POLY 266 - MARS MÂRZ 2024

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MAGAZINE

N°266 MARS MÄRZ 2024 POLY.FR

Symphony

Avec l’exposition Instruments de musique, de la tradition à l’insolite (jusqu’au 07/07, Pont-à-Mousson), l’Abbaye des Prémontrés plonge dans l’histoire d’appareils allant de l’orgue des frères Limonaire au violon-guitare de l’ingénieur militaire François Chanot, en passant par le thérémine et le mini-moog, incontournables de l’electro. Mit der Ausstellung Musikinstrumente, von Tradition zum Außergewöhnlichen (bis 07.07., Pont-à-Mousson) taucht die Abbaye des Prémontrés in die Geschichte von Apparaten ein, die von der Orgel der Gebrüder Limonaire bis zur Geigen-Gitarre des Militär-Ingenieurs François Chanot gehen, über das Theremin und den Minimoog, einen unumgänglichen Bestandteil der Elektromusik. abbaye-premontres.com

Rhapsody in Blue

À l’Espace d’art PASO du Pôle Culturel de Drusenheim sont accrochés les tableaux de Richard Aboaf. Espaces, lisières et horizons du bleu (jusqu’au 23/03) magnifie une couleur que l’artiste strasbourgeois explore sans relâche depuis les années 1970, en déployant les plus fines nuances. D’une figuration revendiquée aux confins de l’abstraction, ses tableaux nous emportent dans des mondes oniriques, qu’il explore la naissance de l’univers ou restitue la beauté des horizons méditerranéens tant aimés.

Im Espace d’art PASO im Pôle Culturel de Drusenheim werden die Gemälde von Richard Aboaf ausgestellt. Räume, Ränder und Horizonte des Blau (bis 23.03.) verherrlicht eine Farbe, die der Straßburger Künstler seit den 1970er Jahren ohne Unterlass erkundet, mit dem Einsatz der feinsten Nuancen. Von einer bewussten figürlichen Darstellung bis zum hintersten Winkel der Abstraktion entführen uns seine Gemälde in traumhafte Welten, ob er die Entstehung des Universums erkundet oder die Schönheit der so geliebten Mittelmeer-Horizonte wiedergibt. polecultureldrusenheim.fr

Have you hear?

La perception des sons ne se limite pas à nos oreilles : voilà le message de l’exposition Anders hören (15/03-08/09). Le Museum für Neue Kunst de Fribourg-en-Brisgau y explore de façon interactive, inclusive et ludique, les différentes manières d‘appréhender l’environnement sonore.

Die Wahrnehmung des Klangs beschränkt sich nicht auf unsere Ohren: Das ist Kernaussage der Ausstellung Anders hören (15.03.-08.09.). Das Museum für Neue Kunst in Freiburg im Breisgau erkundet hier auf interaktive, inklusive und verspielte Weise die verschiedenen Arten unser akustisches Universum zu erfassen. freiburg.de

BRÈVES IN KÜRZE POLY 266 Mars März 24 3
Phonographe "stéréo", vers 1920. Coll. Musée des Arts forains et de la Musique mécanique © Ville de Conflans-en-Jarnisy Christina Kubisch, Cloud , 2017 © Rudolf Frieling Œuvre de la série Genesis

Go Girls!

Pour sa première édition, le Festival Music&lles investit Strasbourg et La Petite-Pierre (08-16/03). Dédié au «  matrimoine musical vivant », il vise à encourager la création régionale. Conférences, ateliers de création et de pratique (songwriting, slam, DJing ) et concert des lauréates du dispositif Music&lles (yaL, Exotica Lunatica, Nanalerda et Lüssi) au château de La Petite-Pierre (16/03). Für seine erste Auflage erobert das Festival Music&lles Straßburg und La Petite-Pierre (08.-16.03.). Dem weiblichen musikalischen, lebendigen Erbe gewidmet, will es die regionale Kreation unterstützen. Konferenzen, Ateliers und Praktiken (Songwriting, Slam, DJing ) sowie Konzert mit den Preisträgern des Dispositivs Music&lles (yaL, Exotica Lunatica, Nanalerda und Lüssi) im Schloss von La PetitePierre (16.03.). sturmprod.com

Wagner Power

Attention événement à l’Opéra national du Rhin : un de plus grands chanteurs de la planète, Michael Spyres, chante son premier rôle wagnérien, incarnant Lohengrin (10-22/03, Opéra de Strasbourg, puis 07 & 10/04, La Filature de Mulhouse). On attend également beaucoup de la mise en scène de Florent Siaud.

Achtung! Ereignis in der Opéra national du Rhin: Einer der größten Sänger des Planeten, Michael Spyres singt seine erste Wagner-Roller und verkörpert Lohengrin (10.-22.03., Opéra de Strasbourg, dann 07. & 10.04., La Filature de Mulhouse). Von der Inszenierung von Florent Siaud erwarten wir ebenfalls viel.

operanationaldurhin.eu

Women & Citizens

Des créations féministes face aux inégalités et violences liées au genre, telle est la ligne de ViVES, festival engagé, organisé par la compagnie La Mue/tte (05-11/03, Nancy). Pour cette 3e édition, l’hyperpop ultra-vitaminée de la rappeuse Jeanne To côtoie les Amazones de la chorégraphe Marinette Dozeville, inspirées des Guérillères de Monique Wittig.

Feministische Kreationen im Angesicht von Ungleichheit und geschlechtsbedingter Gewalt, das ist die Linie von ViVES dem engagierten Festival, das von der Truppe La Mue/tte organisiert wird (05.-11.03., Nancy). Für diese 3. Auflage trifft der ultra-vitaminreiche Hyperpop der Rapperin Jeanne To auf die Amazones der Choreographin Marinette Dozeville, inspiriert von den Guérillères von Monique Wittig. cielamuette.com

BRÈVES IN KÜRZE POLY 266 Mars März 24 5 Exotica Lunatica © Sturm Production
Michael Spyres & Aziz Shokhakimov © Klara Beck © Marie Maquaire

Austrian bodies

Le Kunsthaus Zürich célèbre l’artiste autrichienne Kiki Kogelnik (22/03-14/07), figure du pop art qui s’est interrogée très tôt sur les questions de genre. Cette rétrospective réunit près de 150 travaux, parmi lesquels ses iconiques Hangings, silhouettes en vinyle suspendues à des cintres.

Das Kunsthaus Zürich feiert die österreichische Künstlerin Kiki Kogelnik (22.03.-14.07.), eine Figur der Pop-Art, die sich sehr früh mit Gender-Fragen auseinandergesetzt hat.

Diese Retrospektive vereint rund 150 Werke, darunter ihre ikonischen Hangings, Silhouetten aus Vinyl, die an Kleiderbügeln hängen.

kunsthaus.ch

Star Wars

À Nancy, les peintures de Julia Frechette, inspirées de l’imagerie médiévale et de l’estampe japonaise, révèlent le monde fictif des Lanceurs de comètes (jusqu’au 21/04). Ses armées sans visage recouvrent les vitrines de la galerie My Monkey, à l’occasion de leur 13e Go-Fast, concept offrant aux artistes la possibilité d’intervenir sur leur devanture. In Nancy enthüllen die Gemälde von Julia Frechette, die von der mittelalterlichen Bilderwelt und der japanischen Druckkunst inspiriert sind, die fiktive Welt der KometenWerfer (bis 21.04.). Diese gesichtslosen Armeen bedecken die Vitrinen der Galerie My Monkey anlässlich ihres 13. GoFast, einem Konzept, das Künstlern die Möglichkeit bietet auf ihrem Schaufenster zu kreieren. mymonkey.fr

German mother

Plus de 110 œuvres de Käthe Kollwitz, illustre sculptrice et dessinatrice allemande, sont à retrouver au Städel Museum (20/03-09/06, Francfort-sur-le-Main). Compositions sur papier, portraits de la classe ouvrière, gravures, peintures ou reliefs en bronze représentant une mère pleurant son fils, écho à l’enfant que la Grande Guerre lui a pris, se voient par exemple exposés.

Mehr als 110 Werke von Käthe Kollwitz, der berühmten deutschen Bildhauerin und Zeichnerin werden im Städel Museum ausgestellt (20.03.-09.06., Frankfurt am Main). Kompositionen auf Papier, Portraits der Arbeiterklasse, Gravuren, Gemälde oder Bronzereliefs, die eine Mutter darstellen, welche ihren Sohn beweint, ein Echo auf das Kind, das der Erste Weltkrieg ihr nahm, sind zu entdecken. staedelmuseum.de

BRÈVES IN KÜRZE POLY 266 Mars März 24 7
Kiki Kogelnik, Superserpent , 1974. Museum Ortner, Wien © Kiki Kogelnik Foundation Käthe Kollwitz, Portrait de la tête et du buste d’une ouvrière avec voile bleu Brustbild einer Arbeiterfrau mit blauem Tuch, 1903 © Städel Museum, Frankfurt am Main

SCÈNE BÜHNE

16 Au Maillon, Les Forces vives brosse le portrait de Simone de Beauvoir et de la France d’antan

22 Star de la marionnette, Yngvild Aspeli monte Une maison de poupées

Der Marionetten-Star Yngvild Aspeli inszeniert Une maison de poupées

26 10 000 gestes de Boris Chartmatz revitalise l’humanité

10 000 gestes von Boris Chartmatz revitalisiert die Menschheit

30 La Quinzaine de la Danse invite des Québécois

Die Quinzaine de la Danse lädt Québec ein

MUSIQUE MUSIK

34 Lala &ce, révélation hypnotisante de la scène rap Lala &ce, hypnotisierender Newcomer der Rap-Szene

42 Constanza Macras dévoile une Carmen féministe à Bâle

Constanza Macras präsentiert eine feministische Carmen in Basel

46 Un alléchant Festival de Pâques à Baden-Baden Verlockende Osterfestspiele in Baden-Baden

EXPOSITION AUSSTELLUNG

52 La Fondation Beyeler célèbre les tableaux photographiques de Jeff Wall

Die Fondation Beyeler feiert die photographischen Gemälde von Jeff Wall

56 Figure des autrices indépendantes allemandes, Anna Haifisch est célébrée au Musée Tomi Ungerer

Die Vorreiterin der unabhängigen deutschen Autorinnen, Anna Haifisch, wird im Musée Tomi Ungerer gefeiert

58 Speedy Graphito revisite les chefs-d’œuvre façon street art

Speedy Graphito interpretiert Meisterwerke in Street-Art-Manier neu

66 Un dernier pour la route Auf ein letztes Glas: Champagne Françoise Bedel

COUVERTURE TITELBILD

Intitulé Parent Child, cet immense tableau photographique, réalisé en 2018 par Jeff Wall, est exposé à la Fondation Beyeler (voir page 52). Il illustre son credo faisant voler en éclat les canons de son art. Dans une composition de 2,24 mètres par 2,54, il montre une scène de rue banale. Le décalage et la perturbation surgissent plein cadre avec cette petite fille couchée. Prise d’une envie subite de dormir ? De rêver ? De fâcher son paternel ? Derrière la sérénité ensoleillée plane une sourde inquiétude.

Das riesige photographische Gemälde mit dem Titel Parent Child, das 2018 von Jeff Wall realisiert wurde, wird in der Fondation Beyeler ausgestellt (siehe Seite 52). Es illustriert auf perfekte Weise sein Kredo, die Kanons der Kunst zu zerschmettern. In einer Komposition von 2,24 auf 2,54 Metern zeigt er eine banale Straßenszene. Der Abstand und die Störung tauchen mit diesem liegenden kleinen Mädchen auf. Plötzliche Lust auf ein Nickerchen? Zu träumen? Ihren Vater zu ärgern? Hinter der sonnigen Ausgeglichenheit schwebt eine dumpfe Beunruhigung.

8 POLY 266 Mars März 24 SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS
46 26 42 58 56 16
Courtesy of White Cube © Jeff Wall

THOMAS FLAGEL

Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !

MÉLISSA SCHEFFER

Sans elle, Poly ne serait pas ce qu’il est : rigueur implacable et gestion incroyable, elle bondit de facture en bilan, de relance en prospective. Et en plus elle garde le sourire.

Sans déconner, elle est épatante ! Ohne sie wäre Poly nicht was es ist: Erbarmungslose Gründlichkeit und eine unglaubliche Geschäftsführung, sie springt von den Rechnungen zur Bilanz, von der Mahnung zur Kundenwerbung. Und das alles immer mit einem Lächeln auf den Lippen. Ohne Witz, sie ist verblüffend!

ANAÏS GUILLON

Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Fiat 500 lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das GraphikStudio mit ihrem atomaren Lachen.

SARAH MARIA KREIN

Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK. Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.

JULIEN SCHICK

Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?

ÉRIC MEYER

Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain. Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.

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10 POLY 266 Mars März 24 OURS Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)
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L’armée des ombres Armee im Schatten

Par Von Hervé Lévy – Illustration de von Éric Meyer pour für Poly

La récente panthéonisation de Missak Manouchian, fusillé par les nazis, avec ses camarades, au Mont-Valérien le 21 février 1944, est un symbole fort à plus d’un titre. Rescapé du génocide arménien, résistant, à la tête des FTP-MOI, Français par le sang versé, notre homme fut aussi un poète. Un poète célébré par ses pairs magnifiant l’alliance des mots et de la politique… pour le meilleur, une fois n’est pas coutume. « Ces étrangers d’ici / Qui choisirent le feu / Leurs portraits sur les murs / Sont vivants pour toujours. / Un soleil de mémoire / Éclaire leur beauté », écrivit Éluard. Bientôt rejoint par Aragon, dont les vers sublimes furent chantés par Ferré : « Et c’est alors que l’un de vous dit calmement / Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre / Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand. » Des phrases qui font écho à celle écrites par le résistant à sa femme Mélinée, dans son ultime lettre. Existet-il plus belle ode à la vie ? Plus juste déclaration d’amour à la fraternité entre les peuples ? Que ces mots restent vivaces à jamais…

Die kürzliche Aufnahme ins Pantheon von Missak Manouchian, der von den Nazis am 21. Februar 1944 am Mont-Valérien mit seinen Kameraden erschossen wurde, ist aus mehreren Gründen ein starkes Symbol. Überlebender des armenischen Genozids, Widerstandskämpfer an der Spitze der FTP-MOI*, Franzose durch das vergossene Blut, war unser Mann auch ein Poet. Ein Poet, der von seinen Kollegen gefeiert wurde und die Verbindung der Worte und der Politik vervollkommnete… und, was eher unüblich ist, zum Besseren hin. „Diese Fremden hier / die das Feuer wählten / Ihre Portraits an den Wänden / sind für immer lebendig. / Eine Sonne der Erinnerung / beleuchtet ihre Schönheit“, schrieb Éluard. Bald fügte Aragon, dessen erhabene Verse von Ferré gesungen wurden, hinzu: „Bis dann einer von Euch ruhig sagt / Glück für alle, Glück denen, die überleben werden / Ich sterbe ohne Hass in mir für das deutsche Volk.“ Sätze, die wie ein Echo auf jene klingen, die vom Widerstandskämpfer an seine Frau Mélinée in seinem letzten Brief geschrieben wurden. Existiert eine schönere Ode an das Leben? Eine wahrere Liebeserklärung an die Brüderlichkeit unter den Völkern? Auf das diese Worte für immer lebendig bleiben…

* Francs-tireurs et partisans – main d’œuvre immigrée, vereinte die Immigranten unter den französischen Widerstandskämpfern der Résistance

12 POLY 266 Mars März 24 EDITO

Anti Social Club

Fauve Révélation du Festival d’Angoulême 2024, L’Homme gêné de Matthieu Chiara est un petit bijou. Derrière un humour de situation façon Fabcaro, traitant avec cynisme les errements amoureux d’un anti-héros moderne, procrastinateur sans états d’âme mais avec pas mal de névroses, se cache une vraie douceur. Vincent s’ennuie sec, se parle à lui-même et vit plutôt reclus, entre table de travail avec ordinateur et chambre à coucher. Quand il met le nez dehors, il fuit la foule des boulevards pour se réfugier dans les musées. Le cafard peut être noir, la flemme tenace et le tout l’enfermer dans un cercle vicieux. Mais l’ancien pensionnaire des Arts déco strasbourgeois, avec son trait faussement tremblotant et minimaliste, réussit à générer une véritable et tendre affection pour ce trentenaire, handicapé socialement par sa gêne immense remontant à l’enfance, ses sempiternels questionnements sur l’attitude à tenir en toute situation. Même avec sa belle voisine Julia, qui l’invite à la campagne, rien ne fonctionne comme il l’aimerait. Une ode aux grands timides et aux gouffres intérieurs qui tétanisent… (T.F.) Paru aux Éditions L’Agrume (26,90 €) editionslagrume.fr

Sounds contemporary

Installé à Strasbourg, le compositeur Hugues Dufourt (né en 1943) est une figure majeure de la musique de notre temps. Avec Surgir, coffret de trois CD qui tient son nom d’une œuvre magistrale ayant fait scandale en 1985, il est possible de découvrir son univers sonore d’une extrême radicalité, sous des dehors policés. Servies par des interprètes d’exception (Ensemble Recherche, WDR Sinfonieorchester, etc.), ses partitions fascinent, à l’image des Continents d’après Tiepolo, un impressionnant théâtre éruptif de la lumière. (H.L.)

Der in Straßburg wohnende Komponist Hugues Dufourt (geboren 1943) ist eine der großen Figuren der Musik unserer Zeit. Mit Surgir, einem Set aus drei CDs, das seinen Namen von einem meisterhaften Werk ableitet, welches 1985 für einen Skandal sorgte, entdeckt man sein extrem radikales Klanguniversum, unter einem zivilisierten Deckmantel. Von außergewöhnlichen Interpreten getragen (Ensemble Recherche, WDR Sinfonieorchester, etc.), faszinieren seine Partituren, wie die Continents d’après Tiepolo, ein beeindruckendes eruptives Theater des Lichts.

Édité par Erschienen bei Bastille Musique (29,90 €) bastillemusique.de

French Sci-Fi

Les deux Strasbourgeois du groupe Aube signent leur premier album, Révolution silencieuse, un cocktail de triphop expérimental envoûtant, mystique et mélancolique. D’un côté, le prodige de l’electro Ena Eno use de synthés et de rythme irrégulier de breakbeat. De l’autre, l’artiste multi-facettes Jeanne Barbieri fascine par sa maîtrise des aigus. Dans Madame Partie I, elle livre une performance aux accents chamaniques, étirant les syllabes dans une diction à la Brel ou Aznavour. Vertiges garantis. (J.P.)

Die beiden Straßburger von der Gruppe Aube bringen ihr erstes Album Révolution silencieuse heraus, einen experimentellen Cocktail aus betörendem, mystischen und melancholischem Trip-Hop. Auf der einen Seite nutzt das Elektro-Genie Ena Eno die Synthesizer und den unregelmäßigen Rhythmus des Breakbeats. Auf der anderen Seite fasziniert die vielschichtige Künstlerin Jeanne Barbieri mit ihrer Beherrschung der hohen Stimmlagen. In Madame Partie I liefert sie eine Performance mit schamanischen Akzenten, zieht die Silben nach Art eines Brel oder Aznavour in die Länge. Taumel garantiert. Paru chez Erschienen bei 3rd Lab 3rdlab.net

14 POLY 266 Mars März 24 CHRONIQUE

Vivre dans le feu

En s’emparant des Mémoires de Simone de Beauvoir, le duo d’Animal Architecte, composé de Camille Dagen et Emma Depoid, crée Les Forces vives, au Maillon. Interview.

Par Thomas Flagel – Portrait par Roman Kané et photo de répétition Patrick Wong

Les Forces vives ne sera pas un biopic sur de Beauvoir (1908-1986), mais plutôt un portrait de la France qui la voit grandir et de ses combats ? Camille Dagen. Nous l’imaginons en deux parties : d’abord Simone comme sujet, dans sa jeunesse, avant d’être connue. Nous travaillons sur la notion de souvenir, ce que nous pouvons retrouver et sentir de cette «  jeune fille rangée  », qui grandit dans une famille bourgeoise d’extrême-droite et cherche à s’en émanciper. La densité des trois volets de ses mémoires rend toute exhaustivité impossible. Notre focale consiste à traquer ce qui, dans cette enfance et ce début de XXe siècle, coïncide avec les troubles vivaces d’aujourd’hui.

L’enjeu est de trouver un dispositif permettant aux comédiens d’entrer dans ce passé trouble où le nationalisme et le sexisme exacerbé de son père forment le fantôme du siècle. Mais il convient aussi de garder une forme de performativité, de suivre le développement de ce qu’une vie d’écriture et de recherche de connaissance signifie. La seconde partie se centre sur la “marque” de Beauvoir, la figure médiatique, en cherchant de quoi elle est le nom dans l’histoire politique et culturelle autour de deux axes : la violence de la réception du Deuxième sexe (querelle au MLF, misogynie ambiante, rédaction du Manifeste des 343 ou critiques rageuses à son égard un peu partout, encore aujourd’hui) et la guerre d’Algé-

16 POLY 266 Mars März 24 THÉÂTRE

rie dont elle se saisit en témoin, embrassant l’époque et plus son histoire à elle.

Quelle forme explorez-vous ?

CD. Nous passons d’un fragmenté narratif dans la première partie à une contemplation des traces de Simone de Beauvoir s’effaçant dans la seconde. D’ailleurs, si tous les acteurs la traversent à la première personne du singulier, elle est, ensuite, totalement absente. Nous nous questionnons sur le statut de la mémoire, et surtout de la mémoire collective française. À ses 30 ans, la Seconde Guerre mondiale éclate et tout s’arrête, ce sera notre entracte. Ses souvenirs fonctionnent comme des poches pour les nôtres. À nous d’assumer l’étrangeté et une certaine absence de symbiose.

La fictionnalisation de sa vie lors d’écriture de mémoires est-elle un sujet pour vous ? Traquez-vous les zones d’ombre ou une vérité ?

CD. Spécialiste de Sartre et d’elle, Ingrid Galster parle de «  sosie d’écriture » pour évoquer cette distance avec soi et les strates du récit. C’est l’endroit du théâtre aussi. Après, la Shoah, dont elle ne parle jamais, est un trou noir. Simone de Beauvoir est pourtant très critiquée pour son rôle actif durant la Guerre. Évidemment la vérité n’est pas ce qu’elle écrit, elle garde des secrets, cache certains amants pour ne pas troubler les couples reformés depuis… et surtout sa bisexualité n’apparaît nulle part ! Nous donnons de la place à cela, tout en étant conscientes que ces reproches sont ceux que lui adressent encore aujourd’hui l’extrême-droite. Nous prenons soin de faire entendre la guerre d’Algérie autour d’elle, pour voir d’où cela part ! Les Forces vives sera autant un portrait de la France que de Beauvoir.

Vous aimez les grands espaces ouverts et modulables. Qu’en sera-t-il ici ?

Emma Depoid. Le dispositif scénique se déploie dans la durée. Un espace d’appartement familial évoquant sa jeunesse avec des structures mobiles qui se désossent à mesure que le rapport au corps et à son évolution modifient l’échelle du plateau. Nous allons vers l’abstrait, l’ensemble s’allège au fur et à mesure alors que l’environnement du début est complètement plein, presque oppressant et abscons. Cet intérieur anguleux se retrouve dans la seconde partie avec des espaces totalement différents (bureau, administration…), montrant comment l’architecture de l’enfance nous contraint. Il y aura aussi de la vidéo, qui fait exister le dehors, en permettant surtout de changer de points de vue et de le subjectiver en cadrant. Une GoPro témoignera aussi des perceptions floues des bribes de souvenirs d’enfance. Comme l’écriture, matériau chargé de réflexion mais qui doit se transformer pour devenir vivant, les vidéos seront projetées sur le mur au lointain et sur des structures de tissu : format et qualité d’images varient.

Il y a quelques mois vous parliez d’envie d’un spectacle «  de la lucidité et de la décision, pas de la consolation ». Cheminez-vous toujours sur cette ligne de crête ?

CD. En apparence, de Beauvoir n’invite pas à cela avec sa forme de dureté et d’austérité. Mais c’est une caricature, car elle fait œuvre d’une véritable proposition de puissance,

d’amour de la vie et des gens. Par contre, elle a la raideur de trancher, de refuser certaines choses, et pas des moindres ! Il faut rappeler à quel point cela était difficile en tant que jeune femme à son époque. Je ne crois pas que ce soit du ressentiment, mais elle affronte les choses telles qu’elles sont. Son histoire est celle d’un arrachement, tout en étant sans cesse reprise par la bourgeoisie. Nos spectacles sont remplis d’une certaine douceur aussi, qui est un espoir plutôt qu’une consolation. De Beauvoir ressent les choses avec douleur (perte, colère), mais sait rebondir dans l’instant. Un peu comme mon âme peut saigner pour Gaza, tout en trouvant sublime le rayon de soleil qui brille sur mon visage. Nous travaillerons ces contrastes, cherchant à aller à l’os pour laisser de la place pour aller vers le vivant.

Au Maillon (Strasbourg) jeudi 14 et vendredi 15 mars dans le cadre du temps fort Langues vivantes, (d)écrire le monde (11-28/03) maillon.eu

> Répétitions ouvertes avec l’équipe artistique les vendredis 1er et 8 mars (19h)

> Projections de Beauvoir, l’aventure d’être soi de Fabrice Gardel suivi par Des Fleurs pour Simone de Beauvoir de Carole Roussopoulos et Arlène Shale, mardi 12 mars (18h30), à la Médiathèque Olympe de Gouges (Strasbourg) mediatheques.strasbourg.eu

POLY 266 Mars März 24 17 THÉÂTRE

Face à la vie

Transformation et renaissance sont au cœur des Micro Giboulées, temps fort familial créé par Kaori Ito au TJP.

Succédant aux Giboulées, biennale de la marionnette, les Micro Giboulées adoptent un format inédit chaque année. «  Les spectacles se dérouleront sur quatre jours seulement, d’où cette idée de ‘‘micro’’ », explique Kaori Ito, directrice du TJP. Cette première édition – cinq pièces et trois créations en cours (réunies dans Par Court, 23/03, dès 14 ans) – explore les thèmes de la mort et de la renaissance. «  Les enfants vivent aussi des métamorphoses avec leurs corps  », précise-t-elle. «  J’ai par ailleurs constaté que, même à 5 ans, ils sont éveillés à la notion de disparition, de renouvellement. C’est précisément le sujet que j’aborde dans Robot, l’amour éternel*  » Dans cette pièce chorégraphique (21-23/03, TJP grande scène, dès 5 ans), la danseuse s’interroge sur les frontières entre l’homme et la machine. Sous les traits d’un androïde aux mouvements saccadés, alternant déplacements lents et précipités, elle examine la solitude et les différentes étapes de la vie. « Au début, une bâche transparente recouvre la plateforme sur laquelle j’évolue. Tout doucement, au

rythme d’une composition de Schubert, le sol l’avale, révélant des moulages de mes genoux, de mes coudes et autres fragments de mon corps.  » Kaori finit par apparaître, le visage à moitié dissimulé par une prothèse, qu’elle arrache tandis que la musique accélère. «  Ma vie commence, et elle va de plus en plus vite », traduit-elle.

confrontation

Parmi les travaux de Par Court, Laure Werckmann adapte Croire aux fauves (23/03, TJP grande scène). Inspirée du récit autobiographique éponyme de l’anthropologue Natassja Martin, cette histoire conte le face-à-face de l’autrice avec un ours, qui lui déchire la mâchoire. « Dommage, vous étiez tellement belle, avant  », lui disent les médecins après l’opération. « Elle en est réduite à son physique, une simple esthétique qu’il m’importe de questionner », développe la metteuse en scène. Pour elle qui a souvent été cantonnée à des rôles de belles premières, interpréter Natassja est l’occasion d’aller de l’autre côté du miroir. «  Bien que nous soyons encore

dans un processus de recherche, je me dis que je souhaite garder le présent de narration du livre. » Les quatre saisons qui le rythment seront également retranscrites, peut-être physiquement, en faisant voler des feuilles mortes sur le plateau pour signifier l’automne. «  J’aimerais que toutes les représentations restent crédibles  », ajoute-t-elle. « Que le public arrive à comprendre où il se trouve (à l’hôpital, dans la forêt…), en identifiant un simple objet dans le décor, comme une bouteille évoquant la forme d’une perfusion. » Serait-il envisageable de jouer sur cette ressemblance pour glisser, petit à petit, dans une représentation où sa perception changerait, comme la nôtre ?

Au TJP (Strasbourg), au Brassin (Schiltigheim) et au PréO (Oberhausbergen) du 21 au 24 mars tjp-strasbourg.com

* Voir notre interview sur poly.fr

18 POLY 266 Mars März 24 FESTIVAL

Comment est ta peine ?

Créé à la Maison centrale d’Arles où Joël Pommerat intervient depuis 10 ans, Amours (2) chemine autour des manques sentimentaux.

Un « écrivain de spectacles ». Faisant fi de toute hiérarchie habituelle entre texte et mise en scène, Joël Pommerat élabore les deux, de concert, au cours des répétitions. La démarche de cet autodidacte devenu l’une des figures de proue du théâtre français, auquel on doit deux des plus belles pièces de ces dernières années (Ça ira (1) Fin de Louis et Contes et Légendes), ne varie pas d’un iota. Depuis la fondation de sa compagnie Louis Brouillard en 1990, il ne monte que ses propres textes, avec le même souci de renouveler les modes de narration, comme de partir en quête du réel. Depuis une dizaine d’années, il intervient à la Maison centrale d’Arles, l’un des cinq établissements pénitentiaires à accueillir les personnes condamnées à de longues peines. Il y a créé plusieurs pièces et convié Caroline Guiela Nguyen à partager son travail, qui donna le courtmétrage Les Engloutis, réalisé avec sa compagnie Les Hommes approximatifs,

en 2021. Devenue directrice du TNS, c’est à elle de l’inviter pour présenter Amours (2), suite hors-les-murs du troisième spectacle né avec des comédiens “sous-main de justice”.

En 2019, Pommerat réalise un montage de textes issus de ses pièces (Cet enfant, Cercles / Fictions et La Réunification des deux Corées). Tous évoquent le sentiment amoureux, ou plutôt, en creux, son manque. L’administration de la Maison d’arrêt lui demande une forme plus légère que les précédentes, ayant entraîné beaucoup de travail logistique et sécuritaire au personnel. Il décide donc de se passer de décor, mais aussi de lumière, de son, de costumes et d’accessoires. De n’utiliser que les seules chaises de la salle proposée. Comme un retour à l’état brut du théâtre : un texte, cinq comédiens et un public de 17 spectateurs. Il se trouve qu’en 2021, deux des détenus ayant participé à l’aventure ont été libérés. L’envie de faire vivre à l’extérieur

ce qui s’était noué à l’intérieur séduisait tout le monde, notamment Jean Ruimi, dit Yeux bleus, ancienne figure du grand banditisme marseillais qui, la soixantaine, a vu sa vie prendre un nouveau sens à la découverte de l’art théâtral durant sa peine. Au point de reprendre des rôles dans les tournées de certaines pièces de Pommerat. Fidèle aux contraintes initiales, la pièce se joue dans un lieu non scénique – le Studio (vide) Jean-Pierre Vincent – et raconte, en précipités, le bouleversement des vies à l’âge adulte quand on se rebelle contre un père aussi brutal que têtu, l’ambivalence des sentiments d’une mère sans le sou confiant son bébé à un couple ne pouvant en avoir, ou encore le retour d’un amour de jeunesse des années après, défiant la vie bien rangée que l’on s’est forgée.

Au Théâtre national de Strasbourg du 12 au 16 mars tns.fr

POLY 266 Mars März 24 19 THÉÂTRE

L’ Art de la répétition

Dans L’Addition, Tim Etchells orchestre un désastre entre un serveur et un client, interchangeant leurs rôles respectifs pour dévoiler les mécanismes de pouvoir.

Flagel – Photo de Christophe Raynaud de Lage

L’un est le Garçon et l’autre le Client. À moins que ce ne soit finalement l’inverse. L’inverse vous avez dit ? Pas question de trancher pour le metteur en scène britannique Tim Etchells, auteur de cette farce en spirale qui place le public en position de témoin complice. Avec malice, Bert et Nasi exposent même la situation avant qu’elle ne commence, déjouant toute illusion. Autour d’une simple table avec nappe et couverts, il y a donc un client désirant un verre de vin et un serveur un brin incompétent ne sachant jamais s’arrêter à temps de verser. Le duo est lancé dans un jeu sans fin où tous les moyens sont bons pour dynamiter les codes et bousculer les genres. Une sorte d’anti Charlie Chaplin dans The Immigrant (1917), faisant tourner en bourrique le serveur d’un restaurant pour réussir à partir sans payer de sa poche le repas commandé pour la jolie demoiselle, croisée dans sa traversée de fortune depuis la Vieille Europe. Dans L’Addition, tout est plus terre à terre et relève de la mise à jour des relations de pouvoir. Dans ce dialogue de sourd, que les performeurs tentent d’épuiser en le rejouant encore et encore, modifiant ici ou là quelques ingrédients – ajoutant un zeste de burlesque, un soupçon de drame, une pincée de colère, une décoction de fatigue, une émulsion de gaucherie ou encore un liant de fourberie –, se posent de vraies grandes questions s’entrechoquant jusqu’à nous faire tilter. D’une intensité cauchemardesque montant dans les décibels à une comédie désarmante de ridicule poussé au plus haut point, l’addition semble salée.

«  Le projet questionne la non-viabilité des systèmes binaires, la profonde tension des relations sociales les plus simples qui soient et la politique glissante fondée sur la différence de statut et de servitude », assure le metteur en scène «  Ça parle de travail et d’argent, de classe et de pouvoir : qui travaille pour qui ? Qui a le dessus ? Qui prend le contrôle ? Et bien sûr, qui paie la facture ? » L’effet de déjà-vu, et cette séquence répétée comme un mauvais mantra, jamais totalement identique, mais pour autant à jamais similaire, traque dans notre condition humaine l’impuissance à s’extirper durablement de certains schémas sociaux. D’autant que la dissymétrie de la relation de départ contient en soi un biais : l’un paie pour un service que lui rend l’autre, ce qui lui confère un certain pouvoir – même symbolique –, un surplomb de position : celui d’être assis et d’être servi. Si le client peut légitimement demander à “en avoir pour son argent”, cela ne fait pas du serveur un être “corvéable à merci”, dérivé de l’expression médiévale “taillable à merci”, venant de la taille, impôt que devaient les seuls serfs à leur seigneur. Il s’accompagnait de journées de travail supplémentaires et gratuites à son maître : les corvées. Vous reprenez quelque chose ?

Au Centre culturel André Malraux (Vandœuvre-lès-Nancy) mercredi 20 mars, puis au Théâtre de la Manufacture (Nancy) vendredi 22 et samedi 23 mars dans le cadre du festival Micropolis (21-24 mars) centremalraux.com – theatre-manufacture.fr

20 POLY 266 Mars März 24 THÉÂTRE

Émancipation

Artiste associée du Théâtre Dijon Bourgogne, Yngvild Aspeli présente Une Maison de poupée où marionnettes et tarentelle sont émancipatrices.

Befreiung

Yngvild Aspeli präsentiert als Gastkünstlerin des Théâtre Dijon Bourgogne Une Maison de poupée, in dem Marionetten und Tarantella emanzipierend sind.

Par Von Thomas Flagel – Photo de von Johan Karlsson

F«aire Une Maison de Poupée qui secoue, qui fracasse et libère des vieux spectres. Un mélange troublant entre acteurs et marionnettes, illusion et réalité, entouré par des oiseaux morts et des vitres cassées  », promet Yngvild Aspeli. Tel est le résultat d’un funeste accident. Un volatile percutant une vitre, troublant la metteuse en scène norvégienne au point de changer de lecture et de tomber sur la pièce d’Ibsen. Nora, son personnage principal « est connue comme une alouette chantante aux ailes légères. Et elle se cogne, tête en avant, contre l’invisible surface en verre de sa propre existence. » Le tout, dans «  une vieille maison remplie de fantômes, usés par le temps et qui nous hantent encore. Une histoire sur les rôles que nous jouons, les paris que nous faisons et les illusions dont nous nous entourons. Il y est question de prendre en main et de lâcher prise, et de danser comme si notre vie en dépendait. » Interprétant elle-même cette femme convoquant ses souvenirs, quittant son mari et leurs trois enfants, la voilà entourée de marionnettes mioiseaux mi-humaines, comme de nombreuses araignées et d’un chœur de femmes l’accompagnant dans sa danse frénétique, une transe tarentelle pour expurger tout le poison intérieur.

Ein Puppenhaus machen, das durchrüttelt, zerspringt und von den alten Geistern befreit. Eine beunruhigende Mischung zwischen Schauspielern und Marionetten, Illusion und Realität, umgeben von toten Vögeln und zerbrochenen Fensterscheiben“,

verspricht Yngvild Aspeli. Das ist das Ergebnis eines verhängnisvollen Unfalls. Ein Vogel, der auf einer Fensterscheibe aufprallt, die norwegische Regisseurin so durcheinanderbringt, dass sie ihre Lektüre wechselt und auf das Stück von Ibsen stößt. Nora, seine Hauptfigur „ist bekannt als eine singende Lerche mit leichten Flügeln. Und sie stößt an, mit dem Kopf voran, gegen die unsichtbare Glasoberfläche ihrer eigenen Existenz.“ Das Ganze in „einem alten Haus voller Geister, von der Zeit abgenutzt und die uns noch heimsuchen. Eine Geschichte über die Rollen, die wir spielen, die Wetten, die wir eingehen und die Illusionen, mit denen wir uns umgeben. Es geht um das in Angriff nehmen und Loslassen, zu

tanzen, als ob unser Leben davon abhinge.“ Indem sie selbst diese Frau interpretiert, die sich erinnert, ihren Ehemann und ihre drei Kinder verlässt, ist sie von Marionetten umgeben, die halb Vogel, halb Mensch sind, wie von zahlreichen Spinnen und einem Frauenchor, der sie in ihrem frenetischen Tanz begleitet, eine Tarantella-Trance um das innere Gift zu bereinigen.

Au Parvis Saint-Jean (Dijon) du 12 au 20 mars (dès 14 ans, en anglais surtitré en français) Auf dem Parvis Saint-Jean (Dijon) vom 12. bis 20. März (ab 14 Jahren, in englischer Sprache mit französischen Übertiteln) tdb-cdn.com

22 POLY 266 Mars März 24 MARIONNETTES PUPPENTHEATER

La vérité en morceaux éclatés

En montant Illusions (Comédie), Yordan Goldwaser s’attaque pour la troisième fois à l’auteur russe Ivan Viripaev. Interview.

Illusions, sous-titrée Comédie, réunit deux couples mariés, octogénaires, mais distribués d’après les indications de l’auteur à de jeunes acteurs…

Ces narrateurs n’incarnent même pas les personnages, ils font le récit de ces couples. Mais dans leurs outils de conteurs, ils rapportent des paroles directes, avec des tirades parfois longues. Viripaev précise souvent le genre de ses pièces. D’où le « comédie » accolé au titre. Mais en fait, cela relève moins du registre de l’humour que d’une indication sur une fin voulue heureuse, alors même qu’elle pourrait être assez tragique !

Derrière l’aspect comique, il y a toujours une raideur chez Viripaev, quelque chose d’aigre : quand Dennis, sur son lit de mort, évoque la beauté de leur amour réciproque durant leurs 52 ans de vie commune avec Sandra, elle révèlera à son meilleur ami, Albert, la passion qu’elle avait pour lui, sans jamais avoir osé lui avouer… Tout à fait. Comme chez Martin Crimp, dont j’ai monté La Ville. Même si leurs écritures sont très différentes, je découvre leurs similitudes, ce côté grinçant allant gratter derrière le factice et regarder ce qui se cache au-delà de l’apparence de cohérence. Ce qui est masqué est toujours moins reluisant que ce que le discours initial prétend. Viripaev est insaisissable : quand le cynisme semble prendre le dessus, une candeur profonde ressurgit, puis il est désabusé et la naïveté arrive avec une foi immense en la réunion des gens au théâtre. L’énigme est irrésolue ! La pièce n’est qu’une succession de renversements de situations, de jeux de démasquement où fuit la vérité, toujours fragile et éphémère.

«  En chaque homme il y en a deux qui dansent », écrivait-il dans Oxygène. La crise de la vérité fait ressurgir l’angoisse de la solitude. Vérité et solitude comme deux pendants d’une même médaille de l’existence… Il est souvent vu en France comme un mystique aux élans spirituels un peu barrés. Je crois qu’il faut recontextualiser son œuvre dans la Russie du début de la décennie 2010. Il avait créé un courant de théâtre documentaire, puis un petit théâtre d’opposition. Parler vérité et solitude, c’est aussi évoquer la situation politique du pays, chercher une alternative à sa solitude, raconter la complexité nécessaire à lire les événements et l’OPA orchestrée par le pouvoir sur la vérité.

Vous êtes un metteur en scène de l’épure. Quel écrin avez-vous imaginé pour ces saynètes adressées directement au public ?

Ces dernières années, j’ai expérimenté le bi-frontal et le trifrontal. Là, je reviens face au public, dans un dispositif classique, laissant plus de place à la scénographie. Les indices distillés, ici et là dans le texte, évoquent les ruines et des mondes éclatés. Nous avons donc traité l’espace comme atomisé, déconstruit, aux éléments épars mais qui composent un ensemble cohérent qui se déplie au fur et à mesure.

Au Théâtre en Bois (Thionville) du 12 au 14 mars, puis au Taps Scala (Strasbourg) du 22 au 25 mai (dès 15 ans) nest-theatre.fr – taps.strasbourg.eu

POLY 266 Mars März 24 23 THÉÂTRE

Across the lines

A Folia et Instantly forever, les deux nouvelles créations du Ballet de Lorraine, explorent l’extase et l’anticipation en se jouant des époques. A Folia und Instantly forever, die beiden neuen Kreationen des Ballet de Lorraine, erkunden die Ekstase und die Vorwegnahme.

Par Von Irina Schrag – Photo de répétition Probenphoto von CCN - Ballet de Lorraine

Ce double programme alléchant débute par une recherche de « changement constant et imprévisible », à partir d’images fragmentées et de temporalités, entre avenir possible et passé présent. Petter Jacobsson et Thomas Caley réunissent des pièces de Steve Reich (Pulses), Igor Stravinsky (Symphonie en trois mouvements) et une commande electro faite à Damon Frost pour nourrir Instantly forever, «  présent saturé faisant à la fois espérer et craindre l’avenir ». Étincelant de tout son talent et d’une démesure chorégraphiée au cordeau dans C A R C A Ç A*, Marco da Silva Ferreira regroupe aussi les 24 danseurs du CCN - Ballet de Lorraine, en s’inspirant des Folias populaires dans le Portugal du XVe siècle. Des rituels de fécondité où bergers et bergères dansaient en portant sur leurs épaules des hommes déguisés en femmes. L’artiste orchestre la rencontre fictive, mais pourtant vivace, entre la fête d’alors

– ses dimensions de loisir, de repos gagné sur le travail harassant, et d’apparente folie aplanissant toute différence sociale – et les danses contemporaines dans leur quête d’extase collective.

Dieses verführerische doppelte Programm beginnt mit einer Recherche der „ permanenten und unvorhersehbaren Veränderung “, ausgehend von fragmentierten Bildern und Zeitlichkeiten zwischen möglicher Zukunft und gegenwärtiger Vergangenheit. Petter Jacobsson und Thomas Caley vereinen Stücke von Steve Reich (Pulses), Igor Strawinsky (Symphonie en trois mouvements) und eine Elektro-Auftragsarbeit von Damon Frost um Instantly forever zu nähren „eine übersättigte Gegenwart die Gleichzeitig Hoffnung und Angst vor der Zukunft erzeugt“. Vor Talent und choreographischem Überschwang strahlend in C A R C A Ç A*, vereint Marco da Silva Ferreira auch die

24 Tänzer des CCN - Ballet de Lorraine, indem er sich von den im 15. Jahrhundert in Portugal populären Folias inspirieren lässt. Fruchtbarkeitsrituale in denen Schäfer und Schäferinnen auf ihren Schultern als Frauen verkleidete Männer trugen. Der Künstler orchestriert die fiktive Begegnung, die nicht weniger lebendig ist, zwischen dem Fest von damals – die Dimension der Freizeit, der Erholung von einer aufreibenden Arbeit und eines offensichtlichen Wahnsinns, der jegliche soziale Unterschiede aufhebt – und zeitgenössischen Tänzen in ihrer Suche nach kollektiver Ekstase.

À L’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 7 au 12 mars

In der Opéra national de Lorraine (Nancy) vom 7. bis 12. März ballet-de-lorraine.eu

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24 POLY 266 Mars März 24 DANSE TANZ

À fleur de peau

Accompagnée par l’accordéon virevoltant de Vincent Peirani, Laura Bachman explore la peur de ressentir dans Ne me touchez pas.

Dünnhäutig

In Begleitung des umherwirbelnden Akkordeons von Vincent Peirani erkundet Laura Bachman die Angst vor dem Spüren in Ne me touchez pas.

N«e me touchez, ne me touchez pas, car j’ai peur de ressentir. » Ces mots de la romancière Doris Lessing hantent la plongée introspective du Carnet d’or. La chorégraphe Laura Bachman – éclatante dans sa reprise de rôle du mythique Fase, four movements to the Music of Steve Reich d’Anne Teresa De Keersmaeker – revient sur le trouble né de la séparation des corps durant la longue pandémie de Covid. La voilà qui entend sonder le toucher : de la peur d’un corps hanté, comme pris de soubresauts au moindre frôlement, jusqu’au plaisir retrouvé et plein de tendresse de l’étreinte, c’est toute la gamme des possibles rapports à la peau et à l’intimité qui se joue dans un duo gémellaire avec Marion Barbeau. Les silhouettes se devinent dans leur nudité, sous des costumes transparents qui finiront par tomber dans un écrin de lumière soyeux signé Éric Soyer. Sur les notes d’accordéon (et la voix !) de Vincent Peirani, qui cajole autant qu’il sait emballer et bousculer le tempo avec la composition du percussionniste Michele Rabbia, se dessine lentement une sororité permettant de reprendre confiance en soi, d’affirmer son désir et d’en jouer. D’apaiser les tourments nichés au plus profond.

Berührt mich nicht, berührt mich nicht, denn ich habe Angst zu spüren.“ Diese Worte der Romanschriftstellerin Doris Lessing lassen dem introspektiven

Eintauchen in Das Goldene Notizbuch keine Ruhe. Die Choreographin Laura Bachman – durchschlagend mit ihrer Wiederaufnahme der Rolle des legendären Fase, four movements to the Music of Steve Reich von Anne Teresa De Keersmaeker – kommt auf die Störung der Trennung der Körper in der langen Corona-Pandemie zurück. Nun erkundet sie den Tastsinn: Von der Angst eines gequälten Körpers, der bei der geringsten Berührung zusammenzuckt, bis zur wiedergefundenen Lust und voll von der Zärtlichkeit der Umarmung, es ist die gesamte Spannweite der möglichen Beziehungen zur Haut und zur Intimität, die sich in einem Zwillings-Duo mit Marion Barbeau widerspiegelt. Die Silhouetten erahnt man in ihrer Nacktheit unter transparenten Kostümen, die in einem von Éric Soyer gestalteten Lichtrahmen schließlich fallen. Zu Akkordeon-Noten (und Stimme!) von Vincent Peirani, der ebenso zu umschmeicheln wie mitzureißen weiß und das Tempo mit der Komposition des Schlagzeugers Michele Rabbia durcheinanderbringt, zeichnet sich langsam eine Schwesterlichkeit ab, die es erlaubt wieder Selbstvertrauen zu gewinnen, zu seiner Lust zu stehen und mit ihr zu spielen. Die Pein im tiefsten Inneren zu lindern.

À La Comète (Châlons-en-Champagne) vendredi 22 mars

In La Comète (Châlons-en-Champagne) am Freitag den 22. März la-comete.fr

26 POLY 266 Mars März 24

Danse des Six

Israel Galván revient à Montbéliard avec Seises, hommage à Séville revisitant les danses liturgiques du XVe siècle.

Tanz der Sechs

Israel Galván kommt mit Seises nach Montbéliard zurück, einer Hommage an Sevilla, die liturgische Tänze aus dem 15. Jahrhundert neuinterpretiert.

Chevaucher avec une allégresse et un entêtement frondeur une monture mécanique – un vélo d’appartement dont il se sert pour produire un boucan d’enfer, mais toujours avec grâce. Danser sur des coquillages de moules au son de sonates pour clavecin et piano d‘Alessandro et Domenico Scarlatti. Revêtir des crampons moulés de footballeur pour produire des sons de claquettes un brin étouffés. Et toujours danser de profil, comme un défi à la tradition flamenca. Figure de proue du renouveau du genre, Israel Galván signe un véritable hommage visuel et acoustique à la Séville qui l’a vu grandir. Dans ce solo, il s’approprie la tradition andalouse aux racines religieuses du Baile de los Seises (Danse des Six), interprétée par des enfants en la Cathédrale gothique de Santa María de la Sede. Avec leur chapeau médiéval à plumes, il revisite le fandango accompagné de castagnettes, joue de l’imagerie hyperréaliste de Velázquez, avant de plonger avec fougue dans des élans poético-amoureux. Les voix du chœur enfantin guident la dernière partie, comme une mise à nu du corps et de l’âme, peuplé de souvenirs et de fantômes anciens, réactivés par un rituel païen dont le mouvement et le son forment la clé de voûte.

Mit ausgelassener Freude und aufständigem Eigensinn ein mechanisches Reittier reiten – einen Heimtrainer, den er benutzt, um höllischen Krach zu machen, aber immer mit Anmut. Auf Muschelschalen tanzen, zum Klang von Sonaten für

Cembalo und Klavier von Alessandro und Domenico Scarlatti. Stollen von Fußballern anziehen, um leicht gedämpfte Stepptanz-Geräusche zu erzeugen. Und immer en profil tanzen, als eine Art Herausforderung der Flamenco-Tradition. Als Galionsfigur der Erneuerung der Gattung, präsentiert Israel Galván eine echte visuelle und akustische Hommage an das Sevilla, das ihn aufwachsen sah. In diesem Solo nimmt er sich der andalusischen Tradition mit den religiösen Wurzeln des Baile de los Seises (Tanz der Sechs) an, der von Kindern in der gotischen Kathedrale von Santa María de la Sede interpretiert wird. Mit ihrem mittelalter-

lichen Federhut interpretiert er den Fandango mit Kastagnetten neu, spielt mit der hyperrealistischen Vorstellungswelt von Velàzquez bevor er mit Schwung in poetisch-verliebte Zuneigung eintaucht. Die Stimmen des Kinderchors leiten durch den letzten Teil, wie eine Enthüllung des Körpers und der Seele, bevölkert von Erinnerungen und alten Geistern, reaktiviert durch ein heidnisches Ritual dessen Bewegung und Klang den Grundpfeiler bilden.

Au Théâtre de Montbéliard mardi 19 mars

Im Théâtre de Montbéliard am Dienstag den 19. März mascenenationale.eu

POLY 266 Mars März 24 27
DANSE TANZ

Short-lived

Boris Charmatz impose 10 000 gestes uniques, dans une folie chorégraphique fascinante.

Boris Charmatz schreibt einzigartige 10 000 Gesten, in einem faszinierenden choreographischen Wahnsinn vor.

Une dernière danse sur le Requiem en ré mineur K.626 de Wolfgang Amadeus Mozart, par l’Orchestre philharmonique de Vienne, dirigé par Herbert von Karajan. Rien de moins, mais toujours plus. Avec 400 consignes uniques données à chaque interprète, Boris Charmatz s’offre 10 000 gestes et « une forêt chorégraphique dans laquelle aucun n’est jamais répété par aucun des danseurs en présence », même en miroir. Une ode à l’éphémère, à la réinvention de l’interaction d’un groupe, à l’impression rétinienne fugitive dans des trombes de mouvements qui seraient chacun les gouttes d’une pluie renversant toute construction autre que chaotique. Entre confiance absolue en la subjectivité instinctive de ses danseurs et foi en son protocole initial démesuré – pour ne pas dire démentiel –, se joue la bataille entre l’écriture et l’impression. « La fugacité poussée à son paroxysme génère le regard et la pensée du spectateur. Le chaos de dépense est tellement parfait qu’il confine à l’immobilité », assure le nouveau directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. Un condensé d’humanité, voué à avancer et jamais ne se répéter.

Ein letzter Tanz zum Requiem in d-Moll (KV 626) von Wolfgang Amadeus Mozart mit den Wiener Philharmonikern, unter der Leitung von Herbert von Karajan. Nichts weniger als das, aber immer mehr. Mit 400 Einzelanweisungen, die jedem Interpreten gegeben werden, präsentiert Boris

Charmatz 10 000 Gesten und „ einen choreographischen Wald, in dem in dem keine Geste von keinem der präsenten Tänzer wiederholt wird“, selbst im Spiegelbild. Eine vergängliche Ode an die Neuerfindung der Gruppeninteraktion, die sich nur flüchtig auf der Netzhaut abbildet, wie Wolkenbrüche aus Bewegungen, die je die Regentropfen darstellen, die jegliche Konstruktion umstürzen. Zwischen absolutem Vertrauen und instinktiver Subjektivät seiner Tänzer und dem Glauben an sein maßloses – um nicht zu sagen verrücktes – ursprüngliches Protokoll, spielt sich der Kampf zwischen (Vor)Schrift und Eindruck ab. „Die bis zu ihrem Höhepunkt gebrachte Flüchtigkeit erzeugt den Blick und den Gedanken des Betrachters. Das Chaos ist so perfekt, dass es an Regungslosigkeit grenzt“, versichert der neue Direktor des Tanztheaters Wuppertal Pina Bausch. Ein Konzentrat der Menschlichkeit, das dazu bestimmt ist, voranzutreiben, ohne sich je zu wiederholen.

Au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg vendredi 8 et samedi 9 mars, puis au Maillon (Strasbourg) mercredi 20 et jeudi 21 mars (présenté avec Pôle Sud)

Im Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg am Freitag den 8. und Samstag den 9. März, dann im Maillon (Straßburg) am Mittwoch den 20. und Donnerstag den 21. März (präsentiert mit Pôle Sud) theatres.lu – maillon.eu – pole-sud.fr

28 POLY 266 Mars März 24

Ivres de vivre

La Quinzaine de la danse fête sa 6e édition avec un marathon de danse, des échos créoles, des Québécois à demi-nus et des patins fendant la glace.

Trunken vor Leben

Die Quinzaine de la danse feiert ihre 6. Auflage mit einem Tanzmarathon, kreolischen Echos, halbnackten Quebecern und Schlittschuhen, die über das Eis gleiten.

Rendez-vous structurant autour de la danse dans le Sud Alsace, la Quinzaine portée par L’Espace 110, La Filature et le CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin continue d’explorer la danse, notamment dans ses grandes formes. Ainsi est-il proposé de vivre un de ces marathons de danse qui pullulèrent dans l’Amérique d’après le Krach de 1929. Horace McCoy publiait, en 1935, On achève bien les chevaux, croquant et dénonçant l’exploitation des miséreux qui étaient poussés par la faim à danser jusqu’à l’épuisement (le

dernier couple debout est déclaré vainqueur) pour une poignée de dollars. Le tout dans de grands shows sensationnels pour spectateurs en mal de domination et d’exploitation de leur propre espèce. Rendu célèbre par le film de Sydney Pollack, voilà que Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro réadaptent ce roman noir avec 45 danseurs, comédiens et musiciens (07-10/03, La Filature). Venant elle du Québec, la compagnie Le Patin Libre invite à une Murmuration (2224/03, Patinoire olympique). Tels une

nuée d’oiseaux, ces danseurs sur glace expérimentent les ballets de volatiles qui jamais ne se touchent, malgré les changements de direction brutaux, chacun, sur le qui-vive, est prêt à obliquer sa trajectoire. Présence totale et pleine conscience de soi et des autres donnent une folle épopée visuelle sur la lame ! Autre Montréalaise, Marie Chouinard dévoile M (26/03, La Filature). Douze interprètes torses nus, vêtus de pantalons et de perruques fluos. Comme les “ultrascores” de Chassol (compositions musicales de BO utilisant tous les sons

30 POLY 266 Mars März 24 DANSE
Murmuration © Rolline Laporte

du film mais aussi les techniques de montage et d’ajouts), la chorégraphe use en direct de la voix et du bruit des corps pour faire battre de vie une communauté prise de soubresauts et de convulsions. D’envie de liberté assumée. Un même esprit habite TOUT-MOUN* (12/03, La Filature), hommage appuyé d’Héla Fattoumi et Éric Lamoureux à la pensée d’Édouard Glissant, poète du tout-monde et de la créolisation. Sur une musique jazzy mutant en direct, les danseurs se meuvent au milieu de paysages en constante évolution, faits de voilages et projections vidéo, au point de devenir un personnage central de la pièce. Enfin, dans un tout autre genre, Caroline Grosjean entremêle son corps au charbon dans un spectacle pensé pour les tout-petits (Charcoal, dès 2 ans, 20/03 Espace 110, 13 & 14/03 Triangle d’Huningue). De cette confrontation à la matière minérale naissent monts et cachettes, cairns et éboulis dans une danse archaïque toute en contrastes.

Der Termin rund um Tanz im Südelsass, die Quinzaine, die von L’Espace 110, La Filature und dem CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin getragen wird, setzt seine Erkundung des Tanzes fort, insbesondere in

seinen großen Formen. So kann man einen Tanzmarathon erleben, von denen es in Amerika nach dem Schwarzen Donnerstag 1929 nur so wimmelte. Horace McCoy veröffentlichte 1935 Nur Pferden gibt man den Gnadenschuß in dem er die Ausbeutung der Armen skizzierte und denunzierte, die vom Hunger dazu getrieben wurden bis zur Erschöpfung zu tanzen (das letzte Paar auf der Tanzfläche wird zum Sieger erklärt), für eine Handvoll Dollar. Das Ganze in großen sensationellen Shows für Zuschauer mit dem Bedürfnis nach Domination und Ausbeutung ihrer eigenen Art. Von Sydney Pollacks Film berühmt gemacht, adaptieren Bruno Bouché, Clément Hervieu-Léger und Daniel San Pedro diesen düsteren Roman mit 45 Tänzern, Schauspielern und Musikern (7.-10.03., La Filature) neu. Die Truppe Le Patin Libre, die aus Quebec kommt, lädt zu einer Murmuration (22.-24.03., Patinoire olympique) ein. Wie ein Vogelschwarm experimentieren diese Tänzer auf dem Eis mit dem Ballett der Vögel, die sich niemals berühren, trotz brutaler Richtungswechsel, jeder wachsam und bereit die Richtung zu ändern. Totale Präsenz und volles Bewusstsein für sich selbst und die anderen erzeugen ein wahnsinniges visuelles Epos auf Kufen!

Marie Chouinard, die ebenfalls aus Montréal stammt, enthüllt M (26.03., La Filature). Zwölf Interpreten mit nackten Oberkörpern, bekleidet mit neonfarbenen Hosen und Perücken. Wie die „ultrasocres“ von Chassol (musikalische Kompositionen mit Filmmusik, die alle Klänge des Films verwenden, aber auch Montagetechniken und Hinzufügungen), nutzt die Choreographin live die Stimmen und Geräusche der Körper um eine Gemeinschaft, die von Zu kkungen und Schüttelkrämpfen ergriffen ist, vor Leben erbeben zu lassen. Voller erklärter Lust auf Freiheit. Ein ähnlicher Geist wohnt TOUT-MOUN* (12.03., La Filature) inne, einer Hommage von Héla Fattoumi und Éric Lamoureux an die Gedanken von Édouard Glissant, Poet der All-Welt und der Kreolisierung. Zu einer Jazz-Musik, die sich live verwandelt, bewegen sich Tänzer inmitten von Landschaften in konstanter Entwicklung, die aus Segeln und Videoprojektionen gemacht sind und zu einer zentralen Figur des Stücks werden. Und schließlich vermischt Caroline Grosjean ihren Körper mit der Kohle in einer Aufführung für die Kleinsten (Charcoal, ab 2 Jahren, 20.03. Espace 110, 13. & 14.03. Triangle d’Huningue). Aus dieser Konfrontation mit der mineralischen Materie entstehen Berge und Verstecke, Hügel und Gerölle in einem archaischen Tanz voller Kontraste.

À L’Espace 110 (Illzach), à La Filature et à la Patinoire olympique (Mulhouse) et à La Passerelle (Rixheim) du 7 au 26 mars

In L’Espace 110 (Illzach), in La Filature und in der Patinoire olympique (Mulhouse) und in La Passerelle (Rixheim) vom 7. bis 26. März lafilature.org – espace110.org la-passerelle.fr

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TANZ
On achève bien les chevaux © Agathe Poupeney

Yin & Yang

Concert dessiné de haute volée, Minuit entremêle deux fois quatre mains pour un voyage au cœur de nos conflits intérieurs.

Ein hervorragendes gezeichnetes Konzert, Minuit, mischt zweimal vier Hände für eine Reise ins Zentrum unserer inneren Konflikte.

Von Irina Schrag – Photo de von Sophie

Comme deux et deux font quatre, il faut autant de paires de mains pour donner vie à Minuit. Dans cette histoire, librement inspirée du Vicomte pourfendu d’Italo Calvino, deux musiciens rythment les dessins réalisés en temps réel, devant les yeux des spectateurs, par Sophie Raynal et Coline Grandpierre, qui utilisent aussi bien crayons et encre en noir et blanc, que tablette graphique et manipulation d’objets. Florence Kraus joue du sax, des claviers et d’une lutherie personnelle avec son comparse Grégoire Terrier (machines et guitare) pour signer une bande-son originale oscillant entre jazz et electro. La traversée fantastique, à laquelle nous voilà conviés, explore la beauté du monde… jusque dans nos parts d’ombre. Le tout sans un mot, afin de laisser la magie des images et des notes cheminer dans l’onirisme de nos contradictions et de nos indécisions, dans cette zone grise où se jouent nos vies intérieures, loin de toute morne binarité, par-delà bien et mal, dans la savoureuse complexité des sentiments.

Da zwei mal zwei vier machen, braucht es ebenso viele Handpaare um Minuit zum Leben zu erwecken. In dieser Geschichte frei nach Der geteilte Visconte von

Italo Calvino, bestimmen zwei Musiker den Rhythmus der von Sophie Raynal und Coline Grandpierre vor den Augen der Zuschauer in Echtzeit realisierten Zeichnungen, für die sie ebenso Stifte und schwarze oder weiße Tinte nutzen, wie ein Grafiktablett oder Objektmanipulation. Florence Kraus spielt mit ihrem Komparsen Grégoire Terrier (Maschinen und Gitarre) mit Saxophon, Tastatur und einer persönlichen Geige, um einen originellen Soundtrack zwischen Jazz und Elektromusik zu kreieren. Eine phantastische Reise, bei der wir dazu eingeladen werden, die Schönheit der Welt zu erkunden… bis hin zu ihren Schattenseiten. Das Ganze ohne ein Wort, um den Zauber der Bilder und der Noten uns in den Traum unserer Widersprüchlichkeiten und Unentschlossenheit mitreißen zu lassen, in diese Grauzone in der sich unser Innenleben abspielt, fernab jeglicher trüber Dualität, jenseits von Gut und Böse, in der köstlichen Komplexität der Gefühle.

Au Trifolion (Echternach / Luxembourg) samedi 23 mars et à la BAM (Metz) mercredi 27 mars (dès 7 ans)

Im Trifolion (Echternach / Luxemburg) am Samstag den 23. März und in der BAM (Metz) am Mittwoch den 27. März (ab 7 Jahren) trifolion.lu – citemusicale-metz.fr

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JEUNE PUBLIC JUNGES PUBLIKUM

SÉLECTION SCÈNES BÜHNEN-AUSWAHL

Polémique + La Mécanique des ombres

Deux spectacles courts pour une seule soirée consacrée à l’artiste associé des 2 Scènes, Mathieu Desseigne. Polémique réunit deux acrobates hybridant le cirque au jiu-jitsu brésilien pour des mouvements aériens stupéfiants. La Mécanique des ombres se joue en trio pour danseurs-acrobates dénués de visages. Une exploration des relations humaines et de la fraternité d’une grande élégance.

Zwei kurze Aufführungen für einen einzigen Abend, der dem Gastkünstler der 2 Scène Mathieu Desseigne gewidmet ist. Polémique vereint zwei Akrobaten, die Zirkus mit brasilianischem Jiu-Jitsu mischen, für verblüffende Luftnummern. La Mécanique des ombres spielt im Trio für Tänzer-Akrobaten ohne Gesicht. Eine Erkundung der menschlichen Beziehungen und der Brüderlichkeit von großer Eleganz.

12-14/03, Espace Studio (Besançon) les2scenes.fr

Welfare

La metteuse en scène Julie Deliquet adapte l’un des chefsd’œuvre du documentariste américain Frederick Wiseman. Une fresque humaniste dans un centre d’aide sociale où se croisent travailleurs, mères célibataires, apatrides, enfants et vieux, aux prises avec une administration qui veut faire entrer ces marginaux dans des cases. Un spectacle tragi-comique et populaire où se jouent besoins de vivre ensemble et de réinventer le monde.

13-15/03, La Comédie (Reims) lacomediedereims.fr

Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule Recluse dans sa chambre, Anja Karinskaya, jeune fille russe de 13 ou 14 ans, imagine qu’elle va devenir une grande compositrice contre l’avis de son entourage, et donne forme, sur le vif, à sa première création : un opéra pour une seule interprète. L’audace de Claire Diterzi s’incarne dans ce personnage interprété par la soprano Anaïs de Faria !

15 & 16/03, Salle Europe (Colmar) salle-europe.colmar.fr

Twelwe ton rose & Static shot

Une pièce majeure de Trisha Brown, figure emblématique de la danse post-moderne américaine, et une création explosive toute en énergie de groupe de Maud Le Pladec pour les 23 interprètes du CCN – Ballet de Lorraine, dont elle prend la direction la saison à venir.

Ein großes Stück von Trisha Brown, emblematischer Figur des postmodernen amerikanischen Tanzes und eine explosive Kreation voller Energie der Gruppe von Maud Le Pladec für die 23 Interpreten des CCN – Ballet de Lorraine, deren Leitung sie in der kommenden Spielzeit übernimmt.

16 & 17/03, Le Manège (Reims) & 26/03, Théâtre de la Rotonde (Thaon-les-Vosges) manege-reims.eu – scenes-vosges.com

So Schnell

Pièce iconique s’il en est de Dominique Bagouet, So Schnell était remontée en 2020, 30 ans après sa création, par Catherine Legrand, l’une de ses fidèles danseuses. Si la Cantate BWV 26 de Jean-Sébastien Bach voisine toujours avec les sons des machines de la bonneterie qui jouxtait sa maison d’enfance (composés par Laurent Gachet), la scénographie originale, elle, a disparu. Des ronds de lumière la remplacent pour laisser au dessin du geste des interprètes toute la place. Incontournable !

Ein ikonisches Stück von Dominique Bagouet, So Schnell wurde im Jahr 2020, 30 Jahre nach seiner Uraufführung von Catherine Legrand, einer seiner treuen Tänzerinnen wieder aufgeführt. Während die Cantate BWV 26 von Johann-Sebastian Bach immer noch mit den Klängen der Maschinen der Strickwarenfabrik koexistiert, die sich neben dem Haus seiner Kindheit befindet (komponiert von Laurent Gachet), ist die Original-Inszenierung verschwunden. Lichtkreise ersetzen sie um den Gesten der Interpreten Platz zu lassen. Unumgänglich!

21/03, Arsenal (Metz) citemusicale-metz.fr

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Welfare © Pascal Victor Static Shot © Laurent Philippe

La rappeuse écarlate

Icône LGBTQIA+ d’un rap français encore peu ouvert à ces questions, Lala &ce sort Solstice, album halluciné et dystopique.

Die scharlachrote Rapperin

Lala &ce, die LGBTQIA+-Ikone eines französischen Raps, der noch wenig offen gegenüber diesen Fragen ist, bringt Solstice heraus, ein Album zwischen Halluzination und Dystopie.

Par Von Thomas Flagel

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«Solstice est dehors et rien ne sera plus comme avant ! » La punchline pourrait être signée Booba, poids lourd du rap game aimant faire parler de lui. Mais non. C’est ainsi que Mélanie Berthinier, alias Lala &ce, défend son nouvel opus, sorti début février. Un album-concept dans lequel une société dystopique est dirigée de manière autoritaire par La Ligne, proscrivant toute émotion réelle au profit d’un bourrage de crâne, invitant « à s’enjailler, mais raisonnablement  ». «  Tous ces gens qui essayent de te contrôler, te façonner, t’empêcher d’être qui tu veux vraiment », précise celle qui ne cache rien de ses désirs de femme et de son goût du luxe. « Avec le temps, j’ai compris qu’ils faisaient ça parce qu’ils ont peur. Peur d’être eux-mêmes et d’exister selon leurs propres principes. J’ai décidé qu’ils n’éteindraient jamais ma flamme. Sur ma route, j’ai croisé d’autres gens comme moi. Des gens magnifiques, différents, parfois bizarres, qui ont décidé de ne pas faire de concessions.  » Ensemble, ils forment le BUT (bloc unificateur de tropiques), un groupe rebelle à base de SunSystem mobile, un peu obsédé par le soleil et la musique forte. Fidèle aux quelques perles qui l’ont mise sur la carte du hip-hop francophone, elle use de l’auto-tune qui déforme et étire vers le métallique, fait confiance au beatmaker lyonnais Adam Preau qui, sous le pseudo de Phazz, est derrière les succès d’un certain Orelsan (depuis La Fête est finie) ou Woodkid. L’esprit trap n’est pas loin, les flows chamarrés (avec La Fève, autre étoile montante et innovante dans Sexyy Red) et le slang nouchi (argot ivoirien) surgissent de manière impromptue, ici et là, comme les featurings bien sentis, à l’instar de Dinos sur le languissant Santos, histoire d’amour formant un pendant à celui de No More Time, qui tourne mal. «  J’ai cherché à plaire à une conne, j’ai failli y laisser ma plume / Maint’nant, s’épuise à chercher des tonnes pour impressionner des blondes et des brunes / J’ai une tonne de flow dans l’coffre, ça va tremper le ciel et la lune. » Lala &ce n’a jamais caché ses envies de chair et de fuite vers les vapeurs artificielles (Drogues d’hiver et son instru délicieusement crasse). Dans 3am in Paradise, le refrain se fait explicite : «  Cesse ton bluff, appelle le

plug, baby / I’m so drunk (I’m so drunk) / So fucked up, posée au fond du club, baby / Sex and drugs…  » Et quand la belle se renfrogne, prend ses airs bougons et articule peu, cela donne une Licorne sombre et rugueuse. Comme Missy Elliott – son idole de toujours –avec Timbaland, sa recherche de nouveaux sons et d’inventivité fait mouche. Les titres s’enchaînent avec cohérence dans sa résistance au retour à l’ordre dictatorial. Mais ils peuvent tout aussi bien s’écouter indépendamment, selon les humeurs affectées ou dansantes de son mood Solstice est une promesse de renaissance sous un soleil salvateur.

„Solstice ist erschienen und nichts wird mehr sein wie vorher!“ Die Punchline könnte von Booba stammen, dem Schwergewicht des französischen Rapgames, der gerne von sich reden macht. Aber nein. So verteidigt Mélanie Berthinier, alias Lala &ce, ihr neues Werk, das Anfang Februar erschienen ist. Ein Konzept-Album in dem eine dystopische Gesellschaft auf autoritäre Weise von La Ligne regiert wird, die jegliche echte Emotion verbietet, zugunsten einer Stimmungsmache, die dazu einlädt, „einen draufzumachen, aber vernünftig“. „Alle diese Leute, die versuchen dich zu kontrollieren, dich zu formen, dich davon abzuhalten zu sein, wer du wirklich sein willst“, präzisiert jene, die nichts von ihrer Lust auf Frauen und ihrer Vorliebe für Luxus versteckt. „Mit der Zeit habe ich verstanden, dass sie das machen, weil sie Angst haben. Angst sie selbst zu sein und nach ihren eigenen Prinzipien zu existieren. Ich habe entschieden, dass sie meine Flamme nie auslöschen werden. Auf meinem Weg habe ich andere Leute wie mich getroffen. Wunderbare Leute, anders, manchmal komisch, die beschlossen haben keine Kompromisse einzugehen.“ Gemeinsam bilden sie BUT (Wortspiel frz. Ziel, Akronym für Einigender Block der Tropen), eine rebellische Gruppe auf der Basis von mobilen SunSystemen, ein bisschen besessen von Sonne und lauter Musik. Den Perlen treu, die sie auf die frankophone Hip-Hop-Karte gebracht haben, nutzt sie Auto-Tune, die verformt und zum Metallischen hin zieht, vertraut dem Beatmaker Adam Preau aus Lyon, der unter dem Pseudonym Phazz hinter dem

Erfolg eines gewissen Orelsan (seit La Fête est finie) oder Woodkids steckt. Der Trap-Geist ist nicht fern, die überladenen Flows (mit La Fève, einem anderen jungen und innovativen Talent in Sexyy Red) und der Nouchi-Slang (Argot von der Elfenbeinküste) tauchen auf überraschende Weise auf, hier und dort, wie Featurings, wie bei Dinos auf dem sehnsüchtigen Santos, einer Liebesgeschichte, die ein Gegenstück zu No More Time bildet, das schlecht ausgeht. „Ich habe versucht einer Idiotin zu gefallen, ich habe daran fast meine Feder verloren / Jetzt erschöpft sie sich damit Blonde und Brünette zu beeindrucken / Ich habe Tonnen von Flows im Gepäck, die Himmel und Mond durchtränken werden.“ Lala &ce hat nie ihre fleischliche Lust versteckt sowie jene auf künstliche Nebel (Drogues d’hiver Winterdrogen). In 3am in Paradise , ist der Refrain explizit: „Hör auf zu bluffen, ruf den Plug, Baby / I’m so drunk (I’m so drunk) / So fucked up / sitze ganz hinten im Club, Baby / Sex and drugs…“ Und wenn die Schöne ein schiefes Gesicht zieht, wie ein Miesepeter aussieht und wenig artikuliert, gibt das eine düstere und raue Licorne (Einhorn). Wie Missy Elliott – die immer ihr Idol war – mit Timbaland trifft ihre Suche nach neuen Klängen und ihr Einfallsreichtum ins Schwarze. Die Titel folgen einander mit Kohärenz in ihrem Widerstand gegen die Rückkehr zur diktatorischen Ordnung. Aber sie können ebenso unabhängig voneinander gehört werden, je nach Stimmung. Solstice ist ein Versprechen der Wiedergeburt unter einer rettenden Sonne.

À La Laiterie (Strasbourg) vendredi 22 mars et à L’Autre Canal (Nancy) samedi 23 mars, puis au nouveau festival de hip-hop Golden Coast (Aéroport Dijon-Longvic) samedi 14 septembre

In La Laiterie (Straßburg) am Freitag den 22. März und in L’Autre Canal (Nancy) am Samstag den 23. März, dann beim neuen HipHop-Festival Golden Coast (Aéroport DijonLongvic) am Samstag den 14. September artefact.org – lautrecanalnancy.fr goldencoastfestival.com

Paru chez Erschienen bei Columbia Records sonymusic.fr

POLY 266 Mars März 24 35 MUSIK

Afro Guitar Hero

Star malienne et guitariste de génie, Vieux Farka Touré tourne en sextet avec son blues du désert qui promeut la paix et la fraternité. Der malische Star und geniale Gitarrist Vieux Farka Touré ist mit einem Sextett und seinem Wüstenblues auf Tournee, der für Frieden und Brüderlichkeit wirbt.

Par Von Marie Schwartz – Photo de von Kiss Diouara

Marcher dans les pas de son père, si difficile que soit le chemin de l’excellence et de la comparaison avec une légende. Fils du grand Ali Farka Touré, qui fut un compagnon de route d’Amadou Hampaté Bâ, avant de donner ses notes de noblesse à la musique africaine, Vieux Farka Touré n’a de cesse de revendiquer ses Racines du nord

malien. Comme lui, il se tient à distance du fourre-tout de la world music, préférant se connecter à la tradition musicale du peuple Songhai. En l’écoutant, on comprend mieux les origines du blues, que ce soit dans ses albums personnels à l’éclectisme érigé en figure de style, ou dans l’hommage au paternel Ali (paru chez Dead Ocean, en 2022), réinterprétation de ses titres avec le sublime trio texan Khruangbin, apportant une touche planante, thaï funk, voire psyché, à son univers. Si Vieux est LE grand guitariste du continent, affublé du surnom d’Hendrix du Sahara, il est aussi un chanteur inspiré, dont la voix chaude et profonde sert des textes engagés pour un retour à la paix et à la fraternité entre ethnies se déchirant depuis plusieurs années, notamment dans la zone des trois frontières entre Burkina Faso, Mali et Niger.

In die Fußstapfen seines Vaters treten, so schwer der Weg der Exzellenz und des Vergleichs mit einer Legende auch ist. Der Sohn des großen Ali Farka Touré, der ein Weggefährte von Amadou Hampaté Bâ war, bevor er der afrikanischen Musik ihren Adelstitel verlieh, Vieux Farka Touré, hat sich ohne Unterlass auf seine Racines (Wurzeln) im Norden Malis bezogen. Wie er hält er sich vom Sammelsurium der Weltmusik fern, zieht es vor eine Verbindung mit der musikalischen Tradition des Songhai-Volkes herzustellen. Wenn man ihm zuhört, versteht man die Ursprünge des Blues besser, ob in seinen persönlichen Alben, deren Eklektizismus zum Stil erhoben wird oder in einer Hommage an den Vater Ali (erschienen bei Dead Ocean, im Jahr 2022), mit einer Reinterpretation seiner Titel mit dem wunderbaren texanischen Trio Khruangbin, das seinem Universum eine Prise Thai-Funk oder gar Psychedelic Rock hinzufügt. Auch wenn Vieux DER große Gitarrist des Kontinents ist, ist er auch ein inspirierter Sänger, dessen warme und tiefe Stimme engagierten Texten dient, die für Frieden und Brüderlichkeit zwischen den Ethnien aufrufen, welche sich seit mehreren Jahren, insbesondere im Dreiländereck Burkina Faso, Mali und Niger, bekriegen.

À L’Espace Django (Strasbourg) jeudi 28 mars, à La Rodia (Besançon) vendredi 29 mars, au Gueulard Plus (Nilvange) samedi 30 mars, puis au Noumatrouff (Mulhouse) samedi 6 avril et à la Volkshaus (Bâle) lundi 22 avril

Im Espace Django (Straßburg) am Donnerstag den 28. März, in La Rodia (Besançon) am Freitag den 29. März, im Gueulard Plus (Nilvange) am Samstag den 30. März, dann im Noumatrouff (Mulhouse) am Samstag den 6. April und im Volkshaus (Basel) am Montag den 22. April espacedjango.eu – larodia.com – legueulardplus.fr noumatrouff.fr – volkshaus-basel.ch

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La voix est toujours claire, prête à rouler et s’emballer sur les tempos chamarrés de productions métisses. La Yegros est taillée pour les hymnes tubesques, quelque part entre hip-hop cubain façon Orishas et expérimentations sur des airs de rumba mâtinés de tango à la Gotan Project. Sa manière bien particulière de revisiter la copla traditionnelle ou le chamamé (avec ses guitares et accordéon) version dub, invite à la danse. Celle qui a grandi dans la banlieue de Buenos Aires assume pleinement sa musique « un peu brutale et primitive », une nu-cumbia héritée du croisement forcé des cultures africaines, européennes et autochtones du temps de l’esclavage. Cinq ans après son dernier opus, et alors que personne n’a oublié Viene de Mí, Mariana Yegros reprend le chemin de la scène pour y présenter HAZ , son quatrième album qui sort le 29 mars. Le roulement des samples et des machines colle aux basques d’instruments acoustiques : guitare funk de l’excentrique producteur colombien des Meridian Brothers (Eblis Alvarez), flûtes des Andes mais aussi bandonéon et percussions exaltées offrent un écrin enflammé à ses trouvailles vocales inspirées, ciselées pour danser.

Die Stimme ist immer hell, rollt und heult auf zu den überladenen Tempos gemischter Produktionen. La Yegros ist für Hit-Hymnen gemacht, irgendwo zwischen kubanischem Hip-Hop à la Orishas und Experimenten zu Rumba-Arien, die mit Tango getränkt sind, nach der Art von Gotan Project. Ihre sehr eigene Art und Weise die traditionelle Copla oder Chamamé (mit seinen Gitarren und Akkordeon) in einer Dub-Version zu reinterpretieren, lädt zum Tanzen ein.

Nu-Cumbia

Dix ans après sa rafraîchissante relecture du folklore colombien, La Yegros poursuit ses explorations electro cumbia !

Zehn Jahre nach ihrer erfrischenden Neuinterpretation der kolumbianischen Folklore setzt La Yegros ihre Elektro-Cumbia-Erkundungen fort!

Par Von Thomas Flagel – Photo de von Landry

Jene, die in den Vororten von Buenos Aires aufgewachsen ist, steht voll und ganz zu ihrer „ein wenig brutalen und primitiven“ Musik, eine Nu-Cumbia, die von der erzwungenen Kreuzung von afrikanischen, europäischen und autochthonen Kulturen zur Zeit der Sklaverei geerbt wurde. Fünf Jahre nach ihrem letzten Werk und nachdem niemand Viene de Mí vergessen hat, findet Mariana Yegros wieder den Weg auf die Bühne, um hier ihr viertes Album HAZ zu präsentieren, das am 29. März erscheint. Der Wechsel von Samples und Maschinen heftet sich an die Fersen akustischer Instrumente: Funk-Gitarre des exzentrischen kolumbianischen Produzenten der Meridian Brothers (Eblis Alvarez), Flöten aus den Anden aber auch Bandoneon und überschwängliche Schlaginstrumente bieten einen leidenschaftlichen Rahmen für ihre inspirierten Stimmen-Funde, die zum Tanzen einladen.

À l’Arche de Bethoncourt mercredi 10 avril (dans le cadre du festival BO DISTRICT, 09-14/04) et à La Vapeur (Dijon) jeudi 11 avril In der Arche de Bethoncourt am Mittwoch den 10. April (Im Rahmen aus des Festivals BO DISTRICT, 09.-14.04.) und in La Vapeur (Dijon) am Donnerstag den 11. April lemoloco.com – lavapeur.com

À paraître chez Erscheint bei X-Ray Production xrayproduction.com

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Girls run the world

Placée sous le signe des Jeux Olympiques de Paris, la 3e édition du Pop Women Festival mise sur la diversité et le foot féminin.

Die 3. Ausgabe des Pop Women Festivals, die ganz im Zeichen der Olympischen Spiele in Paris steht, setzt auf Diversität und Frauenfußball.

Par Von Emma Hodapp – Photo de von Ad èle Castillon par von Remi Besse

J«e crois beaucoup aux festivals pluridisciplinaires, parce que le public ne fait pas qu’une seule chose, il regarde des séries, écoute de la musique, lit des livres… », assure Cécile Bagot, fondatrice du Pop Women Festival. Depuis sa création en 2022, l’organisatrice explore le large panel de la Pop Culture au féminin et offre la visibilité nécessaire aux artistes femmes. Au cours de cette édition, des questions de pornographie et de sexualité seront abordées lors d’une rencontre avec l’autrice et documentariste engagée sur le sujet, Ovidie (Le Cellier, 08/03), tout comme Mai Lan Chapiron

avec son album illustré sur l’inceste (Le Loup). Pour clôturer les festivités, la lumineuse Adèle Castillon (ex-Vidéoclub) présentera son projet solo en concert (La Cartonnerie, 09/03). Mais en cette année de JO, c’est le foot féminin, « sport le plus ”pop culture” au monde », qui est particulièrement à l’honneur. Une poignée de joueuses du Stade de Reims – évoluant en D1 – se mettront en scène pour un championnat de foot dessiné, durant lequel les sportives s’entraîneront sur fond de musique du duo de DJs les Wouhou Girls, tandis que des auteurs (Chloé Wary, Gilles Rochier, etc.) tireront leur portrait en direct.

I„ch glaube sehr an interdisziplinäre Festivals, weil das Publikum nicht nur eine Sache macht, es schaut Serien, hört Musik, liest Bücher…“ versichert Cécile Bagot, die Gründerin des Pop Women Festivals. Seit seiner Kreation im Jahr 2022 erkundet die Organisatorin die große Spannweite der weiblichen Popkultur und bietet Künstlerinnen die nötige Sichtbarkeit. Im Laufe dieser Ausgabe werden Fragen der Pornographie und Sexualität angesprochen bei einer Begegnung mit der engagierten Autorin und Dokumentarfilmerin Ovidie (Le Cellier, 08.03.), genauso wie Mai Lan Chapiron mit ihrem illustrierten Album über Inzest (Le Loup). Zum Abschluss der Feierlichkeiten wird die strahlende Adèle Castillon (Ex-Vidéoclub) ihr Soloprojekt bei einem Konzert vorstellen (La Cartonnerie, 09.03.). Aber in diesem Jahr der Olympischen Spiele ist es der Frauenfußball „ der Sport der am Meisten „Pop-Kultur“ ist“, der besonders in den Vordergrund gestellt wird. Eine Handvoll Spielerinnen des Stade des Reims – aus der höchsten Spielklasse des französischen Frauenfußballs – werden an einer gezeichneten Fußballmeisterschaft (Le Cellier, 07/03) teilnehmen, bei der die Sportlerinnen zu Musik des DJ-Duos Wouhou Girls trainieren und Zeichnerinnen (Chloé Wary, Gilles Rochier, etc.) sie live portraitieren.

Au Cellier, à la Médiathèque Jean Falala, à La Comédie, à la Maison Commune du Chemin Vert, à La Cartonnerie et à la Fnac – Espace d’Erlon (Reims) du 7 au 9 mars

Im Cellier, in der Médiathèque Jean Falala, in La Comédie, in der Maison Commune du Chemin Vert, in La Cartonnerie und in der Fna Espace d’Erlon (Reims) vom 7. bis 9. März popwomenfestival.com

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Fiesta !

Du quatuor à cordes au jazz, les Heures Musicales du Kochersberg célèbrent leur 20e anniversaire en faisant une sacrée java.

Vom Streichquartett bis zum Jazz feiern die Heures Musicales du Kochersberg ihr 20jähriges Jubiläum mit einem rauschenden Fest.

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Amandine Lauriol (Quatuor Leonis)

U«ne diversité festive. » Voilà comment le directeur artistique du festival, Sébastien Lentz, résume son essence. Ainsi, le Matthieu Chazarenc Quartet (17/03) propose-t-il une échappée jazzistique : autour du batteur, bugle, contrebasse et accordéon composent un tapis ensorcelant sous le signe du rythme, entre douce mélancolie et échappées pétillantes. Tout aussi excitant est le spectacle du Quatuor Leonis intitulé Eclisse Totale (23/03). Imaginez une plongée dans la psyché d’un musicien classique de haut vol, qui rêve de faire voler les frontières entre les genres en éclats. Haydn y converse avec James Brown, tandis que Lenny Kravitz côtoie Bach dans un tourbillon sonore où les quatre instrumentistes dansent, virevoltent et valsent de concert. Enfin, les débats s’achèvent par une belle rencontre entre comédie musicale et claquettes. Broadway Rhythm (06/04) est un incroyable show signé Emma Kate Nelson dans lequel se mêlent musiques écrites par Cole Porter, Irving Berlin et George Gershwin, effets visuels et autres projections, mais aussi chorégraphies à couper le souffle !

Eine festliche Vielfalt.“ So fasst der künstlerische Leiter des Festivals, Sébastien Lentz seine Essenz zusammen. Das Matthieu Chazarenc Quartet (17.03.) zum

Beispiel, präsentiert einen Jazz-Ausflug: Rund um den Schlagzeuger komponieren Bügelhorn, Kontrabass und Akkordeon einen verzaubernden Teppich im Zeichen des Rhythmus, zwischen zarter Melancholie und prickelnden Ausreißversuche. Genauso aufregend ist die Aufführung des Quatuor Leonis mit dem Titel Eclisse Totale (23.03.). Stellen Sie sich ein Eintauchen in die Psyche eines hochkarätigen Klassik-Musikers vor, der davon träumt, die Grenzen zwischen den Musikstilen aufzuheben. Haydn spricht hier mit James Brown, während Lenny Kravitz mit Bach verkehrt, in einem Klang-Strudel, in dem die vier Musiker tanzen, herumwirbeln und walzen. Und schließlich endet das Fest mit einer schönen Begegnung zwischen Musical und Stepptanz. Broadway Rhythm (06.04.) ist eine unglaubliche Show von Emma Kate Nelson in der sich Musik von Cole Porter, Irving Berlin oder George Gershwin begegnet, mit visuellen Effekten und Projektionen aber auch atemberaubenden Choreographien!

À l’Espace Terminus (Truchtersheim) du 17 mars au 6 avril Im Espace Terminus (Truchtersheim) vom 17. März bis 6. April hmko.fr

40 POLY 266 Mars März 24 MUSIQUE MUSIK

Female gaze

Pour sa première mise en scène à l’opéra, la chorégraphe Constanza Macras livre une Carmen d’un féminisme radical.

Für ihre erste Operninszenierung liefert die Choreographin Constanza Macras eine radikal feministische Carmen.

Von Hervé Lévy – Photos de von Ingo Höhn

Si Constanza Macras ne va pas aussi loin que Leo Moscato, en 2018 à Florence – dans sa mise en scène c’est la bohémienne qui tuait le jaloux –, elle n’en propose pas moins une lecture de Carmen d’un féminisme exacerbé, métamorphosant la figure archétypale de la femme fatale de Bizet, libre et indépendante, en véritable combattante de la liberté. On la voit ainsi en dompteuse kitsch – pantalon de cuir marron, bottes à paillettes et fouet qui claque au vent – mater des danseurs grimés en tigres et lions d’opérette. Composé uniquement de filles, le chœur d’enfants défile au pas cadencé, brandissant des pancartes où se détache un poing levé, emblématique de la fin des années

1960. Si l’on ajoute que l’assassinat de l’héroïne est inscrit dans la longue série des féminicides contemporains, il est aisé de comprendre le message, plein de d’excellentes intentions. Il est asséné avec une certaine force… même s’il manque parfois de finesse, ce qui contribue à nuire à l’essence du drame, allant jusqu’à lui ôter l’odeur de souffre dont il est nimbé. Était-ce, par exemple, nécessaire de projeter sans cesse des images de manifestations de suffragettes ou de leurs descendantes sur un tulle occupant toute la scène ?

Cette lourdeur mise à part, les bonnes idées abondent, comme de ne pas opposer Carmen et Micaëla sur un mode impur / pur, afin de faire naître

une relation complexe, voire trouble, ou de métamorphoser l’héroïne en circassienne, la libérant de tout exotisme tsigane. Elle évolue dans un univers pop pailleté, nimbé d’un glamkitsch allant comme un gant à l’affaire, entre plateforme shoes vertes et bodies scintillants. Les six danseurs de la compagnie DorkyPark, fondée par la metteuse en scène, s’en donnent à cœur joie, twerkant sur une musique qui s’y prête étonnamment bien, portée par un Orchestre symphonique de Bâle (dirigé par Maxime Pascal) faisant preuve d’un surprenant dépouillement. Il confère une transparence que nous ne lui connaissions pas à la partition, sans doute histoire d’accompagner le sérieux du propos se déployant au

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plateau. Au niveau vocal, saluons la cohérence du duo formé par Rachel Wilson – Carmen au timbre incandescent, capable d’un stupéfiant dramatisme amusé – et Sarah Brady, Micaëla toute en clairs-obscurs d’une extrême délicatesse. Deux femmes dominant la distribution d’une mise en scène féministe : quoi de plus logique ?

Auch wenn Constanza Macras nicht so weit geht wie Leo Moscato im Jahr 2018 in Florenz – in seiner Inszenierung tötete die Roma den Eifersüchtigen – präsentiert sie nicht

weniger eine Lektüre von Carmen von übersteigertem Feminismus, verwandelt den Archetyp der freien und unabhängigen Femme fatale von Bizet in eine echte Freiheitskämpferin. So sieht man sie als kitschige Dompteurin – braune Lederhose, Stiefel mit Pailletten und durch die Luft sausende Peitsche – Tänzer bezwingen, die als Tiger und Löwen verkleidet sind. Der nur aus Mädchen bestehende Kinderchor marschiert im Gleichschritt, schwenkt Schilder oder hält die geballte Faust hoch, ein emblematisches Frauensymbol vom Ende der 1960er Jahre. Wenn man hinzufügt,

dass die Ermordung der Heldin in die lange Reihe der zeitgenössischen Frauenmorde eingereiht wird, ist es einfach die Nachricht zu verstehen, die voller guter Absichten steckt. Sie wird mit einer gewissen Kraft verbreitet… selbst wenn es manchmal ein wenig an Finesse fehlt, was der Essenz des Dramas schadet, ihm das Dämonische nimmt, das es durchtränkt. War es, zum Beispiel, nötig pausenlos Bilder von Suffragetten oder ihrer Nachkommen auf einen Tüll zu projizieren, der die gesamte Bühne bedeckt?

Wenn man über diese Schwere hinwegsieht, findet man lauter guter Ideen, wie jene Carmen und Micaëla nicht als Gegensätze aufzubauen, nach dem Motto Rein/ Unrein um eine komplexe, gar zwiespältige Beziehung entstehen zu lassen, oder die Heldin in eine Zirkusartistin zu verwandeln, um sie von jeglicher Zigeuner-Exotik zu befreien. Sie entwickelt sich in einem Pop-Universum voller Pailletten, überzogen von einem glamourösen Kitsch, der wie die Faust aufs Auge passt, zwischen grünen Plateau-Schuhen und funkelnden Bodys. Die sechs Tänzer der Truppe DorkyPark, die von der Regisseurin gegründet wurde, tanzt nach Herzenslust, twerkt zu einer Musik, zu der das erstaunlich gut passt, getragen vom Sinfonieorchester Basel (unter der Leitung von Maxime Pascal), das eine erstaunliche Einfachheit unter Beweis stellt. Er verleiht der Partitur eine Transparenz, die wir nicht kannten, sicherlich um die Ernsthaftigkeit der Aussage zu begleiten, die sich auf der Bühne entfaltet. Auf stimmlichem Niveau ist die Kohärenz des Duos aus Rachel Wilson – Carmen mit lebhaftem Timbre, die zu einer verblüffenden, amüsierten Dramatik fähig ist – und Sarah Brady, Micaëla in Hell-Dunkel, von extremer Delikatesse hervorzuheben. Zwei Frauen, die die Besetzung einer feministischen Inszenierung dominieren: Was wäre logischer?

Au Theater Basel, les 2, 5, 7, 17 et 26 mars, puis les 22, 24 et 27 avril, 6, 8 et 12 mai et 11 juin (en français avec surtitres allemands et anglais)

Im Theater Basel, am 2., 5., 7. 17. und 26. März, dann am 22., 24. und 27. April, 6., 8. und 12. Mai und 11. Juni (in französischer Sprache mit deutschen und englischen Übertiteln) theater-basel.ch

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Au bout de la nuit

À partir d’extraits d’œuvres de Schubert le plus souvent inachevées, Silvia Costa crée L’Autre voyage, nimbé d’un lyrisme mélancolique.

Am Ende der Nacht

Ausgehend von Werkauszügen von Schubert, von denen die meisten unvollendet blieben, kreiert Silvia Costa L’Autre voyage, getränkt von melancholischer Lyrik.

Par Von Hervé Lévy – Photos de von Stefan Brion

Si la rencontre entre Schubert et l’opéra ne se fit jamais réellement, le compositeur laisse un vaste corpus fait de partitions généralement inachevées, une terra incognita pour nombre de mélomanes. Adrast, Claudine von Villa Bella, Alfonso und Estrella… autant de singspiele fragmentaires qui servent de substance à cette œuvre imaginaire, puzzle fascinant qui « commence là où le Voyage d’Hiver se termine », résume le chef Raphaël Pichon, ici à la tête de son Ensemble Pygmalion. À partir de ces morceaux souvent d’une tonalité fort sombre, Silvia Costa a créé « l’histoire d’un médecin légiste face à sa propre mort. Tout se passe comme s’il se dédoublait pour vivre son décès, comme s’il se situait sur un seuil, entre la vie et la mort », résume la metteuse en scène. Le praticien (incarné par l’immense baryton Stéphane Degout) mène alors une dissection de son propre corps, ressemblant à une introspection douloureuse, qui le confronte à ses démons intérieurs et autres spectres.

Auch wenn die Begegnung zwischen Schubert und der Oper nie wirklich stattfand, hinterlässt der Komponist einen reichhaltigen Korpus mit in der Regel unvollen-

deten Partituren, eine terra incognita für viele Musikliebhaber. Adrast, Claudine von Villa Bella, Alfonso und Estrella… genauso viele bruchstückhafte Singspiele, die als Substanz für dieses Phantasie-Werk dienen, ein faszinierendes Puzzle, das „da beginnt, wo die Winterreise endet“, fasst der Dirigent Raphaël Pichon zusammen, der hier an der Spitze seines Ensembles Pygmalion steht. Von diesen Stücken mit einem oft düsteren Klang hat Silvia Costa sich „die Geschichte eines Gerichtsmediziners im Angesicht seines eigenen Todes ausgedacht. Alles passiert so, als ob er sich teilen würde, um seinen Tod zu erleben, als ob er sich an der Schwelle zwischen Leben und Tod befände“, fasst die Regisseurin zusammen. Der Arzt (hier verkörpert vom großartigen Bariton Stéphane Degout) seziert seinen eigenen Körper, was an eine sehr schmerzhafte Selbstbeobachtung erinnert, die ihn mit seinen inneren Dämonen und anderen Geistern konfrontiert.

À l’Auditorium de l’Opéra de Dijon mercredi 6 et vendredi 8 mars

Im Auditorium der Opéra de Dijon am Mittwoch den 6. und Freitag den 8. März opera-dijon.fr

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Berlin Calling

L’Orchestre philharmonique de Berlin investit Baden-Baden pour un Festival de Pâques du Festspielhaus à l’exaltante programmation.

Die Berliner Philharmoniker erobern BadenBaden für die Osterfestspiele im Festspielhaus mit einem begeisternden Programm.

Après une très réussie Femme sans ombre la saison passée, les Berliner Philharmoniker et Kirill Petrenko poursuivent leur parcours dans l’œuvre de Richard Strauss, à l’occasion de leur résidence pascale à Baden-Baden, par Elektra (23, 26 & 31/03). Avec un incroyable casting, la production mise en scène par Philipp Stölzl – qui œuvre aussi bien à Bregenz pour un génial Rigoletto que pour des clips de Madonna comme American Pie – s’annonce sous les meilleurs auspices. Sidérante dans le rôle-titre, la légende Nina Stemme – qui l’a chanté sur nombre de scènes prestigieuses

depuis ses débuts au Met, en 2016 –donne la réplique à Michaela Schuster (Clytemnestre), dont on connaît l’élégance du timbre et la force dramatique, dans un dialogue en forme de psychodrame paroxystique entre fille et mère. La sœur d’Électre, Chrysothémis, est incarnée par l’incandescente Elza van den Heever. Voilà trois femmes puissantes au service d’un opéra entraînant le spectateur aux confins de la folie, dans le tourbillon de la tragédie des Atrides, avec lequel le compositeur entre de plain-pied dans la modernité, grâce à une partition qui est autant un coup d’éclat, que de poing !

On retrouve le directeur musical à la tête de ses troupes pour un Gala Wagner (25/03) et un Concerto pour violon de Sibelius (29/03 & 01/04) annoncé d’anthologie, puisqu’il est interprété par Lisa Batiashvili. La virtuose géorgienne magnifiera assurément cette page à l’altière sobriété, écrite dans la solitude champêtre d’Ainola, la maison du compositeur finlandais. S’y rencontrent une mélancolie romantique aux accents nordiques – ce sentiment étreignant l’âme de manière si particulière au cœur du sombre hiver – et quelques étincelles lumineuses fulgurantes, réminiscences méditerranéennes, lointains échos du séjour du compositeur en Italie. Cette pièce entre en résonance avec la Symphonie n°4 de Brahms, automnale, inquiète et tourmentée, nimbée d’une noble noirceur et d’une intense mélancolie. Parmi les autres propositions du festival, un bouquet de concerts chambristes des musiciens de la prestigieuse phalange voisine avec une autre soirée événement : à la tête des Berliner, Tugan Sokhiev (24 & 30/03) fait se croiser Beethoven (son Concerto pour piano n°3 par Jan Lisiecki) et Bruckner. Utilisée par Luchino Visconti dans Senso, sa Symphonie n°7 convoque le souvenir de Wagner dans le mouvement lent, cueillant l’auditeur dès les premières mesures par un thème d’une longueur inhabituelle, qui semble naître du silence pour s’élancer vers l’infini, donnant le tempo d’un magistral voyage intérieur.

Nach einer sehr gelungenen Frau ohne Schatten in der vergangenen Saison setzen die Berliner Philharmoniker und Kirill Petrenko ihren

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Kirill Petrenko © Frederike Van der Straeten

Rundgang durch das Werk von Richard Strauss anlässlich ihrer Osterresidenz in Baden-Baden mit Elektra (23., 26. & 31.03.) fort. Mit einem unglaublichen Casting kündigt sich die von Philipp Stölzl inszenierte Produktion – der ebenso in Bregenz an einem genialen Rigoletto arbeitet, wie für Videoclips von Madonna mit American Pie – unter den besten Vorzeichen an. In der Titelrolle verblüffend, antwortet die legendäre Nina Stemme – die sie seit ihren Anfängen im Met im Jahr 2016 auf zahlreichen prestigeträchtigen Bühnen sang – auf Michaela Schuster (Klytämnestra), deren elegantes Timbre und deren dramatische Kraft man kennt, in einem Dialog in Form eines Psychodramas zwischen Mutter und Tochter. Die Schwester von Elektra, Chrysothemis wird von der lebhaften Elza van den Heever verkörpert. Drei starke Frauen im Dienste einer Oper, die den Zuschauer in die hintersten Winkel des Wahnsinns führt, in den Strudel der Tragödie der Atriden, mit der der Komponist ohne Umschweife in die Moderne eintritt, dank einer Partitur, die ebenso Paukenschlag wie Faustschlag ist!

Man trifft den musikalischen Direktor an der Spitze seiner Truppen wieder, für eine Wagner-Gala (25.03.) und ein Konzert für Violine und Orchester von Sibelius (29.03. & 01.04.), das großartig zu werden verspricht, da es von Lisa Batiashvili interpretiert wird. Die georgische Virtuosin wird sicherlich diese Seite von stolzer Nüchternheit verherrlichen, die in der ländlichen Einsamkeit von Ainola geschrieben wurde, dem Haus des finnischen Komponisten. Hier trifft eine romantische Melancho-

lie auf nordische Akzente – dieses Gefühl, das die Seele auf so besondere Weise erfasst, inmitten des düsteren Winters – und einige gleißende Funken, Erinnerungen an das Mittelmeer, ferne Echos eines Aufenthaltes des Komponisten in Italien. Dieses Stück geht einen Dialog mit der Symphonie Nr. 4 von Brahms ein, herbstlich, besorgt und gequält, überzogen von einer edlen Schwärze und einer intensiven Melancholie. Zu den weiteren Höhepunkten des Festivals gehört eine Reihe von Kammerkonzerten der Musiker des prestigeträchtigen Dirigenten, sowie ein weiterer Ereignis-Abend: An der Spitze der Berliner lässt Tugan Sokhiev (24. & 30.03.) Beethoven (und sein Klavierkon-

zert Nr. 3 von Jan Lisiecki) und Bruckner aufeinandertreffen. Von Luchino Visconti in Sehnsucht verwandt, erinnert seine Symphonie Nr. 7 mit der langsamen Bewegung an Wagner, nimmt den Zuhörer von den ersten Takten an mit in einem Thema von ungewöhnlicher Länge, das aus der Stille zu entstehen scheint, um sich in die Unendlichkeit zu stürzen und eine gewaltige innere Reise zu begleiten.

Au Festspielhaus (Baden-Baden) du 23 mars au 1er avril

Im Festspielhaus (Baden-Baden) vom 23. März bis 1. April festspielhaus.de

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Lisa Batiashvili © André Josselin

Extases pascales

Avec son programme protéiforme fait de 19 concerts, où le piano se taille une belle place, le Festival de Pâques de Colmar séduit.

Österliche Ekstase

Mit seinem vielfältigen Programm aus 19 Konzerten, in dem das Klavier einen prominenten Platz einnimmt, ist das Festival de Pâques in Colmar verführerisch.

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Oksana Lyniv par von Serhiy Horobets

Cette année, l’événement place le clavier sous les feux de la rampe. D’échappées chambristes – avec notamment la lauréate du Prix Clara Haskil de Vevey 2023, l’incroyable Magdalene Ho (27/03) – en soirées symphoniques, le menu s’annonce copieux. Ainsi, sous la baguette de Marc Coppey – l’occasion de découvrir que le directeur artistique du festival n’est pas uniquement un violoncelliste épatant –, Anna Tsybuleva interprète-t-elle le Concerto n°1 de Brahms (30/03). Parcourue de sentiments variés, il s’agit d’une page éperdument romantique, pétrie de délicatesse

et de fougues mêlées : «  Je fais un doux portrait de toi dans l’Adagio  », écrivit le compositeur à Clara Schumann. Si l’on craque aussi pour un récital à quatre mains signé Jean-Baptiste Doulcet et Arthur Hinnewinkel (28/03), impossible de ne pas mentionner la présence d’Oksana Lyniv, qui fut la première femme à diriger à Bayreuth, en 2021. À la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, elle embrasse la beauté du Requiem de Fauré (28/03), une musique n’ayant ni la pompe, ni la pesanteur d’une messe des morts telle qu’on l’entend traditionnellement, mais qui est nimbée d’une diaphane douceur.

In diesem Jahr stellt das Ereignis das Klavier ins Rampenlicht. Von Kammermusik-Ausflügen – insbesondere mit der Preisträgerin des Prix Clara Haskil de Vevey 2023, der unglaublichen Magdalene Ho (27.03.) – bis zu SymphonieAbenden, kündigt sich das Menu üppig an. So interpretiert Anna Tsybuleva unter der Leitung von Marc Coppey – die Gelegenheit zu entdecken, dass der künstlerische Leiter des Festivals nicht nur ein toller Violoncellist ist – das 1. Klavierkonzert von Brahms (30.03.). Von unterschiedlichen Gefühlen durchzogen, handelt es sich um eine völlig romantische Seite, voller Delikatesse und Elan: „Auch male ich an einem sanften Portrait von Dir, das dann Adagio werden soll.“, schrieb der Komponist an Clara Schumann. Wir werden auch schwach bei einem vierhändigen Konzert von Jean-Baptiste Doulcet und Arthur Hinnewinkel (28.03.), und es ist unmöglich nicht die Präsenz von Oksana Lyniv zu erwähnen, die als erste Frau im Jahr 2021 in Bayreuth dirigierte. An der Spitze des Orchestre philharmonique de Strasbourg umarmt sie die Schönheit des Requiems von Fauré (28.03.), einer Musik, die weder den Pomp, noch die Schwerfälligkeit einer Totenmesse hat, wie man sie traditionellerweise hört, sondern von einem transparenten Wohlklang umhüllt ist.

En l’Église Saint-Matthieu, au Théâtre municipal et dans d’autres lieux (Colmar) du 22 mars au 3 avril In der Église Saint-Matthieu, im Théâtre municipal und an weiteren Orten (Colmar) vom 22. März bis 3. April festivaldepaques-colmar.com

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SÉLECTION MUSIQUE MUSIK-AUSWAHL

Meryl

Avant de conquérir le Zénith de Paris (16/03), Meryl pose le nouveau show de son EP Ozoror à la Boite À Musique, avec de vrais musiciens sur scène, une première.

Bevor sie den Zénith de Paris (16.03.) erobert, präsentiert Meryl die neue Show zu ihrer EP Ozoror in der Boite À Musique, mit echten Musikern auf der Bühne, eine Premiere. 08/03, BAM (Metz) citemusicale-metz.fr

La Walkyrie

La gigantesque expérience musico-théâtrale de Wagner se poursuit dans la mise en scène S-F dystopique d’Alexandra Szemerédy et Magdolna Parditka.

Die riesige musikalisch-theatralische Wagner-Erfahrung setzt sich in der dystopischen Science-Fiction-Inszenierung von Alexandra Szemerédy und Magdolna Parditka fort.

09 & 29/03, 07/04, 11 & 30/05, 29/06, Théâtre national (Sarrebruck) Saarländisches Staatstheater (Saarbrücken) staatstheater.saarland

Al Di Meola

Depuis Mediterranean Sundance, le guitariste fascine par la virtuosité de son jazz fusion qui explore avec une dextérité rare les influences flamenco, musiques brésiliennes et moyenorientales, tango…

Seit Mediterranean Sundance fasziniert der Gitarrist mit der Virtuosität seines Fusion-Jazz, der mit einem seltenen Geschick die Einflüsse von Flamenco, brasilianischer und orientalischer Musik sowie Tango erkundet… 12/03, La Filature (Mulhouse) lafilature.org

Alexandre Kantorow

Le prodige du piano donne le quatrième concerto de Beethoven avec le Swedish Radio Symphony Orchestra placé sous la direction de Daniel Harding. Das Klaviergenie gibt das 4. Klavierkonzert von Beethoven mit dem Swedish Radio Symphony Orchestra unter der Leitung von Daniel Harding. 13/03, Philharmonie (Luxembourg) philharmonie.lu

Orchestre national de France

Un des meilleurs orchestres de l’Hexagone présente un programme Beethoven / Chostakovitch sous la baguette de Gemma New. Cerise sur le gâteau : la création de Cumulus Humilis, nouvelle œuvre pour flûte et orchestre de ClaireMélanie Sinnhuber, compositrice native de Strasbourg. Eines der besten Orchester Frankreichs präsentiert ein Programm Beethoven / Schostakowitsch unter der Leitung von Gemma New. Das i-Tüpfelchen: Die Uraufführung von Cumulus Humilis einem neuen Werk von Claire-Mélanie Sinnhuber, Komponistin aus Straßburg. 15/03, PMC (Strasbourg) philharmonique.strasbourg.eu

Eddy De Pretto

Plus la peine de présenter le chanteur de Créteil et son Crash Cœur , mais bon de savoir que sa tournée sold out fait une exception : cette date au Luxembourg comblera les souhaits des plus grands fans avec quelques billets encore disponibles !

Auch wenn man den Sänger aus Créteil und sein Crash Cœur, nicht mehr vorstellen muss, ist es gut zu wissen, dass seine ausverkaufte Tournee eine Ausnahme macht: Dieser Termin in Luxemburg wird seine größten Fans mit einigen übrigen Tickets beglücken!

17/03, Rockhal Club (Esch-sur-Alzette) rockhal.lu

MOJI x SBOY

Deux jeunes du rap hexagonal, promis au plus bel avenir, tant leur personnalité coule dans chacun de leurs projets. Le duo ne fait rien comme les autres, ose les mélodies et les pas de côtés pour créer des univers puissants.

Zwei junge Rapper aus Frankreich, deren Zukunft vielversprechend erscheint, da sich ihre Persönlichkeit in jedem ihrer Projekte ausdrückt. Das Duo macht nichts wie die anderen, wagt Schritte zur Seite.

30/03, Le Moloco (Audincourt) lemoloco.com

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Gemma New © Sylvia Elzafon Eddy De Pretto © Jesús Leonardo

Reality dreamin’

Explorant la porosité des mondes virtuels et réels, Mary-Audrey Ramirez déploie un inquiétant bestiaire dans Forced Amnesia. Indem sie die Durchlässigkeit zwischen virtuellen und realen Welten erkundet, entfaltet Mary-Audrey Ramirez ein beunruhigendes Bestiarium in Forced Amnesia.

Luxembourgeoise installée à Berlin, Mary-Audrey Ramirez aime que les gens ne puissent distinguer le réel de ce qui ne l’est pas. Elle déplace les frontières en confrontant son amour de l’univers des jeux vidéo à celui de visions fantasmagoriques un brin inquiétantes. Au centre de son exposition au Casino Luxembourg, une immense bestiole tentaculaire, sorte d’improbable combo entre les mondes du dessinateur Luiz Eduardo de Oliveira et l’esthétique blanche et froide de la Coréenne Lee Bul. Un moyen pour elle de compliquer la tâche des robots d’ Instagram , peinant à distinguer le contenu d’une image en blanc sur blanc, tout en surfant sur l’empathie des humains pour les bêtes ! Longtemps, elle a cousu ses formes en vinyle, mais voilà que la jeune artiste s’est lancée dans le modelage numérique et l’impression 3D, bataillant avec l’IA pour tenter de la faire dévier de son tropisme lisse et esthétiquement clinquant, preuve, selon elle d’un certain échec : «  Mon incapacité à décrire mes visions ». Ce mariage forcé donne des images inquiétantes, couchées sur

toiles de satin, entre fœtus animal et visions décharnées, comme figées dans le plastique. La pièce phare reste Forced Amnesia, vrai jeu inspiré de Journey, où l’on dirige une méduse lumineuse tentant d’échapper aux fantômes des créatures de l’expo.

Die in Berlin lebende Luxemburgerin Mary-Audrey Ramirez mag es, wenn die Leute die Realität nicht von ihrem Gegenteil unterscheiden können. Sie verschiebt die Grenzen, indem sie ihre Liebe zum Universum der Videospiele mit ein wenig beunruhigenden phantasmagorischen Visionen konfrontiert. Im Zentrum ihrer Ausstellung im Casino Luxembourg steht ein riesiges weitverzweigtes Tier, eine Art unwahrscheinliche Kombination zwischen den Welten des Zeichners Luiz Eduardo de Oliveira und der weißen und kalten Ästhetik der Koreanerin Lee Bul. Ein Mittel für sie die Aufgabe der Instagram-Roboter zu erschweren, die Probleme damit haben den Inhalt eines weißen Bildes vor weißem Hintergrund zu erkennen und dabei gleichzeitig auf

der Welle der Empathie der Menschen für die Tiere zu surfen! Lange hat sie ihre Formen in Lackstoffen genäht, aber nun hat die junge Künstlerin mit digitalen Modellen und 3D-Druck begonnen, mit der AI gekämpft, die sie versuchte von ihrem glatten Tropismus und ihrer kitschigen Ästhetik abzubringen, laut ihr ein Misserfolg, „meine Unfähigkeit dazu meine Visionen zu beschreiben “. Diese Zwangsheirat ergibt beunruhigende Bilder, auf Satin-Leinwand, zwischen Tierfötus und ausgemergelten Visionen, die wie in Plastik gegossen zu sein scheinen. Das zentrale Werk bleibt Forced Amnesia, ein echtes Spiel, das von Journey, inspiriert ist, in dem man eine leuchtende Qualle dirigiert, die versucht den Geistern der Kreaturen der Ausstellung zu entkommen.

Au Casino Luxembourg jusqu’au 28 avril Im Casino Luxemburg bis zum 28. April casino-luxembourg.lu

Légende Bildunterschrift

Devil Evil / Forced Amnesia, vue de l’exposition à la Ausstellungsansicht in der Kunsthalle Gießen, 2023 © Mary-Audrey Ramirez

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EXPOSITION AUSSTELLUNG

Dans les plis du réel

À la Fondation Beyeler, les « tableaux photographiques » de Jeff Wall offrent leurs captivantes énigmes au regard.

In den Falten der Realität

In der Fondation Beyeler präsentieren die „photographischen Gemälde“ von Jeff Wall ihre fesselnden Rätsel.

Par Von Hervé Lévy

L’événement est de taille : en réunissant 55 œuvres de Jeff Wall, soit un quart de son corpus environ, cette rétrospective fait dialoguer des compositions, le plus souvent de grand format, mélangeant les médiums – diapositives dans des caissons lumineux, tirages argentiques ou numériques – et les époques. Certains de ses « tableaux photographiques  » entrent en résonance avec l’histoire de l’art, que ce soit

de manière manifeste – A Sudden Gust of Wind (after Hokusai) , relecture, en 1993, d’une célèbre gravure du maître japonais – ou plus indirecte, comme le très vermeerien Mother of pearl (2016). Mais là n’est pas l’essentiel… Dans des mises en scène le plus souvent construites à l’extrême, saisissant l’instantanéité (l’iconique Milk en est une parfaite illustration, en 1984), l’artiste canadien se glisse dans les plis du réel, faisant

naître le trouble dans l’esprit du regardeur. Ainsi, Pair of Interiors (2018) est-il un monumental diptyque représentant un couple à l’air absent. Pyjama violet, pour lui. Robe de chambre vieux rose, pour elle. Les canapés sont grèges. Les meubles d’une élégance massive, un peu (com)passée. Le côté vaguement oppressant de l’affaire est renforcé par un éclairage blafard. À y regarder de plus près cependant, la similitude n’est

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que de façade : les protagonistes sont différents, les intérieurs aussi. Ce décalage ouvre des abîmes. Est-ce une métaphore de l’uniformité de l’esthétique bourgeoise ? Un questionnement sur l’inquiétante étrangeté de la banalité ? Une invitation d’essence contemporaine faite à affûter son regard pour distinguer le vrai du faux ?

Jeff Wall nous place face à des énigmes, explorant les frontières entre hasard et construction dans des compositions intrigantes, éminemment cinématographiques, aux strates multiples. Bouleversant le réel, l’artiste installe subrepticement des anomalies dans notre quotidien, comme s’il en faisait ressortir les angoisses secrètes : peur de la solitude, inquiétude face à des sociétés fracturées par le racisme et les inégalités… Sa narration se fait tantôt métaphysique – le triptyque I Giardini / The Gardens (2017) –, tantôt plus frontale, à l’image du regard de dingue du personnage couché au sol dans Insomnia (1994), évoquant curieusement Shining de Stanley Kubrick, ou d’Overpass (2001). Si la gamme chromatique utilisée rappelle Le Pont de l’Europe de Caillebotte, le propos, pour sa part, emporte irrésistiblement vers la question terriblement actuelle des migrations. Dans un monde sursaturé d’images, de plus

en plus incertaines et trompeuses, les œuvres mystérieuses de Jeff Wall font décidément un bien fou…

Ein Großereignis: Indem sie 55 Werke von Jeff Wall vereint, rund ein Viertel seines Korpus, lässt diese Retrospektive Kompositionen in einen Dialog treten, meistens Großformate, die Medien – Dias in Leuchtkästen, analoge oder digitale Photographien – und Epochen vermischen. Einige dieser „photographischen Gemälde“ beziehen sich auf die Kunstgeschichte, ob auf offensichtliche Weise –  A Sudden Gust of Wind (after Hokusai), eine Neuinterpretation aus dem Jahr 1993 einer berühmten Gravur des japanischen Meisters – oder indirekter, wie Mother of pearl (2016) nach Vermeer. Aber das ist nicht das Entscheidende… In meist extrem konstruierten Inszenierungen, die den Moment festhalten (das ikonische Milk, von 1984 ist eine perfekte Illustration) gleitet der kanadische Künstler in die Falten der Realität, lässt den Zweifel im Blick des Betrachters entstehen. So ist Pair of Interiors (2018) ein monumentales Diptychon, das ein abwesend wirkendes Paar darstellt. Violetter Schlafanzug für ihn. Bademantel in altrosa für sie. Die Sofas sind ecru. Die Möbel von massiver Eleganz, ein bisschen überholt. Die vage

Légendes Bildunterschriften

1. After Invisible Man by Ralph Ellison, the Prologue 1999-2000, fondation Emanuel Hoffmann, en dépôt dans la Depositum in der Öffentlichen Kunstsammlung Basel

2. The Thinker, 1986, Courtesy de l’artiste Courtesy der Künstler © Jeff Wall

bedrückende Seite der Affäre wird von einem fahlen Licht unterstrichen. Bei näherer Betrachtung ist die Ähnlichkeit nur eine Fassade: Die Protagonisten sind unterschiedlich, die Innenräume ebenfalls. Diese Verschiebung öffnet Abgründe. Ist es eine Metapher für die bürgerliche Ästhetik? Eine Frage zur beunruhigenden Eigenartigkeit der Banalität? Eine zeitgenössische Einladung dazu seinen Blick zu schärfen, um Wahrheit und Lüge zu unterscheiden?

Jeff Wall stellt uns vor Rätsel, erkundet die Grenzen zwischen Zufall und Konstruktion in zutiefst kinematographischen Kompositionen, mit zahlreichen Ebenen. Indem er die Realität auf den Kopf stellt, installiert der Künstler heimlich Anomalien in unserem Alltag, so als ob er die geheimen Ängste zum Vorschein bringe: Angst vor der Einsamkeit, Besorgnis im Angesicht unserer von Rassismus und Ungleichheit geprägten Gesellschaften… Seine Erzählung ist mal metaphysisch – das Triptychon I Giardini / The Gardens (2017) –, mal frontal, wie beim verrückten Blick der Person, die in Insomnia (1994) auf dem Boden liegt und dabei erstaunlicherweise an Shining von Stanley Kubrick, oder Overpass (2001) erinnert. Auch wenn die Farbpalette an Le Pont de l’Europe von Caillebotte denken lässt, führt die Aussage unaufhaltsam zu den schrecklich aktuellen Fragen der Migrationen. In einer von Bildern übersättigten Welt, die immer ungewisser und trügerischer sind, tun die mysteriösen Kompositionen von Jeff Wall wahnsinnig gut…

À la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle) jusqu’au 21 avril

In der Fondation Beyeler (Riehen / Basel) bis 21. April fondationbeyeler.ch

> Visite guidée en français les 10/03 & 07/04

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Supersounds

À la Stadtgalerie de Sarrebruck, Natalie Brück présente Ränder dieser Bilder, où sons et images se questionnent.

In der Stadtgalerie Saarbrücken präsentiert Natalie Brück mit Ränder dieser Bilder, Ton und Bild, die sich gegenseitig befragen.

Par Von Raphaël Zimmermann – Portrait de von Natalie Brück par von Tina Linster

En effervescence permanente, la Stadtgalerie de Sarrebruck accueille, jusqu’au 11 mars, quatre plasticiens en résidence dans le cadre du programme d’échanges avec le Luxembourg Artmix (présentation du 2 au 26 mai, ainsi qu’au Cercle Cité de Luxembourg du 3 mai au 30 juin). Parallèlement, s’y déploie l’exposition monographique de Natalie Brück qui s’inspire des disques pour réaliser Ränder dieser Bilder , véritable “album audiovisuel” composé de plusieurs morceaux. Si le travail de la native de Sarrelouis évolue entre pièces parlées, vidéos et performances, il prend ici son timbre comme pivot : « En utilisant ma voix de manière ciblée, je mets en scène les pensées qui apparaissent et disparaissent de manière poétique ou dérangeante » Le résultat ? Un tourbillon visuel porté par ses sons, tour à tour d’une infinie douceur

et d’une violence extrême, tandis que des silences suspendus alternent avec de fantastiques fracas. Entre vrai et faux, l’artiste nous transporte à La Périphérie de ces images, traduction possible du titre de l’exposition.

In permanenter Bewegung empfängt die Stadtgalerie Saarbrücken bis zum 11. März vier Künstlern in einer Künstlerresidenz im Rahmen des Austauschprogramms Artmix mit Luxembourg (Präsentation vom 2. bis 26. Mai in Saarbrücken und vom 3. Mai bis 30. Juni im Cercle Cité de Luxembourg). Parallel dazu entfaltet sich die Einzelausstellung von Natalie Brück, die sich von Platten für zu Ränder dieser Bilder inspirieren lässt, einem wahrhaftig „audiovisuellen Album“, das aus mehreren Stücken besteht. Die Arbeit der aus Saarlouis stammenden Künstlerin be-

wegt sich zwischen Sprechstücken, Videos und Performances und nimmt hier ihr Timbre als Dreh-und Angelpunkt: „Die auf- und abtauchenden Gedankengänge inszeniere ich durch den gezielten Gebrauch meiner Stimme auf poetisch bis verstörende Weise.“ Das Ergebnis? Ein visueller Wirbelsturm, der von ihren Klängen getragen wird, abwechselnd von unendlicher Sanftheit und von extremer Gewalt, während Ruhepausen mit phantastischem Krach abwechseln. Zwischen Wahrheit und Lüge transportiert uns die Künstlerin an diese Ränder der Bilder

À la Stadtgalerie (Sarrebruck) jusqu’au 26 mai In der Stadtgalerie (Saarbrücken) bis zum 26. Mai stadtgalerie-saarbruecken.de nataliebrueck.com

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Words, Natalie Brück, 2021 © Oliver Dietze

Factory boy

Ben Greber métamorphose des objets industriels en sculptures dans Green Machine.

Ben Grever verwandelt in Green Machine Industrie-Objekte in Skulpturen.

Par Von Julia Percheron – Photos de von Christof Weber

Artiste allemand passionné par la production d’outils de notre vie quotidienne (transformateur électrique, moulins, etc.), Ben Greber est aussi influencé par son histoire familiale. «  L’installation Stillegung Anlage 1 est une maquette ferroviaire en plastique, sur laquelle se trouve un bunker », explique Charles Wennig, commissaire d’exposition. « C’est dans un tel édifice que son arrière-grand-père, qui travaillait pour le Troisième Reich, est mort. » Un lourd passé qui se retrouve à travers un équipement noir, triste et amer, dans une petite salle aux dimensions exactes de l’appartement de son ancêtre. Greber se questionne sur le rapport qu’entretient aujourd’hui l’homme avec les dispositifs manufacturés. Il remet ainsi ce type de machines, parfois oubliées ou dissimulées dans la jungle urbaine, sous le feu des projecteurs, les façonnant à partir de carton, plâtre et résine, ou en moulant les modèles existants. Das Große Danach, sa nouvelle série, révèle d’innombrables moulages issus, pour la plupart, d’une friche industrielle du bassin d’Esch-sur-Alzette. Socles de bougie disparaissant sous de la cire brûlée, vieilles armoires à pharmacie et anciens lavabos figurent parmi son inventaire. Un faux désordre placé crûment le long d’étagères, au milieu de murs en béton ou recouverts de peinture blanche, éclairé d’une lumière éclatante.

Der deutsche Künstler Ben Greber, der eine Leidenschaft für die Herstellung von Werkzeugen aus dem alltäglichen Leben pflegt (Transformator, Mühlen, etc.), wird auch von seiner Familiengeschichte beeinflusst. „Die Instal-

lation Stillegung Anlage 1 ist ein Eisenbahnmodell aus Plastik, auf dem sich ein Bunker befindet“, erklärt Charles Wennig, der Kurator der Ausstellung. „In einem solchen Gebäude ist sein Urgroßvater, der für das Dritte Reich arbeitete, gestorben.“ Eine schwerwiegende Vergangenheit, die sich in einer schwarzen Ausstattung widerspiegelt, die traurig und bitter ist, in einem kleinen Saal mit den exakten Dimensionen des Appartements seines Vorfahren. Greber untersucht die Beziehung, die der Mensch heute mit von Hand gefertigten Dispositiven unterhält. So stellt er diese Art von Maschinen, die manchmal im urbanen Dschungel vergessen oder versteckt sind, ins Rampenlicht, indem er sie aus Karton, Gips und Harz formt oder Abdrücke von existierenden Modellen macht. Das Große Danach, seine neue Serie, präsentiert unzählige Abgüsse, die zum Großteil aus einer Industriebrache bei Esch-sur-Alzette stammen. Kerzenhalter verschwinden unter verbranntem Wachs, alte Arzneischränke und Waschbecken gehören zu seinem Inventar. Eine falsche Unordnung auf den Regalbrettern an den Betonwänden oder mit weißer Farbe bedeckt, erhellt von einem gleißenden Licht.

À la Konschthal Esch (Esch-sur-Alzette) jusqu’au 31 mars In der Konschthal Esch (Esch-sur-Alzette) bis zum 31. März konschthal.lu

Légendes Bildunterschriften

1. Umspannwerk - Das Große Danach, 2023 (Détail Detail)

2. Stilllegung, Anlage 1, 2018, Neuer Kunstverein Wuppertal

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EXPOSITION AUSSTELLUNG

Des Souris et des Hommes

Dans une séduisante poésie, Anna Haifisch s’empare du Musée Tomi Ungerer pour sa première exposition monographique en France.

Von Mäusen und Menschen

In einer verführerischen Poesie erobert Anna Haifisch das Musée Tomi Ungerer für ihre erste Einzelausstellung in Frankreich.

Par Von Hervé Lévy

Accroché aux grilles du Musée, l’immense Triptyque de Strasbourg donne le ton. Sur un panneau, une souris longiligne, palette et pinceau en main, s’apprête à peindre. Sur le second, un piaf mélancolique semble concentrer toute la misère du monde, tandis que le dernier montre un moulin à vent sur les ailes duquel sont juchées les deux bestioles. Le dessin est simple. La gamme chromatique, réduite. Pour cette exposition, Anna Sailer, la nouvelle directrice de l’institution strasbourgeoise, frappe fort, faisant découvrir

la dessinatrice allemande Anna Haifisch. Dans un décalage poétique permanent, la trentenaire explore la vie d’artiste – un des fils rouges de sa création – avec un humour laconique : en témoigne une première salle en forme de plongée dans son atelier, mais aussi son personnage né dans Vice, où elle publie une colonne hebdomadaire, depuis 2008. The Artist – c’est son nom – est un drôle d’oiseau, dont la lauréate du prestigieux Max und Moritz Preis 2020 narre la vie (pas toujours) de bohème. Dans la Clinique Von Spatz, maison de santé de

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Santa Monica également nommée Pavillon des visionnaires, on croise en outre Walt Disney en plein burnout qui disserte, désabusé, avec Saul Steinberg et Tomi Ungerer, également en crise créatrice.

Pour représenter l’humaine comédie, Anna Haifisch utilise des bêtes – comme Art Spiegelman, Charles Schulz, etc. – qui sont bien souvent en complet décalage avec le monde. Elle a une prédilection pour les souris : « Elles sont des proies pour presque tous les animaux ; il y a une dimension tragique à leur existence. Elles sont aussi particulièrement interchangeables avec leur fourrure grise et le fait qu’elles soient si nombreuses », résume-t-elle. Dans un autre opus, deux rongeurs sont ainsi en résidence à Fahrenb ü hl, lieu imaginaire niché au cœur des montagnes, en quête d’inspiration dans une fiction qui possède, comme souvent, des traits autobiographiques. Il y a là une poésie un brin désenchantée, autre fil rouge dans l’œuvre de la native de Leipzig. Elle aime se glisser au cœur d’hétérotopies, espaces d’une confondante banalité dans leur apparence, mais qui consistent en des échappées belles hors du monde, conformes en cela à la définition qu’en donnait Michel Foucault : une localisation physique de l’utopie. Il en va ainsi de la Villa Aurora à Los Angeles, où l’artiste était en résidence en 2022, et dont elle rapporta Ready America, variation post-pop sur le rêve californien, où la pub et les autres signes saturant l’espace urbain envahissent tout, générant un sentiment ambivalent de répulsion / fascination.

Das riesige Triptyque de Strasbourg, das am Tor des Museums hängt, gibt den Ton an. Auf einem Schild macht sich eine langgezogene Maus mit Palette und Pinsel in der Hand daran zu malen. Auf einem Zweiten, scheint sich ein melancholischer Spatz auf das Elend der Welt zu konzentrieren, während das Letzte eine Windmühle zeigt, auf deren Flügeln die beiden Tiere sitzen. Die Zeichnung ist einfach. Die Farbpalette reduziert. Für diese Ausstellung hat Anna Sailer, die neue Direktorin der Straßburger Institution, die Messlatte hoch gelegt, mit der Entdeckung der deutschen Zeichnerin Anna Haifisch. In einer permanenten poetischen Diskrepanz erkundet die Dreißigjährige das Künstlerleben – einer der roten Fäden ihres Schaffens – mit einem lakonischen Humor: Davon zeugt ein erster Saal in Form eines Eintauchens in ihr Atelier, aber auch ihre Figur, die in Vice entstanden ist, wo sie seit 2008 eine wöchentliche Kolonne veröffentlicht. The Artist – das ist ihr Name – ist ein komischer Vogel, dessen Leben die Preisträgerin des prestigeträchtigen Max-und-MoritzPreises 2020 erzählt. In Clinique Von Spatz, der Nervenheilanstalt von Santa Monica, die auch als Pavillon der Visionäre bezeichnet wird, trifft man unter anderem auf Walt Disney mitten im Burnout, der enttäuscht mit Saul Steinberg und Tomi Ungerer spricht, die ebenfalls in einer kreativen Krise stecken.

Um die menschliche Komödie zu repräsentieren, nutzt Anna Haifisch Tiere – wie Art Spiegelman, Charles Schulz, etc. – die oft eine völlige Diskrepanz gegenüber der Welt darstellen. Sie hat eine Vorliebe für Mäuse: „Sie sind Beute für fast alle Tiere; es liegt etwas tragisches in ihrer Existenz. Sie sind auch besonders austauschbar mit ihrem grauen Fell und der Tatsache, dass sie so zahlreich sind“, fasst sie zusammen. In einem anderen

Werk halten zwei Nager eine Residenz in Fahrenbühl, einem imaginären Ort in den Bergen, auf der Suche nach Inspiration in einer Fiktion, die, wie so oft, autobiographische Züge trägt. Einer der roten Fäden der gebürtigen Leipzigerin ist eine leicht desillusionierte Poesie, sie befasst sich gerne mit Heterotopien, Räumen von erstaunlicher Banalität in ihrer Erscheinung, die Ausflüge außerhalb der Welt sind, der Definition von Michel Foucault entsprechend: Eine physische Verortung der Utopie. So ist es mit der Villa Aurora in Los Angeles, in der die Künstlerin 2022 artist in residence war, von wo sie Ready America mitbringt, eine Post-Pop-Variation zum kalifornischen Traum, in dem die Werbung und andere Zeichen den Stadtraum sättigen, alles bevölkern und ein ambivalentes Gefühlt von Abstoßung / Faszination erzeugen.

Au Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration (Strasbourg) jusqu’au 7 avril

Im Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration (Strasbourg) bis zum 7. April musees.strasbourg.eu

Légendes Bildunterschriften

1. Planche pour Clinique von Spatz, Platte für Von Spatz 2015. Collection de l’artiste Sammlung der Künstlerin

2. Still Life, 2023

3. Ready America, 2023. Collection de l’artiste Sammlung der Künstlerin

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Puzzles

Une exposition et un bouquet de sérigraphies : Speedy Graphito questionne l’histoire de l’art dans des mosaïques colorées.

Eine Ausstellung und zahlreiche Siebdrucke: Speedy Graphito befragt die Kunstgeschichte in bunten Mosaiken.

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Benoît Linder pour für Poly

Cela fait plusieurs années que L’Estampe – qui fête cette année son 45e anniversaire – collabore avec Speedy Graphito : «  Erró me l’a présenté et nous avons accroché de suite. Une première aquagravure a été réalisée, puis d’autres », se souvient Thierry Lacan, fondateur et directeur de la galerie strasbourgeoise. «  Connu comme un des pionniers français du street art, il est aussi un peintre d’atelier qui aime plus que tout se confronter à l’histoire de l’art, dans une recherche continuelle. » De ce compagnonnage est née une exposition regroupant des œuvres de toutes les époques et un jeu de sept sérigraphies, réunies dans un coffret intitulé Mon Histoire de l’Art Olivier Rizzo – le nom de baptême de notre homme – y livre sa version, colorée et inspirée, d’icônes comme La Jeune fille à la perle de Vermeer, Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, La Liseuse de Fragonard ou encore Femmes de Tahiti de Gauguin. Délaissant de plus en plus la rue, estimant « avoir presque fait le tour de la question », Speedy Graphito peint des toiles où il se collète bien souvent avec ses prédécesseurs. Rien de neuf depuis Le Radeau de la Méduse ou les radeaux des médusés, dans lequel il questionnait, en 1986, l’œuvre de Géricault. « Je me suis construit avec tant d’artistes. Petit, je reproduisais des œuvres de Léonard de Vinci, de Picasso… Ils sont les membres ma famille, comme des morceaux de moi. Symboliquement, je me place dans leur continuité », résume le créateur de Lapinture. Le résultat est un immense mix chromatique éclatant : les univers entrent en fraternelle collision dans des mosaïques où se discernent des fragments de Keith Haring, des fractions de Roy Lichtenstein qui citait déjà Matisse – « J’adore ces réinterprétations de réinterprétations qui créent comme

des poupées russes dans une mise en abyme stimulante  » –, des miettes des ciels si caractéristiques du Van Gogh des dernières années ou encore des éléments constitutifs du vocabulaire pictural chaleureux de Miró. Le processus est classique. Il a été employé par Picasso, Bacon et bien d’autres. Il acquiert néanmoins ici une dimension colorée, oscillant entre figuration libre et réminiscences pop : dans ces puzzles artistiques, les références au passé se métissent de motifs géométriques répétitifs, rappelant que le père de l’artiste était tapissier. Les œuvres de Speedy Graphito sont d’éclatantes énigmes qu’il appartient à chacun de résoudre.

Seit mehreren Jahren arbeitet die Galerie L’Estampe – die in diesem Jahr ihr 45. Jubiläum feiert – mit Speedy Graphito zusammen: „Érro hat ihn mir präsentiert und es hat sofort gepasst. Eine erste Wassergravur wurde realisiert, dann weitere“, erinnert sich Thierry Lacan, Gründer und Direktor der Straßburger Galerie. „Er ist als einer der französischen Pioniere der Street Art bekannt geworden, aber er ist auch ein Atelier-Maler, der es über alles liebt, sich mit der Kunstgeschichte zu konfrontieren, in einer kontinuierlichen Suche“, unterstreicht er. Aus dieser Begegnung ist eine Ausstellung entstanden, die Werke aus allen Epochen und einen Satz von sieben Siebdrucken vereint, die in einem Set mit dem Titel Mon Histoire de l’Art (Meine Kunstgeschichte) erscheinen. Olivier Rizzo – der bürgerliche Name unseres Mannes – liefert hier seine bunte und inspirierte Version von ikonischen Werken wie Das Mädchen mit dem Perlenohrgehänge von Vermeer, Das Frühstück im Grünen von Manet, Die junge Leserin von Fragonard oder auch Frauen am Strand von Gauguin. Nachdem er

mehr und mehr die Straße verlässt, da er „alle Möglichkeiten ausgereizt hat “, malt Speedy Graphito Gemälde, in denen er sich oft mit seinen Vorgängern auseinandersetzt. „ Ich habe mich mit so vielen Künstlern weiterentwickelt. Als ich klein war, reproduzierte ich Werke von Leonardo da Vinci, von Picasso… Sie sind die Mitglieder meiner Familie, wie Teile von mir. Symbolisch stelle ich mich in eine Kontinuitätslinie mit ihnen“, fasst der Schöpfer von Lapinture zusammen. Das Ergebnis ist ein riesiger, strahlender Farbmix: Die Universen stoßen auf brüderliche Art und Weise aufeinander, in Mosaikbildern, in denen man Fragmente von Keith Haring, Teile von Roy Lichtenstein entdeckt, der schon Matisse zitierte – „Ich liebe diese Neuninterpretationen von Neuinterpretationen, die etwas wie Matroschka-Puppen erzeugen in einer stimulierenden Mise en Abyme“ – Himmelskrümel, die so charakteristisch für den späten Van Gogh sind oder auch konstitutive Elemente des warmen Bildvokabulars von Miró. Der Prozess ist klassisch. Hier nimmt er nichtsdestotrotz eine vielfarbige Dimension an, wechselt zwischen freier figürlicher Darstellung und Pop-Erinnerungen: In seinen Kunst-Puzzles vermischen sich die Bezüge zur Vergangenheit mit wiederholten geometrischen Motiven. Die Werke von Speedy Graphito sind voller Rätsel, die jeder für sich lösen muss.

À L’Estampe (Strasbourg) jusqu’au 2 mars

In L’Estampe (Straßburg) bis 2. März estampe.fr – speedygraphito.free.fr

> Les sérigraphies composant Mon Histoire de l’Art, ainsi que le coffret, sont disponibles à la galerie

> Die Siebdrucke zu Meine Kunstgeschichte, sowie das gesamte Set sind in der Galerie erhältlich

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L’Œuvre au noir

Deux expositions présentent les gravures de l’artiste strasbourgeois Éric Meyer, qui œuvre régulièrement dans Poly. Entretien nimbé d’une sombre poésie.

Die schwarze Flamme

Zwei Ausstellungen präsentieren die Gravuren des Straßburger Künstlers Éric Meyer, der regelmäßig für Poly arbeitet. Ein Gespräch voller düsterer Poesie.

Par Von Hervé Lévy – Portrait par von Benoît Linder pour für Poly

Comment définissez-vous votre pratique artistique ?

Je donne forme à des histoires en transformant un récit en gravure, en passant par le dessin. Disons que j’imprime des ambiances, je le sens comme ça. Je pratique surtout la gravure d’épargne (ou en relief). Ces termes académiques désignent l’impression d’images réalisées à partir de matrices en bois, lino, ou également en matières plastiques, recyclées, que j’utilise beaucoup. C’est un travail assez artisanal, voire besogneux, à la table et à l’établi. Ce côté “tradi” me plait et je suis loin d’en avoir fait le tour. Quand je creuse mes plaques, un imaginaire se crée durant ce temps plus ou moins long, à partir du dessin qui se transforme sous l’action des gouges. J’anticipe l’image qui sera ensuite imprimée, c’est assez beau de travailler ainsi. Avec ça, je revendique cette jouissance à se coltiner les matériaux : le bois, les encres, les papiers. Je dirais la même chose pour mes boulots en volume.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Ce qui m’environne, tout simplement. Je mitonne cela avec les références qui ont nourri mon imaginaire. Je suis un contemplatif et une éponge, avec un regard lucide et décalé. L’inspiration s’alimente alors d’elle-même, comme le feu, et nourrit différents registres que j’exploite un peu à la manière d’un filon de mine. Des univers naturels, urbains, indus, ou plus actuels et sociaux, moins lyriques mais plus drôles. J’avoue ces derniers temps une appétence pour l’architecture et l’élément liquide, l’eau douce ou salée, que j’aime représenter de manière plutôt revêche, alors que la BD franco-belge, les graveurs qui m’ont précédé et les peintures de marines nous la montrent en mouvement ou colorée, de toutes ses humeurs possibles. Quel rapport avec ces sujets ? Je n’en sais trop rien. Être artiste est une injonction qui vous tombe dessus, dans un contexte donné qui vous dépasse également. Mais j’aime bien ce grand écart entre une idée d’élévation, les cheminées, et cet appel sombre vers le fond de mes ambiances aquatiques. Alors je creuse.

Peut-on parler de poésie noire pour vos gravures ? Oui bien sûr. C’est dû aussi à cette discipline, où la radicalité du noir et blanc impose une puissance formelle. J’admets avoir une certaine réserve avec la couleur, même si en gravure

je l’embrasse aussi, à la marge. Les journées sont courtes ! Fouchtra ! On me rapporte parfois que mes gravures rappellent la bande dessinée. Pourquoi pas, mais ne serait-ce pas cette dernière qui a repris les codes de la gravure ? J’aime les murs des vieilles fabriques, c’est un peu indécent, de nos jours, puisqu’on ne les admet qu’une fois muséifiées [rires], alors que derrière leurs briques, il y a des hommes. De là surgit

À quai

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EXPOSITION AUSSTELLUNG

une poésie toute “masereelienne”. Les façades d’immeubles, vides, les cheminées, les étendues d’eau, autant d’allégories à la fois majestueuses et angoissantes. Avec la solitude comme principale invitée.

Wie definieren Sie ihre künstlerische Praxis?

Ich verleihe Geschichten eine Form, in dem ich eine Erzählung in eine Gravur umsetze, mit dem Umweg über die Zeichnung. Man kann sagen, dass ich Stimmungen drucke, so empfinde ich es. Ich verwende vor allem das Hochdruckverfahren (oder Reliefverfahren). Diese akademischen Begriffe bezeichnen den Bilddruck ausgehend von Matrizen aus Holz, Linoleum oder auch aus recyceltem Plastik, das ich häufig benutze. Es ist eine sehr handwerkliche, harte Arbeit, am Tisch und an der Werkbank. Diese traditionelle Seite gefällt mir und ich habe noch lange nicht alles erkundet. Wenn ich meine Platten graviere, entsteht während dieser mehr oder weniger langen Zeit eine Vorstellungwelt, ausgehend von der Zeichnung, die sich unter der Aktion der Hohlbeitel verwandelt. Ich nehme gedanklich das Bild vorweg, das dann gedruckt wird, es ist sehr schön so zu arbeiten. Dazu bekenne ich mich zu diesem Vergnügen sich mit dem Material zu konfrontieren: dem Holz, den Tinten, den Papieren. Ich würde das Gleiche über meine dreidimensionalen Arbeiten sagen.

Was sind ihre Inspirationsquellen?

Einfach das, was mich umgibt. Ich vermische das mit den Referenzen, die meine Vorstellungswelt nähren. Ich bin ein beschaulicher Mensch und ein Schwamm, mit einem scharfsinnigen und unerwarteten Blick. Die Inspiration erzeugt sich dann von selbst, wie das Feuer und nährt verschiedene Register, die ich wie Ader in einer Mine abbaue. Natürliche, urbane, industrielle Universen, oder aktueller und sozialer, weniger lyrisch, aber lustiger. In letzter Zeit habe ich eine Vorliebe für die Architektur und das flüssige Element, Süß-

oder Salzwasser, das ich eher auf schroffe Art darstelle, während der französisch-belgische Comic, die Gravurkünstler, die mir vorausgingen und die maritimen Gemälde sie uns in Bewegung oder in Farbe zeigen, mit allen ihren Gemütszuständen. Welche Beziehung zu diesen Themen? Das weiß ich nicht. Künstler zu sein ist ein Befehl, der Sie übermannt, in einem Kontext, der Sie ebenfalls übersteigt. Aber ich mag gerne diesen Spagat zwischen einer Idee der Erhebung, den Schornsteinen und diesem düsteren Appell zu den Abgründen meiner Wasser-Stimmungen. Deswegen suche ich.

Kann man für ihre Gravuren von schwarzer Poesie sprechen?

Ja, natürlich. Das liegt auch an dieser Disziplin, bei der die Radikalität des Schwarz-Weiß eine formelle Kraft einfordert. Ich gebe zu, dass ich etwas reserviert gegenüber Farben bin, auch wenn ich sie bei der Gravur auch am Rande benutze. Die Tage sind kurz! Verdammt! Man sagt mir manchmal, dass meine Gravuren an Comics erinnern. Warum nicht, aber wäre es nicht eher dieser, der die Codes der Gravur übernommen hat? Ich mag die Mauern der alten Fabriken, das ist heutzutage etwas anstößig, denn man akzeptiert sie erst wenn sie einmal zum Museum umgestaltet wurden [Lachen], obwohl hinter ihren Ziegelsteinen Menschen stehen. Daraus entsteht eine Poesie à la Frans Masereel. Die leeren Gebäudefassaden, die Schornsteine, die Wasserflächen, alles gleichzeitig majestätische wie beängstigende Allegorien. Mit der Einsamkeit als wichtigstem Gast.

À L’appARTement (Montbéliard) jusqu’au 30 mars et au Port autonome de Strasbourg du 11 mars au 31 mai avec Olivier Godat

In L’appARTement (Montbéliard) bis zum 30. März und im Port autonome de Strasbourg vom 11. März bis 31. Mai mit Olivier Godat strasbourg.port.fr

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La Dolce vita

À la kunsthalle messmer, Bella Italia réunit scooters iconiques et toiles automobiles hyperréalistes, signées Enrico Ghinato.

In der kunsthalle messmer vereint Bella Italia ikonische Motorroller und hyperrealistische Gemälde von Autos von Enrico Ghinato.

Par Von Raphaël Zimmermann

A«u milieu de la nuit en catimini / E va la nave va la douce vie / On s‘en ira toute la vie / Danser le calypso en Italie  », chantait Lilicub au mitan des années 1990, faisant rêver la France entière à une Italie tellement désirable. Cet esprit irrigue une très belle exposition où une douzaine de scooters historiques sont montrés, dont plusieurs véhicules emblématiques, comme la Vespa 125 mod. 51, que chevauchent Audrey Hepburn et Gregory Peck dans Vacances romaines ! Ils dialoguent avec les tableaux hyperréalistes d’Enrico Ghinato, magnifiant les voitures de sport, Ferrari en tête. La lumière se reflète avec délicatesse sur les chromes d’une Barchetta de 1948 entourée de femmes élégantes. Luxe, calme et volupté dans des seventies fantasmées, sur les bords du lac de Côme. À l’image de Malcolm Morley, Chuck Close ou Richard Estes, l’artiste nous

emporte dans un au-delà où le réel est comme cristallisé, dans une méta-réalité en forme de trompe-l’œil, questionnant en profondeur notre perception en jouant avec les illusions par superpositions de strates de sensation.

„Inmitten der Nacht, heimlich / E va la nave va das sanfte Leben / Wir gehen ein ganzes Leben lang / Calypso tanzen in Italien“, sang Lilicub Mitte der 1990er Jahre und was ganz Frankreich von Italien träumen ließ. Dieser Geist prägt eine sehr schöne Ausstellung in der rund zwölf historische Motorroller gezeigt werden, darunter mehrere emblematische Fahrzeuge, wie die Vespa 125 mod. 51 auf der Audrey Hepburn und Gregory Peck in Ein Herz und eine Krone fahren! Sie gehen einen Dialog mit den hyperrealistischen Gemälden von Enrico Ghinato ein, der Sportwagen verherrlicht, allen voran

Ferrari. Das Licht spiegelt sich auf delikate Weise auf den Chromteilen einer Barchetta von 1948, umgeben von eleganten Frauen. Luxus, Ruhe und Lust in phantasierten Siebzigerjahren, am Ufer des Comer Sees. Wie Malcolm Morley, Chuck Close oder Richard Estes entführt uns der Künstler auf eine andere Seite, in der die Realität kristallisiert zu sein scheint, in einer Meta-Realität in Form eines Trompe-l’œils, die unsere Wahrnehmung infrage stellt, indem sie mit Illusionen anhand von Überlagerungen verschiedener Gefühlsebenen spielt.

À la kunsthalle messmer (Riegel am Kaiserstuhl) du 2 mars au 23 juin In der kunsthalle messmer (Riegel am Kaiserstuhl) vom 2. März bis 23. Juni kunsthallemessmer.de

Légende Bildunterschrift

Enrico Ghinato, Ferrari 166 MM Barchetta 1948, 2018  © IMAGO Art Gallery

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SÉLECTION EXPOSITIONS AUSSTELLUNGS-AUSWAHL

Sub umbra alarum

Cette plongée dans une période de l’Histoire, de 1716 à 1741, où Luxembourg était une forteresse des Habsbourg, met en valeur l’importante extension des fortifications sous le nouveau régime autrichien.

Dieses Eintauchen in eine Periode der Geschichte zwischen 1716 und 1741, während der Luxemburg eine Festung der Habsburger war, stellt den großen Ausbau der Befestigungsanlage unter dem neuen österreichischen Regime in den Vordergrund.

Jusqu’au Bis 14/03, Musée Dräi Eechelen (Luxembourg) m3e.public.lu

Power Up

Sous-titré Imaginaires techniques et utopies sociales, ce projet collaboratif s’empare de la thématique des infrastructures énergétiques à travers une approche féministe.

Mit dem Untertitel Technische Vorstellungswelten und soziale Utopien nimmt sich dieses kollaborative Projekt dem Thema der energetischen Infrastrukturen aus einem feministischen Blickwinkel an.

Jusqu’au Bis 28/04, Kunsthalle (Mulhouse) kunsthallemulhouse.com

Presque partout

Les dialogues changeants entre une œuvre et son environnement sont au cœur de ce parcours. Entourées du travail de l’artiste japonais Soshiro Matsubara, les œuvres de la collection côtoient des récits qui parlent de modèles alternatifs d’accès à l’art.

Die sich ändernden Dialoge zwischen einem Werk und seiner Umgebung sind im Zentrum dieses Rundgangs. Die Werke der Sammlung sind von den Arbeiten des japanischen Künstlers Soshiro Matsubara umgeben und Erzählungen, die vom alternativen Zugang zur Kunst sprechen.

Jusqu’au Bis 18/08, Frac Lorraine (Metz) fraclorraine.org

ImPOSSIBLE (2)

L’exposition rend hommage au pouvoir de l’imaginaire et présente des œuvres érigeant l’impossible comme un modèle alternatif à une réalité de plus en plus trompeuse. De Yves Klein à Sigmar Polke, en passant Jeff Wall, Anish Kapoor… Die Ausstellung ist eine Hommage an die Macht der Vorstellungskraft und präsentiert Werke, die das Unmögliche als ein alternatives Modell zu einer immer trügerischeren Realität darstellen. Von Yves Klein bis Sigmar Polke, über Jeff Wall, Anish Kapoor… 02/03-26/05, Museum Frieder Burda (Baden-Baden) museum-frieder-burda.de

Dédicaces en lumière Widmungen aus Licht (1) Lorsqu’en 1963 Dan Flavin (1933-1996) installe au mur de son studio un banal tube fluorescent penché et lui donne le statut d’œuvre d’art, c’est un geste radical. Cette rétrospective est dédiée au plasticien qui a libéré la couleur de la bi-dimensionnalité de la peinture.

Als Dan Flavin (1933-1996) im Jahr 1963 an den Wänden seines Studios eine banale geneigte Neonröhre installiert und ihr den Status eines Kunstwerkes verleiht, ist dies eine radikale Geste. Diese Retrospektive ist einem Künstler gewidmet, der die Farbe aus der Zweidimensionalität der Malerei befreit hat. 02/03-18/08, Kunstmuseum Basel | Neubau (Bâle) kunstmuseumbasel.ch

En Découdre !

Philippe Jacq développe un art qui se concentre sur le concept de l’hybridation culturelle. Il propose ici un fascinant projet de frise géante composée de tissus, dont les références oscillent entre Orient et Occident.

Philippe Jacq entwickelt eine Kunst, die sich auf das Konzept der kulturellen Hybridisierung konzentriert. Er präsentiert hier ein faszinierendes Projekt eines riesigen Zierstreifens zwischen Orient und Okzident.

15/03-05/05, Espace Apollonia (Strasbourg Straßburg) apollonia-art-exchanges.com

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Alexandra Bircken, Super Duke, 2023, Ottmann Collection, Munich Dan Flavin, untitled (to Don Judd, colorist) 1-5, 1987 © Stephen Flavin / 2024, ProLitteris, Zurich Photo : Alessandro Zambianchi, Milano
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Cook show

Salon professionnel regroupant la fine fleur de la gastronomie, Egast accueille de nombreux événements : zoom sur le Trophée Henri Huck.

Egast, der Profi-Salon, der die Crème de la Crème der Gastronomie vereint, empfängt zahlreiche Ereignisse: Fokus auf die Trophée Henri Huck.

Von Hervé Lévy – Portrait de von Jérôme Schilling par von Jean-Marc Lhomer

Né en 1983, le Trophée Henri Huck rend hommage à un chef globe trotter (1893-1989) qui cuisina à l’Ambassade de France de Berlin, ouvrit le restaurant de L’Aubette, à Strasbourg, et fonda le Syndicat des Cuisiniers d’Alsace Lorraine, en 1950. Pour succéder à Joël Philipps (2022), il faudra proposer, pour huit personnes, des lapins servis en ballottine, notamment accompagnés d’une pièce entière de chou farci, découpée en salle, et un dessert végétal sur la base d’un biscuit sablé. Pour départager les six candidats, tous chefs confirmés, le jury sera présidé par le lauréat 2010, Jérôme Schilling. «  C’était le premier concours que je faisais, et le soir de la victoire ma femme m’annonçait qu’elle était enceinte… Une sacrée journée », se souvient le Meilleur Ouvrier de France, qui avait notamment confectionné «  un poulet façon bressane en timbale de pommes de terre, un classique d’Escoffier ». Aujourd’hui au piano du restaurant Lalique installé dans les murs du château Lafaurie-Peyraguey (deux étoiles au Guide Michelin), le chef alsacien a composé un jury regroupant des personnalités qui comptent pour lui, de la superstar Thierry Marx à Jean-Yves Schillinger, en passant par Hubert Maetz ou Jérôme Jaeglé.

Die 1983 ins Leben gerufene Trophée Henri Huck ehrt einen Globetrotter-Küchenchef (1893-1989), der in der Französischen Botschaft in Berlin kochte, das Restaurant in L’Aubette, in Straßburg, eröffnete und die Gewerk-

schaft der Küche aus Elsass-Lothringen im Jahr 1950 gründete. Um die Nachfolge von Joël Philipps (2022) anzutreten muss man kleine Hasenrouladen für acht Personen in Begleitung eines gefüllten Kohls anbieten, der im Saal zerteilt wird und ein pflanzliches Dessert auf der Basis eines Mürbeteigs. Um den besten der sechs Kandidaten zu küren – alle sind erfahrene Küchenchefs – wird Jérôme Schillig, der Preisträger 2010 den Vorsitz der Jury übernehmen. „Es war der erste Wettbewerb, an dem ich teilnahm und am Abend des Sieges sagte mir meine Frau, dass sie schwanger war… Was für ein Tag“, erinnert sich der Meilleur Ouvrier de France, der unter anderem „ein Bressehuhn im Kartoffelauflauf gekocht hatte, einen Klassiker von Escoffier“. Heute am Herd des Restaurants Lalique in den Mauern des Château Lafaurie-Peyraguey installiert (zwei Sterne im Guide Michelin), hat der elsässische Küchenchef eine Jury aus Persönlichkeiten zusammengestellt, die für ihn zählen, vom Superstar Thierry Marx bis zu Jean-Yves Schillinger über Hubert Maetz oder Jérôme Jaeglé.

Le Trophée Henri Huck se déroule au cours du salon Egast, dont la 19e édition se déploie au Parc des Expositions de Strasbourg du 17 au 20 mars

Die Trophée Henri Huck wird auf dem Salon Egast ausgetragen, dessen 19. Auflage sich vom 17. bis 20. März im Parc des Expositions de Strasbourg entfaltet egast.eu – fraternelle-alsace.fr

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L’âme de la terre

Propriétaire et récoltante, Françoise Bedel produit des champagnes respectueux du vivant. Zoom sur une maison pionnière.

Die Seele der Erde

Die Weingutbesitzerin und Winzerin Françoise Bedel produziert Champagner, die die Natur respektieren. Fokus auf das Haus einer Pionierin.

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Didier Tatin

Le domaine n’est pas bien grand : huit hectares et quelque. Ne fait pas un battage de tous les diables. Reste que la (très) discrète Françoise Bedel, à sa tête depuis 1979, y fait des merveilles. Cultivé en biodynamie depuis 1998, ce vignoble pionnier se place symboliquement sous le patronage d’une phrase souvent attribuée à Saint-Exupéry, riche de (bon) sens, qui affirme : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres. Nous l’empruntons à nos enfants . » Sérénité et équilibre sont les mots d’ordre de champagnes où s’exprime l’essence d’un terroir. Belle carte de visite de la maison, la cuvée Origin’elle est un assemblage plein de rondeur et de fraîcheur qui reflète l’encépagement du domaine : 80% de pinot meunier, 15% de chardonnay et 5% de pinot noir. Autre belle bouteille, la bien nommée Entre Ciel et Terre est d’une droiture impressionnante : ses bulles radieuses emportent dans un univers fait d’harmonie, où la puissance du pinot noir (50% de l’assemblage) s’exprime avec une intensité et une énergie rares.

Das Weingut ist nicht sehr groß: Rund acht Hektar. Meidet jeglichen Rummel. Dabei wirkt die (sehr) diskrete Françoise Bedel,

die es seit 1979 leitet, hier Wunder. Dieser Pionier-Weinberg, der seit 1998 in Biodynamik kultiviert wird, stellt sich symbolisch unter die Schirmherrschaft eines Satzes, der oft Saint-Exupéry zugeschrieben wird und viel Sinn macht: „ Wir erben nicht die Erde von unseren Vorfahren. Wir leihen sie von unseren Kindern.“ Ausgeglichenheit und Gleichgewicht sind die Leitworte von Champagnern, in denen sich die Essenz eines Terroirs ausdrückt. Eine schöne Visitenkarte des Hauses ist die Cuvée Origin’elle, eine Assemblage voller Offenheit und Frische, die den Rebsortenbestand des Weinguts widerspiegelt: 80% Pinot Meunier, 15% Chardonnay und 5% Pinot Noir. Eine weitere schöne Flasche ist die gut benannte Entre Ciel et Terre (Zwischen Himmel und Erde), die erstaunlich gradlinig ist: Ihre frohlockenden Bläschen entführen in ein Universum aus Harmonie, in der die Kraft des Pinot Noir (50% der Assemblage) sich mit Intensität und seltener Energie ausdrückt.

Champagne Françoise Bedel 71 Grande Rue (Crouttes-sur-Marne)

L’abus d’alccol est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

66 POLY 266 Mars März 24 UN DERNIER POUR LA ROUTE AUF EIN LETZTES GLAS
champagne-bedel.fr
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