Spécial Comac :: Les jeunes et la crise

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13 octobre 2011 | 38

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? s n a ix d s n a d n o t a r e s Où e n Edito I

l y a dix ans, peu de jeunes Grecs pensaient se retrouver là où ils en sont aujourd’hui. Depuis des mois, le peuple grec est forcé par la Commission européenne d’accepter une baisse incroyable de son niveau de vie : diminutions des salaires et des allocations de chômage, augmentation du coût de la vie, licenciements par milliers, privatisations des services publics, recul sans précédent des les droits collectifs des travailleurs, etc. Derrière les chiffres, ce sont des millions de vies humaines qui sont ainsi chamboulées et oppressées. Des parcours interrompus, des perspectives détruites. Des études qu’on ne fera pas, des vocations qu’on ne réalisera pas, des emplois qu’on n’aura pas. Tout ça pour quoi ? Pour rembourser aux spéculateurs et aux millionnaires l’argent qu’ils ont prêté à l’État grec. Et pourquoi l’État grec avait-il dû emprunter autant d’argent ? Pour sauver les banques en 2008 lorsqu’elles étaient au bord de la faillite. Une faillite causée par… ces mêmes spéculateurs et millionnaires. Les plus riches organisent, en ce moment même, le hold-up du siècle. C’est un pays entier qui plonge en enfer. Et qu’ont eu à dire les jeunes Grecs et leurs familles là-dessus ? Rien. Et nous, où en sera-t-on dans dix ans ? La Grèce n’est pas un cas isolé, même s’il est le plus frappant. Tous les États européens se sont endettés jusqu’au cou pour sauver les banques. Aujourd’hui, Dexia en faillite fait à nouveau appel à l’État belge. Dans tous les pays, le débat est posé : qui doit payer pour la crise ? Et, dans tous les pays, les gouvernements imposent une réponse unique : c’est à nous, jeunes et travailleurs, de réduire notre niveau de vie, mais, en tout cas, ils préfèrent laisser les vrais (riches) responsables tranquilles. En Belgique aussi, c’est l’avis du futur gouvernement. Après près de 500 jours de négociations, on entend : « Ouf, on a enfin un accord. » Mais sur quoi se sont-ils mis d’accord en réalité ? Sur une progression

historique dans la division du pays, sur la scission de la sécurité sociale et sur le fait de nous faire payer leur crise, à travers des mesures d’austérité impressionnantes. Pourtant, le revenu des actionnaires a triplé en dix ans, et on voudrait nous faire croire qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’enseignement aux jeunes et leur donner du boulot ? Les débats de société n’ont jamais été aussi globalisés, et on voudrait nous faire croire que francophones et néerlandophones vont mieux y faire face chacun dans leur coin ? Mais comment osent-ils ? Et nous devrions être contents, car ils ont enfin un accord ? Non, ceci ne se fera pas en notre nom. Comme disent les indignés, nous ne sommes pas des marchandises entre les mains des banquiers et des politiciens. Pas d’accord de prendre le chemin de l’enfer grec. Pas d’accord de jouer notre avenir en bourse sans qu’on nous pose même la question. Pas d’accord avec l’idée qu’il n’y a pas d’alternative. Un autre monde est possible, qui ne sera pas dicté par la logique du profit. Et cet autre monde, c’est le socialisme. C’est pour cela que nous affirmons : « CHEnge the world ». Mais cet autre monde ne nous sera pas donné en cadeau. C’est pour ça que, dans ton école, ton unif ou ton quartier, il faut réagir. Dans les pages qui suivent, tu trouveras un article sur le mouvement des Indignés, des infos sur tous les débats en cours dans l’enseignement Edito supérieur et le travail syndical étudiant de Comac. Et, enfin, tu en apprendras plus sur les enjeux de la réforme des pensions et en quoi ça nous concerne directement, ainsi que sur le chômage des jeunes. Bref, voici de quoi se faire des armes pour les actions à venir.

< Aurélie Decoene, présidente de Comac

Les Indignés à Bruxelles

En route vers un 15 octobre contre l’austérité u Samedi 8 octobre, en fin de journée, la centaine de marcheurs « indignés » venus d’Espagne, de France, d’Allemagne et des Pays-Bas est arrivée à Bruxelles.

tion démocratique qu’offre notre système politique : voici les premières raisons d’agir du mouvement des Indignés. Ce rendez-vous bruxellois durera jusqu’à ce samedi 15 octobre, mais certains parlent déjà de rester plus longtemps. Au programme : des proalgré le temps, l’ambiance était au rendez-vous au parc jections, des ateliers et Élisabeth à Koekelberg, où environ 400 personnes des actions. Aux côtés ont accueilli l’arrivée des marcheurs en scandant El d’ateliers de chants chapueblo, unido, jamás será vencido. maniques, on retrouve ainsi « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des banquiers et des politiciens », « ils ne nous représentent pas », au programme tels étaient les mots d’ordre des débats de lancés en Espagne au mois de grande actualité mai. Contestation face à la sur les mesures crise du capitalisme et d’austérité en critique du manEurope, la crise que de partigrecque et les cipaluttes contre la privatisation de l’eau. Chaque soir ve r s 18 heures, place aux assemblées, où sont discutées les questions liées au mouvement. Moment phare, celles-ci attirent beaucoup de curieux. Les marcheurs espagnols ont apporté avec eux un know-how de gestion des Quelques centaines de jeunes européens sont arrivés à Bruxelles le samedi 8 assemblées qui dénote avec les octobre pour une semaine d’indignation contre les institutions européennes celles de juin à Bruxelles et à Liège. principalement. (Photo Solidaire, Martine Raeymaekers) Mais cela ne suffit pas à permettre

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aux assemblées de réellement débattre de l’orientation du mouvement et de prendre des décisions. L’heure entière de débat dimanche soir sur le thème « faut-il oui ou non laisser les médias filmer l’assemblée ? » en a rebuté plus d’un. La discussion contradictoire ne manquait pas d’intérêt, mais la recherche d’un consensus, moins. La méthode de prise de décision sera certainement un débat important, dans lequel nous défendrons la nécessité de voter quand c’est nécessaire. Car si l’on se rassemble, c’est pour agir. Comme le dit justement un article distribué avec le programme de la semaine : « L’indignation n’est que l’expression d’une prise de conscience. La réalisation de cette dernière n’est possible que par l’action. » Parlant d’action, un enjeu important des discussions sera notamment la manifestation du 15 octobre. Alors que le gouvernement fédéral vient de mettre 4 milliards d’euros sur la table pour racheter les avoirs belges de Dexia, le débat sur qui doit payer la crise se fait encore plus pressant. C’est un débat qui concerne tous les jeunes rassemblés à Koekelberg, car il vaut aujourd’hui dans tous les pays européens. Et pour cause, nous avons un ennemi commun : l’Union européenne et les grands monopoles qu’elle représente, qui dictent une politique d’austérité drastique pour tous ses États membres. Il est donc crucial d’unir les forces pour refuser de payer pour leur crise. Et cela comprend autant les Indignés que les organisations syndicales et toutes les parties du mouvement social. C’est le message que nous défendrons dans les assemblées.

< Nabil Boukili et Maxime Van Laere


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