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L’albédo, paramètre crucial pour l’architecture et le paysage

énergies. Publié le 4 avril dernier, le dernier volet du 6ème rapport du GIEC, consacré à l’atténuation et aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, rappelle que les prochaines années seront critiques : les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront atteindre un pic entre 2020 et au plus tard avant 2025 afin de limiter le réchauffement à +1.5 °C. Mais ce « bilan colorimétrique » illustre le rôle de beaucoup d’acteurs, « peintres planétaires », qui, sans le savoir, agissent sur les phénomènes naturels et finalement, l’habitabilité du monde. Une prise de conscience est donc indispensable, en amont de toute décision, et ce, quelle que soit l’échelle de la situation ou du projet.

L’albédo, paramètre crucial pour l’architecture et le paysage Pour une surface donnée, l’albédo est le rapport entre l'énergie lumineuse réfléchie et l'énergie lumineuse incidente. Cette grandeur est donc toujours inférieure à 1. L’albédo de la neige fraîche est par exemple compris entre 0.75 et 0.90, c’est-à-dire que 75 à 90% de l’énergie est réfléchie (on pourra se reporter à l’annexe pour d’autres exemples de valeur). En haute montagne, il est hautement recommandé de porter de (très) bonnes lunettes de soleil et de se protéger la peau avec une crème « écran total » : par temps clair, le flux solaire réfléchi par la neige peut avoisiner les mille watts par mètre-carré, et notre visage est alors « pris entre deux feux » : sans filtres, c’est le coup de soleil assuré (voire de brûlures sévères)

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Fonte de glace et augmentation de l’albédo À l’échelle planétaire, l’albédo est en moyenne de 0.34. Parmi les rétroactions et les boucles d’amplification du réchauffement, la fonte de la banquise est souvent citée : elle provoque en effet une diminution de l’albédo (car l’eau réfléchit moins bien les rayons du soleil que la glace), amplifie en retour le forçage radiatif, et donc une hausse des températures, qui accentue alors la fonte...

En zone urbaine, du fait de la colorimétrie des bâtiments (et surtout des voiries et des sols urbains), par la géométrie complexe des tissus urbains, le rayonnement solaire est

piégé et l’albédo est voisin de 0.1515 (mais avec de grande variation selon les morphologies urbaines et la colorimétrie des surfaces exposés). À l’échelle mondiale, les bâtiments et les infrastructures constituent 5% des surfaces émergées16. Une augmentation de +0.2 de l’albédo de ces étendues permettrait de réfléchir environ +1.7 watts17 par m². En France métropolitaine, les sols artificialisés représentaient 5 millions d’hectares18 , soit près du dixième de l’Hexagone. Ils reçoivent un flux moyen d’environ 7 térawatts19 et près de sept fois cette valeur sous un soleil d’été20. Si ces sols réfléchissaient 1% en plus de cette énergie vers le ciel, ce serait 70 gigawatts en moins en moyenne et 500 gigawatts en situation estivale21 .

En agissant aussi sur l’albédo des terres agricoles (qui représentent 52% de la France métropolitaine22), l’impact pourrait être encore plus important23, mais ces perspectives susciteront (à dessein) débats, voire polémiques, relatifs à la « géo-ingénierie solaire » 24. Il convient donc d’insister d’abord sur l’importance de l’albédo à l’échelle locale, sur sa capacité à réduire efficacement les effets d’ilot de chaleur25 .

Albédo élevé et vernaculaire : toitures et façades blanches du village d’Oia à Santorin, en Grèce.

15 Sauf pour les tissus vernaculaires en Espagne, au Maghreb ou en Grève souvent blancs, exemples cités par Philippe Rahm dans L’histoire naturelle de l’architecture 16 Fig. 435 dans Energie, Matière, Architecture d’après Scale and diversity of the physical technosphere, aires urbaines et habitat rural représentent 7.9 Mkm² soit 5% des terres émergées - https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-03475897 17 = 169 W/m² x 5% x 0.2 18 Dossiers 2021-3_TERUTI.pdf (agriculture.gouv.fr), valeur de 2018 19 Sur la base d’un flux moyen de 145 watts par m², valeur moyenne jour comme nuit et en toute saison 20 Et une irradiation pouvant tutoyer les 1000 watts par m² 21 Pour fixer son ordre de grandeur, 500 gigawatts correspondent à la chaleur corporelle dégagée par l’humanité entière, ou celle dégagée par un embouteillage géant de 50 millions de voitures thermiques 22 3.2 Identité agricole des régions − La France et ses territoires | Insee 23 Un exemple : Tackling Regional Climate Change By Leaf Albedo Bio-geoengineering - ScienceDirect 24 Par exemple dans cet article de 2008 : Hashem Akbari, Surabi Menon, Arthur Rosenfeld, Global cooling: increasing world-wide urban albedos to offset CO2, 200. Les auteurs mettaient en correspondance les corrections d'albédo avec la non-émission de gaz à effet de serre, par le truchement du forçage radiatif. La règle du pouce que j'avais retenue était la suivante : 1% de gain d’albédo sur un mètre-carré correspondait à environ cinq kilos de CO2 non émis. 25 Menard R. et al., Guide d’interaction énergie-climat, volume 2, résilience climatique, ISBN : 978-2-8760-2052-8, Egis, 106 pages, mars 2013 - https://issuu.com/elioth_groupeegis/docs/2013_guideiec2_climat