
Métrologie VERS UNE REDÉFINITION DE LA SECONDE ?
Biologie
PORTRAIT DU PREMIER EUCARYOTE
Physique
PIÈGES ET PROMESSES DES GOUTTES EN LÉVITATION

Métrologie VERS UNE REDÉFINITION DE LA SECONDE ?
Biologie
PORTRAIT DU PREMIER EUCARYOTE
Physique
PIÈGES ET PROMESSES DES GOUTTES EN LÉVITATION
La science expliquée par ceux qui la font
MENSUEL POUR LA SCIENCE
Rédacteur en chef : François Lassagne
Rédacteurs en chef adjoints : Loïc Mangin, Marie-Neige Cordonnier
Rédacteurs : François Savatier, Sean Bailly
Stagiaire : Louise Le Ridant
HORS-SÉRIE POUR LA SCIENCE
Rédacteur en chef adjoint : Loïc Mangin
Développement numérique : Philippe Ribeau-Gésippe
Directeur marketing et développement : Frédéric-Alexandre Talec
Chef de produit marketing : Ferdinand Moncaut
Directrice artistique : Céline Lapert
Maquette : Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy, Ingrid Lhande
Réviseuses : Anne-Rozenn Jouble, Maud Bruguière et Isabelle Bouchery
Assistante administrative : Leïla Djema
Directrice des ressources humaines : Olivia Le Prévost
Fabrication : Marianne Sigogne et Stéphanie Ho
Directeur de la publication et gérant : Nicolas Bréon
Ont également participé à ce numéro : Iacopo Carusotto, Jean Dalibard, Thierry Lasserre, Clémentine Laurens, Cécile Mailler, Nicolas Metzl, Michael Pereira, Tim Rogers, Mathias Sablé-Meyern
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DISTRIBUTION
MLP
ISSN 0 153-4092 Commission paritaire n° 0927K82079 Dépôt légal : 5636 – Juin 2025 N° d’édition : M0770572-01 www.pourlascience.fr 170 bis boulevard du Montparnasse – 75 014 Paris Tél. 01 55 42 84 00
SCIENTIFIC AMERICAN
Interim Editor in chief : Jeanna Bryner
President : Kimberly Lau 2025. Scientific American, une division de Springer Nature America, Inc. Soumis aux lois et traités nationaux et internationaux sur la propriété intellectuelle. Tous droits réservés. Utilisé sous licence. Aucune partie de ce numéro ne peut être reproduite par un procédé mécanique, photographique ou électronique, ou sous la forme d’un enregistrement audio, ni stockée dans un système d’extraction, transmise ou copiée d’une autre manière pour un usage public ou privé sans l’autorisation écrite de l’éditeur. La marque et le nom commercial « Scientific American » sont la propriété de Scientific American, Inc. Licence accordée à «Pour la Science SARL ». © Pour la Science SARL, 170 bis bd du Montparnasse, 75014 Paris. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente revue sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).
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« Eutrophisation » ou « Impact sur l’eau » : Ptot 0,007 kg/tonne
Imprimé en France
Maury Imprimeur SA Malesherbes N° d’imprimeur : 284 685
François
Lassagne
Rédacteur en chef
ous avons lancé des travaux de recherche qui vont impliquer des centaines de scientifiques du monde entier. D’ici à septembre, nous saurons ce qui a causé l’épidémie d’autisme. Et nous serons en mesure d’éliminer ces facteurs. » Voilà ce qu’a promis, le 10 avril dernier, Robert Francis Kennedy Jr., le secrétaire d’État américain à la Santé, faisant fi de ce que la recherche a établi au sujet des troubles du spectre autistique (TSA). Cette annonce résonne avec le crédit qu’accorde le secrétaire d’État à une théorie établissant un lien entre l’autisme et le vaccin ROR (rougeoles, oreillons, rubéole), issue d’une étude truquée et régulièrement démentie.
Non, on ne fera pas disparaître l’autisme en changeant d’alimentation, ou en renonçant à tel ou tel vaccin. Voilà une dizaine d’années que la génétique de l’autisme se précise : les TSA sont à 80 % héréditaires, comme le rappelle le généticien Thomas Bourgeron, pionnier de ce domaine de recherche. Il souligne aussi que si les humains ont hérité de variations de gènes qui vont, chez certains, favoriser des comportements autistiques, « personne n’est entièrement déterminé par ses gènes ; notre travail actuel vise à mieux définir la force avec laquelle les gènes vont influencer les trajectoires de vie pour améliorer la qualité de cette dernière chez les individus concernés ».
Cet héritage génétique vient de loin : les premiers résultats des travaux menés par la neuroscientifique Emily Casanova et le généticien Alex Feltus montrent que certains variants génétiques associés à l’autisme étaient déjà présents dans l’ADN de Néandertal.
Que le spectre de notre lointain cousin se manifeste aujourd’hui dans les gènes d’une partie des personnes affectées par les TSA montre que les causes de l’autisme ne sauraient se réduire à tel ou tel trait de notre société contemporaine.
L’analyse de l’ADN de Néandertal, au prisme de l’épidémiologie clinique, nous aide à mieux saisir que notre neurodiversité contemporaine s’enracine dans notre histoire évolutive. Quant à l’idée de faire disparaître l’autisme, chère à l’administration Trump… il est absolument clair qu’abandonner une politique vaccinale donnée ou recommander un régime alimentaire particulier est au mieux inepte, au pire stigmatisant pour les sujets concernés par les TSA et dangereux pour la santé publique. n
ÉCHOS DES LABOS
• Le thalamus, première étape de la perception consciente
• PFAS : une technique de décomposition universelle
• L’arbre qui aime les coups de foudre
• Neutrino encore plus léger
• Des remous néfastes
• Un supersolide uniquement composé de photons
P. 16
LES LIVRES DU MOIS
P. 18
DISPUTES
ENVIRONNEMENTALES
Un « art de vivre » sans carbone
Catherine Aubertin
P. 20
LES SCIENCES À LA LOUPE
Derrière le Hcéres : les collègues !
Yves Gingras
P. 36
MÉTROLOGIE
POURQUOI
LA NOUVELLE
SECONDE PEUT
ATTENDRE
Jay Bennett
Les plus récentes horloges atomiques atteignent une précision supérieure à celles qui ont servi à définir la seconde. Mais est-il urgent de redéfinir l’unité standard de mesure du temps ? Et, surtout, quelle méthode choisir ?
P. 46
CLIMATOLOGIE
PHYSIQUE
EFFET LEIDENFROST : QUAND LES GOUTTES
LÉVITENT
Alexis Duchesne et Stéphane Dorbolò
Cet effet se résumerait-il à une goutte flottant sur un film de vapeur au-dessus d’une plaque très chaude ? Pas si simple, le phénomène n’est pas encore tout à fait compris. Or il pose des problèmes dans certaines applications industrielles.
HISTOIRE DES SCIENCES
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En couverture : © Esin Deniz (Néandertal) ; Ashan_Isuranga(œil)/Shutterstock
Les portraits des contributeurs sont de Seb Jarnot
Ce numéro comporte un courrier de réabonnement posé sur le magazine sur une sélection d’abonnés.
AÉROSOLS : LE TALON D’ACHILLE DES MODÈLES
CLIMATIQUES
Stephanie Fiedler
Sans les particules de poussières minérales qui flottent dans l’air, notre atmosphère serait différente, car dépourvue de nuages. Les climatologues élucident pas à pas leurs rôles.
CAMILLE
FLAMMARION, INFLUENCEUR AVANT L’HEURE
David Aubin
L’astronome et vulgarisateur, dont on fête en juin le centenaire de la mort, présente de nombreux points communs avec les passeurs de science actuels
PALÉOGÉNOMIQUE CLINIQUE
AUTISME, UN HÉRITAGE DE NÉANDERTAL ?
Emily Casanova et Alex Feltus
De l’ADN hérité de notre plus proche parent pourrait affecter le psychisme et la cognition de nombre de nos contemporains. Un héritage que les généticiens étudient particulièrement dans le cas de l’autisme.
GÉNÉTIQUE
« LES GÈNES ASSOCIÉS À L’AUTISME ONT ÉTÉ CONSERVÉS AU COURS DE L’ÉVOLUTION »
Entretien avec Thomas Bourgeron
Pionnier de la génétique du neurodéveloppement, Thomas Bourgeron a contribué à l’identification des premiers gènes impliqués dans l’autisme Il revient sur leur origine évolutive, leur conservation au fil du temps et la manière dont ils façonnent la diversité cognitive humaine.
P. 72
LOGIQUE & CALCUL
PLONGÉE DANS
LES MAGMAS
Jean-Paul Delahaye
Les magmas sont la plus simple des structures algébriques Pourtant l’étude des relations entre les équations qu’ils vérifient est un immense défi qui se révèle mathématiquement fécond.
P. 78
ART & SCIENCE
Des arbres en quête d’immortalité
Loïc Mangin
P. 80
IDÉES DE PHYSIQUE
L’or, né sous X
Jean-Michel Courty et Édouard Kierlik
P. 84
CHRONIQUES DE L’ÉVOLUTION
À quoi ressemblait Leca ?
Hervé Le Guyader
P. 88
SCIENCE & GASTRONOMIE
Les fraises sous la lumière
Hervé This
P. 90
À PICORER
P. 6 Échos des labos
P. 16 Livres du mois
P. 18 Disputes environnementales
P. 20 Les sciences à la loupe
Le thalamus est niché profondément dans le cerveau entre le cortex et le tronc cérébral. Il joue un rôle pivot dans la perception consciente. NEUROSCIENCES
Certains éléments de notre quotidien passent inaperçus tandis que d’autres nous marquent. Le thalamus a un rôle décisif de filtre.
Parmi la multitude de stimuli qui nous environnent en permanence, certains seulement sont perçus de manière consciente. Quels acteurs cérébraux sont à l’origine de cette sélection au cœur de notre subjectivité ? Si le cortex, situé à la surface de notre cerveau, est connu de longue date pour son implication dans ce processus de « perception consciente » , le thalamus était soupçonné depuis une trentaine d’années d’y jouer aussi un rôle essentiel, sans que ni son fonctionnement ni la nature de son interaction avec le cortex n’aient été clairement élucidés chez l’humain Et pour cause : l’étude in vivo de cette structure est complexe, du fait de sa localisation, dans les profondeurs de notre cerveau. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs équipes ont étayé l’hypothèse de cette implication en
Le thalamus est la première structure cérébrale activée lors de la perception consciente d’un événement
s’appuyant sur des données cérébrales de patients traités pour des pathologies neurologiques, ou sur des expériences de stimulations artificielles Mais leurs modèles n’ont jamais permis d’étudier la potentialité d’un dialogue entre le cortex et le thalamus dans le mécanisme de la perception consciente chez l’humain en conditions non pathologiques Une équipe dirigée par Mingsha Zhang, neuroscientifique à l’université normale de Pékin, a pourtant relevé le défi Les chercheurs ont profité d’une occasion unique : un groupe de cinq individus portant des électrodes implantées dans différentes régions du cerveau pour traiter des migraines chroniques Ce dispositif a permis à l’équipe d’enregistrer l’activité cérébrale simultanément dans le cortex et le thalamus pendant la perception consciente d’un événement par les participants. Afin qu’il soit possible de comparer l’activité cérébrale entre un événement perçu consciemment et un autre inconsciemment , les sujets devaient fixer un écran et indiquer quand ils voyaient une image surgir très brièvement Les
chercheurs ont joué sur le contraste avec le fond pour que l’image ne soit perceptible consciemment par l’individu que dans 50 % des cas.
Mingsha Zhang et ses collègues ont alors mis en évidence que lorsque l’image est perçue consciemment, le thalamus présente une activité précoce et intense, précédant celle du cortex d’une trentaine de millisecondes. Ce résultat suggère que le thalamus est non seulement impliqué, mais est aussi la première structure activée lors de la perception consciente d’un événement
En outre, en étudiant les signaux dans le thalamus et le cortex, les chercheurs ont constaté une synchronisation des oscillations neuronales entre ces deux structures, absente lorsque l’image n’est pas perçue de manière consciente Cette synchronisation confirme que la prise de conscience d’un événement est bien corrélée à une coordination entre ces deux régions, amorcée par le thalamus
De manière intéressante, cette zone s’active aussi en présence d’un signal non perçu de manière consciente. Cette activité, d’ampleur inférieure à celle qu’un signal perçu consciemment a provoquée, est néanmoins supérieure à celle qui a été enregistrée en l’absence de signal. Ces observations amènent à penser que le thalamus filtrerait les informations qui parviennent à notre conscience, bien que l’aspect aléatoire des stimuli sélectionnés reste encore à élucider
Cependant, les résultats de l’équipe de Mingsha Zhang nécessitent d’être confirmés , et le modèle expérimental affiné . Michael Pereira , de l’institut des neurosciences de l’université de Grenoble, souligne notamment que les informations « signal perçu » et « signal non perçu » pourraient être liées non pas à la perception consciente de l’image par le participant, mais plutôt à sa décision d’indiquer que l’image est perçue ou non, selon la pertinence qu’il accorde à cette indication
Quoi qu’il en soit, l’identification de cette fonction de vigie en plein centre du cerveau ouvre des perspectives pour la compréhension, la caractérisation et le traitement des troubles de la conscience. En particulier, la question de la perception consciente des patients en état végétatif. n
Marguerite Jamet
Z. Fang et al., Science, 2025.
Les PFAS représentent une vaste famille de molécules qui soulèvent de nombreuses questions sanitaires et environnementales. Véronique Gouverneur nous présente une nouvelle technique qui a le double avantage d’en décomposer une large classe et o re la possibilité de récupérer le fluor.
Propos recueillis par Sean Bailly
VÉRONIQUE
GOUVERNEUR
professeuse de chimie à l’université d’Oxford
Que sont les PFAS ?
« PFAS » est un acronyme anglais pour « substances per– et polyfluoroalkylées ». Il s’agit d’une vaste famille de molécules qui se caractérisent par une chaîne d’atomes de carbone fluoré plus ou moins longue, linéaire, ramifiée ou cyclique. Dans la définition de l’OCDE, ces molécules comprennent au moins un groupe méthyle perfluoré (– CF3) ou un groupe méthylène perfluoré (– CF2 –). La liaison C – F est particulièrement forte et est renforcée si le carbone est lié à plusieurs atomes de fluor. Cela a une conséquence directe dans le sens où ces molécules sont très stables et sont di ciles à décomposer.
Pour détruire les PFAS, la méthode utilisée actuellement est l’incinération à 1 400 °C. De nombreuses équipes ont proposé des solutions alternatives. L’inconvénient majeur, c’est que chaque méthode n’a été appliquée qu’à une classe spécifique de PFAS.
Un des avantages de votre nouvelle méthode est qu’elle fonctionne pour un grand nombre de PFAS. Comment cette découverte est-elle arrivée ?
Avec mon équipe nous nous intéressions initialement à la chimie du fluor, très utilisé par diverses industries. Il est extrait du sol sous la forme d’un minéral, la fluorite (ou fluorspar), de formule chimique CaF2. Le processus de récupération du fluor implique une réaction avec de l’acide sulfurique. Ce procédé émet du fluorure d’hydrogène, HF. Or ce dernier est un gaz très dangereux. Dans le corps humain, il s’associe aux ions calcium et magnésium. Il peut pénétrer dans la peau et s’attaquer aux os avec des conséquences désastreuses.
Avec mon équipe, nous avons développé une technique capable d’utiliser le fluorspar pour la production de composés fluorochimiques sans passer par le fluorure d’hydrogène. Pour cela, nous avons étudié une approche mécanochimique en plaçant le minéral dans un moulin à billes en
présence de phosphate de potassium. Ce procédé, publié en 2023, engendre un nouveau réactif de fluoration permettant de construire des liaisons S – F et C – F. Or Long Yang, un postdoctorant dans mon laboratoire, a observé des résultats supérieurs à 100 % pour certains réacteurs : nous récupérions plus de fluor que nous n’en avions mis dans l’enceinte ! En analysant finement tout notre dispositif expérimental, nous avons découvert que certains moulins à billes ont des joints en Téflon plutôt qu’en caoutchouc. Notre système détruisait les PFAS des joints et nous récupérions ainsi le fluor excédentaire. Dès lors, nous avions trouvé une nouvelle méthode pour détruire des PFAS.
Cette méthode fonctionne-t-elle avec d’autres PFAS que le Téflon ? C’est exactement ce que nous avons voulu savoir. Nous avons testé une trentaine de PFAS représentant un panel très large de ce type de molécules. Et dans chaque cas, nous détruisons les PFAS et récupérons le fluor, sous la forme de fluorure de potassium KF, entre autres, avec un rendement élevé compris entre 50 et 100 %. Nous avons donc une méthode capable de décomposer tous les PFAS, avec les rendements les plus élevés pour les PFAS solides.
Cette méthode o re donc un mode de recyclage du fluor, ce qui est important parce que les réserves de fluorspar s’amenuisent et la demande augmente. Ce minéral est en e et listé dans de nombreux pays comme « critique », sachant que les réserves principales sont localisées en Afrique du Sud, en Chine et au Mexique.
Le procédé permet aussi de récupérer le phosphate de potassium pour le réutiliser. C’était un aspect essentiel de notre projet : intégrer une dimension d’économie circulaire et de développement durable. n
La chronique de YVES GINGRAS
professeur d’histoire et sociologie des sciences à l’université du Québec à Montréal, directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et des technologies, au Canada
Critiquée par nombre de chercheurs, l’instance qui évalue en France les universités et les organismes de recherche… fonctionne aussi grâce à eux.
La publication, en février dernier, des résultats provisoires de l’évaluation par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) des programmes de licence et de master de plusieurs universités françaises a donné lieu à de nombreuses critiques de la part des enseignants-chercheurs au point que des députés de l’Assemblée nationale ont fait adopter une proposition visant à abolir cet organisme. Cela sauverait au passage environ 20 millions d’euros, qui seraient en effet plus utiles dans les laboratoires.
L’idée d’évaluer l’ensemble des universités remonte, en Europe, au milieu des années 1980, quand la GrandeBretagne de Margaret Thatcher applique les idées du « Nouveau management public » et met en place le Research assessment exercise, qui évaluait – d’abord tous les trois ou quatre ans, ensuite cinq ans –la « qualité » de la recherche de l’ensemble des départements universitaires Renommée Research excellence framework
(REF) en 2014, l’évaluation se fait dorénavant tous les sept ou huit ans Le Hcéres, qui a remplacé en 2013 l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aéres), créée en 2006, va toutefois bien plus loin que son homologue
Des milliers de chercheurs travaillent bénévolement à toutes ces évaluations
britannique et est chargé d’évaluer 1) les universités et les grandes écoles, 2) leurs formations, 3) leurs unités de recherche et 4) les organismes de recherche. Ainsi, tous les cinq ans, chaque université voit ses laboratoires de recherche, ses écoles doctorales et ses diplômes de licence et de master évalués selon une série d’« indicateurs de performance » déterminés en haut lieu sans qu’on sache
précisément sur quelle base ou même si ces mesures sont adéquates à la situation Ce rythme même interroge, sachant que le monde universitaire propose – à juste titre – des formations et des recherches fondamentales à long terme qu’il est impossible de remettre sérieusement en question sur une telle périodicité. Une telle machine est également chronophage, car les institutions doivent compléter des fichiers contenant des milliers de cases !
Curieusement, les promoteurs de ces évaluations centralisées ne songent jamais à appliquer aux organismes qui les dispensent leurs propres principes managériaux afin d’évaluer leur rapport coûts/ bénéfices Or la campagne 2021 du REF ayant coûté 471 millions de livres sterling, le tout pour dire que 98 % des universités étaient « reconnues à l’échelle internationale », dont 44 % « excellentes » et 41 %, des « leaders mondiaux », on peut douter de l’intérêt de la démarche Là encore, ces montants auraient été plus utiles dans les laboratoires
Vu d’Amérique du Nord, de telles structures qui évaluent des activités aussi différentes que la formation d’étudiants, la recherche et des organismes de recherche contrastent fortement avec la très grande autonomie des universités américaines et canadiennes, qui ont depuis très longtemps l’habitude de gérer elles-mêmes l’évaluation périodique de leurs programmes, de leurs centres de recherche et de leurs enseignants-chercheurs Que les dirigeants des universités françaises défendent l’existence du Hcéres souligne que l’expression « autonomie des universités » n’a pas le même sens en Amérique du Nord et en France, où cette autonomie demeure de fait bien plus limitée
Quelle que soit la décision finale du Parlement, une chose est certaine : ces machines à évaluer ne pourraient fonctionner sans le carburant que leur fournissent gratuitement les milliers de chercheurs qui acceptent de faire partie des centaines de comités responsables de toutes ces évaluations au lieu de vaquer à leurs activités d’enseignement et de recherche n
GÉNÉTIQUE
THOMAS BOURGERON généticien, membre de l’Académie des sciences, dirige le laboratoire Génétique humaine et fonctions cognitives à l’institut Pasteur. Depuis vingt ans, son équipe contribue à faire avancer la recherche sur les causes génétiques de l’autisme. En 2007, elle a identifié des mutations dans le gène SHANK3 chez des patients atteints de troubles du spectre autistique, démontrant que la substitution d’un seul nucléotide dans les copies de ce gène entraîne des troubles du langage et de la communication sociale.
Pionnier de la génétique du neurodéveloppement, Thomas Bourgeron a contribué à l’identification des premiers gènes impliqués dans l’autisme. Dans cet entretien, il revient sur leur origine évolutive, leur conservation au fil du temps et la manière dont ils façonnent la diversité cognitive humaine.
Comment définissez-vous l’autisme ?
Le terme autisme regroupe certaines caractéristiques du neurodéveloppement d’un enfant. Un enfant autiste pourra rencontrer des difficultés de communication – verbale, notamment –, avoir des interactions sociales difficiles ou atypiques, des intérêts restreints et des stéréotypies – c’est-à-dire des comportements répétitifs Leo Kanner, qui a été un des premiers à décrire l’autisme en 1943, ajoutait que les personnes autistes rencontrent de fortes difficultés face au changement.
Que voulez-vous dire par « intérêts restreints » ?
Par exemple , une passion dévorante et exclusive pour les machines à laver Dit de cette manière, cela semble drôle et inoffensif, mais quand ces « intérêts restreints » envahissent totalement la vie de l’individu, ça ne l’est pas
Vos confrères américains Emily Casanova et Alex Feltus explorent la piste d’une corrélation entre gènes hérités des Néandertaliens et autisme. L’autisme serait hérité de Néandertal ?
Votre question concerne plus généralement le rapport entre évolution humaine et autisme Avant de l’aborder, il faut préciser certaines choses : les personnes autistes sont très différentes les unes des autres. Certaines ont effectivement besoin d’un soutien médical afin, par exemple, d’améliorer leurs capacités d’apprentissage, de réduire leurs crises d’épilepsie et de maîtriser les troubles fréquemment associés à l’autisme, telles les difficultés à dormir ou les hypersensibilités sensorielles ; d’autres n’en ont peut-être pas besoin, mais un environnement adapté améliorera leur qualité de vie.
S’agissant du rapport entre évolution humaine et autisme, rien n’est démontré pour l’instant, mais dans tous les cas, il faut prendre en compte la neurodiversité qui caractérise toute espèce Les humains se sont engagés il y a des millions d’années dans une trajectoire évolutive amenant à de grandes facultés cognitives , mais sur le plan physiologique , développer un cerveau n’est pas rien ! Cela se passe d’une façon particulière chez chacun et
chacune d’entre nous, et, en effet, les êtres humains ont hérité des variations de gènes qui vont, chez certains, favoriser des comportements autistiques. Toutefois, personne n’est entièrement déterminé par ses gènes Dans certains cas, le poids de la génétique est néanmoins important et notre travail actuel vise à mieux définir la force avec laquelle les gènes vont influencer les trajectoires de vie et à trouver des moyens afin d’améliorer la qualité de celles-ci pour les sujets concernés
Il y a donc tout un « spectre de l’autisme » ?
Oui, il y a en effet de nombreuses formes d’autisme, et l’on sait depuis longtemps que les gènes ont quelque chose à voir avec ce trouble Depuis les années 1970, on sait en effet que les jumeaux monozygotes [« vrais jumeaux », ndlr] se ressemblent plus génétiquement que les jumeaux dizygotes [« faux jumeaux », ndlr], ce qui s’illustre aussi dans l’autisme. Ce trouble a ainsi une très forte héritabilité, estimée à plus de 80 %, ce qui est aujourd’hui confirmé par des observations effectuées sur des milliers de paires de jumeaux. C’est seulement à partir de 2003 que notre équipe à l’institut Pasteur, puis d’autres équipes dans le monde, ont identifié des gènes impliqués dans l’autisme, qu’il s’agisse d’autisme avec ou sans déficience intellectuelle. Ces découvertes apportaient également une autre information tout aussi importante concernant la fonction de ces gènes : il s’avère qu’ils codent des protéines synaptiques, jouant un rôle dans la connectivité de notre cerveau
Est-ce que l’autisme est souvent associé à la présence d’épilepsie ?
Oui, on estime que 10 à 30 % des personnes autistes ont des crises d’épilepsie. Si ces pourcentages varient d’une étude à l’autre, c’est que nous avons encore beaucoup à comprendre…
Ainsi, selon son fond génétique, une personne autiste va avoir plus ou moins d’atteintes cognitives ?
Oui, et il est possible qu’il y ait plus de causes génétiques que celles que nous connaissons Ce que je vous ai décrit est en quelque sorte un « état de l’art » actuel de la génétique de l’autisme. Il peut sembler vague encore, mais il est bien meilleur que celui qui existait encore au début des années 2000, il y a vingt-cinq ans. À l’époque, c’est à peine si on pouvait déterminer la cause génétique d’un autisme pour un individu autiste sur 100… Les cas où l’on ne la trouve pas reflètent vraisemblablement davantage notre ignorance sur les causes génétiques inconnues de l’autisme que le fait que les causes de l’autisme ne seraient pas génétiques… Nous avons encore des progrès à réaliser, notamment dans l’identification des variations génétiques que l’on retrouve fréquemment dans la
On découvre de plus en plus de variations de gènes impliquées dans l’autisme (ici, une synthèse des corrélations identifiées en 2013 ; le nom des gènes figure en périphérie, les cases colorées indiquent la présence de corrélations). Si plusieurs d’entre elles apparaissent ensemble, elles contribuent à déclencher le trouble. Dans un cas extrême, la variation d’une seule lettre (d’un nucléotide) suffit ! Comme il y a de l’ordre de 20 000 gènes codant des protéines, s’y retrouver dans le labyrinthe génomique pour établir les ensembles de gènes influençant le développement neurologique n’a rien d’une tâche facile.
population humaine et qui vont, en s’accumulant, augmenter la probabilité de développer un autisme On parle ici de plusieurs milliers de variations, ayant chacune un effet faible, mais ensemble, des effets importants On peut comparer le jeu de ces gènes à celui d’un orchestre symphonique : si un musicien s’arrête, on ne perçoit pas la différence, mais quand ils jouent tous ensemble, on a une symphonie !
Quoi qu’il en soit, l’examen des gènes ne fait que révéler des probabilités, ce qui n’empêche pas les trajectoires personnelles de varier, ce pourquoi je suis fermement opposé à ce que le diagnostic de l’autisme soit posé autrement qu’au niveau clinique Notre rôle à nous, les généticiens, est d’apporter un supplément étiologique [l’étiologie est l’étude des causes d’une maladie, ndlr] aux psychiatres, qui établissent le diagnostic. Ce dernier doit intégrer des faits de natures différentes, issus de l’observation clinique, de l’imagerie cérébrale, de la génétique, etc Il faut donc éviter absolument d’étiqueter quelqu’un à partir d’une donnée génétique, et s’en remettre à la vision clinique
Dès lors, comment saisir les fonctionnements variables des personnes autistes ?
Les psychologues ont développé des tests et des questionnaires très astucieux pour comprendre notre neurodiversité Simon BaronCohen , de l’université de Cambridge , par exemple, a développé un test intitulé « Lire l’esprit dans les yeux » (Read the mind in the eyes). On vous montre uniquement les yeux de quelqu’un, puis l’on vous demande de choisir entre quatre adjectifs pour décrire l’émotion ressentie par cette personne : a-t-elle peur ? S’amuse-t-elle ? S’ennuie-t-elle ? Est-elle irritée ?
L’information que transmettent les yeux est en effet très riche Certains individus détectent facilement les émotions des autres seulement en les regardant dans les yeux, mais d’autres ont beaucoup de difficultés à le faire En plus de cela, nous nous efforçons d’évaluer le niveau de difficulté rencontrée dans le langage, dans les fonctions exécutives, dans certaines activités motrices ou sensorielles On sait par exemple que les personnes autistes ont souvent des hyperacousies , qui constituent un problème majeur pour elles. Ces différences de perception des émotions peuvent induire des problèmes de décodage dans les interactions sociales
Quels sont les gènes impliqués dans l’autisme ?
Les premiers gènes que nous avons identifiés codent des protéines appelées « neuroligines » – littéralement « qui relient les neurones » Ces protéines jouent un rôle crucial dans la formation et le fonctionnement des synapses, les points de contact entre les neurones. Des variations génétiques étaient
retrouvées chez des personnes autistes sans déficience intellectuelle. Puis en 2006, nous avons mis en évidence des variants du gène SHANK3, qui code une protéine essentielle au bon fonctionnement des synapses excitatrices du cerveau. Cette fois-ci nous avons montré que la perte d’une copie du gène SHANK3 était associée à un autisme avec déficience intellectuelle alors que le gain d’une copie supplémentaire du gène était associé à de l’autisme sans déficience intellectuelle Je souligne à quel point la découverte du rôle majeur de SHANK3 dans l’autisme monogénique fut étonnante : alors que le génome humain comprend quelque 3,2 milliards de lettres ( bases azotées ), la modification d’une seule d’entre elles dans un seul gène suffit à entraîner un autisme !
Et certaines des causes génétiques de l’autisme pourraient-elles venir de Néandertal ?
Toutes , non , mais c’est une question intéressante à examiner, en particulier pour les variations génétiques plus fréquentes et
1 % de la population
Selon la Haute autorité de santé, il y aurait en France plus de 1 % de la population a ectée par un trouble du spectre de l’autisme (TSA) (soit plus de 650 000 personnes).
300 gènes
Les facteurs génétiques jouent un rôle essentiel dans la vulnérabilité à l’autisme et plus de 300 gènes seraient impliqués dans l’autisme sur quelque 1 800 impliqués dans les troubles du neurodéveloppement (TND). Toutefois, on n’a pas encore identifié tous les gènes associés à l’autisme.
30 % avec un TDI
Un tiers des personnes avec autisme ont un trouble du développement intellectuel (TDI). On trouve une cause génétique chez 30 % de ces autistes avec TDI. Une seule variation génétique su t parfois à provoquer un autisme avec TDI : on parle alors d’autisme « monogénique ».
10 % avec cause génétique (sans TDI)
Deux tiers des personnes avec autisme n’ont pas de TDI. On ne trouve une cause génétique que chez 10 % d’entre eux. Toutefois, on n’a pas encore identifié tous les variants de gènes impliqués dans les autismes sans TDI.
8 sur 31
Dans un rapport tout juste publié aux États-Unis par le CDC (Center for Disease Control and Prevention), un enfant de 8 ans sur 31 présenterait un autisme, alors qu’on n’en identifiait que 1 sur 150 en 2000, et une augmentation du nombre des diagnostics aurait aussi été constatée en France et dans nombre de pays. Une meilleure connaissance de l’autisme et l’évolution des critères de diagnostics expliquent sans doute largement cette augmentation. Certains chercheurs s’interrogent sur le rôle possible de facteurs environnementaux, mais, à ce stade, aucun consensus scientifique n’existe à cet égard.
associées à l’autisme sans déficience intellectuelle. Nous disposons de génomes anciens d’espèces disparues dont nous avons un héritage génétique et qui peuvent nous aider à comprendre d’où viennent les variations associées à l’autisme. Dans notre génome, environ 4 millions de variants génétiques vous différencient de moi [ polymorphismes d’un nucléotide , insertions, délétions, etc., ndlr]. De très nombreuses variations génétiques sont susceptibles d’influer sur le développement neurologique Certaines, celles qui sont partagées par plus de 5 % de la population, sont très disséminées ; d’autres sont rares. Tout cela module notre neurodiversité et peut donner lieu à des difficultés, mais aussi favoriser certains aspects positifs de notre cognition
Sommes-nous tous autistes ?
Nous ne le sommes pas tous, mais il y a une vraie diversité neurologique et comportementale de la population humaine et, de mon point de vue, c’est une chance. Les personnes autistes font partie de cette diversité Pour revenir à votre question sur l’évolution de ces variations génétiques, les Néandertaliens aussi devaient être neurodivers. Je suis certain que les chercheurs vont examiner cette diversité génétique même si actuellement nous ne disposons que d’une douzaine de génomes de Néandertal. C’est bien pour mieux explorer cette diversité comportementale que je coordonne le projet européen R 2 D 2-MH , ainsi nommé pour « risque, résilience et diversité développementale en santé mentale ».
Quel est le but du projet R2D2-MH ?
Nous essayons d’y traduire trois changements de paradigme : le premier consiste à se concentrer sur le risque et en même temps sur la résilience L’idée est de comprendre comment certaines personnes porteuses de variations génétiques vont se retrouver très en difficulté et d’autres, au contraire, vont s’épanouir. En effet, si l’on n’étudie que les gens qui ne vont pas bien, on tendra à surestimer les risques induits par les variations génétiques que nous aurons repérées, parce que nous aurons oublié de regarder si des variations identiques ou similaires sont aussi présentes chez les gens qui vont bien À cet égard, nous avons publié les résultats d’une étude lors de laquelle nous avons cherché des porteurs de variations génétiques associées à l’autisme parmi 200 000 personnes de la population générale Nous avons pu en identifier non pas pour tous les gènes associés à l’autisme, mais pour la majorité
Le deuxième changement de paradigme consiste à étudier non seulement les catégories psychiatriques ( par exemple : autistes « oui ou non »), mais aussi la diversité développementale et le fonctionnement plus
précis des personnes, s’agissant de l’autisme, mais aussi du trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces troubles du comportement existaient vraisemblablement chez Néandertal aussi, mais, possiblement, dans leur mode de vie, se traduisaient autrement, voire étaient avantageux… J’ai toujours pensé en effet que les gènes n’ont jamais lu le DSM [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, ndlr], ce célèbre manuel de référence de la psychiatrie américaine Il est faux de penser qu’il y aurait en quelque sorte un « gène de l’autisme » ou un gène pour un trouble psychiatrique précis – un gène pour chaque page de ce manuel
Troisième changement de paradigme : nous accomplissons tout cela en travaillant directement avec les gens concernés par les troubles
Ces troubles (TSA, TDAH…) existaient très vraisemblablement chez Néandertal aussi £
neurodéveloppementaux – autisme , TDAH , déficience intellectuelle… – afin de répondre à leurs attentes en matière de réponses médicales, mais aussi de reconnaissance de leur neurodiversité Nous avons besoin de réduire la stigmatisation qui entoure ces personnes et leurs familles afin d’améliorer leur bien-être
Tout ce travail sert à essayer de mieux comprendre le rôle des gènes dans les vies difficiles, mais aussi à mettre en évidence que la génétique n’est pas une fatalité : certaines variations génétiques vont avoir un impact très fort sur le parcours de vie… ou pas : certains individus présentant ces mutations vont être très sévèrement atteints, avoir une épilepsie, et d’autres présentant les mêmes mutations n’auront pas de trouble. Pourquoi cette résilience ? Nous devons le comprendre À cet égard, repérer la présence de gènes aujourd’hui impliqués dans l’autisme chez des gens qui vivaient tout autrement que nous peut apporter des informations.
Quelles informations nouvelles peuvent apporter les gènes néandertaliens ?
Ces gènes sont susceptibles de nous faire mieux comprendre l’origine évolutive de certaines variations génétiques associées à l’autisme Toutefois, avant de chercher à étudier les variants de l’autisme chez Néandertal, il faut
commencer par prendre la mesure de la conservation des gènes impliqués dans les troubles neurologiques Nous le faisons notamment à partir de modèles murins : notre laboratoire et d’autres ont montré que des souris mutées , portant des gènes associés à l’autisme chez l’humain , ont effectivement des interactions atypiques, des vocalisations diminuées, une motivation sociale moins importante que les souris non mutées, des caractéristiques qui rappellent celles observées chez les personnes autistes Nous nous doutions du fait que ces gènes mutés se sont conservés au cours de l’évolution et que leurs effets n’étaient pas spécifiques à l’humain, mais encore fallait-il le montrer !
Donc , ces gènes ne sont pas apparus avec l’espèce humaine et ils étaient présents chez Néandertal Toutefois, il faut interpréter cette hypothèse correctement . Le cas du gène FOXP 2 , identifié par mon collègue
Simon Fisher (à l’institut de psycholinguistique Max Planck, aux Pays-Bas), illustre bien la difficulté que cela représente. Ce gène est impliqué de façon cruciale dans la production langagière, mais ce n’est pas parce qu’un individu a une mutation sur le gène FOXP2 l’empêchant de parler qu’une bactérie, ayant la version non mutée de ce même gène, va se mettre à parler… Il en va de même s’agissant des gènes SHANK 2 ou SHANK 3 jouant un rôle important dans les interactions sociales et dans la cognition.
Les variants impliqués dans l’autisme constituent donc des profils génétiques, éventuellement présents chez Néandertal et Dénisova ?
Tout à fait. Pour illustrer l’intérêt d’évaluer si de tels profils étaient présents, voire potentiellement très présents chez les Néandertaliens et les Dénisoviens, je voudrais citer le travail de Luis Quintana Murci, à l’institut Pasteur Avec son équipe, il a très bien montré que certaines des variations génétiques des gènes de l’immunité étaient héritées de ces formes humaines anciennes, qui contribuent à protéger les populations eurasiennes d’agents pathogènes de leurs environnements Y a - t- il aussi eu un « emprunt » de variations génétiques associées à l’autisme provenant de Néandertal ? Nous saurons cela d’ici à quelques années
Les yeux expriment nos émotions les plus profondes et nous permettent de capter celles des autres. Ils jouent un rôle important dans l’empathie humaine, troublée chez les autistes.
Comment les généticiens vont-ils s’y prendre pour le déterminer ?
Nous avons de plus en plus de données sur les variations génétiques impliquées dans l’autisme et particulièrement celles présentes fréquemment dans la population générale et responsable de l’autisme polygénique Nous avons aussi de plus en plus d’informations sur les Néandertaliens, même s’il faudrait en savoir plus sur leur diversité Nous savons par ailleurs que les Eurasiens, et notamment les Européens, ont tous entre 1 et 3 % d’ADN néandertalien. C’est assez pour avoir un certain nombre de variants associés à l’autisme et présents chez les Néandertaliens… Alors, pour faire simple, il va nous falloir poursuivre l’examen des correspondances entre les jeux de données concernant les variations associées à l’autisme et celles présentes chez Néandertal, et voir s’ils se chevauchent Nous avons besoin par ailleurs de préciser les circuits neuronaux qui font qu’un individu est motivé par les interactions sociales.
Il est clair que les gènes de l’autisme ne sont pas apparus avec l’espèce humaine £
Passent-ils par une seule zone du cerveau ou par plusieurs ? Est-ce que cela se passe dans le cervelet, dans le striatum, dans le cortex, ou est-ce plus compliqué encore ? Nous ignorons encore largement de quelle façon ces variations génétiques modulent les interactions sociales, et il serait très intéressant de le préciser en ayant le plus d’informations possible, avant d’essayer d’interpréter la présence de ces variations chez les Néandertaliens Si des variations génétiques impliquées dans l’autisme sont présentes chez Néandertal, il y a du chemin à faire avant de pouvoir estimer un profil psychologique chez un individu néandertalien… Je le répète, le diagnostic de l’autisme est clinique
La génétique aide à comprendre l’origine, mais elle ne donne pas le diagnostic.
Une hypothèse sur Néandertal veut que leurs énormes orbites seraient l’indice d’une vision particulièrement efficace. Est-il envisageable ou seulement plausible que les autistes en aient hérité ?
À ce stade, on ne peut que spéculer Dans le même genre, nous avons montré dans un travail que nous avons publié dans la revue Genome Research que les gènes exprimés dans le cerveau étaient en général très conservés au cours de l’évolution des primates, mais qu’il existait un sous-groupe de gènes plus diversifiés et exprimés dans le cervelet, une structure très impliquée dans la motricité fine et dans l’orientation temporelle Certains gènes pourraient contenir ainsi des variations assez différentes entre Néandertal et nous, mais à ce stade, cela aussi reste spéculatif…
Est-ce que certains groupes – les scientifiques, par exemple – comptent davantage de personnes se situant dans le spectre autistique ?
Hans Asperger, qui a été un des psychiatres à effectuer en 1944 parmi les premières descriptions de cas d’autisme – les tout premiers cas ont été décrits par le psychiatre Grounia Sukhareva dans les années 1920, puis par Leo Kanner en 1943 [psychiatre germano-américain, 1894-1981, ndlr] –, disait que, pour réussir en sciences et en arts, une « petite touche » d’autisme serait essentielle. C’est pourquoi, dans mon livre ( voir la bibliographie ) , j’ai écrit que la recherche peut effectivement être une niche pour des individus avec des traits autistiques, ayant à la fois des intérêts restreints et cette envie de repérer des régularités signalant un mécanisme sous-jacent, que ce soit en mathématique, en physique ou en biologie. Voilà pourquoi, en notre époque où, pour réussir en science, on préconise de savoir écrire des « histoires », de savoir communiquer ses recherches, on risque d’exclure des personnes autistes alors qu’elles ont les qualités cruciales pour s’épanouir scientifiquement et faire de nouvelles découvertes. J’ai écrit cela pour que nous évitions de perdre des sujets qui feraient peut-être des chercheurs exceptionnels dans certains domaines : à un scientifique, on demande avant tout d’être original
– une personne qui n’est pas neurotypique peut l’être, bien sûr –, de nous surprendre et d’être rigoureux Il faut donc faire attention à ce qu’en science il y ait encore de la place pour des gens peut-être un petit peu difficiles à comprendre, mais capables de faire des découvertes extraordinaires
Les Néandertaliens avaient une tout autre socialité que nous : ils vivaient au sein de clans familiaux de 25 personnes au maximum, mouraient jeunes et commençaient à se reproduire vers 12 ans. Dans ce contexte, la présence d’un individu sans langage, à la socialité réduite – bref, un autiste néandertalien –aurait-elle pu ne pas poser problème ?
C’est plausible , mais comment savoir ? La question que vous posez est plus généralement celle de la tolérance sociale à la neurodiversité Cette idée que nous devrions avoir des circuits neurologiques identiques est à dépasser Robert Francis Kennedy Jr., le ministre de la Santé américain, prétend qu’en septembre 2025, nous aurons déterminé la cause environnementale de l’« épidémie d’autisme », et que, sans doute, nous arrêterons de manger ceci ou de vacciner comme cela… Ce qu’il dit est grave à plusieurs niveaux et contribue à renforcer l’image très négative que la société a de l’autisme Certes, pour certains enfants, le trouble exige un accompagnement médical, tout particulièrement s’il y a des crises d’épilepsie, des difficultés d’apprentissage, des automutilations, etc Mais, dans beaucoup d’autres cas, il s’agit de gens ayant des difficultés sur certains points, des forces dans d’autres, et qu’il est possible de placer dans un contexte qui leur permet de s’épanouir, un peu comme vous imaginez de jeunes Néandertaliens incapables de parler, mais pour autant très utiles à leur clan. Notre société doit reconnaître ces nuances et s’organiser en fonction Alors , le fait que nous soyons en train de parler de la corrélation entre autisme et Néandertal illustre une fois de plus que l’autisme n’est pas arrivé le jour de sa description ou avec un nouveau vaccin ! Il a été là depuis longtemps et n’est qu’une des expressions de la neurodiversité, qui est là, et qui est précieuse. Nous avons besoin de personnes voyant le monde différemment, dont celles qui sont dans le spectre de l’autisme… n Propos recueillis par François Savatier
C. Leblond et al., A genetic bridge for autism between medicine and neurodiversity, Annual Review of Genetics, 2024.
T. Rolland et al., Phenotypic e ects of genetic variants associated with autism, Nature Medicine, 2023.
T. Bourgeron, Des gènes, des synapses et des autismes, Odile Jacob, 2023.
G. Dumas et al., Systematic detection of brain proteincoding genes under positive selection during primate evolution and their roles in cognition, Genome Research, 2021.
L’ESSENTIEL
> Les diverses suspensions de particules fines dans l’atmosphère ont des e ets climatiques divers.
> Les aérosols de particules minérales issues des déserts ont des e ets importants, mais particulièrement mal pris en compte.
L’AUTRICE
> Pour en savoir plus, les chercheurs multiplient les mesures et les simulations à l’aide de modèles climatiques.
STEPHANIE FIEDLER climatologue, directrice de l’Institut de physique de l’environnement de l’université de Heidelberg, en Allemagne
Sans les particules de poussières minérales qui flottent dans l’air, notre atmosphère serait différente, car dépourvue de nuages. Les climatologues élucident pas à pas leurs rôles.
En janvier 2025, lorsque mon équipe a appareillé pour l’Atlantique nord, nous ne partions pas à la recherche d’organismes marins ni d’eau de mer, mais d’échantillons de poussière À l’aide d’un observatoire météorologique portable , nous avons mesuré diverses composantes et grandeurs caractérisant l’atmosphère : courants, températures, composition et bien plus encore. Notre but était d’étudier les particules minérales en provenance du Sahara, la fine poussière venue du désert. Ce sont les tempêtes de sable qui introduisent ces particules fines dans l’atmosphère, avant que des vents ne les emmènent au loin Nous avons tous été témoins, en Europe, d’épisodes de pareille poussière Au printemps, elle touche souvent la côte méditerranéenne, mais peut atteindre aussi le nord de la France, l’Allemagne… Elle traverse même l’Atlantique dans certaines conditions, et partout où elle va, elle apporte aux végétaux des minéraux bénéfiques, ce qui, comme les autres aérosols, ne l’empêche pas de nuire parallèlement à notre santé
Ces nombreuses poussières sahariennes en suspension dans l’atmosphère constituent en effet un exemple de ce que l’on nomme « aérosol » , c’est- à - dire une suspension dans l’air de particules fines , qu’elles soient solides ( poussière saharienne ), liquide ( brouillard , nuage ) ou même biologique ( pollens ). Les aérosols influencent de façon déterminante la météorologie et le climat. La poussière du désert en compose la plus grande part , mais de nombreux autres types de particules s’y ajoutent : particules de sel marin , particules de cendre volcanique , particules de suie issue des combustions , sulfates, nitrates, pollens, etc. Comme l’indique ce début de liste , les poussières peuvent être d’origine naturelle ou humaine (lire l’encadré page 49) Toutes ont cependant en commun d’affecter de façon complexe la composition atmosphérique et les phénomènes physiques qui s’y produisent. Sans la présence discrète dans l’air de ces particules fines omniprésentes, notre monde serait bien différent : les nuages ne s’y formeraient pas et il serait bien plus chaud
La poussière saharienne colore l’atmosphère jusqu’en Europe, créant de magnifiques levers et couchers de soleil (ici, dans le nord de l’Allemagne).
Or, malgré l’importance considérable des aérosols pour le système climatique, leurs rôles ne sont pas encore assez bien compris À tel point que ces énigmatiques particules fines représentent l’une des plus grandes sources d’incertitude quant à la pertinence des simulations produites par les modèles climatiques Dès lors, il importe de mieux saisir leurs effets sur le climat terrestre : d’une part, cela nous permettra d’améliorer le réalisme des scénarios décrivant les évolutions du fonctionnement de la machine climatique, dans le cas où nous ne ferions rien comme dans celui où nous agirions en prenant des mesures appropriées ; d’autre part, c’est aussi crucial pour mieux évaluer les projets de manipulation technique du climat –ce que l’on désigne en d’autres termes par « géoingénierie » [dont l’une des approches consiste à charger la basse stratosphère en aérosols diffusants, pour renvoyer ainsi vers l’espace une partie de la lumière du soleil, ndlr].
L’épidémie de Covid-19 a rendu nombre d’entre nous plus familiers avec la notion d’aérosol, puisque ce virus se transmet par les aérosols de microgouttelettes que nous produisons en respirant, riant, toussant, quand nous parlons… Comme déjà évoqué, le terme « aérosol » couvre une grande variété de particules fines et de leurs corps précurseurs. Pour établir des prévisions météorologiques, on tient compte par exemple de la présence saisonnière de pollens dans l’atmosphère S’agissant de l’étude de l’impact de l’homme sur le climat, on s’intéresse surtout aux émissions de substances
Lancement d’une radiosonde lors d’une campagne de mesure à Lindenberg, dans l’Allgäu (Bavière). Lors de la prochaine expédition de notre équipe en mer, nous emploierons aussi une telle sonde afin de mesurer de nombreux paramètres atmosphériques.
chimiques d’origine humaine Cela inclut entre autres le dioxyde de soufre (SO₂), le précurseur des particules de sulfate et les nombreuses particules de suie libérées par toutes les combustions issues du chauffage, du transport ou des procédés industriels.
Les particules de sulfate et de suie diffusent ou absorbent en effet le rayonnement solaire incident de façons différentes, de sorte que leurs impacts climatiques tendent à s’opposer, en première approche. Ainsi, les particules de sulfate , en diffractant la lumière solaire, amoindrissent le rayonnement parvenant au sol, ce qui contribue à refroidir l’atmosphère Les particules de suie, pour leur part, sont sombres parce qu’elles absorbent plus de lumière qu’elles n’en diffusent, ce qui tend à réchauffer la couche d’air qui les contient. Simple ? Pas tant que cela, car ces mécanismes produisent aussi des effets sur la stratification de la basse atmosphère, ce qui influence la dynamique des phénomènes atmosphériques, à commencer par la formation des nuages… Les particules fines sont en outre impliquées dans les processus se déroulant au sein même des nuages , lesquels affectent leurs formes ainsi que leurs durées de vie, et par là la survenue des précipitations. Sans aérosols dans l’atmosphère, une humidité suffisante et des conditions appropriées, les nuages ne se formeraient pas Pour que des gouttelettes de futures pluies ou des microcristaux de glace de flocons en devenir se créent, il faut que des noyaux amorcent la condensation ou la cristallisation Qui joue ce rôle ? Les particules fines ! Toutefois, selon leur composition chimique et leur température, elles constituent des amorces plus ou moins efficaces
Et puis leur densité dans l’air exerce aussi une influence. Puisque les activités de l’humanité produisent de nombreuses microparticules, la vapeur d’eau atmosphérique se répartit sur un plus grand nombre de noyaux de condensation . Pour une quantité d’eau condensée en gouttelettes égale, davantage de gouttelettes signifie une taille moyenne plus petite , ce qui veut dire aussi une di ff usion accrue du rayonnement solaire, donc un refroidissement local Connu sous le nom d’« effet Twomey » [du nom du physicien de l’atmosphère Sean Twomey (1927-2012), ndlr], ce phénomène se traduit par des nuages plus brillants, car ils contiennent plus de microgouttelettes réfléchissant davantage la lumière solaire. Et si la manipulation de l’atmosphère nous permettait de régler le climat ? Parmi les
L’atmosphère terrestre est principalement composée d’azote (78 %), d’oxygène (près de 21 %) et d’argon, un gaz noble (moins de 1 % en moyenne). Les gaz traces, la vapeur d’eau et les aérosols (des particules en suspension) représentent ensemble moins de 1 %, mais ils influencent notre climat de façon significative. Ce faible pourcentage inclut aussi les gaz à effet de serre et les particules que les activités humaines ajoutent dans l’atmosphère où, interagissant avec le rayonnement solaire et terrestre, elles influent sur le climat. L’influence de ces « mélanges d’air d’origine humaine » sur le rayonnement est décrite par le forçage radiatif : le bilan de l’énergie qui entre dans l’atmosphère sous forme
de rayonnement et celle qui en sort. Lorsque le solde est positif, le forçage radiatif est positif et alors réchauffant. C’est le cas du forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre. En revanche, lorsque plus d’énergie sort, le forçage radiatif est négatif, et refroidissant, comme sous l’effet des aérosols. Pour le moment, l’amplitude du forçage radiatif dû aux aérosols anthropiques reste l’une de nos plus grandes incertitudes dans nos efforts pour bien comprendre le changement climatique. Les aérosols proviennent soit de sources naturelles, soit de l’activité humaine. Parmi les premières qui dominent la masse totale des particules dans l’atmosphère, les principales sont issues des déserts (tempête de sable) et des océans (tempêtes marines), où des vents forts soulèvent des particules minérales ou
de sel. Transportées ensuite sur de longues distances, ces particules constituent la plus grande partie de la masse totale d’aérosols présente dans l’atmosphère. Les aérosols biologiques, comme le pollen émis par les plantes, provoquent des allergies désagréables. Les aérosols anthropiques sont soit émis directement, soit produits à partir de précurseurs à la suite d’émissions gazeuses causées par l’homme. Le sulfate, par exemple, se forme dans l’atmosphère à partir du dioxyde de soufre (SO₂). Les aérosols anthropiques proviennent de différentes sources, comme les processus industriels et agricoles, mais aussi les gaz d’échappement. En pleine mer, les suies issues du trafic maritime laissent de véritables traces dans les nuages. En raison de son impact sur la santé, la quantité d’aérosols d’origine humaine dans l’air est surveillée – en particulier dans les villes – et doit être réduite au maximum par des mesures de lutte contre la pollution atmosphérique.
Déchets
ÉMISSIONS
Températures
Poussières
Chimie de l’atmosphère
COMPOSITION
Aérosols organiques
Dioxyde de soufre
Gaz à e et de serre
Modifications
Météorologie
solutions techniques envisagées par les géoingénieurs, la diffusion d’aérosols refroidissant dans l’atmosphère est en bonne place Seulement, afin d’estimer les effets d’une telle diffusion, il importe de simuler ce qui se passerait si l’on introduisait des particules soigneusement choisies dans l’atmosphère Là où on les diffuserait, elles favoriseraient la formation de davantage de gouttelettes, augmentant ainsi la réflexion du rayonnement solaire sur les nuages En théorie, cela pourrait compenser localement le réchauffement causé par les gaz à effet de serre ; mais, en réalité, avec quelles répercussions à grande échelle ?
Les chercheurs envisagent aussi d’autres effets potentiels des aérosols d’origine anthropique sur le cycle de vie des nuages On se demande , par exemple , si les nuages qu’ils produisent n’ont pas une durée de vie plus longue parce que la taille réduite des gouttelettes retarde la survenue de précipitations et la dissipation des formations nuageuses Cela favoriserait probablement l’extension des nuages horizontalement ou verticalement , créant une couverture plus étendue ou en plus haute altitude D’un autre côté, d’autres phénomènes atmosphériques pourraient avoir un effet contraire : les gouttelettes de nuage se
LE GULF STREAM RENFORCÉ...
Dans les années 1970, on trouvait de nombreux aérosols d’origine anthropique en Amérique du Nord, en Europe et au-dessus du nord de l’Atlantique. Cela renforçait le Gulf Stream et transportait plus de chaleur vers le nord. Dans le même temps, la position moyenne du jet-stream dans l’atmosphère se décalait vers le sud.
Augmentation pendant l’ère industrielle jusqu’aux années 1970
A aiblissement du transport de chaleur
Trou de réchau ement de l’Atlantique nord
Le jet-stream se déplace vers l’équateur
Renforcement de la circulation océanique
mélangeraient plus facilement à l’air ambiant et s’évaporeraient plus vite…
Lorsqu’on étudie les interactions des nuages et des aérosols, il importe de tenir compte aussi du fait que les particules fines en suspension finissent par tomber. C’est évidemment le cas pour les noyaux de condensation emportés par les gouttelettes de pluie et également pour une bonne partie des particules fines se trouvant sous les nuages, que les gouttes de pluie et les flocons entraînent en passant Ainsi, les chutes de pluie ou de neige ont un double effet sur les aérosols : elles réduisent la quantité de particules fines en suspension dans l’air et en introduisent au sein d’écosystèmes lointains La fine poussière saharienne, par exemple, contient du fer qui fertilise les écosystèmes terrestres et marins Après une tempête de poussière dans le Sahara, on observe souvent des efflorescences algales colorées près des côtes d’Afrique de l’Ouest. La poussière du Sahara a même parfois eu un effet fertilisant dans la lointaine forêt amazonienne, vers laquelle les vents alizés la transportent régulièrement À quel point les particules fines affectent les écosystèmes n’est cependant pas très bien compris non plus. On ignore déjà combien d’aérosols de poussière sont libérés dans l’air – en partie
... PUIS AFFAIBLI
Après la diminution de la concentration d’aérosols au-dessus du nord de l’Atlantique, le Gulf Stream s’est a aibli et a transporté moins de chaleur vers le nord. Dans le même temps, la position moyenne du jet-stream s’est déplacée elle aussi vers le nord.
Diminution depuis les années 1970 jusqu’aux années 2000
Trou de réchau ement de l’Atlantique nord
Renforcement du transport de chaleur
Le jet-stream se déplace vers le pôle
parce que des phénomènes divers conduisent aux tempêtes de poussière , lesquels ne se laissent pas facilement simuler à l’aide des modèles météorologiques et climatiques. Les processus physiques et les impacts biogéochimiques des tempêtes constituent donc un important sujet de recherche
Avec mon équipe, je travaille à faire avancer toutes ces questions ouvertes Afin de mieux comprendre comment aérosols et climat s’influencent réciproquement, nous employons des données provenant de capteurs de diverses plateformes de mesure – satellites, stations au sol… – et produisons par ailleurs des simulations informatiques afin de mieux appréhender les phénomènes physiques atmosphériques mettant en jeu des aérosols
Lors de l’expédition dans l’Atlantique nord évoquée au début de cet article, nous avons aussi procédé à des mesures optiques dans l’atmosphère Des allers-retours d’un faisceau laser, nous avons obtenu des informations sur la vitesse et la direction du vent, les tailles des particules ainsi que les hauteurs des nuages. Nous avons aussi employé des appareils déterminant les propriétés météorologiques selon des méthodes classiques, telles que les mesures de température et de pression, similaires à celles que les services météorologiques nationaux effectuent régulièrement à terre.
Bien que la poussière du désert soit présente en grandes quantités et influence de manière significative les processus physiques et biogéochimiques, les experts ne savent pas grand - chose sur la façon dont les aérosols d’origine saharienne évoluent à long terme
Nous manquons, d’une part, de mesures au sol dans les régions désertiques et océaniques inhabitées et, d’autre part, la prise en compte des aérosols de poussière dans les modèles météorologiques et climatiques reste très incertaine Il est donc nécessaire de faire des mesures à grande distance des côtes, afin de pouvoir les confronter aux observations satellitaires et aux simulations. Sur la base des données ainsi recueillies, nous pourrons améliorer les simulations des processus atmosphériques impliquant des aérosols
En effet, malgré les décennies de recherche qui se sont succédé, la façon dont les particules de poussière influencent le rayonnement solaire entrant et leurs interactions avec les nuages restent… nébuleuses ! Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) évalue l’impact de l’humanité sur le climat en essayant d’estimer le
forçage radiatif, c’est-à-dire la différence entre l’énergie solaire entrante et l’énergie thermique sortante dans la haute atmosphère Tandis que les forçages radiatifs négatifs refroidissent l’atmosphère, les forçages positifs l’échauffent. En principe, les simulations climatiques devraient permettre d’estimer les forçages radiatifs des aérosols, des gaz à effet de serre et d’autres facteurs anthropiques influant sur le réchauffement de l’atmosphère. Dans la pratique, les différents modèles climatiques développés à travers le monde produisent des résultats variés… Le fait que le forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre réchauffe l’atmosphère est aujourd’hui clairement établi. Dans l’ensemble, les particules émises par l’humanité ont un e ff et global refroidissant contraire à celui des gaz à effet de serre . Toutefois , l’ampleur exacte de leur forçage radiatif demeure l’une des grandes incertitudes dans notre compréhension de la façon dont le changement climatique s’opère
Les couvertures nuageuses fragmentées sont typiques des mers tropicales et ressemblent à nos nuages de beau temps en été, ceux que nous appelons communément des « moutons ». Ces nuages tropicaux illustrent le fait que les nuages se forment par convection au-dessus de la mer : c’est la répartition de la température et de l’humidité en un lieu qui dicte si un nuage s’y formant pourra croître jusqu’à produire des précipitations.
Alors que la poussière du désert influence de manière significative les processus physiques et biogéochimiques, les mesures restent insuffisantes (ici, une expédition en mer menée par l’équipe de l’autrice), notamment à grande distance des côtes, pour pouvoir les confronter aux observations satellitaires et aux simulations.
Dans le dernier rapport du Giec, les climatologues ont bien été obligés de prendre en considération les variations entre les résultats des divers modèles climatiques Nous avons découvert que ces divergences s’expliquent notamment par le fait que ces modèles décrivent de façons différentes les propriétés optiques des particules simulées Certains d’entre eux surestiment l’absorption du rayonnement solaire par les particules fines d’origine anthropique, ce qui conduit à sous-estimer leur effet refroidissant, et entraîne des valeurs simulées correspondant mal aux observations, mais cette erreur peut être corrigée D’autres, en revanche , sous - estiment l’absorption du rayonnement solaire par les particules d’origine naturelle , dont la poussière minérale issue des déserts, qui, même si elle est très abondante, est pourtant peu prise en compte dans les simulations… Que les modèles surestiment l’absorption lumineuse par les aérosols d’origine anthropique ou au contraire sousestiment l’absorption lumineuse par les aérosols d’origine naturelle, la conséquence est la même : les modèles simulent soit un forçage radiatif trop peu négatif, soit même positif, de sorte que les effets climatiques des aérosols restent incertains. Comme le rappelle François Dulac, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), à la différence des gaz à effet de serre, dont les concentrations varient peu et qui ont de longues durées de vie dans l’atmosphère , les concentrations des aérosols sont susceptibles de varier de plusieurs ordres de grandeur alors que leurs effets fluctuent d’un type de particule à l’autre Déterminer quel est leur impact climatique moyen est donc un exercice
particulièrement compliqué ; les modèles climatologiques d’échelle régionale , dont les mailles de réseau sont plus fines et dans lesquels on décrit des évolutions plus courtes, sont plus aptes que les modèles d’échelle mondiale à décrire leurs effets. L’impact des aérosols sur le refroidissement de l’air par l’intermédiaire des nuages est plus incertain encore Bien simuler les nuages et la dynamique atmosphérique associée afin de bien représenter leur interaction avec les poussières est de fait difficile. Même lorsque les modèles climatiques supposent des propriétés identiques pour ces particules, nous avons observé des divergences dans le forçage radiatif simulé Cela s’explique par des réactions différentes des nuages aux aérosols, et qui varient suivant les régions Les nuages, en e ff et , ont des caractéristiques diverses selon les régions : ceux qui se trouvent dans une zone de basse pression, par exemple, ont une structure et des processus dynamiques distincts de ceux qui surplombent les océans tropicaux ; en outre , chaque modèle climatique simule les divers types de nuages de façons différentes [sachant que les différents types de nuage ont des effets différents sur le climat : les cirrus, par exemple, qui sont relativement transparents au rayonnement solaire, contribuent à l’effet de serre en bloquant la réémission infrarouge , ndlr ]. Les e ff ets régionaux des particules fines sur le rayonnement solaire, la couverture nuageuse et, donc, le climat local varient alors considérablement d’un modèle à l’autre. Il est crucial de mieux comprendre ces différences afin de pouvoir anticiper l’évolution du climat d’une région de la planète, d’autant plus que le lieu et l’importance des émissions d’aérosols évoluent beaucoup avec le temps, ce qui influence directement la météorologie d’une zone
Ce texte est une adaptation de l’article Das Rätzel um den Staub, paru dans Spektrum der Wissenschaft en septembre 2024.
Ainsi, dans les années 1970, les émissions de particules fines et de leurs précurseurs provenaient avant tout d’Europe et d’Amérique du Nord, tandis qu’elles sont aujourd’hui surtout d’origine asiatique L’augmentation et le déplacement des grandes sources émettrices ont eu des effets variés sur les climats des diverses régions terrestres. Comme l’ont confirmé les simulations climatiques , ces changements de répartition ont même eu une influence sur les grandes structures de précipitations , telle la mousson : si dans les années 1970 et 1980 le Sahel a connu une sécheresse prolongée, celle-ci s’est terminée dans les décennies suivantes De tels phénomènes soulèvent la question de savoir comment les futures répartitions d’aérosols d’origine anthropique influenceront les précipitations
Deux types de particules fines en suspension dans l’atmosphère dominent tous les autres en masse : les microcristaux de sel issus des embruns et les poussières minérales provenant des déserts. S’agissant de ces dernières, le Sahara et les zones arides qui l’entourent en constituent les principales sources. Ces aérosols de poussière influencent le climat en interagissant avec les nuages et en absorbant une partie du rayonnement solaire qu’ils rediffusent dans toutes les directions (on parle à leur propos de « brume sèche »).
On considère, en général, que les diamètres de ces poussières voyageant au loin doivent être inférieurs à 20 micromètres – à peu près deux dixièmes de la largeur d’un cheveu –, car au-delà de cette limite, leur vitesse théorique de chute excède 2 600 mètres par jour. Dès lors, se dit-on, des particules fines… aussi peu fines retomberaient rapidement au sol et ne sauraient être transportées bien loin de leur source. Pour autant, dès les années 1970, des chercheurs ont signalé la présence de poussières désertiques de plusieurs dizaines de micromètres de diamètre dans l’Atlantique occidental, donc à des milliers de kilomètres de l’Afrique. Malgré de grandes difficultés d’observation dues à leur rareté, plusieurs campagnes, menées notamment par avion au large de l’Afrique de l’Ouest, ont confirmé ce transport de particules de poussières sahariennes « géantes ». En dépit du fait que leur nombre est très faible en comparaison
de celui des poussières de tailles micrométriques, leur contribution à la masse totale en aérosol minéral est susceptible d’être élevée, voire dominante, puisque la masse d’une particule varie à proportion du cube de son diamètre… D’où l’importance de quantifier ces poussières « géantes » et d’expliquer leur transport. À ce stade, diverses hypothèses faisant appel à la turbulence ou encore à des champs électriques concourent. Comme j’ai beaucoup étudié le transport des poussières sahariennes au-dessus de la Méditerranée occidentale, je peux évoquer la question des particules fines « géantes » dans cette région. Nous expliquons l’élévation des poussières sahariennes par une ascension progressive au-dessus de l’Atlas (photo ci-dessous) à des vitesses moyennes pouvant dépasser 1,5 centimètre par seconde de masses d’air chaud chargées en poussières, qui restent ensuite au-dessus de l’air marin méditerranéen plus froid, une fois qu’elles ont franchi les montagnes. Ceci, toutefois, n’explique en rien la persistance de particules géantes. Il y a plusieurs années, lors d’une grande campagne de mesure du programme ChArMEx (Chemistry-Aerosol Mediterranean Experiment), nous avons accroché sous des ballons plafonnants – développés et opérés par le Cnes, ils dérivent avec le vent à une altitude donnée pouvant aller jusqu’à 3,5 kilomètres – un nouveau compteur optique de particules élaboré par une équipe du CNRS (LPC2E, Orléans). Grâce à cet appareil ultrasensible appelé Loac et à la série de ballons lancés depuis l’île
de Minorque, nous avons suivi en temps réel la granulométrie des poussières sahariennes (jusqu’à 30-50 micromètres) transportées à plusieurs altitudes au-dessus du bassin Méditerranéen, pendant un épisode saharien. L’accroissement systématique du bruit électronique instrumental en présence des poussières – géantes ou pas – va dans le sens de l’hypothèse d’un rôle crucial dans le transport à grande distance joué par des champs électriques. Par conséquent, comment ces poussières sont-elles introduites dans l’air, se demande-t-on ? En cas de vent assez fort, nous avons tous observé sur les plages la mise en suspension dans l’air et les rebonds sur la surface de grains de sable. Chaque choc de ces grains de sable crée des particules plus fines susceptibles de rester en suspension et d’être transportées au loin. Comme les frictions entre grains de sable et les chocs entre particules les chargent électriquement, nous supposons que des forces électriques s’établissent et persistent en altitude dans les couches d’air chaud et poussiéreux. Elles pourraient s’opposer à la retombée des particules. Les indices que nous avons recueillis vont dans le sens de cette hypothèse, mais il reste à la démontrer complètement par la mesure.
FRANÇOIS DULAC
ingénieur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, CEA
Les variations régionales de la densité en particules fines influencent même la circulation océanique, comme nous l’avons observé dans nos simulations avec le modèle de système terrestre de l’institut Max-Planck pour la météorologie (Icon, Icosahedral nonhydrostatic). Nous avons en effet constaté que la circulation océanique dans le nord de l’Atlantique s’est modifiée après le déplacement des émissions de particules fines de l’Amérique du Nord et de l’Europe vers l’Asie À la suite de cette évolution, la circulation océanique a acheminé davantage de chaleur vers l’Arctique Elle a en outre favorisé la formation de l’anomalie dite du warming hole [(« trou de réchauffement »)], une zone située entre l’Islande et le Groenland qui ne se réchauffe pas autant que d’autres régions du monde Nos simulations montrent que les aérosols modifient le transport de chaleur dans l’Atlantique, de sorte que la zone du warming hole perd de la chaleur et se refroidit (voir l’infographie page 50) Les particules fines atmosphériques influencent ainsi des processus physiques à la fois dans l’atmosphère et dans l’océan, effet climatique qu’on ne leur attribuait pas…
À l’avenir, les émissions de particules fines évolueront dans les diverses régions du monde et parallèlement sur la planète entière Divers scénarios sont pris en compte dans les calculs afin d’estimer l’évolution du climat Les chercheurs partent d’hypothèses de travail concernant les évolutions socioéconomiques et leurs effets sur le climat actuel, afin de déterminer des scénarios allant jusqu’à l’année 2100. Dans le rapport du Giec de 2021, on suppose dans la plupart des scénarios que moins de microparticules d’origine anthropiques seront émises à l’avenir dans l’atmosphère, mais à des rythmes différents suivant le cas, si bien que le Giec est amené à présenter une fourchette d’évolutions futures possibles
Si l’humanité émet moins de particules polluantes, cela devrait contribuer légèrement au réchauffement mondial, car leur effet refroidissant disparaîtra Toutefois, contrairement aux gaz à effet de serre, qui restent dans l’atmosphère des siècles durant, la plupart des particules en suspension n’y demeurent que de quelques jours à quelques semaines Seules les éruptions volcaniques explosives entraînent la formation d’aérosols dans les couches supérieures de l’atmosphère, qui, puisqu’il n’y pleut pas, peuvent avoir un effet refroidissant durant des mois à des années.
Ainsi , si moins de particules d’origine anthropique sont libérées dans l’atmosphère, cela améliorera la qualité de l’air, mais aura aussi vite un impact réchauffant sur le climat. Pour tenter de le mettre en évidence concrètement, nous avons simulé un tel effet à l’aide des modèles climatiques pour la période du confinement dû au Covid-19. L’effet de la moindre
pollution relative au confinement s’est cependant avéré assez faible, parce qu’à l’échelle mondiale l’air était en moyenne seulement un peu moins chargé en particules.
S. Fiedler et al., Interactions between atmospheric composition and climate change – progress in understanding and future opportunities from AerChemMIP, PDRMIP, and RFMIP, Geoscientifc Model Development, 2024.
S. Fiedler et al., Historical changes and reasons for model di erences in anthropogenic aerosol forcing in CMIP6, Geophysical Research Letters, 2023.
S. Fiedler et al., How does the North Atlantic SST pattern respond to anthropogenic aerosols in the 1970s and 2000s ?, Geophysical Research Letters, 2021.
C. D. Jones et al., The climate response to emissions reductions due to COVID-19 : Initial results from CovidMIP, Geophysical Research Letters, 2021.
N. Bellouin et al., Bounding global aerosol radiative forcing of climate change, Reviews of Geophysics, 2020.
Les simulations climatiques portent aussi sur les effets des futures décisions politiques sur le climat, comme la décision de placer des limites sur les émissions de particules fines et autres mesures de lutte contre la pollution de l’air. Destinées à servir de base de décision pour les politiques, de nouvelles études comparatives sont en préparation . Responsable de l’étude comparative des modélisations de la chimie des aérosols , je travaille actuellement à de nouvelles simulations pour compléter les modèles de système Terre les plus complexes à ce jour Ils le sont , car ces modèles simulent non seulement les processus physiques à la surface de la Terre , dans l’océan et dans l’atmosphère, mais aussi leurs interactions , ainsi que d’autres cycles , tels l’émission, le transport et le dépôt des aérosols Dans ce cadre , nous établissons par le calcul des scénarios afin de mieux comprendre les effets réciproques entre compositions atmosphériques futures , climat et qualité de l’air. Nous voulons continuer à combiner dans nos recherches simulations et mesures. Les observations seules ne suffisent pas en effet à démêler les phénomènes physiques en jeu, par exemple parce que les nuages se forment à la fois sous l’influence de facteurs naturels et anthropiques C’est pourquoi nous interprétons les données issues des expéditions océaniques à l’aide de simulations, lesquelles permettent de modéliser les processus en jeu de façon très détaillée À cet égard, l’intelligence artificielle devrait être de plus en plus utile. Grâce à elle, nous avons notamment pu obtenir des estimations de l’effet des aérosols de poussière saharienne dans la couche d’atmosphère située sous des nuages opaques, qui ne sont pas mesurables depuis l’espace Ainsi, l’IA rend possible d’affiner l’étude des particules fines, et nous en avons bien besoin pour enfin mieux cerner leur influence sur le climat n
LOÏC MANGIN
rédacteur en chef adjoint à Pour la Science
À l’occasion d’une résidence d’artiste, Christine Enrègle rend hommage à trois arbres remarquables du Jardin des plantes et à leur façon bien à eux de s’inscrire dans l’histoire.
Dès l’entrée, une « tranche » de séquoia géant impressionne, du haut de ses 2,7 mètres Offerte en 1927 à la France par l’État de Californie et la Légion américaine, l’échantillon récapitule plus de deux mille ans d’histoire au gré de quelques plaques de cuivre insérées au fil des cernes de croissance : fondation de l’université de Paris (1100), débarquement des pèlerins du Mayflower (1620), Déclaration d’indépendance américaine (1776)… Bienvenue dans la galerie de botanique du Muséum national d’histoire de naturelle de Paris, où sont conservés huit millions de spécimens de champignons, d’algues, de plantes vasculaires… certains datant de près de cinq siècles !
Le végétal s’inscrit donc dans la durée et compose avec une historicité, une temporalité bien différente de la nôtre, nous humains pour qui un siècle est un horizon. Cet ancrage particulier des plantes dans le temps est le moteur du travail de Christine Enrègle qui a pris ses quartiers dans la galerie de botanique dans le cadre d’une résidence artistique au Jardin des plantes. Son objectif ? Trois séries de dessins au fusain sur toile de coton (pour un total de 60 à 80 œuvres) pour mettre à l’honneur autant d’arbres remarquables du site : un cèdre, un platane et un pistachier. Ce qui intéresse l’artiste, c’est le fait que ces trois vénérables, plantés au XVIIIe siècle, ont traversé les époques et acquis des dimensions spectaculaires. À leur côté, nous sommes tout petits, aussi bien spatialement que temporellement.
C’est pour rendre compte de ce dernier aspect que Christine Enrègle a choisi, après avoir sélectionné un détail saisissant à partir d’innombrables photos, de traiter ce dernier en séries en l’isolant de son contexte. L’idée ? Dégager un rythme, accompagner un processus continu de croissance, suggérer une transformation perpétuelle et pourtant paradoxale, car elle laisse apparemment l’arbre inchangé, incapables que nous sommes de le voir croître, faute d’échelles temporelles comparables. Cette image de flux transparaît dans les lignes qui figurent branches ou racines sur les dessins dont la succession renvoie à l’écoulement du temps, comme si le principe du palimpseste était donné à voir.
Le fusain avec lequel l’artiste travaille a lui-même valeur de symbole, puisqu’il est constitué de bois calciné. Ici, il reprend vie en la représentant ! Ce matériau est aussi l’occasion d’évoquer Frans Krajcberg, avec qui Christine Enrègle, au Brésil, a travaillé en 2002, durant sa thèse de doctorat. En effet, l’artiste brésilien né en Pologne, l’un des chefs de file du combat pour la protection de la planète, a souvent mis en scène du bois brûlé pour alerter contre la déforestation de l’Amazonie.
Pour l’heure, les trois arbres mis à l’honneur semblent à l’abri d’une telle menace. Mais au fait, pourquoi sont-ils remarquables ? Le cèdre du Liban Cedrus libani est le doyen de son espèce en France. Il y fut apporté par Bernard de Jussieu en 1734 depuis Londres et l’on raconte que
pendant le voyage, le pot se cassa, ce qui obligea le naturaliste à transporter le plant dans son chapeau. Le platane d’Orient Platanus orientalis (différent de P. occidentalis, qui borde nos routes) est l’un des trois qui furent plantés par Buffon en 1785 alors qu’il était intendant du Jardin du Roy. Enfin, le pistachier Pistacia vera est issu de graines rapportées du Levant par le botaniste Joseph Pitton de Tournefort en 1702. C’est en l’étudiant que Sébastien Vaillant, élève du précédent, montra que le pollen était la semence mâle de la fleur, et élucida ainsi, non sans déclencher un scandale, le mystère de la reproduction des plantes. Ces trois arbres se sont vu attribuer le label « arbre remarquable » le 22 juin 2017. Avec un tel pedigree, ils méritaient bien d’être immortalisés ! La résidence artistique prend fin le 27 juin. L’occasion de voir les dessins ? Pas tout de suite, car la galerie de botanique du Muséum est fermée au public depuis 2020. Cependant, au gré d’événements futurs, par exemple la fête de la science, les œuvres seront exposées. De quoi confronter l’histoire des arbres à la nôtre ! n
Résidence artistique du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, dans le cadre du programme « Arts et Science », jusqu’au 27 juin 2025 : https://christineenregle.com/
L’auteur a publié : Pollock, Turner, Van Gogh, Vermeer et la science… (Belin, 2018)
JEAN-MICHEL COURTY ET ÉDOUARD KIERLIK professeurs de physique à Sorbonne Université, à Paris
Comment s’assurer de la pureté d’un bijou en or ? Plusieurs techniques sont disponibles, la plus récente étant la spectroscopie de fluorescence à rayons X.
Syracuse, IIIe siècle avant notre ère Le roi Hiéron II a eu vent d’une possible escroquerie de la part de l’orfèvre à qui il a commandé une couronne d’or Mais comment prouver le préjudice ? En faisant appel à Archimède ! La solution viendra au scientifique en même temps que son fameux « Eurêka » Aujourd’hui encore, la question de savoir si tel objet au bel éclat est bien en or se pose toujours. La réponse est délicate, mais les bijoutiers disposent désormais d’une batterie de tests, chimiques et physiques, qui permettent de connaître avec précision la teneur en or. Mais revenons à Archimède Sa solution est basée sur la poussée à laquelle il a donné son nom Comme la densité de l’or, en l’occurrence 19,3 grammes par
centimètres cubes (g.cm – 3), est très élevée, le volume d’un objet de masse donnée est plus faible s’il est composé d’or pur que si on a substitué tout ou partie de l’or avec un autre métal : l’argent et le cuivre ont ainsi des densités respectives de 10,5 et 8,96 g.cm – 3 . Ce volume, c’est la quantité d’eau chassée par l’objet lorsqu’on l’immerge, soit le fameux « volume d’eau déplacé » dont le poids est égal à la poussée d’Archimède.
On n’est pas certain du dispositif utilisé par Archimède pour confondre l’orfèvre indélicat, mais on retrouve son idée dans les densimètres actuels. C’est une ingénieuse balance qui mesure successivement le poids apparent d’un objet dans
l’air puis dans l’eau. L’écart entre ces deux valeurs est alors la différence des poussées d’Archimède exercées par l’air et l’eau. De là, on déduit le volume de l’objet, puis sa densité. De quoi identifier l’or à coup sûr ? Hélas non La différence de densité entre l’or et le tungstène est inférieure à 0,3 % pour un écart de prix d’un facteur mille ! Un mélange serait indétectable avec notre balance Et ce n’est pas la seule difficulté. Bien souvent l’or n’est pas pur, mais forme des alliages La proportion d’or est alors exprimée en carats, chacun représentant 1/24 de la masse : l’or pur titre donc 24 carats. Cependant, ce métal est malléable Aussi, pour que les bijoux soient plus résistants et gardent leur forme, on produit souvent un alliage avec 750 millièmes d’or, soit 18 carats, avec de
Le roi Hiéron II a des doutes sur sa couronne en or. Pour l’aider, un Archimède des temps modernes aurait à sa disposition bien plus qu’une simple baignoire : identification à l’acide, densimètre, mesure de la conductivité électrique, spectrométrie à rayons X…
l’argent et du cuivre et aussi parfois du fer ou de l’aluminium Il existe aussi de l’or 12 carats avec 500 millièmes d’or…
La variété des densités possibles est importante et rend la caractérisation par pesée plus incertaine Heureusement, les chimistes ont conçu des kits à base d’acides qui s’attaquent aux métaux susmentionnés, mais pas à l’or, métal noble et inaltérable On frotte le bijou sur une pierre très dure afin d’y laisser une trace bien visible sur laquelle on dépose une goutte du réactif correspondant au titre en carats qu’on souhaite tester Cette méthode a fait ses preuves mais elle nécessite des produits dangereux, reste imprécise et peut abîmer le bijou testé. D’où le grand intérêt des instruments basés sur la spectroscopie de fluorescence X
Un photon X, su samment énergétique, pénètre les couches électroniques d’un atome pour en atteindre une (ici, la K) située en profondeur (a), où elle arrache un électron, créant une lacune. Celle-ci est vite comblée par un électron d’une couche moins profonde, L, (b) ce mouvement s’accompagnant de l’émission d’un photon : c’est la fluorescence. Là encore, une lacune apparaît (c), que vient à nouveau combler un électron d’une couche encore plus externe, M, ce qui entraîne l’émission d’un autre photon (d). Ces particules lumineuses sont détectées et constituent le spectre de fluorescence X de l’atome.
X
L Électron Noyau
K
émis a b c d
Les rayons X sont un rayonnement électromagnétique de très courtes longueurs d’onde, typiquement entre 0,01 et 10 nanomètres ( nm ) avec des énergies correspondantes de 100 kiloélectronvolts (keV) à 100 électronvolts (eV). Quand on bombarde de la matière avec un faisceau de rayons X, ceux-ci sont progressivement absorbés à mesure qu’ils pénètrent la matière
C’est cette propriété qui est utilisée dans les radiographies X par absorption : comme celle - ci croît avec le nombre et la masse atomique des atomes absorbants , on peut distinguer les zones constituées d’atomes légers et peu denses des zones qui contiennent des atomes plus lourds et plus denses La matière éclairée par des rayons X
ne se contente pas de les absorber, elle émet en retour un rayonnement X d’énergie plus faible , d’où le terme de fluorescence Que s’est- il passé ?
Dans les atomes, les électrons sont organisés en couches classées par énergie croissante. Elles sont traditionnellement identifiées par un nombre n = 1, 2, 3… et historiquement par une lettre K, L, M… De plus, ces couches correspondent à un éloignement croissant de la distance moyenne des électrons qui s’y trouvent avec le noyau atomique. Si l’énergie nécessaire pour arracher un électron périphérique, dit « de valence », est relativement modeste (de l’ordre de 10 eV), tel n’est pas le cas pour les électrons plus proches du noyau : il faut
des dizaines de kiloélectronvolts pour les atomes les plus lourds. Cette énergie, c’est le rayonnement X qui l’apporte Un seul photon X délivre assez d’énergie pour arracher un électron situé dans une des couches les plus profondes et y créer une lacune (voir la figure page précédente) Cette dernière se comble par un électron d’une couche d’énergie plus élevée, qui peut se traduire par l’émission d’un photon dont l’énergie correspond à l’écart des énergies entre les deux couches impliquées Cette nouvelle lacune est alors comblée par un électron d’une couche encore plus élevée et ainsi de suite
On obtient in fine un spectre d’émission (voir la figure ci-contre) caractéristique des atomes présents, ce qui permet de les identifier à coup sûr. Dans le détail, ce spectre est très riche , car chaque couche d’énergie est elle-même divisée en sous-couches en fonction de la valeur du moment cinétique orbital de l’électron : on a donc une multitude de pics d’amplitudes très différentes, car certaines transitions sont bien plus favorisées que d’autres Dans l’or par exemple, on observe un pic de fluorescence X très marqué à 9,71 keV, correspondant à la descente d’un électron de la couche M à la couche L et un autre à 11,44 keV pour une transition de N à L.
Avec une bonne calibration des intensités émises, on peut en déduire avec précision la composition d’un mélange : ainsi pour de l’or 18 carats, on s’attend à trouver des pics caractéristiques à 22,16 keV pour l’argent et à 8,05 keV pour le cuivre, dont les intensités indiqueront leurs parts respectives dans l’alliage
DE L’OR SOUS
TOUTES LES COUTURES
Aujourd’hui, un dispositif de fluorescence X avec source et détecteur est à peu près de la taille d’un ordinateur de bureau Et plusieurs joailliers en sont désormais équipés, pour un diagnostic fiable, rapide, précis et non destructif de la composition d’un bijou Est-ce la machine ultime ? Hélas, toujours pas. L’or est une matière « dure » qui absorbe efficacement les rayons X . Les instruments utilisés dans le commerce émettent des photons à 50 keV, une énergie suffisante pour exciter les couches L, M… et en deçà, mais pas la couche K (à 80 keV) de cet élément. Avec cette énergie, l’intensité du rayonnement incident est divisée par 10 tous les 163 micromètres (µm), ce qui autorise un sondage relativement profond. Mais il faut aussi que le rayonnement de fluorescence puisse ressortir ! Pour les énergies qui nous
Un échantillon soumis à un rayonnement X émet des photons de longueurs d’onde di érentes, l’ensemble constituant un spectre d’émission caractéristique de la composition du matériau testé. Ainsi, avec de l’or pur, on obtiendra des pics marqués à 9,71 keV et à 11,44 keV. Si jamais on avait a aire à un alliage, on observerait d’autres pics, révélant la présence d’argent (22,16 et 24,94 keV) ou de cuivre (8,05 et 8,91 keV). Les amplitudes des pics rendent compte de la quantité de ces éléments, et permettent ainsi d’authentifier un or 18 carats (18 K) contenant 75 % d’or, 12,6 % de cuivre et 12,4 % d’argent.
Intensité du rayonnement émis
Pics de l’or
Pics du cuivre
Pics de l’argent
Énergie des photons émis (en keV)
intéressent (vers 10 keV), l’absorption est dix fois plus forte : on perd un facteur 10 en intensité tous les 16 µm. En pratique, pour de l’or pur, l’appareil de mesure ne permet donc de sonder efficacement qu’une profondeur de quelques petites dizaines de µm. C’est peu, mais suffisant pour aller bien au-delà de l’épaisseur d’une simple dorure (une fraction de micromètre) ou d’un placage or (selon la législation, au minimum 3 µm) et donc de distinguer le bijou en or 18 carats de celui en laiton plaqué or 18 carats Notons d’ailleurs que plus la teneur en or est faible, plus le sondage est profond, car l’or est alors mélangé avec des éléments moins denses et qui absorbent moins les X
Aussi, c’est en multipliant les procédés physiques, chimiques et optiques ( l’aspect compte aussi ) qu’on est en mesure de garantir la composition d’un bijou. Car autant il est relativement facile d’imiter une unique propriété physique d’un métal précieux, autant il est beaucoup plus difficile, voire presque impossible , d’imiter simultanément deux propriétés physiques ou plus Aux dispositifs déjà vus, on peut ainsi ajouter un appareil qui mesure la conductivité électrique des pièces de monnaie ou un scanner à ultrasons grâce auquel, en étudiant les échos de l’onde sonore dans l’objet, on peut en attester l’homogénéité De quoi bien distinguer une couronne d’or pur d’une contrefaçon avec un cœur de tungstène n
BIBLIOGRAPHIE
J. Despujols, Spectrométrie d’émission des rayons X. Fluorescence X, Techniques de l’ingénieur, 2000.
Les auteurs ont notamment publié : En avant la physique !, une sélection de leurs chroniques (Belin, 2017).
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L’AUTEUR
HERVÉ THIS physicochimiste, directeur du Centre international de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inrae, à Palaiseau
Les fraises font partie des fruits les plus fragiles. Lumière bleue et ultraviolets contribuent à les préserver de la dégradation.
uand vient la saison des fraises, les marchands des quatre saisons sont sur le qui-vive : la loi de 1905 sur le commerce des denrées alimentaires leur interdit de vendre des fruits ou des légumes abîmés Or les fraises sont particulièrement fragiles, en raison de leur sénescence physiologique (leur métabolisme est rapide) et des attaques par les microorganismes, friands de leurs sucres abondants, auxquels leur très mince épiderme n’oppose qu’une fragile barrière
Aujourd’hui, pour prévenir les pertes, tout en évitant les traitements par des composés de synthèse, les centres de recherche en technologie des aliments perfectionnent l’utilisation de lumière bleue ou de rayonnements ultraviolets.
Pour les fraises comme pour les autres fruits et légumes, les cellules végétales sont cimentées par la paroi cellulaire. Des molécules de cellulose, très résistantes chimiquement, y sont reliées par des « câbles » de pectines, plus facilement dégradables : la cuisson dégrade les pectines, libérant les cellules. Dans les fruits, ce n’est pas la chaleur qui agit, mais des enzymes. L’exploration du phénomène d’amollissement des fraises, dans les dernières décennies, a montré qu’il correspondait à la dépolymérisation des pectines et à l’hydrolyse des celluloses et hémicelluloses. Dans le premier cas, les molécules sont principalement des enchaînements de résidus d’acide galacturonique ; dans le second, ce sont des résidus de D-glucose. Les enzymes sont variées : pectine méthylestérases, polygalacturonases, bêta-galactosidases.
D’autre part, depuis longtemps, les physiologistes du végétal ont exploré l’effet de la lumière sur les végétaux, et, à côté des systèmes de photosynthèse
Les fraises ont un épiderme fragile et sont riches en sucre, ce qui favorise l’activité des microorganismes.
Comment préserver leur fraîcheur ?
chlorophyllienne, ils ont découvert des récepteurs de la lumière, avec des sensibilités spécifiques : notamment les « photogropines », qui captent la lumière bleue, ou encore les cryptochromes et les phytochromes, sensibles au rouge, qui commandent la formation de graines, l’horloge circadienne et la transition du stade végétatif au stade reproductif.
Si la lumière agit sur les fruits, ne pourrait-elle pas modifier leur évolution après la récolte ? En 2020, Liela Ali et ses collègues du Centre de recherche agricole de Gizeh, en Égypte, ont montré que l’irradiation de fruits par des lasers à 450 nanomètres (bleu) pendant 3 à 6 minutes préserve la qualité après récolte, ralentit l’amollissement, diminue la dégradation, augmente la concentration en anthocyanines (des pigments phénoliques, qui contribuent au goût). On n’utilise pas la lumière laser directement, mais après l’avoir élargie en un faisceau de quelques dizaines de centimètres de largeur.
Récemment, Shijiang Cui et ses collègues de Bangkok et d’Anhui (Chine) ont poursuivi ces études, et observé qu’un traitement au laser à diode à 450 nanomètres pendant deux minutes préserve la qualité visuelle, bloque la pourriture des fruits et l’amollissement pendant le stockage.
Et pour lutter contre les pourritures ? Cette fois, ce sont des chercheurs d’Inrae
qui explorent les effets d’autres longueurs d’onde (dans l’ultraviolet) et observent leur efficacité contre l’oïdium (la « pourriture blanche ») ou Botrytis cinerea (« pourriture grise »).
Nous devrions bientôt manger des fraises à la fois mûres et saines ! n
MOUSSE DE FRAISES FRAÎCHES
➊ Battre un blanc d’œuf en neige.
➋ Ajouter 2 cuillerées de sucre en poudre et continuer à battre pour obtenir une mousse très ferme.
➌ Broyer 200 grammes de fraises et ajouter une cuillerée du liquide au blanc battu en neige : battre la mousse détendue jusqu’à ce qu’elle reprenne de la fermeté.
➍ Alterner l’ajout de sucre, le battage, l’ajout de fraise broyée, le battage, jusqu’à obtenir un très grand volume de mousse aux fraises.
➎ Répartir cette mousse dans des coupes et passer ces dernières au four à microondes à pleine puissance pendant quelques dizaines de secondes jusqu’à voir un gonflement.
➏ Dissoudre du sucre en poudre, du jus de citron et de l’eau de fleur d’oranger dans le restant de fraises broyées, et en napper les mousses chaudes. Décorer avec des lamelles de fraises crues.
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Le magma est la structure algébrique la plus simple. C’est un ensemble d’objets mathématiques M, muni d’une loi de composition interne, notée ◆. Un magma peut vérifier des équations supplémentaires, du genre x = x ◆ y pour tous éléments x et y de M. Une question est de savoir si une équation en implique une autre. Le mathématicien Terence Tao a lancé un grand projet visant à établir ces relations pour les équations qui utilisent au plus quatre fois ◆.
Il faut absolument éviter d’étiqueter quelqu’un à partir d’une donnée génétique, et s’en remettre à la vision clinique £ THOMAS BOURGERON généticien
Quand deux foules se croisent à un passage piéton, le flux est ordonné : les personnes forment des files. Mais si les individus au sein des deux groupes dévient avec un angle moyen supérieur à environ 13°, alors les flux deviennent désordonnés.
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