Poly 138 -­ Février 2011

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Portrait

c’était non. Elle produisait en grand ce qu’Averty1 faisait en petit. » Un magazine féminin composé d’une dizaine de séquences courtes – sur la mode, la musique, le ciné, les expos… – pleines de dérision et d’ironie conçues avec Jacques Rozier, Agnès Varda, Michel Polac ou Roland Topor. Un contenu de qualité servi par une esthétique extrêmement soignée et sophistiquée qui nous ferait presque regretter le temps de l’ORTF.

Des hommes et des cieux

Le Peter Knapp photographe, en dehors de ses commandes pour la mode, travaille selon des techniques différentes, exploitant les photogrammes, le grattage ou les jeux de composition, par séries. « En général, le thème s’impose à moi. Cela prend des mois, voire des années, comme ce fut le cas pour Il n’y avait pas que du mazout sur la plage, en 2004 : un projet sur les déchets en plastique qui a mis 20 ans à mûrir. En avançant dans l’âge, mes doutes augmentent. La peur de me répéter, de ne pas trouver la forme juste… Étant jeune, je me lançais plus aisément. » Il

s’intéresse beaucoup à la notion d’infini, d’espace, photographiant les nuances de bleu du ciel (les monochromes Il fait beau) ou shootant des objets projetés en l’air. Après ses expérimentations sur le ciel, Peter Knapp regarde à nouveau sur terre et voit la figure humaine partout, dans des ceps de vignes ou des pierres jonchant le sol. Avec ses anthropomorphismes, il « retrouve l’homme, dans sa souffrance et sa gaîté ». Comment définir le monde de Knapp ? L’inventivité ? Il n’hésite pas à trouver des astuces et “trucages” à l’époque où il y avait des moyens économiques et humains (« une équipe de douze graphistes pour Elle »), mais pas encore Photoshop. La géométrie ? Géométries, titre de l’expo que lui consacra le Musée de Pontoise en 2010, regroupait des photos où tout semble ordonné. L’influence du ciné ? L’exposition de Stimultania2 rassemble des images réalisées grâce à une caméra 16 mm3 ou encore faisant référence au cinéma, notamment à Fellini qu’il admire. Knapp, c’est tout ceci et bien plus encore, au grand dam des galeries et musées qui « aimeraient

que les artistes aient un style facilement identifiable. Mais ça n’a jamais été mon souci » s’amuse-t-il. « Je ne travaille pas sur un message philosophique, mais suis très intéressé par la forme. Je fais de l’image et l’analyse, en cherchant toujours à amener les choses à une certaine qualité. » Et de conclure avec cette phrase de Picasso qu’il se répète souvent, lorsqu’il n’est pas « net dans [s]a tête » : « Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge. » Jean-Christophe Averty, producteur, a beaucoup innové et expérimenté à la télévision dès les années 1960 2 À Stimultania, nous découvrirons encore le mannequin Nicole de Lamargé travestie en stars du ciné (Marilyn Monroe, Marlène Dietrich, Greta Garbo…), des séquences (5 minutes d’un nuage…), des planches extraites de Dim Dam Dom… 3 Avant que les boîtiers motorisés n’arrivent sur le marché, Knapp a eu recours à cette technique pour créer du mouvement dans ses images 1

Texte : Emmanuel Dosda

m À Strasbourg, à Stimultania, jusqu’au 3 avril 03 88 23 63 11 – www.stimultania.org m Projection / rencontre avec Peter Knapp à l’Auditorium du MAMCS, samedi 12 février à 15h – www.musees.strasbourg.eu

Peter Knapp, Ulla à Chartres dans la maison de Pic Assiette, 1969

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