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Supplément gratuit au Moniteur Automobile (27/11/13). Ne peut être vendu séparément.

Gentleman Driver’s Magazine N°11

CHAMPION DE RALLYE À LA RETRAITE

SEBASTIEN LOEB

‘JE NE SAVAIS PAS QUOI FAIRE DE MA VIE’ JEF NEVE: JAZZ DE SON CRU WELLNESS # PARFUMS # GASTRONOMIE

UN PATRON BELGE POUR LE DESIGN BENTLEY

LUC DONCKERWOLKE

POUR LES FÊTES : CHAMPAGNE ET AUTRES CADEAUX

DITA VON TEESE

SEXY ET CLASSE

ÉTÉ 2014 CRÈTE

MODE # LITTÉRATURE # CULTURE AGENDA



Virilité et glamour A travers une rencontre avec la strip-teaseuse très classe Dita Von Teese et une galerie de lingerie haut de gamme et sexy, les nombreuses femmes qui prennent notre magazine en mains récolteront sans doute des idées pour terminer l’année de la manière la plus séduisante qui soit. De son côté, Monsieur ne sera pas en reste et y puisera peut-être des idées pour offrir un cadeau original à Madame. Dans la perspective des fêtes de fin d’année, une fois n’est pas coutume , les pages de ce numéro de Miles alternent donc des récits virils et des histoires glamour. Les amateurs d’automobile que vous êtes, retrouveront eux de longs récits, notamment sur le légendaire Sébastien Loeb qui a couru son tout dernier rallye le mois dernier, sur la Rolls de l’automobiles qui n’est autre que la… Rolls-Royce et sur notre compatriote Luc Donckerwolke qui a récemment succédé au Belge Dirk Van Braeckel à la Direction du design de Bentley Motors. Les amateurs d’ancêtres se régaleront d’un reportage sur le pianiste de jazz flamand, Jef Neve, dont le talent est en train de conquérir la planète et qui s’est mis au volant d’une superbe Jaguar lors de la dernière édition du Zoute Grand Prix. Pour le reste, de la mode, de la gastronomie étoilée avec le chef bruxellois Patrick Devalkeneer et du dépaysement avec un des derniers constructeurs de gondoles de Venise, un séjour de roi sur la côte crétoise et une Route du Bonheur à travers le Benelux, tracée par la chaîne de restauration volontaire la plus prestigieuse qui soit. Et bien-sûr, pour vous mettre dans l’ambiance des fêtes, quelques flacons de champagne passent également la revue. A votre santé et bonne année ! Serge Vanmaercke

Photo cover : Sébastien Loeb © Flavien Duhamel/ Red Bull Content Pool

Miles n°11 Une production de ProduPress SCA, Av. Général Dumonceau 56 1190 Bruxelles Tél. 02/333.32.60 Fax 02/333.32.10 Editeur responsable Alain Devos Av. Général Dumonceau 56 1190 Bruxelles

Rédacteur en chef Serge Vanmaercke Coordinateur général Alain Devos Secrétariat de rédaction Jean-Paul Adam, Piet Andries, Xavier Daffe, Alain Devos & Olivier Maloteaux Rédaction et collaborateurs Sylvestre Defontaine, Thijs Demeulemeester, Philippe

Desalle, Hans Dierckx, Pedro Dias, Bart Lenaerts, Delphine Stefens, Karin Van Opstal, Michel Verlinden & Veerle Windels Photographes Cath Conroy, Frederik Herregods & Lies De Mol Lay-out Bert Baekelandt & Floriane Donnet Scanning et production Geoffroy Libert

Chef de production Alain Sevenne Directeur marketing Michel Mabille - MMAB Marketing Manager John Jeanquart Directeur commercial Michel Mabille - MMAB Service publicité Bernard De Ridder

(bderidder@produpress.be Tél. 02/333.47.01) Myriam Merckx (mm@produpress.be Tél. 02/333.32.16) Comptabilité Patricia Capron (pc@produpress.be Tél. 02/333.32.36) Accueil Carine Lievens (desk@produpress.be Tél. 02/333.32.60)

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Elegance is an attitude Simon Baker


www.longines.com

Conquest Classic


Il y a de l’électricité dans l’air. La nouvelle Panamera S E-Hybrid. Les belles rencontres font toujours des étincelles. Ici, c’est le dialogue entre design et technologie qui a donné naissance à un produit parfait : la nouvelle Panamera S E-Hybrid. Avec 416 chevaux, une consommation de 3,1 l/100 km, 71 g d’émissions de CO2 et un ATN à partir de 400 € brut/mois, ce premier véhicule hybride rechargeable de Porsche offre de nombreux atouts qui en font une réussite totale, tant sur le plan fonctionnel que stylistique.

A découvrir dès à présent dans le réseau officiel Porsche.

Informations environnementales (A.R. 19/03/2004) : www.porsche.be

CONSOMMATION MOYENNE (L/100 KM) : 3,1 / ÉMISSIONS CO2 (G/KM) : 71


www.porsche.be


G R A N D E S O I T L A

V I E


N O T R E S AV O I R - FA I R E S E D É G U S T E AV E C S A G E S S E


SOMMAIRE

RUBRIQUES 12

AUTOMOBILE 32

14

80

16

Un bon plan

Hightech

Accessoires Soins et parfum

20

Wellness

Sébastien Loeb

Rolls-Royce Wraith Erdman & Rossi 38

86

MODE & CO 38

Luc Donckerwolke Chef du design chez Bentley

Dita Von Teese

22

“Strip-diseuse”

Goûts

42

24

Lingerie

Livres

44

26

Intérieur

Cinéma

46

28

Shooting mode

Musique

54

Antwrp

CHRONIQUE 30

55

Hackett

Michel Verlinden

AGENDA 95

56 86

Timberland

Les bons plans “culture”

78

Gastronomie 10

Miles

80


MUSIQUE

EVASION 74

58

Relais & Châteaux

Jef Neve

“La route du bonheur”

Le jazz et ses autres passions

90

62

Paon

68

Une nouvelle approche

Gondoles vénitiennes

Un artisan qui travaille comme il y a 600 ans.

92

Séjour en Crète

LES PLAISIRS DE LA TABLE 64 Champagne : les coupes royales

66

Piper-Heidsieck & Baccarat

68

Charles Heidsieck Se faire un prénom

70

Les vignobles espagnols

78

Chef: Pascal Devalkeneer

90

78

58

Gastronomie

74

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HIGH-TECH

PROFESSIONNEL OU PRIVÉ? Quand la technologie s’en mêle, il est souvent difficile de savoir l’usage qui primera: plutôt professionnel ou plutôt privé? Mais après tout, pourquoi ne pourrait-on prendre du plaisir en travaillant? Et inversement!

ATTENTION À LA TENSION Un brassard à placer sur la partie supérieure du bras, une application à télécharger sur son smartphone et… aucun fil entre les deux. Le tensiomètre iHealth offre à chacun un moyen facile et convivial de mesurer sa tension et d’en sauvegarder les chiffres. http://tinyurl.com/kcv3cca

Environ 665 €

DICTER ET… LIRE Un moment à tuer dans un embouteillage? Une idée de génie lors d’une promenade en forêt? Le Philips Pocket Memo DPM8200 enregistrera les mémos, discours et autres rapports ou romans que vous voudrez bien lui dicter. Et si vous installez le logiciel Dragon Naturally Speaking sur votre ordinateur, votre dictée pourra être facilement convertie en texte. Magique! http://tinyurl.com/kkxa6nl

99 €

30 et 50 €

CLÉ À MÉMOIRE

Environ 200 €

La clé USB gagne en vitesse: ce nouveau modèle de la gamme Porsche Design de LaCie offre une capacité de 16 ou de 32 Go conjuguée à la vitesse de l’USB 3.0. http://tinyurl.com/mtpq2yr

ÉPOUSAILLES LE MODÈLE

à partir de 599€ pour l’iPhone 5C à partir de 699€ pour l’iPhone 5S

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N’en déplaise aux autres fabricants, c’est toujours Apple qui représente l’exemple à suivre en matière de smartphone. Davantage que l’iPhone 5C, disponible dans une variété de couleurs chatoyantes et moins coûteux, c’est le puissant iPhone 5S qui suscite le plus d’envies. http://tinyurl.com/n8w7kdt

Pas satisfait de la fonction photo de votre smartphone? Le QX10 de Sony vient à la rescousse. Ne vous fiez pas à son apparence: c’est un appareilphoto complet (avec capteur 18 mégapixels, zoom optique 10x et même slot pour carte-mémoire) que vous pourrez «clipser» sur votre smartphone. Via une application, vous pourrez ensuite commander la prise de vue sans fil, depuis l’écran de votre téléphone. http://tinyurl.com/mageuy7


379 € pour 64 GB

130 €

PETITE TABLETTE Très maniable grâce à sa taille compacte (écran de 8,1”, soit 20,5 cm de diagonale), la tablette Iconia W3 d’Acer tourne sous Windows 8 et offre une résolution de 1280 x 800. Elle bénéficie d’une bonne autonomie et d’une riche connectique: Micro HDMI, Micro USB et MicroSD. http://tinyurl.com/lyspe38

150 €

QUAND LA MUSIQUE EST BONNE…

Environ 330 €

Récompensé du prestigieux prix Red dot Design Award 2013, le Strax XQ Pro diffuse sans fil (via Bluetooth) le son de votre tablette ou de votre smartphone. Chouette design et bon son! http://tinyurl.com/lf3eqab

DESIGN SOLIDE Conçue par Marc Berthier, cette radio de Tyhko ne craint ni chutes ni éclaboussures grâce à son revêtement en silicone. Changement des fréquences par rotation de l’antenne. Cette radio fait partie de l’assortiment design de la marque Lexon, reprise par un jeune duo belge. www.lexon-design.be 59 €

L’ÉLÉGANCE DE L’AUDIO Avec le nouveau système audio intégré NX-W5, les designers de JVC ont créé un concept véritablement différent qui lui permet de s’installer à peu près partout. Il regroupe un lecteur de CD, une radio AM/FM, un port USB pour connexion d’un lecteur MP3 ou WMA (avec recharge s’il s’agit d’un iPod ou d’un iPhone) et permet la lecture sans fil d’un appareil externe via Bluetooth. Existe en blanc et en noir. www.jvc.be

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ACCESSOIRES

CLASSIQUE, MAIS PAS TROP Oui, on aime le changement, on suit la mode et on anticipe les tendances. Mais on ne boude pas les classiques pour autant. SAVOIR-FAIRE BELGE Le Courtraisien Steven Deduytsche a choisi de réaliser l’ensemble de ses accessoires dans un atelier belge, ce qui lui a valu le label de qualité Handmade in Belgium de l’Unizo, l’Union flamande des entrepreneurs indépendants. «La Belgique est une marque solide, surtout dans le domaine de la mode, souligne Steven Deduytsche. Nous sommes fiers d’être un ambassadeur du label de qualité Handmade in Belgium. Quatre ans après notre lancement, nous avons fait le point et décidé de privilégier la qualité plutôt que la quantité.» Une approche qui se traduit par des lignes épurées, des matières nobles et de belles finitions. La marque compte aujourd’hui quinze points de vente en Belgique et la nouvelle collection compte quatre modèles pour hommes dont une besace (490 €), une mallette (675 €) et un cabas (635 €). www.sddbags.com

675 €

490 €

635 €

CHAUD AUX MAINS, CHAUD AU CŒUR

640 €

Qu’on opte pour le gros manteau ou une doudoune en duvet, si on ne protège pas les mains, le froid vous mord jusqu’à l’os. Alors, gants ou mitaines, en laine ou en cuir, l’important est de sortir couvert! www.gant.com

80 €

130 €

STYLO STYLÉ Le stylo à plume Meisterstuck de Montblanc est l’accessoire par excellence qu’on aime recevoir ou offrir. Ultrareconnaissable sans être tape-à-l’œil, son allure est d’une élégance intemporelle. www.montblanc.com

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NŒUD PAP’ Sa musique et son style ont déjà conquis l’Europe. Stromae va bientôt lancer sa propre ligne de vêtements. En attendant de voir si elle inclura son fétiche nœud papillon, on retrouve d’ores et déjà ce dernier chez Essentiel, autre label belge de renommée internationale. www.essentiel-antwerp.com

85 €



SOINS & PARFUMS

SANTÉ PARFUMÉE

ESSENCES Ermenegildo Zegna lance une collection exclusive de cinq fragrances caractéristiques. Patchouli Javanais évoque la bergamote, le poivre rose, les fèves tonka et le bois de cèdre. Mais c’est le patchouli qui prédomine.

Parfums et cosmétiques se font toujours plus purs et plus concentrés. Une noisette de crème, quelques gouttes d’un sérum ou d’un jus suffisent bien souvent à revigorer ou à parfumer la peau pendant une nuit ou une journée, c’est selon…

201 €

PURETÉ D’ISLANDE

135 €

Deux à quatre gouttes quotidiennes de Sérum Bioeffect sur le visage contribueraient à réparer les cellules pour un effet antiâge concret et visible après quatre à six semaines. L’activateur cellulaire de ce sérum est produit à partir d’orge génétiquement modifiée en Islande.

MASQUE NOCTURNE La collection Caviar de La Prairie est réellement composée d’extraits de caviar nageant dans une mer d’agents régénérateurs marins renforçant la fermeté de la peau. Le Masque Caviar Luxe Réparateur Nuit s’applique avant d’aller au lit. Il suffit de se rincer le visage le lendemain. L’oreiller sera tout propre et les rides seront adoucies.

75 €

LE RASAGE DE PARME 55 €

PARFUM MUSICAL Rhythm a été élaboré par le directeur de création de Burberry, Christopher Bailey. Ce parfum souligne le lien de la marque avec le monde de la musique, notamment via Burberry Acoustic. Verveine et basilic frais, cardamome et baies de genévrier en notes de tête. Cuir, patchouli et résine de styrax en notes de cœur. Et bois de cèdre, encens et fève tonka en notes de fond.

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262 €

La Crème Douce Pour Rasage s’applique à la main ou au blaireau. Une noix sur le visage humecté d’eau chaude suffit. Après le rasage, rincer à l’eau froide et essuyer en tamponnant. L’Huile de Rasage convient, elle, aux peaux sèches et sensibles. 55 €

46 €

Le Baume Frais Hydratant, enfin, exerce une action hydratante profonde et rétablit le film hydrolipidique partiellement enlevé par le passage du rasoir.


86 €

DU NEZ AU PALAIS

ÉLIXIR ROYAL Dsquared2 a plongé dans le monde magique des rituels secrets et de l’histoire de l’alchimie pour sa nouvelle Potion Royal Black, une eau de parfum pour homme composée de bergamote, d’encens, de feuilles de laurier, d’essence de rose, d’absolu de tabac et de bois de cèdre et d’oud. Un boisé, fleuri et épicé.

La onzième fragrance de la collection Hermessence d’Hermès - Epice Marine - est le résultat d’une rencontre entre le parfumeur maison Jean-Claude Ellena et le chef Olivier Roellinger. De l’odeur au goût, du nez au palais, des correspondances se sont créées et ont nourri la démarche créative de ces deux passionnés d’épices. Une vague d’épices mélangées à l’odeur de la mer du Nord.

170 € et 240 € avec fourreau en cuir.

PROPRETÉ PARFUMÉE Bois de rose et cardamone mélangés à un poivre chinois enrobent l’homme de chaleur. Oud et vétiver précèdent ensuite la fève tonka, la vanille et l’ambre. C’est un savon Tom Ford qui ressemble au jus du même nom: Oud Wood.

RÉMINISCENCES Prix N.C.

La collection de parfums Replica est inspirée par le principe de la collection éponyme de vêtements et d’accessoires de la maison Martin Margiela. Les trois nouvelles créations comprennent une première fragrance masculine: Jazz Club, creuset d’odeurs masculines comme le cigare, le cuir, le whisky, le rhum…

85 €

L’OUD ENCORE Des notes d’orange amère associées à la fleur d’oranger avec une touche virile de poivre noir épicé caractérisent en entrée Oud Noir, cet oriental boisé de Versace. Au cœur du jus, la cardamome et le safran épicé enrichis d’encens. Et pour les notes de fond, de l’oud entouré de patchouli et de bois de cuir.

114 €

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100 % électrisante.

La nouvelle XL1.

D’une part, il y a la XL1, l’hybride rechargeable la plus efficace du monde. Avec à peine 1 litre de carburant, elle peut parcourir 100 km et atteindre la vitesse de 160 km/h et, en mode zéro émission, elle peut rouler jusqu’à 50 km en mode tout électrique. D’autre part, il y a la e-up! Une voiture qui rend l’e-mobilité accessible à tous. 100 % électrique, la e-up! a une autonomie jusqu’à 160 km et peut se recharger en seulement 30 minutes. Ces deux véhicules participent, chacun avec leurs spécificités, à notre engagement de sans cesse réinventer la mobilité. Une philosophie qui peut se résumer en deux mots. Think Blue. Plus d’infos sur volkswagen.be

XL1 : 0,9 L /100 KM • 7,2 KWH /100 KM • 21 G CO2 / KM. Informations environnementales (A.R. 19/03/2004) : www.volkswagen.be


100 % électrique.

La nouvelle e-up!

e-up! : 11,7 KWH /100 KM • 0 G CO2 / KM.


WELLNESS

DESSEINS ANIMÉS Notre vie ressemble parfois à un dessin animé, très animé. Shebam, pow, blop, wizz, comme chantait si bien BB quand elle tenait encore des propos sensés. Mais de temps à autre, une pause ou du moins un slow motion s’impose pour accomplir ses desseins.

149 et 225 €

GLOUPS Tao Pure Infusion, 100% naturel, sans conservateurs, colorants artificiels ni sucres ajoutés est gorgé d’antioxydants qui combattent les radicaux libres. Cette boisson belge permet de s’hydrater sans grossir et elle se décline en quatre parfums: thé blanc, vert, noir ou rooibos (arbuste d’Afrique du Sud). www.taodrinks.com

BZZZZZ La brosse Clarisonic nettoie le visage en profondeur, élimine les peaux mortes et prévient les poils de barbe incarnés. Etanche, elle s’utilise aussi sous la douche. Une minute suffit pour un nettoyage complet avec une minuterie qui vous indique les parties du visage à traiter. Le modèle Mia 2 est compact. Le modèle Plus est équipé d’une brosse pour le corps. www.clarisonic.be

1,49 €

119 €

GLOUGLOU S’hydrater est essentiel, même en hiver quand il fait froid. Au bureau, dans la voiture ou à la gym, la gourde en aluminium Sigg de 0,6 l vous accompagne partout. Cinq couleurs automnales pour ur sa nouvelle collection. Rincer cer la gourde et son bouchon à l’eau chaude après chaque utilis utilisation et laisser sécher er à l’air libre jusqu’à l’utilisation utilis suivante. www.sigg.com m

19,95 €

WAOUWWW Le pèse-personne HS5 de iHealth indique votre poids, masse grasse, masse maigre, masse musculaire, masse osseuse, masse hydrique, apport calorique quotidien et votre indice de masse corporelle. Ces données sont transmises sans fil à votre smartphone ou tablette et l’app iHealth MyVitals permet de vous fixer des objectifs et de surveiller vos calories et activités quotidiennes. www.ihealthlabs.be 49 €

SNIFF Cinq à dix gouttes d’huile essentielle dans le diffuseur Drop de Physalis suffisent pour assainir l’air, décongestionner les voies respiratoires et faciliter une bonne respiration. Bon à savoir en cette période, l’eucalyptus soulage ces mêmes voies et le cajeput adoucit également la gorge. www.keypharm.com

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GOÛTS

SAVEURS HIVERNALES Les fêtes de fin d’année approchent avec leur cortège de plaisirs gastronomiques et autres. Miles a fait son marché et vous propose ici une sélection des meilleurs produits de sa besace, à offrir ou à s’offrir. CORVÉE HIVERNALE Les champignons ont beau être un régal, leur nettoyage reste une corvée. Sauf avec cette brosse de Cuisipro qui allie souplesse et rigidité pour enlever les résidus de terre sans endommager la robe des champignons. www.cuisipro.com

70 € 4,50 €

DÉCOUVERTES GOURMANDES

54 €

CHARITÉ GLAMOUR De passage à Bruxelles entre le 5 et le 7 décembre? Allez donc prendre une coupe au Bar éphémère de Moët & Chandon sur la place Stéphanie. Avec 2 € par coupe vendue, la marque et l’association Make a Wish visent à aider des enfants gravement malades à réaliser un rêve. www.facebook.com/moetchandonbelgium

FUN ET MISE EN GARDE Dan Aykroyd, des Blues Brothers, lance un spiritueux dans une bouteille atypique qui fait sourire autant qu’elle met en garde contre les abus. Sa vodka Crystal Head est captive d’un flacon en forme de tête de mort. Une édition spéciale avec double CD (90 €) célèbre les 50 ans des Rolling Stones. Santé! www.crystalheadvodka.com

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JUILLET EN DÉCEMBRE Le Fresh Express Cube & Stick de Moulinex permet de découper avec précision des cubes et des bâtonnets de fruits et de légumes. Tranches de champignons, de mangues ou de fraises ultrafines, cubes de pommes de terre et de betteraves aux angles parfaits, frites... Un outil magique pour une table d’été en plein hiver. L’essayer, c’est l’adopter. Nous l’avons fait. www.moulinex.be

130 €

Avec Taste To Treasure, Peggy Vermeylen propose, dans sa boutique en ligne, une gamme de produits gastronomiques provenant de petits producteurs découverts au cours de ses voyages. Comme ce champagne Claude Cazals, Clos 2000, dont seulement 4.000 bouteilles et 200 magnums sont produits chaque année. Livraison gratuite pour toute commande supérieure à 100 € hors TVA. www.tastetotreasure.be


La nouvelle machine Nespresso avec solution lait intégrée pour une mousse de lait délicieusement onctueuse.

www.nespresso.com/umilk


LIVRES

CLASSE ET LOISIRS L’homme actif sait ce qu’il veut faire de sa vie jusque dans les moindres détails, jusque dans les choses les plus futiles comme son look ou ses divertissements. Miles a choisi ici quelques ouvrages pour approfondir l’un et les autres. MODERNITÉ CLASSIQUE? A travers le portrait d’une petite soixantaine d’hommes conscients de leur look et de l’environnement dans lequel ils vivent, ce livre en anglais fait l’éloge du dandy d’antan, qui revient à la mode dans une société où se distinguer de la masse valorise l’individu. I am Dandy - Rose Callahan et Nathaniel «Natty» Adams - Gestalten

MOCHE OU FASCINANTE? Sous des airs faussement modestes, Bruxelles est une ville dans le vent, dynamique et moderne. Verte et colorée, elle fête le mariage de l’art, de la mode, du design et de la culture. Un guide de plus de 100 lieux où loger, boire, manger, acheter, déambuler ou explorer. Bruxelles Tendances - Anne Croquet et Laure Eggericx - Editions Aparté

INFO OU INTOX? En passant en revue de nombreux articles et bulletins horticoles parus entre 1850 et 1930, Marc Knaepen a répertorié des informations intéressantes et humoristiques sur le monde du jardinage. Il commente ces astuces d’hier, dangereuses, inoffensives ou efficaces dans un almanach du verger, potager ou jardin ornemental. Votre Jardin - Marc Knaepen - Racine

TRADITION CLICHÉ? Le couple franco-britannique Serge Gainsbourg-Jane Birkin a captivé le cœur et l’imagination de toute une génération. Ils se sont rencontrés sur un plateau de tournage en 1968 et sont restés ensemble pendant 12 ans. Le frère de Jane a photographié ces années et Taschen en publie l’album. Nostalgie. Jane & Serge - A Family Album - Andrew Birkin et Alison Castle - Taschen

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CHOIX DU SÉDENTAIRE? Il y a 60 ans, la télévision entrait dans la vie de nos parents ou grands-parents. Ce livre en compile les meilleurs et les pires souvenirs, les personnalités préférées, les grands divertissements, les exploits sportifs, les interviews inoubliables via la RTB(F)… Tout ce qui a fait rire, pleurer, vibrer, chanter devant le «poste» depuis 1953. Vos Années Télé - Elodie de Sélys - Racine


MESURE LE TEMPS. ET LA DISTANCE AU-DESSUS DE LA MOYENNE .

Portugaise Chronographe Classique. Réf. 3904: Aujourd’hui encore, on rend hommage aux plus grands navigateurs portugais, et cette montre en est aussi un bel exemple: les chif fres arabes en applique et la minuterie «chemin de fer» rappellent avec élégance sa légendaire devancière des années 1930. Mais les actuels pionniers des mers sont tout aussi bien équipés avec la Chronographe Classique. Le calibre automatique de manufacture IWC 89361 et sa réserve de marche de 68 heures

garantissent qu’elle continuera à fonctionner même par calme plat. Que vous vous soyez embarqué sur un ancien trois-mâts ou sur un yacht moderne à moteur, la technologie de pointe et le design classique de ce gardetemps montreront clairement qui est le maître à bord.

I WC . CO N Ç U E P O U R L E S H O M M E S .

Mouvement de chronographe mécanique, Remontage

heure, Compteurs des heures et des minutes réunis dans un

automatique , 68 heures de réserve de marche après

compteur à 12 heures, Fonction flyback, Fond transparent en

remontage complet, Affichage de la date, Fonction stop

verre saphir, Étanche 3 bar, Diamètre 42 mm, Or rouge 18 ct

Gilson Hilton Hotel, Anvers, +32 3 226 74 33 | Horloges Slaets Anvers, +32 3 213 50 80 | Ginotti Anvers, +32 3 231 56 92 | De Greef Bruxelles, +32 2 511 95 98 | Gilson Bruxelles, The Hotel, Bruxelles, +32 2 512 86 99 | Hall of Time Bruxelles, +32 2 539 34 50 | Heursel Gand, +32 9 264 29 29 | Gilson Hasselt, +32 11 23 10 91 | Gilson Knokke, +32 50 61 21 26 | Piron Joaillerie Liège, +32 42 23 41 78 | George Louvain, +32 16 22 28 16 | Juwelier Haesevoets Waregem, +32 56 61 07 36 | Belgian Sky Shops Bruxelles National Airport, Zaventem, +32 2 715 10 26 | J Molitor Horloger Luxembourg, +352 22 44 90 | Windeshausen Luxembourg, +352 27 44 95 91 IWC Schaffhausen, Switzerland. www.iwc.com. Pour plus d’information contacter le +31 207 110 868 ou concierge.europe@iwc.com


FILMS

CINÉMA, OPÉRA ET BALLET Il ne faut plus se déplacer à Londres, Moscou ou New York pour suivre des représentations d’opéra ou de ballet rarement en tournée chez nous. De grands complexes de cinéma transmettent ces productions modernes sur écran géant. S’inspirant de cette tendance, voici, à côté du cinéma, du ballet et de l’opéra proposés sur DVD. LÉGENDE DANSÉE On connaît les versions écrites de «La Belle au Bois Dormant», par Charles Perrault et les frères Grimm, ou la version cinéma de Walt Disney. Le ballet sur une musique de Tchaïkovski reste moins connu. Le chorégraphe anglais Matthew Borne, célèbre pour avoir fait interpréter les cygnes du «Lac des Cygnes» par des hommes, va changer tout ça… Sleeping Beauty - Tchaïkovski - Matthew Bourne - Deutsche Grammophon

KUNG FU CULTUREL Ce n’est pas du Bruce Lee, mais le lien n’est pas totalement absent. Wong Kar Wai y réunit en effet le grand maître de Bruce Lee, Ip Man, et une homologue, Gong Er. Nous sommes à la veille de l’invasion japonaise de 1936. Une histoire d’amour dans un pays plongé dans le chaos. En bonus, un documentaire de 32 minutes: «Sur la Route des Grands Maîtres». The Grandmaster - Won Kar Wai - Cinéart

HOMMAGE Homme de théâtre et de cinéma, le Français Patrice Chéreau (notre photo), décédé en octobre dernier, avait mis en scène le «Wozzeck» d’Alban Berg d’après un texte de Georg Büchner. Voici ce spectacle étonnant, dont la direction musicale, au Staatsoper, Unter den Linden à Berlin, était assurée par Daniel Barenboim. Que du beau monde! Wozzeck - Alban Berg - Daniel Barenboim - Patrice Chéreau - EuroArts

PUTAIN FORCÉE Voici l’unique opéra composé par Bernd Alois Zimmerman, «Die Soldaten», longtemps considéré comme injouable en raison des impératifs multimédias et des équipements requis. Les Salzburger Festspiele l’ont présenté l’an dernier dans une mise en scène audacieuse d’Alvis Hermanis. Le message de l’histoire de Marie et Stolzius est que jamais une putain n’en deviendrait une, à moins d’y être forcée… Die Soldaten - Bernd Alois Zimmermann - Ingo Metzmacher - Alvis Hermanis - Unitel Classica

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WAGNER MÉCONNU «Rienzi», le troisième opéra de Richard Wagner n’est pas son plus célèbre. Il a pourtant récolté beaucoup de succès lors de sa représentation au théâtre du Capitole de Toulouse dans une mise en scène minimaliste et critique de Jorge Lavelli et sous la direction musicale du wagnérien expérimenté d’origine israélienne Pinchas Steinberg. Rienzi - Richard Wagner - Pinchas Steinberg - Jorge Lavelli - Opus Arte


M ESURE ET DÉMESURE *

TONDA 1950 "ÀÊÀ Ãi ÕÛi i ÌÊ>ÕÌ >Ì µÕiÊ iÝÌÀ> « >Ì À>Vi iÌÊ> }>Ì ÀÊ iÀ mà >`iÊ Ê-Ü ÌâiÀ > ` ÜÜÜ°«>À } > °V

HALL OF TIME

AVENUE LOUISE 75R, PLACE WILTCHER’S, BRUXELLES, TÉL. +32 2 539 34 50 HEURSEL 1745 LANGEMUNT 2, GAND, TÉL. +32 9 264 29 29


MUSIQUE

MUSIQUE & POÉSIE Le phénomène des singers-songwriters de la musique folk contemporaine, ce qu’on appelait naguère des auteurs-compositeurs-interprètes, existe depuis la musique ancienne et classique. A toute époque, musique et poésie se sont nourries mutuellement dans les œuvres des plus grands. UNE STAR DU XIVe SIÈCLE Guillaume de Machaut (1300-1377) était célébré par ses contemporains comme le plus grand poète et le plus grand compositeur du XIVe siècle. Avant-gardiste musical, il composait des chansons dont le contenu interrogeait son époque. Flûtes, harpe, vielle, luth, tambourin nous font remonter le temps. Guillaume de Machaut - Mon Chant vous Envoy sous la direction de Pierre Hamon Eloquentia

UNE DÉCENNIE ACTIVE Cette Norvégienne présentée dans notre précédent numéro écrit en anglais et compose dans un langage universel. Après son récent album Songs, 32 morceaux retraçant la décennie de sa carrière, voici déjà un album d’inédits qu’il aurait été dommage de jeter à la corbeille. Ane Brun - Rarities - V2 records

NOTES AMOUREUSES

LE DÉBUT DE LA GLOIRE Loin de son hit «Les Quatre Saisons», c’est «L’Estro Armonico» qui a valu à Antonio Vivaldi une renommée qui alla grandissant. Même Bach s’est plu à transposer des concertos de cette œuvre pour le clavecin ou pour l’orgue. En voici une interprétation audacieuse et profonde. Antonio Vivaldi - Estro Armonico - Libro Secundo - Café Zimmermann - Alpha

Joseph Haydn (1732-1809), dont le mariage n’était pas très heureux, a entamé en 1789 une correspondance musicale et amoureuse avec Maria Anna - Marianne - von Genzinger, de 19 ans sa cadette. Sa sonate en mi bémol majeur lui est dédiée. Lucas Blondeel l’interprète amoureusement. Joseph Haydn - Für Marianne - Lucas Blondeel - Cypres

JUSTICE EST RENDUE Moins connu que Monteverdi ou Gesualdo, Luca Marenzio (1553-1599) est pourtant reconnu comme un des plus grands compositeurs de madrigaux. Il en a composé plus de 400 dans 24 livres dont le premier fut publié à Venise en 1580. Interprétation tout en légèreté par un groupe dévoué à ce type de musique. Luca Marenzio - Primo Libro di Madrigali La Compagnia del Madrigale - Glossa

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CHRONIQUE LA CARTE BLANCHE DE MICHEL VERLINDEN

CHABLIS SELON JAY McI Quand répondrons-nous enfin à l’injonction du philosophe Emmanuel Levinas, dont la totalité de l’œuvre nous invite plutôt qu’un moyen, comme un être plus précieux que nous-même? Il n’y a pas de fumée sans feu…

C

CARESSANTE HUMILITÉ Dans «Bacchus et moi», celui qui tient une passionnante chronique pour The Wall Street Journal jette un regard éclairé sur la planète vin. Posant des questions primordiales – «Bordeaux est-il encore important?», «La biodynamie est-elle une imposture?» –, McInerney tient son lecteur en haleine. C’est sans doute quand il évoque la région de Chablis qu’il est le plus affûté, interrogeant la notion même de terroir par le biais d’une terre de vignes emblématique du système des appellations d’origine contrôlée. L’écrivain originaire du Connecticut pose la question: «Est-il possible de percevoir le goût des minéraux dans le vin? Peut-on concevoir que les racines de la vigne puissent transmettre aux fruits les caractéristiques du sol et du socle rocheux? Si l’on assure détecter des notes iodées dans un vin issu d’un terrain calcaire qui fut, à l’ère jurassique, un fond marin, fait-on preuve d’une licence poétique exagérée? (page 71).» 30

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© Michael Cilders

e n’est sans doute pas pour demain. Il est tellement commode de lui tailler un costard à la première occasion venue, bouc émissaire de nos frustrations. En matière de vin, l’Autre, c’est l’Américain. Du moins pour un certain nombre d’observateurs. Cet incorrigible béotien qui boit son chardonnay en mâchant du chewing-gum et met des glaçons dans son pétrus. Le dernier ouvrage de Jay McInerney, «Bacchus et moi» (Editions La Martinière, 2013), devrait remettre les pendules à l’heure en la matière. Cela faisait longtemps que l’on n’avait plus lu des propos aussi pertinents sur le jus de raisin fermenté. Surprising, isn’t it? Surtout venant d’un auteur auquel on a longtemps prêté les excès cocaïnés du narrateur de «Bright Lights, Big City» («Journal d’un Oiseau de Nuit» pour la traduction française), son blockbuster paru en 1984. C’est avec beaucoup d’humilité que McInerney aborde la problématique. Cette humilité caresse l’œil. On se souvient d’un reportage sur place qui avait laissé un goût amer dans la bouche. Quand il avait été question de définir les vins du Chablisien, les experts avaient laissé éclater leur morgue considérant comme acquis le concept de minéralité qui fait pourtant l’objet d’un débat.

IODE ET SILEX Ainsi d’un œnologue pour le moins lyrique qui s’était laissé aller à entonner un couplet plus obscur que clair sur le sujet: «On peut distinguer deux grands types de minéralité à Chablis. L’une est iodée, l’autre s’approche de la pierre à fusil, du silex. Je dirais que sur la rive gauche, les crus sont terriens et correspondent donc au deuxième cas de figure. Sur la rive droite, il y a quelque chose de solaire, d’aérien, cela renvoie à une minéralité iodée.» L’homme n’était pas l’unique chantre de la région, un autre barde déclamait ceci: «Je préfère parler de minéralités

Jay McInerney, le parler vrai du vin.

«Bacchus et moi» de Jay McInerney: le bons sens à l’américaine.


NERNEY

Jay McInerney voue un culte aux vins de Vincent Dauvissat, vigneron adulé de Chablis.

DU CHABLIS ET DES HUÎTRES Résultat des courses, on avait gardé de l’épisode une certaine méfiance quant au discours franco-français sur le vin. Alors, quand on a découvert le chapitre «Le chablis, un blanc on the rocks» de Jay McInerney, classé sous l’intitulé plaisamment iconoclaste «Trips d’acide, quelques blancs et rosés pour commencer», on a laissé éclater sa joie. Particulièrement dans le passage où l’écrivain américain lâche sa vision des choses: «Je ne suis pas armé pour expliquer cette alchimie gustative, mais ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que si vous n’avez pas encore bu du chablis avec des huîtres, il faut combler immédiatement cette grave lacune (page 72).» Plus loin, il ose même une analogie musicale d’une justesse inouïe, en précisant que, sous ces latitudes septentrionales, le chardonnay s’exprime «en mode acoustique, sans ampli, dépouillé de tout ce qui n’est pas son essence, comme la version acoustique de «Layla» par Eric Clapton» (page 73). Enfin des mots sur le vin qui donnent soif.

© Michel Ferchaud

avec un «s». C’est un arbre avec des branches qui ne se ressemblent pas. Il existe une minéralité calcaire qui donne une sensation crayeuse en bouche, une minéralité salivante qui évoque le beurre salé, une minéralité épicée entre le sol et le bois, une minéralité iodée à rapprocher d’une plage envahie par le varech…» Certes, le verbe était haut et manié avec talent, mais qu’en était-il du vouzémoi? Perdu en cours de route, parti se rafraîchir le gosier à un chardonnay du Nouveau Monde. Heureusement, un expert, Jordi Ballester, enseignant et chercheur à l’université de Bourgogne, sifflait la fin de la récréation: «Malgré le flou autour de la définition de la minéralité, il semble que les vins de Chablis soient de bons représentants de cette notion… mais en l’état actuel des recherches, on ne sait pas exactement de quelle manière. Certes, il existe des dérives, elles ne doivent cependant pas faire tirer un trait sur le concept, il y a encore beaucoup de choses à apprendre. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a plusieurs minéralités et qu’elles peuvent être expliquées par la culture et l’expérience des dégustateurs.»

© Michel Ferchaud

à considérer l’Autre comme une fin

Est-il possible de percevoir le goût des minéraux dans le vin? La réponse se cache dans le vignoble chablisien.

Chablis, terroir emblématique du système des appellations d’origine.

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SPORT SÉBASTIEN LOEB

LE MEILLEUR

DE TOUS LES TEMPS? Sacré neuf fois au plus haut niveau du rallye automobile, Sébastien Loeb semble de loin le meilleur de sa discipline. Derrière son statut de légende vivante se cache pourtant un sympathique Vosgien. Miles revient sur son incroyable carrière. TEXTE: HANS DIERCK X # PHOTOS: ARCHIVES

«T

’en fais pas, encore un an

les pilotes sont doués d’un grand sang-froid dans des

ou deux et j’arrête.» Une

situations où le commun des mortels serait dépassé

phrase que la maman de

par l’adrénaline. Mais dans le genre, Loeb a toujours

Sébastien Loeb a souvent

été considéré comme un spécimen extrême. Parmi

entendue. «A chaque fois, cela devait la rassurer

les nombreux exemples qui en attestent, on se sou-

pour un certain temps», raconte le pilote fran-

vient du rallye de l’Acropole 2012, lorsque le duo su-

çais. «Me voir flirter aux limites du pilotage à 180

bit une crevaison à mi-étape. Problème gravissime?

km/h entre les arbres et les rochers, ce n’est pas

Pas le moins du monde: Sébastien gare la Citroën et

vraiment ce à quoi rêvent les mamans pour leur fils.

alors qu’il soulève la caisse à l’aide du cric, Daniel

Malheureusement, elle est décédée quelques jours

Elena sort déjà la roue de secours. En à peine une mi-

avant l’annonce officielle de la fin de ma carrière

nute trente, le binôme aux réflexes parfaitement hui-

en rallye. Elle qui a tant espéré ce moment, je l’avais

lés repart pleins gaz. Le concurrent direct, Latvala,

bien sûr mise au courant en lui promettant que cette

y connaît le même pépin, mais décide de poursuivre

fois cela n’avait rien d’une fausse promesse. J’espère

sur trois pneus. Il cassera finalement sa roue, per-

qu’elle m’a cru…»

dant de précieuses minutes à réparer et, du coup, tou-

Et effectivement, moins d’un an plus tard, en octobre

te chance de victoire. Cela dit, cette capacité à garder

2013, le rallyman français tourne la page lors de la

la tête froide comme le tandem franco-monégasque

manche alsacienne. Une révérence quelque peu om-

est réservée à une mince élite.

bragée, un peu à l’image d’une autre légende vivante du sport français, Zinedine Zidane. C’est une vilaine

CERCLE DE CONFIANCE

carte rouge reçue durant les prolongations, en pleine

De là à qualifier Loeb de personnage glacial, certai-

finale de coupe du monde de football, qui restera le

nement pas. Il dégage simplement la personnalité

dernier fait de match de Zizou. Dommage, ce sorcier

d’un père de famille réservé, un style qui, forcément,

du ballon rond a connu tant de passages plus glorieux.

détonne parfois avec son statut, en particulier en

Le chant du cygne de Loeb sonnera également comme

France, où il est l’égal d’une star du rock, d’un de-

une fausse note. A mi-parcours du rallye d’Alsace,

mi-dieu. Il possède déjà sa statue au musée Grévin

son rallye devant son public, le nonuple champion

et son titre de chevalier de la Légion d’honneur. Il

du monde perd le contrôle et prend le décor. En plein

sait s’accommoder des grands rassemblements, mais

tonneau, il adresse à son fidèle copilote, Daniel Elena,

préfère par-dessus tout la proximité de son cercle de

un «ça va?» avant de s’arrêter sur le toit et de conclure

confiance. Une fois par an, il s’offre un «petit» rallye

par un «eh bien, voilà». Clap de fin de carrière sur un

en compagnie de sa femme – et copilote - Séverine,

stupide accident. Peu de chose, finalement, eu égard à

la preuve tout récemment lors du rallye du Condroz,

la riche success story qui a précédé.

pour le simple plaisir de piloter. Cette année, alors que nous suivions ses exploits américains de Pikes

GARDER LA TÊTE FROIDE

Peak, on a souvent vu Sébastien traîner avec son fi-

Les images du crash circulent sur YouTube. La réacti-

dèle pote, Denis, qu’il avait invité en business class.

on du duo de vieux briscards des spéciales démontre

«Lorsque je pense à mes amis d’enfance qui triment

bien tout le self control et la sérénité qui les ont gui-

dans le bâtiment ou en usine, je mesure pleinement le

dés vers leur incomparable palmarès. Généralement,

privilège dont je jouis.»

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SPORT SÉBASTIEN LOEB

Premier titre mondial (combinaison blanche): le premier titre mondial en 2004 fêté dans les bras du mentor Guy Fréquelin.

Loeb avec son copilote et ami intime Daniel Elena.

‘PAS MAL POUR UN ÉLECTRICIEN D’UN VILLAGE ALSACIEN’

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S’il doit citer le plus beau moment de sa carrière, il évoque bien sûr son titre mondial décroché, il y a 3 ans, dans sa région natale. «C’était la première fois que le rallye de France passait par mon village, Haguenau. Je ne vous dis pas la pression sur mes épaules, mais j’ai tout fait pour la gérer au mieux. Quelle délivrance sur la ligne d’arrivée! Devenir champion du monde là-bas, c’était un rêve impossible. Je ne craque pas facilement, mais en retrouvant ma femme et mes amis juste après l’arrivée, je n’ai pas pu retenir mes larmes.» Dans les talkshows, Loeb n’est pas du genre à tenir le crachoir en ressortant toutes ses anecdotes; en interview, il adopte toujours la même «défense»: une main sur la hanche, l’autre qui tambourine sur sa cuisse. Il n’est pas plus démonstratif sur la plus haute marche d’un podium: pas de cris de guerre poings serrés, ni de douches de champagne. Rare

fantaisie: en 2004, il fête son premier titre mondial d’un joli salto arrière, un reste de sa carrière de champion régional de gymnastique.

QUELQUES MILLIERS D’EUROS C’est justement cette volonté de tranquillité et de sécurité qui a guidé ses choix de carrière et changer régulièrement de crémerie n’est pas vraiment son truc. Depuis que Guy Fréquelin, patron de Citroën Racing, l’a pris sous en aile au début des années 2000, il n’a plus quitté la marque au double chevron, refusant des ponts en or de Ford ou Volkswagen. La fidélité à son écurie vaut plus que tout et en tant que Français dans une voiture et une équipe françaises, Sébastien ne pouvait pas rêver plus bel environnement. Le team de Versailles évolue avec une précision suisse, contribuant à la collection de titres engrangés par son prodigieux


LES 7 GRANDS MOMENTS DE LOEB Rallye San Remo 2001 Le premier rallye mondial de Loeb au volant d’une Citroën. Dans la dernière étape, il possède une avance de 20 secondes sur Gilles Panizzi, mais devra lui laisser – de peu – la victoire. Après cette démonstration, tous les teams s’accordent: une star est née.

Rallye de Suède 2004 Depuis la première édition de 1950, aucun non-Scandinave n’avait remporté le terrible rallye de Suède. Loeb sera le premier à battre les locaux sur la neige. Seul Ogier l’a battu là-bas depuis.

Rallye de Corse 2005 En 2005, le célèbre rallye de Corse se compose de 12 étapes chronométrées. Loeb et Elena les gagnent toutes avec 2 minutes d’avance sur le second au général, Toni Gardemeister, sur sa Ford Focus. Un exemple de la cinglante domination du Français.

poulain entre 2004 et 2012. Mieux que quiconque, Sébastien reconnaît que la vie a simplement bien tourné pour lui: «Lorsque j’étais ado, alors que mes amis ne pensaient qu’aux fêtes et à draguer les filles, je passais mes loisirs à bricoler des mobylettes et, plus tard, des bagnoles. Pour être honnête, à l’époque, je ne savais pas du tout quoi faire de ma vie.» Sa première voiture est une Renault 5 GT Turbo, avec laquelle il roule à tombeau ouvert dans le sinueux alsacien, de préférence la nuit, jusqu’à ce qu’elle rende l’âme peu de temps après. En 1998, alors qu’il travaille encore en tant qu’électricien à Haguenau, il se lance dans le rallye. «Je venais de crasher ma Citroën Saxo et à peine réparée, je la pulvérisais à nouveau durant les essais d’une épreuve locale. Une période critique, car, à cette époque nous n’avions plus un rond pour la réparer

à nouveau. J’avais déjà gagné des courses, mais à cet instant précis, je me suis dit que ma carrière était déjà terminée avant même d’avoir réellement commencé.» Comme dans nombre de destins brillants, Sébastien se trouve à la croisée des chemins, souvent résumée aux quelques milliers d’euros qui séparent la voie royale d’une carrière hors du commun et l’existence paisible d’un électricien alsacien.

PLUIE DE RECORDS Le reste est déjà inscrit dans les livres d’histoire du sport automobile, voire dans le Guinness Book des records: 9 titres mondiaux, soit plus que le cumul des deux pilotes suivants dans la liste (Juha Kankkunen en Tommi Mäkinen, 4 chacun). Et puis ses 78 victoires en WRC, soit près de la moitié des épreuves auxquelles il a pris part dans sa vie.

24 Heures du Mans 2006 Sa seconde participation à la plus importante des épreuves d’endurance mondiales. Loeb est au volant d’une Pescarolo et terminera deuxième (avec Franck Montagny et Eric Hélary), derrière une Audi. Il compte bien revivre d’autres 24 Heures du Mans dans le futur.

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SPORT SÉBASTIEN LOEB

La liste est longue, quasiment chaque record possible et imaginable figure dans son C.V. Faire mieux? Probabilité très infime… L’intéressé lui-même, pourtant fils d’une prof de maths, ne tient pas une comptabilité très précise de ses succès, peu attiré qu’il est par les chiffres. La seule chose lui tenant à cœur, c’est rouler. «Je vais regretter ces moments où la voiture glisse sur du gravier ou de la neige à très haute vitesse.» Est-ce que ses compétences de gymnaste l’ont aidé? «On me pose souvent cette question, mais je pense que ce n’est pas cela qui fait la différence. Conduire une voiture de rallye est quand même une tout autre affaire que de s’agiter sur des barres parallèles… Par contre, les notions d’équilibre et de discipline acquise durant cette époque apportent une certaine aide. Cet équilibre et la capacité à se mouvoir dans l’espace sont importants, mais le feeling reste au-dessus de tout. Tout doit se dérouler naturellement et je pense avoir cette faculté.»

LE MEILLEUR, VRAIMENT? Peut-on considérer Loeb comme le meilleur rallyman de tous les temps? Sacré débat de comptoir… Croiser les époques n’est pas simple, car on se souvient, dans les années 80, des prouesses de Walter Röhrl ou d’une division de Scandinaves capables d’un talent inouï au volant des monstrueuses Groupe B. Et que dire des résultats de Kankkunen et Mäkinen, chacun quatre fois champion du monde? Au sujet de la suprématie de Loeb, on parle parfois de champ libre, dans la mesure ou l’absence de réelle concurrence lui enlevait une certaine pression; un autre long débat. Si on lui pose la question, il citera Petter Solberg, Marcus Grönholm et Mikko Hirvonen comme ses plus rudes adversaires. Mais notre compatriote Sven Smeets, naguère Team Manager chez Citroën, a un autre regard sur sa combativité: «Loeb a connu trois périodes durant lesquelles il a à chaque fois battu les meilleurs. Des stars comme Carlos Sainz et Colin McRae, puis l’éternel rival Grönholm et maintenant les jeunes loups que sont Sébastien Ogier et Mikko Hirvonen. Tout est dit: pour moi, Loeb reste bien le meilleur qu’il m’ait été donné de voir en action.» Peut-il prétendre au titre de meilleur pilote «tout court»? Meilleur que Schumacher, Senna, Ickx, Fangio, Kristensen, Moss, Prost et tous les autres? Dix experts interrogés répondraient sans doute autant de noms différents, mais en dehors des arguments subjectifs et de la nostalgie des grandes époques, aucun pilote automobile n’a pu,

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Rallye de Monte-Carlo 2007 Le champion du monde se remet d’une fracture de la clavicule et découvre sa nouvelle voiture, la C4. La période d’adaptation sera brève: le tandem Citroën-Loeb entame la saison par une victoire, la quatrième sur sept MonteCarlo remportés.

Rallye d’Alsace 2010 Le rallye de France déménage de la Corse vers l’Alsace. Devant un public en transe, Loeb y décroche son septième titre mondial, en plus du sixième titre constructeur pour Citroën. La police est là pour contenir ses fans déchaînés.

Pikes Peak 2013 Peugeot revient pour une seule fois à Pikes Peak avec Loeb au volant du monstrueux prototype 208 T16. Pour ses débuts dans le Colorado, il rafle quasiment tous les records de l’épreuve.

comme Loeb, dominer de la tête et des épaules sa

sans jamais avoir posé les roues là-bas auparavant.

discipline durant 10 ans.

Mais, débutant ou pas, il s’est imposé sans la moindre faute, pulvérisant de plus d’une minute trente le fam-

AISANCE NATURELLE

eux record de l’épreuve.

Au sujet de Sébastien Loeb, le plus frappant vient

Rarement un pilote a été en mesure de prendre le

certainement de son talent universel, son aisance

large si facilement par rapport à ses concurrents,

naturelle avec un volant. Il vient de le démontrer à

quelle que soit la discipline. Naturellement doué,

nouveau lors de la course de Pikes Peak, l’été der-

Loeb est en ce sens un maître absolu. Et donc plus

nier. Au volant d’une Peugeot spécialement dévelop-

que probablement le meilleur des pilotes depuis la

pée pour lui, il a écrasé les multiples champions de

création de l’automobile. Pas mal pour un électricien

l’épreuve, comme Rod Millen ou Nobuhiro Tajima,

d’une petite ville d’Alsace.

‘MA CARRIÈRE ÉTAIT FOUTUE AVANT MÊME D’AVOIR VRAIMENT COMMENCÉ’ 37

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GLAMOUR DITA VON TEESE

STRIP-DISEUSE En sus d’une existence scénique, Dita Von Teese (ac)cumule les projets. Créatrice de lingerie, meneuse de revue ou égérie pour Cointreau. Ce bouquet d’activités place la quadra dans une unique position d’exégète du dévêtu. TEXTE : SYLVESTRE DEFONTAINE

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U

ne poupée sortie de sa boîte. Telle est la prime impression qu’offre Dita Von Teese. Fourreau raffiné, maquillage millimétré, dentition immaculée sous coiffure figée. La prêtresse burlesque est parfaite. Pourtant, la conclusion plastifiée s’arrête net quand s’ouvrent ses lèvres cerise. Etrillant les discours marquetés, l’effeuilleuse a de la conversation, mieux: de l’esprit. Une densité inversement proportionnelle à celle de ses tenues de scène. Aux planches, Heather Renée Sweet doit tout. Née dans ce que le vulgaire nomme patelin, elle s’est construit une vie rêvée. Des clubs sordides où l’amatrice se dénudait, elle est progressivement montée en gamme. De sueur en choix stratégiques, l’Américaine est parvenue à ôter les oripeaux d’un strip-tease flétri. Loin du table dance de province, la planète goûte désormais l’effeuillage socialement acceptable. Car, à l’instar de son idole Bettie Page, Dita insinue le nu. Aujourd’hui, l’esprit Von Teese s’est aussi immiscé dans la lingerie, la cosmétique et la liqueur. Ce faisceau dessine une œuvre cohérente et inspire à l’Américaine un discours articulé sur une activité désormais plus éblouissante qu’excluante. Quelle est la différence fondamentale entre un strip-tease classique et un show burlesque tel que vous le pratiquez? Le terme show burlesque fait référence à un spectacle populaire aux Etats-Unis à la fin des années 30. Dans ces représentations sexuellement chargées, le strip-tease était le point d’orgue. Puisque l’un est une partie de l’autre, il est illusoire de vraiment les comparer. Disons que sans strip-tease, le show burlesque n’existe simplement pas. Dans le film Burlesque avec Cher et Christina Aguilera, il n’y a pas la moindre scène de nu. Ce n’est pas un show burlesque authentique. A cause de ce long métrage, les gens pensent que ce type de spectacle ne comprend que du chant et de la danse. A mon niveau, je tente de perpétuer la vraie tradition, effeuillage compris. Dans vos activités autant que dans vos tenues, on perçoit ce perpétuel souci de recadrage historique. Pour tout ce que j’ai entrepris dans ma vie, j’ai toujours voulu connaître les racines. Quand je travaillais dans un magasin de lingerie, je me suis renseignée sur l’origine des sous-vêtements. J’ai ainsi découvert les corsets, les bas et le style vintage. J’ai ensuite été engagée dans un club de strip-tease. J’ai voulu connaître son histoire. J’aime connaître le pourquoi.

Avez-vous le sentiment d’être née à une mauvaise époque? Je me sens très bien dans mon époque. J’aime la technologie, la modernité. Il m’arrive souvent de ne porter aucun vêtement vintage. Mais je reconnais fantasmer sur la machine à remonter le temps. Je voudrais surtout l’utiliser à Paris. Imaginez ce que pouvait être cette ville entre 1920 et 1930. J’aurais tant aimé me balader au milieu des calèches, des femmes aux robes corsetées, des hommes chapeautés. Enfant, vous rêviez de Paris? Je rêvais d’être danseuse étoile. Je n’avais aucune velléité de notoriété. Je voulais juste porter des costumes somptueux et baigner dans le glamour. J’ai grandi dans une toute petite ville du Michigan et m’imaginais ballerine à Paris. Je dévorais des histoires de danseuses françaises. Je brûlais de voir ce pays. J’exigeais même que mes proches m’appellent par des sobriquets français. Le rêve est-il resté intact depuis que vous y venez régulièrement? J’ai été un peu déçue par ma première visite. Nulle part je n’ai trouvé cette Française fantasmée. Sauf peut-être au Crazy Horse. J’ai vécu ici quelques années et j’ai connu des moments magiques. J’ai compris aussi que tout n’était pas merveilleux. Aujourd’hui, même si j’habite à Los Angeles, je séjourne encore régulièrement à Paris. J’aime me partager entre ces deux villes totalement différentes. J’adore la beauté de Paris, sa cuisine, ses bars d’hôtels. Je peux m’y habiller de manière très extravagante. Los Angeles, c’est l’océan, le soleil permanent, les gens toujours joyeux, les grandes soirées dans le jardin, entourée de mes voitures de collection. J’ai dû résider en France pour me rendre compte qu’il y avait des trucs superbien aux USA aussi. On connaît l’esprit pudibond des certains Américains. Avez-vous souffert de critiques de la part de ligues de vertu ou de groupes religieux? Contrairement à d’autres artistes burlesques, je n’ai jamais été confrontée à des réactions hostiles. La plupart des critiques visent l’éventuel côté dégradant pour la femme. Le jour où quelqu’un m’apostrophe dans ce sens, j’ai l’argument massue: mon public est féminin à 80%! Selon vous, pourquoi y a-t-il un tel pourcentage de femmes à vos spectacles? Elles viennent me voir pour la même raison qui m’a poussée à faire ce métier: l’absence de modèles de féminité ou de sensualité auxquels se 39

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GLAMOUR

© Lingerie Von Follies by Dita Von Teese

DITA VON TEESE

‘J’AI DES DIFFICULTÉS À CONSIDÉRER DITA VON TEESE COMME UNE MARQUE. PUISQUE, AVANT TOUT, DITA, C’EST MOI.’ 40

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raccrocher. Les femmes trouvent en moi une autre définition du mot «sexy». Je ne suis ni Gisele Bundchen ni Naomi Campbell. Je n’aime ni bronzage, ni bikini. Je leur préfère peau blanche et cheveux corbeau. J’ai senti que je pouvais développer un autre type de beauté, inspirée des mythiques actrices hollywoodiennes. Mon look est une création et tout le monde peut s’en approprier l’esprit. A mes shows, je croise des filles au teint pâle et aux cheveux noirs, perchées sur talons hauts. Mais, tant au niveau morphologique qu’ethnique, elles sont toutes différentes. C’est une grande palette de beautés non standardisées. En plus, mon style est démocratique. Pour jouer avec lui, il suffit de savoir manier un peu le maquillage et le fer à friser. Puis-je avancer que votre démarche est aussi éducative? Changer la vision du public sur le strip-tease est un de mes objectifs. La plupart des gens pensent

qu’une strip-teaseuse se contente de se déshabiller. Je veux montrer ce que c’est un vrai travail. Je ne copie pas non plus un show burlesque. Je propose une version actualisée d’une tradition très ancienne. J’essaie de capturer l’esprit et montrer aux gens pourquoi ça peut avoir un sens en 2013. Heather n’en a jamais marre de Dita? Je n’ai pas l’impression d’incarner un personnage. Jamais je ne joue à être Dita Von Teese. Je ne parle pas avec emphase et de grands gestes. Je suis moi en toutes circonstances, même sur scène. Je reconnais que, dans un pseudo, on place un peu de fiction. Et, en début de carrière notamment, il peut exister un décalage entre le pseudonyme et le vrai soi. Pour Margarita Cansino, il était naturel d’être Rita Hayworth. Par contre, Norma Jean Baker avait plus de difficultés à vivre avec son personnage de Marilyn Monroe. Moi, je suis à l’aise avec Dita. J’ai moi-même façonné mon image. Aucune


E-TOILE DE FOND & MARGADITA

équipe marketing n’a pris de décision à ma place. De manière tout à fait prosaïque, je continue à me maquiller moi-même. Mais vous êtes aussi devenue une marque! J’en ai bien conscience. Mais j’ai des difficultés à considérer Dita Von Teese comme une marque puisque, avant tout, Dita c’est moi. Je ne parle d’ailleurs jamais de la marque «Dita Von Teese». En définitive, mon approche est nettement plus humaine que marketing. Je réfléchis avec mon cœur. Quand j’aime ou pas quelque chose, je le dis. Je ne calcule pas mes réactions pour coller à ma marque. Vous gérez des lignes de lingerie, de parfum et endossez le rôle d’ambassadrice pour Cointreau. Par la force des choses, la scène n’occupe-t-elle pas une part moins importante de votre vie? Pas vraiment. La passion de la scène est toujours là. Je vais d’ailleurs bientôt reprendre la route

avec mon spectacle. Mais, en tournée depuis 20 ans, il est bon de savoir comment je vais occuper les 20 prochaines années. Mes nombreuses autres activités et responsabilités me donnent aussi de l’énergie. J’adore le souffle créatif de ces projets. La peur de vieillir vous taraude-t-elle parfois? Je pense que tout le monde s’inquiète des détails pratiques liés à la vieillesse. A titre personnel, je ne serai plus aussi présentable nue. En contrepartie, j’entrevois quelques points positifs. Je serai contente de manger à nouveau tout ce que je veux. Je ne me demanderai plus si un excès se verra quand je serai nue sur scène. Je ne devrais pas non plus changer de style vestimentaire. A 63 ans, il arrive à ma mère de porter mes robes et vice versa. Paris Hilton a plus de soucis à se faire. A 60 ans, elle ne pourra plus s’habiller comme aujourd’hui.

Outre d’innombrables apparitions dans les campagnes et soirées de la marque, Dita Von Teese prête ses nom et image à un cocktail (le Margadita) ou à un sac (My Cointreau Evening Bag). Aujourd’hui, la collaboration passe à la vitesse supérieure, celle du web. Dita apparaîtra bien sûr dans les différentes plateformes de la marque, comme sur Instagram, où on la voit préparer des breuvages pour son anniversaire. Mais elle endossera aussi un rôle nettement plus proactif: celui d’online e-grand reporter. Au gré de ses envies, elle prendra et commentera des photos de tout ce qui l’inspire. www.instagram.com/cointreau_officiel www.cointreau-officiel.tumblr.com www.youtube.com/cointreauofficiel

© Dita Von Teese pour Cointreau

© Lingerie Von Follies by Dita Von Teese

Voici quelques années, Dita Von Teese distillait du cocktail dans son spectacle. Durant de longues minutes, elle se baignait dans un verre surdimensionné. Grisés par une rentabilité rêvée, plusieurs alcooliers ont alors dragué l’effeuilleuse. «Ces propositions n’étaient ni élégante, ni profondes. J’ai systématiquement refusé ces projets basiques. Jusqu’à ce que Cointreau arrive. La vision était aussi séduisante que stylée. Avec cette marque à l’histoire forte, l’échange est vite devenu naturel. Je ne dois pas me forcer, j’aime vraiment ce produit.» La synergie est telle que les deux «marques» en deviennent presque indissociables.

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CADEAUX LINGERIE

LES CHOIX DE L’AMANT A une époque où tous les fantasmes érotiques sont visuellement libres d’accès via Internet, il n’est pas superflu de pimenter la vie des sens au-delà du virtuel. Voici quelques idées de cadeaux pour la Noël de Madame. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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n matière de lingerie de qualité, les Belges ne sont pas à la traîne. L’entreprise Van de Velde, à Schellebelle, près de Gand, conçoit, produit et commercialise de la lingerie de luxe sous trois marques: Marie Jo, PrimaDonna et Andres Sarda. Dans ce segment, le fabricant est leader de marché au Benelux. Et dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, l’entreprise se positionne parmi les trois principaux acteurs du marché. Van de Velde emploie 1.560 personnes en Belgique et à l’étranger. En 2012, la maison a réalisé un chiffre d’affaires

mondial de 181,8 millions d’euros. Avec ses trois marques, Van de Velde produit aujourd’hui cinq lignes très classe et pour toutes les tailles: Prima Donna, Prima Donna Twist, Marie Jo et Marie Jo L’Aventure. Et depuis peu, elle a acquis la maison espagnole Andres Sarda, qui crée des dessous très sexy pour ces dames. Pour démontrer la qualité internationale de nos compatriotes, nous avons présenté ici leurs modèles parmi les plus grands noms du secteur: Chantal Thomass, Eres ou Lou par exemple. Bonnes découvertes, Papa Noël!

Andres Sarda - Modèle Ginevra – Soutien-gorge 180 € - Slip 95 €

Chantal Thomass - Modèle Starlette - Soutien-gorge 130 € Porte-jarretelles 120 € - Slip 90 €

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Lou - Modèle Sonia - Bustier 119 € - Slip 38 €

Chantal Thomass - Modèles Illusion - Combinette 300 € Tanga 60 € - Mitaines Froufrou 35 € - Soutien-gorge 110 € Slip 65 € - Manchettes et Chaussettes Dentelle 50 €-60 €

Marie Jo - Modèle Manon - 60 €

Marie Jo L’Aventure - Modèle Miles Soutien-gorge 60 € - Slip 57 €

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CADEAUX CHAMBRE À COUCHER

BELLES NUITS Vous avez trouvé dans les pages qui précèdent un joli ensemble pour la dame de vos pensées? Avec les nuits qui s’annoncent longues et, aux alentours des fêtes qui approchent, plus propices au romantisme, c’est peut-être une bonne idée de remettre aussi à neuf votre chambre à coucher. Voici quelques astuces pour choisir ensemble.

Réveil Flip. On retourne l’appareil pour l’activer et le désactiver (10 coloris). Lexon.

A partir de 75 € pièce 39 €

Plaid en mohair &Klevering.

Lampes à diodes Crystaled en pur cristal. Seletti.

123,50 €

34,90 €

Les pieds restent froids? Bouillotte Pill. Authentics.

495 € S’il venait à faire vraiment très froid. Parures de couette Narbonne, Hema (200 x 200 cm) et Destination Barcelona Sleepy (240 x 220 cm).

169 €

Lamp Leimu (38 x 25 xm). Iittala.

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49,95 €


La référence belge en décoration

Actualité déco, reportages intérieurs, solutions d’aménagement, adresses belges... chaque mois Déco Idées donne vie à vos envies.


MODE & CO

LES PREMIERS RÔLES ELLE Robe en velours noir Eli Saab, prix N.C. Collier Cartier, prix N.C.

LUI Chemise blanche en coton Hackett, 141 € Veste noire Louis Vuitton, 1.800 € Pantalon noir Louis Vuitton, 700 € Cravate en soie grise Boss, 74,95 € Souliers noirs Derby Hermès, 780 € Montre Lange & Söhne Saxonia Annual Calendar Platine, 49.800 €

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NOUS DEUX

Pendant longtemps, nos mères et nos grand-mères se sont diverties à la lecture de romansphotos. Des histoires traitées à la manière de bandes dessinées où le dessin était remplacé par la photographie et où les modèles prenaient des poses très expressives. Flash-back. PRODUCTION ET STYLISME: PEDRO DIAS @TOUCH # PHOTOS: KURT ANTHIERENS # VOITURE: JAGUAR F-TYPE # TEXTE: JULES GEVAERT

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MODE & CO

LA DOULEUR DU DÉPART Top en mohair rose Louis Vuitton, 600 € Jupe Louis Vuitton, 1.300 € Chaussures en python violet, prix N.C. Collants Ormolu, 25 € Montre Dame Van Cleef & Arpels Or blanc et diamants Charms, 19.800 € Bague Ebony en ébène, or rose et brillants, 890 €

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L’HÉSITATION Chemise noire en coton Hermès, 340 € Blazer en velours gris foncé Boss, 379 € Pantalon noir en silk wool Boss, 299 € Cravate grise Hugo Boss, 75 €

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MODE & CO

LE SOUVENIR ELLE Veste en soie organza Sonia Rykiel, prix N.C. Maillot de corps Eres, 310 € Robe en cuir Valentino, prix N.C. Botillons Fratelli Rosetti, 710 € Collier or rose onyx mat et brilliants, 4.500 € Boucles d’oreille or rose onyx mat et brillants, 2.550 € Bracelet or rose onyx mat et brilliants, 18.750 €

LUI Chemise en coton gris Hermès, 340 € Gilet et veste en velours bordeaux Canali, 890 € Pantalon en silk wool Canali, 280 € Cravate rouge foncé Canali, 120 € Souliers Derby Hermès, 780 € Montre Zenith El Primero Open or rose, 16.800 €

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PRÊTS POUR LA POSE SUIVANTE ELLE Body noir en soie et dentelle Eres, 650 € Jumpsuit noir en soie Valentino, prix N.C. Bague Cartier, prix N.C. Collier Manalys, prix N.C. Boucles d’oreille Manalys, prix N.C.

LUI Chemise en coton noir Prada, prix N.C. Costume en silk wool Hermès, prix N.C. Cravate noire Valentino, prix N.C. Montre Baume & Mercier Capeland, prix N.C.

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MODE & CO

LA RÉCONCILIATION ELLE Jupe en soie Christmas Collection, 199 € Body noir en laine Salvatore Ferragamo, 770 € Maillot Timeless une pièce Eres, 310 € Collier et bague Piaget, prix N.C.

LUI Smoking en silk wool Salvatore Ferragamo, prix N.C. Montre Bell & Ross, prix N.C.

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VERS UNE VIE NOUVELLE… ELLE Manteau noir Paule Ka, 1.320 € Bodu noir en laine Salvatore Ferragamo, 770 € Pantalon noir en laine Paula Ka, 380 € Chaussures Salvatore Ferragamo, 595 € Collier et pendentif Lace en or rose avec brilliants, 2.350 € Bague Lace en or rose avec brilliants, 2.150 € Boucles d’oreille Lace en or rose avec brilliants, 2.700 € Montre Ballon Bleu de Cartier, prix N.C.

LUI Chemise en coton gris Hermès, 340 € Costume en silk wool Z Zegna, 1.435 € Cravate en soie Boss, 75 € Chaussures Louis Vuitton, prix N.C.

Assistant stylisme : Quirine Beukers Assistant photographe et opérateur numérique : Alan Jensen Hair & make-up: Elke Binnemans, Touch by Dominique Miles remercie Jaguar INFOS VÊTEMENTS Louis Vuitton 02/289.28.28 www.louisvuitton.com Hugo Boss 02/534.27.52 www.hugoboss.com Ermenegildo Zegna 02/511.41.57 www.zegna.com Salvatore Ferragamo 02/511.46.25 www.ferragamo.com Hackett 02/502.73.24 www.hackett.com Fratelli Rossetti www.fratellirossetti.com Hermès 02/511.20.62 www.hermes.com Canali www.canali.it Paule Ka 02/513.62.42 www.pauleka.com Sonia Rykiel www.soniarykiel.com Eres 02/539.19.68 www.eresparis.com Prada www.prada.com Valentino www.valentino.com INFOS MONTRES & BIJOUX Bell & Ross www.bellross.com Baume & Mercier www.baume-et-mercier.com Cartier 02/537.51.61 www.cartier.com Lange & Söhne, Zenith, Van Cleef & Arpels De Greef Rue au Beurre 24-26 1000 Bruxelles 02/511.47.48 www.iwc.com www.jaeger-lecoultre.com


MODE WOUTER HOSTE

ENTRE HIGH-FASHION ET GRANDES CHAÎNES Nombre de créateurs belges dirigent leur propre label tandis que d’autres sont à la tête de la création de grandes Maisons internationales. Certains Belges, moins connus en raison d’un travail moins médiatisé, sont néanmoins dignes d’autant d’intérêt. Wouter Hoste pour “Antwrp” par exemple. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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es Belges Ann Demeulemeester, Dries Van Noten en autres Dirk Bikkembergs dirigent leur propre label tandis que des Raf Simons, Kris Van Assche ou Olivier Theyskens sont à la tête de la création de grandes maisons comme Dior ou Theory. Mais il n’y a pas qu’eux… Antwrp est une marque de mode belge pour hommes, créée en 2006. Elle propose essentiellement des T-shirts, chemises, sweaters et pantalons dans des tissus de qualité avec une finition parfaite pour un prix juste. Son nom a été choisi par le Gantois Wouter Hoste (48), qui a voulu référer ainsi au paysage urbain très mélangé de la ville portuaire où il a suivi une formation dans la célèbre Mode Academie. Antwrp traduit une culture vestimentaire mixte entre high fashion, vintage et produits de grandes chaînes. « Porter Antwrp, s’est se libérer un peu des carcans de la mode en les incluant tous. Mais c’est une marque, ce n’est pas une collection de designer. Elle doit être portable et vendable…», explique Wouter Hoste.

Deux ensembles de la collection AutomneHiver 2013 d’Antwrp. Wouter Hoste, un professionnel de la mode créative et portable.

NOSTALGIE CONTEMPORAINE Créant la collection depuis le début, Hoste lui garantit une cohérence de saison en saison. L’homme est aussi un céramiste apprécié. Mais ce grand amateur et connaisseur d’Andy Warhol est loin de considérer la mode – son premier métier – comme un art. Comme Warhol, Hoste a pourtant un don particulier pour l’association de couleurs. Après des études textiles et la Mode Academie d’Anvers, Wouter Hoste a créé à Paris au début des années 1990, la Collection Junior de Jean Paul Gaultier, qui n’était pas une ligne pour enfants mais une « deuxième » ligne plus abordable du créateur français. 54

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Il est ensuite rentré en Belgique et travaille depuis 2006 pour Antwrp qui appartient au groupe ARW (distributeur en Belgique d’autres marques comme Ben Sherman ou Fred Perry par exemple). Le travail de Wouter Hoste est très graphique avec des combinaisons de couleurs à la fois audacieuses et originales, tout en restant portables. Comme les vêtements sont d’une qualité très surveillée - les chemises sont faites en Belgique, la maille en Asie et le reste au Portugal et en Turquie -, ils sont prévus pour durer et s’harmonisent parfaitement avec de nouvelles créations de saison en saison.

Pour l’Hiver 213-14, Wouter Hoste s’est ancré dans l’air du temps avec une touche de nostalgie à travers plusieurs collections « capsules » au lieu d’un seule, avec un thème unique. Musique, polaroïds, voitures, baseball, rugby et foot américain ou booms des sixties et seventies ont inspiré cette chaleureuse ambiance d’antan. Les couleurs, pour automnales qu’elles soient, restent franches : vert billard, le bleu marine, gris mastic, orange fluo, orange foncé, jaune moutarde, bleu canard, gris chiné, brun... Et toutes sont étonnamment combinables. Avec la qualité, voilà le point fort d’Antwrp. www.antwrp.be


MODE HACKETT

UN PRINCE DE GALLES POUR LE PRINCE CHARLES La période de fin d’année favorise les opérations de charité. La mode aussi est concernée. Hackett développe ainsi un nouveau motif de prince de galles avec le Prince’s Trust. Et cette fondation n’est autre que celle du… prince de Galles. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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abilleur du gentleman moderne qui ne peut pas (encore?) se permettre le bespoke de Savile Row, «la» rue des tailleurs sur mesures de Londres, Hackett est devenu les spécialiste du classique «with a twist». Pour cette nouvelle saison, la maison a développé un produit «capsule» pour récolter des fonds destinés à The Prince’s Trust. Cette fondation du prince Charles d’Angleterre, créée en 1976, est destinée à venir en aide aux jeunes de 13 à 30 ans connaissant des difficultés scolaires, se retrouvant au chômage ou menacés d’exclusion. La collaboration «The Prince of Wales Check Collection» a été créée par Hackett dans les îles au nord du Royaume-Uni en recourant à une version exclusive de l’iconique tissu prince de galles en grey check/blue over-check. La marque compte donner 100.000 £ à la fondation princière pour l’aider dans son fonctionnement.

Dans les vêtements et logos de cette collection spéciale, le logo du Trust figurera dans un label ivoire avec un texte en bleu et rouge. Selon Martina Milburnen, Chief Executive du Prince’s Trust, l’objectif de cette fondation est d’aider 55.000 jeunes cette année, ce qui demande une récolte de fonds d’un million de livres par semaine. Jeremy Hackett,

le fondateur de la maison, quant à lui, estime qu’une marque ne se contente plus de critères de qualité et d’esthétique pour ses produits aujourd’hui. «Un engagement social est devenu courant. C’est ce qui explique ce projet. What shows more Britishness than a Prince of Wales Check? Chaque fois que nous vendons une pièce en prince de galles, 7% de la recette est versée aux œuvres de bienfaisance du Prince’s Trust. Dans un monde conduit par le profit commercial, il faut de temps en temps revenir à une forme de solidarité avec ceux qui ont moins de ressources que nous. La démarche est profitable pour nous et nous rendons quelque chose à la société. Et ça, ça me plaît beaucoup.» www.princes-trust.org.uk www.hackett.com

UN MOTIF ICONIQUE Les tissus qui seront utilisés pour des costumes, des vestons, des cravates, des sacs, des parapluies et même une couverture, ont été réalisés par les filatures britanniques les plus réputées comme Fox Brothers, Lovat et William Halstead. Le check prince de galles a été porté pour la première fois par Edward VII quand il était prince de Galles, mais ce type de tissu est devenu internationalement célèbre surtout grâce à l’élégant duc de Windsor, dont le goût vestimentaire a influencé la mode masculine jusqu’à nos jours.

The Prince of Wales Check Collection: 7% de la recette est versée aux œuvres de bienfaisance du Prince’s Trust.

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MODE YELLOW BOOT

DU PIED D’OUVRIER AU PIED BRANCHÉ Longtemps, Timberland a été connu en Europe pour ses chaussures «bateau», dans une version robuste des traditionnels Sebago. Mais c’est avec la Yellow Boot, qui fête cette année son 40e anniversaire, que tout a commencé. Une véritable icône aujourd’hui, aux pieds des ouvriers comme à ceux des stars. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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a Yellow Boot est constituée de 29 composants et passe, en 9 heures de travail par paire, par non moins de 80 étapes de production, dans les usines Timberland en Chine et en République dominicaine. Ces deux usines produisent plus de 10 millions de paires de Yellow Boots par an. La Yellow Boot a été créée en 1973 dans sa version waterproof par Nathan Schwartz et son fils Sidney, sur la base de plusieurs modèles réalisés par l’aîné pour sa compagnie Albington Shoe Company créée en 1951 à Boston. Lors de la création de cette bottine jaune, les deux fils de Nathan – Sidney et Herman – avaient déjà déplacé la production à Newmarket, dans le New Hampshire. Et ils baptisèrent cette bottine Timberland (timber = bois de charpente, land = pays), un nom qui deviendrait vite celui de l’entreprise elle-même, alors que la bottine deviendrait tout aussi vite la Yellow Boot dans le langage populaire des ouvriers. Pendant ses dix premières années d’existence, la Yellow Boot n’était disponible qu’aux EtatsUnis. Les ouvriers des chantiers de construction ont été les premiers à la populariser dans sa version waterproof réalisée dès le départ avec un cuir Texas steer grade A.

dont on appelait la clientèle élégante des Paninari… Ce sont ces clients qui ont adopté la bottine en premier lieu vers le milieu des années 1980 et, de là, l’explosion européenne est passée par le Royaume-Uni, l ’A llemagne et même chez nous. Dans un mouvement d’aller-retour, les Yellow Boots sont ensuite apparues aux pieds de stars US du hip-hop dans les années 1990: Wu-Tang Clan, Mobb Deep and DMX. Là aussi, donc, la Yellow Boot passait ainsi des chantiers à la rue. Aujourd’hui encore, les célébrités continuent à la porter: Jay-Z, Kanye West, Rihanna, Pharrel Williams, Ashton Kutcher, Jude Law et autres Beyonce en sont de fervents amateurs. Le rappeur et producteur Timbaland se serait même vu affublé de ce nom de scène par Jodeci, membre de DeVante Swing, en raison de sa passion pour cette bottine. Et à Londres, nombre de créateurs anglais n’hésitent pas à mettre la Yellow Boot aux pieds de mannequins habillés à la fois de tenues formelles ou informelles… Nombre de designers l’ont d’ailleurs customisée à leur manière, avec ou sans la complicité du fabricant.

LES PANINARI Mais bientôt, les Européens la découvriraient lors de salons professionnels consacrés aux chaussures. Les Italiens furent les premiers à l’importer. Contrairement aux Etats-Unis, où cette bottine était avant tout un accessoire de travail destiné à garder les pieds au sec sur un chantier, en Italie, de jeunes Milanais branchés l’ont adoptée comme signe de ralliement à leur type d’élégance. Tout est parti d’un quartier de la Via Agnello et même d’un café, Al Panino, 56

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PRESQUE ÉCOLOGIQUE Reconnaissable à son logo marqué dans le cuir – un arbre stylisé – sur l’extérieur de la cheville, le produit Yellow Boot se veut aussi écologique, mais n’a pas encore rejoint pour autant les collections labellisées Earthkeepers de Timberland. Chaque produit de cette collection peut être désassemblé, tandis que plus de 50% de ses parties constituantes sont recyclables. En l’état actuel des choses, la semelle waterproof de la Yellow

Le modèle spécial 40 e anniversaire, labellisé Earthkeepers.

JAY-Z, KANYE WEST, RIHANNA, PHARREL WILLIAMS, ASHTON KUTCHER, JUDE LAW ET AUTRES BEYONCE SONT DE FERVENTS AMATEURS DE LA YELLOW BOOT


Kanye West, Jay Z, Rihanna… les pieds des stars ont remplacé ceux des ouvriers.

La semelle traditionnelle de la Yellow Boot.

Pharrel Williams portant sa propre version de la Yellow Boot.

Sidney Schwartz, l’inventeur de la Yellow Boot waterproof basée sur des modèles créés par son père Nathan.

Boot ne peut pas encore être collée avec des produits écologiques. «Nous n’en sommes pas loin, mais pas encore tout à fait», indique-t-on chez Timberland. Cela dit, à l’occasion du 40 e anniversaire de l’icône, Timberland a lancé un modèle haut de gamme en un cuir plus fin qui peut rejoindre, lui, la série Earthkeepers. Il s’agit du modèle Heritage Rugged LTD Boot Waterproof. La conscience écologique de Timberland va d’ailleurs au-delà du produit et du processus de production, puisque, dans les pays où sont implantées ses usines pour la fabrication de la Yellow Boot et en Haïti, l’entreprise a déjà fait planter plus de 2,5 millions d’arbres. L’écologie est à la mode et la Yellow Boot ellemême est donc devenue un produit de mode. Aujourd’hui, les véritables ouvriers, eux, se tournent vers la série Pro de la marque, avec ses pointes en acier, vendue uniquement à travers le réseau de commerces spécialisés. En 40 ans – en 2011, Timberland a été racheté par le géant du sportswear VF Corporation –, rien n’a changé, sinon la semelle intérieure, désormais «antifatigue». Il est vrai que, de nos jours, les fashion victims sont très vite fatiguées. www.timberland.com 57

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MUSIQUE JEF NEVE

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JAZZ

N’EST QU’UNE DE MES PLUSIEURS PASSIONS Musicien, compositeur, fou de jazz et depuis peu passionné de rallyes… Jef Neve s’est découvert cette nouvelle passion en participant au Zoute Rally dans le cadre du dernier Zoute Grand Prix en octobre dernier. TEXTE: VEERLE WINDELS PHOTOS: FREDERIK HERREGODS

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ans un coin cossu du Zoute Drivers Club, Jef Neve sirote une dernière gorgée d’un bon expresso matinal. Il est arrivé à Knokke la veille et la nuit lui a procuré un repos bien mérité. Bien mérité, car il vient de rentrer de Chine où il a donné une série de concerts. Mais le jetlag est modéré… “Je n’en souffre pas trop”, dit-il, en avalant en vitesse un croissant au fromage. Les deux journées qui vont suivre seront très particulières pour lui, au volant et comme passager d’une Jaguar XK140 de 1959. L’invitation pour ce faire ne tombe pas du ciel. Depuis l’an dernier, lors du lancement de la XF, ce virtuose du clavier figure parmi les ambassadeurs de la marque anglaise. Il a pu conduire cette berline pendant six mois. Ce qui lui a plu à ce point qu’il a fini par l’acheter. “C’est en conduisant une voiture confortable qu’on se rend compte de ce que le mot confort veut véritablement dire. Pour moi qui parcours quelque 50.000 kilomètres par an, le confort n’est pas un luxe superflu.” Jef Neve a étudié le piano au célèbre Lemmensinstituut à Leuven. Une formation classique qui ne l’a pas empêché de goûter à tous les styles musicaux. Le jazz avait pourtant sa préférence, surtout les compositions de Brad Mehldau ou Keith Jarrett. Mais il n’a jamais caché son goût pour des artistes plus populaires comme Prince, Madonna ou Radiohead qui figurent tous sur son iPod.


Jef Neve a commencé par accompagner d’autres artistes au piano : Gabriel Rios, José James et Jonathan Jeremiah. Depuis, beaucoup d’eau est passée sous les ponts et Jef Neve a déjà écrit deux concertos pour piano ainsi que la bande sonore des films ‘De Helaasheid der Dingen’ présenté à Cannes, et ‘Dagen zonder Lief’, du réalisateur belge Felix Van Groeningen. Jamie Cullum l’a invité en studio pour son programme radio, il a présenté des programmes sur Klara, la radio de musique classique de la VRT, et a enregistré un grand nombre de clicks sur YouTube et Facebook pour son interprétation dépouillée de We Can Only Live Today de Netsky qui lui avait été demandée par un programme de Studio Brussel, l’équivalent néerlandophone de Pure FM. “Ca n’arrête pas. Je viens de terminer la musique d’une série de documentaires sur la Première Guerre mondiale qui sera diffusée au début de l’année prochaine sur la première chaîne de la VRT. Ce travail m’a pris six mois. Je dois dire que j’ai frisé le burnout l’année dernière. Je me suis heureusement rendu compte à temps que je forçais un peu trop. Le public ne se rend pas toujours compte à quel point ce job est éprouvant.”

VOYAGE EN VOITURE Un certain nombre de propositions qu’on lui fait ne sont donc pas retenues parce que Jef Neve veut donner la priorité à ses compositi-

ons. Mais ce rallye de deux jours était d’un autre ordre… “Je n’ai jamais couru de rallye auparavant”, reconnaît-il. Mais les voitures le fascinent. “Tous les garçons aiment les voitures dès leur plus jeune âge, non ? Pour moi, cette passion a commencé avec une collection de petites voitures Matchbox. Mes parents ont toujours roulé avec des voitures assez banales. Mais un de mes oncles lui, était un fana de belles voitures et d’avions à réaction. Dans la famille tout le monde raconte que c’est lui qui m’a transmis cette passion. Elle m’est restée après avoir décroché mon permis de conduire. Alors que mon portefeuille n’était pas très garni à l’époque, j’essayais quand-même de trouver de belles occasions. J’ai notamment eu une très belle coupé Peugeot. Mais une marque comme Jaguar, c’est quand-même autre chose… Ce qu’on voit ici sur la digue est tout simplement fascinant. Des technologies de pointe les plus récentes côtoient des bolides d’antan. Je suis très touché par le respect qu’affichent les propriétaires et le public pour ces voitures.” Jef aime aussi partir en voyage au volant de sa voiture. Dernièrement, il a ainsi serpenté le long de la côte d’Amalfi en Italie. “Les voyages en avion sont tellement compliqués. Une voiture elle, ne vous demande qu’à monter à bord et de partir. Vous voilà immédiatement sur la route. En voyage. Déjà rien que cette sensation…

‘EN DIX ANS JE SUIS RETOURNÉ NEUF FOIS EN AUSTRALIE. LES GENS QUI AIMENT LE JAZZ NOUS CONNAISSENT BIEN DANS CETTE RÉGION DU MONDE’

Le rallye de régularité du Zoute Grand Prix a été une première expérience pour Jef Neve. Et il a quitté l’épreuve avec un goût de trop peu…

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MUSIQUE JEF NEVE

Et puis la voiture a un autre avantage, on peut y écouter la musique au volume qu’on veut. Je n’écoute jamais ma propre musique, ça non ! Mais le requiem de Mozart ou un morceau de Radiohead… Fantastique. Ecouter la musique en voiture est aussi agréable que de l’écouter à la maison. Le temps presse. Le rallye du Zoute n’est pas un rallye ordinaire. Pour un rallye de régularité, il faut tenir le chrono à l’oeil. A certains endroits il est impératif de rouler à une vitesse donnée. Le timing est primordial. Jef se montre d’emblée mordu par l’épreuve. “Vous savez, je veux être bon dans tout ce que j’entreprends. Toujours. On se revoit au lunch ?” Le pianiste endosse comme tous les participants le duvet rouge de RiverWoods et s’élance tel une flèche vers sa voiture qui l’attend sur la digue de Knokke. Il a les yeux qui brillent. Comme si un rêve d’enfant était sur le point de s’accomplir. Face au bolide, il est décidé qu’il commencera par prendre en charge le roadbook tandis que son manager, Pieter, lui, prendra le volant.

SANS GPS Quelques heures ont passé. Via Maldegem et Tielt, le rallye a conduit Jef et Pieter jusqu’aux bureaux de Delta Light. Ils s’y voient offrir un déjeuner d’enfer avec une bonne soupe chaude que Jef apprécie tout particulièrement… “Notre voiture est à toit ouvert, alors…” Je lui propose d’être son copilote pour une petite heure, mais il décline gentiment parce que l’équipe qu’il forme avec Pieter semble marcher du tonnerre. “Le GPS ne nous manque nullement. Au contraire, je suis champion dans la lecture du carnet de route”. Mais qui plus est : Jef ne veut pas avoir l’air d’un amateur dans ce rallye de régularité. La pause café de l’après-midi prouvera à quel point l’homme prend sa participation au sérieux. Jef et Pieter l’ont en effet tout simplement niée. Au tomber du jour, le Drivers Lounge près de la digue se remplit à nouveau doucement. Pieter et Jef eux aussi sont là. Visiblement emballés. “Fascinant”, dit-il quand on se revoit. “Je ne demande qu’à remettre le couvert. Ce qui m’a épaté une nouvelle fois, c’est de constater à quel point notre pays est resté vert. Nous sommes passés par de petits chemins et des drèves peu fréquentés, et c’est là qu’on se rend compte à quel point tout est beau. Je voudrais refaire le trajet à vélo pour profiter davantage encore des saines odeurs de notre pays. Un air frais tellement éloigné de ce que je viens de respirer en Asie. Je connaissais les environs de Damme mais pour le reste, nous sommes passés par des endroits où je me croyais parfois dans la campagne anglaise. Personnellement, je ne pourrais pas vivre dans ces 60

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villages parce que j’ai besoin de la ville. Mais à petite dose, pourquoi pas ?” Jef habite depuis peu à Gand. C’est l’amour qui l’a attiré là. Quand il n’est pas en tournée, ce qui arrive de plus en plus souvent, il s’exerce tous les jours au piano dans un de ses trois studios qui tous, ont un piano différent. “Mon lieu de travail principal est à Latem au Tempelhof le long de la Lys, dans un ancien immeuble où la commune m’a procuré quelques locaux. Disposer de trois pianos a ses avantages, car le son de chacun d’entre eux est différent.” Le rallye plaît beaucoup à Jef. “On a besoin de telles expériences pour prendre un peu de recul par rapport au quotidien. Cela vous donne l’occasion d’envisager votre travail sous un autre angle. Et même de trouver des solutions à des problèmes qu’on s’obstine sinon à ne pas résoudre.” Le team building ne lui est pas étranger non plus. “Vous avez à peine le temps de converser pendant un tel rallye. Sans cesse vous devez être plongé dans votre carnet de route ou fixer la route. Il ne s’agit pas de se tromper…” Et la voiture ? “ La sensation d’être vraiment dans une machine sur la route. Assis près du sol. C’est une expérience incroyable.”

UN PROJET DE TAILLE Bientôt, Jef repartira en tournée down under. Via Bangkok il s’envolera pour l’Australie où il est attendu pour une série de concerts. Jaguar Australie a déjà fait le nécessaire pour que lors de son arrivée à Sidney, un véhicule soit mis à sa disposition pour rejoindre Cambera où il donnera son premier concert. Ensuite, il mettra le cap sur Newcastle et Melbourne. “En dix ans je suis retourné neuf fois en Australie. Les gens qui aiment le jazz nous connaissent bien dans cette région du monde.” Le succès n’a rien changé à la personnalité de Jef. L’honnêteté reste son fort. S’il rêve de posséder luimême un oldtimer ? “Je ne fais pas vraiment partie de cette tribu de personnes qui ont participé au rallye aujourd’hui. Mon compte en banque ne me le permet pas… Mais ce n’est pas un objectif, non plus. J’aime l’argent, bien-sûr. Mais uniquement parce qu’il me permet de réaliser des projets auxquels je tiens. La création de mon concerto pour piano requiert non moins de 60 musiciens, un grand studio et le meilleur matériel d’enregistrement. Il est clair que j’ai mes priorités. Je préfère dépenser mes sous à ça qu’à une belle maison ou à une voiture super-chère. Ce qui ne veut pas dire que je ne les apprécie pas.” Pour ceux que cela intéresse, Jef et Pieter ont terminé à la 97e place sur 117. Pas vraiment reluisant, mais quand on aime ça, qu’importe une place au classement ?


‘UN DE MES ONCLES ÉTAIT UN FANA DE BELLES VOITURES ET D’AVIONS À RÉACTION. DANS LA FAMILLE ON RACONTE QUE C’EST LUI QUI M’A TRANSMIS CETTE PASSION’

Ambassadeur de Jaguar depuis l’an dernier, Jef Neve n’est jamais très éloigné de la marque. Ce sera également le cas lors de sa prochaine tournée en Australie.

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MUSIQUE PAON

UNE NOUVELLE APPROCHE Un compte Facebook, un E.P., des petits festivals et des «premières parties»: malgré des moyens limités, le groupe belge Paon récolte beaucoup de succès en concert. Il ne passe pas à la radio, son premier album n’est pas prévu avant septembre 2014, mais une marque de jeans pointue les a déjà choisis comme égéries. Rencontre. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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aon est une formation brabançonne de quatre musiciens formés autour de Ben Baillleux-Baynon et Aurelio Mattern, respectivement inspirateurs et compositeurs des groupes The Tellers et Lucy Lucy. Alors que ces deux groupes connaissaient un moment de pause, Ben et Aurelio, qui se fréquentaient depuis une dizaine d’années, se sont retrouvés lors d’une fête de fin d’année, et ont décidé de former un nouveau groupe fondé sur l’absence de toute contrainte. Un impératif, quand on apprend la diversité de leurs goûts musicaux: le hip-hop, Tom Waits, Neil Young, Chopin, Rachmaninov… Paon a composé une quinzaine de morceaux. Une compagnie de disques a apprécié le travail de ses membres. Les a incités à former un groupe et les

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a littéralement poussés sur scène. Et ça a marché; en concert, car, pour le reste, leur nom et leur musique restent confidentiels. Les quatre morceaux de leur E.P. sorti en mars dernier passent peu ou pas à la radio, mais sont écoutables (partiellement: Shine over me et Keep on burning) en boucle sur leur site. Leur notoriété se construit donc petit à petit. On a bel et bien affaire ici à une nouvelle approche dans la manière qu’a un groupe musical de s’imposer aujourd’hui. Aurelio a été élevé en français et en néerlandais, quoiqu’il ait du sang italien dans les veines comme son prénom le laisse supposer, tandis que Ben, lui, a été élevé en français et en anglais, sa maman étant galloise. Même s’ils composent et écrivent en anglais ensemble, c’est Ben qui contrôle donc l’exactitude de la langue et sa prononciation.


SANS LIMITES Nous nous retrouvons sur une terrasse de la place Saint-Géry, dans le centre de Bruxelles. Une première question s’impose d’emblée... Quand on est l’un et l’autre l’inspirateur et une des forces vives d’un groupe qui a connu le succès, qu’est-ce qui vous pousse à tout changer et à créer un nouveau groupe? Nos deux groupes étaient plus ou moins en pause. Pour des raisons familiales, naissances et autres. Ben et moi on se connaît depuis longtemps, on fréquentait le même bar, le Napoléon à Brainel’Alleud, et on avait tous les deux envie de remonter très vite sur scène après la tournée de Lucy Lucy et la sortie du deuxième album de Tellers. On en a parlé durant la nuit de l’avant-dernier Nouvel An. Et c’est de là que tout est parti. On vient tous les deux d’un groupe où on était le seul compositeur. Et là, ça fait du bien, parce qu’on peut vraiment travailler à deux et ça avance donc très vite. En plus, il est plus aisé d’avoir des affinités à deux qu’à cinq, c’est logique. Cela dit, tout se passe bien avec nos groupes respectifs. On n’a pas de projets concrets en vue avec eux, mais rien n’est exclu. Tout le monde est content de ce qui nous arrive avec Paon. Quel message véhicule votre nouveau groupe par rapport à vos groupes respectifs d’antan? Lucy Lucy a toujours dégagé un message ultrapositif parce que nous étions à une période de notre vie où tout allait superbien. Tellers était plus triste, plus sombre. Pour l’instant, tout le monde chante la fête. Avec Paon, on veut clairement s’adresser au côté émotionnel des gens, mais sans aucune limite de genre. Les gens ne s’attardent pas trop sur les textes de nos chansons, c’est un peu plus le cas quand on passe en Flandre. Dans notre type de musique, la mélodie prime le texte et ce texte sert en fait la mélodie. Cela dit, quand on chante une même chanson une centaine de fois en public, autant être convaincu de ce qu’on chante si on veut rester crédible. On essaye donc de soigner nos textes au maximum. Paon ne surfe pas trop sur ce qui est à la mode pour l’instant, l’électro, la musique des années 80, claviers et ordinateurs, etc. On repousse tout ça. Pour rester dans l’authenticité de ce qu’on a enregistré dans nos premières maquettes et qui ressemble beaucoup plus à ce qu’on faisait dans les années 60. Cela permet de nous démarquer un peu, mais en contrepartie, on ne passe pas du tout à la radio alors que Tellers et Lucy Lucy passaient très souvent. On ne compose pas des formats «single» pour passer à la radio. Les breaks «silence» dans Shine over me, à la radio, on n’aime pas trop ça…

Par rapport à la musique classique, votre type de musique remporte plus de succès alors qu’il est moins exigeant… Tous les deux, on a commencé à écrire et à composer très tôt: quand on avait 12-13 ans. Et sans qu’on soit des experts en écriture ou en composition, on jouit quand même d’une expérience qui n’entrave jamais la spontanéité. A 15-16 ans, on s’est rendus compte que ce qu’on voulait avant tout, c’était jouer avec d’autres gens. A l’académie, on joue pratiquement toujours seul. Mais dans Paon, on la chance d’avoir Léo, un batteur qui a eu une formation musicale poussée. Et c’est quand même un super-gros atout puisqu’il procure un encadrement musical solide à notre liberté de création. Que proposez-vous en concert? Pour l’instant, on joue des sets de 45 minutes en France, en Allemagne, en Suisse et en Belgique, au cours desquels on joue 10 ou 11 morceaux. On passe en première partie d’autres groupes: Brigitte, Troy Van balthazar, The Van jets. On n’a sorti que quatre morceaux en E.P. mais nous sommes en studio actuellement pour un album qui devrait sortir en septembre 2014. Pour l’instant, on a enregistré cinq morceaux. On aimerait en enregistrer encore une dizaine pour la version définitive de l’album. On fait donc de la scène avant de faire un album. C’est notre label 62tv Records et la maison de disques PiaS qui nous y ont poussés. Mais c’est très agréable d’arriver en studio et d’avoir déjà tous les morceaux fin prêts…

‘ON ESSAIE DE SOIGNER NOS TEXTES AU MAXIMUM.’

Pourquoi une marque de mode s’adresse-t-elle à un groupe aussi confidentiel que le vôtre et affiche-t-elle vos têtes dans les abribus de France, de Suisse et de Belgique? Notre association avec Japan Rags, le pendant masculin de la marque Le Temps des Cerises, est une question d’argent. Les sources de revenus pour les musiciens ont complètement changé aujourd’hui, puisque les gens achètent de moins en moins de musique. Mais les responsables de la marque nous ont laissés complètement libres dans la direction artistique de notre image. On porte leurs jeans, mais l’univers reste le nôtre. Ils ne nous ont vraiment pas obligés à vendre notre âme au diable. Au contraire: ils nous aident, puisque, dans les pubs des abribus en France par exemple, ils mentionnent le site où on peut nous écouter, ce qui est bon pour notre promo. www.paonband.com www.letempsdescerisesjeans.com 63

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CHAMPAGNE CELEBRATIONS

LES COUPES ROYALES Les grandes maisons d’Etat, en particulier les maisons royales, célèbrent les événements importants de la vie comme toutes les familles qui peuvent se le permettre: avec une coupe de champagne. Miles perce un mur de discrétion sur le sujet. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

L Pour le mariage du roi Baudouin avec doña Fabiola en 1960, une cuvée spéciale Moët & Chandon Vintage 1949 a été servie aux convives.

Le même millésime 1949 de Moët & Chandon était de la partie aux noces du prince Rainier de Monaco avec Grace Kelly en 1956.

e mur de la discrétion n’est pas opaque pour autant. Plus les années passent, moins les grandes maisons de champagne rechignent à livrer le secret des commandes qui leur ont été faites par les cours royales. On sait ainsi aujourd’hui que, pour le mariage du sobre roi Baudouin avec la pieuse doña Fabiola de Mora y Aragon, le 15 décembre 1960, la maison de Saxe, Cobourg et Gotha, entourée de ses invités de marque, a célébré l’événement avec une cuvée spéciale Moët & Chandon Vintage 1949 dont l’habillage – l’étiquette, donc - avait été frappé des armes royales de Belgique accolées à celles de la famille de Mora. Le millésime 1949 était en vogue auprès des maisons royales d’antan. A l’occasion du mariage de Rainier de Monaco avec Grace Kelly en 1956, Moët & Chandon a également présenté une cuvée spéciale 1949 dont l’habillage, frappé aux armes de Monaco, portait aussi la date de la célébration de ce mariage. Cette cuvée spéciale a ensuite été servie à diverses reprises lors de réceptions données à l’occasion du mariage princier. Mais pour le déjeuner officiel, c’est un Pommery millésime 1949 – encore une fois - qui a été servi aux convives.

Il faut dire que la famille de Polignac, propriétaire du champagne Pommery à l’époque, était très liée à la famille des Grimaldi.

FOURNISSEURS DE LA COUR Même si le champagne est une boisson alcoolique dont le taux d’alcool est généralement moins élevé que celui d’autres grands vins, sa consommation reste quelque peu taboue dans les couloirs du pouvoir. Or le champagne et les têtes couronnées ont toujours fait bon ménage. Les Windsor, eux, n’en ont jamais fait mystère et Elizabeth II délivre même des Royal Warrants aux maisons de champagne les plus appréciées servies dans ses palais: Lanson, Bollinger, Moët & Chandon, Veuve Clicquot, Louis Roederer, Krug, Mumm, Laurent-Perrier, Pol Roger. Historiquement, le premier mariage royal au cours duquel a été servi du vin de Champagne a été celui d’Anne, fille du grand duc de Kiev Iaroslav Ier, avec Henri Ier, roi de France. Le mariage a eu lieu à Reims en mai 1051, en même temps que le sacre d’Anne comme reine de France. La ville de Reims avait fourni les vins locaux pour célébrer l’événement. Des vins de Champagne, oui, mais qui n’étaient pas encore effervescents

La Pompadour, une des premières ambassadrices du vin de Champagne au XVIIIe siècle…

La reine d’Angleterre distribue des Royal Warrants aux maisons qu’elle sert dans ses palais.

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La visite de Napoléon dans les caves de Moët & Chandon en 1807.

‘LE CHAMPAGNE ET LES TÊTES COURONNÉES ONT TOUJOURS FAIT BON MÉNAGE’

Au mariage de Felipe d’Espagne avec Letizia Ortiz, les convives ont trinqué au… cava!

à l’époque, puisqu’il aura fallu attendre le tournant des XVIIe et XVIIIe siècles pour que dom Pérignon, un moine de l’abbaye d’Hautvillers, invente le processus pour obtenir des vins effervescents.

“BELLES APRÈS BOIRE” Avoir sa marque servie à la cour représente évidemment un atout exceptionnel en matière d’image pour les maisons de champagne. La maison Moët, fondée en 1743, a été parmi les premières à s’en rendre compte. Claude Moët (1683-1760) était négociant en vins à Epernay depuis 1717. Il fournit en vins blancs mousseux les cours royales et princières d’Europe, dont celle de Louis XV. Madame de Pompadour et le duc de Richelieu font également partie de ses clients. Tout au long du XVIIIe siècle, cette nouvelle boisson effervescente est restée l’apanage des têtes couronnées et de leur entourage à travers l’Europe. Dans le milieu élégant des salons, la femme est reine et la conversation fine et acérée est l’art suprême. Le champagne était la boisson de prédilection de ces rencontres… Pour la Pompadour, la favorite de Louis XV, entourée des plus grands artistes et philosophes de son temps, «seul le champagne laisse les femmes belles après boire» et elle se fait ainsi régulièrement expédier des paniers de bouteilles en son château de Compiègne. Plus tard, la maison Moët effectuera aussi de multiples expéditions à destination d’un certain Napoléon et de sa famille. En 1807, Jean-Rémy Moët guidera d’ailleurs l’empereur pour une visite de ses caves. Témoignage cette première visite impériale à la maison Moët & Chandon, il reste une inscription gravée en lettres d’or sur une plaque de marbre à l’entrée des caves: «Rentrant en France,

après la signature du traité de Tilsit, le Grand Empereur des Français parcourut ces caves sous la conduite de M. Jean Rémy Moët, 26 juillet 1807.»

CHAUVINISME ESPAGNOL Aucune maison ne peut cependant se targuer d’être le choix exclusif d’un souverain ou d’une souveraine. Contrairement au commun des mortels, les rois et les reines offrent plusieurs réceptions à l’occasion de leur mariage ou d’autres réjouissances. Ainsi, de nos jours, outre-Manche par exemple, pour la réception privée de la reine Elizabeth II en l’honneur du mariage du prince Charles et de lady Diana, c’est du Krug 1969 qui a été servi au déjeuner. Et du Dom Pérignon 1961, aux invités à la réception officielle du mariage. En 1986, un nabuchodonosor de Moët & Chandon est offert à Sarah Ferguson et au prince Andrew pour leur union. C’est toutefois la maison Louis-Roederer qui sera sur le menu de la réception offerte par le duc et la duchesse d’York le 14 novembre 1986, quelques mois après leur mariage. Pour le mariage civil du prince de Galles et de Camilla Parker Bowles en avril 2005, une palette de 480 bouteilles de Laurent-Perrier Brut a été commandée par l’intendant des caves royales pour livraison au château de Windsor. Quant au mariage de la princesse Victoria de Suède, ce sont des bouteilles de Pommery 2000 qui ont été débouchées pour la circonstance. Le champagne se déguste donc partout lors des grandes circonstances. Seule l’Espagne se montre chauvine à cet égard. Lors du mariage de Felipe, prince des Asturies avec la belle Letizia Ortiz, les convives ont levé leur verre de… cava à la santé des mariés! 65

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CHAMPAGNE PIPER-HEIDSIECK & BACCARAT

BULLES DE CRISTAL Au cœur d’un coffret rubis, Piper-Heidsieck marie son savoir-faire à celui de Baccarat. Pour magnifier les cuvées 1986 et 2006, la cristallerie lorraine a soufflé des flûtes aussi techniques qu’esthétiques. TEXTE : SYLVESTRE DEFONTAINE

S

elon Cécile Bonnefond, la nouvelle présidente de la marque effervescente, le projet jette un pont supplémentaire entre tradition et modernité. En soi, ces vintage brut 1986 et 2006 de PiperHeidsieck se suffisent à eux-mêmes. Les placer dans un coffret pourpre-rubis leur confère un cachet plus exclusif. D’autant qu’elles sont accompagnées de deux f lûtes Château Baccarat. Sous une apparente simplicité, ces verres sont un concentré de réf lexions mathématiques. Les angles et courbes permettent une harmonieuse circulation du breuvage, évitent l’oxydation et, de manière plus globale, conservent les arômes de ces vins rares. Prosaïquement, le tube de verre fonctionne comme une cheminée qui mène les bouquets au palais. Le coffret est édité à 500 exemplaires. Une initiative de Cécile Bonnefond, qui réinvente ainsi la tradition et la modernité au sein du groupe de luxe EPI (Européenne de Participations Industrielles – Michel Perry, JM Weston…), qui a repris la marque en 2011. Rencontre. Cécile Bonnefond, quand deux maisons anciennes comme Piper-Heidsick et Baccarat se rencontrent, quelle langue parlent-elles? La langue des valeurs. Sur bien des points, nous nous sommes rendu compte que nous étions très proches. Nous avons à peu près le même âge. Nous sommes également deux anciennes maisons qui se sont renouvelées au fil des années. Chez PiperHeidsieck, nous aimons nous inscrire dans la grande tradition du champagne, mais aussi jouer la carte de l’audace. Dom Pérignon, autre maison de champagne, vient de commander un coffret à l’artiste Jeff Koons. Une logique à l’opposé de la vôtre. Des collaborations plus «modernes», PiperHeidsieck s’y est déjà essayé. Nous avons même été les premiers. En 1998, Jean-Paul Gaultier a habillé une de nos bouteilles d’un corsage en cuir rouge. Ça n’avait jamais été fait et tout le monde s’est engouffré dans la brèche.

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Baccarat et Gaultier: deux maisons françaises… C’est primordial pour nous. Par essence, notre industrie fait partie des symboles de la France. Le champagne est un des rares secteurs ne pouvant pas être délocalisés. Légalement, il ne peut y avoir de champagne qu’en Champagne. En boire, c’est déguster un morceau de France et pas simplement un vin pétillant. Je suis fière d’être française, de promouvoir un art de vivre, une culture et une histoire. Quand vous dirigiez Veuve Clicquot, vous avez engagé une historienne pour gérer l’héritage.

Formée dans une entreprise Danone encore familiale, Cécile Bonnefond a prêté ses talents à plusieurs groupes agroalimentaires avant de diriger Veuve Clicquot. Depuis 2011, elle préside aux destinées des maisons Piper-Heidsieck et Charles-Heidsieck.


Respectivement fondés en 1764 et 1785, Baccarat et PiperHeidsieck sont deux représentants du patrimoine français. C’est dans leur riche passé que s’enracine ce projet bicéphale.

Votre démarche est-elle similaire chez PiperHeidsieck? Dès mon entrée en fonction, j’ai reçu les membres des familles Piper-Heidsieck et Charles-Heidsieck. Il était selon moi impératif de rencontrer les anciens propriétaires pour remonter le plus loin possible dans l’histoire. Nous ne sommes que des passeurs qui écrivent le chapitre d’un livre. Au milieu des décisions prises au cours des années, il est important de retrouver le fil conducteur. Dans ce milieu très masculin, votre poste de présidente est une manière de rendre aux femmes le rôle central qu’elles ont toujours occupé en Champagne. La Champagne a souvent été très meurtrière. Beaucoup d’hommes sont morts à la guerre et les femmes ont dû s’occuper des entreprises. On ne compte plus les maisons marquées par de très grandes femmes. Dans les vignes aussi. Parlez aux viticulteurs, ils vous expliqueront qu’ils ne pourraient exercer leur métier sans leurs femmes. Pour ces raisons, je ne suis pas certaine que le champagne soit vraiment une industrie masculine. D’ailleurs, dans les gran-

des maisons, les valeurs mises en avant par les hommes sont assez féminines: l’accueil, la conversation, la compagnie… Dans vos communications, vous utiliser très souvent le verbe «réinventer»… Ça veut surtout dire ne pas «inventer». Avec une ancienne maison comme Piper-Heidsieck, proposer une histoire fausse juste parce qu’elle est belle ne m’intéresse pas. Une maison née en 1785 qui existe encore en 2013 a quelque chose à raconter. Il faut donc l’écouter et comprendre son essence. Il faut sans cesse réenchanter ce qu’elle était. Avec un outil comme celui-là, ce n’est pas très difficile… Plus gratifiant que de vendre du yaourt? J’ai été active dans les yaourts pendant des années. J’ai été très heureuse chez Danone. C’était une formidable école d’innovations. Je pense qu’on peut avoir une passion pour beaucoup de métiers. Tout dépend de la manière avec laquelle on le fait. Mon grand-père disait: «L’important n’est pas de faire ce qu’on aime, mais d’aimer ce qu’on fait.» Je pense qu’il avait raison.

‘DANS LES GRANDES MAISONS, LES VALEURS MISES EN AVANT PAR LES HOMMES SONT ASSEZ FÉMININES: L’ACCUEIL, LA CONVERSATION, LA COMPAGNIE…’

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CHAMPAGNE CHARLES HEIDSIECK

DE L’IMPORTANCE DE SE FAIRE UN PRÉNOM Tout le monde connaît le champagne Piper Heidsieck (voir aussi les pages précédentes), créé en 1785. Né d’une autre branche de la famille, Charles Heidsieck apparaît en 1851 et est resté plus confidentiel jusqu’à ce jour. Dans le giron de l’Entreprise Patrimoniale d’Investissement (EPI), «Charles» a décidé de communiquer davantage avec le monde. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

S

i la bouteille courante de Charles Heidsieck s’appelle Brut Réserve, c’est que ce champagne est composé à non moins de 40% de vins de réserve – entre 5 et 15 ans d’âge, pour moitié chardonnay et pour moitié pinot noir – et à 60% de vins de l’année, dont 1/3 chardonnay, 1/3 pinot noir et 1/3 pinot meunier. Cette formule est en vigueur dans l’assemblage annuel depuis toujours chez «Charles», comme le chef de cave Thierry Roset appelle affectueusement sa maison. De l’importance de se faire un prénom… Aujourd’hui, Charles produit environ 800.000 bouteilles par an. Les cuvées Charles Heidsieck actuellement sur le marché sont le Brut réserve, le Rosé réserve, le Millésime 2000 Vintage Brut, le Millésime 1999 Vintage Rosé et le Blanc des Millénaires Millésime 1995 Vintage. Le fondateur de la maison, Charles-Camille Heidsieck, est né en 1822. Elégant, aimable, intelligent, dès son adolescence, il prend connaissance des choses de ce monde et surtout du monde des affaires. Très vite, Charles-Camille a des idées et il fait preuve d’une sacrée volonté. Agé de 29 ans, il fonde donc une maison de champagne à son nom… et surtout à son prénom! Un acte plutôt audacieux sur une terre où le nom de Heidsieck résonne déjà parmi les grandes maisons champenoises. Mais, sûr de lui et de la qualité de son champagne, Charles décide de s’exposer au monde. C’est chez nous en Belgique et en Angleterre qu’il fera ses premiers voyages de prospection pour promouvoir sa nouvelle marque et mettre en place ses représentants. La mode des expositions universelles lui procurera un tremplin d’excellence. En 1855, il se rend à la toute première Exposition universelle de Paris. Et en 1859, l’Exposition universelle de Bordeaux lui attribuera déjà la médaille d’or, dont la représentation brillera sur ses étiquettes dans toutes les cours royales d’Europe.

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PAS DE TERRES, MAIS DES CRAYÈRES Paradoxalement, Charles n’achètera pas de terres: les vignes doivent rester aux mains des vignerons et de leur savoir-faire, estime-t-il. En revanche, il investit dans des crayères datant du IIe siècle, un

Portrait de Charles-Camille Heidsieck (1822-1893), le fondateur de la maison.


labyrinthe de niches et de galeries souterraines, dont l’hygrométrie est idéale pour laisser vieillir ses vins. Seules cinq maisons de champagne auront alors l’audace de faire un tel choix. La maturation prolongée des vins est un investissement substantiel pour la maison, mais un pari judicieux pour l’avenir. Après plus d’un siècle de gestion par les descendants de Charles-Camille, la maison est transmise à la famille Hériard-Dubreuil, du groupe Rémy Cointreau, dans les années 1980 et appartient depuis 2011, à la famille Descours à la tête d’EPI. Dans les années 1990, la Maison Charles Heidsieck décidera, à la satisfaction générale des connaisseurs, de faire figurer sur ses bouteilles non millésimées la date de leur mise en cave et l’année de dégorgement. Le temps de maturation accordé aux champagnes Charles Heidsieck non millésimés est de 3 ans minimum, là où la loi fixe le seuil à 15 mois. Les vins vieillissent ainsi abrités par un havre de paix et de silence souterrain, dans une succession de 47 crayères reliées par des galeries, le tout à 20 m de profondeur et à une température constante de 10°C. Ces crayères ont été creusées en cône depuis la surface par les Romains, pour récolter ainsi des pierres de construction en calcaire.

PERSONNALISATION Thierry Roset, dont l’expérience dans la maison date de 1988, avait travaillé précédemment chez Moët & Chandon et chez Rœderer. Il a succédé récemment à Régis Camus en tant que chef de cave chez Charles Heidsieck. Pour personnaliser davantage ses cuvées, Roset a décidé de resserrer l’éventail des crus, en passant de 120 sources à 60, triées sur le volet. Il a obtenu de Piper que tous les vins de réserve de 10 à 15 ans d’âge soient désormais réservés à Charles Heidsieck. Dans sa vision du Charles Heidsieck Brut Réserve, l’âge moyen de ces vins de réserve passera d’ailleurs de 8 ans à 10 ans. Les cuvées Brut Réserve et Rosé Réserve sont désormais élaborées dans une bouteille unique, dont la courbe est inspirée par celle de la crayère n°9. Charles Heidsieck est l’un des champagnes les plus primés par la profession. Les honneurs sont bien sûr attribués aux chefs de caves, qui, au cours de ces 18 dernières années, ont par 12 fois été consacrés Sparkling Winemaker of the Year. Et c’est en toute logique que, parallèlement à leur travail, les champagnes Charles Heidsieck ont reçu 11 médailles Grand Or, 101 médailles d’Or (dont 37 entre 2008 et 2011), 25 médailles d’Argent et pas moins de 32 Trophées. Tout ça vaut bien une petite coupe… de champagne.

Thierry Roset, le chef de cave, un fervent adepte du less is more…

BLANC DES MILLÉNAIRES

Seuls quatre millésimes ont été commercialisés depuis la création de cette cuvée. La Cuvée Blanc des Millénaires 1995, conçue par Thierry Roset, est un assemblage 100% chardonnay issu de 5 crus emblématiques de la Côte des Blancs: Avize, Cramant, Oger, Mesnil-sur-Oger et Vertus. Au nez, ce champagne exprime des arômes de noisette, d’amande, de datte. Il s’enrichit en profondeur autour d’arômes de cire d’abeille et de nougat. Vin d’esthète, il est sensuel en bouche, gourmand avec ses accords de caramel au beurre salé, subtil avec ses notes de lait d’amande, de vanille, de cèdre. Sans jamais renoncer à son étonnante fraîcheur.

Le box cadeau de fin d’année avec le Rosé Réserve, l’autre classique de la maison.

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VINS VIGNOBLES ESPAGNOLS

NUMANTHIA FINE FLEUR DE TORO

Fleurons de la région de Toro, les jus racés de la Bodega Numanthia incarnent à merveille le second souffle de l’Espagne viticole. Pour briller au firmament du vin mondial, le domaine peut compter sur un vinificateur charismatique: Manuel Louzada. Cet œnologue originaire du Portugal a compris comme personne tout le potentiel de la Tinta de Toro, le cépage autochtone. TEXTE : MICHEL VERLINDEN

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n le sait, les vins espagnols viennent de loin. Moins en termes de kilomètres que d’image. Heureusement, un nouvel engouement s’est dessiné, tiré en avant par une gastronomie qui tient le haut du pavé à l’instar du fameux Celler de Can Roca, restaurant ultraprisé de Gérone. Il a fallu 20 ans aux crus ibériques pour s’imposer sur le marché belge. Une vraie revanche, car, longtemps tenus pour quantité négligeable, ils passent aujourd’hui pour être parmi les plus intéressants de la planète viticole. Derrière cette renaissance, une génération de vignerons bien décidée à changer les choses qui a dû jouer des coudes

pour imposer une nouvelle culture vinicole. « -Cela n’a pas été une mince affaire, précise un importateur belge qui préfère rester anonyme. Les Espagnols avaient et ont toujours une culture très traditionnelle du vin. En semaine, ils boivent le vin de la coopérative et le week-end ils s’offrent un rioja, qui est considéré comme le must. Ils ont un goût prononcé pour les vins fatigués, oxydés et très boisés. Ils ont formé leurs critères sur cette approche, raison pour laquelle ils apprécient aussi les vieux bordeaux. Là-bas, le grand public ne jure que par certaines marques, comme Marqués de Cacéres. Cette domination d’une certaine norme gustative a longtemps empêché les vins d’évoluer.»


Les vignerons qui ont mis cette conception à mal sont des trentenaires et des quadragénaires ayant voyagé et s’étant ouverts au monde. Comme l’explique un sommelier bruxellois: «Ils ont synthétisé la tradition et les apports vinicoles du Nouveau Monde. Ils se sont servis des terroirs qui étaient à leur disposition en comprenant d’emblée qu’il y avait là un énorme potentiel. Leur génie est de ne pas s’être repliés là-dessus, mais d’avoir ouvert ces parcelles à des procédés de vinification modernes ainsi qu’au marketing. Ils n’ont pas hésité à chercher, à expérimenter plutôt qu’à répéter les mêmes gestes. Ils ont tiré tout le parti possible des cépages, des sols et des techniques. Dans la foulée, ils n’ont pas hésité à bousculer les étiquettes en prouvant que l’on pouvait être également créatif à ce niveau-là.»

Le brelan d’as de la Bodega: Termes, Numanthia et Termanthia.

UN ELDORADO NOMMÉ TORO Si, au début des années 90, le Priorat était la bonne région pour comprendre le souff le nouveau du vin qui se répandait à travers l’Espagne, aujourd’hui, c’est du côté de la région de Castille et Leon qu’il convient de se rendre. Celle-ci fait valoir des perles de terroir comme, au nord-ouest, le Bierzo, véritable porte d’entrée vers la Galice. Celui-ci bat tous les clichés en brèche avec ses 4.724 ha de vignobles taillés en gobelet. Le raisin roi est le mencia, un cépage sous-estimé qui présente quelques points communs avec le pinot noir ou le syrah. Les vins produits ne sont pas moins étonnants dans la mesure où l’appellation se caractérise par une certaine minéralité, que l’on n’attend pas des vins espagnols, apportée par les vents de l’Atlantique. Si le Bierzo ne manque pas de potentiel, que dire alors de Toro, à cheval sur les provinces de Valladolid et de Zamora, qui fait figure d’eldorado. Preuve de ce succès, de nombreux domaines sont venus s’implanter après que l’appellation d’origine contrôlée a vu le jour en 1987. Et pas des moindres. Ainsi de la famille Alvarez, dont tout le monde connaît le Vega Sicilia, célèbre vin du Ribera del Duero, qui y a créé en 1997 le domaine Pintia. En 1998, une autre famille, les Eguren, originaires de Rioja, s’installe pour créer la Bodega Numanthia. Non sans un certain talent: en 2004, l’une des trois cuvées, Thermantia, est notée 100/100 par Robert Parker – seuls 10 vins espagnols ont eu cet honneur sur ce millésime. Quatre ans plus tard, le domaine est racheté par LVMH, qui en mesure tout le potentiel. Une question s’impose à ce stade: en quoi Toro constitue-t-il un eldorado du vin? La réponse est fournie par Manuel Louzada,

le talentueux œnologue de la maison: «Toro est un terroir historique rude avec un sol pauvre qui oblige la vigne à concentrer ses fruits. Le nom de Numanthia est tiré d’une ville antique qui, en -134 avant Jésus-Christ, a tenu tête aux envahisseurs romains. Assiégés, les habitants ont préféré s’immoler par le feu plutôt que se rendre. «Résistance» est le mot clé de cette terre qui compte parmi les rares, en raison de ses températures extrêmes, à ne pas avoir été décimée par le phylloxera. Les pieds de vigne sont vierges de toute greffe et certains sont âgés de plus de 120 ans. Etalées sur des plateaux et collines entre 650 et 850 m d’altitude, ils peuvent résister à des conditions climatiques difficiles et des saisons très sèches grâce aux diverses couches d’argile que l’on trouve sous ce sol caillouteux. Sans oublier la taille «gobelet» qui dessine une protection végétale autour des raisins et dont la vertu est double: empêcher les baies de brûler sous un soleil de plomb et permettre le passage du

‘RÉSISTANCE‘ EST LE MOT-CLÉ DE CETTE TERRE

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VINS VIGNOBLES ESPAGNOLS

Le Douro et ses méandres, le berceau du terroir de Numanthia.

vent afin d’assurer la ventilation du raisin. Cette matière première exceptionnelle explique en partie l’incroyable qualité de nos vins.» Il faut également mentionner le cépage, qui constitue l’autre élément crucial du puzzle Numanthia. La «tinta de Toro», proche parent du tempranillo, est la seule variété à pouvoir s’accommoder des écarts de température qui caractérisent la région. Elle est également très résistante à l’oxydation, ce qui en fait un cépage bien adapté au vieillissement.

LE FACTEUR HUMAIN

Manuel Louzada vit en symbiose avec ses fûts.

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Bien sûr, la nature et le cépage sont essentiels dans la constitution d’un vin, mais il serait malheureux de ne pas prendre en compte l’apport des hommes, depuis les pratiques culturales jusqu’aux choix effectués dans la fraîcheur du chai. Numanthia doit beaucoup à Manuel Louzada, directeur et œnologue de haut vol du domaine. Né au Portugal, il a fait un grand détour par l’Argentine avant de prendre les commandes de la bodega. L’homme y a renoué avec le Douro, fleuve qu’il connaît bien pour avoir longtemps vinifié du porto, dont les méandres traversent également la région de Toro. Il explique: «Chaque jour, je me réveille au paradis. Pour moi, participer à la

légende de l’un des meilleurs vins au monde est un privilège. Un privilège, mais aussi un accomplissement, car mon existence a toujours été bercée par les effluves du vin. C’est mon grand-père, qui possédait lui-même un vignoble, qui m’a initié à cette magie alors que je n’avais que 5 ans. Depuis ma plus tendre enfance, il était clair pour moi que je ferais du vin.» Là aussi, une interrogation surgit: quel est le rôle de l’œnologue face à une matière première d’une telle qualité? Doit-il s’effacer pour laisser s’exprimer la vibration de la conjonction du sol, du climat et du cépage… Manuel Louzada a une vision très précise de son travail: «Quand un raisin est à ce point concentré, il est crucial de lui apporter de la finesse et de l’équilibre. C’est un travail d’orfèvre qui se joue à plusieurs niveaux. Notamment, au moment des vendanges, il faut être conscient que l’on a une fenêtre de 3 à 5 jours durant laquelle la maturité est idéale. Avant, c’est trop tôt, après, c’est trop tard. Il faut aussi être capable de jongler avec l’élevage et tirer le meilleur parti des différentes barriques. C’est un travail d’une incroyable précision que l’on ne peut accomplir que si l’on est totalement habité par ce vin.» www.numanthia.com


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TOURISME RELAIS & CHATEAUX BENELUX

VOYAGER HEUREUX Dans les années 1950, les créateurs de Relais & Châteaux avaient baptisé l’itinéraire qui reliait leurs huit adresses «La Route du Bonheur». Aujourd’hui, cette chaîne volontaire rassemble 520 maisons. Et elle a multiplié ses Routes du Bonheur. Nous en avons suivi une au Benelux. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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lusieurs itinéraires sont possibles pour effectuer une Route du Bonheur au Benelux. Nous avons suivi celui reliant la ville de Luxembourg à Bruges en passant par Lanaken. Trois étapes pour autant d’hôtels et restaurants de première classe affiliés à Relais & Châteaux, respectivement Le Place d’Armes et Mosconi, La Butte aux Bois et L’Hermitage.

L’ORIGINE DU BONHEUR Dans les années 1950, le PLM (le fameux «Train Bleu» reliant Paris, Lyon et Marseille) s’est progressivement fait doubler par l’automobile qui permettait aux voyageurs de s’éloigner s’un trajet fixe. Tout le long de l’axe Paris-Côte d’Azur se présentaient alors des occasions d’escapades à travers de nouveaux fleurons de ce qu’on appelait alors le bon goût français ou l’art de vivre à la française. Marcel et Nelly Tilloy étaient les propriétaires de l’hôtel-restaurant La Cardinale, acquis en 1951 sur la rive droite du Rhône en Ardèche. Ces anciens artistes de music-hall devenus restaurateurs voient là une occasion unique de s’associer à d’autres maisons partageant une même passion pour l’hôtellerie et la haute gastronomie. En 1952, ils proposent donc à 7 de leurs amis hôteliers et restaurateurs, de se rassembler autour de valeurs communes. Deux ans plus tard, ces 8 maisons s’unissent pour donner naissance à ce qui deviendra un jour une des plus prestigieuses associations hôtelières du monde. Au départ, cette association avait été baptisée «Relais de campagne». Ses 8 membres proposaient alors un itinéraire gourmand qui encourageait les voyageurs à se rendre dans l’ensemble des établissements ainsi réunis. Bientôt, cet itinéraire acquerra le nom de «Route du Bonheur».

Le restaurant Mosconi, dans le Grund, à quelques minutes à peine de l’hôtel Le Place d’Armes, au cœur de Luxembourg.

La Butte aux Bois, un concentré de luxe et de bien-être à mi-chemin entre Maasmechelen Village et Maastricht.

ÉTABLIR SON ITINÉRAIRE Outil de marketing aussi intéressant pour les membres de la chaîne volontaire que pour les voyageurs automobilistes à la recherche d’itinéraires de qualité, les Routes du Bonheur 74

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L’Hermitage, un hôtel-restaurant à la hauteur du décor majestueux qu’offre la ville de Bruges.


se sont multipliées sur les 5 continents. Cette année, elles sont 32 et couvrent 12 pays. Ces routes qu’on peut découvrir sur un site dédié via Internet, sont illustrées par des cartes routières sur mesure, pays par pays, précisant leur tracé, les établissements où séjourner et, pour chacun d’eux, les pages du Guide International Relais & Châteaux concernées. Des QR codes sur chacune des cartes renvoient vers la page d’accueil des établissements concernés. Conjuguant gastronomie, bien-être et art de vivre, les Routes du Bonheur sont autant de circuits qui invitent le voyageur non seulement à découvrir des hôtels et restaurants de qualité, mais aussi la région où ils sont implantés. Plusieurs étapes sont ainsi possibles au Benelux. Les nôtres ont commencé au grand-duché de Luxembourg pour se poursuivre à Lanaken et se terminer à Bruges après une petite semaine de pur bonheur. Les lieux sont magnifiques, mais il faut souligner en premier lieu la qualité de l’accueil et le côté professionnel et pas moins aimable du service dans toutes les maisons visitées.

UNE VILLE BRANCHÉE Le Benelux est en fait une réminiscence de l’ancienne République des Provinces-Unies. Précurseur de l’Union européenne, il réunit

aujourd’hui trois pays extrêmement différents qui partagent pourtant un art de vivre et, depuis quelques années, un même plaisir de l’assiette et un même sourire aux lèvres, car, pour ceux qui ne manquent de rien, il fait bon vivre dans cette région du monde. L’arrivée en voiture au Le Place d’Armes à Luxembourg mérite quelques explications routières qu’on s’empressera de vous fournir lors de votre réservation. Une fois arrivé et les bagages déchargés, un valet-parking se chargera de votre voiture. Car vous vous trouvez ici dans une zone piétonne au cœur de Luxembourg. C’est dans cette ville jadis quelque peu ennuyeuse, uniquement peuplée – croyait-on à l’étranger – de banquiers et de fonctionnaires européens, que le Français Franck Leloup a pris la direction d’un hôtel-restaurant en plein centre-ville: Le Place d’Armes, un nom qui fait tout simplement référence à sa localisation. L’établissement est à deux pas du quartier des affaires et des rues piétonnes et commerçantes. Le passé et le présent s’y répondent dans un bâtiment du XVIIIe siècle revisité au cours des décennies par les styles Art nouveau, néobaroque et design contemporain. La Cristallerie, restaurant gastronomique où officie depuis peu le très expérimenté Fabrice Salvador – un grand chef en puissance –, est

décoré de vitraux et offre une cuisine française raffinée. Le Plëss, face à la réception, cultive quant à lui une atmosphère de brasserie parisienne branchée, alors que le célèbre Café de Paris, à côté de l’hôtel, affiche plutôt une ambiance bistrot, avec un bar à vins et une cuisine simple alliant produits de saison et produits bio.

DÉLICES-SUR-ALZETTE Mais comme personne ne mange trois fois de suite dans le même établissement, l’étape luxembourgeoise de la Route du Bonheur au Benelux propose aussi un excellent restaurant italien, Le Mosconi. Originaire de Lombardie, Ilario Mosconi sublime ici la cuisine de son pays. «Du bœuf de Toscane au veau du Piémont, sans parler des tomates de Sicile et des truffes blanches d’Alba, 90% de nos produits sont importés directement d’Italie», souligne Simonetta Mosconi, l’épouse d’Ilario – originaire, elle, des Marches –, qui prend autant soin du restaurant et de ses clients qu’Ilario de ses assiettes. Dans cet établissement au bord de l’Alzette, nous avons dégusté en Menu d’Automne une multitude de saveurs. Parmi elles: des encornets et gamberetti, des œufs de Paolo Parisi brouillés aux tartuffi di Alba, un entrecôte de veau Sanato légèrement pané, une crème de truffes blanLa ville de Luxembourg offre un concentré de plaisirs pour le touriste avec le Musée d’art moderne grand-duc Jean de l’architecte I.M. Pei et le Grund en bas de la ville moderne; pour le fin palais avec les délices au foie gras de La Cristallerie ou avec les truffes chez Mosconi; et le confort d’un hôtel de classe quand on loge au Place d’Armes…

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TOURISME RELAIS & CHATEAUX BENELUX

ches et sedano rapa, une passata di cachi, gelato al gorgonzola e miele d’acacie… Les fins palais italiens comprendront qu’aucun commentaire ne sera jamais à la hauteur des délices dégustées. Nichée au cœur du grand-duché du même nom, la ville de Luxembourg se distingue par des singularités touristiques étonnantes, comme le spectaculaire ravin de la Pétrusse, le chemin panoramique de la Corniche ou la Casemate du Bock avec ses galeries creusées dans le roc. A tout cela s’ajoutent une série de musées et de galeries d’art moderne dignes du plus grand intérêt. Décidément, avec sa gastronomie, ses hôtels, son centre animé et sa vie culturelle très dense, la ville de Luxembourg est loin, aujourd’hui, d’être aussi ennuyeuse qu’on ne le prétendait naguère.

À L’ÉCART DU MONDE Cap sur Lanaken, entre Liège et Maastricht. La Butte aux Bois est une hostellerie de charme en bordure d’un site d’exception: la réserve naturelle de Hoge Kempen (Haute Campine). Manoir, villa, parc jalonné d’étangs, de fontaines et de kiosques romantiques en font un

refuge idéal où l’accueil des enfants est particulièrement soigné. Il faut dire que nombre de familles viennent s’y ressourcer pendant quelques jours. Un séjour dans ce beau domaine est un retour à l’époque romantique jadis vécue par son premier occupant, un certain sir Lagasse de Locht, pour qui le bâtiment fut édifié en 1924. Les chambres sont aménagées dans un style rustique à la française. Le restaurant gastronomique de la maison, La Source, sublime les recettes locales. Le centre de bien-être «Aquamarijn» a été élu Meilleur spa de Belgique. On pourrait sans problème passer quelques jours ici sans quitter le domaine. Cela dit, à part la nature, Lanaken ne déborde pas d’activités hors du commun. Mais cette petite localité a l’avantage d’être extrêmement bien située pour les amateurs de shopping à prix plein et à prix réduit. Pour les prix réduits, Maasmechelen Village est à 15 minutes de route. Outre les réductions offertes sur place, La Butte aux Bois vous offre un carnet avec plusieurs bons pour une réduction supplémentaire de 10% sur vos achats. Les réductions de 30 à 70% sur place deviennent ainsi plus qu’intéressantes. Le village est agréable à

parcourir et constitue une sortie shopping où on en a littéralement pour son argent… Pour le shopping à prix plein et une petite dose de culture, c’est à 15 minutes dans l’autre sens qu’il faudra partir pour rejoindre la ville de Maastricht, tout juste de l’autre côté de la frontière néerlandaise. Cette ville à mi-chemin entre Aix-la-Chapelle et Liège et traversée par la Meuse a beaucoup de charme et est très animée. Son Bonnefantenmuseum est de classe internationale et pour se reposer d’une bonne dose de shopping et de culture, rien ne vaut un petit verre dans le plus petit café des Pays-Bas: In de Moriaan, dans la Stokstraat, qui, depuis quelques années, dispose maintenant d’une grande terrasse couverte à l’arrière. Avant ça, dès qu’il y avait plus de dix personnes, le café était plein.

LA VENISE DU NORD Lors notre dernière étape à Bruges, nous passerons du plus petit café des Pays-Bas au plus ancien café du Benelux. Il s’agit du Vlissinghe, dans la Blekersstraat, un café ouvert sans interruption depuis 1515 et qui fêtera donc bientôt son demi-millénaire. Considérée comme l’une des plus belles villes d’Europe,

Bien-être et détente sont au rendezvous pour qui loge à La Butte aux Bois à Lanaken. Cette hostellerie de luxe est à égale distance du Bonnefantenmuseum de Maastricht et de Maasmechelen Village.

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L’hôtel L’Hermitage à Bruges est à deux minutes à peine du Beffroi qui domine la ville et à dix minutes de l’imposant Concertgebouw. Ses chambres, son bar et son restaurant offrent un décor en harmonie avec l’atmosphère de la ville.

Bruges est connue pour ses ruelles sinueuses et ses canaux. Riche de musées et classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la cité f lamande a fait du tourisme un art de vivre et s’en sort mieux, à cet égard, que sa grande sœur Venise par exemple. Principal centre commercial du nord-ouest de l’Europe du Moyen-Age au XVe siècle. Bruges a conservé un patrimoine architectural étonnant, agrémenté d’éléments contemporains remarquables… Développé sur un ancien site médiéval, le centre-ville regorge de lieux de visite intéressants. Parmi les classiques figurent le Beffroi, l’église Notre-Dame avec sa tour en briques la plus haute d’Europe et la cathédrale Saint-Sauveur et nombre de musées peuplent la ville: Groeninge, Arentshuis, Gruuthuse… Ville de gastronomie, Bruges est aussi une capitale culturelle. Les représentations au Concertgebouw, œuvre architecturale avantgardiste signée Paul Robbrecht et Hilde Daem, sont vraiment de niveau international. Un dé c or au s s i m aje s t u e u x e nt r e l ’avant-gardiste et le moyenâgeu x, dev ient encore plus féerique quand on

peut se permettre un hôtel à la hauteur. L’Hermitage, dans la Niklaas Despaarstraat, à l’arrière de la place où trône le beffroi, est idéal. Ce bel immeuble classique du XIXe siècle est un point d’ancrage rêvé pour découvrir, à pied, en calèche ou en bateau, la cité historique de Bruges. Mythique et romantique, Bruges est le lieu par excellence pour passer quelques jours de détente en famille entre restaurants, musées et boutiques. De retour à L’Hermitage, on se reposera dans des chambres confortables au décor d’antan ou dans le salon cossu de son

bar Le Magnum. Pour savourer la cuisine de la région, rendez-vous dans son restaurant Le Mystique, dont le décor est resté intact depuis 1869. Outre une cuisine locale raffinée, on y dégustera les délices d’une cave à vins datant du XIVe siècle. Et pour les courageux amateurs de vieille pierres, la salle de fitness voûtée remonte, elle, au XIIe siècle. Elle aussi a été magnifiquement préservée. On peut bien sûr se contenter d’aller l’admirer… www.relaischateaux.com/fr/ Route-du-Bonheur/

LES COFFRETS CRÉATION Depuis octobre dernier, Relais & Châteaux propose une série de 14 coffrets cadeaux originaux, de 169 à 1.220 €. But de la manœuvre? Réinventer l’art d’offrir par le biais de 2.800 expériences d’art de vivre dans 350 Relais & Châteaux de par le monde. L’objet se présente à la façon d’une boîte blanche au dessin épuré à l’intérieur de laquelle on découvre plusieurs étages. Le premier propose un carnet

d’inspirations accompagné d’un crayon. Le deuxième invite à s’immerger dans l’univers de Relais & Châteaux, véritable album de photos signé par les chefs et maîtres de maisons. Le dernier étage comprend l’invitation sous forme de carte-cadeaux annonçant les multiples destinations et expériences possibles aux quatre coins du monde. www.relaischateaux.com

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GASTRONOMIE LE CHALET DE LA FORÊT

PASCAL DEVALKENEER Avec une deuxième étoile acquise en 2012, Pascal Devalkeneer a inscrit le Chalet de la Forêt au fronton de la gastronomie bruxelloise. Rencontre avec un chef autodidacte qui trace sa route depuis 13 ans. TEXTE : MICHEL VERLINDEN

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ondérée, réfléchie, honnête, parfaitement exécutée: voilà la cuisine belge, dans ce qu’elle a de meilleur. Pascal Devalkeneer est réputé pour l’attention qu’il porte aux tendances: il sait qu’il y a une saison pour un plat comme pour un produit et que les goûts et les techniques évoluent avec les mœurs. En défenseur ardent de la cuisine de saison, il n’utilise que des ingrédients issus d’une culture naturelle, comme s’il cuisinait pour lui-même. Et cette démarche quasi philosophique fait toute la force de ses plats.» L’auteur de ces mots n’est pas le premier venu: il s’agit de Ferran Adrià, le chef dont le restaurant El Bulli a été désigné pendant de nombreuses années comme le meilleur restaurant du monde. Ferran Adrià s’exprime ainsi à propos du chef bruxellois dans le livre «COCO - 10 figures internationales de la cuisine sélectionnent 100 Chefs contemporains» édité par Phaidon. Raison supplémentaire d’aller à la rencontre de ce chef discret bien que doublement étoilé. Vous êtes arrivé en cuisine sur le tard en ne suivant pas les voies habituelles; est-ce là un élément qui vous distingue des autres chefs? Est-ce une fierté pour vous? Je n’ai aucune fierté par rapport à ça. La seule chose à retenir, c’est que quand on commence tard, il est nécessaire d’apprendre très vite. Au départ, c’était compliqué pour moi, car j’ai une formation scientifique. En cuisine, les instructions données au commis sont tout sauf précises. Du coup, la moindre demande suscitait une foule de questions en moi, c’était frustrant. J’ai dû assimiler de nombreux éléments afin de pouvoir acquérir une sorte de bon sens intuitif de la cuisine. Il ne faut pas trop fantasmer sur la soi-disant liberté créative qui serait l’apanage des autodidactes, car, pour ma part, j’en ai souffert. A un certain moment de ma carrière, j’ai été freiné dans ma créativité, car je ne maîtrisais pas assez les bases. 78

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Autodidacte et venu sur le tard à la cuisine, Pascal Devalkeneer a inscrit le Chalet de la Forêt parmi les meilleurs tables de Belgique.

Le discours actuel sur la gastronomie est plutôt pessimiste, entre la fameuse «boîte noire» que l’on agite comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des restaurateurs et la situation économique peu favorable… Certains observateurs prédisent une diminution importante des établissements dans un futur proche. Qu’en pensez-vous? Je me considère comme un artisan. Un artisan qui emploie 28 personnes. Je ne cache pas que j’ai l’impression tenace que le gouvernement se plaît à nous mettre des bâtons dans les roues de façon systématique. Vous générez de l’emploi, on vous tombe dessus. Il est quasi impossible de récompenser un membre de l’équipe qui travaille bien. Si vous consen-

Treize ans après son ouverture, le Chalet de la Forêt s’est offert un lifting opéré par l’architecte d’intérieur Nelly Smets et la créatrice de bijoux Pili Collado.


SORT DU BOIS

Situé en bordure de la Forêt de Soignes, le Chalet de la Forêt a un pied dans la nature.

tez une augmentation, 75% de l’argent part à l’Etat. C’est un système écœurant. En ce moment circule une rumeur selon laquelle on ne pourrait plus déduire des notes de restaurant étoilé… Vous vous imaginez la discrimination que ce serait, le nivellement par le bas, la porte ouverte à la malbouffe? Et même si ce n’est qu’une rumeur, en tant que restaurateur étoilé, il vous faut la digérer. Cela n’aide pas être serein… La pression est énorme. Il est difficile de rester optimiste. Cela dit, j’ai une certaine vision de mon métier sur laquelle je ne transige pas. Je sais que je pourrais, par exemple, me passer de deux personnes en cuisine en achetant des produits plus «finis». Ceci, sans perdre mes deux étoiles. Je ne le fais pas parce que ce ne sont pas mes valeurs mais, honnêtement, je pourrais gagner beaucoup plus d’argent… Pour faire face à ce contexte difficile, certains chefs se groupent. On parle beaucoup de Génération W en ce moment, vous venez de rejoindre Les Grandes Tables du Monde et appartenez à la collection Relais&Châteaux. Quel regard portez-vous sur ce genre d’initiative? Je pense que c’est plutôt une bonne chose. Les chefs flamands l’avaient déjà fait auparavant. C’est légitime. Une chose est certaine: à l’heure actuelle, bien faire à manger ne suffit plus. Si je prends mon exemple, il est clair que lorsqu’on se lance dans un projet avec un certain nombre de couverts et une idée de la gastronomie, on est condamné à tourner à plein régime. A la moindre baisse, on s’inquiète. On voit aussi que des chefs triplement étoilés prêtent leur image à des produits ou font des congrès pour mettre du beurre dans les épinards. Face à une telle situation, se regrouper me semble un réflexe sain et normal. Il existe une concurrence importante à Bruxelles. D’une certaine façon, vous en avez fait les frais. Votre second et votre sommelier sont partis pour La Villa Lorraine toute proche… Avez-vous envie d’en dire un mot? Je préfère ne pas en parler, car je n’ai pas aimé la manière dont les choses se sont pas-

‘EN CE MOMENT CIRCULE UNE RUMEUR SELON LAQUELLE ON NE POURRAIT PLUS DÉDUIRE DES NOTES DE RESTAURANT ÉTOILÉ… VOUS VOUS IMAGINEZ LA DISCRIMINATION QUE CE SERAIT?’

sées. Cela dit, quand ce genre de situation se produit, passé le temps du doute, cela débouche toujours sur une nouvelle dynamique très positive. Le Chalet en est sorti grandi. Il y a une «évènementialisation» de la gastronomie: Culinaria, Omnivore, Fooding, Dinner in the sky… Vous faites partie des chefs qui ne quittent pas trop leur restaurant… C’est exact. J’aime être dans mon restaurant pour peaufiner les détails et avoir le retour des clients. C’est important pour moi. J’essaie de trier mes participations sur le volet. A 47 ans, quels sont les moments forts de votre carrière? Je retiens d’avoir travaillé pour Roger Souveryns au Scholteshof. Egalement l’ouverture du Chalet, qui a été un gros pari. Sans oublier l’obtention de la première étoile qui a fort tardé, une vraie libération pour moi. www.lechaletdelaforet.be 79

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EN VISITE ROLLS-ROYCE WRAITH ERDMANN & ROSSI (1939)

L

orsque, dans les années 80, le tout

dans la Lituanie des années 80, il espérait la vend-

jeune Saulius Karosas a découvert

re aux Etats-Unis et toucher le jackpot. Hélas, ou

au fond d’une grange perdue de

plutôt heureusement, ce n’est pas comme ça que

l’immense Russie, blottie sous une

les choses se sont passées…

épaisse couche de poussière, une rare Mercedes

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d’avant-guerre, il a dû se dire que les dieux lui

PLAN B

souriaient. L’homme, ambitieux, voulait quit-

Un hangar industriel anonyme à Worms, en

ter sa Lituanie natale pour émigrer aux Etats-

Allemagne… Quand on sait ce qui se cache der-

Unis, le pays de tous les possibles, et y monter

rière ces portes, on se dit que le même Saulius

sa propre entreprise. Las, à l’époque, le Rideau

Karosas, 25 ans plus tard, est parvenu à réunir

de Fer était encore hermétiquement fermé pour

une collection unique sur laquelle il veille com-

les Soviétiques et aucun objet d’un peu de va-

me une poule sur ses poussins. Dans ces locaux,

leur ne pouvait quitter le pays. Quant à envoyer

d’une propreté méticuleuse, on découvre des

de l’argent à l’étranger, il ne fallait même pas

rangées de voitures anciennes, alignées comme

y penser. Saulius Karosas était alors obstiné-

à la parade et, pour la plupart, abritées sous des

ment en quête d’un capital de départ pour ten-

housses. Depuis la première Mercedes de Saulius

ter l’aventure américaine. Pour y parvenir, il

Karosas, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et

allait trouver quelque chose qui ne valait pas

notre homme a développé une passion immodé-

un kopeck (si l’on ose dire…) ou presque chez

rée pour les voitures d’avant-guerre carrossées

lui, mais dont la valeur marchande serait im-

par le spécialiste berlinois Erdmann & Rossi.

portante aux USA… C’est comme cela qu’il en

Cette passion dévorante est l’une des raisons

est venu à s’intéresser aux voitures anciennes.

pour lesquelles le Lituanien a finalement renon-

Or elles étaient assez nombreuses, à l’époque, à

cé à son idée de revendre la Mercedes pour créer

avoir été «oubliées» dans des granges reculées

sa propre entreprise aux Etats-Unis. Lorsqu’il a

ou des hangars improbables, souvent depuis des

commencé à travailler sur cette voiture, il n’a pas

dizaines d’années. Il s’agissait essentiellement

tardé à remarquer qu’elle était bien trop intéres-

de modèles allemands de prestige (luxueuses li-

sante pour la bazarder contre un paquet de dol-

mousines, voitures de sport, etc.), «empruntés»

lars. Et puis, il faut dire que l’entreprise s’est avé-

à leur légitime propriétaire peu après le Seconde

rée plus longue qu’escomptée: alors qu’il espérait

Guerre mondiale et ensuite délaissés, sans que

mener à bien la restauration de cette Mercedes en

quiconque ne se soucie de les maintenir en état

12 mois, se sont en définitive 17 (dix-sept!) an-

de marche. Et encore ne s’agit-il là que du sort des

nées qui lui auront été nécessaires, avec l’aide de

voitures les plus chanceuses… Combien d’autres

vrais professionnels lituaniens.

ont-elles été dépecées et certains de leurs compo-

Le capital qu’il espérait obtenir en revendant la

sants transformés en brouette, charrue ou autre

voiture, Saulius l’a finalement trouvé d’une autre

outil agricole? Les métaux de bonne qualité étai-

manière, ce qui lui a permis de rassembler la plus

ent tellement rares…

belle collection au monde de voitures carrossées

Bien que Saulius Karosas aime l’automobile et

par Erdmann & Rossi. Et quand on la contemple,

qu’il ait même participé à quelques rallyes avec

on réalise immédiatement que le maître mot n’est

certaines des voitures qu’il avait dénichées,

pas la quantité, mais bien la qualité.

il n’y connaissait au départ pas grand-chose.

Réunir le plus grand nombre possible de châs-

Aussi est-ce vraiment par chance qu’il est un

sis carrossés chez Erdmann & Rossi n’aurait pas

beau jour tombé sur un paquet de ferraille rouil-

été très difficile. Bien que l’entreprise berlinoise

lée, d’aluminium piqué, de bois et de cuir dans

n’ait droit, de nos jours, qu’à quelques lignes dans

un triste état qui, dans une autre vie, avait été

la grande histoire de l’automobile, elle était à

une Mercedes 500 K Kompressor carrossée par

l’époque une société d’importance qui employait

Erdmann & Rossi Jos Neuss. S’il parvenait, au

quelque 250 personnes. C’était moins que Gläser

lieu de l’échanger contre une Volga M24, à la res-

à Dresde, par exemple, même si, entre 1906

taurer rapidement, ce qui n’était pas une sinécure

et 1949, Erdmann & Rossi a carrossé plus de


UN BON

PLAN Ce qui était au début une bonne manière de gagner rapidement de l’argent est devenu l’une des plus belles collections au monde de carrosseries Erdmann & Rossi. Miles a pu jeter un coup d’œil derrière les portes, d’ordinaire toujours closes, de l’antre qui les abrite. Nous avons même pu prendre le volant de l’une des pièces les plus désirables de cette collection, une Rolls-Royce Wraith, excusez du peu!. TEXTE: BART LENAERTS # PHOTO: LIES DE MOL

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EN VISITE ROLLS-ROYCE WRAITH ERDMANN & ROSSI (1939)

DES RANGÉES DE VOITURES ANCIENNES, ALIGNÉES COMME À LA PARADE

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6.000 automobiles. En posséder le plus possible n’était pas ce qui motivait Saulius Karosas… Surtout que les réalisations du carrossier berlinois ne sont pas toutes d’un intérêt égal. A ses débuts surtout, Erdmann & Rossi réalisait des espèces de «jardinets roulants», montés surtout sur des châssis Mercedes et Horch. Ce n’est qu’aux alentours de 1925, que ses produits ont atteint un niveau réellement aristocratique, avec des carrosseries extrêmement luxueuses dotées d’un équipement sur mesure. C’est surtout à ces voitures-là que Karosas s’intéresse et ce qu’il espère, à terme, c’est de réunir les plus belles réalisations de cette période. Il en possède déjà plusieurs. Outre la Mercedes dont il a déjà été question, on peut citer un gros cabriolet Maybach à moteur 12 cylindres, une Horch Coupé Sport, une Mercedes 630 K de 1929, un coupé Bentley Derby de 1938 ou encore une reconstruction de la fameuse Horch 835 Sport Coupé utilisée en 1937 par Bernd Rosemeyer. Saulius Karosas estime qu’il lui manque encore 4 ou 5 voitures avant de pouvoir considérer sa collection comme comp-

lète. La plus désirable est bien entendu la très gracieuse Mercedes jadis réalisée pour le shah d’Iran. Mais il s’agit là d’un rêve difficile à concrétiser!

VALEUR MARCHANDE Reste qu’une collection «à thème» comme celleci présente aussi son lot d’inconvénients, ainsi que Karosas allait s’en rendre compte. L’univers dans lequel on évolue est tout petit et les gens ne tardent pas à savoir qu’il y a quelqu’un qui, tôt ou tard, risque de venir sonner à leur porte s’ils possèdent une voiture sortie des ateliers Erdmann & Rossi à Berlin-Halensee. Un des avantages, car il y en a aussi, c’est qu’on sait où s’adresser et qu’il ne faut pas écumer le granges perdues de pays entiers. Au fil du temps, les offres ont fini par arriver d’elles-mêmes chez Saulius Karosas. Le revers de la médaille, c’est que devant l’appétit d’un collectionneur comme Karosas, les prix demandés s’envolent. Dans ce cas, notre homme préfère renoncer. L’idée de dominer le marché par l’épaisseur de son portefeuille lui déplaît sou-


Sièges réglables, bois au tableau de bord, lampes de lecture intégrées… la voiture devait être conforme aux tendances alors en vogue à Berlin.

lui permettent d’accéder facilement aux coins les plus perdus de la campagne russe, le seul endroit sur terre où il soit encore possible, avec un peu de chance, de réaliser des pêches miraculeuses en matière d’automobile ancienne. Sa fascination pour la restauration de véhicules anciens prouve en tout cas que ce n’est pas un homme près de ses sous… Quiconque a déjà restauré ou fait restaurer une voiture ancienne sait bien que cela revient en fin de compte bien plus cher que d’acquérir une belle voiture actuelle. Or, ça, ce n’est vraiment pas son truc, à Karosas. Ce qu’il aime, c’est ramener patiemment à la vie des voitures négligées et oubliées depuis des décennies. Cette façon de procéder est du reste la seule qui permette de remettre la voiture dans son exact état d’origine, celui du temps de sa splendeur. Et là, le Lituanien place la barre très, très haut. Il suffit, pour s’en convaincre, de passer en revue quelques-unes des majestueuses beautés endormies dans le hangar de Worms. Toutes ont été merveilleusement restaurées. Rien que la profondeur des peintures et la qualité des chromes en dit bien plus qu’un long discours.

CE QU’ON FAIT SOI-MEME…

verainement. Même si son approche des affaires est très professionnelle, la voiture ancienne est et demeure pour lui un hobby. Et comme tel, cela doit rester une activité agréable… Donc, s’il essaie de conclure des transactions avantageuses, c’est avant tout pour le sport. Karosas possède par ailleurs toute une série d’autres voitures anciennes qui n’ont pas été carrossées par Erdmann & Rossi. Certaines ont séduit le technicien qu’il est, alors que d’autres ont été acquises par pur sens des affaires, en vue d’un échange. Pas tout de suite, peut-être, mais un jour, si la chance lui sourit, telle ou telle voiture pourra lui servir de monnaie d’échange. C’est ainsi qu’il espère bien troquer un jour sa Bugatti 57 et sa Minerva contre des voitures de ces marques, mais carrossées chez Erdmann & Rossi, cela va sans dire! Quoi qu’il en soit, les voitures qui intéressent Saulius Karosas sont surtout celles qui demandent une restauration complète. En tant que Lituanien, il est particulièrement bien placé pour mener à bien ce genre de travail… Ses origines

Les voitures de Karosas sont toujours restaurées «dans leur esprit». «L’authenticité est ce qu’il y a de plus important à nos yeux», confie Emmanuel Bacquet, le Français qui gérait par le passé la fameuse collection Schlumpf à Mulhouse et qui veille à présent sur celle-ci… «C’est la raison pour laquelle nous ne faisons pas mystère du fait que notre Horch Sport Rosemeyer est une réplique. Cela n’aurait aucun sens de travestir la vérité ou de laisser subsister un quelconque doute à ce sujet. Le monde de la voiture ancienne est trop petit: il y aurait toujours quelqu’un pour savoir que la vraie voiture n’a pas survécu à la guerre.» Partant du principe que ce que l’on fait soi-même, on le fait mieux, Karosas a ouvert son propre atelier à Vilnius, placé sous la direction de l’homme avec qui il a restauré la Mercedes. «Karosas n’est pas un Américain. Il ne jette pas l’argent par les fenêtres et ne sur-restaure pas les voitures. Il privilégie des projets de longue haleine, qui durent souvent plusieurs années, mais pour lesquels il importe d’avoir une vision correcte des choses.» Là-bas, ce n’est pas le boulot qui manque, vu la «collectionnite» dont souffre l’industriel lituanien. Outre sa collection à thème Erdmann & Rossi, Karosas a constitué à Vilnius une collection de microcars et une autre de limousines «statutaires» russes. Et pour être complet, il 83

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EN VISITE ROLLS-ROYCE WRAITH ERDMANN & ROSSI (1939)

Le style remarquable de cette Rolls-Royce Wraith trouve mieux à s’exprimer lorsque la voiture est en mouvement.

CE QUI FAIT LA MAGIE DES CARROSSERIES ERDMAN & ROSSI EST DIFFICILE À EXPLIQUER

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faut encore signaler que Karosas, en technicien qu’il est, est fasciné par les moteurs 12 cylindres d’avant-guerre. Saulius Karosas écume les concours d’élégance: Villa d’Este, Pebble Beach et même Le Zoute. Non qu’il affectionne particulièrement les mondanités, mais parce que le gamin qu’il est resté quelque part aime parler artisanat et technologie avec ses semblables. A ses yeux, du reste, une voiture est faite pour rouler et il aime partager les belles choses de la vie. Aussi avons-nous pu faire un tour dans l’une des ses voitures sur les petites routes de campagne aux alentours de Worms… Seulement, laquelle choisir? En toute logique, nous avons jeté notre dévolu sur la Mercedes, puisque c’est avec elle que tout a commencé. Hélas, ce jour-là, la limousine allemande était dans un jour «sans». S’il acceptait volontiers de démarrer, son moteur s’arrêtait

sans crier gare au bout de quelques mètres. Aussi avons-nous effectué la balade avec une voiture différente, mais au moins aussi particulière: la RollsRoyce Wraith qui a brillé au début de cette année sur les pelouses de Villa d’Este et qui est annoncée au prochain concours d’élégance du Zoute…

DE GRAND PROJETS Une Rolls-Royce Wraith, c’est toujours quelque chose de particulier. Moins de 500 exemplaires de cette «entrée de gamme» ont été produits. Mais celle-ci est vraiment unique. Erdmann & Rossi n’en ont construit que deux et celle qui nous occupe est la seule qui ait subsisté. Rien que pour cela, Karosas se devait de la posséder. A ses yeux, toutefois, l’intérêt de cette Rolls est double. Avant la guerre, Erdmann & Rossi importait RollsRoyce en Allemagne. C’est la raison pour laquelle


Mercedes également noires, il n’était plus question de radio ni de lève-vitres électriques. La voiture a néanmoins trouvé acquéreur, mais à condition qu’elle soit parée d’une peinture gris métal moins sévère. On ne sait pas ce qu’il est advenu ensuite de cette Rolls-Royce Wraith. La seule chose qui soit certaine est qu’elle a réapparu beaucoup plus tard dans la collection du Riga Motor Museum, où Karosas est venu la sauver de l’anonymat. Curieusement, la voiture avait retrouvé sa teinte noire d’origine. Non qu’elle ait été repeinte, mais parce qu’au fil du temps, la couche de peinture grise s’était écaillée pour laisser à nouveau apparaître la peinture d’origine. Depuis lors, Saulius Karosas a remis cette Wraith dans un état digne d’elle, même s’il ne s’agit pas vraiment d’une voiture de très grande valeur, du moins en espèces sonnantes et trébuchantes… Aux yeux de Karosas, cette voiture vaut surtout parce qu’elle incarne comme aucune autre le style du carrossier berlinois et illustre parfaitement la très grande qualité de ses réalisations.

SOURCE D’INSPIRATION

Saulius Karosas veille sur sa collection comme une poule sur ses poussins.

ils ont acheté un châssis roulant, à la présentation du modèle en 1938. Quand on consulte le bon de commande, qui est parvenu jusqu’à nous, on constate qu’il avait été décidé d’habiller ce châssis comme c’était alors le dernière mode à Berlin: carrosserie en aluminium, capot à volets, deux larges portières, toit ouvrant et roue de secours intégrée. A l’intérieur, cela allait encore bien plus loin avec des sièges réglables, des lampes de lecture à l’arrière, sans oublier une radio Telefunken et même des vitres latérales à commande électrique. Ces dernières auraient dû être réalisées suivant un brevet Erdmann & Rossi, au départ d’un moteur d’essuie-glace de marque Bosch. Tous ces projets ambitieux ne sont hélas pas devenus réalités. Lorsque la voiture a été exposée au salon de Berlin en 1939, habillée d’une déprimante robe noire, aux côtés d’une Maybach, de deux Horch et d’une

Ce qui fait la magie des carrosseries Erdman & Rossi est difficile à expliquer. Certains estiment qu’elles conjuguent avec brio la qualité allemande et l’élégance italienne. Or, si l’on connaît un peu l’histoire du carrossier berlinois, affirmer cela est un non-sens: Rossi a été impliqué beaucoup trop peu de temps dans la direction de l’entreprise pour la marquer de son empreinte. Reste que les voitures signées Erdmann & Rossi proposaient un subtil compromis entre les formes traditionnelles «à l’anglaise» et le style flamboyant des carrossiers français de l’époque. C’était aussi le cas des spécialistes italiens Castagna, Touring et Pininfarina, à ceci près que le niveau de qualité atteint par les Allemands était indéniablement supérieur, ce que cette Rolls illustre parfaitement. Même si elle ne fait pas tourner les têtes dans tous les concours d’élégance, sa carrosserie 4 places à 2 portes est bien plus «frivole» que celle de presque toutes les autres Wraith dont les lignes étaient pour le moins compassées… Celle-ci, par contre, dessinée par deux stylistes, avec sa face avant imposante et sa poupe toute en courbes douces, est une voiture à la double personnalité, à la fois solide comme un roc et confortable comme un tapis volant. On retrouve du reste ce même compromis dans la Wraith actuelle, qui adopte elle aussi une carrosserie 2 portes à 4 places. A croire que les designers de chez RollsRoyce sont venus chercher l’inspiration dans le hangar de Saulius Karosas… 85

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DESIGN AUTOMOBILE LUC DONCKERWOLKE, DESIGNER CHEZ BENTLEY

‘JE DESSINE DES VOITURES COMME UN GAMIN DE 6 ANS ET JE SUIS PAYÉ POUR LE FAIRE...’ Avec Dirk Van Braeckel, Luc Donckerwolke est sans doute l’un des designers automobiles belges les plus connus. Le second a suivi les traces du premier en devenant, l’an dernier, patron du style chez Bentley… L’occasion de parler avec lui de choses et d’autres… TEXTE : HANS DIERCK X # P H O T O S : DEBBY TERMONIA / ARCHIEF

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n tant que designer, on est un peu un terroriste», lance d’emblée notre compatriote, lorsque nous le rencontrons dans les coulisses du salon de Francfort. La «PR» de Bentley manque d’avaler de travers… Et Luc Donckerwolke de surenchérir: «ou de pirate, pour le dire autrement…» Au fil des années, l’homme, aujourd’hui âgé de 48 ans, s’est constitué un territoire où il peut agir comme il en a envie. Il évoque avec passion et nuance son travail, un job dans lequel il faut être à la fois artiste, ingénieur et manager. Dans cette marque aristocratique qu’est Bentley, Luc Donckerwolke, qui a grandi en Afrique, évolue de manière quelque peu singulière. Certes, il ne court plus pieds nus comme il le faisait encore adolescent: il porte un complet sur mesure, de coupe parfaite, qui contraste avec sa manière de s’exprimer. Après la comparaison qu’il vient de faire, il nous gratifie d’autres métaphores. Il nous explique qu’au sein de son équipe, il fait un peu figure d’oiseau rare. Les voitures qu’il dessine, il les appelle ses «jouets», alors que les tâches administratives, il les abandonne à sa «maffia». Les termes de Luc Donckerwolke manquent peut-être un peu de retenue, pour les responsables des relations publiques de Bentley… Voilà qui contraste aussi avec la façon d’être, beaucoup plus bon enfant, de Dirk Van Braeckel, qui a été son patron chez Audi et Skoda et qui l’a précédé à Crewe. Donckerwolke lui a succédé à la tête du style Bentley voici un an.

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Vous avez travaillé chez Peugeot, Audi, Skoda, Lamborghini, Seat et maintenant chez Bentley. Est-il un exercice difficile de s’exprimer à chaque fois dans un langage stylistique différent? Bentley est une marque qui m’a toujours intéressé, mais à propos de laquelle, assez curieusement, je ne connaissais pas grand-chose. C’est une marque à l’histoire très riche, que je dois bien sûr respecter et que je dois apprendre à connaître. Non pas tellement pour voir ce que je peux en utiliser, mais plutôt pour m’en pénétrer et la laisser agir en moi. Cela veut dire lire des livres, découvrir les modèles, parler avec des gens, rassembler des images et des impressions et transformer tout ça en idées nouvelles. C’est toujours quelque chose de fantastique qui me permet de renouer avec le syndrome du caméléon que j’ai déjà connu enfant. C’est comme si j’avais été adopté par une nouvelle famille et que je devais trouver comment m’y insérer au mieux. C’est un processus fait d’apprentissages, de découvertes, de synchronisation avec les gens de la technique, de lobbying… Il me faut aussi constituer une équipe, ce que j’appelle ma «guerilla task force». Pour moi, c’est le processus d’apprentissage qui est le plus fascinant: il n’y a rien de plus beau que de trouver les limites. Un designer, c’est comme un enfant: il doit trouver les limites qu’il ne devrait pas outrepasser, mais qu’il doit justement franchir pour les percevoir.

Trouvez-vous dommage de devoir composer avec des limites techniques de plus en plus strictes, comme celles qui concernent la sécurité des piétons ou celles relatives aux émissions? Ces restrictions ne limitent votre liberté que si vous les considérez comme telles. Prenez ce qui se passe en formule 1. La démarche consiste à comprendre le règlement et à parvenir à le contourner. C’est un peu la manière italienne, si vous voulez… On voit en quoi consiste la règle et on tourne autour. Il faut être plus intelligent que ceux qui écrivent les règlements. On peu comparer ça au slalom en ski… Je ne suis pas un artiste, je suis un designer, ce qui revient à résoudre des problèmes. Mon boulot, c’est de créer un produit qui soit conforme à tous les règlements en vigueur. Il faut avoir le feu sacré: concevoir une voiture, c’est une compétition. Il faut frapper plus fort que celui qui vous frappe, mais ceci sans violence, bien sûr. L’automobile est une industrie et vous êtes l’élément perturbateur. Les ingénieurs ont créé quelque chose et vous, vous êtes celui qui vient leur dire qu’ils doivent recommencer. Vous déstabilisez le processus. Vous êtes donc, quelque part, un terroriste. Pouvez-vous nous donner un exemple? Prenez les entrées d’air mobiles de la Lamborghini Murciélago. Je devais concevoir le modèle appelé à succéder à la Diablo. On


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DESIGN AUTOMOBILE LUC DONCKERWOLKE, DESIGNER CHEZ BENTLEY

avion ne vole pas avec son train d’atterrissage. Le pilote le sort uniquement quand il en a besoin. Je vous ai donné un exemple qui remonte à ma période Lamborghini, parce que je ne pas encore connu de situation similaire chez Bentley. Mais d’ici 6 mois, il en ira sans doute autrement! S’adapter à une nouvelle marque, c’est également accepter les règles en vigueur? Vous savez, s’il n’y a pas de limite, ce n’est pas intéressant. Lorsque vous faites la crêpe sur une plage, pourquoi voulez-vous être créatif? Vous vous contentez de profiter… Ce n’est que dans des circonstances difficiles qu’il est possible de faire preuve de créativité. Votre liberté, vous devez la conquérir vous-même. Il y a des gens qui disent: «Voilà comment nous faisons les choses.» Vôtre rôle, c’est de leur demander pourquoi. Non pour vouloir les faire autrement par principe… Il s’agit plutôt d’avoir une vision et d’en installer peu à peu les fondations. Lorsque je suis arrivé chez Bentley, j’avais des choses en tête. Non pour le salon de Genève de l’année suivante, mais plutôt à l’horizon 2020 ou 2025. Tout ce que je fais doit contribuer à mettre en œuvre cette vision. Mais ne me demandez pas de vous en dire plus, je ne vous répondrai pas! (Rires)

‘C’EST UN PEU LA MANIÈRE ITALIENNE… ON CONNAÎT LE RÈGLEMENT, MAIS ON LE CONTOURNE’

m’a dit: «Fais ce que tu veux, mais les entrées d’air doivent être conservées!» J’ai refusé, parce qu’elles ressemblaient aux oreilles de Mickey… J’ai alors demandé quand on avait vraiment besoin de ces entrées d’air. La réponse a été: «Lorsque la température extérieure dépasse les 30°C et que la température d’huile est supérieure à 130°C et que la température d’eau est de, etc., etc.» J’ai alors proposé de prévoir des entrées d’air mobiles. Après tout, un

Le SUV de Bentley sera commercialisé d’ici 2 ou 3 ans. Où en êtes-vous avec cette voiture? Elle est presque prête. Ce sera une authentique Bentley, donc à la fois extrêmement élégante et résolument sportive. L’EXP 9 F du salon de Genève 2012 n’était qu’un proto à fort impact visuel qui n’a pas été apprécié par tout le monde. Mais ici, c’était un peu comme au théâtre: pour bien passer, il faut adopter un langage corporel plus affirmé et mettre plus de maquillage qu’à la télévision. Un concept car a quelque chose de théâtral. On intègre ensuite le modèle de série au sein de la famille. C’est ce à quoi je travaille pour le moment. La voiture va donc être différente à bien des égards, mais, je vous le répète, ce sera une vraie Bentley. En tant que designer, est-ce important pour vous d’imprimer votre touche propre, de façon à créer un produit clairement identifiable? Il n’y a rien de pire qu’un designer qui ambitionne de créer «sa» période en se démarquant à tout prix de ce qu’ont fait ses prédécesseurs, simplement parce qu’il possède un ego surdimensionné. Il suffit de regarder l’histoire: ces gens-là restent tous assez longtemps dans une entreprise, histoire de bien montrer que ce sont eux qui ont les cartes en main. Ensuite, la marque recule parce que ces provocations ne

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s’inscrivent pas dans une vision à long terme. Il ne faut pas oublier, en tant que designer, que l’on n’est qu’une partie de l’histoire et pas toute l’histoire… En tant qu’amateur passionné, j’ai trop de respect envers la marque pour vouloir me distinguer à n’importe quel prix, rien que pour inscrire mon nom en majuscules. Je ne veux citer aucun nom, mais on remarque que certaines marques qui ont pris telle ou telle direction par la volonté d’un designer en ont été les premières victimes. A mon avis, il ne faut pas travailler plus de 7 ans pour la même marque. On n’a alors pas le temps de marquer sa propre époque… Il n’y aurait donc pas de caractéristique stylistique qui porte votre signature propre? Certains affirment que toutes mes voitures possèdent les mêmes «sourcils». Sans doute s’agit-il de quelque chose d’inconscient, mais je ne vais pas me lancer dans une analyse… J’essaie simplement d’être honnête à propos de ce qu’est une voiture, dans le sens où son style doit être le reflet de ses valeurs. C’est la même chose pour un fusil, par exemple… D’un point de vie technique, mes voitures sont très fonctionnelles, elles ont une esthétique que je qualifierais de mécanique. J’essaie de faire en sorte que mes voitures possèdent une ligne caractéristique. Lorsque votre grand-mère vous dit qu’elle a vu une belle voiture et que vous lui demandez à quoi elle ressemble, il faut qu’elle puisse facilement la décrire. Sur la Murciélago, par exemple, ce qui était à mon sens caractéristique, c’était le jeu graphique autour des entrées d’air, la manière dont les lignes de trois surfaces ne faisaient plus qu’une. Sur la Seat León, c’était l’orchestration des lignes sur les flancs. Sur l’Audi A2, c’était sans doute davantage la silhouette générale de la voiture, très influencée par l’aérodynamique. Il doit y avoir une hiérarchie: il faut une ligne et tous les autres éléments doivent être à son service, en quelque sorte. Dans ce métier, quels sont vos points faibles? Je ne suis pas capable de perfectionner le travail d’un autre. Une autre de mes faiblesses est que je suis extrêmement têtu et que je déteste que quelqu’un vienne casser mes jouets. Je suis enfant unique et mes jouets, je n’ai jamais appris à les partager. Cela n’a pas été facile pour moi quand on m’a dit que je deviendrais designer en chef, parce que j’avais l’impression que j’allais devoir partager mes projets avec d’autres designers. Aujourd’hui, j’ai appris à vivre avec ça… Vous dirigez aujourd’hui une équipe de 120 personnes. Vous avez encore le temps de tenir un crayon?

L’EXP 9 F, une étude de style controversée qui préfigure le premier SUV de Bentley.

CURRICULUM VITÆ NÉ LE 19 juin 1965 à Lima (Pérou) FORMATION Ingénieur Industriel (Bruxelles), Transport Design (Vevey, Suisse) CARRIÈRE 1990-1992 Peugeot (stagiaire)

En théorie, je dis tous les matins à mon assistant d’annuler toutes les réunions de la journée ou d’y envoyer quelqu’un à ma place. Mes designers sont comme mes enfants et je m’organise pour pouvoir jouer avec eux! Par le passé, j’avais peur de vieillir. Maintenant que je suis plus âgé, j’essaie de faire en sorte qu’ils soient meilleurs que moi et qu’ils me montrent que je suis dans l’erreur. Tous les designers avec lesquels je veux travailler sont des gens qui viennent au travail pour jouer, pour se faire plaisir. Autrement, ça ne fonctionne pas. Le privilège que nous avons dans ce métier, c’est de pouvoir dessiner des voitures comme des gamins de 6 ans et d’être payés pour le faire. Je suis toujours étonné de gagner de l’argent en faisant ce travail. L’aspect le plus difficile de notre job, c’est de défendre nos idées face au conseil d’administration. Mon boulot consiste aussi à protéger les designers des patrons, parce je ne veux pas qu’ils en viennent trop vite à penser que s’ils font ceci ou ça, ça plaira à la direction. Non, un designer doit pouvoir dessiner librement. On protège ses enfants face à l’agressivité du monde extérieur. Mon boulot consiste aussi à ce que mes designers, qui sont mes enfants, puissent rester des enfants.

1992-1994 Audi (divers) 1994-1996 Skoda (Octavia, Fabia) 1996-1998 Audi (A2, A4 Avant, R8 de compétition) 1998-2005 Lamborghini (Murciélago, Gallardo) 2005-2012 Seat (Ibiza, Leon) 2012-? Bentley

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ARTISANAT SECRÈTES GONDOLES

MÉTIER EN VOIE DE DISP Dans le squero (petit chantier naval) qui porte le nom de sa famille, Roberto Tramontin construit des gondoles comme on le faisait au XVe siècle à Venise. Têtu, l’homme n’a pas l’intention de changer d’un iota sa méthode de fabrication, «même si les gondoliers sont devenus moins exigeants et si les touristes accepteraient aujourd’hui de voguer sur les canaux vénitiens dans une gondole en contreplaqué…» TEXTE : SERGE VANMAERCKE # P H O T O S : GIOVANNI GASTEL

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omme robuste, macho débonnaire au sourire ironique dans une moustache touffue, Roberto est assis à l’extrémité avant du Cantiere, la forme en bois sur laquelle son père, son grand-père et son arrière-grand-père ont placé de la même manière, depuis la fin du XIXe siècle, les diverses pièces à assembler pour construire une gondole traditionnelle. Tramontin accepte – «je ne peux pas faire autrement» – qu’on observe son chantier depuis le pont tout proche, mais il n’ouvre pas volontiers la minuscule porte en fer qui y donne accès. Ici, c’est par un canal du Dorsoduro que le long et étroit produit final quitte le chantier. Acqua di Parma (voir rubrique «Parfums») a donc montré patte blanche pour nous. Ce label italien qui soutient l’artisanat et la culture vient de publier un beau livre dans lequel figure le Squero Tramontin & Figli. «On fait les gondoles de la même manière depuis la fondation de ce squero par mon arrière-grand-père, dit Roberto. Je suis allé à l’école jusqu’à 15 ans, puis je suis venu travailler ici sur le chantier. Comme pour mon père et mon grand-père, il allait de soi qu’on rejoigne l’entreprise familiale. C’est ici que je me suis familiarisé avec les techniques de construction et les différentes essences de bois nécessaires pour faire une gondole. Le grand secret d’une telle embarcation réside dans l’utilisation de diverses essences de bois et dans la structure asymétrique qui fait que, malgré l’emplacement en porte-à-faux du gondolier qui rame d’un seul côté de la gondole, celle-ci peut aller tout droit. Cela ne se voit presque pas à l’œil nu, mais au moment de la construction, cette asymétrie est très importante.» Une gondole mesure un peu moins de 11 m, mais pour assurer une mobilité maximale dans les étroits canaux de la Sérénissime, la moitié au moins de cette longueur se trouve hors de l’eau.

Le squero Tramontin & Figli vu d’un pont tout proche dans le Dorsoduro vénitien.

LA PETITE ROBE NOIRE D’une gentillesse un peu fruste, Roberto cache mal sa fierté en expliquant le processus de fabrication d’une gondole en passant d’un côté à l’autre du Cantiere. 90

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Le produit fini. Simple et sophistiqué à la fois.


ARITION «C’est la qualité de notre production qui nous a permis d’être les fournisseurs de la maison de Savoie et d’autres clients prestigieux, dit-il. Si une gondole a besoin de huit sortes de bois – chêne, sapin, merisier, mélèze, tilleul, noyer, acajou, orme –, c’est qu’elles ont toutes des propriétés, une flexibilité et donc une fonction différentes. Même si sa construction est très sophistiquée, une véritable gondole a l’air simple. Une gondole, c’est comme une femme habillée pour une soirée de gala: plus elle est fardée, plus elle a l’air kitch. Une jolie robe noire avec un collier de perles, rien de plus beau pour souligner la beauté d’une femme. Cette simplicité convient également aux gondoles. Vous savez, les choses les plus professionnelles sont souvent les choses les plus simples…» Les métaphores hommes-femmes reviennent souvent dans la bouche de ce Vénitien typique, même quand il s’agit de prix: « une gondole coûte moins qu’un mariage et l’entretenir coûte moins qu’un divorce», dit-il en riant. On apprendra que l’engin coûte en moyenne 35.000 € neuf. Pendant qu’il nous parle, Roberto travaille le bois, marteau et ciseau à la main, et le courbe au feu. Depuis 1884, ce chantier a livré des gondoles à tous les Vénitiens. Aujourd’hui encore, ce sont ses meilleurs clients. Mais paradoxalement, certains étrangers – dont un riche Mexicain – lui commandent également des gondoles. Oh, pas tant que ça… L’homme n’en fabrique plus qu’une ou deux par an. Le reste du temps, il restaure des gondoles anciennes ou construit des embarcations plus anodines, la sampierota par exemple, très populaire parmi les Vénitiens. Il est aidé en cela par un jeune homme de 26 ans qui a décidé de l’assister au lieu d’exercer son métier d’ingénieur naval. Sans doute ce jeune homme succédera-t-il un jour à Roberto, dont la descendance est exclusivement féminine et pas du tout intéressée par la reprise du squero de la famille. Jamais constructeur de gondole n’aura été aussi savant sur ce chantier!

Matériel vétuste pour gondole neuve.

‘MÊME SI SA CONSTRUCTION EST TRÈS SOPHISTIQUÉE, UNE VÉRITABLE GONDOLE A L’AIR SIMPLE’

Avec les huit essences de bois, l’asymétrie est un des grands secrets de navigation d’une gondole.

Roberto Tramontin, un des derniers constructeurs traditionnels de gondoles à Venise.

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VOYAGE CRÈTE

UN TRIO GAGNANT A qui choisit déjà en hiver ses vacances de printemps ou d’été de l’année suivante, Miles propose une perle haut de gamme parmi l’offre abondante de destinations en Crète. Trois formules conçues par une seule famille en un lieu de rêve: Elounda, à 7 km d’Agios Nikolaos. TEXTE : SERGE VANMAERCKE

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es 70 kilomètres qui séparent l’aéroport d’Héraklion du site de villégiature d’Elounda n’offrent nul présage prometteur. Le tourisme a littéralement massacré le paysage de part et d’autre d’une bonne partie de cette route. Quel soulagement, donc, que d’arriver dans cet ancien village de pêcheurs de la baie de Mirabello qu’est Elounda, pour y découvrir l’hôtel Elounda Mare, conçu par le propriétaire lui-même en 1981. Spyros Kokotos avait dessiné bien d’autres hôtels dans la région avant d’y établir le sien. Toujours une affaire de famille, l’établissement est dirigé par Eliana, la femme de cet architecte aujourd’hui défunt. Nous ne sommes pas loin de la ville portuaire d’Agios Nikolaos et encore moins du petit village pittoresque de Kritsa, dont vous vous remémorerez certainement les paysages si vous avez vu le superbe film Zorba le Grec de Michael Cacoyannis, tourné ici en 1964.

UNE AFFAIRE DE FAMILLE L’Elounda Mare est à la fois un hôtel et un village de bungalows – savant mélange de murs crépits 92

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blancs et de pierres locales brun-gris – inspirés du style crétois et entourés d’un paysage marin de toute beauté. En haute saison, un pavillon s’y loue 800 € par jour pour 2 personnes ou 1.950 € pour un groupe de 6 personnes. Mais nombre de sites de réservation en ligne et l’hôtel lui-même proposent régulièrement des tarifs plus intéressants. Réputé pour l’amabilité de son personnel et son atmosphère chaleureuse, l’hôtel Elounda Mare mérite ses 5 étoiles, car il entretient une tradition d’excellence dans l’hôtellerie grecque. Signal positif: la plupart des membres du personnel sont d’ailleurs présents ici depuis plusieurs dizaines d’années. Une équipe aujourd’hui renforcée par des collègues de l’Est parlant la langue des riches touristes de l’extrémité orientale de l’Europe. Le site de l’hôtel présente lui-même les atouts du lieu en anglais et en russe. Cela dit, le vacancier n’y voit que du feu, car, à l’exception des lieux publics du bâtiment central comme le lobby, les bars et les restaurants répartis dans le domaine, l’hôtel est conçu pour garantir un maximum de vie privée à ses hôtes. La décoration des chambres et de ces lieux communs est constituée d’objets d’art issus


Elounda Mare, bungalows de style crétois pour 2 à 6 personnes avec piscine d’eau de mer privée.

de la riche collection des Kokotos: tapis, cheminées, coffres, tapisseries, peintures et autres sculptures. Dès l’entrée, les objets anciens, témoins de l’histoire crétoise, sont partout, des tableaux aux tapis en passant par les portes anciennes et les œuvres des artisans locaux. L’eau de mer face à l’hôtel Elounda Mare a obtenu le label Drapeau Bleu de l’Union européenne pour sa pureté et la propreté de sa plage et en reconnaissance de son engagement en faveur de l’environnement local, même si les yachts de passage ne respectent pas toujours le travail des locaux pour maintenir cette propreté. Les programmes incluent ici une gestion efficace de l’eau, le traitement des eaux usées et l’éveil de la conscience environnementale à la fois du personnel et des enfants de la région. L’hôtel est pourvu d’une immense piscine d’eau de mer et d’un petit bassin pour les enfants autour desquels s’étendent de larges pelouses. Outre le repos, on peut louer ici le yacht de la famille Kokotos à la journée, disputer des parties de golf sur un 9 trous ou jouer au tennis, sans parler des plaisirs de l’eau.

DIVERSES DE FORMULES Dix ans à peine après l’établissement de ce complexe hôtelier original en Crète, la famille Kokotos a eu l’occasion d’acheter un immense terrain voisin. Forts du succès de leur première formule, les membres de la famille décident d’en créer une deuxième. Ce sera l’hôtel Porto Elounda qui, profitant d’un emplacement aussi exclusif que le premier, n’en dégage pas pour autant l’exclusivité tout court. Nombre d’œuvres d’art intéressantes décorent pourtant ses murs et… ses plafonds. Comme celui du lobby, composé d’un nombre incalculable de moules à pâtisserie d’antan. Pas de bungalows ici, mais un bâtiment à étages dont les chambres du rez-de-chaussée disposent néanmoins d’une piscine semi-privée face à leur terrasse, une piscine qui s’étend le long de plusieurs chambres. Ce complexe présente l’avantage de disposer d’un spa Six Senses. La troisième formule du complexe hôtelier que dirigent aujourd’hui les Kokotos, se situe tout à côté des flots. L’Elounda Peninsula a ouvert ses portes en 2001 et accueille le gratin de la planète, des clients disposés à payer jusqu’à 3.300 €, 93

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VOYAGE CRÈTE Le village pittoresque de Kritsa croule sous l’offre artisanale pour touristes.

Spinalonga: une forteresse construite par les Vénitiens, devenue léproserie au début du XXe siècle et fermée seulement en 1957.

Lato, le charme d’un site archéologique très peu couru…

‘NOUS NE SOMMES PAS LOIN DE KRITSA, DÉCOR NATUREL DU SUPERBE FILM ZORBA LE GREC DE MICHAEL CACOYANNIS, TOURNÉ ICI EN 1964’ 94

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voire 5.000 € en haute saison pour une suite de 4 personnes. Véritable entreprise immobilière, cette formule propose aussi des villas pour 1 à 4 millions d’euros à l’arrière du domaine dans sa partie la plus privatisée. Pour permettre aux hôtes des trois formules de changer régulièrement de table, le complexe offre non moins de 4 restaurants. Le Yacht Club, ouvert aux vents, est le plus accessible et le plus abordable avec ses petits plats et ses salades pas moins délicieux. Parmi ses fidèles, un grand oiseau blanc extrêmement intelligent. Le personnel l’appelle Georgios. L’animal se pose volontiers à côté de vous à quelques mètres des flots. Oh, ne lui donnez pas à manger, il vous jetterait un regard méprisant devant votre ignorance de son menu préféré: le poisson frais! Et pour l’obtenir, son poisson frais, vous ne pouvez lui rendre qu’un seul service, c’est de jeter un morceau de votre nourriture à l’eau. Un poisson s’élancera pour l’attraper et Georgios sera là pour pincer la proie dans son bec avant de l’avaler goulûment… Le Deck est une autre possibilité pour se régaler à midi. Mais pour le dîner du soir, l’Old Mill, dans les jardins de l’Elounda Mare, propose de véritables mets gastronomiques aux sons d’un piano taquiné par un virtuose dont on apprécie assurément le talent, mais dont on apprécierait de temps en temps une frappe un peu plus douce sur le clavier… Le nec plus ultra en matière de gastronomie à Elounda est le Calypso, niché au bord de l’eau dans la partie Peninsula. Un environnement contemporain, un service de première classe et un menu extrêmement raffiné.

Knossos, le site archéologique le plus couru, lui, de l’île crétoise.

ARTISANAT ET CULTURE Parmi les excursions sur place figurent notamment la visite du petit village de Kritsa évoqué plus haut. Ses habitants profitent aujourd’hui de la proximité des touristes à Elounda et à Agios Nikolaos pour vanter et vendre l’artisanat local et l’huile d’olive de la région. Les belles maisons du village sont des repères à souvenirs qu’on ne voyait pas encore à l’époque où Cacoyannis a tourné ici Zorba le Grec… Agios Nikolaos elle-même est une destination agréable, même si, pour les touristes «cultureux», c’est loin d’être Knossos. Lato, en revanche, propose un site archéologique d’une petite ville dorique perchée à flanc de montagne et qui offre une vue superbe sur la mer au loin. Cette cité fut fondée au VIIIe siècle avant J.-C. On y trouve les vestiges d’un puits, d’un théâtre et d’un temple d’Apollon. Une merveille simple et méconnue. Mais il est également possible de louer un bateau pour faire un tour en mer. On pourra notamment contourner l’île de Spinalonga ou la visiter. Vénitienne, puis turque, la forteresse qui l’occupe presque toute entière est devenue une léproserie quand les Turcs ont été chassés de Crète au début du XXe siècle. L’île est restée une léproserie jusqu’en 1957. Un cas à méditer. Si près d’un paradis… Jetairfly propose jusqu’à 5 vols par semaine vers Héraklion au départ de Bruxelles et 4 vols hebdomadaires vers l’aéroport de Chania. Des départs régionaux sont également possibles de Charleroi, Liège et Ostende. A partir de 80 € par personne et par trajet. Info chez votre agent de voyages. www.jetairfly.com


AGENDA Allo Bruxelles? Ici Rawhaypoetalah!

Tony Oursler – Phantasmagoria MAC’s, Grand-Hornu Jusqu’au 23 février www.mac-s.be

Musée Hergé, Louvain-la-Neuve Jusqu’au 26 janvier www.museeherge.com

Un moment d’horreur attend le visiteur qui s’aventure actuellement au MAC’s du GrandHornu. L’exposition “Phantasmagoria” de l’Américain Tony Oursler propose en effet ses vidéos projetées sur des poupées déformées. Et c’est un savant liégeois du 18e siècle qui étudiait la fantasmagorie, qui a inspiré Oursler pour cette expo.

Lors de ses aventures, Tintin se retrouve souvent en Inde ou dans des lieux fictifs visiblement inspirés par l’Inde. A l’occasion d’Europalia, le Musée Hergé monte une expo autour de la vision cliché qu’avait Hergé de l’Inde. Fakirs, charmeurs de serpents, cobras, vaches sacrées et temples…

Allo! Bruxelles! Ici Rawhaypoetalah! Illustration pour Le Petit Vingtième 8 mars 1934, © Hergé Moulinsart 2013.

Francisco de Zurbarán, Ariete, 1635-1640, Socorro, Madrid.

Tony Oursler, Classics, © Tony Oursler

Zurbarán Palais des Beaux-Arts, Bruxelles Du 29 janvier au 25 mai www.bozar.be

Michaël Borremans : As sweet as it gets Palais des Beaux-Arts, Bruxelles Du 22 février au 3 août www.bozar.be

BOZAR présente au début de l’an prochain, une exposition sur Francisco de Zurbarán et sur Michael Borremans. Le peintre baroque espagnol de l’époque de Velasquez est réputé pour ses tableaux religieux inspirés par le clair-obscur du Caravage. Un Borremans du 17e siècle en quelque sorte…

Kerry James Marshall: Painting and Other Stuff MuHKA, Anvers Jusqu’au 2 février www.muhka.be Le travail de Kerr y James Marshall est souvent controversé. L’artiste américain travaille toujours avec des peintures, vidéos, photos et installations autour de la culture AfroKerry James Marshall, américaine. Avec cette Doll head, 1978 courtesy rétrospective autour Luis & Ana Serrano du travail de Marshall, le MuHKA renforce, dans un monde artistique régi par les blancs, l’appel à la reconnaissance de cet artiste noir.

Michaël Borremans, The Angel, 2013, courtesy of the artist and Zeno X Gallery Antwerp, photo : Dirk Pauwels.

Au cours de sa tournée mondiale qui passe par Tel Aviv et Dallas l’exposition du peintre gantois Michaël Borremans fait une halte au Palais des Beaux-Arts. La consécration ultime après le succès de son exposition à la galerie anversoise Zeno X en septembre dernier?

Hamlet La Monnaie, Bruxelles Du 3 au 22 décembre www.demunt.be La Monnaie propose nombre d’oeuvres oubliées du 19e s ces dernières années. Voici Hamlet d’Ambroise Thomas, d’après le récit de Shakespeare. Cette coproduction est assurée par la même équipe qui a régi Les Huguenots de Meyerbeer. La mise en scène est aux mains d’Olivier Py, et la direction d’orchestre, de Marc Minkowski.

Hamlet, Werner Kmetitsch Ensemble. © Werner Kmetitsch

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AGENDA Hugo Claus – Un peintre de qualité Mu.ZEE, Ostende Jusqu’au 5 janvier www.muzee.be L’auteur flamand Hugo Claus était aussi un peintre de qualité. Cette expo propose une grande partie de ses peintures, dessins et esquisses . Difficile de répertorier le style de Claus qui a été à la fois surréaliste, expressionniste et quasi abstrait.

Hugo Claus, Zelfportret, © Héritiers Hugo Claus. Photographe : Steven Decroos.

Statuette en céramique, 1487-1505 © Nanjing Museum/Nomad Exhibitions.

Brugge Foto 13 En divers lieux de la ville Jusqu’au 3 février www.bruggefoto.be

Empereurs Ming, artistes marchands dans la Chine ancienne Nieuwe Kerk, Amsterdam Jusqu’au 2 février www.nieuwekerk.nl

Ce festival de photographie original a lieu en sept lieux du centre de la ville historique. Sur le parcours allant de la Schipperskapel vers le café du Concertgebouw et les Hallen, vous trouverez notamment des photos de Wim Vandekeybus et Greta Buysse.

L’impact qu’a eu la dynastie Ming en Chine, du 14e au 17e siècles est énorme. L’expo dans la Nieuwe Kerk montre des objets d’art de l’entourage des empereurs mais également des objets usuels des citoyens de l’époque.

Water Art Walk Grand Curtius, Liège Jusqu’au 5 janvier www.lesmuseesdeliege.be Les expositions Europalia Inde ne se comptent plus dans notre pays. Le centre ville de Liège propose un circuit d’art autour d’artistes indiens qui travaillent sur le thème de l’eau. L’eau propre devient un réel problème en Inde avec la pollution et l‘assèchement de rivières sacrées. Les oeuvres d’art se retrouvent au Grand Curtius, à L’Aquarium ou sur la Place du Marché.

Kazimir Malevitch, Le bûcheron, 1912. Collection Stedelijk Museum Amsterdam.

Kazimir Malevich et l’Avant-Garde russe Stedelijk Museum, Amsterdam Jusqu’au 2 février www.stedelijk.nl

Atul Bhalla, I was not waving but drowning - II, 2005 © Atul Bhalla

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Même si les relations entre les Pays-Bas et la Russie sont un peu tendues pour l’instant, nos voisins du nord bouclent une année réussie consacrée à ce pays de l’est avec une expo sur Kasimir Malevitch. Ce peintre s’est distingué dans les courants cubiste, suprématiste et impressionniste. Le Stedelijk Museum possède la plus grande collection de ce peintre, hors de Russie. L’exposition compte non moins de 500 oeuvres.

Bärbel Praun, Düsseldorf. © Bärbel Praun.

Hommage à Lieven Daenens Designmuseum, Gand Du 28 novembre à fin février www.designmuseumgent.be Pendant les 40 ans qu’il a passés à la direction du designmuseum gantois, Lieven Daenens a largement élargi sa collection. A l’occasion de son départ, le musée lui rend un hommage original : quelquesunes de “ses” pièces étant confrontées à des nouveautés provenant d’ailleurs. Daenens est remplacé par Katrien Laporte.

Rode Vaas, Christopher Dresser, © Designmuseum Gand


Raoul De Keyser: 1964 - 1970

Art Gand

Museum voor Deinze en de Leiestreek Jusqu’au 19 janvier www.deinze.be

Flanders Expo, Gand Du 30 novembre au 3 décembre www.artGand.be

L’artiste Raoul De Keyser, originaire de Deinze, est décédé l’an dernier. Il doit sa réputation à la transposition abstraite de scènes et d’objets quotidiens dans ses toiles. Son travail est un pur travail de plans et de lignes de couleurs. On le rapproche souvent de Roger Raveel. De Keyser a connu une belle carrière internationale grâce à des galeristes comme Frank Demaegd en David Zwirner. L’Expo à Deinze propose surtout ses premiers travaux de 64 à 70 quand il était encore relativement méconnu.

La foire d’art gantoise Lineart renaît sous l’appellation Art Gand. La manifestation sera désormais divisée en plusieurs sections axées notamment sur l’art belge et le design. L’art moderne et contemporain ne sera pas négligé. Parmi ses responsables figure l’ancien directeur du Fotomuseum à Anvers.

Kanovaren, Raoul De Keyser. © Raoul De Keyser / Museum voor Deinze en de Leiestreek.

Mira Schendel Tate Modern, Londres Jusqu’au 19 janvier www.tate.org.uk L’artiste Latino-américaine Mira Schendel (1919 – 1988) n’est hélas pas très connue chez nous. Elle est pourtant une moderniste rénovatrice dont l’oeuvre a influencé de nombreux artistes par la suite. Tate Modern lui rend hommage avec 250 peintures, sculptures et dessins.

Jonas Van Steenkiste - Housemorfing typologie 1. © Jonas Van Steenkiste

MODA. Made in Italy Modemuseum, Hasselt Jusqu’au 9 février www.modemuseumhasselt.be Mira Schendel, Untitled 1962, The Museum of Fine Arts, Houston; The Adolpho Leirner Collection of Brazilian Constructive Art. Hanuman porte le Dron avec des herbes de Sanjivini, Style Raghogarh, Inde Centrale, fin du 18e siècle.

‘Made in Italy’ est depuis près d’un siècle un label de qualité dans le monde la mode et de la couture. Le pays nous a livré une foule de créateurs de talent qui sont au sommet depuis des décennies déjà : Dolce & Gabbana, Prada, Missoni, Pucci, Armani et beaucoup d’autres. Le Modemuseum d’Hasselt illustre l’industrie et l’histoire de la mode italienne à l’aide prêts prestigieux.

Ramayana Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles Jusqu’au 18 mai www.kmkg-mrah.be Europalia est la référence centrale d’une série d’expositions à Bruxelles et dans le pays. Le musée du Cinquantenaire propose une expo autour du poème héroïque indien Ramayana, un poème recyclé depuis plus de deux millénaires par des artistes, des illustrateurs de livres, des écrivains et des poètes. Des dizaines de miniatures et de manuscrits font l’objet de cette exposition intéressante

Exposition Moda, © Modemuseum Hasselt.

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AGENDA Félix Vallotton : le feu sous la glace

Le surréalisme et l’objet

Grand Palais, Paris Jusqu’au 20 janvier www.grandpalais.fr

Centre Pompidou, Paris Jusqu’au 3 mars www.centrepompidou.fr

Félix Vallotton (1865 – 1925) est moins connu que George Braque, mais ce n’est que justice si le Grand Palais lui consacre une rétrospective. Ce peintre fin-desiècle faisait partie du mouvement ‘Les Nabis’ à l’origine du modernisme avec ses compositions particulières, ses thèmes et ses couleurs.

L’objet prend une place particulière dans l’histoire du surréalisme. En premier lieu en raison de l’influence des readymades de Marcel Duchamp, mais aussi grâce aux sculptures et aux photos de Jean Arp, Max Ernst, Salvadór Dali ou Man Ray. Le Centre Pompidou jette par ailleurs un pont avec des artistes d’aujourd’hui qui se sont laissés inspirer par des objets d’art surréalistes.

Victor Brauner, Loup-table, 1939-1947, © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat © ADAGP, Paris, 2013.

BRAFA Tour & Taxis, Bruxelles Du 25 janvier au 2 février www.brafa.be

Intérieur avec femme en rouge de dos (1903). (Kunsthaus Zürich, Legs Hans Naef)

Michiel Coxcie: le Rafaël flamand

BRAFA joue résolument la carte internationale avec un grand nombre d’antiquaires étrangers. Cette édition met l’accent sur l’art du 20e siècle et sur l’art tribal. Invité d’honneur : le Musée d’Afrique centrale qui ferme ses portes pour quelques années à partir de décembre. Le musée y exposera des pièces de collection jamais montrées auparavant.

Museum M, Leuven Jusqu’au 23 février www.mleuven.be Ce sont des contemporains flamands qui ont appelé Michiel Coxcie le Raphaël flamand en raison de l’inspiration qu’il tirait de Da Vinci, Michel-Ange et Raphaël et en raison de sa maîtrise de la technique de la fresque à l’italienne. Peintre à la cour des Habsbourg il a également réalisé des copies de primitifs flamands. Sa réplique de l’Agneau Mystique est exposée pour la première fois dans son intégralité à Louvain.

Composition abstraite, Hergé alias Georges Rémi, (Bruxelles, 1907-1983), 1963.

Daumier: Visions of Paris Royal Academy, Londres Jusqu’au 26 janvier www.royalacademy.org.uk Avec quelque 130 peintures, dessins, aquarelles et sculptures, la Royal Academy rend hommage à l’oeuvre d’Honoré Daumier. Cet artiste français libre-penseur aimait à se moquer de la politique de son pays au 19e siècle. Une redécouverte.

Lam Gods, Michiel Coxcie d’après Jan et Hubert Van Eyck. L’adoration de l’agneau © Staatliche Museen Berlin, Gemäldegalerie. Photographe: Jörg P. Anders.

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Honore Daumier, The Print Collector, c. 1857-63, The Art Institute, Chicago.




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