The Red Bulletin FR 09/19

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« Je réfléchis à tout. Les plus jeunes n’ont pas peur, ils le font, sans y penser. » ont été ajoutées au calendrier. Pour gagner la série, Shayna ne peut plus compter uniquement sur ses prouesses sur le circuit ovale – elle doit s’améliorer en Tourist Trophy.

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tre une star dans un sport qui a failli disparaître il y a huit ans est particulier. Premièrement, cela vous maintient les pieds sur terre. Shayna se souvient encore de l’époque où elle et les autres coureurs regardaient leurs fans vieillissants dans les tribunes et se demandaient : « Que va-t-on faire quand ils auront disparu ? » Aujourd’hui encore, Briar, elle et une dizaine d’autres pilotes seulement sont issus d’écuries bénéficiant d’un soutien total (son compagnon roule pour le team dominant Indian Motorcycles Wrecking Crew). Ils font partie des rares chanceux qui peuvent maintenant prendre l’avion pour se rendre à leurs courses au lieu d’un volant et de dormir dans leurs fourgonnettes. Mais Shayna mène toujours une vie simple et rangée. Elle et Briar possèdent une cabane de bois rond sur un terrain boisé de 2 hectares dans le village de Schnecksville, en Pennsylvanie, à seulement 3 kilomètres de chez sa mère. C’est le refuge de Shayna où elle recharge ses batteries, entre deux courses, avec sa famille, Briar et Ogio, son puggle (chien issu du croisement entre un beagle et un carlin). Toute une galerie de personnages occupe la chambre d’amis en permanence, généralement des copains du Flat Track, au mode de vie indépendant et à la recherche d’une pause dans leur #vanlife. Sur les courses, Shayna est professionnelle et s’exprime posément – sa mère avait pour habitude de passer en revue ses prestations lors de ses interviews – et il se dégage d’elle une intensité certaine. Elle est sérieuse et déterminée. « Mais un seul jour par semaine », précise-t-elle.

L

a Shayna que je rencontre lors de mon séjour de trois jours chez elle et dans les environs est d’une convivialité désarmante. Elle est ouverte, facile d’approche et parle avec l’accent traînant de Pennsylvanie (“silence” devient “sahl-ence”, “racing”, “racin” et “last”, “l-ayas-t”). Elle balance des vannes puis sourit en grimaçant. Elle est gentiment et constamment attentionnée, le genre de personne qui vous propose de tenir votre café quand vous devez aller aux toilettes de la station-service ou qui vous pose des questions sur vous et se souvient de vos réponses. D’une personne qui s’offre des sensations fortes à passer à travers une meute de motocyclistes enragés, on s’attendrait qu’elle soit intrépide et invulnérable. Mais Shayna évoque plusieurs choses qui lui font peur – qui la « terrifient », comme elle le dit. Parmi

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ces trucs qui terrifient ou ont terrifié Shayna Texter, on trouve les motos. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle n’a commencé à courir qu’à l’âge de 12 ans. De même, appuyer sur la gâchette de son fusil quand elle a tiré sur un animal à l’âge de 9 ans (elle a mis tellement de temps à passer à l’acte que son beau-père, résigné, avait rangé son appareil photo). Autre chose : la moto sur laquelle elle a couru en Twins, qui vibrait comme si elle allait exploser. Ou bien la crainte d’être kidnappée, parce qu’elle est si petite. Une dernière : faire des sauts à moto la fait flipper. C’est pourquoi nous nous dirigeons vers une piste de motocross à Millville, au New Jersey, pour y passer une journée entière. Durant l’heure et demie que dure le trajet, avec Briar au volant et son ami et compagnon de route Jake Johnson également assis à l’avant, Shayna me raconte comment cette saison, elle et son équipe se concentrent pour améliorer ses courses en TT. Elle travaille avec l’entraîneur Aldon Baker, connu pour accompagner des champions de motocross et de Supercross comme Ricky ­Carmichael. Elle a passé l’hiver dans les installations de Baler en Floride où il lui a construit un circuit d’entraînement pour le TT. Shayna a toujours fait de ­l’entraînement cardiovasculaire et de la musculation mais pour la première fois, elle suit un programme structuré qui comprend des sessions de course à pied et de vélo basées sur sa fréquence cardiaque, des poids et haltères, un plan nutritionnel qui exige qu’elle lui envoie des photos de ses repas et, bien entendu, des séances hebdomadaires de moto.

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hayna en a marre qu’on lui dise qu’elle doit s’améliorer en TT. Elle ne lit plus les commentaires sur les médias sociaux, ni les rapports de course de l’AFT. Parfois, elle veut juste répondre en disant : « Monte sur une moto, on verra comment tu t’en sors. » Mais elle sait qu’elle doit rester professionnelle. Elle sait aussi que la plupart de ces remarques sont bien intentionnées. « Je pense que tout ce que les fans veulent, c’est que je réussisse. Ils veulent que je gagne le championnat », admet-elle. Faire des sauts, comme l’exige une course en TT (où l’on tourne aussi à droite), n’est pas dans sa zone de confort, surtout après les mauvaises chutes qu’elle a faites. Pendant longtemps, elle s’est contentée d’éviter le TT. « Mais maintenant, je veux relever le défi, dit-elle. Je n’abandonnerai pas, c’est sûr. » Sur la piste, nous rencontrons Mike Lafferty, huit fois champion national d’enduro, qui est ici pour entraîner Shayna. À l’écart, je la regarde, ainsi que Briar, Mike et Jake faire des tours d’échauffement sur le vet track, plus court et moins difficile. Les gars ont l’assurance de ceux qui ont fait de la moto toute leur vie, secouant l’arrière de leur machine pendant les sauts. Shayna Texter a parfois du mal à la réception de ses propres sauts. Elle est impatiente d’en arriver au point où tout cela sera devenu naturel, où elle ne pensera plus ni à sa vitesse ni à sa technique à chaque saut. Pendant notre pause dans le parking, elle mange son déjeuner habituel, un sandwich au beurre d’amande et à la   31


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