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mai 2011

Tr i m e s t r i e l - 4, 5 0 â‚Ź I S S N 1276 - 8 421

INFLUENCE

Gospels et Negro spirituals

culture du son

Les ondes Martenot

TECHNIQUES

Compresseur et expanseur

Rythmes et racines du monde - Le magazine des nouveaux talents

we like music


To u t e r e p r o d u c t i o n o u u t i l i s a t i o n e s t i n t e r d i t e / A n n o n c e : D a r i o ©

ALBERT LE DIUZET A T E L IE R M U S IC O P IC T UR A L 34140 M È Z E L E D IU Z E TA L B @ A OL . C OM W W W . A L BE R T - L E D IU Z E T . W E ONE A . C OM


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ÉDITO

Qui connaît les ondes Martenot ? De nombreux musiciens se lancent dans la grande aventure de l’électronique sans en connaître les précurseurs : Thomas Bloch, Pierre Henry… Les Majors sont aujourd’hui seuls décideurs de l’avenir des artistes. Les temps changent enfin… Les internautes deviennent aujourd’hui producteurs de leur vedette préférée. Aka Music semble être le précurseur de ces nouveaux temps.

La Bastille délivre ses secrets Le 15 juillet 1789, un certain Palloy obtient le marché de la démolition de la forteresse, qui sert de prison royale depuis Richelieu. Futé, l’homme sait qu’il va mettre un mythe à bas. Aussi va-t-il faire sculpter, dans 83 pierres de la Bastille, une maquette de la fameuse geôle en mémoire de l’oppression passée et en adressera un exemplaire à chaque département français et à l’Assemblée constituante, le 14 juillet 1790, accompagné des 27 clefs du bastion.

Quand Sade y est transféré de la prison de Vincennes en 1784, il a 44 ans et n’a quasiment rien écrit. Lorsqu’il en sort pour être envoyé à l’hospice de Charenton où il devait finir ses jours en 1814, le marquis aura couché sur le papier Les Cent vingt Journées de Sodome, Les Infortunes de la vertu ou Aline et Valcour.

Grâce à la pension de Renée-Pélagie, son épouse, il évite le pain sec et l’eau, peut décorer sa cellule de meubles et tentures, se faire envoyer des vins fins, plats gastronomiques, livres, mais aussi «étuis et prestiges», les sex toys de l’époque, que Renée-Pélagie fait fabriquer tout exprès par un ébéniste. Sade donne même à relire ses textes les plus sulfureux à Du Puget, un lieutenant de la Bastille. Tout cela n’empêche pas le marquis de hurler, lors d’une promenade sur le chemin de ronde de la forteresse, qu’on maltraite et égorge les prisonniers.

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La Bastille était le lieu où l’on enfermait sans jugement - pour quelques jours ou pour la vie - les protestants, les écrivains, les libraires, les sodomites, mais aussi des personnalités telles que Fouquet, le Masque de fer, Cagliostro ou... Voltaire. Dès lors, on comprend mieux pourquoi il sembla urgent, pour les Parisiens, de démolir ce lieu de sinistre mémoire.


AU SOM MAIRE 3 ÉDito L’édito de Didier-Patrick Beudaert

6 En ce moment Actualités musicales et sorties

8 Rencontre WE LIKE MUSIC ©® www.welikemusic.net Editions Sampler Music www.samplermusic.fr ISSN 1276-8421 Revue trimestrielle d’informations musicales et culturelles Groupe loi 1901 P.P. Paris 959071 - J.O 15 Directeur de la publication : Didier-Patrick Beudaert Rédacteur en chef : Sabine Colette Graphisme : Dario® Direction artistique : Dario® Technique et son : Pierre Beugnet Rédaction : Stevelyne Marie Cécile Boudjenah Mélina Foucqueteau Thomas MacGrath Imprimeur : Easily Print Dépôt légal à parution : mai, août, novembre, février 4,5€ le numéro Abonnement : 16€ par an Renseignements : infos@samplermusic.com - 06.85.20.48.95 redaction@samplermusic.com SAMPLER MUSIC ©® www.samplermusic.fr Agréé par le ministère de la Jeunesse Membre de l’Irma Sélectionneur L19 productions Promotion de musiciens et chanteurs SIRET 402 245 773 923 A Président Didier-Patrick Beudaert Siège : 155 rue du Fg. Saint-Denis 75010 PARIS 06 85 20 48 95 infos@samplermusic.com

L’interview de Michel De Launoit, fondateur de AKA Music

Influences

12 gospels &

Negro spitituals

30 Culture DU SON Vous connaissiez les ondes Martenot ?

TECHNIQUE

38 compresseur & expanseur

46 Sonpage Jean-Marie Loubry Mick Rustick


« Si votre ramage se rapporte à votre identité graphique, vous êtes le Phœnix des hôtes de ces bois » (Le corbeau et son dossier de presse)

Un conseil, une question, un logo ou un dossier de presse en urgence ? Dario, c’est une équipe de deux graphistes complémentaires, amoureux de musique et passionnés de graphisme.

Votre communication en a rrrrrudement besoin !

Parlez-nous de votre projet, nous risquons d’avoir de belles solutions à vous proposer ! Pour établir le contact : darioteam@gmail.com


En ce moment Par Stévelyne Marie

théâtre /

musique /

Et PAN !

Blick Bassy : Hongo Calling

D’après l’œuvre de J.M. BARRIE «Peter Pan ou le garçon qui ne voulait pas grandir». Redécouvrez PETER PAN dans une adaptation à la fois poétique et déjantée d’Irina Brook. « PAN » bouleverse le chef d’œuvre de JM BARRIE en entrechoquant les Arts du Cirque, la Comédie, la Danse et le Burlesque. Une expérience visuelle impressionnante ! Un spectacle rare et véritablement novateur !

« PAN » (de J.M. Barrie) Du 12/05/2011 au 10/07/2011 THéâTRE DE PARIS 15, rue Blanche - 75009 PARIS

Initié par des guitaristes Assiko (musique traditionnelle Bassa), éduqué dans le Bobolo et le Mbaye (complaintes chantées pour les veillées mortuaires et les fêtes d’intronisation des mbombocks), inspiré par Gilberto Gil, Joao Gilberto et Nat King Cole, Blick Bassy, chanteur, guitariste et arrangeur camerounais, crée le groupe Macase en 1996. Une aventure de 10 années commence alors entre musiques bantoues (Afrique Centrale), jazz et soul. « Hongo Calling », est le nom de la destination finale de ce voyage aux 15 escales que nous offre l’une des voix les plus soyeuses de la chanson camerounaise en activité. Comment ne pas se soumettre à la magie de ce garçon dont le talent vient une fois de plus trouver sa plateforme d’expression.

Disponible sur www.musique.fnac.com et chez tous les bons disquaires !


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En

sortie /

Funeral Party : résolument efficace !

Un dixième album solo pour Ben Harper

Comme son nom, emprunté à une chanson de The Cure, l’indique à moitié, Funeral Party est taillé pour la fête. Enterrement ou pas, d’ailleurs. Pour ce trio originaire de Whittier, dans la banlieue de Los Angeles, la musique était l’unique accès vers la sortie. Emmenés par leur charismatique chanteur à moustache, Chad Elliott, les Californiens ont défoncé la porte à coups de pied, apprenant le métier sur les scènes locales. Ce besoin vital d’évasion se ressent dès les premiers morceaux à l’énergie punk de The Golden Age of Knowhere : guitares accrocheuses, basse lourde, chant rageur. On pense aux sons de la côte Est : le rock des Strokes, la dance de LCD Soundsystem. Les Funeral Party le chantent avec ironie : New York City Moves to the Sound of LA.

ce moment

ALBUM /

Le chanteur américain Ben Harper devait sortir Give Till It’s Gone (Virgin Records), son dixième album. Enregistré dans un studio de Santa Monica en Californie, ce deuxième opus très rock compte sur la collaboration du guitariste Jackson Browne (Harmonies Pray That Our Love Sees The Dawn) et de Ringo Starr, cocompositeur de deux titres sur lesquels il assure la rythmique.

Disponible sur www.musique. fnac.com et chez tous les bons disquaires !

The golden age of knowhere, par Funeral Party (Columbia/Sony). www.myspace.com/funeralparty

théâtre /

Lettre d’une inconnue

« Lettre d’une inconnue », du 15/04/2011 au 30/06/2011. THEATRE MATHURINS, 36, rue des Mathurins - 75008 PARIS

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Comment aimer jusqu’à la folie un fantasme ? Stefan Zweig nous livre le portrait d’une femme plongée dans un amour obsessionnel pour un romancier de renom, qui fait de l’attente le sens ultime de sa vie. Ses paroles fébriles dévoilent les ravages de la passion qu’elle a porté pendant toute sa vie au destinataire de cette lettre … Une sublime descente aux enfers.


Rencontre Par Mélina Foucqueteau

Michel

de Launoit Co-fondateur de AKA Music

Akamusic permet aux internautes fans de certains artistes de les retrouver sur des albums produits et distribués ; événement qui se fait rare de la part des majors, qui ne satisfont pas toujours la recherche musicale.


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MICHEL DE LAUNOIT : Je travaille dans la production artistique depuis toujours, que ce soit dans le milieu musical, théâtral, audio-visuel ou cinématographique. J’ai donc connu toutes les galères que connaissent les producteurs de musique pour financer un album, le promouvoir, … Il est donc apparu comme une évidence que les modèles de sites participatifs étaient l’avenir. Fort de mon expérience musicale, j’ai contacté 2 amis qui travaillaient dans internet et les sites web et nous sommes partis pour cette belle aventure !

WLM : En quoi consiste votre métier au sein de cette entreprise à l’envergure internationale ? MDL : Nous sommes 4 co-fondateurs d’Akamusic et mon rôle est de gérer les équipes une fois que l’artiste a atteint ses 100% sur Akamusic jusqu’à sa sortie commerciale.

WLM : A quand remonte la création de ce site communautaire ? MDL : Le site Akamusic est né le 8 mars 2008. Aujourd’hui après plus de 3 ans d’existence, nous comptons plus de 85 000 producteurs, 15 000 artistes inscrits et 88 productions qui ont atteint leur objectif de 100%

WLM : Quelles ont été les circonstances de création ? Dans quel contexte cette idée est-elle venue ?

MDL : Les objectifs étaient de constituer une plateforme communautaire qui permette aux artistes de rencontrer leur public tout en ayant un système leur permettant de produire leur album.

WLM : Depuis, ce site a pris un réel essor. Quels sont d’après vous les gages de réussite d’une telle aventure ? MDL : D’avoir de bons artistes qui soient découverts par le plus large public via un système moderne. Ce modèle impliquant aussi bien l’artiste que ses producteurs/fans, cette implication des producteurs/ fans est la vraie évolution que propose ce modèle.

WLM : Pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement d’une telle entreprise ? Y a-t-il une sélection préalable des artistes ? Comment s’organise la distribution des bénéfices ? MDL : Akamusic est un site communautaire qui ne fait pas de sélection à l’entrée. Le principe est simple : en créant sa page personnelle sur akamusic.com, l’artiste a la possibilité de déposer un ou plusieurs de ses titres, ses vidéos, sa bio… sur le site afin de se faire connaître. De leur côté, les internautes achètent en ligne des parts de 5€ et deviennent producteurs du ou des artistes de leur choix. Une fois l’objectif atteint (soit 35 000€ pour un EP ou 80 000€ pour un album), Akamusic accompagne l’artiste dans la production et la promotion de son album/ EP. L’internaute-producteur touche 40% des recettes, 40% reviennent à l’artiste et les 20% restants vont à Akamusic. Akamusic offre la possibilité aux artistes d’entrer en contact avec des producteurs et réaliser leur rêve : enregistrer en studio et sortir un disque ! En devenant producteurs sur Akamusic.com, les fans de musique peuvent enfin devenir acteurs dans le choix des artistes qu’ils écouteront demain. Le compte promoteur est réservé aux médias (radio, web radio, télé, presse écrite, blog/site, salle de concert) qui, en apposant leur logo sur la page de l’artiste, s’engagent à en faire la promotion lors de la sortie du single /album.

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MDL : Un artiste que nous produisions dans le cadre du spectacle Improsession s’était inscrit sur un site participatif en Allemagne, à ma connaissance le premier du genre. Un jour, il nous a envoyé un mail nous invitant à le produire ; 5 minutes après, nous avions investi 50€ sur son projet. Cette démarche si simple, si conviviale et tellement moderne nous a littéralement séduits et nous avons répliqué le modèle pour la France et la Belgique dans les 3 mois qui ont suivi, tellement convaincus par ce nouveau système de production.

WLM : Quelles étaient les objectifs de départ ?

R e n c o n t re

WE LIKE MUSIC : Marie-Claude Castendet, votre attachée de presse, nous a permis de vous interviewer. Merci de votre accueil... Pour vous présenter à nos lecteurs, vous êtes cofondateur d’Akamusic, un site communautaire qui offre la possibilité aux artistes de faire produire leur album ou leur EP par les internautes producteurs. Pouvez-vous nous parler de votre parcours pour en arriver là ?


WLM : Quels sont les styles musicaux les plus promus ? D’après vous, y a-t-il une tendance particulière à suivre pour avoir la chance de sortir un album ?

WLM : Quelles sont les perspectives d’avenir pour Akamusic ? Comment voyez-vous l’évolution d’Akamusic dans ce vaste milieu qu’est la production artistique ?

MDL : Pour le moment la variété française et la pop anglaise sont les styles les plus promus. Cela tient à ce que le site à été créé au départ pour le marché francophone. Mais depuis l’ouverture du site en anglais et néerlandais, le rock anglais commence également à trouver du répondant chez les internautes producteurs. Pour sortir son album sur Akamusic, il faut, en plus d’un son qui plaise, faire un maximum de buzz sur les réseaux sociaux parallèles pour inviter votre public à vous rencontrer et devenir votre producteur.

MDL : Avoir des artistes déjà produits qui continuent à faire confiance au système et produisent leur deuxième album avec nous pour que l’investissement temps/argent de tous les acteurs du système continue à croître et que l’aventure entre producteurs et artiste se développe autour de sa carrière sur plusieurs albums. En parallèle, développer un peu plus la communauté tous les jours pour augmenter l’effet levier que représente ce type de modèle. Par exemple, si chacun des 85 000 producteurs invitait une personne à le rejoindre dans cette aventure, nous serions 170 000 et ainsi de suite…


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R e n c o n t re

WLM : Nous parlons sur notre site (www. samplermusic.fr) et dans ce magazine de vos productions (Kandy, mais aussi prochainement Alys, Nicolas Fraissinet, Reiz). Comment verriezvous un partenariat avec sampler music ? MDL : Nous pourrions lors des sorties des albums vous offrir des CD pour monter un concours autour de l’artiste via votre site.

MDL : Nous sommes deuxièmes sur le marché des labels participatifs et sur l’ensemble des labels musicaux indépendants. Nous sommes, en termes de production, premiers avec plus de 88 productions en à peine 3 ans d’existence.

MDL : Merci à tous.

QUOI DE NEUF CHEZ AKAMUSIC… Contact Marie-Claude Castendet mc.castendet@orange.fr - 01 42 70 34 78

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WLM: Quelle est la place de Akamusic au sein des nombreux labels musicaux aujourd’hui ?

WLM : Merci Michel de Launoit de nous avoir fait découvrir Akamusic.


Influences

GOSPELS ET NEGRO SPIRITUALS

Cécile Boudjenah

Charlotte FORTEN, institutrice noire née libre, utilisera pour la première fois le terme « blues ». Elle séjourna en Caroline du Sud de 1862 à 1865 où elle enseigna la lecture aux esclaves. Ayant rencontré beaucoup de difficultés, elle écrira dans son journal quotidien : «Je suis rentrée de l’Eglise avec le blues». Elle notera également les propos d’un Noir qui parlait de la chanson Poor Rosy : « J’aime Poor Rosy mais pour bien la chanter, il faut avoir le cœur gros et l’esprit inquiet ». Tout cela définit l’humeur nécessaire au blues : dépression, cafard.


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Esclava g e , gos p e ls et n e gro s piritua ls

L’ESCLAVAGE en particulier dans les plantations de tabac puis de coton, qui s’impose au XIXe siècle comme la principale culture d’exportation du pays. Au total, les Treize colonies puis les États-Unis importent environ 600 000 Africains, soit 5 % du total des esclaves déportés vers les Amériques, jusqu’à l’interdiction de la traite atlantique en 1808. Avant la guerre de Sécession, le recensement américain de 1860 dénombre quatre millions d’esclaves dans le pays. La marge d’autonomie que ces derniers sont parvenus à se ménager à l’intérieur du système d’exploitation dont ils ont été victimes a donné naissance à une culture originale qui emprunte à la fois à leur culture africaine d’origine et à celle de leurs maîtres.

Blues, Caribéen, Cubain, beaucoup de styles musicaux auront pour origine l’arrivée en esclavage, aux Etats-Unis, des Africains de l’Ouest. En 1619, débarquement à Jamestown du premier Africain. En 1865, fin avec l’adoption du XIIIe amendement de la Constitution américaine. Un esclavage à fondement racial s’institutionnalise progressivement, à un rythme variable selon les colonies, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, sous l’effet de décisions de justice et d’évolutions législatives. Progressivement aboli dans les États du Nord dans les années qui suivent la Révolution américaine, l’esclavage occupe une position centrale dans l’organisation sociale et économique du Sud des États-Unis. Les esclaves sont utilisés comme domestiques et dans le secteur agricole,

Dans les années 1820, un mouvement antiesclavagiste, minoritaire mais extrêmement actif, s’organise dans le Nord. Avec lui, un réseau d’aide pour les esclaves fugitifs, le chemin de fer clandestin. L’esclavage devient l’un des enjeux principaux du débat politique du pays. Le compromis de 1850, le Fugitive Slave Act, l’arrêt Scott v. Sandford de la Cour suprême ou les événements du Bleeding Kansas sont autant d’étapes de la polarisation croissante autour de cette question, à l’origine du déclenchement de la guerre de Sécession en 1860. À l’issue de ce conflit, le XIIIe amendement de la Constitution fédérale met fin à l’esclavage en étendant à l’ensemble du territoire américain les effets de la proclamation d’Émancipation du 1er janvier 1863, sans toutefois régler la question de l’intégration des Afro-Américains à la communauté nationale. La Reconstruction qui succède à la guerre voit ainsi se constituer un système légal de ségrégation raciale dans le Sud du pays. En 1619, après avoir mené une bataille contre un navire espagnol et essuyé une tempête durant le même été, un navire néerlandais, le « White Lion », est contraint à appareiller à Jamestown (Virginie), avec à son bord vingt esclaves noirs dérobés aux marins ibériques. La colonie de Virginie est alors


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Pour faire face à leurs besoins en main d’œuvre, les premières colonies américaines ont recours à un système qui s’apparente à l’engagisme, en particulier pour les tâches domestiques. De nombreux Européens - principalement des Anglais, des Irlandais et des Allemands - pauvres, arrivent dans les treize colonies britanniques initiales avec un statut de « travailleurs sous contrat » (indentured servants*), forme de servitude temporaire par lequel une personne s’engage à travailler pour une durée limitée de cinq ou sept ans sur les terres d’un colon en échange de son voyage et de l’obtention d’un lopin de terre et des instruments aratoires

nécessaires à son entretien. C’est ce système que les colons adoptent pour les vingt premiers esclaves débarqués par les marins néerlandais. Conformément à ce statut, ceux-ci sont libérés après une période établie et se voient accorder la jouissance de quelques terres par leurs anciens maîtres. Au moins un de ces esclaves, le dénommé Anthony Johnson, est véritablement devenu un propriétaire terrien lui-même détenteur d’esclaves.

Influences

au début de la période connue sous le nom de « Grande migration » durant laquelle sa population passe de 450 à 4 000 résidents. Son taux de mortalité reste toutefois extrêmement élevé, principalement à cause des maladies infectieuses, de la malnutrition et des combats fréquents avec les Nord-Amérindiens. Le manque de main d’œuvre est persistant. Le navire néerlandais présentant de sérieuses avaries, un accord est conclu pour faire des esclaves la contrepartie de la nourriture et des réparations.

Au-delà de cet épisode inaugural, le statut des premiers Africains importés sur le continent américain au XVIIe siècle fait encore aujourd’hui débat. Deux thèses : la thèse d’une progressivité de l’esclavage et la thèse raciale s’opposent à ce sujet. La thèse de la progressivité insiste sur une évolution du statut des Noirs. Oscar Handlin met en avant que, contrairement aux empires ibériques, les Britanniques n’avaient pas pratiqué l’esclavage avant l’installation de leurs premières colonies américaines au XVIIe siècle. Aux premiers Noirs, on aurait, à l’image de la vingtaine d’Africains débarqués du « White Lion », attribué un statut d’indentured servant, identique à celui des immigrés européens pauvres. Le racisme à l’égard des Noirs n’aurait été dans cette perspective qu’une des conséquences de l’infériorité durable de leur statut.

*L’indenture - mot anglais désignant we l i ke m u s i c # 0 0 5 - m a i 2011

un contrat synallagmatique ou convention par laquelle les parties s’obligent réciproquement l’une envers l’autre (dit encore « bilatéral »), document écrit deux fois puis découpé de manière non rectiligne souvent avec des ondulations ou en « dents » -, si bien que seules les deux parties en ayant reçu un exemplaire peuvent prouver cet engagement en faisant correspondre les deux morceaux.


Esclava g e , gos p e ls et n e gro s piritua ls DaguerrĂŠotype de John Brown, abolitionniste, 1856


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Influences

Le Commerce triangulaire, aussi appelé Traite atlantique ou Traite occidentale, désigne les échanges entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, mis en place pour assurer la distribution d’esclaves noirs aux colonies du Nouveau Monde (continent américain), pour approvisionner l’Europe en produits de ces colonies et pour fournir à l’Afrique des produits européens et américains. L’expression commerce triangulaire ne doit pas se réduire uniquement à un passage en trois temps sur trois continents : navires occidentaux se rendant sur les côtes africaines pour échanger des esclaves contre des marchandises, puis transfert des esclaves en Amérique et échange, contre une lettre de change, du sucre, du café, du cacao, de l’indigo et du tabac ; enfin acheminement des produits américains vers les ports européens.

Cartes du Commerce triangulaire La thèse raciale estime au contraire que les Noirs africains auraient d’emblée été considérés, à cause de la couleur de leur peau et de préjugés raciaux antérieurs, comme des êtres inférieurs, corvéables à merci. L’esclavage américain n’aurait été que l’importation à l’identique d’un système déjà répandu dans les colonies ibériques d’Amérique du Sud et des Caraïbes.

Les flèches sur la carte représentant le « commerce triangulaire » conduisent également à ne considérer l’Afrique et l’Amérique qu’au travers d’escales, plus ou moins secondaires dans l’organisation et la logique du trafic. On mésestime ainsi lourdement l’importance du continent noir, où les captifs étaient « produits », transportés, parqués et estimés par des négriers noirs. De leur côté, les Amériques ne constituaient pas seulement des lieux par lesquels transitaient les captifs, puisque c’est la logique du système esclavagiste qui entraînait la traite. On sait aujourd’hui que Rio de Janeiro et non Liverpool, fut le premier port négrier de la planète. Outre les traites orientales et internes à l’Afrique, on oublie enfin les trafics océaniques ne s’inscrivant nullement dans un triangle. Celui reliant le Brésil à l’Afrique, notamment à l’Angola, fut essentiel car il fit transiter la plus grande partie des captifs de la traite atlantique. Celui mettant en contact l’Afrique orientale et les Mascareignes ne fut pas négligeable, de même que celui reliant l’Afrique aux Caraïbes.

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Il est certain que l’institutionnalisation de l’esclavage ne peut être établie que de manière approximative. Dans la colonie de Virginie, la condamnation en 1640 de John Punch, un indentured servant noir, à la servitude à vie après une tentative d’évasion est la première trace connue d’une différenciation de la jurisprudence sur la base de la couleur de la peau. En 1654, une cour du comté de Northampton se prononce contre John Casor, le déclarant propriété à vie de son maître. Les colons s’engouffrèrent dans un vide juridique : puisque les déportés africains n’étaient pas citoyens britanniques par leur naissance, ils n’étaient pas nécessairement couverts par la loi commune britannique (Common law).

En réalité, le déroulement du commerce triangulaire était beaucoup plus vaste et il existait plusieurs routes : l’Europe s’activait en amont de la traite, afin de réunir les capitaux, les marchandises, les hommes et les navires nécessaires, et trouver des alibis pour justifier ce trafic, tandis qu’en aval, elle s’occupait de la transformation des denrées coloniales.


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Afro-Américains Malcolm X Les Afro-Américains ou Noirs américains

peau noire par une origine, comme le sont

sont les Américains ayant des ancêtres

les citoyens qui ont une origine italienne ou

Noirs d’Afrique. La grande majorité des Afro-

irlandaise, et non plus uniquement par leur

Américains sont descendants des esclaves

couleur. Cette catégorie est retenue par le

déportés entre le début du XVIIe et le début

bureau du recensement pour élaborer les

du XIX siècle.

formulaires officiels destinés à préparer des

e

statistiques ou à accompagner des politiques Popularisée par Malcolm X dans les années

de discrimination positive.

1960, l’expression African American est devenue d’un usage commun aux États-

En 2008, Barack Obama est le premier afro-

Unis à la fin des années 1980. Son but était

américain élu à la présidence des États-Unis

de définir les Américains de couleur de

d’Amérique.


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Époque coloniale Dès le début du XVIIe siècle dans les colonies anglaises, on peut observer des métissages avec les Blancs. Pendant la guerre d’indépendance américaine, des soldats africains - qu’ils soient esclaves ou libres - participeront au conflit dans les deux camps, loyalistes et insurgés. On estime que 5 000 Africains ont combattu aux côtés des Américains et plusieurs d’entre eux furent affranchis. En 1779, environ 10 000 Noirs rejoindront les rangs de l’armée britannique. La Révolution américaine plaça au cœur des débats politiques la place et le statut des Africains dans la société. Les Noirs obtiendront une émancipation relative dans les états du centre (Philadelphie) et en Nouvelle-Angleterre. L’esclavage sera aboli en 1777 dans le Vermont, en 1780 en Pennsylvanie, en 1783 dans le Massachusetts.

Le Congrès continental discuta intensément de l’esclavage. Thomas Jefferson, dans la Déclaration d’indépendance américaine, préféra ignorer le sujet, afin de ne pas mécontenter les régions du Sud qui vivaient de l’économie de plantation. Si la Constitution américaine fondait les bases démocratiques de la nouvelle République, elle excluait les Noirs du droit de vote, de même que les femmes, les Amérindiens et les pauvres. L’abolition de l’esclavage Dès 1770, les sociétés Quakers de NouvelleAngleterre s’interdisent toutes pratiques esclavagistes. Seuls quelques États du Nord s’engagent rapidement dans la voie de l’abolition de l’esclavage : le Vermont l’interdit dès 1777. En 1807, la traite des Noirs est officiellement abolie aux États-Unis. Dans les années 1820, la Female Anti-slavery Society dénonce l’esclavage. En 1865 est promulgué le XIIIe amendement interdisant l’esclavage, après la guerre de Sécession


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Influences

La ségrégation Après 1865, un grand nombre d’anciens esclaves se retrouveront sans travail et de nombreux planteurs feront faillite. Commence alors un exode massif des Afro-américains vers les villes industrielles du Nord du pays. La Guerre de Sécession laissera des rancœurs dans les États du Sud. Après la fin de l’occupation militaire, est mise en place la ségrégation par peur du métissage et par la psychose du viol des femmes blanches par les hommes africains. Les lois Jim Crow instaureront le développement séparé mais égal, c’est-à-dire une ségrégation dans les lieux publics. Les Noirs seront également victimes de violences, de lynchages et de la haine du Ku Klux Klan. La Grande migration (1916-1930)

La Grande migration s’accompagnera d’un important transfert culturel : des formes musicales spécifiques au Sud du pays - comme le boogiewoogie ou le blues - se répanderont dans le Nord. Le centre de gravité de la musique jazz se déplacera de La Nouvelle-Orléans à Chicago et New York. Le quartier de Harlem à New York deviendra le berceau d’un mouvement culturel, connu sous le nom de Renaissance de Harlem, dont la renommée dépassera les frontières du pays. Les écrivains Zora Neale Hurston, Langston Hughes, Claude McKay, Richard Wright et les artistes Lois Mailou Jones, William H. Johnson, Romare Bearden et Jacob Lawrence en seront les principaux représentants.

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Durant la première moitié du vingtième siècle, plusieurs millions d’Afro-Américains quittent le Sud des États-Unis pour rejoindre le Nord, le Middle West et l’Ouest du pays dans un mouvement connu sous le nom de Grande migration (19161930). Ils espèrent échapper à la ségrégation et aux violences dont ils sont toujours victimes dans le Sud, accéder au droit de vote ainsi qu’à de meilleures conditions de vie. Le dynamisme

industriel du Nord, les besoins en main d’œuvre consécutifs à l’intensification de la production militaire durant la Première Guerre mondiale offrent les conditions de cette vague migratoire. De 1910 à 1930, la population noire des seules villes de Chicago, New York et Philadelphie passe de 226 000 à 902 000 individus. La concentration des Noirs dans les grandes villes du Nord conduit à la formation de quartiers à forte majorité afroaméricaine comme le South Side de Chicago ou Harlem à New York.


Esclava g e , gos p e ls et n e gro s piritua ls

Les droits civiques et la marche vers l’égalité Dr. Martin Luther King Au niveau politique, les premiers membres noirs du Congrès des États-Unis sont élus sous l’étiquette Républicaine en novembre 1868, soit trois ans après l’abolition de l’esclavage. Il faudra attendre 1934 pour que le parti démocrate présente ses premiers candidats noirs. Pendant la Grande Dépression des années 1930, les Afro-américains sont particulièrement touchés par le chômage et la pauvreté. Si le New Deal lancé par le président Franklin Delano Roosevelt ne prévoyait aucune disposition particulière à leur égard, les Noirs américains profitèrent des différents programmes et des aides fédérales : ils bénéficièrent par exemple d’un tiers des aides au logement. C’est à partir de cette époque qu’ils changeront leur appartenance politique, se tournant davantage vers le parti de Roosevelt, le parti démocrate. La situation des Afro-Américains s’améliorera lentement : leur intégration sociale progressera grâce à l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale (700 000 Noirs dans l’Armée en 1944). Le conflit contre les force de l’Axe aura plutôt tendance à souder la nation, même si des émeutes raciales éclatent en 1943. Roosevelt prendra des

mesures pour limiter les discriminations dans l’administration fédérale (Executive Order 8802). En 1942, le Congress of Racial Equality est fondé pour lutter contre la discrimination dans les bâtiments publics du Nord du pays. La Grande migration commencée dans l’Entre-deux Guerres se poursuivra : plusieurs milliers de Noirs quittent le Sud pour travailler dans les métropoles californiennes. Les premières mesures contre la ségrégation seront prises dans les États du Sud après la Seconde Guerre mondiale compte-tenu de l’effort de guerre soutenu par les Afro-américains dans l’armée du pays. En 1949, l’armée entrera dans une phase de déségrégation totale. Grâce aux efforts de l’avocat afro-américain Thurgood Marshall et du NAACP, la ségrégation scolaire sera déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis en 1954 (arrêt Brown v. Board of Education). Les autres lois Jim Crow seront été abolies par le Civil Rights Act de 1964 et le Voting Rights Act. Les années 1960 seront marquées par la figure de Martin Luther King (1929-1968) qui organisera et dirigera des marches pour le droit de vote,


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La discrimination positive (affirmative action) Le premier à utiliser l’expression Affirmative action est le président américain John Fitzgerald Kennedy ;

elle fut ensuite reprise par son successeur à la Maison Blanche, Lyndon Johnson. Leur idée était que, malgré les lois en faveur de l’égalité, les Noirs resteraient en retard par rapport au reste de la population américaine. Le but était de faire en sorte que les Noirs soient davantage représentés dans les emplois qualifiés, les universités, les médias, etc. Dès les années 1960, des emplois préférentiels sont mis en place. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une politique de quotas : en 2003, la Cour Suprême a condamné le principe des quotas comme étant contraire à l’égalité devant la loi et à la libre concurrence. Les résultats sont jugés convaincants aux États-Unis : en 1960, 13 % des Afro-Américains appartenaient aux classes moyennes, ils sont 66 % en 2000. Le nombre de Noirs appartenant à la classe moyenne a été multiplié par quatre et le nombre de Noirs pauvres a diminué de moitié. Les disparités ethniques sont d’ailleurs beaucoup plus fortes en Amérique latine qui a pourtant une réputation de métissage.

Influences

l’emploi des minorités, et d’autres droits civiques élémentaires pour les Afro-américains. Il sera surtout connu pour son discours « I Have a Dream » (J’ai un rêve), prononcé le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial à Washington durant la marche pour l’emploi et la liberté. Il rencontrera John F. Kennedy qui lui apportera un grand soutien pour la lutte contre la discrimination raciale. La déségrégation prendra une tournure violente avec de nombreux assassinats, des émeutes dans certaines villes et dans les ghettos : entre 1965 et 1968, les violences font 250 morts et 8 000 blessés dans tout le pays. En 1968, un rapport de la commission Kerner s’intéressera aux causes de ces violences et représentera le point de départ de la politique de discrimination positive.

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Représentation politique Les Noirs sont de plus en plus nombreux en politique. Ainsi, en 1972, Shirley Chisholm est la première Afro-Américaine élue au Congrès (novembre 1968). En 1972, elle se présente à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle mais elle est battue par George McGovern. En 2009, Barack Obama devient le premier président noir des États-Unis après avoir été le cinquième Noir élu au Sénat. Représentation sociale Néanmoins, au début du XXIe siècle, les Noirs et les Amérindiens occupent encore le bas de l’échelle sociale. Il reste de nombreux ghettos où 50 % des enfants grandissent sans père. Souvent encore, les Afro-américains restent incompris, méprisés ou isolés. Les discriminations judiciaires sont nombreuses (13 % de la population et 44 % de la population en prison) et les mariages mixtes rares. Démographie Le recensement n’est pas obligatoire aux ÉtatsUnis. La mention de la « race » est facultative sur les formulaires : chacun est libre de cocher ou non les cases concernant l’appartenance ethnique ou linguistique (par exemple pour le groupe hispanique). D’ailleurs, la « race » n’est indiquée sur aucun document d’identité (permis de conduire, carte de sécurité sociale ou passeport). Il est également possible de choisir plusieurs origines ethniques pour représenter son métissage depuis le recensement 2000. Ceux dont les ancêtres ont été amenés en qualité d’esclaves d’Afrique aux Caraïbes ou en Amérique latine, mais qui sont venus aux États-Unis en personnes libres, se classent eux-mêmes dans la catégorie Afro-américains ou dans une autre catégorie qui peut être Latino-américain, Haïtianoaméricain ou Caraïbéen-américain. Selon l’estimation officielle de 2005, environ 39,9 millions d’Afro-Américains vivent aux États-Unis soit 12,9 % de la population totale. 54,8 % résident dans les États du Sud, 17,6 % dans le Nord-est, 18,7 % dans le Middle West et seulement 8,9 % dans les États de

l’Ouest. 88 % vivent dans des aires urbaines. Avec plus de deux millions de résidents noirs, New York a la plus importante population noire urbaine des États-Unis. Parmi les villes de plus de 100 000 habitants, Gary dans l’Indiana a le plus fort pourcentage d’habitants noirs (84 %), suivi de peu par Détroit dans le Michigan (82 %). La Nouvelle-Orléans en Louisiane (67 %), Baltimore dans le Maryland (64 %), Atlanta en Géorgie (61 %) et Washington (District de Columbia) (60 %) sont aussi des centres importants de population noire. Au début du XXIe siècle les États-Unis sont le quatrième pays où il y a le plus de Noirs (en incluant les métis) après le Nigeria, le Congo démocratique et le Brésil. Source : Recensements US. L’estimation est de 12,85 % pour 2007

Culture Le terme « afro-américain » est également utilisé pour désigner la culture noire américaine, comme en musique, qui est en fait un ensemble de cultures, mélange des influences africaines, européennes et américaines, développée par cette population d’origine africaine. Le jazz est une musique afroaméricaine, tout comme d’autres musiques d’Amérique latine, notamment celles de Cuba et du Brésil, où les descendants des esclaves déportés d’Afrique ont inventé des folklores originaux, des pas de danse et des mélodies populaires. Evoquons quelques films… • Glory (1989) de Edward Zwick : l’histoire des volontaires enrôlés noir-américains du 54e régiment du Massachusetts pendant la guerre de Sécession • Cabin in the Sky (1943) par Vincente Minelli et Busby Berkeley • Carmen Jones (1954) par Otto Preminger, adaptation de l’opéra de Georges Bizet • To Kill A Mockingbird (1962), adaptation du roman écrit par Harper Lee Malcolm X (1992) par Spike Lee • Amistad (1997) par Steven Spielberg. • Missisissipi Burning (1988) • Do the Right Thing (1989) par Spike Lee • Le Droit de tuer (1996) par Joël Schumacher • Ghosts of Mississippi (1996) par Rob Reiner : l’histoire vraie d’un procureur qui trouve et condamne un membre du KKK pour l’assassinat de Medgar Evers.


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Influences

Negro spirituals & Gospel songs Mahalia Jackson

Les Negro-spirituals évoquent des passages de l’ancien testament, alors que les Gospels sont le reflet de la croyance en Jésus et expriment le rapport personnel à la foi de ceux qui les chantent. Ils sont également parfois porteurs de messages camouflés à l’intention de la communauté afro-américaine du sud des Etats-Unis afin d’annoncer ou organiser une fuite vers le nord où l’esclavage est moins dur. Periode musicale durant l’esclavage

Les instruments de l’époque - XIXème siècle étaient le Banjor (banjo) d’origine africaine, le Fiddle (violon pop) d’Irlande. La guitare ne fit son apparition qu’au début du XXème siècle dans les états d’influence espagnole (Texas-Californie). Tambours et flûtes étaient interdits par le « Black Code » car ils pouvaient, tout comme en Afrique, servir de moyen de communication et inciter à la révolte.

Les planteurs - profondément chrétiens - ne pouvaient avouer l’utilisation des Noirs comme bêtes de somme. Les considérant comme primates, ils finirent par les évangéliser. Dès le début du XIXème siècle, le chant religieux devint donc le moyen - aussi le seul autorisé - d’expression de l’Africain.

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Dans les plantations du Sud, les esclaves noirs rythmaient, pour l’alléger, leur travail par des mélodies chantées par un soliste, chaque phrase étant reprise par chacun. Ceci faussera l’esprit et les dires d’un congressiste qui affirmait que les Noirs étaient heureux de vivre.

Arraché à l’Afrique, la seule chance de survivre pour un Noir était d’être un bon outil de travail, chacune de ses spécialités étant exploitée par le maître. Solistes et chœurs reprennent des chants de l’Afrique de l’Ouest où ils rythmaient les mêmes travaux. Ce sont les « Works Songs », usités aussi jusqu’en 1960 par les repris de justice noirs dans les pénitenciers du Sud.


Il pourra racheter la terre à des organismes souvent constitués d’aventuriers, de fraudeurs ou spéculateurs. La plupart des ouvriers agricoles noirs sans aucune ressource financière, deviendront métayers avec le droit de cultiver un lopin de terre en échange de droits exorbitants (80 à 90 % de leur récolte pour le propriétaire), endettement à vie, y compris envers les héritiers. L’ouvrier agricole continuera de chanter, appelant souvent le métayer des champs voisins, qui répondait en contre - chant par un son long et tendu : « les Hollies ou Ar-hollies ou encore Hollers ».

Certains planteurs martyrisant à plaisir des esclaves, se donnaient bonne conscience en ayant une attitude paternaliste. L’importation d’esclaves devint illégale en 1808 mais la contrebande exista jusqu’à la fin de la guerre civile.

• La misère industrielle Devant la forte natalité noire, une partie d’entre eux se dirigera vers des petites fabriques : raffineries, aciéries implantées dans les villes du Sud, ou comme forestiers, cantonniers (routes, voies ferrées, barrages) voire bateliers ou en usine textile. De la guerre de sécession à la première guerre mondiale, il y eut un courant de migration des Noirs vers le Nord, dont le plus important débuta après 1918. Il y eut donc deux grands groupes : les citadins cherchant désespérément du travail et sombrant dans la misère (alcoolisme, souséducation, entassement des familles dans des cabanes insalubres) et les ouvriers agricoles, cantonniers ou forestiers, qui retrouveront la tradition des « Works Songs ».

Le samedi soir était souvent réservé aux chants et danses. Le mélange de danses traditionnelles africaines et européennes observées par les Noirs, donneront naissance à la « Danses des plantations ou Plantation-dance », ancêtre des danses apparues au XIXème siècle en Amérique. Les Minstrels show - sorte de mime blanc déguisé en nègre afin de faire rire - feront leur apparition. Jump Jim Crow-T. Rice en 1828 en restera le modèle favori. Le terme Jim Crow subsistera d’ailleurs dans le langage sudiste pour désigner un blanc raciste, ségrégationniste. Transformation socio-economique du sud Fin de la guerre civile, occupation par les Nordistes, disparition et morcellement en petites fermes des grandes plantations. Les anciens esclaves deviennent ouvriers salariés et plus rien ne s’oppose à l’accession d’un Noir à la propriété.

FELIPE

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Mélangeant chants baptistes avec leurs origines, les esclaves créèrent rapidement les « Negro spirituals » en donnant un sens particulier aux thèmes puisés dans l’Ancien Testament : tristesse et joie envers le Paradis, ils laisseront supposer qu’ils ont le désir d’une mort libératrice. Traverser le Jourdain pourrait être synonyme de liberté. On retrouvera chez eux la souffrance biblique des Hébreux fuyant l’Egypte : Go down Moïses, way down in Egypt’s land - Tell old Pharahoh, let my people go (Descends Moïse, descends en terre d’Egypte, dis au vieux Pharaon de laisser aller mon peuple).

• Musiciens de métier La misère urbaine entraînera évidement des lieux mal famés. le Honky Tonk en reste le symbole où les vendredis et samedis soirs, le travailleur vient s’étourdir dans la musique, la danse, l’alcool, le jeu et le sourire des filles (A la fin du XIXème siècle, outre le style musical dérivé de la « country » dont le Texas est à l’origine, le honk-a-tonk désignait un bal de village où se retrouvait une foule excitée par la fête).

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L’abolition de l’esclavage modifiera le statut du Noir : éducation et droit de vote deviennent possibles mais la réconciliation Nord-Sud se fera à leurs dépends, entraînant une nouvelle ségrégation dans la société sudiste. Le Negro spiritual

• Swing Low, Sweet Chariot • Sometimes I feel like a Motherless Child • Nobody knows the trouble I’ve seen • Go down, Moses Bibliographie • Fleuve profond, sombre rivière : les «Negro spirituals», commentaires et traductions de Marguerite Yourcenar, Paris, Gallimard, 1964 • Le Blues par Gérard Herzhaft PUF 1986 • Histoire du mouvement noir aux Etats-Unis par Robert L.Allen Ed. F. Maspero 1971 Gospel Le Gospel est un chant religieux chrétien prenant naissance aux États-Unis début du XXe siècle. Protestant d’origine, il prendra la suite des Negro spirituals et se développera en même temps que le blues primitif. Les artistes modernes de Gospel y intégreront aussi des éléments de musique soul. Le Gospel se développera d’abord chez les afro-américains et les blancs du sud, avant de conquérir le reste de l’Amérique et du monde. Les instruments de prédilection seront les piano, guitare, orgue Hammond, tambour, guitare basse. Le mot Gospel signifie « évangile » : littéralement god spell, (« Incantation de Dieu »). Les Gospel Hymns sont une première étape vers les Gospel Songs de 1930 : hymnes traditionnels et mélodies en vogue. C’est un courant, une mutation des chants rituels protestants blancs. Depuis 1870, les instruments sont de plus en plus présents aux offices : orgue, harmonium, instruments à cordes, claquements des mains et mouvements du corps. Le début du XXe siècle voit surgir une véritable effervescence artistique pour les Noirs. Les Gospel Hymns deviennent Gospel Songs dont aux bases simples et sophistiquées. On ne peut pas encore véritablement parler de Gospel. Incontestablement une révolte musicale contre une Amérique raciste, le Gospel une expression de la souffrance des Noirs récemment émancipés mais encore sous l’autorité blanche, particulièrement dans les États du Sud, d’où une très forte migration vers les grandes villes du Nord (Chicago, Détroit,

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Musique vocale et sacrée née chez les esclaves noirs des États-Unis au XVIIe siècle, il sera à l’origine du mouvement Gospel. Le mot désignera également une œuvre, un chant, appartenant à ce courant musical. L’histoire du Negro spiritual débute avec la déportation Marian Anderson de douze à quinze millions d’Africains par le Vieux Continent (Portugal, Espagne, Hollande, Grande-Bretagne, France, Italie, Suède et Danemark) pour le commerce. Composées d’hommes et de femmes, ces ethnies déportées sont originaires d’Afrique Occidentale. La plupart sont déjà des indésirables au sein de leurs ethnies respectives, des prisonniers, des Africains, mais aussi des marchands arabes. Un véritable négoce s’établit... Les premiers Negro spirituals sont une libre interprétation des Ecritures Saintes...

Quelques Negro spirituals célèbres

Influences

Une nouvelle classe de Noirs fera son apparition : aveugles, handicapés, repris de justice en fuite, donc « mauvais nègres au travail ». Ils deviendront musiciens, raconteurs d’histoires, chanteurs (songsters) travaillant de façon itinérante, s’accompagnant souvent d’un instrument rythmique léger : banjo, violon puis guitare demandant en échange gîte ou Whisky. Maisons-closes et cinémas ont leurs musiciens, souvent pianistes, personnels qu’ils rétribuent honorablement. Ils adaptent souvent les chansons en vogue dans les grandes villes du Nord à la sensibilité noire, et utilisent au maximum le « Blue-Note » qu’ils obtiennent difficilement en voilant certains marteaux de leur piano avec des chiffons.


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New York). Ces populations ne s’engagent pas politiquement même si elles restent fidèles au parti républicain, à Lincoln, leur libérateur. Le Gospel fait intervenir plus d’instruments, comme déjà évoqué ci-dessus, mais fait aussi plus souvent référence à Jésus-Christ et aux apôtres, c’est-à-dire aux Évangiles, contrairement aux Negro spirituals qui évoquaient plutôt des personnages de l’Ancien Testament (« Joshua fit the Battle of Jerico » ; « Go down Moses », etc.). Le Gospel comporte des quartets vocaux et des chanteurs de renom qui restent son phénomène le plus populaire. Ils sont composés de deux ténors, un baryton et une basse. Cette polyphonie également appelée Male Quartet s’est largement inspirée des Barbershop Singers, qui se réunissaient dans l’échoppe du coiffeur. L’harmonisation simple de ces quartets a la particularité de faire intervenir une voix au-dessus de la mélodie. Ces quartets sont plus spontanés, prennent plus de risques que les chœurs universitaires qui lassent à cause du conventionnel et de leur rigueur d’où un très grand succès. L’un des plus connus, le Golden Gate Quartet (période de l’Entre-deux-guerres), se nommaient, à leurs débuts, les Golden Gate Jubilee Singers et chantaient a cappella en 1934. Entre 1937 et 1943, ils enregistreront plus de cent titres dans un registre religieux, mais aussi profane dans les cabarets. Les femmes les plus importantes seront pour la plupart en relation avec Dorsey qui a su les mettre sur le devant de la scène. Bien que le Gospel se développe dans les années 1930, ce n’est pas avant 1945 que les femmes pourront se faire connaitre dans un registre musical très machiste. Par ailleurs, il arrive parfois que des paroisses catholiques tiennent des liturgies adaptées à la saveur Gospel.

Quelques groupes et chanteurs de Gospel • Mahalia Jackson 1911-1972 • Golden Gate Quartet • Thomas A. Dorsey 1899-1993 • Sam Cooke 1931-1964 • Clara Ward 1924-1973 • Sister Rosetta Tharpe 1915-1973 • Marion Williams 1927-1994 • Albertina Walker 1929-2010 • Hank Williams 1923-1953 • Blind Boys of Alabama • Aretha Franklin (qui n’est pas seulement une chanteuse de Gospel) • Elvis Presley 1935-1977 (qui n’est pas seulement un chanteur de Gospel) • Liz McComb • Whitney Houston (qui n’est pas seulement une chanteuse de Gospel) Notes et références • Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l’Amérique ? Editions du Seuil, 2005 • Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005 • B. Cottret, La Révolution américaine..., 2003 • Bernard Vincent, La Révolution américaine 1775-1783, Nancy, P.U. de Nancy, 1985 • Jacques Binoche, Histoire des États-Unis • Loïc Wacquant, De la terre promise au ghetto. La grande migration noire américaine. 1916-1930, 1993 • Anne Deysine et alii, L’empire de l’exécutif américain, 1933-2006, Paris Atlante, 2008 • Deysine, L’empire de l’exécutif américain (1933-2006), 2008 • M. Fabre, Les Noirs Américains, P.U.F., 1967 • Wilkipédia • www.gospel-magazine.com • Fleuve profond, sombre rivière : les «Negro spirituals», commentaires et traductions de Marguerite Yourcenar, Paris, Gallimard, 1964 ; nouvelle éd. Gallimard, 1982


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Culture du son

LES ONDES MARTENOT Mélina Foucqueteau

Les Hiboux par Léo Ferré, Le plat pays et La Fanette par Jacques Brel, La femme est l’avenir de l’homme par Jean Ferrat, L’été, où est-il par Bobby Lapointe. Des titres de Joe Jackson, Marianne Faithfull, Tom Waits, Vanessa Paradis, Arthur H, Zazie, Lara Fabian, Depeche Mode, Brian Ferry, Jonny Greenwood (du groupe Radiohead), Les Ogres de Barback, Thomas Fersen ou des films tels Mad Max, Mars attacks, La leçon de tango, La marche de l’Empereur, SOS fantômes, Vampires 3 font apparaître des phrases musicales au son bizarre, spatial et extra-terrestre, il s’agit là de l’emploi des fameuse ondes Martenot... L’instrument est exposé à la Cité de la Musique à Paris.


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Maurice Martenot conçoit son instrument à partir de 1918 et le présente à l’Opéra de Paris en 1928. Arthur Honegger, Darius Milhaud, André Jolivet et Olivier Messiaen écrivent immédiatement pour les ondes Martenot, que son inventeur ne cessera d’améliorer jusqu’en 1975, septième et dernier modèle. Son répertoire comptera plus de 1500 œuvres. Sa production est stoppée en 1988 suite à de nombreuses tentatives échouées de la part des Japonais et des Américains. On assistera quinze ans plus tard à l’éclosion d’une nouvelle facture ayant pour nom Ondéa, ainsi qu’une tentative d’approche par un modèle appelé French connection, puis une reprise du modèle sous le nom d’Ondes Martenot (marque déposée). C’est la renaissance de l’instrument.

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Il s’agit de l’un des plus anciens instruments de musique électronique, avec le thérémin mis au point en Russie en 1917 par Lev Sergeïevitch Termen (dit Léon Theremine).

et le contrepoint. Autodidacte, il se passionne pour les sciences auxquelles il se forme et qu’il enseigne. En 1917, au cours de la première guerre mondiale - alors affecté dans les transmissions Maurice Martenot découvre le principe de son futur instrument en utilisant des lampes électroniques fraîchement inventées et équipant les postes. Il remarque « la pureté des vibrations produites par ces lampes à trois électrodes (triodes) dont on fait varier l’intensité à partir d’un condensateur ». Peu présent à l’esprit de la guerre, il rêvera plutôt de créer un instrument de musique pouvant exprimer la sensibilité humaine. Rentré de la guerre, il se mettra au travail pour chercher à domestiquer les ondes émises par les lampes, puis décide de présenter publiquement ses « ondes musicales » à l’Opéra, le 3 mai 1928. Les critiques firent écho à la tournée mondiale triomphale qui suivit : « Si Maurice Martenot avait vécu au Moyen-âge, il aurait été accusé de sorcellerie et brûlé vif sur la place publique » (New York Herald) ; « C’est aérien, surnaturel, inexplicable » (Information)…

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Histoire

Maurice Martenot fut aussi un pédagogue, pratiquant et perfectionnant toute sa vie une méthode mise au point par sa sœur aînée Madeleine ayant pour objet l’initiation des jeunes enfants à la musique. Il enseignera la relaxation, en écrira un livre publié en 1977 et réédité récemment.

L’instrument

L’inventeur Le Français Maurice Martenot (Paris, 1898 Clichy, 1980) s’initie très tôt à la musique. Il donne ses premiers concerts de violoncelle à l’âge de 9 ans, accompagné au piano par sa sœur Ginette qui deviendra la première soliste des ondes Martenot. Il apprit également l’harmonie

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Le thérémine : équipé de deux antennes on contrôle la hauteur de la note de la main droite, en faisant varier sa distance par rapport à l’antenne verticale, et le volume par l’antenne horizontale selon la distance de la main gauche.

La radio qui servit de modèle à Martenot n’exploitait qu’une très haute fréquence, un ultrason (80 000 Hertz) inaudible par l’oreille humaine. Pour obtenir un son audible, Maurice Martenot exploita le principe de l’hétérodyne, phénomène que le musicien appelle « battements », une espèce de «wa-wa», plus rapide si les instruments sont faux (fréquences éloignées) et plus lents si les instruments approchent la justesse (fréquences proches) finissant par disparaître quand les deux instruments sont à la même fréquence. Le principe consiste à diffuser en même temps deux notes (deux fréquences) pour en générer une troisième dont la hauteur sera issue de leur soustraction mathématique. Ainsi, pour obtenir le « la » du diapason, on peut diffuser simultanément


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deux fréquences inaudibles de 80 000 et de 80 440 Hertz. Leur différence est bien de 440 Hertz. La première fréquence émise est fixe, toujours identique et la seconde est variable, modifiée par l’ondiste lorsqu’il enfonce les touches du clavier (CL) ou déplace le ruban (R). Un joueur d’ondes Martenot s’appelle un ondiste. Monodique, monophonique à oscillateur électronique, l’instrument se caractérise par des sonorités particulières dont la plus connue proche de la sinusoïde - évoque des « voix venues d’ailleurs », assez proche de la scie musicale. Il présente bien d’autres possibilités… L’équipement comporte :

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• Un clavier suspendu dont la transposition agit sur la hauteur du son (sa fréquence) et donc le vibrato ; mobile dans le sens transversal, il se déplace de plus ou moins un demi-ton en glissant par tous les micros intervalles. Un mouvement maîtrisé de la main droite permet ainsi, tout en jouant au clavier, de réaliser un vibrato contrôlé en temps réel, comme celui qu’obtenait Martenot avec son violoncelle. Le clavier comporte six octaves visibles, extensible à neuf par l’emploi d’un interrupteur et de boutons transpositeurs. L’instrument peut ainsi produire des sonorités extraordinaires et des timbres très variés. On en joue de la main droite à l’exception de certaines œuvres dont la virtuosité nécessite l’emploi des deux mains. Le musicien a alors deux pédales au sol (filtre progressif et touche d’intensité) reliées au tiroir et qui font office de filtre progressif et de touche d’intensité. • Un ruban parallèle au clavier autorisant les glissandi, tendu devant et tout au long du clavier, sorte de fil muni d’une bague que l’on enfile à l’index de la main droite et déplacée, en fonction de la note souhaitée, face aux touches du clavier, audessus d’une réglette sur laquelle on peut sentir des creux et des bosses qui servent de repères. Le résultat sonore est proche de celui produit par les instruments à cordes sans frettes ou par la voix : effets spéciaux, intonation lyrique, glissandi. Avec le ruban, Maurice Martenot a également mis en application une des bases de sa méthode d’enseignement : l’importance du geste. Ainsi, certains compositeurs dessineront des volutes

graphiques sur leurs partitions qui, reproduites avec la main, donneront l’exacte traduction sonore. • Des diffuseurs (haut-parleurs transformés) : Principal ou D1 : haut-parleur standard de grande puissance inventé avec l’instrument. Résonance ou D2 : date de 1980. Haut-parleur monté derrière des ressorts afin d’obtenir une résonance acoustique qui permet au son de se prolonger. Elle trouve son origine dans un diffuseur nommé Palme (D 4), mis au point en 1950. Toutes deux ont le même usage mais, sur cette dernière, deux rangées de 12 cordes en métal, accordées chromatiquement et tendues de part et d’autre d’une caisse de résonance en forme de flamme, vibrent par sympathie. Gong, D3 ou métallique : inventé vers 1930. Haut-parleur dont la membrane est remplacée par un gong (sons métalliques) mis en vibration par un moteur. Le métal fait office de membrane de hautparleur et les notes jouées produisent un halo. Palme D4 : pièce de lutherie sur laquelle sont tendues (devant et derrière) des cordes métalliques accordées très précisément et reliées au moteur du haut-parleur. Les vibrations entrant en résonance par sympathie.


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• Un tiroir avec différents timbres pour filtrer et modifier le son et créer des combinaisons (ajout d’harmoniques paires et/ou impaires) L’ondiste y contrôle les paramètres de sa main gauche et peut aussi y gérer le volume sonore grâce à une touche d’expression contrôlable, extrêmement sensible. Elle permet de passer, en deux centimètres de course, d’un niveau sonore quasi inaudible à une intensité qui peut atteindre le seuil de la douleur (de l’extra-doux à l’extra-fort) et par des pressions plus ou moins fortes, sèches, permettant des articulations du molto legato au très percuté; elle agit comme le bouton de volume d’un poste de radio. Elle est un prolongement de la pensée de l’interprète qui permet de réaliser nuances, phrasés et attaques les plus variés (accents, liaisons, détachés, piqués, percutés...). Le musicien doit, selon une synchronisation très particulière, enfoncer les touches du clavier (ou jouer au ruban) et la touche d’intensité pour faire entendre un son. L’action de cette touche est, en définitive, semblable au fameux archet du violoncelle cher à Martenot. Le timbre « ondes » constitue le timbre de base de l’instrument utilisé le plus souvent.

Près de la touche d’intensité se trouvent sept interrupteurs qui commandent le choix des formes d’ondes (les sonorités) et leur mélange, permettant ainsi de nombreuses combinaisons de timbres. Sur le dernier modèle (1975), des lettres remplaceront les chiffres : O pour Ondes (sinusoïde), C pour Creux (signal triangulaire écrêté), g pour petit gambé (signal carré dont l’intensité est réglable grâce à un curseur), G pour Gambé (signal carré), N pour Nasillard (signal impulsionnel), 8 pour Octavian (renforcement du premier harmonique dont l’intensité est réglable grâce à un curseur) et T pour Tutti (mélange de tous les timbres). Deux interrupteurs permettent d’obtenir un bruit rose d’intensité variable, comparable à un souffle (S) et de filtrer (F pour feutre) les harmoniques, créant un effet de sourdine.


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Le tiroir De haut en bas et de gauche à droite

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R : jeu «Ruban» Molette de dosage des résonances D2 Molette de dosage du timbre «Souffle / Bruit Blanc» 1-2-3-4-5 : Dosage du timbre Octavian (8) D3 : Gong ou Palme D2 : Résonances à ressorts D1 : Diffuseur principal T : timbre Tutti G : Grand-Gambé 8 : Octavian N : Nasillard C : Complexe O : Ondes g : Petit-Gambé 1-2-3-4-5 : Dosage du timbre Petit-Gambé (g) LA TOUCHE D’EXPRESSION (Invisible sur la photo)

S : timbre «Souffle / Bruit Blanc» Aiguilles (3) : Uniquement sur de très vieilles ondes, transposition aléatoire du son Transpositions : Sur les ondes récentes, permet une transposition rapide de la note jouée (Quart-de-ton inférieur, Quart-de-ton supérieur, Demi-ton, Ton, Tierce Majeure, Quinte juste) Six autres boutons transpositeurs permettent une action instantanée, individuelle et cumulable sur chaque note : quart de ton inférieur et supérieur, demi-ton, ton, tierce et quinte supérieurs. Quatre interrupteurs, situés au dessus du clavier, permettent de sélectionner un ou plusieurs diffuseurs (D1 à D4). On peut régler le mixage entre eux au moyen d’une molette. Le résultat sonore est proche de celui obtenu par les instruments à cordes sans frettes ou par la voix : glissando ininterrompu ou esquissé sur toute la tessiture, effets spéciaux, intonation lyrique, micros intervalles, vibrato... (violoncelle)


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du son

C u l t u re

Sept modèles apportèrent des améliorations successives L’instrument de 1919 - sorte de theremin peu viable selon lui, ne fut pas comptabilisé par Maurice Martenot.

En 1947, une classe d’enseignement fut créée au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, suivie d’une dizaine d’autres en France dont Lyon, contribuant ainsi à la reconnaissance officielle de l’instrument.. Le sixième modèle (1955) est plus petit et léger grâce aux progrès de l’électronique. Le septième et dernier modèle (1975) adopte les transistors à la place des lampes. Ce sont ainsi près de 370 ondes Martenot qui virent le jour dans l’atelier de la rue Saint Pierre, à Neuillysur-Seine (France).

Le premier modèle officiel sera celui de1928. Il n’est alors pourvu que d’un ruban que le musicien tire ou relâche de sa main droite pour glisser d’une note à l’autre. Il joue debout, à distance, et contrôle de sa main gauche l’intensité grâce à la touche située dans le tiroir alors posé sur une table.

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Le deuxième modèle (1929) est plus compact et Martenot dessine un clavier fictif sur lequel se déplace un curseur qui identifie les notes jouées au ruban. Sur le troisième modèle (1930), l’interprète peut jouer assis ou debout, le ruban étant placé au-dessus d’un clavier toujours aussi fictif, sculpté dans le bois et servant de repère visuel. Le quatrième modèle n’a plus de ruban mais est doté d’un clavier réel et mobile. Le cinquième (1937) réunit enfin le clavier réel et le ruban. Cette même année, Olivier Messiaen composa sa « Fête des Belles Eaux pour six ondes Martenot », jouée sur un bateau en mouvement lors de l’Exposition Universelle de Paris.

La production de l’instrument s’arrête définitivement en 1988, à la retraite de Marcel Manière, assistant depuis 1951. Jean-Louis Martenot, l’un des fils, entreprend la réalisation d’un instrument numérisé sans suite. En 1995, l’ingénieur Ambro Oliva commence à élaborer l’Ondéa, instrument proche des ondes, dont le prototype fut présenté en 2003 au Salon de la Musique de Francfort (Allemagne). Bien qu’électrique et inventé au XXème siècle, les Ondes Martenot sont considérées comme instrument de musique classique car il exige la présence d’un interprète humain donnant vie aux sons engendrés avec expressions, nuances, sensibilité…

Pour résumer, il se joue de deux façons ! Au clavier, comparable au piano, si ce n’est les touches plus petites et son attache suspendue permettant un vibrato par l’interprète. Au jeu à la bague (ruban), parallèle au clavier et créant par les mini-glissandi un effet très proche du legato vocal. Le jeu est complété par :une touche d’expression qui gère le volume sonore par la main gauche ; pression plus ou moins forte, plus ou moins sèche, pour obtenir toutes les variations de nuances et d’articulations.; un tiroir avec différents timbres pour filtrer et modifier le son, et créer des combinaisons.


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Répertoire

Bibliographie

Plus de 1500 œuvres dans des domaines très variés : musique contemporaine, chanson, musique de film, théâtre, danse, rock, génériques radio, télévision, publicité... Parmi les compositeurs les plus connus: D. Levidis (1928) P. Boulez (lui-même ondiste), E. Bernstein, S. Bussotti, J. Canteloube, J. Chailley, J. Charpentier, M. Constant, H. Dutilleux, N.T. Dao, A. Honegger, O. Messiaen, D. Milhaud, T. Murail, N. Obouhow, B. Parmegiani, F. Rauber (chansons de Jacques Brel), M. Ravel (qui autorisa plusieurs arrangements de ses oeuvres: Ma Mère l’Oye, Quatuor à cordes, Sonatine pour piano), H. Sauguet, G. Scelsi, Y. Taira, H. Tomasi, E. Varèse, P. Vellones...

• WIKIPEDIA - Ondes Martenot • Maurice Martenot • Ondes musicales Martenot, par Jean Laurendeau • Cercle Inter Ondes Musicales • Union des Enseignements Martenot • Thomas BLOCH


Technique

COMPRESSEUR ET EXPANSEUR par Didier-Patrick

L’intensité Produit par la vibration mécanique d’un support fluide ou solide le son est propagé grâce à l’élasticité du milieu sous forme d’ondes longitudinales. Le son désigne la sensation auditive à laquelle cette vibration est susceptible de donner naissance et l’étude des sons s’appelle l’acoustique. La psychoacoustique combine acoustique, physiologie et psychologie pour déterminer la manière dont les sons sont perçus et interprétés par le cerveau. Les intensités sonores ne s’ajoutent pas et ne se multiplient pas mais se combinent suivant une autre loi, celle des logarithmes décimaux. Pour tous les sens humains, la sensation est proportionnelle au logarithme de l’excitation, c’est la loi de Fechner que nous avions vue. Pour avoir la sensation que le volume sonore ait doublé, il faut en réalité multiplier la puissance de la source par 10.

Cette sensation est subjective, elle permettra de définir une unité de mesure tenant compte des différences, cette unité de comparaison est appelée Bel ( = 10 déciBels). Log 10 P/ P = Log 10 = 1 Bel = 10 dB (rappel : Log 10 de 10 = 1) et X dB= 10 Log P1 /P2 (P1 et P2 = pressions acoustiques). Le tableau suivant démontre comment double la sensation de volume sonore chaque fois que l’on multiplie la puissance de la source sonore par 10.

Sensation de volume sonore

1

2

4

8

16

Variation en Bel

0

1

2

3

4


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Technique

Quand deux personnes parlent en même temps à la même puissance (à pression acoustique égale), l’intensité en dB ne doublera pas. Il y aura cependant une augmentation du volume sonore global. La variation de ce volume sonore exprimée en dB se calcule de la manière suivante : Log 2P/P = Log 2= 0,3 Bel= 3 dB (Log 10 de 2 = 0,3) : le niveau sonore n’augmente que de 3 décibels. Pour passer de l’unité de comparaison à l’unité de valeur, il faut définir un point de départ comme le 0°C de la température. Pour l’intensité sonore, la référence sera la valeur de la pression P0 correspondant à la limite de perception de notre oreille pour une fréquence de 1000 Hertz.

Si nous nous reportons au diagramme de Fletcher (déjà vu), nous constatons que le seuil de la douleur pour nos oreilles se situe autour de 120 et 130 dB. Heureusement, les intensités ne s’ajoutent pas.

Cette valeur P0 est égale à 2. 10-5 Pascals. (Pa) Ce nouveau dB s’appellera le dB SPL (Sound Pressure Level, niveau de pression sonore, soit « limite nécessaire » à l’audition). Nous savons que la puissance de l’onde sonore varie avec le carré de la pression, aussi :

En concert, la valeur légale autorisée est de 105 dB SPL… NB : Le CIDB renseigne en détails sur les nuisances sonores.

10 Log (P/P0)2 = 20 Log ( P / P0) = 20 Log (P/ 2. 10-5) = 0 dB SPL La pression est exprimée en Pascal. (Log xY= y Log x) Quelques exemples chiffrés d’intensités

Un séchoir à cheveux peut atteindre 60 à 95 dB, une rame de métro 90 à 115 dB, un concert symphonique 110 dB, un concert de rock 110 à 120 dB, un incendie 150 dB… INTENSITE EN DECIBELS

Niveau minimum pour l'oreille

0

Feulement des feuilles d'un arbre

10

Conversation intime

30 à 40

Conversation à voix haute

60

Niveau moyen dans la rue

70

Tonnerre, outils (perceuse)

100

Avion à réaction

110 à 140

Bombe atomique

210

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EXEMPLES


Propagation du son Dans un milieu compressible - le plus souvent l’air le son se propage sous forme d’une variation de pression créée par la source sonore. Un haut-parleur utilise ce mécanisme. Seule la compression se déplace et non les molécules d’air, si ce n’est de quelques micromètres. Lorsque l’on observe des ronds dans l’eau, les vagues se déplacent mais l’eau reste au même endroit, elle ne fait que se déplacer verticalement et non suivre les vagues (un bouchon placé sur l’eau reste à la même position sans se déplacer). Le son se propage également dans les solides sous forme de vibrations des atomes appelées phonons. Là encore, seule la vibration se propage, et non les atomes qui ne font que vibrer très faiblement autour de leur position d’équilibre. La vitesse de propagation du son (ou Célérité pour les ondes électromagnétiques) dépend de la nature, de la température et de la pression du milieu. Comme l’air est proche d’un gaz parfait, la pression aura très peu d’influence sur la vitesse du son. Dans un gaz parfait la célérité est donnée par la relation :

• le son se propage moins bien à l’horizontale que sous des angles montants à cause du changement de densité. (Cette propriété est prise en compte dans la conception des théâtres en plein air depuis l’antiquité) ; • l’atténuation est nettement moins forte sous le vent. (Tant que son régime au sol n’est pas trop turbulent). Le gradient de vent couche l’onde sonore en la rabattant vers le sol (la vitesse du vent augmente avec la hauteur par rapport au sol), à l’inverse, l’onde voyageant contre le vent s’entend beaucoup moins (au sol) car le même gradient la dévie vers le ciel ; • le son peut être littéralement porté par une inversion basse du gradient de température. Exemple : suite au refroidissement nocturne, il est possible d’entendre un train à 5 km d’une voie ferrée sous le vent malgré les obstacles. Le son est alors contraint de se propager sous l’inversion (effet guide d’onde).

où est la masse volumique du gaz et sa compressibilité adiabatique.

Célérité marine du son en M/S selon la profondeur en M. Et la température.

La célérité du son diminue lorsque la densité du gaz augmente (effet d’inertie) et lorsque sa compressibilité (aptitude à changer de volume sous l’effet de la pression) augmente. Quand il s’agit de l’atmosphère, il convient de connaitre en plus la structure thermique de la masse d’air traversée ainsi que la direction du vent car :

Les ondes sonores se déplacent à environ 344 m/s dans de l’air à 20°C, vitesse qu’on peut arrondir à un Km/3 S, utile pour mesurer grossièrement la distance d’un éclair lors d’un orage (la vitesse de la lumière rendant sa perception quasi instantanée). Dans des milieux solides le son peut se propager encore plus rapidement. Dans l’eau, sa vitesse est de 1482 m/s et dans l’acier de 5050 m/s. Le son ne se propage pas dans le vide car il n’y a pas de matière pour supporter les ondes produites (isolation phonique), le son se propageant grâce aux déplacements des molécules entrant dans la composition de l’air. C’est une onde dite longitudinale, car les points matériels se déplacent dans le même sens que le déplacement de l’onde (l’autre type étant les ondes transversales).


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La fréquence d’un son est exprimée en hertz (Hz), Nous en avons exprimé les principes. Tout être vivant doté d’une ouïe ne peut percevoir qu’une partie du spectre sonore :

Ces considérations sont le fruit des recherches du psychophysicien Gustav Fechner qui, au milieu du XIXe siècle, s’était fixé pour but de quantifier les sensations que peuvent produire différents stimuli (variation de température, d’éclairement, etc.).

Technique

Fréquence et hauteur

On utilise deux grandeurs pour mesurer l’intensité : • les physiologistes s’accordent à dire que l’oreille humaine moyenne ne perçoit les sons qu’entre 16 Hz (en dessous les sons sont qualifiés d’infrasons) et 20 kHz (au-delà, nous parlerons d’ultrasons puis d’hypersons au dessus de 1 GHz) ;

• l’intensité, en watts par mètre carré pour laquelle l’intensité de référence est I0 = 10-12 W.m-2 ; • la pression, mesurée en pascals et pour laquelle la pression de référence est P0 = 2.10-5 Pa.

• le chat percevra des sons jusqu’à 25 kHz ; • le chien, jusqu’à 35 kHz ; • la chauve-souris et le dauphin, 100 kHz.

La première est toujours le double de la seconde, et c’est a priori celle qui est utilisée en l’absence de précision.

Certains animaux utilisent leur aptitude à couvrir une large bande de fréquences à des fins diverses :

Notons bien que la notion de niveau sonore ne donne qu’une vague idée de la sensation perçue, car il faut prendre en compte la sensibilité de l’oreille qui varie principalement selon la fréquence du son (moins sensible aux basses fréquences). Une meilleure approximation du volume perçu est donnée en décibel pondéré A (dBA), mesuré électroniquement après filtrage du signal par un filtre à pondération A (il existe également des pondérations B et C adaptées aux mesures de sons d’intensités plus grandes).

• les éléphants utilisent les infrasons pour communiquer à plusieurs kilomètres de distance ; les dauphins communiquent grâce aux ultrasons ; les chauve-souris émettent des ultrasons (# 80 kHz). Leur système d’écholocation leur permet de se déplacer et de chasser dans le noir total. Amplitude et pression sonore L’amplitude est une autre caractéristique importante d’un son. La pression sonore perçue dépend (entre autres) de l’amplitude et correspond dans l’air aux variations de pression de l’onde. Le son peut être fort ou doux (les musiciens disent forte ou piano).

Unité de mesure

Le choix d’un logarithme permet d’avoir des chiffres aisément manipulables, qui ne deviennent pas extrêmement grands ou petits ; cette approche correspond mieux à ce que perçoit l’oreille humaine en termes de sensation sonore.

Il suffit de changer la référence de puissance ou de pression (P0 ou W0 dans les formules page suivante) pour que l’échelle des volumes soit complètement changée. C’est pourquoi les décibels gradués sur le bouton de volume d’une chaîne Hi-fi ne correspondent pas du tout à des niveaux acoustiques mais à des puissances électriques de sortie de l’amplificateur, ce qui n’a quasiment rien à voir : la valeur 0 dB représente bien souvent la puissance maximale que l’amplificateur est capable de délivrer.

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En acoustique la pression sonore et l’intensité se mesurent en décibels (dB). C’est une grandeur sans dimension, logarithme du rapport entre une grandeur caractéristique du son étudié et celle d’un son de référence.

0 dB correspond au minimum que l’oreille humaine peut percevoir appelé seuil d’audibilité, et non au silence absolu. Cette valeur a été choisie par expérimentation pour un son de fréquence 1000 Hz, elle vaut 10-12 W.m-2, mais la plupart des personnes a un seuil d’audibilité supérieur à 0 dB (environ 4 dB). Le seuil de douleur est de 130 dB, mais l’oreille peut subir des dommages à partir de 85 dB.


Technique

Niveau de bruit en puissance

Niveau d'intensité

Niveau de bruit en pression

Le niveau de puissance caractérise une source sonore, il est donc indépendant de la distance source - récepteur. En revanche, les niveaux d’intensité et de pression correspondent aux niveaux perçus par le récepteur. Ils dépendent donc de la source et aussi de la distance source récepteur.

Différentes mesures de l’amplitude Il existe plusieurs façons de mesurer l’amplitude d’un son et, par extension, d’un signal quelconque de nature ondulatoire : l’amplitude moyenne (valeur moyenne arithmétique du signal positif) l’amplitude efficace (amplitude continue équivalente en puissance) l’amplitude crête (maximale positive) l’amplitude crête à crête (l’écart maximal d’amplitude positive et négative)

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Dans la pratique, l’amplitude moyenne présente peu d’intérêt et n’est pas utilisée. En revanche, la valeur efficace ou RMS (Root Mean Square en anglais) - soit la valeur quadratique moyenne du signal est universellement adoptée pour mesurer la valeur des tensions alternatives, en général autant qu’en acoustique. Un amplificateur donné pour 10 watts RMS fera 14 watts en crête et 28 watts en crête à crête (aussi noté cc). Les mesures de puissance crête à crête sont assez souvent appelées « watts musicaux » par les vendeurs de matériel audiovisuel, les chiffres étant plus flatteurs.

Timbre Caractéristique qui peut identifier un son d’une façon unique. Deux sons peuvent avoir même fréquence fondamentale et même intensité sans avoir le même timbre.

Espace-temps

Comme tous les phénomènes perçus, le temps joue un rôle fondamental pour l’acoustique (surtout en musique). Il existe même des relations très étroites entre espace et temps, vu que le son est une onde qui se propage dans l’espace au cours du temps. Trois grandes classes de signaux acoustiques : • périodiques : dont la forme se répète à l’identique dans le temps ; • aléatoires : qui n’ont pas de caractéristiques périodiques. Dans ce qui suit, et d’une manière générale, on ne s’intéresse qu’à un ensemble restreint de ces signaux ; ceux qui ont des caractéristiques statistiques stables dans le temps. On les appelle signaux aléatoires ergodiques : concrètement, c’est le cas des bruits « blanc ou rose » utilisés par les scientifiques et certains artistes ; • impulsionnels : qui ne se répètent pas dans le temps et ont une forme déterminée. Tous les signaux peuvent être définis et analysés indifféremment dans l’espace temporel ou dans l’espace fréquentiel. Dans ce dernier, on aura souvent recours à l’utilisation du spectre du signal, calculé depuis sa définition fréquentielle (dite du domaine de Fourier). Le spectre d’un signal représente les différentes « notes » ou sons purs que contient un son, appelés partiels. Dans le cas d’un signal périodique stable comme une sirène, le spectre n’évolue pas au cours du temps et présente une seule valeur appelée « raie ». Il est en effet possible de considérer tout son comme la combinaison d’un ensemble de « sons purs » qui sont des sinusoïdes. La musique La musique est l’art de combiner les sons en termes de rythme, de mélodie et/ou d’harmonie. En ce qui concerne la musique occidentale, la notion essentielle (mais subjective) est celle de la consonance qui est intimement liée au phénomène des sons harmoniques. Mais depuis des siècles, les théoriciens de la musique ont buté sur


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Décomposition en série de Fourier d’un signal acoustique.

l’impossibilité d’aboutir à la définition d’une échelle musicale « idéale ». La comparaison de termes musicaux et de leur équivalent scientifiques (hauteur et fréquence, etc.), montre la limite que l’acoustique musicale a tenté de franchir en montrant les rapports qui peuvent s’établir entre la perception humaine de la musique et les phénomènes physiques qui peuvent être liés. Le son et l’informatique Depuis la découverte de la synthèse numérique des sons et avec l’arrivée d’ordinateurs équipés d’une carte son, enregistrements et traitement des sons deviennent aisés. Les professionnels se tournent vers des solutions numériques, de moins en moins onéreuses, qui offrent, avec la progression de la capacité des ordinateurs, une foule de possibilités. Les cartes son haut de gamme possèdent de nombreuses entrées et sorties analogiques et numériques pour relier synthétiseurs et tables de mixage. L’informatique musicale s’est ainsi

développée au même rythme que les capacités de calcul des ordinateurs. Pour le traitement numérique du son, il faut procéder à une conversion analogique - numérique (acquisition). Cette opération consiste à transformer les variations de pression du son en une suite de nombres que les moyens informatiques pourront traiter. On appelle cette transformation échantillonnage du signal. Un microphone convertit les variations de pressions de l’air en signaux électriques, relié à un convertisseur analogique-numérique (CAN ou ADC en anglais, pour Analog to Digital Converter) qui numérisera ce signal à pas réguliers (le transformer en une suite de nombres). Ce travail est à présent réalisé par les cartes son des ordinateurs personnels.


Ajustement des parametres de dynamique au moyen du compresseur et de l’expanseur.

Le compresseur

Compression avant

Compression après

Son exploitation peut vite s’avérer fondamentale lorsque l’on est amené à traiter des voix ou différents instruments à forte dynamique. Comme nous l’avons vu, les rapports de dynamique peuvent devenir considérables en fonction du nombre de sources mises en œuvre ou de leur nature. Si l’oreille s’accommode assez bien d’importantes sautes de pression acoustique, nos équipements électriques sont parfois plus chatouilleux et l’utilisation du compresseur résoudra pas mal de problèmes liés à la dynamique de sources parfois difficilement contrôlables… Le compresseur tassera la dynamique d’un signal afin de permettre sa transmission sans détériorations. Pas très différent du réglage de gain d’entrée d’une tranche de console ou de son fader, si l’ajustement du gain permet d’adapter le niveau électrique d’une source à celui d’une entrée de console, il n’agit pas sur les fluctuations d’intensité liées au jeu du musicien. Il faudrait à cet effet que le technicien du son puisse instantanément et en continu, ajuster le niveau du fader de la tranche. Le compresseur permettra d’ajuster automatiquement le niveau de dynamique d’un signal selon un réglage donné, en fonction d’un seuil de référence donné. Le principe de fonctionnement du compresseur est donné par son hypsogramme. Le diagramme met en évidence le lien entre niveaux d’entrée et de sortie. On peut constater la proportionnalité des ajustements de niveaux. Dans le cas d’un compresseur, on va définir un seuil à partir duquel le gain de sortie ne sera plus linéaire, mais atténué. Les deux exemples d’hypsogrammes ci-dessous mettent en évidence le point d’inflexion de la droite,

hypsogramme de réglage d’un fader

correspondant au point à partir duquel le niveau de sortie ne sera plus linéaire. On nomme ce point «seuil» ou «threshold». La déviation à partir du seuil met en évidence une progression du niveau de sortie plus lente qu’en dessous : on est donc en train de compresser le signal. On exprime cette compression comme un rapport du type 4 :1 ou 2 :1, comme dans nos exemples. Cela signifie qu’un gain d’entrée de 4 correspondra à un gain en sortie de 1 dans le premier cas, et dans le second, qu’un gain de 2 en entrée ne sera que de 1 en sortie, application correspondant à une progression logarithmique… Enfin, on peut remarquer que notre droite de transfert ne passe pas forcément par le 0 des deux axes ; on définit alors un «gain sous le seuil» qui va permettre d’augmenter le niveau global du signal avant qu’il soit compressé. Cela revient alors à réduire la dynamique globale de la source, puisque les faibles niveaux seront rehaussés et les forts, compressés… Un type de son qu’affectionnent certaines stations de radio.


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un seuil assez bas et un taux de compression élevé, on obtient un effet de sustain qui gomme les attaques. Sur la diffusion finale ou sur le mix, il pourra être utile de compresser afin de réduire la plage de dynamique globale : cela peut être plus confortable pour l’auditeur, même si l’identité du son des instruments dans On repère aisément le point d’inflexion de la droite (le niveau du seuil) le mixage peut en et la progression du niveau de sortie qui correspond au taux de compression. prendre un sacré coup. À l’extrême, un taux de compression infini (∞ :1, ce qui signifie qu’une fois le seuil atteint, le niveau sera constant…) transformera notre compresseur en limiteur, pratique dans certains cas pour calmer les nuisances sonores ou respecter la loi des Compresseur Cubase Expanseur Cubase 105dB. Enfin, pour terminer, on utilise en mastering un appareil nommé compresseur multi-bandes qui Il peut être judicieux de monter plus que permettra un ajustement dynamique par zones de normalement le niveau d’un signal et ce jusqu’à fréquences… un seuil défini. C’est le rôle de l’expanseur (compresseur à l’envers !). Si l’on compare les plug-ins de compresseur et d’expanseur de La loi des 105 dB Cubase, on note une évidente similitude, mais les Ce texte entré en application suite au décret pentes d’action sont inversées. nº 98-1143 du 15 décembre 1998 concerne les établissements recevant du public et identifiés en Le compresseur trouvera pleinement son utilité tant que tels et qui diffusent à titre habituel de la pour toutes les sources à forte dynamique. Son musique amplifiée : boîtes de nuit, salles de concert, placement sera dans la chaîne d’insert, entre la auditoriums, mais non les lieux privés. Ce texte source et la sortie de tranche de la console. Son précise les conditions de diffusion réglementaire utilisation aura forcément une incidence sur les et le niveau moyen (105dB) : à quelque endroit de transitoires d’attaque de l’instrument : si le taux la salle où l’on soit, les niveaux de crête autorisés appliqué est très important, un effet de pompage (120dB), les conditions de mesure, les obligations peut déformer considérablement un son. Il importe d’isolation phonique envers le voisinage. donc de mesurer l’incidence des réglages de Relativement contraignante, l’application de manière à ce que le résultat conserve une bonne ces conditions a rendu l’exploitation de certains crédibilité après traitement… théâtres urbains assez périlleuse, sans pour autant résoudre les problèmes de nuisances sonores ; le Dans le cas d’une voix chantée ou parlée, le texte précise le cadre des mesures sans pour autant compresseur permettra d’atténuer les effets de couvrir l’intégralité du spectre de fréquences consonnes un peu violentes. Pour une grosse pouvant poser un problème… Le décret fait caisse, une caisse claire, les cuivres ou encore dans également mention de l’obligation pour ces lieux de certains cas le piano, il pourra avantageusement s’équiper d’un limiteur réglementaire qui doit être simplifier la vie du technicien du son. Une utilisation installé par un prestataire agréé. La loi prévoit les un peu particulière sur la guitare : en choisissant sanctions applicables en cas de non-respect…


Songpage Béatrice De Serge Volle Interprétée par Jean-Marie Loubry et Les Millynards

Le Roumi sur www.jmloubry.free.fr !

« Je veux quelques piquets Vrillés pour les tomates Et puis un peu d’engrais Complet pour les patates » « Oui monsieur suivez-moi Voici les beaux tuteurs Plus heureux que le bois Qui pourrit et qui meurt. » « Ô chère Béatrice J’ai semé des charlottes Assez peu créatrices Mais leur doux nom chuchote » « Avec ça vous verrez Le joli coup de fouet À peine enterré Entre toutes les raies »

Ah ma belle amazone Tes yeux profonds et verts Sont des lacs pleins de faunes De délices très amers Petits djinns c’est étrange Dansant parmi les fleurs En string jaune et orange Sous le grand saule en pleurs

Et soudain Béatrice Du lourd sac se saisit Comme une horticultrice Au labeur endurcie « Laissez, laissez cela Je le porterai bien Attention à vos bras Prenez garde à vos reins »

Elle court entre légumes Et pots de fleurs Virevolte près des agrumes Et des choux-fleurs Elle va elle vient Cent choux mille aubergines Pour elle ce n’est rien Et bien mieux qu’à l’usine.

Et ton jardin secret Est un tableau vivant Où le persil discret Joue avec le piment Tu es là puis ici Ô sourire délicieux Quand je te remercie D’un clin d’oeil malicieux.


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S ongpage

Nabarvricha Texte, musique et illustration de Mick Rustick

Je suis arrivé A l’orée du village Que je veux réveiller. Je serai le coq fêlé. Cette nuit, je l’ai passée Sur un arbre mort A penser à ma promise Que ses parents ont séquestrée. Je suis de l’autre clan, Et c’est un sacrilège D’unir deux fruits Aux racines en querelles.

www.mickrustick.fr

A l’ouest, paraît-il, Y’a de l’argent facile. Mais là-bas on sera mal vus Me disent mes cousins revenus. Avec du courage dans les mains Et un bon litre de vin, Je ferai avec ma mie Un foyer un peu décalé…

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« Vous chantiez ? J’en suis fort aise. Et bien, communiquez maintenant ! » (La cigale et sa conseillère de com’)

Un conseil, une question, un logo ou un dossier de presse en urgence ? Dario, c’est une équipe de deux graphistes complémentaires, amoureux de musique et passionnés de graphisme.

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