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Les équipes mobiles SCPD : une ressource à découvrir !
from L'Adresse - Printemps 2025
by RQRA
Les équipes mobiles SCPD : une ressource à découvrir !
Par Philippe Voyer, inf., PhD.Professeur titulaire et vice-doyen aux études de 1er cycle et à la formation continue à la Faculté des sciences infirmières, Université Laval
Les symptômes comportementaux et psychologiques des troubles neurocognitifs majeurs (SCPD) posent un défi important dans les résidences privées pour aînés (RPA) qui accueillent de plus en plus de personnes atteintes de troubles cognitifs. Le personnel nécessite des compétences actualisées pour gérer, prévenir et intervenir sur ces comportements. Lorsque les défis dépassent les capacités locales, des équipes mobiles spécialisées offrent un soutien ciblé, répondant aux besoins complexes de cette clientèle vulnérable.
Au Québec, les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) ont la responsabilité de mettre sur pied des équipes mobiles pour soutenir les milieux confrontés à ces défis. Ces équipes, intervenant dans le secteur public comme privé, ont une mission essentielle : évaluer, prévenir et traiter les SCPD tout en soutenant les proches aidants, les soignants et les professionnels. Qui plus est, dans le processus de planification des interventions ou lors de l'évaluation, les membres de ces équipes ont la responsabilité de bonifier les compétences des soignants avec qui ils collaborent dans les différents milieux cliniques. Le but est de rehausser la capacité de ces équipes à faire face à des défis similaires dans le futur. Autrement dit, on applique le dicton : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. »
UNE APPROCHE COLLABORATIVE
Les équipes mobiles fonctionnent donc selon un modèle de collaboration. Les équipes sont composées de professionnels, tels que des infirmières cliniciennes, des ergothérapeutes et des travailleurs sociaux qui offrent une expertise pointue. En plus des RPA, elles interviennent aussi à domicile, dans les centres d’hébergement (CHSLD, Maisons des aînés, Ressources intermédiaires) et les unités hospitalières. Leurs interventions se basent sur une évaluation approfondie des causes des SCPD, incluant des facteurs environnementaux, biopsychologiques et interactionnels. Ces causes sont les cibles des interventions non pharmacologiques (INP).
L’IMPORTANCE DES INTERVENTIONS NON PHARMACOLOGIQUES
Selon plusieurs études, dont celles menées au Québec, les INP réduisent significativement la fréquence des SCPD. Par exemple, la musicothérapie, les thérapies occupationnelles, les approches de base et l’adaptation de l’environnement sont efficaces pour diminuer la fréquence des SCPD. Ces approches permettent également de réduire le recours aux antipsychotiques, souvent associés à des effets secondaires graves chez les aînés.
Un exemple probant est fourni par une étude réalisée auprès de l’équipe de mentorat du Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec (CEVQ). Cette étude a montré que l’application des INP, combinée à une formation des soignants, a permis une réduction de 64 % des symptômes neuropsychiatriques (1). Les milieux ayant bénéficié de ce soutien rapportent une satisfaction élevée, tant chez les soignants que chez les proches. Une analyse rétrospective de 134 dossiers de patients au CEVQ a également montré que l’intervention des équipes mobiles réduisait de manière significative les SCPD. Après une intervention ciblée, 93 % des résidents présentaient une amélioration de leur SCPD, et une baisse de 10 % de l’utilisation des antipsychotiques était observée (2).
DES RÉSIDENCES PRIVÉES AUX UNITÉS HOSPITALIÈRES : UN ACCÈS UNIVERSEL
Il faut le rappeler, les équipes mobiles peuvent offrir un soutien indispensable aux RPA. Dans ces milieux, les soignants font aussi face à des défis complexes, tels que la gestion des comportements agressifs ou des idées délirantes paranoïdes. L’accès à des experts permet d’améliorer les pratiques tout en offrant un répit aux soignants, souvent à risque d’épuisement. Parfois, des RPA pourraient hésiter à solliciter ces équipes par crainte d'être critiquées ou encore surveillées, mais l'essence même de ces équipes est plutôt de collaborer et de travailler en partenariat au bénéfice des résidents et leurs proches. Il ne faut donc pas craindre de les solliciter, car il est au cœur de leur mandat de vous aider.
PERSPECTIVES ET DÉFIS
Malgré leur succès, ces équipes font face à des défis. Le manque de ressources et la surcharge des professionnels peuvent limiter leur accès et même leur efficacité. La collaboration avec les médecins traitants pour ajuster les médications reste un enjeu important. Il faut donc demeurer réaliste et parfois patient pour avoir accès à leurs services. Pour maximiser leur impact, une meilleure intégration avec les équipes locales et une formation continue des soignants sont essentielles.
En conclusion, les équipes mobiles sont une ressource cruciale pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs (TNCM). Leur modèle, axé sur la collaboration et les interventions non pharmacologiques, répond aux besoins croissants de cette population vulnérable. En utilisant leurs services, vous pourrez contribuer à créer des milieux de vie plus humains et adaptés aux réalités des aînés.
(1) Rey, S., Voyer, P., Juneau, L. (2016). Prise en charge des SCPD. Perspective infirmière, 13(4), 56-60
(2) Plante-Lepage, R., Voyer, P., Carmichael, P.H., Kröger, E. (2021). A nursing mentoring programme on non-pharmacological interventions against BPSD: effectiveness and use of antipsychotics – A retrospective, before -after study. Nursing Open, (00). 1-8. DOI: 10.1002/ nop2.1042