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Infrastructures et voiries → éclaircir les routes et parkings

Infrastructures et voiries → éclaircir les routes et parkings Après ce tour d’horizon sur nos transports et nos bâtiments, nos voiries mériteraient aussi un peu plus de clarté. Sur la route, et par une journée de grande chaleur, chacun a déjà observé les distorsions optiques au-dessus du bitume. Sur le tarmac d’un aéroport, sur une autoroute par grand soleil, nous avons été les témoins des mirages, rendus célèbres dans Tintin et le crabe aux pinces d’or (mais c’était dans le désert !) : l’asphalte se transforme en miroir optique, reflète le ciel par la variation de la réfraction de l’air à proximité du bitume surchauffé.

Route sous grande chaleur et mirage sous soleil

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La civilisation de l’automobile a induit l’ère de l’asphalte, puissante force d’artificialisation des sols (qui les a rendus très foncés…). C’est en quelque sorte la « double peine climatique » des hydrocarbures : principaux responsables du réchauffement climatique, l’asphalte, sous-produit du pétrole, renforce les effets du réchauffement par sa noirceur et son très faible albédo (compris entre 0.05 et 0.15). L'empire de l’automobile est un « surgénérateur du réchauffement » : le véhicule émet des gaz à effet de serre et son support, la route, amplifie les effets du réchauffement.

Les voiries nous font franchir une nouvelle échelle : 2.2 millions d’hectares de routes, parkings, pistes et voies ferrées75, soit près de trois fois l’emprise bâtie. Ces surfaces contribuent pour 37% à l’artificialisation des sols76, davantage aussi que le bâti (25 %)77 . Routes et voiries irriguent les aires urbaines, ces infrastructures sont donc très présentes au cœur des densités et portent donc une contribution importante à l’ICU. Un plan global d’éclaircissement des voiries est à élaborer, avec une déclinaison selon les modes de gouvernance : concessions autoroutières, routes nationales, routes départementales, parkings exploités par les entreprises et collectivités etc. Tandis que Los Angeles testait le blanchiment de ses voiries78, Athènes a mesuré une diminution de 4 °C de la température en

75 Et au 1.9 million d’ha des autres espaces artificialisés (pelouses, parcs, jardins, terrains de sport). Ces surfaces artificialisées non bâties augmentent respectivement de 52 % et 71 % sur longue période. 76 En France métropolitaine 77 Dossiers 2021-3_TERUTI.pdf (agriculture.gouv.fr) 78 Los Angeles : contre la chaleur, pourquoi ne pas peindre les chaussées en blanc ? - Le Point et Urban Heat: Can White Roofs Help Cool World's Warming Cities? - Yale E360

journée, par le remplacement d’un revêtement foncé asphalté (albédo de 0.04) par un revêtement blanc (albédo 0.55)79: l’impact est donc majeur.

Pour les infrastructures linéaires, pour des questions de sécurité, cet éclaircissement devra intégrer les enjeux de confort visuel et de limitation d’éblouissement, mais des gains doivent être envisageables dans la formulation des couches de roulement, en favorisant l’emploi d’agrégats clairs (à tester avec les entreprises de BTP, mais il serait assurément plus pérenne qu’un blanchiment pelliculaire, générateur de dispersion de microparticules par usure et abrasion80). Dans le cas des autoroutes, la période de remplacement des couches de roulement est d’une quinzaine d’années. Pour les parkings et les aires de stationnement, les ressorts sont plus importants encore, ces espaces pourraient être plus perméables, offrir davantage de place à la végétalisation, en complément d’une stratégie ambitieuse d’éclaircissement. Les effets induits seraient positifs, puisque les besoins en climatisation seraient réduits pour les bâtiments et les transports, « baignant » et puisant leur air neuf à proximité des couches moins réchauffés par le sol. Dernier ressort enfin, un éclaircissement des voiries concourrait aussi à une amélioration du « facteur de lumière du jour » pour les bâtiments, un gain sur l’autonomie en lumière naturelle et donc moins de recours à l’éclairage artificiel. Cette mue climatique du réseau de routes et parkings réclamera accompagnement, évolutions réglementaires, et suivi de l’albédo selon un cadastre global, où chaque entité (État, département, collectivités, propriétaires publics et privés) serait responsabilisée sur une progression, même si l’encrassement progressif de ces surfaces éclaircies sera à anticiper et à intégrer. À l’échelle nationale, le futur ministre chargé de la planification écologique territoriale consolidera cette évolution !

Planification stratégique de l’’évolution de l’albédo des sept grandes gares parisiennes sur leur emprise avec modification progressive des toits et des sols (étude AREP pour SNCF Gares & Connexions)

79 Synnefa et al., 2011 cité par p55, ADEME, Rafraîchir les villes des solutions variées, mai 2021 - https://librairie.ademe.fr/cadic/5604/recueil-rafraichissement-urbain-011441.pdf 80 Étude de l’IUCN. 35% des microplastiques primaires = usure des pneus et des peintures routières. Julien Boucher et Damien Friot, « Primary microplastics in the ocean : A global evaluation of sources », International Union for Conservation of Nature, 2017.