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Changez vos idées sur le handicap !
Un séminaire de sensibilisation au handicap, à destination des étudiants de deuxième année, a eu lieu le 9 juin dernier à la faculté de médecine de Brest : notre reporter avait accepté de venir témoigner sur son parcours et son quotidien de personne avec autisme, voici ses impressions sur cette matinée peu ordinaire et riche en émotions.
8h45 : Je retrouve la pédopsychiatre qui m’avait sollicité. Ensemble, nous nous dirigeons vers l’amphithéâtre où doit avoir lieu le séminaire : les étudiants sont déjà là, ils ont beau être de futurs médecins, rien ne les différencie foncièrement des étudiants en lettres que j’ai l’habitude de côtoyer. Comme pour corroborer mon impression, les organisatrices du séminaire les font entrer et leur demandent leurs noms pour les biffer sur leurs listes On m’explique qu’ils sont obligés d’assister au séminaire dans le cadre de leur formation : autrement dit, ils n’y viennent que contraints et forcés sera médecins, alors ! » Les étudiants que j’ai en face de moi ne seront médecins que dans six ans (au mieux), mais l’arrogance n’attend pas le nombre des années et j’espère qu’ils n’auront pas la même désinvolture…
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9h10 : Le séminaire commence avec les discours des officiels, à commencer par la doyenne de la faculté. Celle-ci est obligée de à l’ordre les étudiants qui bavardent ou pianotent sur leurs bidules connectés, leur disant à quel point ils ont de la chance que des gens en situation de handicap aient accepté de partager avec eux leur expérience. Je ne peux pas m’empêcher de repenser à ce que m’avait rapporté une amie à propos d’étudiants en médecine qui avaient laissé le souk après une fiesta et avaient tenu à peu près ce langage aux gens qui le leur reprochaient : « Bah, nos parents paieront et puis dans deux ans, on
9h30 : Le premier témoin est un homme atteint de la sclérose en plaques. Il nous parle, entre autres, du jour où il a été obligé de pisser en pleine rue Jean Jaurès parce qu’il ne trouvait aucun bistrot ouvert pour soulager un besoin pressant ! Je n’ai qu’une idée vague des symptômes de cette maladie, mais visiblement, c’est vraiment très lourd. En tout cas, si jamais vous voyez un homme uriner dans la rue, dites-vous bien que ce n’est pas forcément un alcoolique… Par la suite, intervient une dame dont le fils, atteint d’une maladie génétique, est mort à neuf ans ! Je ne retiens plus mes larmes : des parents qui perdent leur enfant, ça me fera toujours pleurer ! Après ces deux témoignages assez dramatiques, j’ai peur d’être un peu ridicule…
10h30 : Après une brève pause indispensable, je prends place sur l’estrade à mon tour. Comme convenu, après une brève présentation des TSA et du syndrome d’Asperger par la pédopsychiatre, je reviens sur mon parcours en m’appuyant sur le diaporama qu’elle a préparé sur la base de ce que je lui ai raconté hier. Ayant l’habitude de faire mes conférences en me basant sur un texte rédigé de A à Z, je suis moyennement à l’aise dans cet exercice de semi-improvisation, d’autant qu’une partie de l’assistance ne peut s’empêcher de rire quand je rapporte quelques avanies que j’ai subies ! Je m’interromps donc pour leur dire que sur le coup, ce n’est pas drôle du tout et que j’ai réellement souffert. Mais je me fais pas d’illusion, je sais bien que je ne peux pas inspirer l’émotion… de l’accueil qu’elle recevra au sein du club de joueurs de dominos auquel elle est inscrite. Cette dame a beau être nettement plus âgée que moi, je m’identifie beaucoup à elle : moi aussi, j’ai appris à me méfier de tout et de tout le monde et je frémis toujours à l’idée de me rendre dans un lieu inconnu, la bienveillance et l’empathie étant encore des découvertes très récentes pour moi… C’est drôle comme on peut avoir les mêmes ressentis sans avoir le même handicap, à croire que les personnes handicapées connaissent à peu près toutes les mêmes difficultés ! En fait, les handicapés sont tous différents Mais les cons sont tous les mêmes !

11h15 : J’ai fini de parler. Il y a des choses importantes (à mon sens) que je n’ai pas pu dire, en grande partie parce que la pédopsychiatre ellemême n’avait pas jugé utile de les retenir. Un étudiant me demande si mon hypersensibilité au bruit ne me rend pas les applaudissements désagréables… Je réponds que, d’une part, quand je ne suis pas physiquement mêlé à la foule qui applaudit, le bruit est supportable et que, d’autre part, les applaudissements que je peux recevoir me font tout de même plaisir car je n’y ai pas été beaucoup accoutumé quand j’étais collégien : j’avais plutôt l’habitude des insultes et des jets de cailloux !
12h : Nous terminons la matinée avec le témoignage d’une personne malentendante : c’est aujourd’hui un homme assez âgé, mais sa surdité s’est manifestée très tôt, dans son enfance. Ce n’est que depuis quelques années seulement que les progrès science, grâce à des implants, lui permettent d’entendre aussi bien qu’une personne « normale »… Décidément, tout n’était pas mieux avant !
11h40 : À l’issue d’une communication sur les effets cumulés du handicap et du vieillissement, on nous passe un court-métrage mettant une scène une femme âgée et handicapée qui déprime à l’idée de quitter son travail (les adversaires de la réforme des retraites apprécieront…) et s’inquiète
