Revue Distorsions numéro 3

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PLAN D’EVACUATION

Direction artistique & Conception graphique : Jérôme Demarquet

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EDITO

S

e perdre dans la chambre au hasard des portes qu’on ouvre, désuni au bout du voyage ou englué du quotidien qui bat par la fenêtre, y arriver plein de stupeur, d’attente blanche et de tressaillements, ou alors y être déjà à l’abri des voix qui grondent et calfeutré dans des souvenirs qui résonnent dressés comme des fantômes, seul-e dans la chambre où je me réveille, tu divagues, elle s’abandonne, il se terre, où parfois nous tentons de nous échapper quand les murs déjà se resserrent. Chambre refuge, chambre de passage usée, délaissée, solitaire, close, grillagée, mortuaire. Chambre d’évasion, de jouissance, de révélation, d’accomplissement. Souvent chambre de la mémoire, chambre noire ou claire de l’humeur explosive. On y vient, on y passe. On y est.

Ch. C 133 Ch. C 000 Ch. C 17 17 Ch. C 188 Ch. Ch 03 C Ch. 11/20 Ch. 21 Ch. 29 Ch. 17 Ch. 22 Ch. 06/07 Ch. 23 Ch. 24 Ch. 15 Ch. 30 Ch. 05 Ch. 12 Ch. 09 Ch. 25 Ch. 34 Ch. 01 Ch. 16/31

Gabrielle Gab G brielle bri elle lle l G G. P. 4 P. 8 Pierre Piierrre Pi rre Bouille Ann A ne Mizreh Mizreh Anne P. 10 Michel Mich M hel Delarue he Delarue P. 14 P. 22/39/62/87 Tibor T Ti ibo i orr Lamoth amoth P. 23 Fréd F Frédé rédériicc Pruvost rédé Frédéric C. B C Baumer P. 24/76 Jean-Jacques Castres Jean-Marc R. Isabelle Faivre Catherine Baumer

P. 26 P. 28 P. 30

Nicolas Lejeune R. Grabczan / Dubuisson Ronan Laurence Faure Myriam Linguanotto Fraçois Delandre Nikolas Louis Pierre-Clément Julien Hequet-Vudici Paulain Radici

P. 32 P. 36 P. 38 P. 40 P. 42 P. 45 P. 44 P. 46

Ch. 19 Ch. 35

E. Couteller C. Philibert F. Campo C. Philibert S. Kaptur Gintz

Ch. 14 Ch. 28 Ch. 26 Ch. 08 Ch. 06

M. Antoine Pham F. Forte C. Lefrancq M. Faisan T. Valencin

P. 48 P. 53 P. 56 P. 60 P. 63/74 P. 64 P. 65 P. 73/75 P. 78 P. 82 P. 87 P. 90

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ROMANCE Gabrielle G.,

T

u te souviens pas de mon blaze, à ct’heure ? Faudrait voir à pas me prendre pour une débile. Allez, vas-y, sors-le ! Alberte ? Non, c’tait ta bigote

de mère, ça. Me r’garde pas avec cette face de demeuré. En vérité, tu sais très bien qui je suis. La première fois qu’on s’a rencontrés, chez Dédé la Frite. T’étais là avec tes gus, tu me regardais, pi t’as ricané, et t’as sorti un truc dans ta barbe « l’est baisable cellelà quand on aime les gros culs ».

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Grand con, va. On s’a souri, t’étais tout mec et tout mielleux à la fois, on a vite allés aux fraises, gros cul ou pas tu faisais pas le difficile. Tu m’as même embrassée, j’avais pas l’habitude tu penses, ça m’a fait tout drôle. Après tu m’as fait les moutards, un par an, moi encore plus grosse, toi toujours aussi con mais les dents un peu p’us pourries, mari et femme quoi. Pi t’es d’venu contremaître, on a eu le pavillon à Asnières. Ah…contremaît’, t’étais arrivé, tu faisais tout marcher à la trique. Pour sûr, c’était fini les mignardises ! T’aimais bien me faire bisquer, pas me donner de sous de toute une semaine de temps, histoire de voir comment que j’allais me débrouiller avec les chiards.


Et quand j’avais bien zervé tu me jetais 10 francs à la gueule, démerde-toi avec ça la grosse que tu disais, et essaie de maigrir un peu tant que t’y es tu passes p’us à travers les portes. Pi les gamins, t’étais guère tendre non pus. L’premier qui mouftait à table, y finissait la tête dans la purée. Tu te rappelles toujours pas ? Et c‘te beigne dans la tronche, ça t’rafraichit pas la mémoire ? Non ? Bon. Mon pauvre bonhomme, t’as toujours l’air aussi neuneu. Et pi c’est quoi c’t’odeur ? T’as encore fait sous toi ? Ben t’es bon pour attendre l’infirmière jusqu’à c’soir, compte pas sur moi.

A

h tiens, v’là l’Docteur, t’as pas intérêt à lui dire, pour la beigne, sinon j’vas te soigner, j’te le garantis. -

ment ça se passe avec Monsieur Berthier aujourd’hui ? J’ai essayé, Docteur. Y remet même pas mon nom. Il faut essayer encore, Madame Berthier. Après un accident cardiovasculaire, même les hommes les plus attentionnés comme Monsieur Berthier en viennent à oublier une épouse chérie. Bah pourtant j’essaie de lui rappeler des p’tits moments d’not vie commune, comme que vous m’avez conseillé, Docteur, mais c’est comme que si j’pissais dans un violon. Gardez espoir, Madame Berthier. Avec votre patience et votre dévouement, je suis sûr que cela reviendra petit à petit. Parlez-lui de vous, de ce que vous avez construit ensemble. 50 ans de mariage, c’est quelque chose, tout de même ! Bon. L’esorti. Epouse chérie, non mais t’as entendu comment y cause ? Sacrée tantouze si tu veux mon avis. Et les jours de paye, tu t’en souviens ? C’était pas la fête pour tout le monde. Tu rentrais tout susurrant, verdâtre et parfumé comme y fallait, t’aimais bien enlever ta ceinture comme t’avais vu faire dans un film, et me savater la

Alors Madame Berthier ? Com-

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tronche avec. Tu puais la pisse et le Ricard, tu tombais comme une masse après m’avoir giclé dessus, comme que si j’étais une bête. C’que tu sais pas c’est qu’dès qu’t’étais à l’usine, y’avait Pépé Jacky qui rappliquait. On s’en est donné, ton paternel et moi, pour sûr. Tiens, t’ouvres la bouche ? Qu’est-ce que tu jactes ? Ah ah… T’y es presque mon bonhomme, t’as presque remis mon blaze, mais attends un peu que j’te raconte le meilleur. Au fond, ça me plaît bien de discuter avec toi. Pépé Jacky c’était un sacré coquin, l’enlevait son bénard, y me le faisait par derrière, savait s’y prendre lui c’est pas comme toi. Pi ma cellulite ça l’excitait qu’y disait, c’était bien mieux qu’avec ta mère, qu’était sèche comme un coup de trique, mais bon, la pauv’ vieille Dieu ait son âme, faut pas dire du mal des défunts. Vingt dieux qu’est-ce donc que tous ces voyants qui clignotent au d’ssus d’ton pieu ? C’est

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tout rouge, ça fait guilleret parole, pi quasi solennel aussi, ça m’rappelle les fleurs d’mon jardin tiens. C’te belle variété d’roses qu’on a commandées par correspondance avec mâme Guibert, rubis qu’ils appellent ça, ça m’plaît bien c’t’idée moi, des pierres précieuses dans mon jardin…

O Merde. Hé. DOC… Euh. Attends voir. Pourquoi que j’ l’appellerais, le Docteur après tout ? Pi faut pas qu’j’tarde, ça va êt’ l’heure d’arroser mes rubis.


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© Pierre Bouillé


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« LA CHAMBRE » ANNE MIZREH

plus, dans le mur, à l’aide d’un tournevis ou d’un couteau. Je voulais voir ce qu’il y avait de Un papier fleuri de grosses roses l’autre côté. charnues couvre les murs de la De l’autre côté il devait y avoir petite chambre. Une petite cheminée en fer forgé mon voisin. Je pensais que la creusée m’amènerait sur le côté gauche, de l’autre côté galerie jusqu’à lui. une fenêtre donnant sur la cour. Je me penchais souvent par la fenêtre afin d’observer en bas, la toiture en verrière. C’était une cour carrée, d’autres fenêtres en vis-à-vis appartenaient à un autre immeuble.

Elle m’a paru grande cette chambre jusqu’à mes douze ans. Jusqu’au partage avec mon frère devenu grand. J’insistais j’argumentais afin que ma tête fût du côté de la fenêtre.

Je pouvais parler avec la lune, m’inventer des histoires, penser que peut-être mes parents n’étaient pas ceux-là, mais je ressemblais trop à mon père et donc je ne pouvais venir d’un auPlus tard, j’attendais d’être seule tre ventre que celui de ma mère, dans l’appartement pour pénétrer alors…. dans la chambre des parents, écartant les vêtements poussiéreux, J’avais ce privilège de l’aînée pouvoir mettre ma tête du côté j’entrais dans l’armoire. de la fenêtre derrière les rideaux, Tous les jours je creusais un peu c’était ce qui me restait. J’échangeais des regards avec les gens d’en face, des conversations aussi. Toute petite, des gazouillis, assise dans le petit parc rose les yeux levés vers le ciel.

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La chambre au papier fleuri est devenue la « chambre mauve ». Elle est devenue minuscule. Je me souviens encore des rires avec mon père lorsque nous faisions la peinture lui et moi. L’essence de térébenthine nous montait à la tête, j’étais seule avec mon père et ça suffisait à mon bonheur. Ma mère était ailleurs, dans le petit appartement.

téléviseur noir deux chaines. C’est vrai qu’il n’y avait pas de lumière à cet endroit – l’encre bleue a jailli sur les murs et les jambes de ma mère sont devenues dégoulinantes.

J’avais honte mais je devais me défendre, c’était toujours moi qui endossait les bêtises faites par mon frère. Lui, on ne lui disait jamais rien il riait sous cape et prelle est devenue de plus nait plaisir à me voir attrapée par en plus petite cette ma mère et pincée sur les bras ou chambre ou nous avons recevoir de grandes claques. grandi. Les murs rétrécissaient. Avant nous courions au- En proie à la colère de ma mère tour de la table de la salle à man- vociférant dans une langue que je ger afin d’échapper à notre mère ne comprenais pas, et pour ne pas qui nous courait après. Pour nous trop ressentir les coups j’observais attraper après les bêtises que le regard brillant de mon frère. C’était la guerre qui n’a pas cessé nous faisions. je ne trouvais refuge qu’auprès Je me rappelle des chaussures de mon père. J’étais sa fille à lui remplies d’encre noire posées à alors que mon frère était fils de sa terre sur le sol en lino près du mère.

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A travers la porte, je vois un homme allongé endormi. Je vois le mouvement de ses yeux sous ses paupières closes, ponctuant ses pensées. Peut-être est-il dans une rêverie ?

Alors j’ai tout quitté pour le suivre comme un détective privé, filant son client, comme une folle courant après son délire, comme un enfant courant après son cerf-volant.

L’homme qui est là, je ne le connais pas, mais je l’imagine depuis si longtemps. Je pourrais même dire que je l’invente quand je le perds de vue, quand il disparaît, quand L’homme est nu, sa peau claire je souffre trop et que je perds est légèrement halée de ses le fil, quand cela ne fait plus nombreux voyages dans le sens. sud. Il est allongé sur le côté, le lit Il dort dans une chambre carsemble défait, les rideaux sont rée, anonyme. Une grande tirés. La chambre est dans la pé- fenêtre aux portes vitrées surnombre. La porte entr’ouverte plombe un 17ème étage. Somje le devine. L’histoire à ra- mes-nous dans un hôtel ? conter est longue trop longue. J’avais ma tête pleine de ses Son visage semble serein, ses mots et mon corps tatoué de traits sont droits. Des pensées son empreinte. Je ne pouvais enfermées sous son crâne, des plus m’investir, je ne pouvais contraintes, des peurs de ne plus penser. Je ne pouvais que pas savoir, de ne pouvoir vivre cela, de s’ennuyer aussi dans me taire. Son crâne lisse est chauve. J’aperçois le gras du haut de son cou, un léger plissement, comme un léger bourrelet.

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un quotidien, dans une routine, dans un enfermement ? Peur aussi de se retrouver devant un autre que soi. Peut-être que toutes ces pensées que je lui prête sont miennes. Envie qu’il me parle, qu’il me touche, envie de voir sa faille. Comme si… Mais qu’est-ce que ce souvenir qui me court après, comme si je cherchais le regard de ma mère comme si j’attendais une réponse, comme si j’attendais sa reconnaissance…

Je m e penche, aimantée. Je me soulève en nage, assise au creux de mon rêve, dans mon lit au milieu de ma chambre aux murs orangés. Combien de temps ce rêve étrange me poursuivra-til ?

Je m’avance vers lui, et mes pas aussi légers qu’ils soient... Ses paupières se soulèvent comme un rideau de soie, ses bras se tendent vers moi.

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Michel Delarue

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Š Michel Delarue

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Š Michel Delarue

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Š Michel Delarue


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Š Michel Delarue

Š Michel Delarue

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Š Tibor Lamoth


Il y avait sufsamment

de place pour accueillir Suivez-moi monsieur P., je vais un brancard vous conduire à votre chambre. mur de la chambre s’effritait et trois personnes. Un en miettes de peinture beige. L’espace ressemblait plus à un monte-charge qu’à un simple ascenseur. Le genre qu’on trouve dans les lofts new-yorkais ou dans les réserves d’hypermarchés. La porte était sensée coulisser mais elle buta contre un empêchement invisible. Elle se mit à vibrer bruyamment avant de s’escamoter, disparaître, sortir à nouveau, se bloquer, vibrer encore. En levant la tête, j’ai pu lire « Les cieux, mon pote » écrit au feutre moyen sur le plafond métallique le long du grand néon pâle. Celui qui avait écrit ça était certainement venu rendre visite à une connaissance malade à moins que ce ne soit un malade lui-même, allongé sur un brancard et qui aurait tendu le bras dans un ultime effort d’élévation. La porte se ferma finalement. Bonjour je suis monsieur P. je viens pour l’hospitalisation, j’ai dit. Voilà quatre mois que je trainais cette douleur sourde. On vous attendait, vous êtes chambre 304. Ils m’attendaient, donc c’était prévu, l’information était bien passée, c’était bien de moi qu’il s’agissait.

L’infirmière m’ouvrit la porte de la petite salle d’eau comme certains garçons d’étage le feraient dans un hôtel international. Un lavabo, un chiotte. Si vous souhaitez prendre une douche, c’est au bout du couloir à droite, juste après le foyer des infirmières. L’infirmière me tendit un carré bleu, mi- papier, mi- tissu. Déshabillez-vous et passez cette blouse, vous pouvez mettre vos vêtements dans le petit placard et n’oubliez pas de fermer à clef si vous sortez. Malheureusement, il y a beaucoup de vols ici. Je passerai prendre votre température tout à l’heure. Puis elle quitta la chambre. J’ai posé la blouse sur le lit et me suis assis. C’était un lit électrique d’hôpital avec une télécommande pour l’élever, le baisser, le redresser, le rabaisser. J’ai joué un moment mais sans vraiment arriver à trouver ça amusant. Il y avait une autre télécommande sur la table de nuit, celle de la télévision dans le mur près du plafond. Je l’ai essayée aussi mais l’écran ne répondait pas. Frédéric Pruvost

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© Jean-Jacques Castres

JEAN-JACQUES CASTRES

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Antichambr

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Mesure de lits sans ciment Jean-Marc R.

Le sommeil est un genre d’activité auquel je m’adonne volontiers. Quand je dors, je dors à fond : sommeil léger, profond, paradoxal, cycle circadien et ultradien, je n’omets aucune phase, je ne néglige aucune étape. Mais au-delà de ces heures nécessaires, dormir est une perte de temps. Les grasses matinées, les siestes digestives, les purs moments de paresse qu’on passe à rêvasser les yeux au plafond, la tête sous l’oreiller, très peu pour moi. Mon plafond est noir. Je n’ai pas d’oreiller. J’ai d’ailleurs mis au point une méthode tout à fait infaillible : je n’ai pas acheté de lit. Je dors à même le sol. Pas de tapis moelleux, ni de

moquette molletonnée, ni de parquet stratifié, ni même sur un petit bout de linoléum. Je m’allonge à même le ciment. C’est dur. C’est froid. Je vous assure qu’on n’y reste pas plus qu’il ne faut. J’ai même pensé à étaler du verre pilé sur ma couche. Mais quand même. Je ne suis pas maso. Je ne suis pas fakir. Sur les murs, pas un tableau, pas de papier peint, rien. Dans ma chambre, j’ai toujours les yeux fermés.

C’est ainsi qu’on gagne un temps précieux. Ma vie est tout à fait optimisée. Je mets les précieuses minutes que je gagne à l’optimiser davantage.

Enfin. Tout ceci, c’était avant que je ne rencontre Lénie, la nouvelle employée du bureau d’en face, cette fille au prénom étrange et aux façons coquettes. Je l’ai vue la première fois il y a trois semaines, au retour de la cantine. In-

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stantanément, j’ai ressenti une précipitation asynchrone de ma respiration, une sensible déformation du temps doublée d’une altération de ma capacité de jugement. Je n’avais pas trop mangé, je ne mange jamais plus que de besoin. L’hypothèse la plus probable était que je sois tombé amoureux.

J

e ne suis pas le genre d’homme que l’amour effraie. C’est une chose très naturelle qu’il suffit d’organiser, comme le reste. J’avais envie que nous passions du temps, avec Lénie, du temps, puis des nuits. J’imaginais tout et tout était déjà parfaitement réglé. Tout, sauf que je ne pouvais pas me permettre de l’inviter sur

la dalle de béton. Une solide intuition me prévenait que ça manquerait de romantisme. Ne dit-on pas que l’amour a le pouvoir de changer le plus inflexible des hommes ? J’ai donc longuement réfléchi à l’installation d’un lit et même d’un moelleux matelas. Je m’interrogeais sur la largeur qu’il conviendrait de choisir. Un amour extraordinaire ne peut pas se contenter d’un lit de dimension standard. Certes, le choix d’une taille modeste favoriserait le rapprochement, l’intimité, peut-être quelques caresses et ce qui s’en suivrait. Mais trop proches même les plus tendres amants finissent par se gêner. Quand à être trop éloignés, je craignais l’absence d’intimité, l’impossibilité des caresses et que s’en suivrait-il ? Au bout de trois semaines, j’ai fini par ouvrir mon coeur à Lénie. J’ai été direct : je lui ai demandé quelle était, selon elle, la dimension idéale du lit où elle aimerait coucher avec moi. Inexplicablement, elle m’a giflé.

J’ai depuis regagné ma chambre d’ascète, retrouvé ma couche de béton, repris mes sommeils réglés. Malgré mes efforts, chaque soir, allongé sur le ciment, cette histoire me pique. Je vous l’ai déjà dit : je ne suis pas fakir.

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L

Isabelle Faivre

a litho de Bellini


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Š Isabelle Faivre


C

OUGAR

BLUES

L’odeur de citronnelle qui imprègne la moustiquaire me prend à la gorge. Il fait trop chaud dans cette chambre. Moite. Etouffant. Qu’est-ce que je suis venue faire dans cette galère ? J’aperçois à l’autre bout de la pièce une araignée grosse comme le poing. J’arrête de respirer, le temps qu’elle ressorte en se faufilant sous la porte. Elles font toutes ça, je ne sais pas pourquoi. Tant mieux. Je ne suis pas sûre qu’une moustiquaire suffirait à arrêter ces monstres et il faut bien que je bouge de temps en temps pour aller aux toilettes et dans la salle de bain. Jamais pieds nus. On ne sait pas trop sur quoi on peut marcher. Il paraît même qu’il y a des scorpions. Toujours vérifier ses chaussures avant de les enfiler.

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Et des serpents, aussi, qui remontent le long des canalisations. Je n’en ai pas encore vu et je ne sais même pas si c’est vrai mais rien que l’idée me glace le sang. Je hais cet endroit. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté ce voyage au Kenya. Je déteste la chaleur et les bestioles, surtout. Allergique à tout, en plus. Puis ces safaris photos c’est pour les péquenots, les beaufs, les cadres en mal d’exotisme. Même si j’avoue qu’approcher des lions me fascinait, j’ai toujours eu beaucoup moins peur des grosses bêtes que des petites. Un lion, tu peux lui parler, au moins. Puis s’il a bouffé il ne te regarde même pas. Une araignée, un scorpion, c’est sournois, insidieux, ça se glisse dans tes vêtements, ça te parcourt le corps pendant ton sommeil, ça te mord. Les moustiques te pompent le sang, et ici ils sont énormes et te laissent des cloques grosses comme des placards. Beurk. Je suis venue parce qu’il me l’a


demandé, c’est aussi simple que ça. J’ai tout plaqué, mon mari, mes enfants, pour aller le retrouver. J’ai dit que j’avais besoin de changer d’air et que je partais faire un safari au Kenya. Ce qui techniquement était vrai, puisque Mathias est guide de safaris là-bas. Je l’ai rencontré à mon club de gym, trente ans, frimeur, tout ce que je déteste. Beau comme un dieu, aussi. Putain ! Mais qu’est-ce qui m’a pris de venir ! Pour commencer il n’était pas comme prévu à l’aéroport de Nairobi pour m’accueillir, le beau Mathias. Il m’a juste envoyé un SMS pour me dire qu’il avait un empêche-

ment, qu’il était désolé et que le mieux était que je prenne un taxi et que je m’installe dans le Lodge d’un village où il viendrait me chercher. J’ai failli reprendre le premier vol pour Paris. Mais j’aurais dit quoi à mon mari ? Puis je n’étais pas venue jusqu’ici pour rien, quand même ! J’ai regardé les étoiles, respiré un grand coup et je suis montée dans un taxi. On a roulé longtemps, d’abord sur des routes, puis sur des pistes. Le chauffeur ne m’a pas dit un mot, sauf pour me réclamer le prix de la course. L’hôtel semblait correct, à première vue, le genre de palace pour touristes en fin de safari.

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Š Nicolas Lejeune

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CHAMBRE ANONYME

NICOLAS LEJEUNE

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J’étais la seule pensionnaire mais Mathias devait arriver le lendemain soir avec son groupe. J’ai trouvé que le personnel me dévisageait avec un drôle d’air, une femme seule, ils ne devaient pas être habitués. J’ai décidé de dîner dans ma chambre, me rassurant en me disant que demain Mathias serait là. Je me suis couchée après avoir fermé la porte à double tour et bloqué une chaise devant, au cas où. J’ai ensuite installé la moustiquaire tant bien que mal et vidé la moitié de ma

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bouteille d’essence de citronnelle dessus. Le lendemain soir Mathias n’était toujours pas arrivé. J’écoutais John Lennon en boucle sur mon portable pour me calmer les nerfs et ne plus entendre le bruit du vent qui s’était levé à l’extérieur. Les communications devenaient de plus en plus difficiles, jusqu’à cesser totalement au fur et à mesure que la tempête se déchaînait dehors. Cela fait trois jours que ça dure et que je suis coupée du monde extérieur. Nous


ne sommes que quatre dans l’hôtel, moi, le directeur, le réceptionniste et un serveur. Ils m’apportent un plateau dans ma chambre matin, midi et soir, et me parlent à peine. Je reste cloîtrée, repliée sur mon lit, sous la moustiquaire, à attendre que ça s’arrête et à me maudire d’être venue ici. Je vais finir ma boîte de calmants et m’endormir en priant pour qu’à mon réveil ce cauchemar soit terminé. J’ai chaud, la tête me tourne, pas d’air… Une araignée se glisse sous la moustiquaire…Sortir d’ici…La fenêtre…J’étouffe…La fenêtre… Bulletin d’alerte. Suite à la tempête qui a frappé Nairobi et ses environs on a retrouvé une femme blonde de type

caucasien, âgée d’environ cinquante ans, errant dans la savane, pieds nus, juste vêtue d’un paréo, ne se souvenant plus de son nom ni de ce qu’elle faisait là, articulant seulement de temps en temps un prénom ressemblant à Mathieu ou Mathias. Elle a été admise à l’hôpital de Nairobi et ne présente aucune blessure grave malgré un état de déshydratation avancé, de multiples plaies aux pieds et des piqures d’insecte sur tout le corps. Toute personne susceptible de nous fournir des informations au sujet de cette personne est priée de contacter les autorités au numéro indiqué ci-dessous. Catherine Baumer

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© Robert Grabczan + Dubuisson

Entendez-vous?

Un arbre pousse... Un être souffle... Le temps est sa béquille. La chaleur, sa nourricière. Il se plante dans ses abîmes. Envisage le monde. Dialogue avec le silence. Il demeure... Petit. Mais son trésor est immense: le fruit de toute une souffrance. De ce cadeau au monde, tableau des années passées, se déploie la chimie de la vie. Et sont intervenues, afin d’en extraire l’essence, labeur et patience. Ainsi, pour en juger la maturité, ce petit morceau de vie se déguste dans une bulle de verre. Là, capturé dans sa souveraine intimité, il maîtrise les sens, et offre, à l’existence, enfin... Un sens.

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Clic!

Choisissez... bonheur... obtenez... immédiatement! Ne vous retournez surtout pas!... Continuez... Résistez!

Êtes-vous seul? Clic! Ouverture du réseau... Communication en solitaire... Consommation... immédiate. Clic! Etes-vous prêts à y mettre le prix? Etes-vous prêts à donner votre temps? Clic! Choisissez... un masque. Clic! Fantasmez... Ne vous retournez pas!... Continuez...

Clic! J’ai dit, ne vous retournez pas! NE VOUS RE... ... Regrets... Activé! Souvenirs... Activés! Pression... Activée! Colère... Activée! Frustration... Activée! Désordre... Activé! Existence... en cours...

Clic!

© Robert Grabczan + Dubuisson

Sentez-vous... aimé! Consommation en mode procuration... Choisissez beauté... choisissez vitesse... choisissez plaisir...

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Elle etait la dans le noir Ronan

Elle était là dans le noir. Éteinte comme endormie. ll n’y avait plus un son. Pas un bruit, pas un rire. Le lit ne bougeait pas et la commode se tenait silencieuse. Un doudou trainait encore, oublié dans un placard. Qui aurait cru que cela finirait ainsi ? Qui aurait dit qu’elle serait seule ? Vide et délaissée ? Car (il n’y a pas si longtemps et elle s’en rappelle) elle était au coeur de la vie. Au coeur de sa famille, au coeur des rires et des chants. Des chansons d’enfants, des jouets et de ses rêves d’antan. Elle était alors comme le ventre de la mère, chaud et intime, comme le sein accueillant sur lequel se reposer, comme une épaule prête à tout supporter. Maintenant il n’y a plus que ses souvenirs, ses quatre murs, sa moquette usée et son plafond défraichi. Personne ne l’occupe, personne ne s’en occupe. Le silence est devenu son seul compagnon.

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Seul cet espoir qu’un jour un enfant profite à nouveau de son espace la fait encore tenir debout. Cet espoir qu’un jour elle se remplisse encore de jeux, de cris et de fous rires. D’histoire du soir, de bonjour du matin et de rires coquins. Mais ce temps est passé, ses souvenirs sont dépassés par le présent et ces moments si précieux de confidence où elle devenait le refuge de tous les chagrins n’existent plus que dans son esprit. Ce qu’elle aimait ces moments où elle était l’oreille silencieuse, la compagne vaillante des soucis et des peines, elle aimait se sentir aimante et protectrice. Ces moments-là elle se sentait vivre.


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Š Tibor Lamoth


Le chat et l aiguille Laurence Faure

U

entre deux tables de nuit rouge et noir achetées un jour de brocante près de Vierzon.

n chat.

Tu es un chat. Tu es un chat et il t’arrive de tuer. De dehors, par ce que laissent passer à l’étouffée les doubles fenêtres de la pièce, parviennent quelques bruits de la rue. Vrombissement atténué d’un camion qui redémarre d’un feu rouge, éclats de métaux qu’on transporte à l’installation d’un étalage de maraîcher, claquement de porte d’immeuble. Dans une économie. Comme l’un après l’autre. Comme si une seule chose à la fois pouvait se mouvoir dans l’espace.

Tu te relèves un peu. Tu étires un membre, puis l’autre. Tu bailles sans retenue. La bouche s’ouvre largement. Sans un son.

Le lit, aux draps un peu défaits d’un bleu Pacifique, t’accueille et te contient dans son cadre de bois simple, sans après, sans souci de mode ou de design particulier. Et positionné contre le mur qui fait face à celui de la porte, il te permet de trôner, comme un chat,

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Tu fermes les yeux sans hâte, puis tu les rouvres. Les pupilles comme délicatement happées par un infini tranquille et maîtrisé.

L

e voisin du dessous s’éveille : du sol monte la vibration de son réveil. Dans dix minutes suivra une odeur de café et de pain grillé. Tu la perçois mais ne t’en incommodes ni ne t’en réjouis pas. Le lit, bien vide de tout vêtement occasionnellement abandonné – de la soie ? Du coton ? – de toute lecture interrompue – un poche ? Un broché ? – de tout rêve de voyage ou de concert au détour d’une revue - Gershwin ? La Corse ? Zanzibar ? Les musiques carnatiques ? - te laisse y chauffer cette place ronde et ramassée que tu as constituée par l’enroulement de ton corps.

Est-ce la même chose dans la tête d’un chat ? Empilement de souris et de


griffes ? D’oiseaux et d’arêtes ? Tes yeux restent fermés sur un minois impassible. Pas même frémissement alors que parvient un bruit de chute de vaisselle suivi d’un juron, crié puis étouffé. La circulation au dehors semble s’animer, pression sanguine de la ville qui remonte après le sommeil apparent de la nuit.

Tu es là. Bientôt l’heure de se lever Sur le lit. Se laver, se préparer, manger et boire Tu ne profères aucun son. Certains vont à l’école, d’autres au marché Tu peux tuer. Et toujours acheter ce qui nourrira, ce qui vêtira, ce qui fera rêver On peut te tuer également.

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ouvrant les yeux, calmement, ton regard balaie l’univers clos. Des livres sur leur havre, placés à ta gauche, accolés à la table de nuit, qui ne servira plus à rien qu’à engouffrer de menues babioles sous peine que des souvenirs en surgissent qui terrassent et qui lacèrent, à

l’armoire, placée à ta droite, accolée elle aussi mais à l’autre table de nuit où s’abandonne, près de la lampe, un tout petit flacon entr’ouvert de ces puissantes gélules, rien qui surprenne, rien qui ait changé depuis hier soir au moment où, dans une stupeur, après avoir saisi le combiné téléphonique du salon qui sonnait, tu avais traversé la pièce pour te jeter sur le lit, sans un mot, sans un cri, étouffée toute une nuit par l’épaisseur d’un vide qui venait de se déclarer. Tu es un chat Tranquille et écorché Qui prend des substances pour assourdir les bruits du dedans et vitrifier tes cris en regards tranquilles. A peine le goût d’un feulement, au plus l’odeur d’une plainte. Manger son poing comme un poumon mou et réveiller les enfants, les emmener à l’école, faire le marché sans leur expliquer que Maman a perdu son amant. Et que dans son cœur git une aiguille, l’aiguille d’un temps arrêté.

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Lueurs Myriam Linguanotto

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au matin une blancheur diffuse, la lumière tellement crue qu’elle transperce l’épaisseur du bois jusqu’au milieu de la pièce où de minuscules grains de poussière en constellation s’étiolent au-dessus d’elle, un geste de la main pour les faire disparaître, elle se souvient alors du froid qui tétanise ses muscles dès qu’elle sort le bras de sous la couverture, se met à compter les pas qu’il faudrait faire, emmitouflée dans le couvre-lit pour arriver à la cheminée et toutes ces minutes à attendre que le feu reprenne et réchauffe la chambre, il lui faudrait d’abord repousser les draps où elle s’est enroulée plusieurs fois dans la nuit, se demandant qui de la fièvre ou du froid la faisait grelotter, quand elle avait voulu se lever pour remuer et attiser les cendres qui s’éteignaient doucement, elle avait eu du mal à prendre ses repères malgré les lueurs que le feu émettait, dans

la semi-obscurité les silhouettes du fauteuil, de la petite table et de la lampe semblaient des ombres impossibles à repousser pour trouver son chemin, les forces lui manqueraient sûrement et si elle tombait là, sur le parquet, elle aurait beau crier, personne ne l’entendrait, sa voix résonnerait dans le vide comme ce jour où elle était arrivée à la ferme, c’était un temps de neige où les corneilles trouaient l’étendue blanche jusqu’à la lisère de la forêt, une brise glacée cinglait son visage et soulevait des couches de poudreuse, elle avait senti sa peau se rétracter sous l’air coupant, un cri était sorti de sa gorge serrée pour s’éteindre dans les claquements du vent, alors elle s’était inquiétée du peu de temps à pouvoir tenir ainsi, sans bouger, jusqu’à ce qu’une vieille femme lui fasse signe de venir se réchauffer à l’intérieur d’une bicoque, le train disparaissait déjà dans la forêt, les épaisseurs de vêtements l’empêchaient d’avancer et ses jambes s’enfonçaient jusqu’aux genoux dans la neige, le vent s’était brusquement levé pour s’entortiller dans les arbres, les bourrasques la font encore


frissonner, si elle pouvait au moins être capable de marcher jusqu’au feu pour le réanimer et faire chauffer l’eau pour le thé, elle risque son pied hors du lit, aussitôt ses orteils se rétractent instinctivement, pris en étau, la peau fine de la cheville légèrement violacée du sang figé en plaque par endroit, elle s’effraie de la température à laquelle le corps ne parvient plus à fonctionner, le sang à circuler, est-ce qui lui reste suffisamment de forces avant le retour de la vieille Marta, si elle pouvait se lever, ne serait-ce que pour sentir le sol ferme sous ses pieds, est-ce qu’elle tiendra sur ses jambes flageolantes à force de disette, elle avait eu beau fouiller les placards ces derniers jours et tout le mois durant monter jusqu’au grenier pour inspecter les moindres recoins des granges, elle n’avait trouvé que quelques sacs de blé éventrés sur le sol, c’était quand elle avait eu peur de la vieille Marta qui, en colère, avait tapé rageusement du pied à la vue des provisions qui s’étaient amenuisées et des rats enragés par la faim qui couraient sous les combles, Marta qui s’était imaginé chasser les corneilles à l’aide de pièges, pour sûr qu’en rentrant dans quelques heures du village où elle est partie chercher de l’aide, elle ne tarderait pas à aller voir si les

pièges avaient pu attirer les oiseaux, même si, eux aussi, à force de piquer la terre gelée, eux aussi n’avaient qu’une fine peau recouvrant leurs os, l’air devient plus coupant dans la chambre, la température doit encore baisser dehors, les mois les plus durs sont loin d’être terminés d’autant qu’il lui semble que depuis que la ferme s’est vidée des derniers occupants qui sont récemment partis plus à l’est, là où la terre encore molle s’enfonce sous les pas, le temps s’est considérablement étiré, jusqu’à avoir du mal à se rappeler du nombre d’années passées ici où elle n’avait pas voulu laisser Marta trop vieille pour quitter sa ferme, ici où elle attend chaque semaine que le train déverse de nouveaux arrivants qui, comme elle, ont cru en la possibilité d’une vie meilleure ici, loin de la ville, à l’abri des conflits qui rongent les frontières du pays, est-ce qu’il n’est pas déjà trop tard pour rejoindre ceux qui ont fui vers l’est.

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Calfeutrage recouvraient chaque branche. Clotilde distingua même quelques feuilles pointer le bout de leur nez. Une nouvelle fois, cet Clotilde se terra dans sa chambre et se roula en boule sur son lit. Elle n’en pouvait arbre avait réussi à traverser l’hiver. Elle eut l’impression qu’il reprenait vie. Sa riplus de ce tapage dans le salon. A chaque gidité et sa robustesse l’impressionnaient. dispute, ses parents faisaient un boucan Elle voulut l’enlacer dans ses bras. Une pas possible. Son père déclenchait toujours le premier les hostilités. Cette fois-ci, larme coula le long de sa joue gauche et vint mourir dans le coin de sa bouche. Elle il reprochait à sa mère de s’absenter de la quitta la fenêtre et ouvrit son armoire. Elle maison sans raison. Et surtout, de ne pas rentra dans revenir suffisamment à l’heure pour préla penderie Elle resta un moment plongée parer le repas du midi. Clotilde connaissait le scénario par cœur. Son père finirait et referma la dans l’obscurité. Puis elle hurla par remporter le morceau. Il criait en effet porte sur elle. de toutes ses forces. Elle resta un beaucoup plus fort et pouvait même se servir de sa force physique en cas de forte moment plongée dans l’obscurité. Puis elle hurla de toutes ses forces. Quelques résistance. Clotilde se boucha les oreilles minutes plus tard, son père entra dans la pour ne pas entendre la violence verbale chambre. Il l’appela mais elle se tut. Il la à travers la cloison. Elle tenta de rêver à d’autres parents comme elle le faisait sou- chercha rapidement, regarda sous le lit, vent la nuit seule dans son lit. Il lui suffisait puis repartit. Clotilde sortit de sa cachette. Elle s’approcha de son bureau et saisit pour cela de fermer ses paupières. Mais cette dispute était trop bruyante pour son sa chaise. Elle la plaça sous sa fenêtre, grimpa dessus et ouvrit en grand les deux imaginaire. Elle se releva et regarda par battants. Elle monta sur le rebord et la fenêtre. L’arbre en face de sa chambre se mit debout dans l’encadrure. Elle était toujours là, immobile. Ses parents l’avaient planté à sa naissance, il y a 7 ans. ferma les yeux et inspira lentement. En ce début de printemps, des bourgeons Des effluves des branches de l’arbre en

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plein bourgeonnement pénétrèrent dans ses narines. Elle respira très profondément pour faire circuler ces odeurs dans son corps. Elle les sentit tournoyer en elle mais fut rapidement prise de vertige. Clotilde manqua de tomber et rouvrit les yeux. Elle fixa cet imposant arbre et lui sourit. Puis elle redescendit dans sa chambre. Elle fouilla sous l’oreiller de son lit et attrapa une lampe de poche. Puis elle saisit un livre caché sous son matelas. Le rythme de son cœur s’accéléra en caressant la couverture de ce roman. Elle savait qu’il ne lui restait plus qu’une trentaine de pages à lire avant de terminer ce Club des cinq. Il contait les aventures de ces quatre enfants et leur chien partis à la conquête du trésor de Roquépine. C’était

l’un des derniers de la série qu’elle n’avait pas encore lu. Comme tous les autres, elle l’avait emprunté à la bibliothèque. Elle râpa sa langue contre son palais rien qu’à l’idée de reprendre la lecture. Une importante quantité de salive se forma dans sa bouche. Elle eut l’impression de sentir à nouveau les odeurs de son arbre enfermées en elle. Clotilde pénétra à nouveau dans sa penderie et ferma la porte sur elle. Elle alluma sa lampe et s’assit dans ce minuscule espace. Elle ouvrit grand ses yeux et dévora chaque phrase jusqu’à la dernière. NIKOLAS LOUIS

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F

outre à

F

ukushima.

Pierre-Clément Julien

nouvelle récurrente et obséInstallé devant ma webdante qui venait du Japon. cam, je pliais mon linge L’émotion m’avait submergé fraîchement lavé devenu sec. J’exhibais mon sexe à la d’iode et de césium. Je n’avais terre entière sur ce site de rien compris à ce déferlement médiatique. Ma seule énergie cul dûment nucléarisé. Je les savais derrière à me mater. se focalisait sur ce pliage de ces rouges serviettes de toilette. J’aimais les faire baver, les Elles me parlaient. Elles me faire mouiller. Ils ou elles me disaient que seul, j’existais. reluquaient, me scrutaient Je me lavais avec, puis les dans un désir purement virtuel. Je paradais dans retrouvais anesthésiées dans le tambour de la machine à le plus simple appareil. Ils avaient ainsi l’avantage de laver. Putain ça ressemblait à une méga réaction nucléaire. ne pas sentir la puanteur de Mon esprit sous pression ma chambre dans laquelle je se lamentait de tant de m’étais branlé toute la nuit passée. Je mettais à nu mon radioactivité échappée. Je ne pouvais plus me branler ego quelque peu détrempé tant que j’avais déjà donné. dans la naphtaline. Au petit matin, mon esprit malin La révolution allait passer, et moi, inexorablement j’allais ressemblait aux dégâts provoêtre zappé. qués par l’attentat de Lockerbie. J’étais anéanti par cette

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© Pierre-Clément Ju


ulien

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© Hequet-Vudici

Camera obscura...

Je suis au téléphone, et parle d’hier soir. Je me souviens de tous les détails, j’y suis encore ... Là, dans une solitude discrète, à l’intérieur de la chambre, je regarde. J’imagine ce corps que je croyais connaître. Je le touche. Je me regarde le toucher. Se deviner à travers un miroir déformant. La surface du verre. Entrevues. Constat du contact de ma peau sur ma peau.

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Géographie tactile. Découvertes... Une fois développée la pellicule attestera. Le geste aura été. D’ici là, elle contient, recèle, détient en son étendue plusieurs traces perforées. Empreintes qui attendent enroulées sur elle-même. Miroir presque “différant”. Les gestes d’alors existent bel et bien! En mes souvenirs, mais déjà hors de moi-même. Captés, ils attendent, enfermés au-dedans. Rouleau de pellicule. Petite boite. Son ouverture n’est peut-être plus nécessaire… Hier soir, J’ai pris quelques photos de moi, disais-je à cet ami. La pellicule exposée était là, près du téléphone…

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Š Hequet-Vudici

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CHAMBRE CLAIRE... du regard couvrir parcourir et toucher du regard atteindre contenir essoufflé du regard quels désirs? du regard correspondre. figure toi encore. Orange ton regard distance affleurement mots ou coeur espace béant une porte touchée juste avant le sommeil. 51


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Š Hequet-Vudici


S

eul dans la chambre PAULAIN RADICI Je suis seul dans la chambre, installé à mon bureau. Par la fenêtre devant moi je peux voir une portion non négligeable (j’habite au vingt-cinquième étage de mon immeuble) de cette ville tentaculaire qui semble constituer tout le paysage partout où le regard s’étend. Même

le ciel, cet infini courbe, se fait coloniser par les couleurs grises, métalliques de la cité, devient le pendant aérien de son macadam. En bas, il y a les linéaments tortueux des routes et des voies rapides, les fulgurances des panneaux publicitaires géants et des enseignes lumineuses. Un immeuble à peu près semblable au mien – je dis à peu près mais il l’est peut-être entièrement – se dresse en face, si exactement en face que seule la perspective me permet de distinguer vaguement ses deux façades latérales. Les vitres sont couvertes de reflets grisâtres. Seule celle de l’appartement d’en face me laisse voir au travers une pièce, meublée sensiblement comme la mienne d’après le peu que qui m’en paraît. Coïncidence, j’aperçois dans cette chambre, qui me tourne le dos, un jeune homme penché sur son bureau ; il est en train d’écrire ou de dessiner et de temps à autre il regarde devant lui et semble rêver ou chercher l’inspiration. Il a l’air un peu jeune pour être aussi studieux, mais après tout, d’ici, je vois

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surtout sa nuque. Peut-être s’enflamme-t-il dans un poème pour sa belle. Peut-être a-til quelque dissertation ennuyeuse à rédiger pour le lendemain. Peut-être écrit-il une de ces lettres longues et embuées de souvenirs que l’on envoie à un vieil ami perdu de vue depuis une éternité. Si je devais écrire une de ces lettres j’ignore quels souvenirs j’invoquerais. Il me semble qu’il n’y a rien eu d’autre que cette petite chambre et la solitude dans la ville immense – en suis-je jamais sorti ? De cette ville ? De cette chambre ? A trop vouloir me rappeler je ne fais que m’embrouiller avec des détails. Des images surgissent… De quand datent-elles ? Des gens prennent la parole… De qui s’agit-il ? Cette phrase, l’ai-je imaginée, entendue ou bien lue, il y a longtemps ? Peut-être l’ai-je déjà écrite. Je ne sais plus. C’est pour ça que je tiens ce journal chaque jour. Mais à quoi cela peut-il servir, si je ne regarde pas la page du jour précédent pour vérifier que je ne réécris pas toujours la même rengaine. Et si je regardais, et que je retrouvais mot pour mot ce que je viens d’écrire ? Alors, quoi ? […]

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Il pose sa plume et s’arrête un instant, le regard fixé sur le journal. Il tourne la page de gauche vers la droite. C’est la page d’hier qu’il a maintenant sous les yeux. Pendant qu’il lit, dans l’appartement d’en face, dans la chambre, accoudé au bureau, le jeune homme – qui lui tourne toujours le dos – s’arrête d’écrire. Auparavant, il avait considéré longuement la fenêtre qui lui fait face et d’où il peut voir une portion non négligeable (il habite au vingtcinquième étage de son immeuble) de la ville tentaculaire. Il avait écrit un certain temps sur son journal et, maintenant qu’il a déposé sa plume, il s’apprête à tourner la page de gauche dans le sens inverse de la lecture comme s’il voulait vérifier une information écrite la veille. Juste avant qu’il ne tourne la page on a le temps de lire les premiers mots écrits en dessous de la date d’aujourd’hui : Je suis seul dans la chambre, installé à mon bureau. Par la fenêtre devant moi…


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Š Camille Philibert


Dans le flottement entre deux

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Š Elisabeth Couteller

Elisabeth Couteller


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© Robert Grabczan

ROBERT GRABCZAN

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Être seul dans une chambre (et non pas dans une salle, un cloître, une prairie ou l’océan)

c’est être en condition concentrée attentive créative

c’est être dans son silence intime

les murs et les choses commencent à nous parler : - ouvre-moi, je suis un livre - dessine-moi, je suis une feuille - gratte-moi, je suis une guitare - mange-moi, je suis un fruit - regarde-moi, je suis une fenêtre elles sont mémoires et souvenirs ; dépôts d’une trace

comment - en tant qu’architectes pourrait-on représenter le silence ?

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Ô MOUSSON, RENONÇONS

Texte de C

amille Ph

ilibert

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Š Tibor Lamoth

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Incursion Endormie sur des montagnes de papiers comptables de mes mots, je succombe à la beauté inouïe d’un monde éblouissant. Je m’y perds dans des rues qui dévalent des collines foisonnantes, au milieu d’hommes et de femmes en marche. Les petites maisons bordant ces rues se transforment sous mon regard en palais de métal transparent et de stuc rose. Elles descendent toutes à la plage ; la mer, violette, est encombrée de goélettes et de minuscules embarcations. Le ciel bien trop clair virevolte au-dessus des mouettes. Le soleil est-il au zénith ? Sa lumière, à l’aplomb des bateaux, est bien trop vive pour que je puisse le situer avec exactitude. Maintenant, tous agitent des drapeaux et des fanions aux couleurs chatoyantes et inconnues de mon œil, qui changent selon la direction du vent. L’air est chaud, portant des crépitements d’armes, des grondements de canons et des rumeurs d’orages encore lointains, mais personne ne s’en inquiète. Au contraire, chaque salve déclenche des « hourras » dans la foule. Serait-ce l’approche de combattants amis ? Des bataillons d’enfants paradent sur les trottoirs, montés sur de petits chevaux racés qui filent à une vitesse incroyable.

possession de la ville aux palais miroitants et aux plages de palmiers en terrasses. Je suis éblouie par la beauté de ces hommes et de ces femmes, vêtus de tissus légers qui flottent sur des corps puissants et des membres déliés. Ils portent tous de longues chevelures, en tresses tombant sur leurs reins, ou librement flottant au vent. Leurs yeux sont noirs, doux et profonds. Certains se tiennent par la main, d’autres lèvent la tête au ciel, tous chantent. Je ne comprends pas ces chants, mais leur harmonie étrange me donne envie de pleurer. Je me réveille sur mes monceaux de papiers. Le chant du peuple des rêves résonne à mes oreilles, mais leur monde m’est désormais fermé. La pluie tombe doucement sur les carreaux, laissant passer une lumière aux reflets d’ardoise entre les gouttes. Je regarde, hébétée, les quatre murs jaunis de ma chambre, la fenêtre aux carreaux crasseux. Dehors, un camion benne passe ; puis une ambulance ; les lampadaires sont encore allumés, fouillant le ciel lourd de leur lumière orangée. Je repousse les papiers en tas au pied de mon lit et j’essaye de me rendormir. Pas moyen. Alors je prends une feuille sur le tas, un crayon qui traîne à terre, et j’écris. _______________________ Françoise Campo

Est-ce une fête ? Un peuple en liesse prend

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Au milieu des infinis, il y a le zero.

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et blanc, mélange zéro risque, des couleurs antipodes qui font bon ménage, n’aurait-il pas l’air un peu ridicule ? Dans la penderie obscure les vestes à l’endroit pendent dans un recoin isolé ; la noirceur de son blouson à mille lieux de sa main amorçant un geste annihilé la seconde suivante.

Pierre se laisse tomber de tout son long sur le lit, il attend, se lever trop dur. Il démarrerait bien un décompte de secondes comme avant un départ de fusée, le défilé des nombres l’apaise. Ses paupières pâles se ferment, il dérive à la surface d’eaux lourdes, pile au milieu d’un fleuve sablonneux parsemé de quelques minuscules îles, rives aux détours arrondis, il flotte, (ses fringues sortiraient de la penderie de leur propre chef, le casse-tête de devoir choisir, quoi mettre, ce qui irait avec quoi, se brise...). Les femmes remarqueront forcé-

© Axel Tissandier et Deborah Gintz

F

ini de veiller avec le soleil avant cette fête, c’est sûrement par erreur qu’Eléonore l’a invité. Dans cette pièce au plafond bas et aux murs violets, flotte une odeur de banane mûre qui déconcentre le jeune homme. Sans compter les crocs qui poussent, sa fringale qui s’est muée en faim cet après-midi. Faut qu’il se secoue. Deux jours à mariner dans l’éventualité de se faire beau pour cette soirée, que la porte a claqué, sept heures qu’il n’arrive pas à traîner sa longue carcasse dehors, à faire ne serait-ce qu’un pas dans le couloir. Deux jours qu’il scrute des vêtements tombant des cintres, peaux de trophées en coton fraichement dépecées, sans arriver à choisir un truc qui ne serait que mettable, n’importe quoi qui emballerait proprement sa viande avec style, voir même une allure appétissante de bonbon. Il recompte les pantalons, les chemises...Pull blanc avec gilet noir ou tenter un blouson ? Noir


Installation bless you de Sylvie Kaptur Gintz

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...

... ment un bouton à moitié cassé, un ourlet pas à la bonne hauteur, elles ont les yeux aiguisés. Buzzbrrr. Et verront tout de suite son incapacité à être dans le coup. Celles qui ne le ratent pas de leurs sourires de souris navrées et de leurs clignements de cils charbonneux. Pouvoir passer dans cette fête en mode furtif, bien dans des baskets invisibles, jaugé par aucune, quel plaisir ça serait. Si une fois, seulement une... profiter de leurs rires, ne plus être nul... De l’appartement du septième s’élève une chanson énervée : - Malade, est-ce que je suis malade ? Et pendant ces cinq dernières années, j’étais sorti d’ici ici, à l’intérieur de ce cerveau qui s’écoule dans la société, injectez-le dans vos veines. Se fait pas chier le parolier pense Pierre en se fixant ses pantalons. Encore cette saveur sucrée du hors-jeu, chaque fois qu’il est invité à une fête de filles, ses épaules se creusent. Bzzbrrr bzzbrr, répété, régulier, ça vibrillonne, une palpitation rèche calée sur la batterie de la chanson... De l’endroit isolé sous le sommier, de sa noirceur s’extrait une libellule qui s’élève vers une bulle d’air flottante, annihilant ses angoisses.

H

orizontale, papillonnante, miroitante, elle le dépasse en apparition suspendue au milieu d’un halo pailleté. Puis stagne avant qu’une petite brise l’aspire sèchement et la colle au plafond. Le jeune

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homme sursaute, tire en grand les rideaux, ouvre fenêtre et volets, chope le premier pull qui lui tombe sous la main, (pas mal ce violet, ne jurerait-il pas avec le gilet noir ?). Le vrombissement des ailes redouble, l’insecte aux reflets d’arc-enciel bloque son vol sur-place. A l’intérieur des oreilles de Pierre, de petits marteauxpiqueurs attaquent les tympans. De la cour extérieure une colonne de poussières moites s’engouffre dans la chambre, le fait hoqueter. Il ferme les yeux pour visualiser l’emplacement exact de la fenêtre, de la penderie. A quelle distance se maintient la libellule, il inspire l’air délétère. Paf ! Coup énergique de pull sur la bourdonnante. Quel silence. Il inspecte sous le lit. Le plancher vitrifié lisse telle la surface d’une mer morte sans trace de vie ni d’insecte. Sous la commode non plus. Un soupir lâché en claquant la fenêtre. S’allonger. Ses pupilles dilatées dérivent sur le plafond. A l’encoignure de la porte une craquelure grise n’est-elle pas en train de s’étendre ? Sous peinture et enduits, du béton, et dessous ? Du béton, des parpaings, est-ce qu’ils se servaient de pierre à l’époque de la construction, cette vieille époque où ses parents se sont rencontrés à une projection de la Nuit des morts vivants ? Réalisé par Romero, ça doit être ça, un nom de moulin à vents grippé. Il tend le bras pour rabattre les rideaux entièrement. Il est au fond d’une mine de charbon ou ses yeux se sont collés


? Si ça se trouve, ses paupières se sont rabattues sans qu’il le veuille, faudrait les soulever même si ça doit bouffer le reste de son énergie molle, son esprit fatigué lance une minuscule impulsion dans la direction des yeux. Les ouvrir, soulever leur peau de plomb. Devant, une indéchiffrable nuit vide. Ses yeux, n’étaient-ils pas déjà ouverts. Une petite peau sablonneuse frémit-elle sur les pupilles ? Peut-il regarder le noir sans être aveuglé par la pénombre ? L’isolement, l’annihilation poisseuse de noirceurs métamorphosent l’obscur en endroit dont on ne s’échappe pas.

V

ite, démarrer un décompte de secondes. Ça peut calmer. Il glapit intérieurement jusqu’à deux cent cinquante, il repart en arrière, cent soixante quatre, vingt huit...Arrivée haletante de neuf, une étendue lumineuse sous lui, à sept un vent cingle sa joue gauche alors que ses jambes fléchissent, sous ses pieds un tremplin verglacé, une immensité blanche filant à toute blinde... à cinq relever le menton pour ne plus être aspiré par la glace, une bruine dégringole du ciel, à trois que vertige... tomber comme ces gouttes froides qui le transpercent, à zéro rien d’autre que l’air

pour le soutenir. Où tombe sa carcasse ? Ark ! Le dos encaisse tout le choc. Bois puant la marée. Des cordes, il en pleut des paquets, qui dégoulinent du mât et sur son visage. Que cette fois ses yeux soient grand ouverts (sa main à couper) il n’y voit goutte. Ouvrir la bouche pour boire la pluie tiède, déjà ça dans son estomac qui rétrécit. Un picotement sourd au niveau du plexus, l’impression qu’une autre tempête s’approche. Silhouettes de chats tapis, deux îles se rapprochent dans le rythme lent de l’étranglement noirci des eaux. La route du retour, comment la repérer ? On l’a visiblement attaché au mât avec un assortiment de nœuds compliqués, ses poignets sont trop serrés, il hoquète. Rien dans le bide, et paradoxalement la sensation qu’il est en train de se détacher de choses qui encombraient sa vie. Pas besoin au moins de se demander quels habits mettre pour sortir. Un rire entre ses lèvres. Il paraîtrait qu’aux alentours de la zone traversée, sévissent des créatures aux mots envoûtants, aux chants clairs. (Sans déconner, on va où là ?). Têtes de femmes sur corps de mouettes, incapables de s’élever dans les airs, ailes coupées. Certaines aux longues chevelures noires, d’autres chauves. Des faces plus blanches que la neige, des yeux invisibles tellement ils sont enfoncés dans des orbites verdâtres.

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...

...

Elles se déplacent en trainant leurs pattes maigrelettes qui raclent le sol. Ce qui sort de leurs gosiers attire comme des diamants cliquetants. Pour sauver sa peau, faut les ignorer en se bouchant les oreilles, et le plus important : ne pas craindre de les craindre. De leurs bouches défaites aux sourires désolées, des mélodies glapies : - Donnezmoi des grenades manuelles, donnez-moi des lames de rasoir, donnez-moi quoi de quoi faire la douleur partir. Elles trônent sur des collines d’os brisés, de tendons, de colonnes vertébrales, des monceaux d’osselets, des charniers de nerfs des têtes coupées, restes de marins égarés et déchiquetés par le tranchant des brisants. Bien qu’attaché et les tympans sans protection, Pierre n’entend que la vibration du vide. Rien. Ni chant des créatures, ni même du vent. Ventre affamé n’a pas d’oreilles. Personne ne dénoue ses cordes, elles sont tranchées par un homme qui fredonne d’une voix grave : - Parlez de ces pilules qui n’agissent pas, parfois elles me rendent plus mauvais. Et maintenant je descends lentement dans cette satanée évacuation. Une tache sombre surmontée d’arbres encore loin, la pluie s’est arrêtée, bzzzbrrr fine onde sonore à faire s’envoler ou repousser les masses sombres des moussons futures, à trouer l’espace au dessus de son crâne. A mille lieux de l’isolement dans plusieurs endroits de son cerveau, les chanteuses annihileront l’obscur qui

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se met en branle

dans la noirceur du champ

métallique

rien

délié débarrasser, sans pas glissé,

l’obstacle c’est lui avancement

et ce

Installation “bless you” de Sylvie Kaptur Gintz


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Š Axel Tissandier et Deborah Gintz


...

...

buzzbrrr qui découle

voler nœud pas

allongé sur un matelas écarquillement des yeux sombres, à bout son esprit sans but au croisement d’infinis contradictoires, pile au milieu, se reprendre presto. Il appuie sur l’interrupteur et fouille entre les vêtements flasques, pas ce costume gris choisi par Eléonore, il atteint la pile de tee-shirts, mille-feuilles de coton rêche, sa main revient vide, mauvaise pioche. Comment sortir de la chambre puis de la maison puis de l’immeuble à poil ? Comment les pythons changent de peau ? Est-ce qu’ils mangent des insectes ? Bzzzbrrrr d’où revient ce satané son énervant, déjà recouvert par la chanson braillarde - Main-

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tenant je suis malade dans la tête, dans ma tête de connard, les lumières sont branchées mais il n’y a personne à la maison. Et je suis assis dans mon endroit sombre seul. De loin et presque étouffé derrière la cacophonie ambiante, Pierre surprend un raclement métallique d’une insupportable régularité, un murmure derrière la porte. Doublé d’un écho nouveau. Comme des pas sur le sol. Infimes, trainants, nombreux. Des milliers de semelles qui racleraient les dalles du couloir. Pierre soulève les oreillers, la couette grise, un coup d œil sous le sommier d’où jaillit une forme légère et zigzigzagante, tache noire désordonnée, d’un noir mat presque inrepérable : une chauvesouris qui se projette dans d’imprévisibles directions contradictoires et désordonnées tandis que les bruits s’amplifient. Le jeune homme s’habille précipitamment, ça résonne de plus en plus fort, un mouvement fait palpiter le rideau, d’un bond il traverse la pièce et secoue le tissu, la revoilà en plus vrombissante, la chauve-


souris qui suit la bordure des murs, se cogne, rebondit légère. Annihiler l’obscur au milieu d’endroits clos où s’amassent les noirceurs d’une souris ailée...

Pierre se précipite sur la poignée de la porte. Sa main dégoulinante de sueur s’agrippe convulsivement sur le métal de la poignée, l’abaisse. Clic. Une lumière mate se déverse dans la chambre, ça s’est ouvert. uelques secondes pour que les yeux suivent ce point sombre virevoltant à toutes vitesses dans des directions autant saccadées qu’improbables, la chauve souris loin devant qui trace dans le couloir vers des créatures qui se déplacent en trainant la patte. Des converses rouges aux liens dénoués, des enjambées maladroites, certaines chutent et s’écrasent platement. Se relèvent. Des faces plus blanches que la neige, des yeux invisibles tellement ils sont enfoncés dans des orbites verdâtres, des bouches défaites d’où sortent des bor-

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borygmes chuintants comme des vagues. Toutes en robes de soirée recouvertes de sang. Une vingtaine de plus, on aurait pu parler de foule. Bien que leurs démarches soient d’une lenteur malhabile, elles ne tiennent pas en place. Comment les empêcher de laisser une trace définitive dans sa vie ? Ces corps désarticulés qui se trainent, de quel cauchemar sortent-ils ? L’illusion serait de se rassurer de leurs progressions d’escargot, d’espérer que courir suffit, d’imaginer que ronde est la terre. La notion de temps cramée dans leurs cervelles avides, elles le rattraperont où qu’il aille. Brinquebalements des démarches déséquilibrées aux déhanchements instables. Sauver sa peau, retourner daredare dans la chambre et s’y barricader. A quadruple tour. Incapable de remuer, Pierre s’immobilise. Cet endroit dont la noirceur inverse sa volonté autant qu’elle annihile l’espoir d’un lieu où l’obscurité serait amie. La chambre n’est plus ce refuge où suintait seule son angoisse.

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... Des mains encadrent son visage. La peau ravinée des couches de derme se décolle d’un visage de jeune fille, des squames en lambeaux dentelés s’effritent en granules retenus par des fils gluants. D’autres ont des mains sans doigts, des doigts encore baguées de diamants, sans ongles où saillent des os. Au milieu des visages des trous sans dents, filet mousseux de salives dégoulinant de boudins de lèvres gercées pendouillant sur les mentons, mains crispées sur les cous, plaques de cheveux scalpés à moitié... La lumière grise du couloir se reflète sur les quelques dents accrochées sans chanceler qui brillent de blancheurs nacrées, des perles luisantes d’un immense collier qui avance vers lui, le sautoir d’une foule de Kali. Un talon rouge racle le lino dans un chuintement qui s’étire bzzzbrrr. Tourner, décamper, filer... le plus rapidement possible. Il s’immobilise sans respirer. Plus rapide que les autres, une femme s’approche, derrière le creux de ses orbites quelque chose d’éteint s’agrippe à ses pupilles dilatées, le face-à face est rude enfin puante, elle repart. Ouf, il a fait illusion. Il frémit, quel lien entre elle et lui ? Passage à blanc. Ça lui revient, bon sang, des fils se tissent dans ses galaxies de souvenirs. Il sait comment procéder, tout s’éclaircit malgré

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l’anéantissement de ses pulsions. - Comme le mort vivant, mort vivant, connard, maintenant je suis malade dans la tête, dans la tête connard. Comme le mort vivant, mort vivant, le mot connard s’évanouit dans des grognements. Son cœur bat plus vite, requinqué il passe en mode furtif, celui qui laisse zéro trace. Il ferme les yeux avance dans le couloir, trois créatures endimanchées le choppent. Collisions de la nacre de canines branlantes et de sa joue, de son épaule, de sa hanche. Eparpillé vite fait et sans un cri en petits lambeaux sur le tapis écarlate. Zéro, dézingué, fini. Une morsure de seconde, mis en pièce entièrement. Ça ne change pas la face de la terre, en tout cas pas tout de suite. La noirceur du lieu profond et carnivore recèle suffisamment d’obscurité pour abriter la désintégration de Pierre. L’isolement de chaque morsure annihile jusqu’à l’endroit de son cœur qui dispatchait le sang dans sa carcasse. Demain, au cas où le soleil se lèverait, demain, qui aura une bonne excuse pour ne plus se lever ? Camille Philibert Citation des paroles de la chanson My dark place alone des Murderdolls


© Maï

Sans titre - MAP (Mai ANTOINE PHAM )

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Que pour mieux les fermer.

Petit soldat Tu as choisi… Quel jour au fait ? Ton esprit confus Ne peut s’en rappeler : Si c’est un combat, Tu as choisi De déserter. Au fond de la chambre, Dans la moiteur du soir, Au creux chaud de ton lit Tu broies l’espoir, Éructant des sanglots noirs Et de loin en loin tu n’ouvres les yeux

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Tu as choisi : Qui donc pourrait t’aider ? Allons, vient donc te battre, Allons, le jour s’est levé. Mais ton corps est sourd Ton cœur trop lourd : Comment les soulever ? Mais oui, c’est de ta faute, Et tu t’y vautres, Recroquevillé Sur quelques rêves enchantés, Un peu de vin, des cigarettes, Puni sans doute : Petit soldat défait. _________ Françoise Campo


© Maï

Sans titre - MAP (Mai ANTOINE PHAM )

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Š Jean-Jacques Castres


Du corps disloqué, au désir retrouvé. Jean-Jacques Castres.

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Sonnets plats soldat d’une petite chambre . son instrument . cube dans cube plus grand . de sambre / dans le sombre . hors ses appartements . où un mur est un mur est un écran . que la vue encombre / la gamme de ses activités . n’a pas été identifiée . et la lumière qui gicle / de sa petite fenêtre peut-être est un leurre . personne ne sait l’heure . ni où ni dans quel cycle.

FREDERIC FORTE

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Le placard >

Charles Lefrancq

D

ans ma chambre j’suis jamais seul. J’ai beau gueuler, hurler pour qu’on me laisse tranquille, rien n’y fait. Le pire, c’est que tout c’beau monde s’entasse dans une si petite surface. Même quand j’me range sur mon lit, que j’colle ma table de chevet au pieu, y sont tous là, s’empilant comme un Tetris, sans jamais faire de ligne. Tous en vrac. En plus, j’me fais chambrer continuellement à l’unisson, j’me prends des seaux d’injures, j’me fais cracher d’ssus à bout portant. Ils m’tapent sur le système, r’mettent en route ma mauvaise conscience, m’poussent vers la sortie, veulent m’virer de ma chambre.

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Faut dire qu’j’suis vraiment pas verni parce tout p’tit déjà, on a commencé par m’expulser avant la fin du bail. Sept mois et elle voulait déjà plus d’moi. Elle a hurlé, j’ai hurlé, on s’est souhaité la bienvenue. Et j’crois qu’j’ai crié trop longtemps les années après car j’ai vite fini au placard. Mon placard, rien qu’à moi dans l’sous-sol. Et l’matelas qui m’a servi de lit, par la suite, tenait à peine dedans. Mais comme ça au moins on s’entendait plus.

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U

n jour on est v’nu m’chercher, pas ma mère non, elle, elle était partie tapiner ailleurs. Non, des mecs que je connaissais pas qui m’ont donné à d’autres mecs


que je connaissais pas et ainsi de suite jusqu’à temps que je me barre, moi aussi sans laisser d’adresse. Ça va, j’étais p’t-être pas majeur, mais j’leur ai tendu, bien haut. Ciao.

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Ma vieille, j’l’ai plus jamais r’vue sauf que maintenant elle est là avec moi. J’sais pas c’qu’elle fout dans ma chambre elle aussi. C’est pas ma famille. Ma famille à moi c’est mon pote : Callahan. J’l’ai pas cherché longtemps, dans la rue on trouve vite les emmerdes et lui c’en était le roi. Pas de bol, le mec que j’ai tout de suite aimé est celui que tout le monde a détesté. Faut dire qu’on n’est jamais vraiment apprécié, un gun à la main. À moins de ne pas t’en servir, ça finit toujours mal. Notre premier coup a été le dernier. A flinguer tout va, on peut pas réellement imaginer se faire une bande de potes.

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C

’est ce qu’ont dû se dire les mecs et les nanas dans la banque. D’ailleurs ils sont là aussi, eux. J’comprends pas, la femme n’avait plus qu’un demi visage quand je l’ai quittée. Je savais pas qu’une balle de Magnum ça arrache tout. Je croyais que ça faisait un trou bien net. Peut-être pas d’aussi près. Enfin bref, elle est là aussi, rayonnante à me parler alors que j’essaye de dormir. Mais c’est elle qui l’a cherché, elle criait sans arrêt, j’ai voulu la faire taire mais le coup est parti tout seul. J’ai serré les poings et y’avait un doigt sur la gâchette. Elle m’regardait d’trop près avec sa tête de première d’la classe, maquillée comme si elle allait à un enterrement. Ben tu s’ras aux premières loges, ma poule !

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A

près c’est confus, les flics étaient là. Déjà là. Pourtant ils mettent du temps à venir d’habitude ; mais là, c’est comme s’ils étaient au

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n

courant de l’heure et du lieu. Callahan, il s’est fait trouer comme à la fête foraine ; en plein dans le mille. Moi rien, que dalle. Et si y’avait pas eu cette femme avec le landau qui m’barrait la route à la sortie, je s’rais d’jà loin. Mais au lieu de ça, j’me suis pris le landau dans le bide avec quatre gros bébés en uniforme de 110 kilos chacun, sur le dos. Ha bah j’ai bien hurlé, les bras pliés dans l’dos mais ils ont rien entendu.

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I

ls sont là aussi eux, ils parlent tout l’temps en même temps et ça résonne dans mes trois mètres carrés. C’est une vraie

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bouillie de mots, leurs phrases. Y’en a même un qui m’a dit sois heureux le seigneur t’attend. Mais il en sait quoi lui, il a beau m’appeler mon fils, c’est pas mon père. Heureusement que j’vais pas y rester longtemps dans cette pièce, c’est du provisoire. En plus les murs, y réduisent à vue d’œil. Comment on va faire pour tous tenir là d’dans. Demain ou aprèsdemain, on vient m’chercher et là où j’irai, j’pourrai enfin dormir tranquille. Entre quatre planches.


Š Tibor Lamoth

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Š Camille Philibert


CENTRE 23 MARC FAISAN

S

eul dans ma chambre, je fixe le miroir placé au milieu du mur blanc, il reflète un fantôme.

1 an auparavant. La première fois que j’ai vu Roséane, c’était au centre 23 dans les nouveaux ensembles administratifs de la santé intérieure. Je la remarquai parce qu’elle reniflait beaucoup. En vieil habitué de la maison je m’approchai d’elle et lui demandai. - C’est la première fois que vous venez ? En guise d’acquiescement, elle baissa les paupières. - Ne vous en faites pas, lui dis-je,

ils font les choses très bien, que vendezvous ? Elle leva une main et agita son auriculaire. J’affichai mon sourire rassurant et lui montrai ma main droite où il ne restait que le pouce et le majeur. - Tant qu’on peut l’actionner comme une pince, ça va. Regardez… Je pris un stylo et écrivis sur le dos de ma convocation « Vous avez les plus beaux yeux du monde ». Elle esquissa un sourire et me demanda à son tour. - Et vous que vendez-vous ? Je dégageai mes cheveux. - Mes oreilles, elles sont affreuses et comme plus personne ne me parle… Ses grands yeux bleus s’agrandirent encore plus. - Ne dites pas de bêtise ou peut-être

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que je parle toute seule dans ce cas c’est plutôt mon cerveau que je devrais vendre… C’est à ce moment précis que je tombai amoureux de Roséane. - Dans un quart d’heure vous m’aurez oublié alors à quoi bon conserver ces vilaines oreilles qui soit dit en passant sont camouflées par une magnifique chevelure. Elle éclata en sanglot. - Pourquoi sommes-nous obligés de vendre notre corps, qu’avons-nous fait de si méprisable pour que les grands anciens nous abandonnent ? Je la pris par les épaules. - Ils ne nous ont pas abandonnés, ils sont morts. Vous le savez bien ce sont les machines encéphaliques qui ont pris le contrôle de la nouvelle direction. Notre avis, nos émotions n’ont plus d’oreille dans l’organisation centrale alors à quoi bon conserver les nôtres ? Je lui tendis un mouchoir, c’est alors qu’elle me dit ce que je ne pensais plus jamais entendre.

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- Et si quelqu’un vous demandait de l’écouter, voudriezvous toujours vous séparer de vos oreilles ? Cette fois c’est moi qui laissai couler une larme, elle me rendit mon mouchoir. - Ne vous moquez pas… marmonnai-je. Elle me caressa la joue et mit sa tête contre mon épaule. Nous restâmes silencieux jusqu’à l’annonce de son nom dans le haut-parleur. Elle se leva et se dirigea vers la petite porte verte. J’aurais voulu l’en empêcher mais mes jambes pesaient des tonnes. Lorsqu’elle ressortit, elle s’avança vers moi et me montra sa main à laquelle il ne restait que le pouce et le majeur. - Je crois que j’en pince pour toi alors j’en ai vendu trois, tu peux garder tes oreilles encore un peu, j’ai des tas de choses à te raconter. Elle me prit la main et nous sortîmes par la grande porte blanche.


Les crédits de la vente des doigts de Roséane nous permirent de louer une villa et deux robots domestiques dans le quartier des « Grands Arbres ». Le matin quand j’ouvrais les yeux elle était déjà réveillée, c’est avec son sourire que je commençais la journée. Elle tomba enceinte le troisième mois. Au sixième mois une infection du fœtus mit en péril la naissance de « drôle de petit loustic » comme l’appelait déjà Roséane. L’opération coûtait trois mille crédits et nous avions presque épuisé notre réserve. C’est par une journée ensoleillée que je partis au centre 23. Mes oreilles n’intéressaient plus le planificateur, par contre il offrait cinq mille crédits pour mon bras gauche et son remplacement gratuit par une prothèse plus puissante et plus maniable que l’original. Aux premiers jours de l’automne, « drôle de petit loustic » nous salua d’un braillement phénoménal. J’eus à peine le temps de l’apercevoir

que les services de la restructuration infantile l’emmenèrent. Roséane voulut les en empêcher mais un nouveau décret les autorisait à prélever des organes sur les nourrissons de classe 4, nous étions de classe 4. « Drôle de petit loustic » nous fut rendu deux jours plus tard sans cornée. Roséane se noya avec lui la semaine suivante. Aujourd’hui je dois de nouveau me rendre au centre 23 pour y vendre les restes de ma pince et leur offrir un enterrement digne du quartier des « Grands Arbres ».

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Š Thierry Valencin

Photo de Thierry Valencin

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BIOGRAPHIE

Catherine Baumer, bibliothécaire, participe à des ateliers d’écriture, écrit des textes et nouvelles qu’elle publie sur son blog http://catiminiplume.unblog.fr/ et sur le blog des 807 http://les807.blogspot.com/search/label/Catherine%20Baumer Pierre Bouillé, illustrateur-plasticien numérique. Après des études à l’ENSAD (Arts-déco Paris) et un parcours collectif au sein d’un studio d’illustrateurs, travaille en solo depuis le début des années 90, principalement pour la presse-mag, l’édition et la com culturelle. Parallèlement il développe un travail personnel numérique, qu’il expose régulièrement ces dernières années à Paris et en province. contact@pierre-bouille.com et http://www.pierre-bouille.com Françoise Campo, née en 1953 à Paris, j’ai fait des études littéraires et j’ai été attirée très jeune par l’expression poétique. Après quelques années d’indécision sur ma future carrière, j’ai repris des études à l’Université Paris III et suis entrée dans l’éducation nationale où j’ai exercé en tant que professeure d’anglais. J’ai redécouvert la poésie tardivement, et je vis actuellement dans l’Yonne, où je me consacre essentiellement à l’écriture. Jean-Jacques Castres, photographe, vit à Paris. jjcastres@gmail.com Elizabeth Couteller, directrice artistique dans la pub, le marketing relationnel, a participé au fanzine Toi et Moi pour Toujours avec Camille Philibert. A exposé ses sérigraphies à la galerie art et communication en 1986. Peintre, sérigraphe et musicienne. http://www.da-couteller.com Michel Delarue photographie les murs, les fleurs et les paysages depuis toujours ou presque. Depuis quelques années, les traces, papiers déchirés et autres témoignages éphémères du street art retiennent son attention. Marc Faisan, Marco quinqua heureux, ex-héroïnomane, ex-alcoolique, ex-punk, ex-queutard, ex-vivant ! Pour vous servir mes agneaux sauvages !

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Laurence Faure, mime de formation, est aujourd’hui comédienne, formatrice et anime des ateliers d’écriture. Gestuelle du corps, du texte. Toucher la matière avec les mots. Tant de mystères passionants. Frédéric Forte est poète et membre de l’Oulipo. Il est né en 1973 à Toulouse et vit aujourd’hui à Paris. Derniers ouvrages publiés : Opéras-minute (Théâtre Typographique, 2005) ; Comment(s) (l’Attente, 2006) ; Une collecte (Théâtre Typographique, 2009). Gabrielle G., née en 1981 à Bourg-la-Reine, dans la région parisienne. Elle vit aujourd’hui à Paris et travaille comme juriste. Elle s’évade avec bonheur de l’aridité de la prose juridique en participant à des ateliers d’écriture depuis deux ans. hequet.vudici 08 / 01/ 1960 - Inlassablement questionner la représentation de l’espace… Pour cela envisager l’image comme une architecture de la mémoire avec la photographie comme outil… Et puis l’enfance ! Pierre-Clément Julien vit et travaille à Paris. Artiste plasticien et vidéaste, il explore, en mots et en images, le monde qui l’entoure. Il vient de terminer un film sur la première femme transsexuelle du Grand Orient de France : « Ma Très Chère Sœur Olivia ». piclem.magenta.productions@gmail.com Sylvie Kaptur Gintz : La nécessité de créer est une évidence pour moi ; l’acte artistique permet de multiples renaissances. Le monde, ou plus exactement l’être au monde, le fait d’être là, est l’entremêlement de mille imperceptibles histoires vécues où force et fragilité se rencontrent. http://www.kapturgintz-plasticienne.com et sylvie@kapturgintz-plasticienne.com Tibor Lamoth, architecte depuis 2007, écrit et dessine. Premier prix Fumetto Luzern du Festival International de la bande-dessinée en 1997, guide Hallen für Neue Kunst Schaffhausen, www.modern-art.ch Nicolas Lejeune, vit aux Alluets-le-Roi (78), directeur artistique. nicotheyoung@gmail.com

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Myriam Linguanotto participe à des ateliers d’écriture. Ecrit des nouvelles et des 807 http://les807.blogspot.com/search/label/Myriam%20Linguanotto Nikolas Louis est journaliste et auteur de textes littéraires. Camille Philibert écrit sur les807.blogspot.com, sur convoidesglossolales.blogspot.com, camillephi.blogspot.com et dans la revue Dyptique. Paulin Radici : “Je suis né dans le Nord, la blancheur d’une ville Solitaire accueillit mon enfance et ses cris ; Mes genoux écorchés à peine, je m’épris Des livres et des mots - une pesante idylle.” Thierry Valencin réalise et vend ses tirages dans son atelier : Atelier Valencin Photographie, 46 rue Saint-Sébastien, 75011 Paris. 06 03 01 45 62. contact@therryvalencin.com http://www.thierryvalencin.com Isabelle Faivre : vit et travaille à Paris dont elle croque les coins et les recoins avec jubilation ! Son atelier est aussi un lieu d’agitation autour de livres sculptés en papier http://isabellefaivre.blogspot.com MAP (Mai Antoine Pham) Artiste-Peintre, Sculpteur, vit à PARIS http://www.map-artiste.com Jérôme Demarquet - Graphiste-Concepteur multimédia, vit à PARIS.

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Appel à contributions pour distorsions 4. GNAQUES ! NIAQUES ! On veut des Niaques ! Faire un numéro de Distorsions dans une énergie différente, une énergie qui mord ! de rage, de joie, de plaisir, de nouveautés qui secouent pour changer du tout qui se ressemble. Gnaque : de l’occitan nhac (« mordant »). L’expression est toujours employée au masculin dans le français populaire parlé en Occitanie : avoir le gnac. “quand la niaque plante ses crocs dans le tissu du réel s’ouvre l’horizon d’un infini de miettes qui deviendront traces” dixit Pac Man Photos, vidéos, musique, textes, poésie, à vous de gnaquer ! A envoyer à revuedistorsions@gmail.com avant le 16 décembre 2011.

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