteur du travail, (2012-135) a été rejeté,le deuxième décret (2012couvert par un statut protecteur… 137) a fait l’objet d’une annulation partielle. Il faut souligner qu’une annulation même partielle Le Conseil d’Etat n’a retenu notre argumentation que d’un décret par le Conseil d’Etat est une chose pour les articles D 4624-37 à D 4624-41 relatifs à exceptionnelle et cette décision est un désaveu public l’établissement par le médecin du travail d’une fiche pour le Ministère qui devra reprendre sa copie dans d’entreprise ou d’établissement, les articles D 4624des conditions plus conformes au droit… 42 à D 4624- 45 relatifs au rapport annuel d’activité du médecin du travail, l’article D 4624-46 relatif au Ceci est d’autant plus d’actualité que le Conseil d’Etat

devra bientôt devoir se prononcer sur le recours que nous avons formé pour excès de pouvoir contre la circulaire d’application de la réforme de la médecine du travail qui va au-delà de la simple interprétation et introduit des règles nouvelles non conformes à la lettre et à l'esprit des textes qu'elle est censée expliciter. Nous contestons notamment la souveraineté de l’assemblée générale qui vide de sens la gestion paritaire affirmée par la réforme, l’obligation contractuelle du médecin du travail d’adhérer au projet pluriannuel de service et l’atteinte à son indépendance professionnelle, le mode représentation des médecins à la CMT, une véritable concurrence entre les services encouragée par la circulaire….etc. …. Pour être tout à fait complet, citons également la parution de l’arrêté du 20 juin 2013 fixant le modèle de fiche d’aptitude dont la rédaction pose lui aussi des problèmes de confusion des responsabilités de l’employeur et du médecin et qui met en évidence des télescopages de textes entraînant une incohérence de la surveillance médicale et des inégalités devant le droit au recours par exemple. On comprend bien que ce modèle répond davantage à un besoin de sécurité juridique pour les employeurs qu’à la mise en place d’un véritable outil de prévention. Nous avons décidé d’écrire au Directeur Général du Travail pour manifester notre point de vue et demander des éclaircissements. (1) Le Conseil d’Etat précise toutefois que l’annulation partielle ne remet pas en cause la validité des fiches d’entreprise ni des rapports d’activité établis jusqu’à la date de cette décision et que l’article L 4624-2 (introduit par la loi) concernant le dossier médical doit être respecté… Le Journal des professionnels de la Santé au Travail • novembre 2013

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Terrain >>

Comprendre plutôt que prévenir Dr Quentin DURAND-MOREAU

pas dans la préparation des ECN et obtienne de ce fait aurait essentiellement pour but de pallier les déficiences des salariés [3]. Ce serait parce qu’ils ne connaitraient un mauvais résultat. pas les conséquences sanitaires de leurs « mauvaises Il est réducteur de limiter les motivations des médecins pratiques » qu’ils n’appliqueraient pas les mesures collaborateurs à leur épuisement dans l’exercice qu’ils préventives : ils ne porteraient pas le masque parce avaient de la médecine jusqu’alors. Néanmoins ce cas qu’ils ne savent pas que les poussières de bois causent de figure existe et peut aussi renforcer l’idée que ce le cancer de l’ethmoïde, ils passent derrière les gardechoix se ferait par dépit. Mais peut-on raisonnablement corps parce qu’ils ne savent pas qu’ils pourraient tomber penser qu’un médecin puisse exercer toute sa carrière et se faire mal… sur la base d’un choix fait par dépit ? La compréhension des situations de travail est Nos choix d’orientation professionnelle se font sur les indispensable pour sortir de l’attrition de la prévention représentations a priori que l’on se fait d’un métier. La à la seule répétition de consignes. vision que j’avais des médecins du travail a beaucoup évolué. Dès lors, l’introspection me paraît délicate : de Comprendre l’activité, c’est déjà comprendre que l’on me repencher sur mes motivations à entrer dans le ne pourra pas tout comprendre. Les méthodes métier alors que ma vision a changé pourrait m’amener d’investigation de l’activité quelles qu’elles soient ne à réécrire ma propre histoire. En clair, cela reviendrait permettent pas de la saisir dans son ensemble. à réécrire le début d’un film dont je connaîtrais la fin. Les patients-salariés lissent l’idée qu’ils se font de leur Plutôt donc que de m’intéresser à ce qui fait que je suis activité pour en produire un discours général. Ils peuvent entré dans le métier , je voudrais centrer mon propos emprunter des éléments de langage issus de la vision sur ce qui fait que j’y reste. Je détaillerai un point qui segmentaire des risques professionnels (« je travaille me paraît essentiel : c’est l’importance que j’accorde à sur écran, je fais du port de charge... ») ou de leur fiche la compréhension des situations de travail. de poste (« j’anime une équipe de huit personnes, je pilote la gestion des données… »). Cette métabolisation La volonté de « faire de la prévention » est souvent faite par le patient-salarié nous éloigne du réel de affichée par certains comme une sorte de leitmotiv. Je l’activité, qu’il faut donc travailler en consultation. dois avouer, un peu honteusement, que j’ai du mal à y trouver un réel intérêt. Prévenir , c’est faire en sorte Je fais le choix d’utiliser les apports de la clinique d’éviter que quelque chose ne se produise, « prendre médicale du travail [4]. Il s’agit de parler en termes les mesures nécessaires pour éviter un mal, un danger», d’éléments situés dans le temps et dans l’espace et de selon le Larousse. Notre action de médecin du travail sortir des schèmes surgénéralisants. Ainsi, on touche doit, entre autres, viser à prévenir la survenue de de plus près le réel de l’activité ce qui rend toute action maladies professionnelles, d’accidents du travail. Mais qui en découle plus concrète. la responsabilité de cette action est celle de l’employeur, qui a une obligation de sécurité de résultat en la matière. Pour paraphraser le titre d’un célèbre ouvrage Le médecin du travail n’a aucun pouvoir décisionnaire, d’ergonomie [5], la compréhension est la base de la transformation. Elle peut aider le patient-salarié à il n’est qu’un conseiller . L’idée que ce serait lui qui porterait la prévention, qui « ferait de la prévention » retrouver son pouvoir d’agir. Elle le place comme acteur et non pas comme être passif recevant les préceptes est donc, en ce sens, discutable. d’un médecin du travail professoral. Elle oblige le Le concept de prévention a un côté fourre-tout par médecin du travail à aller sur le terrain en étant curieux, certains aspects. Certains de nos confrères l’élargissent modeste et bienveillant, comme le disait Jacques Il est d’usage d’interroger , formellement ou non, les au-delà du champ santé-travail avec le dépistage de Duraffourg. médecins du travail sur leurs motivations à exercer leur l’hypercholestérolémie ou du glaucome. Il s’agit d’une métier. Une de nos collègues, alors interne en fin de Dans cette perspective de quête de la compréhension, approche qui relève davantage de la santé publique cursus, s’était déjà prêtée à l’exercice au cours d’un être médecin du travail constitue fondamentalement éditorial pour les Archives de Maladies Professionnelles que de la médecine du travail. Le problème est que un exercice passionnant. cela vient éclipser plutôt qu’enrichir l’investigation du en 2007 [1]. lien santé-travail. Beaucoup d’arguments sont avancés pour justifier de Et ainsi, de la prévention en santé au travail dont l’exercice de la médecine du travail. Vouloir être médecin [1] Aguer-Barascud N, Médecine du travail : point l’employeur est responsable, on passe à une prévention du travail est quasiment suspect. Suspect de vouloir de vue d’une interne en fin de spécialité, Archives en santé publique dont on rend le salarié responsable. travailler d’abord pour privilégier son propre confort des maladies professionnelles et de l’environnement, Si c’est à l’employeur de faire quelque chose pour limiter plutôt que par intérêt intellectuel. Cette idée est liée à 2007 ;68 :3-4 la survenue des troubles musculosquelettiques ou de une hiérarchie tacite des spécialités médicales : certaines pathologies liées à l’amiante ; c’est le salarié qui a la [2] Cru D., Langue de métier et or ganisation du seraient plus nobles que d’autres. Un tel jugement de responsabilité de manger moins gras, d’arrêter de fumer, travail, Revue de médecine du travail, tome XIV, valeur est le résultat de la méconnaissance de notre ou de pratiquer une activité physique. n°5, 1987, 171-8 discipline. C’est également l’idée qu’un médecin devrait nécessairement ne pas compter ses heures, s’investir On comprend donc qu’un employeur, qui pourrait voir [3] Clot Y, Le travail sans l’homme ? Pour une corps et âme, y compris jusqu’à s’étioler. comme étant de l’ingérence, l’intervention du service psychologie des milieux de travail et de vie, La de santé au travail dans l’organisation du travail dans découverte, 3ème édition, 2008. Effectivement, l’absence de gardes, les horaires sont son entreprise, voit plutôt favorablement les interventions parfois revendiqués, mais il existe bien d’autres disciplines ciblées sur le seul salarié. Mais le médecin du travail [4] Davezies P., Deveaux A et Torres C., Repères offrant une telle qualité de vie. Le mauvais classement étant conseiller de l’employeur, il doit faire cette pour une clinique médicale du travail, Contribution aux Epreuves Classantes Nationales d’un certain nombre « ingérence », qui n’en est pas véritablement. au 29ème congrès national de Médecine et Santé au d’internes de médecine du travail peut donner le sentiment Travail, Archives des maladies professionnelles et que le choix se ferait essentiellement par dépit. On Si on ne se centre que sur le salarié, alors les interventions de l'environnement, 2006 ; 67 : 119-125. rappellera qu’heureusement, le classement aux ECN de prévention, y compris en santé au travail deviennent n’est pas le reflet de la qualité d’un médecin. Et il est essentiellement des actions de formation, d’éducation [5] Guérin F , Laville A, Daniellou F , et al. envisageable qu’un externe, décidé à faire médecine [2]. Pratiquer la prévention en ne faisant que du rabâchage Comprendre le travail pour le transformer, ANACT, du travail, filière aisément accessible, ne s’investisse ne peut être qu’épuisant. Entendue ainsi, la prévention 1997. Le Journal des professionnels de la Santé au Travail • novembre 2013

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La reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe Par Mireille CHEVALIER

S’il est désormais communément admis que l’environnement de travail peut avoir un impact sur la santé non seulement physique mais aussi mentale des travailleurs, la question de la reconnaissance du caractère professionnel des maladies psychiques ne fait pas l’unanimité en Europe. C’est ce qu’à montré le rapport de Eurogip daté de février 2013. Le rapport a ainsi comparé la situation de 10 pays Européens, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie, les PaysBas, la Suède, et la Suisse.

Les maladies professionnelles : Le Danemark est le seul pays a avoir inscrit un trouble mental sur la liste de maladies professionnelles, sous la forme du stress post-traumatique faisant suite à des « situations ou événements traumatisants, de courte ou de longue durée, exceptionnellement menaçants ou catastrophiques ». Cependant, d’autres maladies psychiques ou expositions qui ne figurent pas sur la liste peuvent, dans certains cas, être reconnues par l’Occupational Diseas Committee. En Belgique, en Italie, en France et au Danemark (hors stress post-traumatique pour ce dernier), les troubles psychiques peuvent être reconnus en maladie professionnelle par le système complémentaire de déclaration. Ces reconnaissances exigent que la victime fasse la preuve de l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie et l’activité professionnelle. Cependant, les résultats diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre, ainsi seuls 2 cas en 15 ans ont été reconnus en Belgique. La Suède ne dispose que d’un système de reconnaissance unique de la preuve, sans liste de maladies professionnelles. Mais, en pratique, de nombreux cas de pathologies psychiques sont reconnus comme pathologies professionnelles, tous les ans. En Espagne, la reconnaissance professionnelle des pathologies mentales n’est possible qu’en accident du travail. Enfin, la Finlande, l’Allemagne et la Suisse ne donnent jamais droit à la reconnaissance de troubles psychiques comme maladies professionnelles, pour des raisons de législation pure ou par impossibilité de répondre aux critères exigés.

Les accidents du travail : Une autre voix consiste en la reconnaissance en accident du travail. Cette possibilité existe dans tous les pays Européens, la preuve est plus facile à établir, mais la notion d’accident exige un fait soudain qui est limitant pour la déclaration. Pour tous les pays, il s’agit d’un événement inattendu, de courte durée et traumatisant, à l’origine du trouble psychique. Par contre, cela se décline différemment au sein de la communauté européenne.

gravité de l’incapacité permanente pour l’accès au CRRMP. Il faut noter que la part des maladies psychiques dans les cas reconnus hors liste est passée de 8% en 2003 à 21% en 2011 dans ce pays. Au Danemark, devraient paraître en 2013 les conclusions d’une étude Les suicides : sur les conséquences en terme de pathologies mentales Concernant les suicides, en Belgique et en France, leur du harcèlement au travail, afin de mieux prendre en origine professionnelle peut être reconnue s’il y a un compte les possibilités de reconnaissance de ces cas, lien avec l’exécution du contrat de travail. Si le suicide ce qui pourrait provoquer une augmentation des se produit sur le lieu de travail, alors il y a une présomption statistiques dans les années à venir . Par contre, les d’origine professionnelle. Par contre, en dehors du chiffres sont en stagnation pour l’Italie, et en baisse temps et du lieu de travail, les ayants droits doivent pour la Suède. apporter la preuve du lien entre le suicide et le travail. En Suisse, on ne comptabilise aucun cas de maladie En Espagne, il faut prouver que le sujet n’a pas agi de professionnelle reconnue pour une pathologie psychique, manière relationnelle et intentionnelle, et établir une et les déclarations sont rares. Les cas de déclaration relation de cause à effet entre le décès et le travail. ne sont pas comptabilisées en Finlande, puisqu’il n’existe aucune possibilité juridique de reconnaissance, de Pour l’Allemagne et l’Italie, le suicide doit survenir même qu’en Allemagne. dans les suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle préalablement reconnus. Pour les statistiques d’accidents du travail, la plupart des pays ne dispose pas de codification permettant Pour la Suède, la Suisse ou le Danemark, même s’il d’individualiser les atteintes psychiques. Cependant existe une possibilité juridique de reconnaissance le rapport estime que 10 000 à 12 000 accidents du professionnelle d’un suicide, les cas reconnus sont travail sont pris en charge au titre d’atteintes exceptionnels. psychologiques par an. Enfin, la Finlande exclut totalement la reconnaissance Concernant les statistiques sur les suicides, seule la du suicide comme accident du travail. France dispose de chiffres fiables montrant un nombre plus important que les autres pays, avec 22 suicides reconnus en 2011. Les cas de reconnaissance sont entre Les données chiffrées : 0 et 11 pour les autres pays de l’étude. Concernant les statistiques communiquées par les régimes d’assurance, la comparaison entre les pays est rendue difficile du fait de la diversité de ces systèmes Le bilan : d’assurance et de l’hétérogénéité des pratiques de On peut donc constater, à la lecture de ce rapport, que reconnaissance. les atteintes psychiques liées au travail ne trouvent Ainsi, pour 2011 : 212 cas de maladies professionnelles aucune visibilité fiable en Europe par le biais des déclarations ou des reconnaissances, alors même que ont été reconnus au Danemark, 94 en France, 13 en le sujet est nettement objectivé par les études Italie et 70 en Suède. A noter que pour la Suède, ce chiffre recouvre le nombre de prestations accordées et épidémiologiques, et que le risque psycho social fait l’objet de plus en plus de mesures de prévention. non le nombre de maladies reconnues, ce qui gonfle artificiellement le chiffre, et que pour la France, les C’est au Danemark et en France que l’on retrouve les chiffres ne relèvent que du régime général. meilleurs résultats en matière de déclaration et de On peut constater que la reconnaissance de maladies reconnaissance des pathologies mentales liées au travail, malgré un système très imparfait qui présente de professionnelles est plus facile au Danemark et en Suède depuis les années 1980, alors que ce n’est possible nombreuses clauses d’exclusion. en France et en Italie que depuis les années 1990. Le bilan est donc pessimiste pour l’ensemble des pays Concernant le taux de reconnaissance, en 2010 il était européens, les avancées sont rares et marginales au respectivement de 7,82% au Danemark, de 9,74% en sein de la communauté européenne. La prise en compte du travail dans les pathologies mentales ressemble à Italie, de 14,51% en Suède et de 12% en France. Cependant, la faiblesse du taux de reconnaissance au un parcours du combattant pour la très grande majorité des salariés concernés, à la recherche de preuves souvent Danemark s’explique par la le nombre très élevé des très exigeantes ou de failles permettant de contourner demandes de reconnaissance dans ce pays, ce qui les obstacles juridiques. aboutit a un plus grand nombre de maladies professionnelles reconnues. Ce manque de reconnaissance ne prive pas seulement Il faut noter qu’au Danemark et en France les demandes les victimes d’une indemnisation justifiée mais leur de reconnaissance, ainsi que les cas reconnus, ne font empêche également d’accéder à la légitimation de la responsabilité de l’organisation du travail et de l’entreprise qu’augmenter depuis les années 2000. Cette hausse dans leurs troubles, alors que ce dernier point présente devrait se poursuivre en France suite à la lettre très souvent un aspect thérapeutique non négligeable ministérielle qui modifie les conditions relatives à la dans la reconstruction du salarié en souffrance. consolidation de l’état de santé de la victime et à la Rappelons qu’en France le fait accidentel doit être un événement soudain daté et précis, présentant un caractère « anormal ».

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POUR TOUTES VOS ANNONCES DE RECRUTEMENT OU DE COMMUNICATION E m a i l : k h . c o n s e i l s @ h o t m a i l . f r - 01. 7 5 . 4 3 . 11. 5 0


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Interview … et écriture >>

Pluridisciplinarite en santé travail : le regard infirmier Par Véronique BACLE, Responsable du Pôle Infirmier au SSTRN (Lille) et Membre de l’équipe pédagogique des formations infirmières à l’ISTNF. La définition de la pluridisciplinarité, qui est de « faire coexister le travail de plusieurs disciplines à un même objet »1, se décline maintenant de plus en plus dans le champ de la santé au travail. Autre définition : « mailler les expertises et les compétences 2 ». Ainsi, la complémentarité de points de vue différents doit concourir à mieux préserver la santé des salariés. Mais comment cela se décline t-il sur le terrain ? Et comment est-ce vécu par l’un des acteurs de cette pluridisciplinarité : l’infirmier santé travail ? Nous avons interrogé trois infirmiers exerçant dans des secteurs différents.

son rôle actuel et s’inclut entièrement dans sa mission. Les entretiens seront complémentaires aux visites médicales (avec des protocoles mis en place avec le médecin du travail) et lui permettront d’être encore plus précise sur ses alertes auprès du médecin. Il est essentiel que cette équipe soit sur la même longueur d’onde ou tout au moins puisse échanger librement leurs points de vue sur les axes de travail à suivre au sein de l’entreprise. Nous avons la chance de pouvoir compléter cette équipe avec une assistante sociale : nous travaillons en étroite collaboration sur le suivi des salariés en invalidité, les reconnaissances de MDPH, les demandes d’aide Quelle définition de la pluridisciplinarité AGEPHIP pour aider à un aménagement de poste,... Des demandes d’intervention d’IPRP sont régulièrement donneriez-vous ? réalisées : à chaque fois l’infirmier est partie prenante des études réalisées, elle est présente à chaque étape, Cathy HIGOUNENC elle fait le relai avec les IPRP quand ils viennent sur C’est un travail de collaboration entre plusieurs acteurs site. en santé travail, avec l’objectif de contribuer à promouvoir la santé des agents. Cependant, dans cette équipe, deux JM acteurs ont une position particulière, car professionnels Bien !! Notre équipe est composée d’un « trinôme » de santé tenus au secret médical : le médecin et l’infirmier. santé (deux médecins et un infirmier) avec une secrétaire, Et donc, tout ne peut pas être partagé. puis un mini pôle technique : un IPRP généraliste et un ergonome. La coopération entre infirmier et médecins est excellente. L’infirmier santé travail en entreprise est « baigné » C’est plus compliqué pour la secrétaire, qui doit gérer dans la pluridisciplinarité ! Il travaille avec tous les les trois agendas et emplois du temps, et surtout des acteurs de l’entreprise (RH, service sécurité, CHSCT, rendez-vous pas simples, car pour les médecins, ce responsables de service..) et avec toute l’équipe santé sont surtout des consultations plus lourdes : les reprises travail du service inter dont dépend le médecin du ou pré-reprises, les reclassements, etc. travail. Les difficultés viennent quelquefois aussi de la juste J’ai la chance de travailler avec un médecin qui prend mesure dans les demandes à faire au pôle technique : en compte la plus value de l’Infirmier Santé Travail en ou trop, ou pas assez. Ce sont encore des ajustements entreprise et est aussi satisfaite de travailler avec une à faire. infirmière formée en santé travail. Il nous reste à mettre en place les entretiens infirmiers. Ma mission est donc Quels souhaits ? à revoir pour pouvoir me « dégager » du temps pour réaliser ceux-ci dans des conditions optimales. Une CH des tâches qui me semble être du temps « perdu » Pour que cela fonctionne, il faut un projet de service. relève de l’administratif : l’organisation des visites médicales, les convocations.. qui pourrait être réalisée En fonction des besoins, les actions se mettent en place, par une secrétaire médicale et donc détacher du temps en ciblant les compétences de chacun. Partir des besoins, à l’infirmière pour réaliser les entretiens, des observations c’est essentiel. Et comme je le disais précédemment, il faut que chacun connaisse le champ de compétences de poste.. qui relèvent vraiment de sa mission. C’est aussi cela la plurisdisciplinarité : utiliser à bon escient des autres pour pouvoir travailler en collaboration. les compétences de chacun. CB Claire BRUNET

Julie MOREAU

Le travail en entreprise pour une infirmière est riche C’est la complémentarité, conjuguer les savoir-faire de et loin d’être routinier à mes yeux : j’essaie de « profiter» chacun pour arriver au but commun d’amélioration de un maximum de ma position pour aider le médecin la santé des salariés. C’est également la reconnaissance (chef de file !) et toute l’équipe pluridisciplinaire dans sa mission première et essayer de tendre le plus possible des compétences de chacun, de la confiance et du vers la prévention primaire. respect les uns envers les autres. Je ne pense pas qu’il faille opposer service inter entreprise et infirmier en entreprise : nous pouvons à mes yeux Comment la vivez-vous dans votre exercice tous travailler ensemble car nous avons le même objectif. professionnel ? Et le souhait, c’est donc que l’équipe pluridisciplinaire s’élargisse aux infirmiers en entreprise. CH Parfaitement bien ! C’est une équipe qui fonctionne car les compétences et les champs d’action de chaque acteur sont connues et reconnues, ce qui est la clé du succès. Sur les deux universités suivies nous travaillons en collaboration avec une secrétaire et, par établissement, l’équipe est complétée par une psychologue. Nous menons des actions en collaboration avec le conseiller en Prévention (IHS). Comme la définition des missions est claire, il est plus facile de se positionner et de vraiment fonctionner ensemble.

JM

Le souhait, c’est d’être plus nombreux, aussi bien dans le pôle médical que dans le pôle technique !! Il faut faire attention aux forces sur le terrain, au risque d’épuiser les équipes. Il est important aussi que les compétences et les missions de chacun soient bien identifiées, pour que les champs d’action de chacun soient bien repérés. Les médecins doivent prendre leur place de pilotes dans l’équipe. On le voit, la pluridisciplinarité est une longue CB construction, que cela soit pour les institutions ou pour L’équipe santé travail en entreprise commence avec le les acteurs. Les infirmiers qui ont témoigné ont tous médecin du travail et l’infirmière de l’entreprise : ils insisté sur la nécessaire reconnaissance des compétences constituent le service santé travail permanent. de chacun, sur l’objectif commun que doivent avoir les L’infirmière en entreprise est présente le plus souvent équipes, sur l’importance du pilotage. En filigrane, à temps complet , elle connait les salariés, leur poste revient aussi la question de l’indépendance de tous les de travail. La mise en place des entretiens complète acteurs, et il est souhaité qu’elle soit encore plus affirmée,

ce qui n’est pas encore le cas, notamment pour les infirmiers. Il s’agit bien là d’un combat syndical ! 1 www.wikipedia.org 2 MERCIECA Pascale et PINA TEL Catherine. « Santé au T ravail : pour une approche pluridisciplinaire »- Travail et changement N°321Septembre Octobre 2008.Pages 2 et 3.

Catherine HIGOUNENC est infirmière puéricultrice depuis 1989 et a exercé dans divers secteurs de soins, résidé en Angleterre où elle a obtenu le first certificate in English, avant de se passionner pour la médecine de prévention lors de son retour en France. Depuis 1999, elle s’occupe de la santé au travail des personnels des Universités de Toulouse 1 et 2. Après avoir obtenu la licence des métiers de la santé au travail à l’IUT d’Auch, elle fait partie de l’équipe pédagogique de cette même licence, auprès du Professeur Soulat. Elle prépare actuellement un Master2 Encadrement des Services de Santé.

Claire BRUN ET est infirmière de santé au travail depuis 2009, toujours dans le milieu industriel. C’est la deuxième entreprise où elle exerce pleinement ses missions, et où elle a réalisé son mémoire de Licence sur les fumées de soudage. Elle est diplômée de 1999 et a exercé en milieux de soins hospitaliers puis a exercé en libéral pendant cinq ans. Julie MOREAU est infirmière diplômée d’État depuis 2003, et comme beaucoup, a d’abord exercé dans différents milieux de soins, avant de découvrir en 2011 la Santé au Travail dans un service inter entreprises. Elle a immédiatement suivi le cursus de Licence Ingénierie et Santé Publique, Mention Santé Travail, de Lille, et soutenu un mémoire sur “Quand les douleurs s’invitent au bureau”. Elle a participé à la mise en place des Entretiens Santé Travail dans son service et est la représentante du métier Infirmier Santé Travail à la Commission Médico Technique. Le Journal des professionnels de la Santé au Travail • novembre 2013

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La résistible ascension du travail de nuit par Bertine BRÉCHET C'est au nom de la liberté du travail et d'entreprise que des citoyens ont eu l'honneur des médias en défendant les horaires nocturnes et dominicaux des magasins qui allaient les employer. Les organisations syndicales ont réaffirmé la défense de l'encadrement des horaires décalés pour mieux préserver le bien être des salariés. Ce n'est pas la première fois qu'en situation de crise des revendications individuelles de travailleurs divergent de l'expression des représentants syndicaux. Mais qu'en est-il de l'extension du travail de nuit et en horaires atypiques, et des effets sur la santé ? Une forte minorité de travailleursinterviennent la nuit pour près de 20 % ou à des horaires atypiques pour un tiers selon les données les plus récentes comme l'enquête SUMER ou les études répertoriées par l'ANSES. Les premiers concernés sont les salariés de la santé. Les urgences sont le plus souvent le fait d'engagements temporaires et la permanence des soins hospitaliers plutôt le résultat de compromis choisis à long terme avec une autosélection importante. Le deuxième secteur serait celui de la sécurité, police, gendarmerie et pompiers, où la répartition des temps décalés et des récupérations sont des acquis défendus par les statuts, alors que la précarité n'est pas rare dans le gardiennage privé. La maintenance des infrastructures routières, d'énergie ou de communication par exemple mobilise aussi plusieurs dizaines de milliers de personnes dans notre pays pour lesquels des astreintes s'ajoutent aux horaires décalés. Le nettoyage est un autre domaine où, pour ne pas déranger pendant les heures normales, les temps partiels et/ou morcelés sont imposés aux opérateurs dont l'intensité des tâches exigées augmentent. Le travail posté en 2*8, 3*8 ou 2*12 est toujours présent dans l'industrie pour la rentabilité, mais il commence à s'étendre dans le e-service et le e-commerce. L’hôtellerie et la restauration comme la production des spectacles vespéraux seraient en expansion avec la vie humaine sont connus tant pour le cerveau et le psychisme nocturne. que pour le repos du cœur, la reconstitution des muscles Les dernières tentatives de banalisation viennent du ou l'adaptation de notre système endocrinien, anticommerce où la demande et l'offre risquent de se joindre inflammatoire et immunologique. L'allongement de la pour vendre et consommer à toute heure. liste des pathologies du travail en horaires atypiques Moins de sommeil, plus de fatigue,c'est ce qui est est probable avec l'affinement de l'épidémiologie. constaté statistiquement à court terme chez les travailleurs La perturbation familiale et de la vie sociale est en horaires atypiques. Les tests psychotechniques sont sans doute mésestimée à coté des atteintes directes à là pour rappeler de façon constante les déficiences la santé. Si certains arrivent à trouver une complémentarité observées en matière réactive, cognitive et d'application. avec leur conjoint en famille, beaucoup y perdent une Le risque relatif d'accidents du travail n'alerte que si partie de leur rôle parental, et le coût social sans doute on le ramène aux horaires travaillés et aux critères de invisible est redouté. Ce qui est frappant aussi c'est la production et des modes opératoires eux-mêmes. On l'abandon d'activités sociales, culturelles, associatives oublie trop que le premier facteur des accidents graves ou sportives, dont la régularité est devenue impossible de la voie publique aujourd'hui est devenu la perte de avec les horaires décalés. vigilance et principalement par somnolence, alors qu'il La préoccupation du travail de nuit s'affiche dans les y a trente ans elle ne représentait qu'un tiers des causes textes sur la prévention avec son intégration dans le avec la vitesse et l'alcool. traçage sur la pénibilité, et l'INRS a renforcé le premier Par exemple, pendant les semaines de travail de quatre facteur de risque psychosocial identifié sur les exigences du travail en dédiant un chapitre spécifique au travail nuits d'équipes d'intervention sur des chantiers, le en horaires atypiques. La législation des services de temps de sommeil est réduit de plus d'une heure par jour en moyenne, et 60 % des intéressés ont une inversion santé au travail maintient les visites médicales périodiques pluriannuelles pour les travailleurs de nuit et l'avis du rythme de sommeil qui les pénalisera encore les d'aptitude. Les directives européennes cadrent les trois jours suivants. durées et les récupérations. Mais cet affichage n'infléchit L'atteinte à la santé à long terme par le travail de pas l'augmentation des travailleurs en horaires nocturnes. nuit est suspectée depuis longtemps, et depuis plusieurs décennies, l'épidémiologie confirme une morbidité Quel accompagnement les professionnels de la globale augmentée, et une espérance de vie diminuée, santé au travail peuvent-ils apporter pour protéger les travailleurs de ce risque ? malgré l'effet « travailleurs sains » de ceux qui ont choisi pendant des années le compromis du travail de L'avis d'aptitude médicale individualisé n'est qu'un nuit. Des études ont montré une incidence supérieure permis de nuire tout aussi peu préventif que dans les des maladies cardiovasculaires, et plus récemment la autres pénibilités. Des avis d'inaptitude à la demande mise en évidence d'une plus grande prévalence des des salariés sont évidemment à maintenir et développer cancers du sein et colorectaux chez les travailleurs de pour la préservation de la santé des salariés en nuit semblent surprendre une partie des experts médicaux. décompensation, sans illusion sur les limites de ces Pourtant, les rythmes nycthémériens de la physiologie demandes individuelles par leur impact sur le collectif

de travail et le déni important du fait des conditions d'emploi et parfois de bénéfices secondaires améliorant des parcelles de conditions de vie. Aider les salariés à mieux connaître des effets sur la santé est certainement une contribution essentielle des services de santé au travail. Dans les entretiens individuels par les infirmières et les médecins du travail, la reconstitution des agendas du sommeil avec repérage des épisodes de manques voire des dettes de sommeil s'avère une phase d'appropriation capitale pour les salariés. Tous les conseils seront bons à prendre en acceptant une très grande variabilité d'adaptation de chacun. Toutes les communications pour sensibiliser les collectifs de travail sont aussi souhaitables. La recherche de qualité des restitutions collectives notamment pour les CHSCT est primordiale pour faire prendre en compte ce risque pour la santé dans le dialogue social, qui n'est pas de notre ressort. Quelle que soit la relégation fréquente des critères de santé au travail dans les négociations, il appartient aux professionnels de la santé au travail de dire et redire les interactions santé travail en horaires atypiques. Comme pour tout risque nuisible à la santé, le premier principe de prévention serait d'éliminer le travail de nuit, puis de diminuer les horaires atypiques, puis d'aménager les rythmes au mieux avant toutes les prises en charge individuelles. La relativisation de certaines nécessités proclamées de travaux à toute heure ne peut pas toujours être opposée par les partenaires sociaux en raison de confits d'intérêts paradoxaux renforcés par des précarités sociales. L'encadrement législatif restrictif de ces horaires atypiques est encore indispensable à notre bien être à tous. On ne pourra pas dire, comme il a été osé pour l'amiante, qu'on ne savait pas ! Le Journal des professionnels de la Santé au Travail • novembre 2013

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SUMER 2010, le dernier panoramique des risques professionnels par Jacques RAVON

La dernière enquête de Surveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels (SUMER) en 2010 présentait l'intérêt d'un recueil significatif non seulement pour les salariés du régime général, mais aussi pour ceux de l'agriculture et des Fonctions Publiques Hospitalières, T erritoriales et d'État (hélas sans l'Éducation Nationale). Les résultats, présentés par la DARES et accessibles sur les sites du Ministère du T ravail et de la Fonction Publique, indiquent et alertent sur les conditions de travail dans tous les secteurs. Des expositions confirmées

Les ouvriers de la construction et l’agriculture sont les plus exposés aux contraintes physiques intenses de même qu'à l'exposition aux bruits excessifs qu'ils partagent avec ceux de l'industrie et ces trois secteurs se retrouvent davantage concernés avec la Fonction Publique Hospitalière (FPH) par les produits chimiques dont les agents cancérigènes sont le plus présents dans l'industrie. Trois quarts des salariés de la Fonction Publique Hospitalière sont exposés à des agents biologiques. Le travail prolongé sur écran est plus fréquent dans le tertiaire et la Fonction Publique de l’État (FPE). Ces premières données recueillies par l'expertise des médecins du travail sont sans surprise sinon qu'elles atteignent aussi, certes à des degrés moindres mais non marginaux, des salariés des Fonctions Publiques Territoriales (FPT) et d'État.

Une réalité plus variée Les réponses fournies par les travailleurs eux-mêmes par questionnaire avant la consultation représentent la richesse de leur vécu. Les horaires atypiques - le dimanche, de nuit, en équipes décalées, variables - concernent particulièrement les salariés de la Fonction Publique Hospitalière (FPH), du commerce et des transports. Mais qui savait que les agents de la FPE (champ Sumer) sont plus exposés à une durée longue du travail ? : 23 % d’entre eux ont travaillé plus de 40 heures la semaine précédente, contre 18 % en moyenne et un quart d’entre eux effectuent des astreintes, contre 10 % pour l’ensemble des salariés. C'est dans l'industrie que l'intensité du travail est la plus forte où la moitié des salariés subissent au moins trois contraintes de rythme de travail, mais qui avait pensé que les hospitaliers (FPH) la secondaient avec le commerce, les transports qui, avec les salariés de l'État(FPE), ont un travail plus souvent morcelé et interrompu par une autre tâche que dans les autres secteurs.

La « latitude décisionnelle » (qui reflète les marges de manœuvre du salarié, ainsi que l’utilisation et le développement de ses compétences), telle qu’elle est mesurée à partir du questionnaire de Karasek, apparaît ainsi plus faible pour les travailleurs du commerce et des transports et, dans une moindre mesure, pour ceux de l’industrie. Elle est moindre chez les femmes en général.

Les critères de prévention de ces risques et de ces mal être sont les mêmes d'une institution à l'autre, même si des chemins et des moyens pour y parvenir peuvent varier en fonction de cultures et de traditions des branches. Les atteintes à la santé des travailleurs sont les mêmes aussi. Si les mobilisations et les modifications des conditions de travail sont des actions spécifiques à chaque entreprise, les facteurs de la santé humaine au travail restent les mêmes, et l'unicité des services Le poids d'une erreur est plus grave pour les salariés de santé au travail devraient s'imposer pour l'émulation de la FPH de l'industrie, et aussi ceux de l'agriculture, des investigations avec toutes les ressources pour de la construction pour qui en revanche « effectuer son conforter une mission de service public. travail correctement » est ressenti comme plus facile. On peut s'inquiéter de la tendance cloisonnante et L'enquête ne relève pas de différence pour le soutien dispersante des services de santé au travail autonomes administratifs et inter entreprises avec l'application de social entre les secteurs. la nouvelle loi et des décret depuis 2011. C'est dans la FPH que les agressions verbales dans le cadre du travail sont les plus signalées, talonnées par le commerce et le transport, mais aussi par la Fonction SUMER et l'avenir Publique Territoriale (FPT), davantage chez les femmes. SUMER est un des indicateurs des expositions aux risques et des conditions de travail, dont la qualité et C'est dans la FPE que les changements sont le plus la fiabilité reposaient en 2010 sur l'expertise et la mal vécus pour 40 % des salariés en raison de la révision participation de 2400 médecins du travail, grâce à la générale des politiques publiques, alors que c'est dans couverture globale et périodique de ces salariés qui l'industrie que la sécurité de l'emploi est la plus menacée. permet un échantillonnage représentatif. Le réel des expositions est mieux approché par l'investigation du travail de la semaine précédente que par les déclaratifs Unicité de la santé au travail administratifs annuels des entreprises. SUMER 2010 n'est certes qu'un comptage statistique des risques et de vécu des travailleurs et ne permet pas Comment, dans quelques années, la dispersion des un diagnostic des liens santé travail des salariés pour services de santé au travail et la pénurie des médecins du travail permettra-t-elle la poursuite de la qualité et appliquer des actions concrètes sur le terrain ; mais de l'extension du champ des salariés qui avait été un cet inventaire incomplet est un soutien d'orientation. Tout en montrant sans surprise la continuité des risques notable progrès après celle de 2003. des secteurs traditionnels comme l'industrie, de la construction, de l'agriculture, du commerce et du transport, il met en évidence comparativement les difficiles conditions de travail du secteur hospitalier et la dimension de risques habituellement sous estimés dans les Fonctions Publiques Territoriales et de l'État. Surtout, pratiquement tous les risques apparaissent transversalement et interagissent entre eux dans les différentes branches des salariés.

On pourrait espérer que la traçabilité de la pénibilité et de l'intégration des Risques PsychoSociaux dans les documents uniques deviennent des indicateurs fiables non seulement pour les salariés et pour les entreprises, mais aussi pour la société. Mais nous savons que leurs mises en œuvre sont laborieuses, diverses, inexistantes pour la majorité des travailleurs et leur inhomogénéité transforme en défi leurs collectes pour une statistique globale comparative.

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un projet régional pour la cartographie des unités de contrôle, pour la mise en place du réseau des risques particuliers, pour l'évolution des services de renseignements. Il préconise un dialogue social actif et constructif comme celui préparatoire du printemps dernier qu'un directeur régional interrogé revendique comme une concertation et une démarche participative exemplaires.

est un facteur primordial de préservation minimale des conditions d'emploi et de travail. La permanence et la proximité de cette veille est essentielle. L'indifférence à cette réforme serait donc irresponsable.

L'indissociabilité des objectifs d'emploi à ceux de la qualité et la sécurité par l'Inspection du T ravail est un argument affiché de cette réforme et apparaît comme une tolérance potentielle aux transgressions pour les Les agents du Ministère du T ravail ne semblent pas conditions de travail et le risque d'une spirale négative tous apaisés par ces déclarations. Ils auraient attendu pour la santé au travail. Cette tendance défavorable à pour l'efficacité un renforcement de la prise en compte la préservation de la santé des travailleurs est déjà des procès verbaux de l'inspection dont moins des deux souvent constatée dans les négociations salariales entre tiers sont suivis de poursuite par le Procureur ! Déjà, partenaires sociaux, et nous serions là dans l'arbitrage au vue de ces résultats, de nombreux inspecteurs administratif d'un choix éminemment humaniste et s'autocensurent et savent développer davantage de politique. La sauvegarde de l'emploi et des entreprises conseils que de sanctions. Au delà des sanctions peut être antagoniste avec la protection réglementaire administratives, ils attendraient surtout la possibilité des conditions de travail, mais la hiérarchie des unités d'imposer des obligations de faire sous astreinte qui de contrôle semble être construite pour manager les seraient directement bénéfiques aux salariés. Ils s'étonnent choix des acteurs régaliens de l'inspection du travail de la façon dont le réseau de risques particuliers est et mettre la réglementation sous le boisseau en déni de prôné en remettant en cause l'orientation généraliste leur indépendance, pourtant recommandée par et de proximité des sections ; alors qu'il y a à peine l'Organisation Internationale du Travail ou les directives trois ans les savoirs et savoir faire de l'inspection des européennes. transports et de l'agriculture ont été dilués sous le précédent gouvernement sans les ressources et appuis Le Ministère attend de son Inspection du Travail vers spécialisés qu'ils demandaient. Ils n'ont pas tous une les entreprises une mission de conseils aux entreprises, perception participative de la concertation citée, certains à côté de la sanction des infractions. Il semble bien évoquant un dispositif d'engloutissement des avis des que ce soit déjà une pratique professionnelle intériorisée des inspecteurs du travail confrontés à la très faible agents par un organisme extérieur piloté par l'administration. Ils souhaitaient depuis longtemps un prise en compte juridique de leurs constatations, mais développement des coopérations et des ressources avec l'Inspection du Travail est l'institution responsable du des services spécialisés et entre sections dont certaines rappel à la loi, alors que d'autres dispositifs se superposent étaient de plus en plus fragilisées par la réduction des déjà pour le conseil, que ce soit les CARSAT ou l'OPPBTP et même les services de santé au travail dont le premier effectifs et l'isolement dans un contexte de révision générale des politiques publiques, mais les unités de rôle devait être de dire la santé au travail. La confusion des rôles des institutions remplace désormais les contrôle hiérarchisées qui leur sont proposées, ne coopérations synergiques, croisées et lisibles qui seraient seraient-elles pas un outil de canalisation restrictive des actions régaliennes elles-mêmes avec une diminution un réel gage d'efficience. des agents de contrôle sur le terrain et une perte de L'effet sur la santé et le bien être des agents de l'inspection perception de la réalité du travail ? par la mise en œuvre d'une telle réforme questionne L'appréciation de la pertinence d'une telle réforme appartient aux politiques et aux partenaires sociaux d'une part, et d'autre part, la nature et les modalités de contestations de la mise en œuvre administrative de cette nouvelle organisation relève des acteurs. Mais les professionnels de Santé au Travail ne peuvent éluder l'impact sur les conditions de travail des salariés. La force d'application de la réglementation du travail

les professionnels de la santé au travail que nous sommes. L'analogie avec les restructurations de grandes industries et de grands groupes est tentante où, à coté des détresses de la perte d'emploi, a été observé un nombre significatif de graves décompensations psychiques parmi ceux qui restent au travail en perdant leurs repères de métier , la reconnaissance et le sens de leur travail. Le schéma de mise en œuvre de ces grandes restructurations est souvent comparable. Les choix stratégiques et

organisationnels sont déterminés par une gouvernance administrative et/ou économique de plus en plus éloignée du travail. Les concertations affichées incitent les opérateurs du terrain à une communication ascendante qui souvent les exposent, et dont le tri des informations restituées leur échappe. Les décisions d'organisations descendantes sont sans appel et la responsabilité de leur application est, elle, déléguée aux exécutants. C'est le modèle qui semble être déployé pour l'Inspection du Travail. On pourrait attendre de ce Ministère que la qualité des opérateurs de l'Inspection soit un atout pour une élaboration participative respectant les orientations politiques mais permettant une appropriation et des mobilisations adaptées dans la durée. L'Inspection duTravail doit certainement évoluer pour une meilleure adaptation aux besoins du monde du travail. Mais plus globalement la question de l'orientation politique de cette réforme est incontournable dans ce Ministère dont la Direction Générale du Travail n'a pas changé depuis plus de dix ans. Est-ce la protection des entreprises qu'il faut privilégier en premier ou la dimension humaine des conditions de travail ? Notre crainte est bien qu'au nom d'une concurrence dite libre et non faussée, ce soit une concurrence sauvage et pervertie aux mains d'entreprises qui délaissent le bien être humain au travail.

>> Le SNPST à votre écoute >>

POUR NOUS CONTACTER : contact@snpst.org Le site du Syndicat : http://snpst.org

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le Journal des professionnels de la Santé au Travail

NOVEMBRE 2013

12 impasse Mas • 31000 Toulouse Tél. : 05 61 99 20 77

http://snpst.org

Publication du SNPST (Syndicat National des Professionnels de la Santé au T ravail) ISSN : 1775-0318 Commission paritaire : 1016 S 05549

Directeur de publication : Gilles Arnaud

Brève…Brève …Brève…Brève …Brève…Brève …Brè-

Rédacteur en chef : Gérard Lucas Secrétariat de rédaction : Micheline Chevalier

Abdel

Illustrateur : Gérard Lucas Mise en page : DHTL, 01 47 08 96 12 Responsables de rubrique : ACTUALITE SYNDICALE : Gilles Arnaud

Abdel présente deux défauts aux yeux de ses collègues de travail. Il est handicapé mental et arabe. Aussi est-il souvent victime de vexations et de propos racistes, en particulier d’un camarade qui, de plus, lui donne régulièrement des coups de pied. Ce jour là, à la suite d’un gros coup qui lui occasionne un bel hématome de la cuisse qui sera objectivé par le médecin traitant et le médecin du travail. Abdel n’en peut plus et il va chercher le soutien de l’Inspection du Travail. Las, le contrôleur du travail ne donne aucune suite à l’affaire ce qu’il justifie dans un courrier très « argumenté » à Abdel. L’enquête auprès des collègues de travail (incriminés) ne lui a pas « permis de recueillir d’éléments tangibles caractérisant un harcèlement à votre encontre ». Quant au coup de pied, « si personne ne conteste la véracité des faits, le caractère d’intentionnalité de vous faire mal n’est pas caractérisé » (comme on le sait, un coup de pied est destiné à faire du bien, surtout sur le lieu de travail). Je précise que le gérant, lui, a reconnu tous les faits mais a menacé de fermer l’entreprise en cas de poursuites.

CONTENTIEUX : Michel Hamon TERRAIN : Patrick Bouet EUREKA : Gérard Lucas INSTITUTION : Mireille Chevalier CHANTIER : Véronique Bacle ENTRETIEN : Jean-Michel Sterdyniak Ont collaboré : Bertine Bréchet, Quentin Durand-Moreau, Luc Gerson, Pr Caius Ramazzinus, Jacques Ravon Conception éditoriale et graphique : Betty Bente Hansen Imprimerie Cyan 12 75 avenue Parmentier / 75544 Paris Cedex 11 06 18 72 55 53

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