GHI du 26 mai 2011

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FINANCE

25-26 MAI 2011

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I VISAGES DE LA SERBIE MODERNE

Visite à un drôle de petit pays

Mise sous l'éteignoir par la communauté internationale depuis la fin de la guerre des Balkans, la Serbie impose sa rare originalité dans une Europe morose. LA CHRONIQUE DE GÉRARD LE ROUX

Vous connaissez ma fascination pour l’insolite; c’est la raison pour laquelle la Serbie m’attire. Elle défie toutes les règles du probable et du bon sens. Si je n’arrive plus à comprendre ce qui se passe dans le monde financier, ce n’est pas une consolation de savoir que nos gouvernements ne sont pas plus avancés. Même le gérant d’un des plus grands fonds, Pimco, se réfugie dans une politique qu’il appelle «la paranoïa constructive». Dieu sait ce que cela veut dire! Je suppose toutefois – qu'à terme – cela se révélera juteux pour lui. PUB ● ● ●

Tout comme GHI l’a mentionné à maintes reprises, nous craignons les méfaits résultant d’une politique gouvernementale imposant aux banques l’obligation de détenir davantage de dettes d’Etat au rendement inférieur à l’inflation sous prétexte que c’est un refuge plus sûr. Cela ne mènera qu’à l’affolement et au doute généralisé. On tentera alors par l’émission de fausses nouvelles et des manœuvres insensées de cacher le viol de l’épargnant par la planche à billets.

Un Oscar

Dans cette ambiance, revenons à la Serbie: voici un petit pays amputé des

trois quarts de ses terres, avec un chômage de 20%, affligé d’une très mauvaise presse à l’étranger, fauché et parfaitement coupé du monde extérieur. Que se passe-t-il? Morosité? Découragement? Xénophobie? J’m’en foutisme général? NON! L’hospitalité règne. On bosse dur, médecins et dentistes excellent (hôpitaux hélas tristes), mais les rues et les bistrots sont pleins de gens joyeux. Proportionnellement à la taille du pays, il y a plus de théâtres, d’artistes de première qualité, d’excellents films produits (dont Montevideo, inconnu à l’étranger, mériterait un Oscar sur tous les plans: acteurs, photo, script et décors). Par ailleurs, les gens lisent, l’éducation et la pédagogie sont de premier ordre bien que misérablement rémunérés (j’en suis témoin grâce à mes filles) et,

Belgrade, exsangue et pourtant bouillonante. IGOR JEREMIC

dans le domaine de la musique, les compositeurs et musiciens jeunes et moins jeunes sont exceptionnels.

Des talents

Par exemple, grâce à l’originalité de son directeur, Ivan Tasovac, le Philarmonique de Belgrade vient d’offrir,la découverte d’une multitude de nouvelles œuvres russes et serbes, dont deux créations époustouflantes de jeunes Serbes. Le pia-

niste Constantin Blajovic (Danses Balkaniques) nous a offert une explosion de couleurs et de puissances orchestrales inspirées du folklore serbe. Le deuxième, Alexandre Simic, dans son poème symphonique La petite ville où le temps s’arrête, inspiré du livre éponyme et écrit par l’auteur tchèque, Bohumil Hrabal. Simic retrace le livre avec une ambiance mystérieuse et poétique qui transporte

le public dans son propre rêve. Parallèlement, tout en gardant au répertoire les grands classiques et ayant à chaque concert un soliste et un chef invités, Ces musiciens expriment l’ambiance dans ce curieux pays mal aimé fonctionnant avec des bouts de ficelle. Comment cela peut-il marcher? Dans notre bordel général, c’est un message d’optimisme pour les autres… ■


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