Bonjour

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Vous avez d’ailleurs toujours affirmé que la musique pouvait changer les choses… Oui, je l’ai toujours pensé. Dans les années 60, on pensait que la musique pouvait changer les choses pour le mieux, représenter une autre voie. Peut-être que ça n’aide pas que Bob Dylan vende des Cadillac et des Starbucks… En tout cas, il est clair que la musique peut empirer les choses. Prenons l’exemple du gangsta rap, qui a contribué à rendre les flingues cool, à placer l’hétérosexualité comme la seule forme acceptable de sexualité, à augmenter la consommation de voitures et de Hennessy... Alors que quand j’ai commencé à écouter du hip hop, il y avait des messages dans ce que disait Public Enemy ou dans ce que disait NWA. Même s’ils parlaient de « culs et de seins », il y avait des messages : ils nous racontaient ce que c’était de vivre dans la pauvreté en Amérique, c’était de la poésie. Quel a été le point de départ de cet album ? Je voulais faire un album sur une institution et qui soit enregistré entièrement dans cette institution. Je voulais aussi faire un album big band. A l’image de Johnny Cash dans la prison de Saint Quentin. Je voulais ajouter des risques à la musique, me mettre en danger. C’est très facile de parler de principes artistiques tout en buvant un verre de rosé dans un café chic parisien, c’est facile de se sentir important, mais c’est beaucoup plus dur de parler à un chauffeur de taxi ou à quelqu’un qui bosse 20 heures par jour pour survivre et de lui faire comprendre ce qu’est le sampling, la musique électronique et ce que tu essaies de faire. Je voulais que ce soit inconfortable pour moi, et une partie de ça consistait à emmener la musique dans des endroits où la musique ne va pas d’habitude. Donc dans une institution. Mais face au refus du gouvernement anglais de me laisser enregistrer dans le Parlement, cet album s’est peu à peu recentré autour de la question du pouvoir : le pouvoir de la religion, de l’argent, le pouvoir du gouvernement, de la Reine, le pouvoir de l’amour…

Bio Figure polyvalente et prolifique de courant électronique, Matthew Herbert a commencé par le violon et le piano dès son plus jeune âge, intégrant par la suite des orchestres locaux. • 1986 Outre l’exigence de ses compositions, de plus en plus tournées vers l’acoustique orchestrale, ses albums appellent à réflexion, comme There’s Me and There’s . • 1998 Qui traite du discours politique. Figure polyvalente et prolifique de courant électronique, Matthew Herbert a commencé par le violon et le piano dès son plus jeune âge, intégrant par la suite

des orchestres locaux. • 2002 Outre l’exigence de ses compositions, de plus en plus tournées vers l’acoustique orchestrale, ses albums appellent à réflexion, comme There’s Me and There’s you (2008) • 2009 qui traite du discours politique. Figure polyvalente et prolifique de courant électronique, Matthew Herbert a commencé par le violon et le piano dès son plus jeune âge, intégrant par la suite des orchestres locaux. • 2010 Sortie de la très attendue trilogie «One on One» sur toute l’année.

parce que les big bands en live ont cette capacité à toucher tout le monde, des gens de trente ans comme de soixante. C’est une expérience visuelle, une expérience que l’on ressent avec le corps. Entendre et voir 17 personnes faire de la musique, c’est puissant. On a joué dans des festivals de jazz, de rock et dans des raves et on a toujours été accueillis chaleureusement, ça a toujours marché. J’aime ce côté universel du big band. Ça serait sans doute plus facile de toucher les chauffeurs de taxis si j’étais signé dans un grand label, mais je n’en ai pas envie parce que ça serait obligatoirement faire des compromis. Combien de temps cela vous prend pour faire un morceau généralement ? Ça n’est pas très long, peut-être quelques heures. Mais Plat du Jour m’a pris trois ans et demi de travail, et ce dernier album deux ans. Et j’avais fait entre un an et dix-huit mois de recherches avant de le commencer… Qu’entendez-vous par recherches ? Si j’écris un morceau sur la monarchie, comme Gina dans cet album, je veux mieux comprendre l’histoire de la monarchie pour définir plus clairement ce que je veux raconter. De même, le morceau sur Guantanamo est une histoire très précise sur une personne qui s’y est retrouvée.

Vous parliez tout à l’heure de chauffeurs de taxis et de gens qui bossent 20 heures par jour, or à mon sens, votre public est plutôt du genre à boire du rosé dans des cafés chics. C’est quelque chose que vous aimeriez : que votre musique s’adresse à monsieur tout le monde ? J’aimerais, bien entendu, mais je ne choisis pas mon public. Je ne fais pas des disques avec l’intention de les destiner à telle ou telle audience. Je les fais pour moi. Mais ceci étant, je pense que c’est pour cela que j’ai refait un disque de big band,

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Merci.

«En Angleterre, la dance music était politique parce que Margaret Thatcher essayait d’interdire la musique électronique»


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