Q-zine numéro 13

Page 83

Et si je ne voulais pas de ce plan ? Cela voudrait-il dire que je rejetais ma famille ? Deviendrais-je la branche malade qui contaminerait tout l’arbre ? L’hétéronormativité est violente. Cette violence est présente partout, même à la maison. Trouver un partenaire aimant était censé être quelque chose de bien. Mais pour moi, une personne queer pansexuelle, cela risquait de ne pas être quelque chose d’aussi positif. Le risque ne résidait pas dans la manière dont je pourrais construire une relation avec ce partenaire, mais plutôt dans l’identité de genre de ce/cette dernier.ère. Faire son coming out remettait en question le vieil adage selon lequel la famille c’était pour toute la vie. Le rejet prouvait que les liens de parenté pouvaient bel et bien changer même si les liens du sang restaient permanents. Quand on parle de parenté, il n’est pas seulement question de sang, mais aussi d’amour, d’engagement, de dévouement, de loyauté… A un moment, la nature à elle seule ne suffit plus.

27 ANS – PRINTEMPS 2017 – METZ, FRANCE RACINES ET FEUILLES Suis-je une fin ? La fin ne vient pas, alors peut-être que je suis une fin. Pourrait-ce être aussi simple que cela ? Je ne peux pas être. Je ne peux pas être plus que cela. Je n’ai aucune explication convenable à offrir ; rien qui serait sensé. Que pouvais-je dire à cet enfant ? Ce n’était plus un enfant à présent. Iel avait fait, vu, créé, couru, crié, exprimé. Iel avait tout mis sur écrit. Quatre ans et demi plus tard, je suis plus confus/e que jamais. Je n’ai même pas envie d’être. C’est ce que j’aurais pu répondre à cet enfant. Parfois, je pense comme ça. Très souvent. Mais ça a tendance à disparaitre de plus en plus. J’ai mieux à dire. Cet enfant avait plus de certitude en 2012 que j’en aie aujourd’hui. Iel était un.e Belge pansexuel/le genderqueer (non-binaire) d’ascendance Congolaise qui ne savait pas quoi faire de la dimension familiale. Iel évitait ; iel avait peur de tout ce qui pouvait transformer sa vie en honte ou danger familial. Iel se sentait menacé.e. Iel était angoissé.e par l’idée d’une relation sexuelle ou romantique, et ne croyait de toute façon pas que cela lui arriverait un jour.

Cet enfant était en Finlande. Iel voyageait déjà entre masculinité et féminité. Là-bas, iel fréquentait la communauté trans féministe queer anarchiste végétalienne punk. C’était devenu une sorte de famille locale. Iel avait trouvé un espace pour s’autoriser à exister, pour ressentir, écrire, se poser des questions, avec des conséquences et des responsabilités à personne d’autre qu’à ielmême. C’était une structure Européenne blanche mais au moins, ne pas comprendre la langue permettait à iel de s’en dissocier. Iel pouvait réfléchir sur son existence. Juste son existence. Y compris le fait d’être un corps queer noir handicapé perçu en Europe comme féminin. Iel commençait aussi à percevoir son corps pour des raisons autres que le handicap. Iel avait l’intention de ressentir, tout simplement. Iel voulait aussi recueillir des informations pour une opération de la poitrine. Race, diaspora, nationalité, Europe, citoyenneté, famille. Rien de tout cela n’était encore clair. Ces concepts étaient beaucoup plus reliés qu’iel ne croyait. Tout ce qu’iel avait vécu… L’enfant sentait que le truc avec genre, les mots utilisés, les théories et

Numéro 13 • 82


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.