METROPOLIS ⎮ L'INFORMATION NE S'ACHÈTE PAS, ELLE SE DONNE ⎮ N°8

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N° 008 MARS 2008

MAGAZINE MENSUEL - GRATUIT

Nancy

L ’ I N F O R M A T I O N N E S ’ A C H E T E P A S , E L L E S E D O N N E

ENQ U E T E EXCLUSIVE

T H FIG

S B U L -C

Un championnat parallèle, hors des stades. Avec la rue pour arène. Pour la première fois à Nancy, les indépendants parlent de leur guerilla urbaine.

COSMOPOLIS DES COMETES A L’ATMOSPHERE

PORTRAIT PROFILER DE MOMIES

STARMODELS NANCY LA CLASSE MANNEQUIN

GRAND REPORTAGE LES DRAGONS DE KOMODO




PHOTO COUVERTURE : FRANCIS DEMANGE

Des combats de rue au sang à la lutte feutrée pour le pouvoir, de la virulence des récits journalistiques à l’oppression du système judiciaire contraint d’assurer la sécurité plutôt que la justice de la paix, la violence en ce mois de mars, ce mois dédié au Dieu de la Guerre, fait décidément monter le mercure très haut. Bien au-delà des normes saisonnières, de la normale morale, basique et ordinaire. Que les bonnes intentions se terrent, la suspicion ambiante transformera bientôt les meilleures actions en offenses diffamantes, réquisitoire suivi servilement, direction prison. Quand la Terre se réchauffe, la température intracrânienne augmente d’autant. A tous les niveaux de la pyramide, à commencer par son pharaon, dont les ancêtres se considéraient comme des Dieux solaires avant que leur dernier avatar ne s’abaisse au caniveau vulgaire avec cette phrase d’une sobriété lapidaire : « casse toi alors pauvre con ». Violence. Et comme dans cette société du risque zéro médiatique, il faut toujours trouver une responsabilité imputable, les troubles de l’ordre nouveau, c’est de la faute aux journalistes « ces charognards » qui traités comme des hyènes finissent bien par en adopter le rictus. Violence communicative dont héritent les vieux localiers décortiquant les élections municipales avec la verve des grands jours, du grand choix moral, soufflant le chaud et le froid à proportion de leur ennui. A chacun son étendard, son arène, son titre. Se défendre, c’est bien de la violence légitime ? Alors quand des hordes de supportersultras du football décident de se la coller à même la rue, faisant couler un filet de sang, le plumitif y va de son filet d’encre, et résume : bière, drogues, neurones malades et point. Sans même chercher les origines de cette violence, son ADN social, sa signification. Plus personne ne s’intéresse, semble-t-il, à la compréhension, prologue nécessaire à la guérison. Dans cette société rongée par la fièvre on traque la responsabilité, on solutionne l’équation par la rétention du problème. Récemment, un cadre d’une entreprise de BTP a écopé de neufs mois de prison ferme parce qu’un de ses sous-traitants, qui avait pourtant rempli tous les formulaires exigés par la loi, avait engagé un ouvrier clandestin, décédé dans un accident de chantier. Le cadre qui gère des dizaines de chantiers, en remplissant toutes ses obligations légales avec conscience, a été inculpé. A titre de leçon. Dans le même ordre de violence faite aux responsables, certaines petites communes peinent à trouver des Maires qui acceptent le poids de cette responsabilité pénale. Les compagnies d’assurances rechignent à assurer les membres du corps médical. Il existe pourtant une notion de droit essentielle, une vieille pratique qui permet de juger au cas par cas, sans la contrainte du Ministère, de la statistique, c’est : l’indépendance de la Justice. Un principe de précaution de la conscience. On ne doit jamais juger pour les médias ou pour la victime. On doit juger des faits dans leur singularité. Peut-être qu’en libérant le jugement bien au-delà de la sphère juridique, en se focalisant moins sur les erreurs de parcours, mais plus sur les obligations de l’intention ou la notion de préméditation, le corset de la violence civile se desserrera un peu. Peut-être réaliserat-on alors que tendre vers la paix est un bien social plus estimable que de chercher à se calfeutrer dans la sécurité. « Quant au mois de mars, ça m’étonnerait qu’il passe l’hiver » (Pierre Desproges).

Sébastien Di Silvestro

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à Lola METROPOLIS N°008 MARS 2008

FRANCIS DEMANGE

VIOLENCES ELECTIVES

METROPOLIS EDITIONS S.a.r.l au capital de 8.000 € 39, Place de la Carrière 54 000 Nancy Tel : 08.74.59.25.96 Rédaction : metropoliseditions@free.fr Annonces & publicité : publilor@publilor.com Dépôt Légal : à parution ISSN : 1958-1688


La violence, c’est quand même terriblement graphique. Il y a “dedans une énergie cinégénique incroyable. On entre dans le domaine de la métaphore, du symbole. ”

Abel Ferrara

Directeur de la publication : Sébastien Di Silvestro Développement : David Gegonne Conception et réalisation graphique : Christine Wetz Ont collaboré à ce numéro : Ema Nymton, Tamurello, Gilles Sahali, Olivier Braizat, Bouche Dorée, Guillaume Eckly, Alexandre Ratel, Alexandre Gombaut, Pierre Donard, Adrien Richard, Angelino Capretti Jr., Laura Duret… Photos : Francis Demange (Dr J.), C2, SDS, Tamurello, Sylvain Parent, Fotolia... Relecture : Delphine Tonnot, Vincent Thomas, David Gegonne, Tiphaine Wendling

Web : http://metropolisnancy.free.fr

Responsable Administrative : Tiphaine Wendling et aussi : Thomas Gregy, Marc Braillon Site internet : Thomas Noël et Nicolas Soltys Distribution : FAITES LE SAVOIR ! DIFFUSION faiteslesavoir@yahoo.fr Imprimerie : GROUPE GUYOT Nancy - Laxou

Régie publicitaire : PUBLILOR REGIE 19 bis rue de la Meuse 54320 MAXEVILLE Tel : 03.83.35.39.39 Fax : 03.83.32.72.97 www.publilor.com Gérante : Bernadette Pommier

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SOM Sous les Spotlights Le clip de Rachid Wallas une superproduction Made in Nancy

FIGHT-CLUBS

No Comment

Enquête exclusive : un championnat parallèle, hors des stades avec la rue pour arène. Pour la première fois les indépendants de nancy prennent la parole pour expliquer leur « autre rage de vaincre »

Kléber et Arcelor

CV

Décryptage des affiches de la campagne

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Starmodels L’Elite de Nancy

Actuellement à Nancy Jouez à la guerre sans vous salir

Vous n’aviez rien compris L’affaire des surirradiés d’Epinal

Portraits • Francis Janot • Christophe Crotti • Fabien Froment


MAIRE

Que faites-vous, citoyens ?

Spectacles Cosmopolis Episode II : des comètes issues des rayons solaires

La bibliothèque US Nancy menacée de « black out »

Une tartine, un verre de vin, une lecture : les 3 coups !

Litterature

La Pucelle un mensonge d’Etat ?

Les Chroniques du palais La paix de la sagesse ou la folie de la sécurité ?

Love is in the air...

Qui va conquérir les cœurs d’Alexandre et de Stéphanie ?

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Les matchs en images

Nancy dans le Cinéma Il y a longtemps que je t’aime

Grand Reportage Monde Les dragons de Komodo : légendes et réalités

Musique Reportage France Des femmes dans le moteur

Le Jardin du Michel revient


ACTUELLEMENT A NANCY

Lasermax Lasermaxx Le temple de la guerilla urbaine

Houdemont

D

epuis un mois est ouvert à Houdemont, à côté de Nancy, un des plus gros complexes de jeu de tir avec laser. Découvrons en image ce lieu bien particulier où petits et grands jouent aux cowboys et aux indiens, au flic et au gangster, en se canardant allègrement sans autre but que celui de s’amuser. Lorsque Joseph Masucci et Livio Miglioli décident d’ouvrir ce centre de loisir, le challenge est élevé : il s’agit de construire un espace de jeu où près de 30 personnes peuvent se tirer dessus équipées de lasers dans un labyrinthe sur deux niveaux, de près de 700 m2 ! Après 5 mois de travaux ces deux nancéiens ont atteint leur but en présentant un des plus beaux complexes d’Europe. En effet, là où la plupart des sites analogues présentent un décor fait de bandes adhésives fluorescentes, la décoration a été ici laissée à un artiste grapheur qui a entièrement décoré ce parcours ludique du combattant aux couleurs d’une station spatiale se situant entre Alien et Predator. En plus d’être un espace de jeu ouvert au public et aux entreprises, le centre constitue également un showroom technologique pour tous les entrepreneurs désireux d’ouvrir une enseigne tirée de ce concept qui connaît un succès croissant. A ce titre, à partir du 10 mars 2008, il sera possible d’essayer la toute nouvelle génération de matériel laser, proposant des modes de jeux toujours plus variés et des effets lumineux de plus en plus sophistiqués. Alors que les plus jeunes se régalent d’après-midi endiablés, les plus âgés préfèrent les soirées pour des parties rythmées par de la musique « boum ! boum ! ». Chargez les lasers, au contact !

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PHOTOS : C2


BREVES

LE RACISME FRAPPE ENCORE ILLUSTRATION

Nouvelle affaire de racisme dans le football français. Celle-ci s’est déroulée lors du match Metz-Valenciennes (2-1), le samedi 16 février dernier. Le capitaine valenciennois Abdeslam Ouaddou a été la cible d’injures à caractère raciste de la part d’un pseudo-supporter messin tout au long de la première période du match. Excédé par la violence de ses insultes, Abdeslam a tenté de monter dans la tribune du Stade pour obtenir « des explications en direct ». Mais paradoxalement c’est lui qui a rejoint les vestiaires avec un carton jaune pour comportement anti-sportif. Après le match, il a décidé de porter plainte contre cet énergumène, tout comme le club, la Ligue de Football Professionnel mais aussi SOS Racisme ou encore la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA). Un carton rouge certes, mais après match…

Sur un arbre perché

C2

Que peut bien faire un retraité accroché dans un arbre ? C’est à cette question de haut vol qu’a du répondre un parapentiste de 75 ans à Fellering (Haut-Rhin), le 18 février dernier, à l’issue d’un vol. Le malheureux septuagénaire s’est retrouvé coincé dans un arbre de 12 mètres de haut pendant près d’une heure. Paralysé par la peur, il a refusé de descendre, malgré la quinzaine de pompiers et de gendarmes mobilisés, dont un peloton de grimpeurs, et même un hélicoptère. Après avoir ruminé sa vertigineuse descente, il a finalement retrouvé le plancher des vaches…

M. Scoumoune Même si les preuves semblaient l’accabler (cf. Metropolis n°7), le Schumacher local, Loïc, a été relaxé par le Tribunal Correctionnel de Nancy le 1er février 2008. Ce jeune homme, soupçonné de s’être fait filmer au volant de sa voiture à 225 km/h et d’avoir diffusé la vidéo sur internet, ne sera donc pas poursuivi, étant donné qu’il est impossible de dater exactement la vidéo. Sans date, sans heure, le délit ne pouvait donc pas être caractérisé, ce qui empêchait d’établir si oui ou non les faits pouvaient être prescrits.

DR

Fast and furious 2

Non, ce n’est pas un gag : Jean-François Daraud, aussi connu sous le nom de «  Monsieur Scoumoune » se présente aux élections municipales de Carcassonne. Il s’est auto-proclamé « homme le plus malchanceux de France », mais il faut avouer que les faits lui donnent raison. Jugez plutôt : 35  accidents, trois comas, 40 fractures, 1895 jours d’hospitalisation et 1095 journées dans le plâtre. Cet ancien cycliste va donc tenter de conjurer le sort avec sa liste nommée … EPO ! (Ensemble Pour l’Ouverture)

Alerte à la bombe à l’aéroport de Lorraine

DR

Après la gare de Nancy au mois de décembre dernier, c’est au tour de l’aéroport de Lorraine d’avoir connu une alerte à la bombe le vendredi 8 février 2008. A l’origine de cet incident, une valise esseulée dans le hall. Après avoir remarqué l’objet suspect, les employés de l’aéroport ont suivi la procédure standard en appelant les gendarmes et les démineurs. Dans le même temps, le terminal a été évacué et le trafic interrompu pendant près d’une heure. Il s’agissait en réalité d’un simple oubli de la part du propriétaire du bagage. Chargé comme un avion-cargo, le voyageur qui avait emporté 7 bagages avec lui ne s’était simplement pas rendu compte qu’il lui en manquait un.

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PHOTOS : DR

NO COMMENT L’ACTU EN IMAGES

Michelin roule – Toul brûle

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DR

BREVES

Défilé de soutiens Après la Secrétaire d’Etat Rama Yade, c’était au tour du Ministre de la Défense Hervé Morin de faire escale le mercredi 20 février à Toul. C’est sur invitation de la députée Nadine Morano, qu’Hervé Morin s’est rendu au 516ème régiment du train. Il a assisté à une présentation des troupes et remis trois diplômes et insignes à des réservistes citoyens. Sa venue était également l’occasion de rassurer les militaires de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey quant à l’avenir de leur compagnie.

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MORT D’HENRI SALVADOR Un grand Monsieur de la chanson française nous a quittés mercredi 13 février, les grandes formations de cuivres et les orchestres de « cool jazz » ont perdu l’une de leur toute dernière voix. Silences.

Apparition de la Vierge Ce mois de février a été marqué par un anniversaire pas comme les autres : les 150 ans de l’apparition de la Sainte Vierge à Bernadette Soubirous. Pour l’occasion, plus de 10 millions de pèlerins et malades du monde entier avaient fait le déplacement à Lourdes, dans l’espoir de voir si Marie n’avait pas décidé de revenir fêter ça.

DR

Le tribunal correctionnel de Nancy a sévi dans deux affaires très similaires. Une femme a été poursuivie pour avoir usurpé l’idendité de l’examie de son compagnon sur des sites de rencontres où elle avait laissé les numéros de téléphone portables de sa rivale. Parallèlement, un jeune militant politique, s’estimant éconduit de la campagne de sa candidate, avait insultée cette dernière sur un site en se faisant passer pour un militant du bord adverse. Les deux usurpateurs ont tous les deux été coincés par l’analyse de leur adresse IP. Ils écopent respectivement de deux mois de prison avec sursis et 600 euros de dommages et intérêts, et de 4 000 euros d’amende dont 3 000 euros avec sursis. La cyberdiffamation ne paie pas.

DR

L’usurpation d’identité sur Internet sanctionnée


NO COMMENT L’ACTU EN IMAGES

DR

PHOTOS : C2 et DR

ARCELOR-GANDRANGE

LE METAL RESPIRE ENCORE

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VOUS N’AVIEZ RIEN COMPRIS Le petit résumé des grandes histoires

L’affaire des

surirr a

Des « troubles ». Ainsi se plaignent quelques patients récemment soignés à l’hôpital Jean-Monnet d’Epinal par radiothérapie pour un cancer de la prostate, en 2005. Diarrhées, sang dans les selles, effort physique impossible, incontinence. Douleurs incessantes. « Impossible », répond-on en substance aux vieillards un peu trop douillets. L’un des deux radiothérapeutes du service répond à ses patients pleurnichards qu’ils « n’ont qu’à s’estimer heureux d’être en vie ». En mars 2006, la famille d’un des patients signale pourtant ce qu’elle croit être une surirradiation à la police. Ce n’est que le 12 septembre 2006 que l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH) de Lorraine révèle qu’un « accident de radiothérapie » a provoqué des complications chez treize des vingt-trois patients traités entre mai 2004 et mai 2005. En cause, une mauvaise compréhension d’un nouveau logiciel et des paramétrages imprécis de la machine, par un personnel mal formé. L’ARH annonce des surirradiations de plus de 20%. Le scandale éclate.

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C2

Episode 1 + Les débuts d’un fiasco

Episode 2 + L’affaire devient judiciaire Quelques jours plus tard, la directrice de l’hôpital d’Epinal annonce que des indemnisations sont en cours. Une guerre entre les avocats commence : certains acceptent de transiger avec l’assureur de l’hôpital, la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles (SHAM), obtenant rapidement des provisions indemnitaires. Mais l’affaire est juteuse : de toute la France, certaines pointures du barreau se précipitent pour tenter de récupérer l’affaire. C’est finalement l’avocat médiatique spinalien Gérard Welzer, qui fait sensation en critiquant les faiblesses de l’indemnisation de l’assureur. Trois jours plus tard, le 16 octobre, deux surirradiés déposent plainte pour « blessures involontaires ». L’affaire des surirradiés entre définitivement sur le terrain pénal le 18 octobre 2006, avec l’ouverture d’une information judiciaire à Epinal. De nouvelles plaintes affluent dans les mois qui suivent : quatre pour homicides involontaires et huit pour blessures involontaires. Certains patients critiquent la démarche du dépôt de plainte, arguant d’une instruction « forcément interminable » et d’un procès « qui aura lieu quand on sera mort ». Les premières indemnisations de ceux qui négocient avec la SHAM tombent : près de 30.000 euros pour certains.

Episode 3 + La faute au mode d’emploi en anglais En dépit du drame, le service de radiothérapie a continué de soigner les patients durant toute l’année 2006. L’ARH met un terme à cette anomalie le 23 février 2007, invitant tous les malades à faire leurs séances de rayons au centre anticancéreux Alexis-Vautrin de Nancy. Quinze jours plus tard, le 6 mars, un coup de tonnerre éclate : l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) révèle dans un rapport de « graves défaillances » à l’origine de l’accident. On compte désormais quatre morts, dix-neuf blessés dont dix « sévèrement ». De son côté, l’Agence régionale d’hospitalisation de Lorraine annonce que c’est l’incompréhension du mode d’emploi du nouveau logiciel – en


en huit épisodes adiés

Episode 4 + 400 victimes de plus

anglais – qui est la cause du mauvais paramétrage. En passant d’une technologie « à coins statiques » de la machine à celle « à coins dynamiques », les radiothérapeutes et radiophysiciens auraient dû baisser de 20% la charge des rayons. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, exige le changement de logiciel et suspend les deux radiothérapeutes du service spinalien ainsi qu’un radiophysicien. Trois jours plus tard, le 9 mars, il charge l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) d’une évaluation de la qualité et des pratiques de l’hôpital entre 2001 et 2006. Rapidement, l’institut découvre une vingt-quatrième victime. Il y a désormais quatre morts, vingt blessés, et déjà quatorze plaintes déposées.

L’affaire des surirradiés prend une incroyable ampleur le 5 juin 2007 : l’IRSN annonce que 397 autres patients ont été surirradiés entre 2001 et 2006. La surdose est toutefois moindre que les vingt-quatre premiers : environ 7% à 8%, contre plus de 20% pour ceux de la période mai 2004-mai 2005. La cause de cette deuxième vague de surirradiation est différente : ce sont les doses envoyées lors de la phase de préparation de chaque séance de thérapie qui n’ont pas été décomptées de la séance. Au lieu de recevoir, a maxima, 70 grays (la plus forte dose autorisée), les patients en reçoivent au moins 76. Parallèlement, c’est ce même jour que l’instruction est tranférée au « Pôle santé » à Paris. Les juges Gand et Bellot sont saisis. A Epinal, les avocats qui continuent de négocier avec l’assureur de l’hôpital, notent « qu’on a eu raison de ne pas aller sur le terrain pénal : avec le Pôle santé, ils en ont au moins pour dix ans d’instruction ». Un avocat dénonce en revanche « ces transactions faites en catimini : si l’affaire avait été révélée dès le début, il n’y aurait pas eu de deuxième accident ». Il y a désormais seize plaintes déposées, dont cinq pour homicides involontaires. La polémique enfle à nouveau en juillet, lorsque douze nouveaux cas de surirradiations sont signalés par des appels au numéro vert mis en place par les autorités.

Episode 5 + 4.800 victimes : l’hécatombe 7 septembre 2007. Lors d’un conseil des ministres délocalisé à Strasbourg, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot annonce que 4.500 patients sont susceptibles d’être victimes de surirradiations. Alerté par un patient qui présente des symptômes de rectite et qui ne fait pourtant pas partie des listes précédemment établies, le docteur Jean-Marc Simon – de l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, en charge de suivre les victimes de surdose de l’hôpital d’Epinal – en a effectivement conclu à une « erreur de paramétrage systématique » de la machine depuis 1989, date de l’apparition de la radiothérapie à l’hôpital Jean-Monnet. Trois cents patients sont particulièrement touchés, les surdoses atteignant environ +7%, entre 1999 et 2000. Les autres sont touchés à environ +2%, « avec des conséquences minimes », jurent les autorités. L’erreur de paramétrage aurait par ailleurs été corrigée en 2000. Elle concernerait les radiothérapies de tous les cancers, sauf celui du sein. Philippe Stäbler, le président de l’Association des Victimes de Surirradiations de l’Hôpital d’Epinal (AVSHE), structure créée en juin, demande audience à la ministre de la Santé. Il l’obtient quelques jours plus tard.

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L’AFFAIRE DES SURIRRADIES EN HUIT EPISODES

Episode 7 + « On se sent ignoré »

Episode 6 + L’odeur des scandales

Roselyne Bachelot l’annonce dans « Le Parisien », le vendredi 30 novembre : chaque surirradié touchera 10.000 euros d’indemnités provisionnelles. Quelques heures plus tard, en préfecture, le président de l’association des victimes Philippe Stäbler se déclare « satisfait et heureux ». En fait, seuls ceux irradiés à plus de 7% touchent la somme, à partir de la fin du mois de décembre. La mesure fait suite au scandale du référé administratif de la semaine précédente, déposé par la SHAM. Le procédé, unique, est jugé « exceptionnel ». C’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) qui est chargé de verser la somme : en tout, près de 5 millions d’euros sont débloqués. Un mois plus tard, en janvier 2008, le docteur Jean-Marc Simon annonce que douze nouveaux cas ont été découverts, qui concernent des radiothérapies destinées à soigner des cancers du sein. De nouvelles plaintes sont déposées. Les juges parisiens devraient revenir à Epinal au printemps, pour faire état de l’avancée de l’instruction du dossier. STEPHANE TRIBALAT

FRANCIS DEMANGE

Confusion et guerre de tranchées. Alors que l’affaire est décrite comme « la plus grande catastrophe de radiothérapie mondiale », les juges parisiens se déplacent à Epinal pour recevoir les parties civiles et leur expliquer le déroulement de l’instruction judiciaire. Me Gérard Welzer, l’avocat de dizaines de surirradiés, se fait attaquer dans les couloirs du palais par ses confrères, qui dénoncent une récupération de l’affaire et sa main-mise sur l’association des victimes. Ceux qui n’ont pas suivi la voie judiciaire et qui s’en sont remis à des négociations avec l’assureur, touchent des sommes atteignant jusqu’à 100.000 euros. En revanche, la SHAM refuse d’indemniser ceux qui ont déposé plainte, attendant « la fin d’un procès pour verser des dommages et intérêts ». Les surirradiés se divisent : certaines familles des vingt-quatre victimes du premier accident indiquent vouloir monter une autre association. Alors que le parfum de scandale pointe, un avocat, dans une déclaration à la presse, indique que « des dossiers médicaux ont été pillés à l’hôpital, peut-être par des personnes qui soignaient les malades ». Enfin, « L’Est Républicain » révèle le 11 octobre qu’un traitement expérimental a été refusé à un surirradié de 83 ans, en raison de risques de cancers « à long terme ». L’absurdité pointée aboutit à une volteface de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, responsable de la décision : dès le lendemain, elle reprend le traitement du patient. A base de cellules souches prélevées sur un proche puis greffés, les résultats sont jugés « spectaculaires ». « C’est la première fois que je souris depuis ma thérapie », confie un malade.

Fin novembre 2007, l’assureur de l’hôpital, la SHAM, réclame des expertises de tous les malades « qui auraient été surirradiés », dans un mémoire de référé transmis au tribunal administratif de Nancy. L’association des victimes emmenée par Philippe Stäbler hurle devant l’emploi du conditionnel et le ton dubitatif de l’assureur. Une manifestation de malades, généralement âgés, est organisée devant la préfecture des Vosges. Roselyne Bachelot soutient la démarche de l’assureur, « préalable nécessaire pour l’indemnisation ». « C’est écoeurant », s’indignent les surirradiés, qui écrivent à Nicolas Sarkozy, réclamant « une intervention ». Deux sœurs jumelles de quatorze ans écrivent également une lettre au président de la République : « Nous avons perdu il y a deux ans notre maman, surirradiée ». Au fil des mois, les drames personnels trouvent écho dans la presse régionale et nationale : un père et un fils surirradiés à Gérardmer, ou un homme qui dort depuis deux ans sur son divan dans son salon car il ne peut plus monter les escaliers qui mènent à sa chambre. C’est son avocate qui lui a payé un nouveau fauteuil. Parallèlement, certaines familles des vingt-quatre premières victimes disent « se sentir ignorées » par l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, en charge de leur suivi. « Leur attitude est passive. Ils n’appellent jamais. »

Episode 8 + Une indemnisation exceptionnelle

Les victimes et leurs familles au Palais de Justice, en compagnie de leur avocat

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SOUS LES SPOTLIGHTS

Le tout nouveau clip de Rachid Wallas

Picture yourself, the East Si Qui a dit que le hiphop lorrain sentait le pâté ? Certainement pas les fans transis de Mister Rachid Wallas, une des plus fines plumes du rap nancéien, dont le flow chaloupé a déjà rythmé de nombreuses scènes locales. Aujourd’hui, il présente son nouveau clip, véritable superproduction à l’échelle locale, hommage au basket, truffée d’images de synthèse, dans un univers looké, dotée d’une mise en scène léchée, avec des effets spéciaux à gogo et des stars invitées telles que les joueurs du SLUC Nancy, Kadour Ziani, le phénomène du basket, et George Eddy, le présentateur vedette des sports US.

Comment ont-ils monté cette vidéo ?

Au départ grâce à un défi jeune, qui a donné l’impulsion financière nécessaire au projet. Ensuite, grâce à une chaîne de connaissances et des parrains qui ont permis de créer une chaîne de bonnes volontés au service de ce cri d’amour en direction des parquets cirés.

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Comment ont-ils rassemblé ces célébrités ?

Rachid est un fan de basket de longue date, son ami Kadour Ziani, membre de la Slam Nation, était tout naturellement de l’aventure, les autres basketteurs ont suivi, et de contacts en contacts, le nom de George Eddy, la voix si caractéristique des sports US de Canal Plus, est évoqué comme


ide Style... une vanne. Finalement le rendez-vous est pris, et c’est à l’arrache que Rachid et ses compères tournent les séquences avec George contre la porte d’un vestiaire.

Comment s’est passé le tournage ?

Le SLUC prête un terrain pour deux jours, les vêtements fournis par le sponsor n’arrivent pas, c’est la panique, Rachid fonce chez lui vider toute sa garde robe, mais quand il revient sur les lieux du tournage le camion du livreur est là, une demie journée de perdue. Du coup c’est l’emballement, l’équipe tourne deux jours de suite jusqu’à 1 heure du matin.

Et du côté de chez Rachid ?

Mr Wallas va faire la promotion de son futur best-of « Wall of fame », qui boucle toute une période de sa vie artistique, le clip en est l’apothéose. Il le présentera le 5 avril au Quai Son et il sera également en live le 17 avril au Glaz’art à Paris. Son clip sera sa carte de visite pour l’avenir, ce qui explique son côté ego-trip. Mais Rachid reste zen, il préfère se jeter dans le travail plutôt que de choper la grosse tête. Plus d’infos sur www.myspace.com/rachidwallas54

Credits

Sur un morceau de la Rachid Wallas Team, une réal de Dave Mc Fly, produite par Emmanuel Joly pour « Hors série films » avec l’aide de l’IECA. Big up, guys! propos recueillis par TAMURELLO


CURRICULUM VITAE

Les élections municipales

B

ien avant les 9 et 16 mars, dates des élections municipales et cantonales, les équipes de campagnes, les agences de com’ ont planché pour livrer leurs épreuves dans les imprimeries de la région. Leur tâche : définir l’image du candidat, le sens de son

Têtes

action en une image et quelques lignes de texte. Pour se faire une idée, une agence de communication de Nancy a disposé les 3 premières moutures des affiches côte à côte. Un sémiologue spécialiste de l’image entre et lance « les trois images ont une connotation religieuse : André Rossinot

André Rossinot Agencement :

Photographie :

L’affiche propose une lecture verticale de haut en bas, débutant par une figure connue, surplombant une variété de la ville tournée vers l’avenir qui symbolise en même temps un bilan. Les lignes évoquent aussi le transport, les parcours différents dans l’espace urbain.

Seule photographie placée en haut de l’affiche, rappelant sa position dominante de maire sortant. Le portrait met en avant le regard au loin, concentré, réceptif, réfléchi, éclairé par un sourire sympathique. La figure se veut rassurante. A noter le double reflet dans chaque pupille des parapluies de studio.

Slogan :

« écrivons la suite ensemble » reprend la symbolique des lignes qui courent sur presque toute l’affiche, mais dont les parcours ne sont pas achevés.

Couleurs :

Tendances, graphiques, avec une dominante de vert électrique associée à l’orange et au bleu symbolisant la reconnaissance de la variété de la société civile. Des lignes de couleurs différentes représentent cette diversité avec l’image en surimpression estompée d’un regard d’enfant tourné vers l’avenir.

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Typographie :

Les lettres penchées expriment le dynamisme, le non statique, avec des caractères doux, arrondis tout en conservant des angles, symboles de rigueur. Le mot « passions », au pluriel donc, également en italique, ressort nettement tout en étant dominé par le mot Nancy. Les deux mots se croisent dans une même direction.


s d’affiches est en quelque sorte représenté comme une figure tutélaire, un Dieu le père à la façon d’une toile de Goya, surplombant les enfants. La première affiche de Nicole Creusot s’inspirait des peintures du XVIIème siècle, en esquissant une Sainte Madeleine implorant le ciel dans une ambiance

de grotte sombre tandis que Françoise Hervé symbolisait le sermon sur la montagne »… Depuis la révolution française, les politiques se sont toujours inspirés de l’iconographie religieuse. Petite analyse des professionnels de la communication. Retour à la planche à desseins…

Nicole Creusot Photographie :

Seule affiche parmi tous les candidats où la prise de photo a été réalisée en extérieur, au cœur de la ville même. La photo de Nicole Creusot domine l’affiche avec douceur. Un regard vif et compréhensif surplombant un sourire aux électeurs, quoi qu’un peu tiré comme pour symboliser que le travail reste à faire.

Agencement :

L’affiche propose une lecture globale, immédiate centrée sur la candidate. Le texte est écrit sur le corps de la candidate, le nom sur le plexus solaire, symbole d’identité vraie et le slogan sur la pointe du cœur.

Slogan :

Typographie :

« Les Nancéiens (majuscule) au cœur » constitue un slogan émotionnel classique crédibilisé par la posture en sincérité de la candidate.

Haute, douce, arrondie avec une pointe de classicisme. Sans oublier le N de Nicole, légèrement incurvé vers le centre pour établir un lien de familiarité avec la candidate.

Couleurs :

La couleur dominante est celle de l’appartenance politique, le rose, mise en avant par le tailleur de la candidate. Cette affiche succède à une première version où la mairie, « le château », était repeint en rose, symbole de prise de pouvoir. Non retenu. A l’arrière plan les dorures en flou de la Place Stanislas (couleurs reprises par les boucles d’oreilles) d’où jaillissent des carrés de couleurs, des gommettes, également symbole de diversités. Un usage très tendance dans la communication. Ces couleurs sont coordonnées avec le foulard mettant la candidate en phase, en harmonie avec la société civile.

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TETES D’AFFICHES

Françoise Hervé Typographie :

Noire, classique, droite, ombrée. Le mot VILLE domine toute la scène par contraste volontaire sans former un tout homogène. Le décalage entre la typographie et les couleurs pastelles de la population symbolise une hiérarchie, la rigueur et l’austérité de la gestion des affaires publiques, en parallèle d’une ville à vivre.

Slogan :

« La ville rassemblée ». Une ville faite de courants différents, administrée par un modèle de rigueur.

Photographie :

Un portrait simple avec un tailleur gris qui rappelle cette volonté de rigueur, assouplie par une chemise blanche sans bouton. Le sourire un peu figé confère à la candidate une posture légèrement autoritaire. L’oeillet porté à coté de la Légion d’Honneur a suscité beaucoup d’interrogations. Il s’agit en fait d’un choix personnel et non d’une volonté signifiante des responsables de la communication.

Couleurs :

Population pastel sur fond blanc, mettant en relief les citoyens en activité. Seule Françoise Hervé est représentée en gris et blanc, symbole de rigueur, de travail, rehaussée d’une pointe de couleur par un œillet et la pointe de rouge de la Légion d’Honneur qui ressort par un effet de contrepoint.

Agencement :

L’affiche rassemble des réalités différentes et contrastées. La ville politique au sommet dans une rigueur en écho chromatique à la candidate dont l’ensemble symbolise le sérieux. En arrière plan, les couleurs de vie de la ville se livrant à ses activités. L’affiche ouvre le capot du moteur politique en distinguant les 2 réalités. En bas, retour aux couleurs...

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AFFICHE MANQUANTE

Au moment où nous bouclons ces pages, nous n’avons pas pu nous procurer l’affiche de la liste « Alternative 100% à gauche » conduite par Stéphane Thomas et Marie-Pierre Lambert.

Christiane Nimsgern Typographie :

Classique pour une « Lutte Ouvrière » mise en avant dans une liste modestement conduite par Christiane Nimsgern.

Photographie :

Noir et blanc, type portrait d’identité élargi, présente la candidate qui conduit un mouvement de pensée sans l’incarner du seul fait de sa personne. La photo s’appuie sur une légende au même niveau à gauche qui décrit la fonction de la candidate dans le monde du travail. La candidate n’est pas « que » politique.

Slogan :

Il n’y a pas de slogan à proprement parler, mais des mises en exergue en rouge sur le mode de l’injonction. Contre la politique du gouvernement, « il faut envoyer » des membres de L.O « Le parti d’Arlette Laguiller » au Conseil Municipal.

Couleurs :

Au nombre de trois : rouge, noir, blanc (remplacée par un jaune sable sur la deuxième version). L’affiche reprend les codes visuels de l’extrême gauche avec le rouge et noir, tandis que l’utilisation de trois couleurs constitue un soucis manifeste d’économie de moyens. Cette affirmation replace le parti dans sa ligne de refus de communication « produit du système », en rupture avec les autres affiches. On est dans le pamphlet.

Agencement :

Lutte Ouvrière domine la candidate au service d’un courant. L’accent est mis sur un texte accusateur de portée nationale appliqué au local. Un pamphlet signé appelant à un vote sanction. Le texte donne un effet masse à une liste de griefs.

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LES ELECTIONS

Pleins feux sur les élections cantonales

E

n même temps que les prochaines élections municipales ont lieu les cantonales. Celles-ci permettent d’élire les conseillers généraux, renouvelés par moitié tous les trois ans, au sein d’un scrutin uninominal à deux tours, comme l’élection présidentielle. Le conseil général est l’assemblée délibérante du département. Ses compétences n’ont cessé de gagner en importance avec le temps: voirie, gestion des collèges, de l’action sociale en passant par la culture, le développement local ou les transports, parmi tant d’autres. Arnaud Weber, chef d’entreprise strabourgeois d’origine nancéienne, se présente aux élections cantonales dans le centre de la capitale alsacienne. Il évoque les enjeux et les caractéristiques de ce mandat, pas toujours bien compris des électeurs.

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21/02/08

16:44

M : Les enjeux de ces élections sont très différents des municipales ? AW : Les municipales sont des élections pour une liste, un parti, un programme. Aux élections cantonales, on vote pour un homme ou une femme, pour ses compétences, ses propositions, sa capacité à améliorer la vie d’un espace réduit: son canton. Une élection municipale répond à des problématiques qui se situent dans un cadre général, les cantonales s’attardent sur des problématiques individuelles, aussi bien pour la vie sociale que pour pour celle des petites entreprises. M : Comment se passe le mandat du conseiller général ? AW : Il est très libre! Outre son devoir de représentation à de nombreuses comissions, il est essentiel, selon moi, qu’un conseiller général fasse preuve de beaucoup d’initiative et qu’il n’ait pas en charge d’autre mandat, c’est à dire qu’il ne soit pas cumulard. La situation à éviter, pourtant malheureusement bien souvent rencontrée, est celle d’un notable qui vient cachetonner en plus de ses autres mandats! Dans la situation idéale, le conseiller général est l’interlocuteur direct des habitants de son canton, qui dispose d’un pouvoir d’intervention effectif, avec un budget et des moyens administratifs. S’il est réactif, il peut au plus vite agir pour la qualité de vie de ses administrés. propos recueillis par EMA NYMTON

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personnalités l’album des de

Nancy les légendes de la ville

Profiler de momies Le baladin forgeron Un homme de goût

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P. NIEL

Etude de la momie-cordonnière dans la réserve des fouilles à Saqqara.


PORTRAIT

Le bistouri & le couteau nécrotome

Francis Janot, égyptologue next-generation

E

La découverte scientifique est souvent le fait d’un individu réussissant à approcher son domaine avec une méthode, une vision différente de celles communément admises. Francis Janot, chirurgien dentiste de formation et égyptologue par passion, a offert aux “gourous” officiels de l’histoire de la civilisation du Nil des révélations inédites grâce à ses connaissances médicales. Avec sa méthode experte, il reconstitue un à un les éléments de la scène du crime des ans pour faire renaître à la vie, des hommes et des femmes dans leur réalité nette, exhume leurs professions, leurs habitudes, loin de l’interprétation des textes sacrés qui bien souvent dissimulent plus qu’ils ne révèlent. Avec son bistouri, il incise dans les tissus vrais pour redonner une signification simple aux tombes ensablées, une fonction aux trésors enfouis dans la vallée des reines, un sens pratique aux rituels d’embaumement. Et ce faisant, Francis traverse le voile du mystère de l’Egypte ancienne pour ouvrir la vue sur une large vallée ensoleillée qui n’est pas seulement la terre des pharaons, mais celle d’un peuple du labeur, revenu à la vie par l’évocation de ses récits.

nfant, Francis Janot dévorait les pages des aventures de Tintin dans les cigares du Pharaon. Et lorsque l’étudiant tend une véritable écoute au discours de ce professeur plus qu’atypique, il comprend qu’à l’instar de la malédiction qui frappa les compagnons d’Howard Carter lors de la découverte de la tombe de Toutankhamon (au sujet de laquelle il répond par un sourire poli lorsqu’on pose la question de sa réalité), Francis Janot est damné, condamné, possédé, totalement dévoué à l’exploration des vestiges de la période pré-pharaonique et antique de l’Egypte. Et ce quelqu’en soit le coût en terme de sacrifice. Si à sa mort, un jour,

l’égyptologie ancienne conserve quelque valeur aux yeux des fils d’Anubis, après une rapide pesée des âmes, c’est en hors bord que la sienne traversera le fleuve des morts pour rejoindre un paradis qu’il n’aura de cesse de filtrer à la centrifugeuse. A 17 ans, Francis s’achète une grammaire égyptienne, qui devient son papyrus de chevet. Dès cette époque, les rites funéraires accaparent toute son attention. Mais pour l’heure, en bon élève, il quitte Epinal, où se trouve ses attaches familiales avant de rejoindre la voie tracée de la faculté d’odontologie nancéienne. Francis se forme consciencieusement. La découverte du savoir des spécialistes de la mâchoire lui permet d’initier la gestation d’outils de recherche qui plus tard feront sa méthode. A la faculté, son profil étrange METROPOLIS N°008 MARS 2008

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J.-P. ADAM

Francis Janot

CH. DECAMPS/LOUVRE

Dégagement de la « cachette » du puit H1 situé 10 m sous terre nécropole de Saqqara.

M. NELSON

Découverte d’un enterrement de la Ve dynastie (4300 ans av. J.-C.) à Saqqara.

Mise en évidence d’une tombe d’époque Hykros (XIIe dynastie) au temple du Ramesseum (Haute-Egypte).

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détonne, ceux qui se destinent à poser des implants à des dames âgées fortunées plutôt que d’extraire ceux de Reines oubliées, surnomment déjà Francis : « l’embaumeur ». Un peu seul contre tous, il poursuit son parcours, en prenant le luxe de ne pas avoir à choisir entre le médical et l’archéologie. Dans l’une et l’autre matière, il se perfectionne : anatomie, prothèses maxilofaciales, mais aussi cursus complet en Egyptologie. C’est là toute la clef des ses travaux. Francis considère le sujet du cadavre momifié égyptien avec le regard du scientifique aiguillé par un savoir littéraire. Il travaille sur les momies à la manière du spécialiste médico-légal découvrant un à un des indices probants. Là, il analyse un brin d’herbe coincé sous les ongles de la victime d’un crime, ici il découvre des conditions géologiques nécessaire à tel ou tel état de conservation d’un corps. Ainsi, au cours de l’une de ses plus fameuses enquêtes, il part de la découverte d’un set d’outils d’embaumeur dans une tombe jusqu’alors inviolée. Aidé par un ami prothésiste dentaire, il reproduit les objets trouvés dans une amphore de manière à les rendre fonctionnels. Armé de ses nouveaux outils, Francis tente l’expérience qui lui avait valu son surnom : il embaume un cadavre. Tente de déduire les modus operandi les plus efficaces. L’expérience, inédite, lui permet d’en comprendre infiniment plus que toute la littérature ésotérique sur les pratiques secrètes des prêtres d’Anubis, seuls dépositaires du secret du rituel qui permet de préparer la dépouille du décédé à sa vie postmortem. Un monopole corporatiste jalousement gardé. Un monopole dont l’exécution strictement ritualisée contient en acte le spiritualité pratique et l’économie de l’Egypte ancienne, dans laquelle une vie de labeur douloureuse trouve espoir et intérêt financier dans la préparation d’une meilleure vie future. Le Nil est parfois pingre en eau, et l’Egypte pauvre, et ce tandis que les monarques engloutissent des fortunes à leur gloire future dans l’au-delà. Francis comprend l’utilité des instruments, démontre que tel objet est un écarteur, qu’un autre est utilisé pour maintenir la bouche ouverte, mais bien plus encore, il effectue une découverte de grande importance dans le lexique hiéroglyphique égyptien. La communication écrite des scribes de l’Egypte ancienne relève de la conformation symbolique essentiellement basée sur la transcription visuelle. Ils contemplaient un phénomène et le retranscrivaient afin de transmission sous forme de caractère : le hiéroglyphe. En pratiquant, l’incision à gauche du corps, tel qu’il l’a toujours été durant la période où les Egyptiens ont embaumés leurs morts, c’est à dire de -4000 à -30 avant JC, Francis Janot décrypte du même coup quatre hiéroglyphes dont la symbolique avait toujours résister à toutes les tentatives de déchiffrage (au moment où il saisit la portée de sa découverte, il en reste


FRANCIS JANOT

Découverte d’un enterrement de la Ve dynastie (4300 ans av. J.-C.) à Saqqara.

encore 32). Le premier hiéroglyphe représente cette incision pratiquée par l’embaumeur (un o ovalisé), un second correspond à un autre vue de l’incision, un troisième représente la plaie fermée par les deux doigts de l’embaumeur ( un .O. ovalisé entouré de deux doigts), et finalement un quatrième décrit la même plaie fermée avec les fluides corporels qui s’en écoulent après une procédure d’embaumement. Cette découverte est d’autant plus importante, que ces hiéroglyphes sont omniprésents dans la grammaire égyptienne en symbolisant outre les gestes techniques de l’embaumeur, toute la croyance rassemblée autour de ces étapes dans le chemin d’une âme vers l’au-delà. La transervalité de son approche a permis de percer un mystère que des siècles de recherches grammaticales n’étaient pas parvenues à percer.

PRES DE LA TOMBE DU ROI PEPY 1ER GIT UNE FEMME DE 41 ANS... Avec une telle nouveauté dans la méthode, la perspective de recherches dans cette Egypte aux 500 millions de momies s’offre alors à Francis comme un continent perdu, où il marche désormais avec la sensation indicible de l’explorateur qui sait qu’il est le premier de son espèce à fouler un territoire inconnu. On pourrait penser que le corps scientifique aurait accueillit ce succès prometteur à bras ouvert, mais ce serait mal connaître l’aptitude des hommes à organiser leur pensée en la cantonant à des chapelles bien gardées, peu perméables à une nouveauté construite sans l’assurance du dogme. A l’image de tant de chasses gardées, l’égyptologie s’est pétrie au fil des siècles d’idéologies connexes, développées par des gardiens du temple d’un savoir reclu, rechignant à fréquenter les rues de l’Egypte moderne, pourtant sise dans

les même paysages, la même réalité physique, allant jusqu’à justifier le colonialisme, cette période qui a permis à l’Occident de vider les sites riches en vestiges antiques de leurs plus belles pièces. Qu’à cela ne tienne, fort de ses résultats, Francis persiste et continue ses recherches, toujours avec l’art de sa manière... En 2000, lors d’une des innombrables fouilles effectuées au cours de ses 23 années de terrain, il exhume une momie qui éveille toute son attention sur le site de Saqqara. Non loin de la pyramide du roi Pépy 1er. La momie porte de magnifiques chaussures de cuir. Lors de l’examen, il retire les bandelettes, et découvre sept amulettes funéraires. Il détermine qu’il s’agit d’une femme, l’odontologie médico-légale lui apprend qu’elle est morte à un âge de 41 ans, à plus ou moins 3 ans. Il remarque une usure inhabituelle des dents qui implique un mouvement répété quasiment tout au long de la vie du sujet. Comme si sa vie entière n’avait été qu’un long ruminement. De surcroit, certaines incisives et canines présentent des pertes de substance étranges. Francis émet alors une supposition : le sujet aurait passé ses journées à humecter de salive une substance, avant de la faire passer entre ses dents. Puis il découvre sous les bandelettes une belle bourse en cuir. Et à l’intérieur, un lissoir en calcite, visiblement un instrument professionnel, placé là pour précisément en tant que symbole signifiant de la personne qui fût vivante avant de devenir dépouille momifiée. Francis poursuit son enquête. Il consulte un spécialiste ès souliers : le maître cordonnier de chez Hermès qui désosse les chaussures de la momie et souligne l’exceptionnel travail du cuir effectué sur celles du sujet. Un élement inatendu au milieu d’une tombe qui ne semble pas appartenir à quelqu’un de particulièrement aisé. En véritable profiler des dunes Francis se rend alors dans une tombe où le pharaon Thoutmosis III a fait représenter sous forme de fresques un panorama METROPOLIS N°008 MARS 2008

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© PAPYRUSSAMMLUNG DER OESTERREICHISCHEN NATIONALBIBLITHEK, WIEN

Francis Janot

Scène de pesée de l’âme, Epoque ptolémaïque.

des professions manuelles de son temps. Sur l’illustration d’un cordonnier, deux fils de cuirs pendent de sa bouche. Pour parfaire son enquête, Janot consulte la satyre des métiers, un ouvrage du scribe Khéty, dans lequel ce dernier caricature avec drôlerie toutes les professions de l’époque. Il y trouve décrit que le cordonnier est celui qui passe sa journée à machouiller du cuir. Tous les éléments concordent, il ne manque plus qu’à dater les chaussures. Ces dernières s’avèrent appartenir au 6ème siècle, époque où cette femme vivait en exerçant la profession de cordonnière. CQFD, EUREKA ET TUTTI CUANTI ! Plus importante encore est la découverte qu’au 6ème siècle, des femmes pouvaient exercer des métiers manuels. Difficile de comprendre que ses multiples travaux ne l’ont pas encore porté au pinacle officiel de l’égyptologie. A bien y réflechir on pourrait tendre un parallèle entre les aventures de Francis Janot premier enseignant d’odontologie à avoir intégré l’Institut Français d’Egyptologie du Caire lors d’un accueil de tradition toute sépulcrale, et la curée que le monde de l’archéologie avait infligée en son temps à d’Heinrich Schliemann. Cet Allemand, passionné de récits antiques, portait en lui le doux rêve de partir à la recherche des sites évoqués dans les récits d’Homère, en tenant pour acquis que ce n’étaient pas des contes mais bel et bien des récits historiques, un reportage d’époque. Conspué par la profession, Schliemann s’entête et poursuit son projet jusqu’à la ruine. Pourtant, un jour, il découvrira le site de Troie en Turquie (sur lequel son inexpérience provoquera de nombreux dégâts, ce en quoi sa démarche diffère de celle du Pr Janot) alors que tous le recherchaient en Grèce, puis Mycène où il trouvera la tombe d’Agamemnon, puis Tyrinthe... Malgré l’aspect fondamental de ses découvertes majeures, il suffit de regarder les maigres lignes qui évoquent sa mémoire dans

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les encyclopédies et les bibliographies autorisées pour comprendre que le milieu ne lui a jamais pardonné son profil alternatif, sa non appartenance au sérail. Toutes proportions gardées, Francis Janot a sucité de la part de bons nombres de spécialistes le même type de réactions épidermiques. Mais il n’en a cure. Il a décidé de vivre en homme libre, poursuivant son parcours en n’accordant d’intérêt qu’au jugement d’Anubis. Ses découvertes parlent pour lui.

L’ETERNITE DU SABLE D’autant plus que les conclusions auxquelles il parvient ont des incidences en matière de sciences humaines, dans toute leur diversité. Au-delà de la découverte des techniques d’embaumement, c’est l’histoire du corps de métier des embaumeurs qui se révèlent, prêtres d’Anubis méconnus, pratiquant durant leur époque un secret qui s’est étendu audelà de l’extinction de leur civilisation. Ils étaient vraisemblablement dépositaires de charges leur attribuant des quartiers sur lesquels leur était dévolue la tâche de momifier les cadavres. Une pratique réservée aux pharaons, mais qui s’est largement répandue au fil du temps. De la même manière, l’étude des milliards de trésors et autres reliques laissés à la garde du sable, permet de saisir que la civilisation égyptienne était obsédée par la mort, et par là même il nous est possible de comprendre que le quotidien de l’égyptien ne devait être fait que de labeur et de souffrances supportées dans l’attente d’un autre monde réputé meilleur. Pourquoi élever les plus importants tombeaux de toute l’histoire de l’humanité si ce n’est pour exorciser de son vivant les vicissitudes d’un mode de vie dont la seule échappatoire ne pouvait être que l’espoir


SUR

LES

HIEROGLYPHES

la La pustule, vers une nouvelle interprétation

Francis Janot expliquant l‘importance des prêtres du culte d’Anubis

La forme de la plaie, immédiatement après l’incision du flanc du cadavre correspond au signe appelé, jusqu’à présent, « pustule » ou « glande ». Ce déterminatif vaut les signes ou dans certains textes des Pyramides. Désormais, il faut interpréter les hiéroglyphes ou comme « l’incision » proprement dite. représente, après l’écoulement de toutes les impuretés liquides du corps , l’incision que deux doigts commencent à refermer. Elle est ensuite, hermétiquement close avec de la cire chaude. Pour finir, les embaumeurs recouvrent la trace de leur intervention. Dès lors, il découle un vocabulaire du métier d’embaumeur :

B. ORLANDONI

d’un au-delà ? Si cette Egypte a disparu, l’égyptologie n’est pas une science morte, un nombre de découvertes à donner le vertige reste à faire. Aujourd’hui, en sus de ses investigations antiques, Francis enseigne à la faculté d’odontologie de Nancy, où il a su trouver un cadre épanouissant pour conjuguer ses recherches et une activité d’enseignant, notamment grâce à l’autorité bienveillante du doyen Pierre Bravetti. Il continue son tour de France des momies, sa vie étant organisée de telle manière que chaque matin lui permet de partir, sac à dos ficelé, à la découverte d’un nouveau rescapé du temps. Francis mène une vie d’homme libre, à l’écoute de ses aspirations profondes, toujours à la recherche du contact de l’autre pour partager ses passions au travers de conférences, de l’organisation de voyages pour passionnés du peuple du Nil. Une fois la glace rompue, il apparaît comme un homme très au fait de son époque, bien loin du cliché de l’obsessionnel de la chose égyptienne que l’on pourrait craindre de rencontrer, aussi à l’aise pour parler d’actualité que de jeux vidéos. Il semble alors sans âge, malgré ses 48 ans. L’étude de la civilisation humaine dans la grande longueur de sa frise temporelle et la proximité des momies lui aurait-elle apprise quelque chose EMA NYMTON & DONATO CARAFFA sur l’éternité ?

Le set d’instruments d’embaumement répliqués METROPOLIS N°008 MARS 2008

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PORTRAIT

La geste du

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Christophe Crotti

A

baladin forgeron

Bruits sourds du choc des armures, odeur de poudre à canon et d’arquebuses encore chaudes, coups d’estoc et de taille assénés par des soldats durant la bataille, ce n’est pas une scène de plateau de tournage hollywoodien mais le quotidien héroïque de Christophe Crotti, acteur, cascadeur, forgeron et canonnier... Un drôle de CV pour un drôle de parcours… Du Jura aux USA, du théâtre de rue à la série télé Kaamelott, itinéraire d’un enfant de la balle.

perlimpinpin, il faut revenir en arrière, il y a très longtemps, dans une galaxie, très lointaine, au milieu des montagnes jurassiennes, dans le village de Morez. L’arrière grand-père de Christophe émigre d’Italie, s’installe en Franche-comté, pour y trouver du travail et fonder une famille. Parallèlement à ses travaux dans le bâtiment, il aménage un coin de son habitation qui deviendra une forge où bientôt résonneront les coups du marteau sur l’enclume. Son fils reprendra l’affaire, et apportera une touche artistique à la transformation du métal à chaud. Dans la continuité, le père et l’oncle de Christophe se décident à perpétuer ce qui ressemble désormais à une tradition familiale. C’est alors que la télévision leur inspirera un tournant définitif dans leurs aspirations artistiques : avec la série Thierry la Fronde ! En 1963, les Crotti ne sont pas encore attirés par l’histoire du Moyenâge, mais la vision des costumes d’époque et des gens d’armes

PHOTOS : DR

u premier abord, on découvre un homme difficile à cerner: moustache à la d’Artagnan, cheveux longs, allure altière, et béret jurassien vissé sur le crâne. Lorsqu’il se présente, Christophe se définit d’abord en tant qu’intermittent du spectacle en animation de rue, comédien et cascadeur. Cependant cette appellation se veut plus administrative que révélatrice de sa réalité, puisque depuis toujours, Christophe vit son rêve éveillé : ramener à la vie l’époque médiévale. Faire entendre la clameur des chevaliers, le martèlement de la terre avant la bataille entraînée dans la furie de spectacles engageant près de 20 tonnes de matériel, des dizaines de protagonistes en armures étincelantes. Pour comprendre le petit grain folie de Christophe Crotti, dont l’opium tient dans une bourse de poudre de

Cristophe Crotti achevant un canon fonctionnel qui servira d’ornement à un grand navire historique ancré de le port de Baltimore.

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Christophe Crotti

Le nom de Christophe Crotti figure au générique des 3 premières saisons de de la série kaamelot.

leur parle. La famille veut se lancer dans l’organisation de reconstitutions historiques, le feu de la forge se met à rougeoyer avec intensité. Bientôt, ils ne feront plus rien d’autre.

DES COW-BOYS ET DES INDIENS Comme dans toute vraie épopée, débute pour les Crotti une période d’adversité où ils seront souvent incompris de leur entourage et même marginalisés. Si le rêve les a frappés d’estoc, pour d’autres, ils sont frappés tout court. La troupe s’organise, fabrique ses costumes, tord le métal en forge, s’équipe d’épées, de boucliers et d’armes diverses pour toutes les périodes du Moyen-âge qui seront explorées dans des spectacles de rue. Christophe naîtra au beau milieu de cette évocation du passé. Vers 13 ans, Christophe, coiffé d’un bonnet phrygien, court au milieu d’un village dans lequel est présentée une réminiscence de Révolution française. Pourquoi quitter la cour de récréation lorsque l’on y est né ? Son adolescence, il la passera en compagnie de la troupe qui tourne de mai à septembre, de ville en ville à la façon des hérauts ou des théâtre itinérants d’autrefois. Ses parents signent pour Christophe de mots d’excuses à l’administration scolaire. Motif: « parti en spectacle ». A 15 ans, crise de doute, il a envie de respirer, de passer une jeunesse « normale » à boire des bières avec les copains. Alors, il s’éloigne... pendant trois semaines, avant de comprendre que cette normalité routinière manque cruellement de magie. Christophe rejoint alors définitivement l’athanor familial. Pour ses études Christophe se dirige naturellement vers une formation apportant une valeur ajoutée aux créations familiales ; il part à Saint-Etienne, pour apprendre à fabriquer des armes à feu. Là bas, il découvre que les treize autres étudiants de la formation viennent du monde de la chasse... pas vraiment sa culture. Qu’à cela ne tienne, il se fera discret au sujet de ses activités si particulières où il affronte les siens à coup d’épée, et apprendra patiemment la technique. Il fabrique un fusil, réplique d’un modèle de 1777, le premier d’une longue série. Une fois les classes de l’armée passées, un simple coup de fil enverra l’écuyer ver un lointain périple. Un Québécois, Guy Charlebois, a entendu parler du jeune étudiant en armes anciennes. Il lui propose du travail. Charlebois ne s’intéresse que peu aux fusils, lui, possède une fabrique de canons… Un

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mois après le coup de fil, Christophe est au Canada, où il restera 6 mois, dans une ambiance internationale, avec comme compagnons un Tchèque et un Belge venus s’initier aux arcanes de la canonnerie. Chez les Charlebois, arrivent des stocks de barres de métal destinés à être travailles, tordus, limés, coupés, avant d’être transformés en canons fonctionnels pouvant dépasser les deux tonnes. Parallèlement, il découvre l’extraordinaire marché de l’arme ancienne aux Etats-Unis. Ici, se tiennent des salons spécialisés où guerres de Sécession et Napoléoniennes sont des passions courantes. De nombreux exposants vendent leur production à des amateurs qui se déguisent lors de grandes manifestations pour revivre ces épopées glorieuses, le temps d’un week-end. Les commandes sont nombreuses, et une des créations de Christophe entrera dans la postérité en devenant l’ornement principal d’un grand navire ancré dans le port de Baltimore. Dans ce milieu partageur de rêves, Christophe effectue des démonstrations de son cru et se retrouve à jouer le rôle d’un français au cours d’une reconstitution de la guerre d’indépendance: Face de lui, le chef indien qui fait face à l’envahisseur est... un vrai chef indien. Mais le pays de l’oncle Sam finit par le lasser, aussi il rentre en France quand bien même la situation professionnelle d’un canonnier y offre bien peu de perspectives. Avec Nelli, sa douce, rencontrée sur les murailles de Carcassonne, également fondue de costumes d’époque, ils s’apprêtent alors à rentrer dans le rang, bien loin de leurs rêves, costumes rangés dans un placard. Mais Christophe se ressaisit et reprend la route du Jura où l’association des « Chevaliers de France-Comté », animée par sa famille, décide de monter en puissance en professionnalisant une partie de son activité sous la forme d’une société : Armedia.

SHOW TIME : DU JURA AU CINEMA ET A M6 Outre la pérennisation de la forge qui fabrique de plus en plus d’armes, la société propose des spectacles vivants qui déplacent des montagnes pour exister, en l’occurence 20 tonnes de matériel à chaque voyage et jusqu’à trente personnes et montures. Après qu’un spectacle ait été commandé, le plus souvent par une commune, la troupe débarque


et joue la journée. Entre les scènes, Christophe déambule sur le plateau, conseille untel dans la tenue de son arme, affine un costume à droite, apporte une touche de réalisme à gauche. Le Moyen-Âge, c’est son époque. Tantôt il croise Jacques Weber grimé en gentilhomme affairé à lire son script, tantôt à la cantine, il converse avec une jeune fille enceinte, à laquelle il explique en toute décontraction qu’il la trouve très belle et épanouie dans son état, la prenant pour la femme d’un machiniste. Une heure plus tard, l’inconnue met son costume avant d’être appelée sous les projecteurs, c’est Barbara Schulz... Depuis, Christophe et sa femme Nelli se sont installés à Nancy où elle s’occupe à l’Opéra de la coupe des costumes masculins. A la belle saison, Christophe reprend la route pour des spectacles, et l’hiver venu, il oeuvre dans un coin de forge où il fignole ses répliques historiques, ses fusils à mèche, arquebuses, pistolets sans jamais oublier ses gros canons…. Mais la sueur du forgeron médiéval ne va pas sans celle du contribuable du 21ème siècle. La réforme du régime des intermittents du spectacle ne permet plus à la troupe de fonctionner comme avant, et même si les sollicitations des collectivités locales continuent d’affluer, Christophe doute que la société puisse continuer à exister longtemps dans les conditions administratives et juridiques qui leur sont aujourd’hui imposées. Pourtant, à la lumière qui brille dans ces yeux, on comprend que tout cela ne peut se résumer à une histoire d’argent et de soucis juridiques. Même si les spectacles venaient à s’arrêter, le son du canon retentirait encore longtemps dans les vallées jurassiennes, où la famille Crotti et ses amis porteront encore haut les costumes et les bannières d’antan, ressuscitant pour l’éternité les hauts faits chevaleresques et les belles manières nobiliaires dont ils ont eu la vision, il y a plus de 50 ans, grâce TAMURELLO à un certain Thierry La Fronde…

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sur place pour construire un barnum médiéval. L’ordinaire se compose de cinq tentes habitées par douze comédiens cascadeurs, entourées de canons prêts à laisser parler la poudre. Les acteurs sont équipés d’armures de 40 kg, d’armes à feu, d’épées, de pavois et d’armes d’hast qui seront utilisés au cours de chorégraphies spectaculaires semi-improvisées. Derrière le mot propret de « semi-improvisé » se cachent des passes d’armes lourdes qui éprouvent au vrai la résistance des armures. Alors ressurgit un peu l’esprit des guerriers disparus. Entre chaque scène les acteurs se font enseignants pédagogues, démonstrateurs des artefacts d’époque tels que les ateliers de médecine ou de torture qui ravissent le public. La guerre moyenâgeuse est devenue un business familial, le frère gère la société, la belle soeur fabrique des costumes, l’oncle est à la forge et au matériel en général, tandis que la mère recherche des contrats ou tire à l’arquebuse. En seigneur du domaine, le père règne sur l’association. Comme l’activité prend de l’ampleur c’est le cinéma et la télévision qui font les yeux doux à Armedia. L’équipe est appelée sur le film de Claude Berri, Uranus, pour fournir du matériel, puis une société, Dies Irae, les sollicite pour des armures dans le cadre d’un projet de série télévisée sur le thème de la légende arthurienne. M6 achète le concept, et la série devient Kaamelott, une des toutes premières productions françaises à s’exporter dignement à l’étranger. L’aventure télévisée commence. Christophe et son compère Tirtrip se font consultants costumiers, pour conseiller et apprendre aux acteurs à enfiler 40 kg de plaques de métal à des comédiens dont le jeu ne doit pas s’alourdir pour autant. Sur place, c’est la frénésie. Alexandre Astier écrit la nuit, réalise

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PORTRAIT

Itinéraire d’un homme de goût Fondu de fromage

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La route qui mène au statut d’expert ès fromages est celle du labeur et de l’exigence. Telle est la trajectoire de Fabien Froment, fromager, qui a su, au travers d’un parcours international et interétoilé, se plier à la discipline de fer exigée par la noble aspiration d’élever le goût de ses clients afin de maximiser leur aptitude aux plaisirs. Itinéraire d’un porte-parole des artisans du goût.

ongiligne et sec, Fabien Froment porte l’habit noir lorsqu’il veille ses pâtes rares et raffinées dans la boutique de la Grande Rue où il officie, un peu à l’image d’un dévot entré en religion fromagère. Il poursuit son objectif avec la détermination d’un croisé prêchant l’éveil des papilles aux myriades d’arômes, puisant son inspiration dans les psaumes des essences de fromages. Fabien affiche la conscience nette des meneurs de tâches sérieuses avec en écharpe une légitimité d’expert provenant de ses voyages initiatiques effectués dans le saint des saints de la gastronomie étoilée... A l’origine, Fabien est un môme élevé au Luxembourg, cependant proche de ses racines françaises. Il programme ses études comme la condition d’obtention d’un titre de séjour aux pays des terroirs. Pour réussir à prendre son envol, il fait le choix d’intégrer le lycée hôtelier de Metz. Six ans passeront dans cette

école de rigueur où la servilité attentive constitue un œillet à la boutonnière et où la cravate se doit d’être strictement nouée tous les jours. Fabien arpente ce chemin d’austérité comme une promesse de tous les possibles. Chaque heure passée dans l’institution le renforce dans l’idée que la clef de son destin se situe dans les arcanes encore lointaines des arts de vivre, cette exception française dans le monde du travail, d’ordinaire peu enclin à permettre un alignement des heures ne laissant que peu de place à de maigres temps de repos. Fabien encaisse... 56 heures de cours par semaine. Mais patience, la suite sera pire, et il en redemandera. Sorti de sa formation, Fabien fera ses classes à l’armée, pour deux ans et demi de service militaire à Tahiti où il s’affaire dans un style cossu, assoupli par les tropiques du mess des officiers et des sous-officiers. Ses compétences étonnent. Fabien servira au mieux des possibilités du lieu et gagne la confiance de généraux qui lui glisseront dans l’oreille bien des secrets militaires. METROPOLIS N°008 MARS 2008

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Fabien Froment

LA PISTE AUX ETOILES : DUCASSE & MENEAU

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Le retour en métropole est difficile, il enchaîne six mois de dépression, avant de se reprendre et de se remettre sur les rails. Fabien sent qu’il a quelque chose à donner dans l’exercice le plus pointu de son métier et va visiter les locaux de l’école de la Clef d’or, en Autriche où sont formés les concierges des hôtels les plus prestigieux du monde. Mais il trouve l’endroit trop guindé. Fabien désire plutôt l’action des batteries de cuisine planifiant l’offensive du coup de feu derrière des pianos rutilants où s’agitent méticuleusement des troupes de marmitons. Il décide d’entamer un tour de France qui étoffera sa carte de visite. Fabien commence par l’excellence, et atterrit à l’Espérance, le restaurant de Marc Meneau, triple étoilé, baron de la gastronomie bourguignonne, un de ces artistes des cuisines capable de transcender un produit déjà exceptionnel en une composition bien au-delà de l’intention de satiété, de faire que le plat devienne œuvre et que le palais soit ce que les yeux sont aux tableaux ou les oreilles à la symphonie. Ici on cuit le turbot en croûte de sel, ici, le filet de veau se conjugue avec le caramel amer, ici le guide Gault et Millaut n’a qu’à s’incliner et porter une note de 19/20 avant de disparaître, parce que quand on touche à l’absolu, il est vulgaire de comparer. Eternel étudiant, il observe, fasciné, le maître élaborer son alchimie des saveurs. Le hasard ne siège pas en ces lieux. Meneau se fait historien de la cuisine et recherche constamment dans des grimoires anciens des recettes oubliées, fondatrices

des racines gustatives de notre culture. L’homme, au savoir encyclopédique théorise ensuite, extrait la substantifique moelle de la saveur redécouverte et compose une création épurée, nourrie exclusivement de l’intention gustative déterminée par ses soins, avant d’en sertir la carte de l’Espérance. Fabien contemple, apprend, prend soin de la salle en intégrant la signification de tous les mets délicats issus de la cuisine devenue matrice. Il n’en oublie pas pour autant son intention de voyage et reprendra sa route pour explorer de nouveaux horizons et encore une fois progresser. Une nouvelle chance se présente, intégrer un palace monégasque. Après trois mois d’une attente insoutenable, son visa pour le pays de l’extravagance et du luxe lui est donné : il est attendu à l’hôtel Vista palace : quatre étoiles qui surplombent la baie de Monaco au service des plus nantis. Il y fait son office et découvre un univers de paraître, où la recherche du luxe précède la quête de la perfection en bouche, connue chez Meneau. Vite, il ne se sent plus à son aise, et malheureux, commence à rôder autour de ce qui lui semble le Graal de la gastronomie, l’établissement le plus prestigieux de la côte d’azur : le restaurant Louis XV, qui a vu éclore la cuisine d’un des noms les plus marquants de la gastronomie contemporaine : Alain Ducasse. Ducasse n’est pas un chef commun, alors que la plupart de ses pairs se réfugient derrière le piano de leur cuisine, pour ne plus jamais s’en déloger, lui, après avoir estomaqué de ses compositions la planète des gastronomes s’est fait chef d’entreprise, en multipliant les établissements pour en ouvrir près de 20, parmi lesquels la reprise du Plazza Athénée parisien,

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ancien fief de Joël Robuchon. Plus exceptionnel encore, le Plazza Athénée et le Louis XV décrochent tous deux les triples étoiles Michelin, symboles de consécration entendus. Fabien commence à se faire des contacts dans l’établissement, puis propose ses services à titre gratuit... Son comportement interroge les responsables de l’établissement qui finalement lui donnent sa chance. Il découvre alors la méthode Ducasse. Si certains sont des chefs aux cuisines, lui est un chef en avion et au téléphone. La modernité permet à tous les acteurs de ses restaurants de rechercher des plats qui pourront garnir n’importe quelle autre table du groupe. Si une création dans un bistrot semble acceptable pour un des deux navires amiraux, elle est immédiatement testée avant d’être intégrée à la carte. Ducasse, en chef d’orchestre et homme pressé, met toutes ses compétences et son acuité dans l’agencement des hommes et des plats dans tous ses restaurants, au service d’une cuisine qu’il aime explosive, comme ses légumes de jardins de Provence à la truffe écrasée, ou l’agneau de lait de l’arrière-pays niçois frotté de piment d’Espelette et de romarin, doré à la cheminée, accompagné de ses févettes et sucrines cuisinées aux bouts de jambon...

LUXE AIGREFIN Fabien éprouve alors le sentiment d’être à nouveau dans un des rares laboratoires tant rêvés de la haute cuisine. Pourtant, un événement va rompre à jamais son rapport à la table. Un jour, un client prestigieux, chef d’Etat de l’une des plus grandes patries du pétrole se présente. Blasé, il commande un à un tous les plats de la carte, les goûte du bout des lèvres sans vraiment y toucher, avant de partir en laissant un pourboire équivalent à trois mois du salaire de Fabien. Il se sent alors sale. Ce n’est pas pour ce genre de clientèle qu’il est entré en cuisine, mais pour transmettre, éveiller la curiosité de l’autre, tout en l’instruisant au travers d’un voyage dans un continent à la géographie complexe. Sa décision, il la prend en quelques instants. Il rend son tablier et repart illico dans l’est de la France, plus près de ses racines. Le croisé se fait nonne. Il trouve son salut dans la cuisine alsacienne d’une auberge où le chef mélange allègrement cuisine familiale, sophistiquée et traditionnelle, pour le plaisir de tous, dans un souci de générosité partagée. Fabien revit. Il sert avec le même plaisir Catherine Trautmann, alors ministre de la culture, aussi bien qu’une famille de locaux venus fêter le diplôme de leur plus jeune fils. C’est une renaissance, un retour au sens. Il est heureux, mais pas pour longtemps. La maladie s’abat sur lui, l’obligeant à se retirer du service. Rideau de fer baissé. Fabien passera sa convalescence en se recyclant dans la vente de produits de la table, couverts en argent et porcelaine de rigueur. Il s’écarte de son étoile tout en restant sur une orbite lointaine. Son état physique ne lui permet plus d’assurer les cadences infernales de la restauration, pourtant,

il ne renie pas cette période, où travaillant dans un magasin parisien, il croise son idole de toujours: Ines de la Fressange, avec qui Fabien sympathise. Elle lui présentera sa famille et par une fin d’après-midi mémorable, viendra le chercher à la sortie du travail pour l’emmener assister à son défilé. Remis, le démon de la gastronomie s’empare de lui à nouveau. Peu avant de faillir, il avait connu une expérience qui avait complètement réorienté sa carrière ; avoir l’occasion de travailler à Strasbourg, à la « Cloche à fromage », établissement bien connu des Alsaciens, qui possède la plus grosse cloche du monde, authentifiée par le livre Guinness des records. Là, Fabien trouve dans la noble moisissure, une synthèse de tout ce à quoi il aspirait, un terme à son long cheminement. Un produit authentique, complexe, dont il pourra se faire le chantre dans toutes ses subtilités. C’est par la suite qu’il a été amené à rencontrer les frères Marchand qui l’engagent en tant que superviseur de leur nouvelle fromagerie de la Grande Rue. Ses goûts personnels en matière de fromages ? Etonnament il privilégiera un plaisir d’enfant sous la forme d’un vacherin, bien loin des fromages persillés du type Roquefort dont il n’est pas grand amateur. Un homme de discernement et de contradictions. Alors à présent, lorsque vos pas vous mèneront devant la petite chapelle dans laquelle l’homme en noir officie, prenez le temps d’un conte, celui qu’il vous narrera sur un fromage conservé par ses soins. Alors vous connaîtrez le chapitre suivant de l’histoire que nous venons de vous raconter. BOUCHE DOREE

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E N Q U E TE E XCLUSIV E :

L’autre rage de vaincre

FIGH


T-CLUBS

Dossier SpĂŠcial Reportage : SĂŠbastien Di Silvestro Photos : Francis Demange et DR


FIGHT-CLUBS

FIGHT CLUB

REGLE 1 : PERSONNE NIEN PARLE REGLE 2: PAS DIARME

REGLE 3: PAS DE LYNCHAGE REGLE 4 : PAS DE DEPOT DE PLAINTE REGLE 5 :

VOUS VENEZ POUR VOUS BATTRE

C’est un phénomène mondial. Quelques heures avant que les tribunes des stades de foot ne résonnent des chants des ultras, mégaphones, écharpes, bannières aux couleurs de la ville, fierté extrême, cœur au bord des lèvres à l’attente du coup d’envoi, les indépendants, ultras parmi les ultras, sillonnent déjà la ville regroupés en « firmes » pour en découdre avec l’adversaire. Face à face à 30, 40 ou 60, dans les ruelles discrètes de Nancy ou sur les bords du canal prêt de Tomblaine, ils sont prêts à donner ou à recevoir « une bonne salade de phalanges », en première ligne où il ne faut surtout pas tomber sous une pluie de coups. La presse les assimile souvent à une bande de dégénérés ivres de drogues, camés à l’ultra-violence. Pourtant une plongée dans ce monde du « real football » présente un tout autre profil. Aussi aberrant que ce cela ne puisse paraître, ces firmes regroupent aussi bien des gars d’extrême droite que d’extrême gauche, des étudiants, des « bourrins », des jeunes, des vieux, des filles aussi, faisant cause commune pour faire reculer l’adversaire qui lui, vient d’une autre ville, d’un autre pays. Ils sont chauvins à l’extrême, fières de leur ville, de l’emblème de leur équipe qui leur sert d’étendard, d’identité de substitution. Ces firmes, véritables manufactures de « coup de boule » sont loin d’êtres constituées de paumés : beaucoup ont de bons boulots, certains même sont pères de famille, travaillent et paient leurs impôts. Mais après un poker ou les courses du samedi à l’hypermarché, la tension monte, un « rendez-vous » avec l’incertain va avoir lieu. Tout peut arriver, même le pire, et ils en redemandent.


«

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e commence à prendre du recul avec le milieu, aujourd’hui j’ai atteint la trentaine. Je n’ai pas que le foot dans ma vie. Mais pendant 10 ans il n’y avait que ça. Je ne sais pas pourquoi. ForcéFight sur les bords du canal au niveau de Tomblaine, entre indépendants : Nancy ment il ne faut pas être tout à fait bien dans contre Nantes, le 21 octobre 2006. sa tête, mais pour moi, aucune femme ne m’a jamais donné les sensations d’un but », explique Jack d’une ont préféré jeter l’éponge. Si le monde des indépendants voix posée et réfléchie, cherchant lui-même à comprendre s’inspire largement du mouvement hooligan dans la forme le pourquoi de cette violence. « La première fois que je suis et le style, tels que racontés dans le livre-bible « Violent entré dans un stade, ce n’est pas le match qui m’a fasciné, Tribune », leur ressemblance s’arrête à une barrière que la mais les mouvements de la foule, j’étais hypnotisé », con- France n’a encore jamais franchie : pas de mort. Théorifie Jack, un des anciens leaders d’une firme de Nancy qui quement, pas d’arme « ou alors c’est pas réglo », explique commence doucement à se retirer. Même si le 23 février, Jack sans humour en énumérant les règles théoriques du pour le match Nancy-Lens, l’éventualité d’être en première fight-club. « Un hooligan vient pour tout casser, des flics, ligne pour un « petit 30/30 ou 40/40 » avait sérieusement les sièges, le stade, n’importe qui ! Nous on ne fait pas ça, mis à mal ses résolutions. Mais finalement la fight n’a pas on se bat entre adultes consentants uniquement. C’est une eu lieu. Les services de polices sont intervenus très vites règle non écrite que tout le monde connaît. On veut éviter autour des petits groupes de lensois qui tentaient de faire que ça finisse mal, d’avoir un pote à la morgue. Quelques jonction dans le quartier gare. Alors forcément, des petites bosses, des bleus, des fois un peu de sang ou au pire un nez bandes de 15/20, habillées à la mode « CAH », Casual And cassé, ça s’arrête là », explique Jack accroc à ces sensations Hooligan, regroupées devant deux bars de la place Thiers, extrêmes, à cette boule au ventre qui grossit quelques jours un jour de match, ça fait désordre. La firme nancéienne les avant la fight. Bien souvent, une semaine après une renconattendait à quelques deux cent mètres de la Place Stanislas. tre, Jack en est encore à la purée et au jambon, les seuls aliLa « baston » aurait pu se produire en plein centre ville. ments qu’il peut encore mâcher. Pourtant Jack, solidement Il restait juste un petit groupe des « Red Tigers » de Lens, implanté dans sa vie professionnelle n’a rien d’un marginal, prêt d’un petit bar jouxtant le Stade Picot, devant lequel c’est un homme de 30 ans, vif et intelligent. Mais tous ne campait une estafette de police. Les Thugs (une des 3 fir- présentent pas un profil aussi net. Chaque indépendant a mes nancéiennes) ont proposé à ces rescapés une rencontre un parcours différent et chacun d’eux pourrait confier un violemment inamicale, mais en infériorité numérique, ils manque ou un autre, un évènement fondateur qui a mal

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Le 23 février 2008, jour du match Nancy-Lens , la police interpelle rapidement les petits groupes d’indépendants tentant de faire jonction.

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DOSSIER FIGHT-CLUBS

Sur de grandes rencontres les indépendants n’hésitent pas utiliser des torches ou des feux de bengale en plein coeur de la ville.

tourné, un chemin qui les conduits à avoir besoin d’une de communications modernes que le phénomène ne cons« fratrie, à la vie, à la mort », à se rassembler autour de titue en rien une nouveauté sociétale mais bien un prolonmontagnes de bières, de drogues pour se « désensibiliser, se gement, une branche cadette sur l’arbre de la généalogie donner du cœur à l’ouvrage », shit, ecstasy, cocaïne, l’hé- de l’histoire de la violence. En interrogeant les fighters, il roïne étant proscrite… ressort que cette forme nouvelle provient essentiellement Pourquoi ? Pour se « sentir vivant », pendant un combat d’une exportation du modèle de hooliganisme à l’anglaise où tout peut arriver, « on peut tomber à 1 contre 1 comme qui repose sur une forme de lutte des classes sous-jacente. à 3 contre 1, ça peut mal tourner, alors tous les sens sont En clair, la société moderne a définitivement bouclé la bouen alerte, on se sent vivant. Après une fight, on se sent li- cle de la violence qui constitue un strict monopole d’Etat. béré de quelque chose, et après, surLes confrontations humaines, «mano a tout quand tu as gagné, tu aimes tout mano », sont prohibées de loin en loin. le monde », justifie Jack en esquissant A un différent qui pouvait autrefois se POUR SE un parallèle entre les fights et les « basterminer (et non se résoudre) par une tons » de l’époque des bals populaires, SENTIR VIVANT bagarre, se substitue aujourd’hui la judiciarisation du système. Le procéduune autre soupape de décompression rier, justement protégé par la loi, l’emsociale ritualisée. Cependant, ni les bals populaires, ni l’haspartum romain, ni le calcio flo- porte sur la loi sauvage du plus fort. En visant efficacement rentin ne possédaient une organisation et une architecture à la paix sociale ou a la sécurité, paradoxalement, la Justice mondiale assimilable à celle des fights dont les leaders des dépouille certains individus se sentant vivre sous le joug de firmes se retrouvent sur des sites internet avec codes d’accès la mécanique du système d’un vestige identitaire : la possiau niveau national, européen et international... En vérita- bilité de s’imposer, de gagner, d’apposer sa marque par force ble championnat parallèle, ils s’organisent, commentent les en dehors du monde du travail perçu comme un jeu pipé matchs, les rencontres, prennent contact pour des « rendez- et par extension toute forme de victoire s’inscrivant dans vous ». Mais force est de reconnaître au-delà des techniques un cadre social tolérable. Si les combats sur les rings et les

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UNE S ALADE NIC OI S E « CAPTURE THE FLAG * » (*capturer la bannière) Hors du stade le match Lyon-Lens, en 2007, a rapidemennt tourné à la guerilla

remises de médailles sont des formes de violences admises auxquelles les fighters s’adonnent régulièrement en sportifs sains, ni alcool ni fumée pour certain, elles ne suffisent pas à remplir leur soif de confrontation avec l’inéluctable. Le combat de rue constitue pour eux une alternative, justement parce qu’il est socialement inacceptable. Parce que chaque fight est un déchaînement de violence, une fissure à ciel ouvert dans le système, procurant l’adrénaline d’un vécu tangible, uniquement déterminé par la volonté de se battre. A la fin d’une fight, celui qui a tenu bon en première ligne est un homme D1, respecté par tous, celui qui est resté en arrière est « un vendeur de gaufres ou de pop’corn ».

TOUT LE MONDE VA VENIR A NANCY

Evènement difficile, en 2007, alors que deux matchs devaient avoir lieu en parallèle, Metz-Lyon d’un côté, et Auxerre-Nice de l’autre, les bus se croisent sur une aire d’autoroute. Parmi les pires affronts que puissent se faire entre eux les ultras, se trouve la capture de la bâche, symbole de l’équipe. Les lyonnais s’emparent de la bâche niçoise et lancent un feu de Bengale dans le bus…Le soir même, les niçois se sont renseignés et pistent le retour de déplacement des lyonnais avec un groupe de 80 personnes armées prêtes à en découdre. Par chance, les lyonnais ont eu vent du traquenard qu’ils ont évité. Depuis les niçois ne bâchent plus au stade, et ont remplacé leur bâche par une grande banderole titrant « 15 septembre », le jour où la bâche leur a été volée.

Pour comprendre cette mécanique, après de nombreuses parlementassions, notre rédaction a donné un rendez-vous une quinzaine de fighters, la veille du match Nancy-Lens, sur le parking visiteur n°3 du stade, vers neuf heures. La bande Toulouse-Nantes, le protagoniste à gauche fonce avec un couteau à la main.

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DOSSIER FIGHT-CLUBS

tarde à venir, car à la à la veille du match, ils font attention à ne pas se faire repérer par les quelques voitures de police et de la Brigade Anti-Criminalité qui longent consciencieusement les grands axes autour du stade. Le jeu du chat et de la souris a déjà débuté avec les forces de l’ordre. Et ils sont facilement repérables à quinze, habillés de noir, dans les rues vides, une nuit de pleine lune. « C’est nous les méchants », fanfaronne l’un deux dès l’arrivée. Leur équipe est composée de représentant des 3 firmes nancéiennes : les « Brizaks », les petits nouveaux qui commencent à s’affirmer, uniquement attirés par la bagarre ; les « Thugs » une des premières firmes issue du mouvement ultra « snipers », plutôt constituée de

sont nombreux, « Alors tout le monde va venir à Nancy », expliquent-ils en chœur, motivés, même s’ils redoutent plus particulièrement les affrontements avec les équipes du sud, selon eux plus promptes à briser les règles et à utiliser des armes blanches. Les rendez-vous sont plus ou moins bien organisés ou durs en fonction des contentieux qui peuvent exister entre firmes concurrentes. A titre d’exemple, Sedan est un excellent client pour Nancy : 7 rencontres, une seule défaite pour Nancy. « A chaque fois avec Sedan c’est cool. Un coup de fil et on se met sur la gueule. On les respecte, ils ont des couilles », raconte Jack Par contre, sans jamais se l’avouer, Nancy et Metz font tout, du fait de leur proximité pour éviter un contentieux trop important. Exception faite de l’année dernière, où une fight entre les deux équipes s’est soldée par la destruction d’un bar dans le quartier du sablon. Verres, tabourets, tables, tout avait volé, a commencé par les règles.

FIGHT CLUB : MODE D i EMPLOI En amont des rencontres, les leaders des firmes prennent contact entre eux via internet ou téléphones portables pour accorder leurs violons sur l’éventualité d’un rdv, le nombre possible de participants, un lieu potentiel et une heure. Les conversations entre leaders se font sur le ton de la « provocation cordiale ». Mais le plan doit être affiné en temps réel afin de tenter d’échapper à la surveillance de la police. Car Les fighters apprécient les photos de groupe destinées à impressionner leurs adversaires. quand un bus d’ultras arrive en ville, il est directement suivi dès son entrée gens de gauche ; et enfin la NCF « Nancy Casual Firme », par différentes unités. GPS, SMS, et bien d’autres méthodes plutôt « à droite toute ». Pas vraiment de « sales gueules », sont utilisées pour échapper à la surveillance de la police. plutôt une ambiance potache axée sur la provocation, une « Avec les firmes les mieux organisées, ça nous est même bande hétéroclite soudée malgré des étiquetages incompa- arrivé de recevoir carrément un plan Mappy et une heure », tibles. Un petit groupe couvé par sa mascotte féminine de raconte Jack. C’est un jeu à 3 parties où la police tient in26 ans, qui participe au mouvement depuis 10 ans, et filme volontairement un rôle, celui du gong de fin de rencontre. chaque rencontre en tremblant pour ses « potes ». Le jour, Une fight se déroule très vite. Loin ou aux abords des stades, « la cousine » suit un cursus dans le marketing, et travaille deux firmes se font face. Celle « qui joue en extérieur » est en contrat précaire à 80% du smic. Sur la planète fight, les en général plus motivée, ils se sont « chauffés » ensembles 3 firmes de Nancy commencent à avoir le vent en poupe et et doivent restés groupés. Aucun ne peut repartir. Après le à traîner une réputation de « clients sérieux ». Conséquence jeu de filature stressant dans les rues de la ville, les firmes se directe de la montée en puissance de leur équipe, l’ASNL, retrouvent. Elles avancent l’une sur l’autre. Leurs vidéos en qui a rencontré à domicile et en extérieur les équipes les plus lignes mettent en musique cette marche qui précède le preprestigieuses. Plus un club est grand, plus ses indépendants mier impact où les deux groupes finissent par former qu’une

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INTE R NE T : OR IG NAL- ULTR A

Les «Brizacks», la nouvelle firme de Nancy composée de jeunes venus majoritairement à la bagarre sans passer par la case ultra foot.

seule mêlée sous le regard médusé des badauds. D’ailleurs sur plusieurs vidéos de Nancy, on peut voir filer tantôt une poussette, tantôt un couple de personnes âgées, passant pressement, sans être inquiétés le moins du monde. Puis un groupe recule, abandonnant ses traînards, sans que la firme gagnante ne s’acharne sur lui. Tout s’est déroulé entre 5 minutes maximum charriant des torrents de coups de poings, de coups pieds, de coups de coudes, à la mode free fight, boxe ou full contact. Si la police intervient, un seul mot d’ordre : dispersion générale. Pas de dépôt de plainte. Filer pour aller assister au match parmi les rangs ultras. Car seule une petite moitié est à ce jour identifiée, et donc interdite de stade. Pour la police, ces sujets turbulents sont plus que difficiles à travailler. Quand ils en retiennent un, avant de le relâcher, le capitaine explique : « je tente de vous protéger de vous-mêmes. Un jour ça va mal finir ». Mais en dehors de quelques jeunots impressionnables, la majorité ne parle pas. Comme il n’y a ni plainte, ni preuve, ils peuvent s’en sortir facilement avec une excuse 100% factice. Les fighters racontent que certaines firmes de l’hexagone ont eu à la fin des années 90 quelques indics dans la police et même dans les renseignements généraux avec d’anciens ultras reconvertis. Idem dans le milieu des joueurs. Parmi les anciens de l’ASNL, un seul joueur professionnel serait issu du milieu ultra. La nouvelle génération l’a reconnu sur un vieux cahier, où à l’instar des vignettes panini, les anciens fighters

A partir d’un de ces sites internet, les indépendants se postent des messages, évaluent leur classement en terme de réputation, échangent des informations sur les scènes des différents pays. Les sites comportent une partie neutre et ouverte à laquelle n’importe qui peut avoir accès, tandis que seuls les leaders, ou les « hommes de D1 » possèdent une accréditation pour surfer sur les forums où s’échangent les informations importantes.

ULTR AS - INDPE N DA NTS L’ultra porte un nom de groupe sur son écharpe, « le matos du club », et sont formés en association loi 1901. Sa mission : soutenir son équipe, organiser le spectacle. Il peut être amené à se battre mais ce n’est pas son but premier, sauf dans le cadre des rivalités où ils peuvent se défendre. Il existe des groupes ultra non violent. A Nancy, les vieux indépendants sont issus du mouvement ultras. Virulents supporters ces ultras se sont vus progressivement retirer toutes leur prérogatives, comme l’allumage des torches, les bâches etc… Turbulents, ils organisaient malgré tout avec les jeunes des actions de soutien comme par exemple, les restaus du cœur. En scission avec le club, un petit noyau d’ultras déçu par sa fermeté s’est donc progressivement tourné vers le non statut indépendant.

Groupe de polonais plus qu’ultras, ultras nationalistes, ultras violents....

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DOSSIER FIGHT-CLUBS

Groupe d’indépendants d’Europe de l’Est vivant apparement en groupe constitué comme une milice organisée.

réalisaient des albums souvenir des meilleurs « distributeurs à baffes ». Officiellement, les indépendants sont considérés comme une honte pour le sport et un noyau d’insécurité, une étincelle capable de mettre à mal la sécurité du stade notamment sur de grandes rencontres européennes. Mais officieusement, quelques rares joueurs glissent parfois à l’oreille d’un indépendant une petite formule d’encouragement du type : « j’espère bien que vous aussi ce soir, vous leur mettrez une bonne branlée ». Une absence de caution, également à géométrie variable, du fait de la longue implantation du mouvement. Car le mouvement indépendant de Nancy est issu dans des 90, à l’origine d’un groupe ultra appelé les « Snipers ». Leur emblème, une cible, a longtemps été confondu avec une croix celtique, alors que d’extrême gauche. « Alors qu’en fait, nous voulions être utile à notre équipe, à Nancy. J’aime l’histoire de Nancy et qu’on parle de ma ville dans les médias. Aussi, en 98, quand les écrans ont été dressés pour retransmettre les matchs de la coupe du monde, les snipers étaient là pour donner un coup de main, pour s’impliquer dans l’organisation », commente Jack cherchant à être reconnu comme un « patriote » de sa tribu urbaine. « C’est limite du fanatisme », concède-t-il, « Quand tu es rentré là-dedans, c’est comme la cigarette, c’est très difficile de s’arrêter. Ca prend toute la place », achève Jack, sur le point de tourner la page.

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LE MONDE FOOT DE LA REAL FOOTBALL FACTORY Car la France est encore un enfant sage comparée aux hordes sauvages de la scène internationale : hooligans, tifosi, ultras-nationalistes des pays de l’Est, Bravas argentins...


LE S F I R M ES F R ANC AI S ES Une seule règle. Oubliez les toutes. Dans les pays de l’est, la police ne se déplace pas pour contrer ces bandes utilisant des armes à feu sans aucune limite. Chacun de ces pays et d’autres sont capables de mobiliser des firmes 10 fois plus nombreuses que celle du PSG. Certains néo-nazis ultras du football peuvent même parfois vivre ensemble dans des appartements-squatts, faisant du hooliganisme un mode de vie en immersion complète, avec organisation para-militaire sur fond d’abus et de faits de violences de tous ordres. Des reportages professionnels circulant sur internet présentent sous un jour plus que favorables cette internationale HOOLIGANS ! de l’ultra violence : The Real Football HOOLIGANS ! Factory. Devant la caméra, un dandy dans la mouvance « trainspotting », se filme à la façon des documentaires de la chaîne Voyages devant les grands monuments des pays du foot sur fond de musique classique, rock ou techno, alternant au montage des scènes d’ultra-violence tournées dans le pays. A Rome, le présentateur se plante devant le Colisée avant de présenter aux spectateurs ces « nouveaux gladiateurs ». Des tifosi surchauffés détruisant tout sur leur passage… Au-delà de la forme tonitruante et ciné génique de la représentation de cette violence, ces reportages proposent un postulat intéressant en s’attachant à l’histoire du football dans chaque pays en parallèle à une rapide fresque sociale : l’une devenant la conséquence de l’autre. Le danger de ce genre de reportage réside évidemment dans l’esthétisation de cette violence qui la rend consommable,

Estimation de la capacité de mobilisation en hommes des groupes des grands clubs français PSG : 200 à 300 Saint-Etienne : 200 NICE : 100-150 Olympique Lyonnais : 150 Marseille : or-classement, groupes popu laires sur le modèle italien

S HOR T S TOR Y

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Photo 1 : Nancy-Nantes face à face. Photo 2: impact. Photo 3 : arrivée de la police. En tout, la fight a duré moins de 5 minutes. METROPOLIS N°008 MARS 2008

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DR

DOSSIER FIGHT-CLUBS

Nancy contre Feyenoord le 30 novembre 2006 , un jour qui restera gravé dans la mémoire de Nancy.

PHOTOS : DR

communicative, distrayante. Mais pour l’heure, et en dépit de quelques dérapages de grandes ampleurs, fortement inscrits dans les mémoires, le monde des indépendants français reste encore à la marge de cet océan déchaîné. Pour combien de temps ? Le 30 novembre 2006, en pleine coupe de l’UEFA, Nancy rencontre Feyenoord qui traîne dans son sillage plus de 600 hooligans interdits de stade surmotivés par un match en extérieur. Les hooligans gigantesques « calent » alors les indépendants nancéiens dans leur bar et demandent combien d’hommes ils peuvent mobiliser. Devant

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une réponse insuffisante en nombre, leur leader répondra avec un sourire: « Alors nous jouer avec police ». La suite des évènements restera gravée comme un jour noir de la cité. Et tandis que les indépendants nancéiens rongeaient leur frein, et que les forces de l’ordre débordées faisaient de leur mieux pour contenir ce chaos furieux, ils assistaient aux échauffourées aux quatre coins de la ville, envieux de la puissance de frappe des hooligans hollandais, de par leur violence fascinés… SEBASTIEN DI SILVESTRO


FA C-SI M I LE D i U N E LE T T RE HO O L I G A N ANNEE 1992-1993 : ENVOYEE AUX AUTORITES

Monsieur, Toutes les mesures prises contre le phénomène du hooliganisme ne serviront à rien, que le match STANDARD-ANDERLECHT soit joué le vendredi 08 mai ou le dimanche 10 mai à 18h ne nous dérange nullement, nous viendrons au match pour tout casser et nous le ferons, obscurité ou pas. Nous vous promettons une belle baggare, nous mettrons la ville de Liège à sac. Depuis les incidents du dernier match STANDARD-ANDERLECHT, nous ne pensons qu’à une seule chose, nous venger. En fait, les incidents de ce dernier samedi ne nous feront qu’une plus grande publicité encore, les holligans du O-SIDE seront encore plus nombreux à prendre le train dans l’idée de mettre une bonne raclée à ces paysas du « Hell-side ». Ce ne sont pas 200 hooligans que devront affronter les forces de l’ordre mais sans doute pas loin de 1.000 hooligans, nos ennemis Anversois mais amis d’un jour seront sans doute de la partie, sans compter nos amis de l’AJAX descendus tout spécialement de Hollande. Le fait que le match soit retransmis à la télévision ne peut, en fait, que nous apporter une plus grande publicité encore, nous nous attendons à une chaude réception des forces de l’ordre, c’est pourquoi nous tenterons de faire interrompre le match, n’ayez crainte, nous vous surprendrons ! Nous savons que de nouvelles mesures contre le hooliganisme vont tout prochainement être prises, j’ai moi-même été arreté à quatre ou cinq reprises, jamais condamné, nous avons encore un peu de temps devant nous, vous pouvez me croire, nous allons en profiter. A bientôt, et encore toutes mes salutations antisportives.

G-SIDE HOOLIGANS

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LE SHOOTING MODE AVEC

e i r e h c u e B n i a v l y S

mode

pages

FACON VICTIME

MANNEQUIN ?

Comment devenir un

Ils sont beaux ! Elles sont belles ! Du haut de leurs jambes interminables, elles vous toisent, et avec leurs carrures d’athlètes ils vous en mettent plein les yeux ! Et pourtant ils sont tout ce qu’il y a de plus sympathiques et animés par des buts plutôt honorables. Découvrez avec nous les modèles de l’association Fair Promotion, que vous avez déjà pu découvrir lors du concours Cosmopolite Models, de la vraie graine de star de mannequin.


STARMODELS

ASSITAN 24 ans 180 cm 90-62-91 Signe astrologique : Cancer Ses passions et activités : Co-Fondatrice Fair Promotion Conseillère en images

JULIETTE

25 ans 176 cm 85-64-92 Signe astrologique : Sagittaire Ses passions : Le basket, l’équitation, son fils Activité : Co-Fondatrice Fair Promotion

CLÉMENCE 17 ans 173 cm 85-60-87 Signe astrologique : Verseau Ses passions : Danse Hip hop Activité : Lycéenne en 1ère ST2S

NACIMA 23 ans 180 cm 88-62-82 Signe astrologique : Gémeaux Ses passions : Danse orientale, course Activité : Documentaliste

PAMELA 20 ans 182 cm 90-68-92 Signe astrologique : Gémeaux Ses passions : Danse Hip hop Activité : Vendeuse dans le prêt-à-porter

RAPHAËL

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21 ans 192 cm 75 kg Signe astrologique : Vierge Ses passions : Basket, lecture Activité : Etudiant en économie METROPOLIS N°008 MARS 2008


LE SHOOTING

vu par Francis Demange

La classe mannequin

L’ASSOCIATION FAIR PROMOTION

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’association Fair Promotion est un petit peu plus qu’un tremplin pour modèles, son objet est avant tout d’assurer la promotion de la diversité culturelle et ethnique dans le milieu de la mode. Assitan Traore et Juliette Gehin sont les deux fondatrices de l’association ainsi que du concours Cosmopolite Models. A ce titre, elles organisent, avec les autres membres de Fair Promotion tel que le chef de projet Pascal Capitolin, des évènements aussi divers que des concours, défilés, séances photos qui sont autant de chances pour les participants d’être reconnus. Une autre facette de l’organisation est son activité de conseil en relooking. Si le coaching est à la mode, il se fait ici

délégation de service public, puisqu’en partenariat avec le Conseil Général, ce sont des jeunes de banlieues qui sont conseillés pour acquérir les codes vestimentaires et sociaux qui maximiseront leurs chances de réussite lors d’entretiens d’embauche. Plus qu’un regroupement de doux rêveurs qui ne verraient de salut que dans le crépitement des flashs au pied des podium, ce rassemblement d’ami(e)s se concentre sur des préoccupations essentielles telles que la lutte contre les a priori, la vision des codes de la mode non pas comme une ségrégation, mais comme une voie d’insertion. Pour en savoir plus : www.cosmopolitemodels.com METROPOLIS N°008 MARS 2008

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SYLVAIN BEUCHERIE

STARMODELS

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SYLVAIN BEUCHERIE

SYLVAIN BEUCHERIE

STARMODELS

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VOUS AUSSI VOUS VOULEZ DEVENIR MANNEQUIN ?

L

SYLVAIN BEUCHERIE

’association Cosmopolite Models organise son grand concours annuel dont le but est de faire sortir de l’anonymat des aspirants mannequins. Que vous soyez une fille ou un garçon, vous pouvez allez vous inscrire sur www.cosmopolitemodels.com pour participer à cette nouvelle édition. Les gagnants seront suivis par les professionnels de l’association qui les épauleront et les conseilleront pour leur début dans la carrière.

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GRAND REPORTAGE MONDE

LA LEGENDE DES

DRAG


GONS

DE KOMODO GRAND REPORTAGE Photos : Francis Demange Textes : Sébastien Di Silvestro


GRAND REPORTAGE MONDELES DRAGONS DE KOMODO

L’origine de l’espèce remonte à 140 millions d’années, dans les brumes de l’histoire où l’Homo Sapiens n’était encore qu’un lointain projet de la nature. Les dragons ont vu disparaître les étapes successives de cette évolution des hominidés, et assisteront peut-être impassibles à la disparition de la prochaine. Leur force est celle des grands prédateurs dont l’adaptation d’origine à un environnement rend caduque toute nécessité d’évolution. Ces dragons de chair qui ont servi de matière aux légendes peuvent dépasser les 3 mètres de long pour plus de 165 kg. Ils vivent retranchés, protégés, dans un paradis de gros gibiers, au coeur l’archipel des îles de la Sonde, au large de l’Indonésie. Encore inconnus du reste du monde, il y a seulement 100 ans.

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P

armi les mythes fondateurs des habitants de l’île de Komodo, les anciens égrènent encore d’une voix de chapelet glissant la légende des hommes et des dragons : « Vivait jadis sur cette île une femme au nom d’Ina Matarea. Elle épousa un jeune homme dénommé Najo. De leur union naquit un garçon qu’ils nommèrent Matarea, ainsi qu’un oeuf. Un bébé komodo en sortit, qu’ils nommèrent Ora. Depuis, Najo et Ora sont considérés comme les ancêtres des Hommes et des komodos vivant sur l’île ». Un habitant de Komodo raconte que la découverte scientifique des dragons remonte aux années 1900, quand un aviateur s’abat sur une des îles inhabitée où vit l’autre peuple des enfants d’Ina Matarea et de Najo. En terra incognita, il découvre, sans doute le pas apeuré, des biches qui s’écartent des hautes herbes. L’aviateur se retrouvera bientôt face à face avec une gueule de cauchemar préhistorique dans laquelle s’hérissent soixante dents crénelées, d’où jaillit une langue bifide qui claque l’air comme un fouet et détecte sa proie. Des griffes acérées, une queue puissante, un corps massif capable de se déplacer à plus de 30 km/h dans un sprint terrifiant. D’une façon ou d’une autre, à l’instar des

La légende est tenace, les dragons restent difficiles à approcher mais ne se montrent agressif que s’ils ont faim ou se sentent agressés.

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GRAND REPORTAGE MONDELES DRAGONS DE KOMODO

protagonistes de Jurassic Park dont il aura inspiré l’histoire, l’aviateur parviendra à rallier les rives de l’Indonésie. Mais à défaut de gloire, c’est l’hôpital psychiatrique qui attend l’aventurier blême qui ne cesse de parler de dragons vivant sur des îles. Au bout d’un temps d’internement, il change de stratégie, déclare avoir momentanément perdu la raison, des dragons ? Quelle blague ! Alors il sort. Aussi sec, il achète des fusils de gros calibres, monte une expédition, et au bout de quelques semaines revient avec dans ses canots un corps de lézard géant couvert d’écailles ossifiées. « Et ça c’est quoi ? ». Cette histoire est racontée par les habitants, et comme bien souvent n’est pas conforme à la version officielle.

170 kilos capables de se déplacer à 30 km/h

DES DRAGONS MANGEURS D’HOMMES ! L’irruption scientifique du Varanus Komodoensis date de 1912, époque à laquelle P.A. Ouwens, directeur du Musée de Buitenzorg de Java, rapporte une inquiétante nouvelle au gouverneur rapportée par des pêcheurs : « des dragons mangeurs d’hommes de plus de 7 mètres de long vivraient là-bas, au large ». Là-bas, ce sont les petites îles de l’archipel de la sonde : Komodo, Rinca, Gili Motong et enfin Padar d’où ils ont aujourd’hui disparu. Le directeur s’atèlle à dresser un premier profil de ce lézard, le plus grand au monde, capable de sauter et de nager. Par la suite, les scientifiques découvriront peu à peu cette créature capable de dévorer un sanglier de 31 kg en 17 minutes en se laissant par ailleurs le privilège du temps lors de la chasse. Car sa langue fourchue contient un « cocktail tragique » de 50 bactéries qui viennent à bout des proies les plus coriaces. Une morsure suffit à provoquer une septicémie. Les dragons de Komodo

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ne sont pas les ogres des légendes, mais ils sont capables d’une grande violence quand ils sont affamés. Les dragons se nourrissent de chiens, de buffles, de chèvres, de cochons et de sangliers ou même de petits lézards et insectes. S’il voit mal dans la pénombre du fait de l’absence de bâtonnets dans ses cellules rétiniennes, sa langue est un radar thermique de précision. Sans compter son ouïe, qui détectant uniquement les bruits sourds, suffit amplement à la traque de ses proies martelant ou tombant au sol, la colonne vertébrale brisée. Si l’approche des dragons demeure dangereuse, les habitants des îles de la Sonde, connaissent bien les mœurs de leur ancêtre voisin, et vivent en bonne intelligence, tout en veillant constamment leurs chèvres convoitées par les dragons mais aussi par les rares équipes de télévisions cherchant à attirer les dragons pour les besoins d’un film. Entre 5 et 7 ans débutent les cycles des parades amoureuses où le dragon se fait plus tendre, le mâle gratte les flancs, le dos et le cou de sa compagne avant de s’accoupler. La femelle peut pondre jusqu’à 35 œufs qui incuberont pendant un peu plus de 8 mois. Si les dragons vivent en moyenne 20 ans, la légende leur en attribue 100. Les 6.000 représentants de l’espèce vivent aujourd’hui dans une zone décrétée parc national indonésien, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. A si peu, sur des géographies minces, l’espèce est toujours potentiellement menacée d’extinction. Et son image de sauvagerie primitive n’arrange rien pour les Hommes dont les légendes ont la peau plus dure que les écailles. Pour preuve, le parc de Thoiry à Londres avait attendu la date symbolique du 23 avril 2006 pour annoncer la première naissance simultanée de 4 bébés dragons dans un parc européen. Cette date est celle de la Saint-Georges, le pourfendeur de dragons… SEBASTIEN DI SILVESTRO

Photo rare saisissant le combat de deux mâles au coeur de l’île.

5 griffes pour déchiquetter, et des écailles ossifiées pour se protéger.

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REPORTAGE FRANCE

REPORTAGE : Sébastien Di Silvestro- Photos : Francis Demange

Les mousquetaires de la mécanique

DES FEMMES DANS LE MO Leur aventure a fait sourire la France. Douze filles et un formateur qui, au terme d’une épopée, ouvrent leur propre garage dans la banlieue de Montpellier : un garage au féminin. Les médias affluent en grappes pour constater ce phénomène unique, des femmes faisant de la mécanique. Transformées en stars du jour, elles retournent à leur atelier et les clients affluent. La brève pourrait s’arrêter là si leur incroyable aventure n’avait pas suscité des convoitises devenues autant d’obstacles à surmonter. Déjà pour former 12 femmes aux métiers de la mécanique, il fallait paradoxalement réussir à contourner les lois françaises… contre la discrimination. Convaincre, s’affranchir de grandes marques automobiles cherchant à s‘accaparer cette image porteuse. Aujourd’hui, elles attendent que soient tenus des engagements vitaux. Alors le sexe de ces mécaniciens hors pair ne constitue en rien une « attraction originale », mais un combat mené avec coeur et sourire, à l’école de la vie.

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Hervé Malige, un pédagogue devenu chef d’une entreprise collégiale.

L TEUR

eur premier client a été accueilli le 14 janvier 2008 devant une herse de journalistes. Enchanté, il est revenu depuis pour remercier l’équipe de son excellent travail : sa voiture n’a jamais aussi bien roulé. Ce résultat est le fruit d’une longue et patiente formation d’Hervé Malige qui a enseigné à ses élèves : « la mécanique est comparable à celle du corps, vous pouvez toujours essayer de faire remarcher les choses avec un trombone, mais si vous ne trouvez pas la cause de la panne, elles ne seront pas réparées. » Ces 12 femmes de 19 à 42 ans ont été bien formées. Elles ont toutes obtenu leur CAP avec une moyenne de 15, en prenant de vitesse la majorité des garçons. Très motivées les filles... Avant l’aventure du garage au féminin, celles qui avaient tenté de frapper à la porte d’autres garages s’étaient vu accueillir par des sourires moqueurs. « Pas de femmes dans le moteur », lance à Sophia un patron gracieux en rabattant le capot. Depuis, très remarquées pour leur assistance sur des rallyes, starisées à Paris, au mondial de l’automobile, où elles déambulaient avec le nom de leur garage qui n’existait pas encore flocké sur leurs blousons, les 12 filles ont bien rabattu le caquet des machos du boulon. Aussi, nombreux sont les garages et concessionnaires alentours qui rongent leurs freins. Pire, ce n’est pas parce qu’elles sont femmes qu’elles reçoivent chaque client comme le prince charmant. Leur sourire est moins un rictus commercial qu’une expression sincère d’individus en passe de réaliser un rêve collectif. Ces jeunes mousquetaires sont toutes associées dans les 70.000 € du capital de l’affaire. A la façon d’un casting pour une « mission impossible » elles ont été formées pendant 2 ans aux tâches correspondant à leurs prédispositions : 6 mécanos, 1 chef d’atelier, 2 carrossiers-peintres, 1 DRH-comptable, 2 commerciaux (venues plus tard), 1 réceptionnaire, 1 agent d’accueil. Cependant Hervé Malige refuse de féminiser le nom des métiers « ce qui reviendrait à les sexuer. Nous pourrions rencontrer des clients qui refuseraient de confier METROPOLIS N°008 MARS 2008

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REPORTAGE FRANCEDES FEMMES DANS LE MOTEUR

leur voiture à des mécaniciennes, le nom même changerait la fonction », résume ce pédagogue dont la vocation à féminiser cette profession ne date pas d’hier. Et il a payé un prix suffisant pour que son idée ne soit pas ravalée au rang de simple concept marketing. Mais alors si ce n’est pas à des fins de publicité facile, ni pour l’exploitation des charmes féminins à la façon des « cars wash » américains, pourquoi vouloir monter un garage version elles ? Parce que deux expériences lui ont prouvé qu’en matière de boulons les femmes pouvaient faire le boulot aussi bien que les hommes et qu’il apprécie fortement être un empêcheur de penser en rond. Dès la fin de ses études, Hervé Malige reprend la concession automobile de son père qu’il développe bien. Il lui manque un soudeur alors que sa propre soeur recherche du travail. Et la soudure prend

bien. Alors que sa concession ronronne, il formule le projet d’ouvrir une école de formation aux métiers de la mécanique adressée également au public féminin. En professeur de tous les instants, avec des mots simples accessibles à tous, il propose même des cours de sensibilisation « aux mystères des

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moteurs » calqués sur une approche psychologique. Il obtient les agréments de l’Etat et forme des jeunes en CAP en un temps record avec plus d’heures de présence en entreprise que n’en proposait l’Education Nationale, et réussit à placer durablement plus de 60% de ses diplômés. Dans les années 90, il planche sur un projet de garage féminin destiné à la restauration de 4L mythiques. Mais les partenaires institutionnels et privés trouvent que le projet intervient trop tôt…

COURIR EN TETE SANS ROUE DE SECOURS En 2003, il revient à la charge et obtient la participation des collectivités qui mettront deux ans à se rallier à sa nouvelle idée à hauteur de 65.000 €. Il veut former des femmes et ouvrir un garage dans la foulée. Cependant un problème est soulevé. Ouvrir une formation à un public exclusivement féminin constitue pour la loi française une discrimination effective. Hervé entame le bras de fer et obtient gain de cause en s’appuyant sur l’article 141 du traité d’Amsterdam qui permet à un Etat membre de l’Union « d’adopter des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle. » Départ chrono. Il passe une annonce à l’ANPE et dans un temps record reçoit 92 candidatures qu’il « caste » avec des entretiens filmés et consultent celles qui ont déjà été retenues pour former une vraie équipe. Elles arrivent de tous les horizons, pleines de gaieté et de motivation. Quand le « patron » a le blues à force de faire chauffer son cerveau-moteur, elles lui remontent le moral en lui faisant un poème ou en lui déversant une avalanche de feuilles mortes dans sa chambre d’hôtel. En parallèle de leur formation qui avance bien, Hervé recherche des partenaires. On lui fait miroiter un système de franchises nationales, lettre morte. Suite à leur présence remarquée au


mondial de l’auto, il se fait rappeler par le numéro 2 d’un grand groupe qui proposera ensuite d’équiper un site sous son enseigne pour finalement limiter l’expérience à 7 personnes seulement. Mais les liens de l’équipe sont déjà forgés, et Hervé refuse de les diviser. C’est une déception, son projet s’éloigne à nouveau. Il cherche du soutien auprès d’un organisme de formation qui se voit en porteur de projet et dupliquerait bien l’expérience à sa place. Hervé fonce déposer son concept à l’INPI. Tant pis, ils mèneront la course en solitaires. Avant la fin de la formation, il pose le principe d’une part social de la future société offerte à chacune, lui ; cherchera le capital, un local. Comme elles croient en elles-mêmes, les mousquetaires sont plusieurs à casser leur tirelire pour investir dans le projet. Hervé invite d’autres porteurs pour boucler un petit capital au nombre pléthorique de 18 actionnaires ! Ils vont voir la banque qui donne verbalement un premier accord de principe pour un prêt de 250.000 €. En parallèle, Hervé a trouvé un local à louer, un ancien grossiste en meuble. Il signe le bail. A la fin de la formation des filles en novembre, ils entament les travaux, en dépensant l’argent du capital et font tout par eux-mêmes. Les filles jubilent et écoutent attentivement chaque conseil d’Hervé. Pour le gros matériel qui coûte ce que la banque n’a pas encore prêté, ils obtiennent la confiance des fournisseurs qui croient au projet. Le 14 janvier c’est l’ouverture : suite à un article dans le journal local et une dépêche AFP, un beau feuilleton sur France 2, le garage au féminin a obtenu une médiatisation inouïe qui vaut plus que toutes les publicités. Elles ont les yeux qui brillent. Un autre fournisseur leur offre des outils pour un montant important. Elles sont toutes parfaitement dans leur rôle, les carrossiers s’appliquent aux détails, les mécaniciens à travailler vite et bien, talonnés par la comptable qui les presse. Si elles ont des coup de gueules, elles se tombent rapidement dans les bras et se rabibochent autour d’une bonne vanne. Aucune n’est là par défaut mais bien par choix, comme Carole à 41 ans qui a démissionné d’un poste de secrétaire pour enfoncer avec plaisir ses mains dans le cambouis, « avant j’avais l’impression

que ce je faisais ne servait à rien, maintenant je répare des choses. Ca me donne une grande satisfaction », confie-t-elle en écrasant sa cigarette tâchée d’huile. Midi sonne l’heure de la réunion de toute l’équipe, avec un sujet majeur. Hervé revient de la banque qui n’a toujours pas délivré l’offre de prêt. Attente d’un papier d’une autre banque qui attend un papier… Alors les filles jettent un regard inquiet à l’atelier qu’elles ont fabriqué de leurs mains, avec leur coeur. Rien de tout cela ne devrait être là, à commencer par elles : des femmes dans le moteur, bridées à l’origine par la loi au motif qu’elles sont des femmes, alors qu’elles donnent sans limite au compteur. Rien ne devrait être là et pourtant tout est là, le garage est plein, les clients contents et même un peu surpris de récupérer aussi vite leurs voitures réparées proprement. Si elles sont un peu inquiètes, leur esprit d’équipe reprend vite le dessus, ce qu’elles contemplent c’est une réussite. Et quelques minutes après la réunion, elles reprennent leur travail appliqué en ordre serré, fortes et unies comme des mousquetaires. Alors si elles roulent des mécaniques, c’est qu’elles en SEBASTIEN DI SILVESTRO ont déjà gagné le droit.

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COSMOPOLIS

PAS DE PLAN SURCOM LA Résultats de la MISSION STARDUST

Les astrophysiciens attendaient de pouvoir enfin analyser de la matière provenant des comètes. Ils espéraient y trouver la Materia Prima de la nébuleuse originelle proto-solaire. Une matière piégée dans ses glaces orbitant aux confins de l’obscurité, loin des rayonnements du soleil. Le CRPG (Centre de Recherche Géochimiques et Pétrographiques) de Nancy a créé la surprise en publiant dernièrement ses conclusions dans la revue américaine Science* : ces comètes vieilles de quelques 4,5 milliards d’années sont bien moins primitives que prévu et jouent un rôle de messager céleste dans la longue chaîne de transformation de la matière.

NASA/JPL

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La comète Wild 2

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’aventure débute le 7 février 1999, lors du lancement à Cap Canaveral de la sonde Stardust (poussière d’étoile) chargée de récolter des poussières interstellaires. La sonde effectue deux campagnes pour approcher la comète Wild 2 et prend des clichés de l’astéroïde Annefrank. Stardust se positionne dans le sillage de la queue de la comète pour recueillir le maximum d’éléments dans une cible en aérogel, une toile d’araignée en 3 dimensions composée

à 99,8% d’oxygène pour amortir le choc des particules. Cependant elles impactent la cible à 6 kilomètres par seconde et explosent littéralement dans l’aérogel. En janvier 2006, Stardust, de retour dans le giron de la Terre, largue sa précieuse cargaison encapsulée dans le désert de l’Utah. La communauté scientifique qui n’avait pu jusqu’alors qu’observer les comètes à distance, se dispute entre laboratoires agréés par la Nasa, l’obtention de quelques-uns des 200 grains de matière collectée. Par chance ou par flair, l’équipe du CRPG de Nancy dirigée par le professeur Marty, demande à se voir confier uniquement des morceaux d’aérogels, sans les grains, pour se lancer dans l’étude des gaz rares, susceptibles d’être contenus dans les bulles d’explosion. Or « les collègues américains »


ETE Receptacle contenant l’aérogel, une toile d’araignée en 3 d composée à 98% d’O2.

n’ont rien trouvé dans les grains… Par contre, en se concentrant au départ sur l’hélium (le 2ème élément le plus présent dans l’univers) et le néon, l’équipe a non seulement découvert une composition isotopique moins appauvrie que celle de la Terre, mais également une forte concentration de gaz rares, plus de 10.000 fois supérieure à celle contenue dans les météorites. Jusqu’à cette découverte, ces gaz piégés dans une matière réfractaire rocheuse notamment composée de fer et de soufre sous forme solide, n’avaient jamais été analysés à distance.

Irradiees par le soleil Les quelques centièmes de milliardième de gramme de matière que le CRPG a fait fondre au laser révèlent que les comètes ne constituent en aucun cas un sanctuaire de glace de la matière originelle. Au contraire, elles présentent un profil fortement irradié par les rayonnements d’un soleil encore jeune qui aurait transformé la matière à très grande échelle. Par contre cette découverte affine un vieux débat d’astrophysiciens : l’atmosphère des planètes proviendraitelle de l’apport providentiel des comètes ? Cette

L’impact des matières dans l’aérogel s’est effectué à 6 km par seconde.

découverte fait pencher la balance vers une réponse plus affirmative, le rapport en terme de besoin pour constituer une atmosphère étant très faible. Pour la Terre, un millième de sa masse apportée par le pilonnage des comètes aurait pu suffire à « importer » les gaz constitutifs de son atmosphère primitive. Si les planètes ont été formées par accrétion de corps célestes, l’observation de leurs traces sur Terre demeure très difficile. Par contre, la Lune étant dénuée d’atmosphère, permettra par l’observation de ces cratères intacts de calculer la masse de comètes tombées et donc d’en déduire celle de la Terre. De futurs travaux vérifieront cette hypothèse. Quant à savoir si ces corps célestes ont été porteurs des acides aminés, les briques essentielles de la vie, dont elles auraient pu ensemencer la Terre, le Professeur Marty reste plus circonspect sur le sujet. Les conditions extrêmes régnant sur les comètes, soumises alternativement au chaud et froid, sous irradiation solaire, tendent plus à casser les liaisons au niveau atomique qu’à favoriser la lente apparition des structures complexes de la vie. Cependant ce scénario ne peut être exclu. D’une façon ou d’une autre, l’Homme a toujours été un enfant des étoiles. A la Science de découvrir comment. A la spiritualité de découvrir pourquoi. Aux Etats de continuer à financer au mieux ces recherches qui en permettant de comprendre notre origine tissent les solutions possibles pour notre avenir. Car si le slogan peut sembler empreint d’une naïve poésie, il exprime néanmoins une forme de vérité, une nécessité issue de l’extrapolation de notre présent, en termes de besoins de matières premières, de populations, d’écologie, de maîtrise de notre environnement, chacune de ces problématiques conduit les recherches vers une voie unique et pourtant infinie : notre futur passe par l’Espace.

Professeur Bernard MARTY

* Marty et al., Science, 4 janvier 2008 ; Hope et al., Science, 25 janvier 2008

SEBASTIEN DI SILVESTRO et ALEXANDRE GOMBAUT

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ETATS CIVILS

Les

Chroniques duPalais

La sagesse paix ou la folie de la sécurité ?

SDS

Liberté, Egalité, Fraternité : les faits, rien que les faits

par Maître Grégoire Niango - Avocat à la cour

© JULIEN TROMEUR - FOTOLIA.COM

J

’apprends avec consternation que non seulement le Conseil Constitutionnel s’est contenté de censurer le projet scélérat de mise en place d’une « rétention de sûreté » en ce qu’il était censé s’appliquer aux détenus déjà condamnés. Et que notre Président de la République a saisi pour avis le premier président de la Cour de Cassation pour savoir s’il était techniquement possible de contourner la règle de la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères pour que la décision du conseil constitutionnel soit sans effet et que je cite « ces monstres ne menacent plus les victimes ». Le chef de l’Etat est allé jusqu’à invoquer l’existence d’un « principe de précaution applicable aux victimes puisqu’on l’applique à la nature ». Si on est juriste

inimaginable d’imaginer aller à l’encontre une décision de censure du Conseil Constitutionnel. Pour simplifier, le rôle de cette institution est de dire, quand on lui pose la question, si une loi

sions sont insusceptibles de recours. L’idée même de « chercher à bricoler » pour contourner les effets d’une décision émanant de cet organe est, je crois, inédite. Sur le fond,

Le principe en France est que la loi pénale est non rétroactive. et démocrate, on ne peut être que consterné. D’abord parce que dans un système où la séparation des pouvoirs est respectée, dans une démocratie en somme, il est

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respecte les grands principes qui fondent notre système. Cette institution est composée de « sages » (encore que…) dont la désignation est politique et dont les déci-

l’idée que défend le gouvernement est choquante. Deux choses : la rétroactivité (ou plus exactement l’application immédiate) d’une loi aggravant la situation d’une

personne condamnée, et le principe d’une détention de durée illimitée. Sur le problème de l’application immédiate de la loi, quelques mots. Le principe en France est que la loi pénale est non rétroactive. Derrière ce terme « rétroactif », une règle assez simple dans son énoncé. Partant de l’idée que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé, autrement dit que « si aucune loi ne dit que c’est illégal c’est que c’est légal », on ne peut poursuivre une personne pour des faits qui étaient autorisés à


l’époque où elle les a commis. De même, on ne peut condamner une personne à une peine qui n’était pas prévue par la loi lorsqu’elle

On peut appeler un singe un lion, cela reste un singe. Ou alors, pourquoi ne pas admettre les châtiments corporels en expliquant qu’en

La sûreté, est l’un des Droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. coupant les bras et les jambes des pickpockets on ne leur inflige pas une peine mais on protège leurs « victimes potentielles ». Remarquez

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a commis les faits. C’est une idée issue des philosophes des Lumières et un principe figurant dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. Pour nous vendre la possible rétroactivité de la rétention de sûreté, on a été jusqu’à nous expliquer qu’il ne s’agit pas d’une peine mais d’une mesure de sûreté (c’est d’ailleurs ce que dit le Conseil Constitutionnel). En d’autres termes, qu’elle n’est pas une mesure destinée à sanctionner le délinquant, mais une mesure destinée à protéger les victimes. D’où le nom de la nouvelle mesure, nom amusant s’il on songe à ce qu’est la sûreté dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen : la sûreté, est l’un des Droits naturels et imprescriptibles de l’Homme, droit qui interdit par exemple… la rétroactivité de la loi pénale ! Pour parler plus précisément, l’on aurait du parler de « rétention de sécurité » mais il faut avouer que ça sonne moins bien. Toujours est il que la subtile distinction peine/mesure de sûreté me semble absconse parce qu’une peine est toujours en partie une mesure de sûreté, ne serait ce que parce que par son effet dissuasif, elle empêche pendant un temps donné la récidive. Surtout, sans se lancer dans des débats sémiologiques sans fin, pour la personne sanctionnée, cela ne change rien.

de se passer ? Concrètement, voilà comment se dérouleront les procédures judiciaire en matière criminelle. Une Cour va se réunir. Elle examinera les faits et déterminera une peine après un examen rigoureux du dossier. Cette peine sera indicative, définissant en réalité un minimum. Lorsque le détenu aura accompli ce minimum, il sera examiné par des psychiatres qui devront se déclarer certains que l’individu ne présente plus aucun risque pour la société et qui rendront un

c’est pratique, cela permet de les sanctionner en dehors de tout fait dommageable ou de toute infraction. Sur la rétention de sûreté ensuite, juste une question : est ce que les gens se rendent compte de ce qui est en train

rapport d’expertise, la décision appartenant au final à un juge. Une personne pourra être condamnée à 15 ans de prison et passer le reste de ses jours en détention. C’est la fin du principe de proportionnalité entre les

délits et les peines. Les faits ne seront pour le système judiciaire qu’une occasion de contrôler la santé mentale des individus, et d’éliminer socialement les « nuisibles ». Se souvient-on du scandale d’Outreau qui devait conduire à une refonte de notre procédure pénale ? Se souvientt-on, plus précisément, de ce que nous disaient les experts des « accusés » à l’aube du premier procès ? Les experts nous avaient alors expliqués que nous étions en face de dangereux pervers et que comme tous les pervers, ils étaient incurables. D’autant plus incurables que, suprême audace, ils contestaient être les auteurs des faits… At-on déjà oublié que ce sont en partie ces conclusions qui avaient envoyé les innocents pendant de longs mois en détention ? En appel, les experts avaient, avant la Cour et compte tenu de la consternation médiatique, révisé leur jugement et « déperversifié » les injustement accusés. Et l’un des psychologues avait expliqué, satisfait de sa formule, que l’on ne devait pas s’étonner de leur manière de travailler puisque lorsqu’ « on est payé comme une femme de ménage, on travaille comme une femme de ménage »… Ceux qui me connaissent le savent, j’ai beaucoup de respect pour la psychologie ou la psychiatrie en tant qu’outil de soin. En tant qu’élément de preuve de quoique ce soit, je suis très circonspect. Je serai convaincu le jour où les experts n’auront plus accès au dossier d’instruction et ne sauront pas quels sont les faits reprochés à la personne qui comparaît devant eux. Le jour où ils ne s’appuieront pas sur les déclarations des plaignants (comme à Outreau), pour

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LA SAGESSE PAIX OU LA FOLIE DE LA SECURITE ?

à payer pour que la liberté existe. Le rôle du Législateur est de faire la balance entre un objectif de sécurité et un objectif de liberté. Ce n’est pas d’assurer à tous prix la sécurité. J’écoutais il y a quelques temps déjà la passionnante conférence intitulée Droits de l’Homme et Cultures africaines et donnée par un éminent confrère, un sage bâtonnier Burkinabé. Le bâtonnier PACERE expliquait avec éloquence comment les anciennes ethnies d’Afrique noire entretenaient avec leurs fous des rapports fort différents de ce qui se passe en France. « Le fou, disait il, déambule librement dans la ville. Chacun le respecte. Il est libre, et l’on ne voit en lui qu’un malade. Il vit dans sa famille. Il n’est enfermé que dès lors qu’il est dangereux pour lui ou autrui. Même dans cette dernière hypothèse, il reste avec les siens, au sein de la société ». Voilà qui serait pour nous inconcevable. C’est pourtant une tendance de la psychiatrie moderne que de développer les soins en « milieu ouvert »,

et qu’il ne peut vivre dans la société des hommes tant qu’il représente un risque. Dans une émission récente

sur France Culture (oui, oui, je sais) dont le titre était « Justice et paix au Moyen Age », un auteur rappelait que la préoccupation de nos ancêtres était à travers la Justice, de faire cesser le trouble social. Il mettait en avant l’importance à l’époque de la médiation, les sanctions

Aujourd’hui, l’institution est utilisée pour éliminer socialement une partie de la population zéro. Or la poursuite de cette chimère mène évidemment à la dérive sécuritaire. La vie sociale comporte par essence des risques. Les individus sont parfois violents. Nous sommes tous des victimes potentielles parce que nous sommes tous des agresseurs potentiels. Alors évidemment cette potentialité est différente selon l’individu concerné. Mais rien n’est irréversible. Le risque de la vie avec l’autre est le prix

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et de laisser les malades vivre avec leurs concitoyens. La rétention de sûreté propose de fonctionner à l’inverse. Le condamné n’est pas fou au moment de son procès, puisqu’il est considéré comme responsable. Il le devient immédiatement après puisqu’il ne peut être remis en liberté qu’après l’avis de médecins psychiatres. Mais il n’est pas traité comme un autre fou puisqu’il ne bénéficiera jamais du milieu ouvert

socialement une partie de la population, afin de garantir la sécurité de l’autre partie. Cette utilisation se

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forger leur « opinion ». Le jour où, tout simplement, leur démarche aura quelque chose d’une démarche scientifique. Mettre entre les mains de ces gens la vie d’individus, leur demander de prendre la responsabilité de les garder perpétuellement en détention (même si le lieu d’incarcération ne s’appellera pas centre de détention…tout comme la police de proximité s’appelle désormais la « police qui est près des gens » ou quelque chose d’approchant), cela m’effraie profondément. Mon angoisse croît lorsque je regarde le récent édifice judiciaire en prenant un peu de hauteur. Souvenons de ce qu’il y a quelques mois, le chef de l’Etat expliquait très sérieusement qu’il inclinait à penser que l’ « on naît pervers… » étant précisé que la perversité est incurable. Souvenons nous des peines planchers. Et du débat sur la stérilisation des malades mentaux. S’il on relie tout cela, on doit comprendre que nous sommes entrés dans une ère de recherche absolue du risque

étant le recours ultime. La peine de mort existait mais il n’y avait pas d’idée de « mort sociale » du marginal. Il convenait autant que faire se peut d’arriver à l « amende honorable » et à la demande de pardon de la personne poursuivie…qui était même parfois condamnée à serrer la main de sa victime. Le but de la Justice était alors la paix sociale pour tous. Aujourd’hui, l’institution est utilisée pour éliminer

fait contre l’avis de tous les professionnels qui savent les dégâts que peuvent engendrer un comportement aussi irresponsable. C’est le temps du triomphe de l’objectif de sécurité, celui de la défaite de l’idéal de liberté, à la victoire de l’idée selon laquelle les choses sont figées et qu’ils convient de séparer dès que possible de séparer le bon grain de l’ivraie sous peine de voir la pomme pourrie contaminer tout le panier. A côté des Hommes civilisés, vivraient alors des barbares dont les honnêtes gens doivent être protégés. C’est oublier ce que nous dit Claude Levy-Strauss et qui en ces temps troublés, prend toute son actualité :

Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie.


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arts

cour des

PAGES CULTURE

cinema litterature spectacles musique architecture

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Nancy dans le cinéma : Il y a longtemps que je t’aime Marcel Gay : L’affaire Jeanne d’Arc

Prenez le temps d’une prose : ça respire encore... Le Jardin du Michel – Edition 2008 HéroïCITE


cour des artsnancy dans le cinema

IL Y A LONGTEMPS

QUE JE T’AIME D’abord auteur de romans, ensuite scénariste de fiction, Philippe Claudel passe aujourd’hui pour la première fois derrière la caméra. C’est une histoire contemporaine et profondément humaine que nous livre ici le « jeune réalisateur ». Si le début du tournage s’est déroulé dans la capitale, Philippe Claudel, extrêmement attaché à sa terre d’origine, a tenu à ce que son histoire prenne vie dans une ville qu’il affectionne particulièrement : Nancy.

>PhilippeClaudeldirigeKristinScottThomas >AuMuséedesBeauxArts,Julietteestrenvoyéeà dans l’artère commerciale de Nancy, la rue sa propre existence par la célèbre toile La Douleur Saint Jean. (Emile Friant).

A Sortie dans les salles : le 19 mars Distribution : UGC Un film de : Philippe Claudel avec : Kristin Scott Thomas, Elsa Zylberstein...

près 15 années de prison, Juliette (Kristin Scott Thomas) est recueillie chez sa sœur (Elsa Zylberstein) dans la ville de Nancy. Quinze années qui ont laissé des cicatrices lancinantes, quinze années qui ont séparé deux sœurs, quinze années d’une vie qui ne laisse, a priori, rien présager de bon pour l’avenir. Tour à tour soutenue, rejetée et incomprise par sa famille d’accueil, Juliette va devoir trouver le courage de se réadapter peu à peu à la vie… Il y a longtemps que je t’aime est un film basé en grande partie sur les rapports humains. A travers une histoire de retrouvailles tragiques, Philippe Claudel tisse des liens entre ses différents personnages. Il les brise aussi. Les unifie. Les consolide.

Il en émane quelque chose de primordial : l’importance de l’autre. L’autre et l’amour qu’il nous porte. Philippe Claudel le concède : « j’avais vraiment envie de raconter une histoire d’amour. Une histoire d’amour entre deux sœurs, une histoire d’amour entre amis, dans une famille et puis une histoire d’amour de la vie tout simplement. » Et pour le réalisateur lorrain, le film était également l’occasion de conter l’amour qu’il porte à la ville de Nancy. Vous aurez donc l’occasion de voir la Cité des Ducs dans toute sa splendeur. Occupant la Faculté de Lettres, errant dans le Musée des Beaux Arts, reprenant leur souffle dans le Café Foy et l’Excelsior, arpentant d’innombrables rues de la ville, les personnages du film traverseront un univers qui vous sera familier. Philippe Claudel évite toutefois l’effet carte postale. Par exemple, la Place Stanislas n’apparaît ainsi qu’en arrière plan, floue et timide. Plus qu’un simple décor, Nancy devient un personnage à part entière au service d’une intrigue remarquablement construite. La réussite du film résulte également d’un casting de qualité. Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein donnent vie à des personnages réalistes, profonds et touchants de sincérité. Pour ses premiers pas en tant que réalisateur, Philippe Claudel a su diriger ses actrices avec une réelle sensibilité et donner à son film un ton d’une ALEXANDRE RATEL rare justesse.

>LaPlaceCarrièreaccueilleunduod’actrice >Lapetitefilled’ElsaZylbersteindansantauParc >L’InstitutdeLettresdel’UniversitédeNancy >Séquence remise en question pour au diapason, élément indispensable à la de la Pépinière sur les accords d’une musique mis à la disposition d’Il y a longtemps que je les deux sœurs dans les eaux de la pisréussite du film de Philippe Claudel. signée Jean-Louis Aubert. t’aime. cine ronde de Nancy Thermal.

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il y a longtemps que je t’aime JEU DE PISTES

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que le On dit souvent qu’un texte n’est autre Phifilm, ier dern son s Dan ur. reflet de son aute auto ents élém ques quel é gliss a lippe Claudel le ple, biographiques dans son scénario. Par exem iense est il) personnage de Michel (Laurent Grév Il confiegnant à la Faculté de Lettres de Nancy. prison. en igné ense s ra à Juliette avoir longtemp del est Clau ppe Phili iste, Outre sa casquette d’art 2. Il a cy Nan ité ivers l’Un à ce Maître de Conféren n. priso en es anné 11 nt dura igné également ense des ée Mus le r visite de de déci tte Lorsque Julie nt un Beaux Arts de Nancy, elle s’arrête deva tre Emile tableau particulier : La Douleur du pein fiée et justi est Friant. Si cette séquence du film sateur réali le que nt symbolique, on sait égaleme sieur Mon ir revo Au a publié un essai intitulé Friant (Editions Phileas Fogg, 2001). d-père Enfin, que dire du personnage du gran les livres dans gé plon s temp son e muet qui pass on n’est et dont le seul moyen de communicati rien moins que l’écrit…

PESSIMISTE OU OPTIMISTE ?

LE SOUTIEN DU CONSEIL REGIONAL DE LORRAINE

Dans le cadre de sa politique en faveur de la création et de la production cinématographique, le Conseil Régional de Lorraine a octroyé une aide de 200 000 euros au film de Philippe Claudel. En 2007, un mois avant la mise en chantier d’Il y longtemps que je t’aime, un nouvel organisme a vu le jour : le Bureau d’Accueil des Tournages. Il s’agit d’une eurs structure « destinée à promouvoir la Lorraine en incitant les product ens comédi des i l’emplo nt favorisa en et région notre à tourner dans du lorrains. » Le B.A.T a notamment organisé des visites sur le tournage Ludres, de film ainsi qu’une avant-première au complexe UGC Ciné Cité près de deux mois avant la sortie nationale du film.

Lors de l’avant-première du film au complexe UGC Ciné Cité de Ludres, un spectateur, déconcerté par le message du film a posé la question au réalisateur : « Mais finalement, êtes-vou s pessimiste ou optimiste Monsieur Claudel ? » Après la noirceur des Ame s Grises et la percée à travers les nua ges d’Il y a longtemps que je t’aime, cett e interrogation est légitime. Mais l’au teur a préféré éviter la question, de man ière plutôt habile, en rappelant que sa position sur le sujet était dérisoire. Ses livres et ses scénarii parlent pour lui et c’est à chacun de se faire une idée.

L’INSTITUT EUROPEEN DE CINEMA ET D’AUDIOVISUEL DE NANCY L’I.E.C.A de Nancy, où Philippe Claudel officie comme enseignant, a apporté sa contribution au film. De nombreux étudiants et un professeur (en barman) ont ainsi joué les figurants. Un technicien de l’Institut s’est même vu offrir un mini rôle dialogué (le dragueur aquatique) ! Plus discrètement, le nom du regretté Roger Viry-Babel figure dans les remerciements du générique de fin. Un moyen pour Philippe Claudel, sans doute, de rendre un dernier hommage à cette personnalité disparue. ALEXANDRE RATEL METROPOLIS N°008 MARS 2008

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cour des artslitterature

Un mensonge de droit divin

L’AFFAIRE JEANNE D’ARC

« PARLER DE JEANNE, C’EST PARLER D’UN SYMBOLE. C’EST TOUCHER AU SACRE. »

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oilà comment Marcel Gay présente cette affaire, qui peut être considérée comme la première « opération de services secrets de tous les temps ». Ce qui est en revanche certain, c’est que le grand reporter n’a pas eu peur de relancer cette polémique, qui s’est

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Marcel Gay, grand reporter, enquête depuis 30  ans sur plusieurs pistes alternatives à l’histoire officielle de Jeanne d’Arc. Son travail est celui d’un journaliste et non d’un historien. Aussi, il a disséqué et suivi le parcours de la Pucelle pour vérifier une à une ces histoires régionales grâce aux registres de l’époque. Son livre, « l’Affaire Jeanne d’Arc » fait des lambeaux de notre histoire une fable folklorique destinée aux enfants de la République. Un Da Vinci Code à la française.

depuis considérablement propagée comme une traînée de poudre dans le milieu des historiens pour aboucher à la grande foire de l’émission « La Méthode Cauet » ! (Si, si). Passage télévisuel après lequel, Marcel Gay s’est mis à écouler plus de 1.000 livres par jour. Mais bien avant tout ce tapage médiatique, l’histoire commence en 1977 : Marcel Gay, alors journaliste débutant à l’Est Républicain au sein de la rédaction de Pont-à-Mousson, se rend à Jaulny, petite commune d’à peine 200 habitants, située à 50 km de Nancy. Il y visite le château de la commune et découvre un portrait de celle que tout le monde connaît sous le nom


tion, aurait manigancé cette supercherie qui a changé le cours de l’histoire. En pleine guerre de Cent ans, alors que deux rois de droit divin, l’un Anglais et l’autre Français, se disputent la même couronne, la seule voix capable de les départager est celle de Dieu lui-même. Un grand concept de marketing politique venait d’éclore. D’où, sans doute, cette idée de voix sacrées que Jeanne aurait entendu et qu’elle devait transmettre. Des voix divines comme des notes blanches… Alors non, Jeanne ne viendrait pas de Domremy et de notre Lorraine, non elle n’aurait pas entendu de voix, non elle ne serait pas morte brûlée en l’an de grâce 1431, mais comme le dit si bien Marcel Gay : « La légende est belle, mais la vérité l’est encore plus ». Et ce, au risque de se froisser avec pas mal d’historiens et de détruire un mythe vieux de six siècles sur le bûcher des vanités nationales. ADRIEN RICHARD et ANGELINO CAPRETTI JR.

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de Jeanne d’Arc. Il constate toutefois que cette dernière se fait appeler Jeanne des Armoises. Un autre élément l’intrigue ; elle aurait séjourné dans cette charmante bourgade en 1436, alors que la date de sa mort « officielle » est le 30 mai 1431. Pour lui qui est de nature cartésienne, il y a quelque chose qui cloche. Marcel Gay décide de se pencher sur la question et débute un travail d’investigation qui durera près de 30 ans. Comme tout journaliste digne de ce nom, l’auteur commence par se documenter sur le sujet, dont la bibliographie est plutôt riche : pas moins de 20 000 livres écrits, sans compter les nombreux opéras et autres films... Il relit les « sources », ces documents officiels écrits à l’époque comme les minutes de ses deux procès, et remarque des incohérences grosses comme des châteaux qui truffent les manuels d’histoire scolaire. Alors dans son livre L’affaire Jeanne d’Arc coécrit avec l’historien Roger Senzig, il démonte un par un tous les arguments qui font d’elle un des emblèmes indéboulonnables de la nation. A commencer par son nom. Elle ne se serait en fait jamais appelée Jeanne d’Arc, comme l’atteste le procès verbal de son jugement en 1431. Quand on lui demande son identité, elle répond qu’on l’appelle « Jeanne, Jeannette ou encore Jeanne de Vouthon, du nom de sa mère ». Autre élément historique mis à mal : ses origines. Elle n’a « jamais gardé les animaux et autres bêtes », donc elle n’est pas plus bergère qu’illettrée. Sinon comment aurait-elle pu répondre de sa main d’une part, mais également s’exprimer avec tant d’éloquence. Au travers des très nombreux éléments de preuves rassemblés et développés dans son ouvrage, Marcel Gay corrobore la thèse selon laquelle Jeanne d’Arc n’aurait été que l’instrument d’une machination imaginée par Yolande d’Aragon. Cette dernière, belle-mère du futur roi Charles VII et véritable manipulatrice d’excep-

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cour des artsspectacles Les « amuse-gueule » de la compagnie ça respire encore...

PRENEZ LE D’

Fondée depuis 1991, et installée depuis 2002 au bout de la rue Saint-Dizier, la compagnie théâtrale ça respire encore... propose une fois par mois un apéritif étonnant : les spectateurs sont conviés à venir écouter une lecture de texte un verre de vin dans une main et une tartine dans l’autre… Un spectacle, une tartine, un verre de vin, pour 3 euros ; ce sont les trois coups. Rideau !

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l paraît que notre civilisation est devenue celle des loisirs… Si le fait peut être estimé comme entendu, il est triste de constater que le public dans sa plus grande largeur se satisfait habituellement des plaisirs les plus expéditifs et faciles telles que la vision de séries télévisées ou la pratique des jeux vidéos (n’en déplaise à notre chroniqueur maison Tamurello). Le théâtre souvent considéré comme un Everest de la culture, nécessite un effort de la part du spectateur, qui doit sortir de chez lui, se rendre à la salle de spectacle, affronter la proximité de ses contemporains pour finalement nourrir son cerveau de textes parfois ardus, mais qui laisseront un goût de satisfaction à celui qui se sera prêté au jeu. Alors que les snobs consomment avec un air pénétré les textes d’auteurs dramatiques dans

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tous les sens du terme, ici, dans la surprenante salle de la compagnie « ça respire encore », dissimulée dans l’entrée d’un immeuble du bout de la rue Saint Dizier, même si on vient de la plus pure et exigeante tradition du théâtre, on prend soin de prendre le spectateur par la main pour un moment agréable de détente sans prétention, pétri de convivialité naturelle. Daniel Pierson, Kiki Paquier et tous leurs passionnés acolytes ont trouvé une formule qui, l’air de rien, au travers d’un instant aussi simple que s’asseoir entre amis autour d’une table pour un sempiternel apéro du soir, invite le spectateur à en savoir plus sur les nombreuses activités du lieu : stages théâtraux pour enfants, ados et adultes, production de pièces, accueil de spectacles invités. Mais revenons à notre sujet, il est 19 heures, les portes s’ouvrent sur une salle où ont été disposées


TEMPS UNE PROSE

ÇA RESPIRE ENCORE… 126 bis rue Saint-Dizier Tel 03 83 32 19 81 www.ca-respire-encore.com > Lundi 17 mars - 19h00 :

Extraits de Les Diablogues de Roland Dubillard

Un et Deux ont du mal à communiquer. Dialogues de sourds et théories farfelues : une plongée dans l’absurde où le langage s’exacerbe dans une logique extrême et explose en un joyeux chaos. Une bonne dose de rire.

> Lundi 28 avril - 19h00 :

Textes surprises.

> Lundi 19 mai - 19h00 :

Minus...sept fois le ciel

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de François Chaffin

des tables de bistrot, une trentaine de spectateurs prennent place. En guise de décor des objets aussi désuets qu’un mange-disque qui passe un tube des Platters reposant sur un buffet, une guirlande d’ampoules électrique se love dans les recoins du plafond. Ambiance guinguette. Ce soir les lectures portées par trois comédiens sont extraites du livre collectif « Petite brocante intime », des textes courts qui évoquent des objets, trésors d’un autre temps, qui attendriront ou feront sourire les plus de 30 ans, alors que les plus jeunes découvriront, interrogatifs les oripeaux générationnels d’un autre temps : bic à quatre couleurs, rouleau de papier tue-mouche, bigoudis, bouillotte, buvards… Les lectures se succèdent à rythme soutenu, la salle, attentive et décontractée ne voit pas passer l’heure. Lorsque tout se termine, c’est le temps d’une collation, où le verre à la main, public et artistes se rencontrent après s’être mutuellement appréciés. On prend rendez-vous pour une prochaine rencontre du 17 mars où on lira des textes de Roland Dubillard. Je reprends ma route en arpentant la rue Saint Dizier, il fait bon dehors, la nuit est plus douce que ce que j’avais pu imaginer. EMA NYMTON

Quoi qu’il en soit (et n’importe comment), l’enfant est assis seul au milieu de sa maison, face à la tévé toute allumée sur l’heure des informations. Garçon ou fille, l’enfant : une façon bien à lui d’avoir 7 ans, de l’envie et la joie jusqu’aux yeux ; vêtements pour la nuit, dans la lumière bleue et mobile des images, l’air en fatigue, comme après tant de jeux... Il tient contre lui un « doudou » (ou bien ours, animal peluche, toute bête cent pour cent affective), et ce qu’il entend sortir de l’écran n’est pas de son tempérament. Une télécommande est à proximité du geste. L’enfant s’appelle Minus, Minus de Minuscule (c’est comme ça). François Chaffin

Tarif : 3 € pour 1 lecture, 1 verre et 1 tartine.

SPECTACLES : > 13, 14, 15 mars à 20h30 > 16 mars à 16h00 :

Les Grands Jours de Saint-Nicolas Tarif : 10 € et 6 €

REPRESENTATIONS ATELIERS : > 6, 7 et 8 juin : L’Atelier de Jean-Claude Grumberg Atelier Adolescents.

> 13, 14 et 15 juin

Soirée conte.

Atelier petits + atelier grands.

entrée libre

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EST-AILES

cour des artsmusique

Le tour du jardin, en quelques points...

LE IN D R A J U MICHEL D

N O I T I D E 008 2

L’ORIGINE DU PROJET

UN SUCCES INATTENDU

Les créateurs du festival sont deux personnages bien impliqués dans le monde de la scène musicale régionale. Thierry Berneau, déjà organisateur pour le compte du village de Bulligny du « Festival à 100 balles » et William Munerato de Prodige Music, qui pour sa part avait monté le « Free Days Festival » au Zénith à Nancy, décident de fusionner leurs deux évènements en un seul et unique festival. Leur souhait est de faire exister un festival au tarif d’entrée modique, en milieu rural avec une affiche internationale.

Le festival se lance en 2005 et rencontre immédiatement un succès public conséquent. Les spectateurs sont séduit par l’ambiance bon enfant et la qualité des structures proposées. Bien vite, une chaîne de bénévoles rejoint l’organisation.

POURQUOI « AU FOND DU JARDIN DE MICHEL » ? Pendant le montage de la première édition du festival, l’équipe désigne l’emplacement exact du site en disant : « …tu sais, c’est au fond du jardin du Michel ». L’expression restera.

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EST-AILES

D’années en années, le festival « Au fond du Jardin du Michel » s’est installé comme un des rendez-vous essentiel de la saison musicale du grand Est. Avant la quatrième édition, qui aura lieu du 9, 10 et 11 mai prochain, ouvrons le grand herbier musical du village de Bulligny afin de se remémorer les temps forts du JDM.

L’AFFAIRE DES FAUX BILLETS Tout semble annoncer une seconde édition au moins à la hauteur de la précédente. Mais stupeur, il semble y avoir deux fois plus de monde que d’entrées vendues ! Le staff s’affole et tout le monde y va de son commentaire, parlant de fraudes de billets et d’échanges de bracelets. Après enquête, il s’avère que les souches des carnets correspondent aux tickets vendus. Il semble que certains festivaliers clandestins aient profité d’endroits du site non gardés pour accéder aux spectacles et que des échanges de bracelets aient été effectués.


JDM 2008

LA PROGRAMMATION DU JDM, PASSEE ET FUTURE Edition 2008 (provisoire, en cours de finalisation)

ET LA SUITE ? Après une troisième édition au budget resserré et un changement de site, le jardin du Michel se réinvente en adoptant une nouvelle structure juridique en partenariat avec ses créanciers et les communes environnantes. Il se veut une vraie fête des musiques actuelles avec une coloration électro, dub et reggae. La programmation, terriblement alléchante, promet une ambiance au rendez-vous au milieu des vignes du toulois ! propos recueillis par OLIVIER BRAIZAT

Pour en savoir plus : > www.myspace.com/jdmfestival > www.jdmfestival.com

ALPHA BLONDY • LES TETES RAIDES • AARON • ROSE • HORACE ANDY & DUB ASANTE BAND • SVINKELS • PIGALLE • LES WRIGGLES • LOVE TRIO DUB FEAT.U-ROY • EMPYR • STUCK IN THE SOUND

Edition 2007 / JACQUES HIGELIN • SAN SEVERINO • JAVA • PERCUBA-

BA • LES WAMPAS • LES FILS DE TEUHPU • LES CAMELEONS • THE CONGOS • EIFFEL • MAD SHEER KHAN • TETARD • THE ELECTROCUTION • KATEL • MELL • RACHID WALLAS

Edition 2006 / RAPHAEL • THE RASMUS • SERGENT GARCIA • ANAIS • PATRICE • LES HURLE-MENTS D’LEO • JAMAICA ALL STARS • LES 3 ACCORDS • MON COTE PUNK • KILL THE YOUNG • BLANKASS • LES FILS DE TEUHPU • LE NOMBRE • NO RELAX Edition 2005 / MATMATAH • ISRAEL VIBRATION • LA RUE KETANOU • LUKE • LES TAMBOURS DU BRONX • THE SKATALITES • NO ONE IS INNOCENT • JAMAIT • N&SK • THE SUNDAY DRIVERS • DEPORTIVO • JORANE • WALLY • MELL • DAISYBOX • X-VISION • QUESTION D’HUMEUR • MANGE MOI • LA CASA BANCALE • DAVID VINCENT ET SES MUTANTS

CRITIQUES NOUVEL ALBUM GOLDFRAPP

SEVENTH TREE

En nous servant une nouvelle galette aux sonorités moins electro, le duo anglais Goldfrapp prouve que tout son talent réside non pas dans sa capacité à faire trembler les murs de basses dans les clubs, mais dans ses qualités de mélodistes. Là où auparavant la voix retravaillée d’Alyson Goldrapp la transformait en diva electro-disco, les subtiles enveloppes sonores faites de cordes et de pizzicatos sertissent son timbre de délicatesse, et ceux qui nous avaient

fait tant suer à force de nous agiter sur des compositions rythmées imparables, nous transporte dans une rêverie subtile. Nous faisons ici une ballade matinale dans la campagne anglaise, un peu hippie, un peu roots, mais là où d’autres tomberaient dans la facilité et le cliché, les Goldfrapp plongent de manière instrospective dans leur racines culturelles folk, sans pour autant renier le travail exceptionnel de production de Will Gregory, magicien des studios, au travail aussi apprécié pour son groupe que pour ses remixes. Si Cerrone pouvait être considéré comme l’influence majeure du pré-

cédent album Supernature, on peut estimer que c’est cette fois-ci l’écoute de Kate Bush qui a précédé à la composition de celui-ci. Dès que les beaux jours seront de retour, n’hésitez pas à glisser les sons de Goldfrapp dans votre balladeur et allez vous allonger sur une colline vosgienne. Alors vous connaîtrez la paix.

INTROSPECTION AUDIOSENSUELLE

SEBASTIEN TELLIER : SEXUALITY Le très surprenant Sébastien Tellier, qui nous avait scotché avec son tube éternel La ritournelle, revient avec un album élaboré en collaboration avec GuyManuel de Homem-Christo des Daft Punk. Entre Jean-Michel Jarre et Bontempi, les compères travaillent un son électro minimal au service d’une ambiance sophistiquée et

synthétique. L’impression de glamour des morceaux oscille parfois vers un kitch assumé, auquel l’exentrique barbu nous a déjà souvent habitué. On est dans un retour aux années 80, façon jeunesse dorée qui se prélasse en pull marin sur les planches de Deauville. On peut trouver ça irritant ou ironique, difficile de savoir à quel point l’olibrius est équipé de second degré. Un disque un peu toc, mais finalement digne représentant du glissement bling-bling que connaît notre époque. C’est lubrique, c’est chic, mais quand même drôlement bien

foutu. Le crooner hardcore n’évite pas son sujet et explore sans tabou toutes les émotions qui remontent de son bas-ventre. Il ne laisse pas indifférent, il a du talent, c’est sûr, et il est de toute façon une respiration bienvenue dans l’indigence de la chanson pop française, le plus souvent caractérisée par la plus crasse médiocrité. Car c’est bien la volonté de cet album, de ne pas faire une musique élitiste mais des compositions qui pourront aussi bien s’entendre dans une supérette que sous la moiteur d’une couette.

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cour des artsarchitecture

HÉROÏCITE Héroïque adj. (lat. heroicus). 1. Qui se conduit en héros. 2. Digne d’un héros ; empreint d’héroïsme. Résolution héroïque. 3. Qui se rapporte aux héros de l’antiquité. – Temps héroïques : temps fabuleux où vivaient les héros. Epoque reculée où se sont produits des faits remarquables, mémorables. 4. Qui chante les exploits des héros. Poème héroïque.

«

Empreint d’héroïsme », lit-on dans Le petit Larousse. Empreinte : celle d’un bâtiment dans le cours de l’histoire, d’un objet sur le sable du quotidien. « Temps héroïques fabuleux », « époque reculée », c’est donc qu’il s’agirait de se souvenir, et s’agissant d’architecture, de bâtiments qui construiraient notre mémoire. Pourtant si l’on s’accorde, romantisme naïf, à reconnaître aux vielles pierres leur statut héroïque – n’ont-elles pas toutes bravé les siècles – on ne réduira pas à elles le patrimoine, encore moins la mémoire. Depuis l’apparition du terme de « monument historique » en 1790, dans la bouche éloquente du révolutionnaire Millin, la notion qu’il désigne aura changé autant que le monde autour d’elle. De crise en crise, elle aura intégré d’abord la nécessité de considérer chaque monument dans sa singularité propre (contre l’usage de prototypes trop abstraits qui ne sauraient voir, et restaurer le cas échéant, que l’idéale cathédrale gothique, oblitérant les milles variantes d’un modèle anachronique) ; elle aura su prendre de la distance et replacer dans leur contexte des monuments qui n’ont jamais été pensé dans un isolement impossible. Voilà pour les progrès du XIXème siècle, bien qu’encore il ne considérât que ce qui était fait pour durer de toute façon. La crise du XXème

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PHOTOS : SYLVAIN PARENT

n.f. Rare. Qualité de ce qui est héroïque.

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siècle est plus profonde : c’est celle du savoir, des valeurs qui légitiment le choix d’élire tel ou tel bâtiment. Aux temples et palais s’ajoutent les grandes structures industrielles, hangars et viaducs, l’architecture d’habitation et ses logements sociaux ou chefs d’œuvre individuels, l’architecture rurale, ou commerciale même. Le périssable encombre à son tour la mémoire, car si tout est patrimoine, rien ne l’est plus. Une part de subjectivité doit être prise en compte : il faut bien choisir ses héros. Il est peut être vain alors d’énoncer des critères de choix. Chacun pourra se les construire soi-même. Ou juste indispensable : et chacun les appliquera à sa guise, nouant ainsi une mémoire collective si elle ne prétend plus à l’objectivité, et le souvenir individuel. J’en ai choisis quatre, et autant d’exemple qui les illustrent. Le premier est un héroïsme naïf : c’est la tour la plus haute, l’immeuble le plus long. Il opère probablement à toutes les époques, et nous a valu à Nancy les barres du Haut du Lièvre1. Le second est l’héroïsme structurel, qui partage avec le premier son côté enfantin. La tour la plus haute, en plus du record qu’elle dépasse, est un casse-tête pour l’ingénieur ; il ne faudrait pas qu’elle s’écroule. Dans une version plus modeste en nombre d’étages, l’immeuble situé à l’angle de l’avenue Jean Jaurès et de la rue Mon Désert2 se propose pourtant de voler. C’est un


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poncif de l’architecture moderne : le pilotis, qui trouve cependant plus ou moins de puissance expressive, et ne manque pas son coup dans l’exemple qui nous occupe. Les deux derniers critères sont plus abstraits, un bâtiment n’étant pas seulement un objet physique mais aussi le contenant d’un programme d’une part (héroïsme programmatique), et l’expression d’une manière de faire actuelle dans un contexte préexistant (héroïsme temporel). Si le collège Guynemer3 lévite aussi au-dessus de sa cour, son héroïsme ne se limite pas à la prouesse technique: vu sous l’angle programmatique, on assiste à l’improbable feuilletage d’un gymnase, posé sur le bloc des salles de classes, flottant au-dessus de la cour, qui recouvre des commerces, eux-même construit au-dessus d’un parking. Une telle densité d’activités n’est pas le lot commun, même si l’îlot où se trouve le collège recèle dans son ensemble la même richesse d’usage. Quant à l’héroïsme temporel, c’est le fait du langage, du décalage entre un langage nouveau et le cadre dans lequel il est utilisé (on pense aux photographies d’époque des villas blanches et cubistes des débuts du XXème siècle, où l’on voit leurs saugrenus propriétaires portant encore redingote et haut de forme). Notre exemple local sera récent cette fois : la rénovation du marché central4. Si le résultat intérieur est

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discutable à d’autres égards, il fallait oser, il faut – et c’est d’ailleurs autant le fait du commanditaire que celui de l’architecte – ajouter dans un contexte « historique », et protégé à ce titre, une façade résolument contemporaine dont l’allure emprunte plus aux constructions industrielles qu’à l’environnement proche. Revenons pour conclure à notre premier exemple. Du temps de sa construction, le Haut du Lièvre fut effectivement l’ensemble le plus long d’Europe, avant que d’être dépassé par un homologue yougoslave. L’anecdote illustre la portée historique d’une réalisation inscrite dans l’esprit de son temps. Mais elle convoque aussi un autre patrimoine, moins sérieux peut-être, non moins indispensable : celui de l’intime. La plus longue barre d’Europe, motif de fierté ? de honte ? Chacun choisira ses motifs, mais il aura à quoi les accrocher. Chacun choisira au long de ses trajets de quoi les émailler d’un peu de remarquable. Si l’héroïsme que j’ai décrit est le fait du souvenir, c’est que le souvenir opère dans l’immédiateté du présent, plaisir consommable et gratuit. GUILLAUME ECKLY, architecte

1. Bernard Zehrfuss, arch., 1958-1962 2...... 3. Henri Prouvé, arch., 19.... 4. B2H, Corinne Boulanger, arch., 2006-2007

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Une visite anonyme - un compte rendu d’assiette - la passion sans concession

LA CRITIQUE GASTRO

Cuisine créative pour établissement discret recherche gastronome en quête de surprises

Restaurant-bar Le Korova Parfois le critique gastronomique effectue de longues traversées du désert, enchaînant les nouvelles adresses pour le plus souvent soumettre à son palais des mets qui évoquent invariablement le polystyrène même pas expansé ou le papier mâché. Désespéré, il pense à rendre sa plume sur un étal de plats lyophilisés, lorsqu’au détour d’une artère bien connue, surgit la magie...

U

ne bonne adresse se doit de cumuler une série de qualités au nombre desquelles naturellement l’excellence de la cuisine, le sacrosaint rapport qualité/ prix, le petit supplément d’âme qui n’est pas quantifiable, et l’élément surprise qui provient le plus souvent du fait que la table visitée n’a pas encore une grande notoriété ou, comme notre sujet d’étude de ce mois, qu’elle est encore très récente. Et en effet, le Korova n’a ouvert ses portes que depuis deux mois. La façade ne paye pas de mine, on a même du mal à imaginer qu’un restaurant se cache derrière ces murs. Une fois entrés, nous faisons face à un environnement design et sobre. Pas de carte, mais l’ardoise du jour qui présente une série de propositions alléchantes. Peu après la commande, l’entrée arrive et immédiatement, elle pose un niveau que l’on attendait pas dans un établissement aussi discret, dont on sent l’équipe empreinte d’une certaine forme d’humilité. Il s’agit d’un foie gras mi-cuit au poivron confit et aux crevettes : l’assiette est belle, sobre, mais l’esthétisme formel est mis de côté dès la première bouchée. Le foie gras devenu fondant nappe de son amertume aux arômes noisette le croquant de quelques généreuses crevettes, et le tout devient explosif en bouche lorsqu’il rencontre l’acidité du poivron, on en oublierai presque la salade de roquette parsemée de vinaigre balsamique caramélisé qui l’accompagne. A peine remis du premier assaut, nous faisons face aux plats. D’un côté de la table, un filet de bar avec une crème de carottes fumées, qui accompagnée d’un petit tas de choucroute aux crevettes et au curry, composent une chaîne d’une logique imparable autour des saveurs fumées. Même rassasié, on continue à saliver. De l’autre côté, un jarret de porc trône sur l’assiette, complètement caramélisé, comme laqué, crous-

tillant en surface, fondant dans son coeur. Le repas s’achève par une assiette de fromage, généreuse et variée et un dessert, un ananas rôti au safran, qui donne un goût

de soufre à la chair fibreuse du fruit. Sur l’assiette, le dessert est un feu d’artifice de couleurs, si beau que l’on culpabilise le premier coup de cuiller qui destructurera l’oeuvre. L’addition est jetée sur la table : 2 entrées, 2 plats, 2 desserts, 2 verres de vins et 2 cafés pour 60 €. C’est incompréhensible ! Nous avons mangé des ingrédients tels que du foie gras, du bar, tout a été préparé avec la justesse la plus intègre, et pourtant, la note n’est même pas salée. Autant le dire, le chef a fait ses classes dans des restaurants étoilés et ça se sent. Les deux compères proposent une cuisine de fusion, entre des plats composés selon une démarche gastronomique et un panier de course malin, qui leur permet de proposer des ingrédients de qualité à un tarif raisonnable. L’établissement reste jeune, et il me semble qu’il sera agréable pour nos papilles curieuses de suivre son évolution. Ce restaurant peut soit rester une magnifique cantine pour tous ceux qui gravitent autour du palais de justice tout proche, soit devenir le terreau où poussent les graines de star de demain. Définitivement à suivre. Dans tous les cas, précipitez vous ! BOUCHE DOREE

RESTAURANT-BAR LE KOROVA

LA NOTE, ALORS :

172, avenue du Général Leclerc 54000 Nancy Tél : 03 83 56 23 31 FAIT POUR LES DIEUX !

DELICIEUX

16 sur 20 BON

PAS TERRIBLE...

NON, MERCI ! METROPOLIS N°008 MARS 2008

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RUES COMMERCANTESCONSO Pendulum Le pendule de Foucault dans votre salon pour 239 € chez www.singulier.com En affichant ce fabuleux objet dans votre intérieur vous aurez la reproduction de la célèbre expérience de Léon Foucault qui démontre physiquement la rotation terrestre, une pendule qui ne donne pas l’heure mais qui ne se dérèglera jamais. L’objet de merchandising ultime pour tous les fans des romans d’Umberto Ecco. Et en plus c’est joli, et ça fait des dessins rigolos dans le sable !

La souris qui pédale Un métronome pour esclave du clavier pour 29 € chez www.ledindon.com Encore un gadget USB à brancher sur votre ordinateur :-( Oui, mais pas n’importe lequel :-) Cette souris se met à pédaler lorsque vous tapoter sur votre clavier, et pire encore, un compteur affiche le nombre de mots que vous vous êtes esquintés à produire durant votre labeur en bureautique ! Vraiment cynique cette souris !

Parapluie lumineux Le parapluie qui vous éclaire la nuit pour 17,95 £ chez www.iwantoneofthose.com Vus les changements climatiques que nous promettent les futurologues météorologistes, il vaut mieux commencer à s’équiper d’un parapluie convaincant ! Et pour égayer un peu nos promenades humides dans la grisaille lorraine, trouvons un peu de peps dans ce parapluie lumineux, qui marche sur piles, et balisera d’un peu de féérie nos difficiles trajets de piétons détrempés.

T-Shirt détecteur de réseau Wifi Le t-shirt pour énervés du net pour 29,90 $ chez www.thinkgeek.com Vous vous baladez toute la journée avec votre portable wifi sous le bras et sondez constament l’espace urbain pour trouver une borne Wifi ? Arrêtez de vous torturer et adoptez ce t-shirt dont le signal devient de plus en plus lumineux à mesure que la couverture du réseau augmente. Fun et pratique.

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Clavier Optimus Maximus de artlebedev

Le clavier du futur pour 370 € chez www.artlebedev.com

Ce clavier n’a rien de classique; toutes ses touches sont autant de petits moniteurs fabriqués avec la technologie Oled, qui permet de construire des écrans plats de toutes tailles, du très grand au tout petit. En voici donc la première application, chaque touche peut tranformer son affichage instantanément : les minuscules se tranforment en majuscules, les touches rapides peuvent afficher une image ou une vidéo selon vos désirs... ça y est, Star Trek c’est du passé.

The ambient Orb La tendance faite lumière pour 150 $ chez www.ambientdevices.com Cette lampe se connecte en Wifi aux réseaux informatiques et luira plus ou moins fort pour vous informer de la tendance du type de données que vous avez choisi, tels que la météo, le trafic automobile ou le cours de vos actions en bourse. Définitivement un gadget de happy yuppie!


RUES COMMERCANTESACCESSOIRES

Pour elle, pour lui – c’est pareil...

Parfums unisexes

Se parfumer c’est bien ! Bien trouver son parfum, c’est mieux ! Et parfois, il est même possible de trouver le sien là où on ne l’attend pas, c’est-à-dire dans le rayon du sexe opposé. Depuis le lancement du parfum mixte CK one en 1995, cette habitude s’est bien répandue et perdure encore actuellement. Petite sélection hermaphrodite sur les conseils avisés d’une vendeuse de Marionnaud…

Parfums de Femmes… pour hommes

Parfums d’hommes… pour femmes

CK « ONE » 30,10 euros

Jean Paul Gaultier « LE MALE » 60,40 euros

Thierry Mugler « A*MEN » 61,30 euros

Hermès « EAU D’ORANGE VERTE » 64,60 euros

Dior « FARHRENHEIT » 60,40 euros

Son accord de thé vert met tout le monde d’accord, l’aspect décontracté en bonus

Jean Paul Gaultier « GAULTIER 2 » 51,10 euros Un parfum créé dans la plus grande tradition mais qui conserve une touche mystérieuse

CK « BE » 31,70 euros

Malgré une évidente note de puissance, sa petite touche de Une fragrance vanille sensuelle et sa bouteille inédite alliant de on ne peut plus attirante ont façon unique la de quoi fraîcheur tonique charmer à l’envoûtante sensualité des muscs blancs

Serge Lutens « ARABIE » 116 euros

Une innovation à la senteur boisée, avec une fragrance comme celle des autres parfums de ce créateur, qui prend le caractère de celui ou celle qui la porte

Une véritable merveille pour les sens doublée d’un condensé de fraîcheur

Ses arômes sucrés font saliver les plus gourmandes

Sans doute l’un des parfums les plus (re)connus, ce qui est sans doute du à son odeur hors du commun

Thierry Mugler « COLOGNE » 75,30 euros

Un parfum qui réveille notre sensualité intérieure grâce à l’alchimie de ses notes charnelles et troublantes

Cartier « EAU DE CARTIER » 56,40 euros

Ses accords des plus étonnants, comme ceux de la bergamote et du yuzu (citron asiatique), se révèlent en plus totalement enivrants

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RUES COMMERCANTESJEUX VIDEO

BREVES

Enfin ! La disette est terminée ! Après un début d’année très très calme où le gamer désoeuvré s’était remis à jouer au solitaire pour répondre à ses plus bas instincts ludiques, les éditeurs sortent à présent l’artillerie lourde. Et la première salve vient du pays du soleil levant. Le retour du plus flamboyant de tous les frimeurs

Devil May Cry 4 sur Xbox 360 et PS3

Le seul jeu vidéo qui ramène les scènes d’action de Matrix au niveau d’une vidéo de course de tortues shootées à Lexomil voit son quatrième tome arriver sur nos consoles, et, disons-le tout net… C’est une tuerie ! Capcom semble définitivement être le seul éditeur au monde capable de faire des jeux

Next-gen. Au programme, l’incarnation de Nero, un personnage hyper looké, digne successeur de Dante, héros des précédents opus (qui n’est pas très loin, que les ultras se rassurent), maniant aussi bien les flingues, l’épée ou les étranges pouvoirs démoniaques de son bras pour réaliser une chorégraphie sanguinaire au travers de décors extrêmement réussis, justifiés par un scénario dont on se fout royalement. C’est bien simple, ça n’arrête pas une seconde ! Et surtout, les deux héros que l’on incarnera dans cet épisode friment, friment, friment… Dans les postures, dans leurs multiples attaques spéciales, dans la mise en scène, dans les moqueries jetées à leurs hordes d’adversaires qui ne pourront empêcher l’inéluctable : leur rapide transformation en chair à pâtée. DMC4 est l’ultime beat them all, racé, looké, forcément trop court. Mais quand même, 15 heures de bonheur ! TAMURELLO

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GTA4, le site

GTA 4 se livre plus en détail sur le site de son éditeur. Des dizaines de mini-jeux, de vidéos qui permettent d’avoir un aperçu du chef d’œuvre sont consultables sur www.rockstargames.com/IV

Attention Ovni !

Patapon sur PSP Super Smash Bros Brawl sur wii

Annoncé le 9 mars aux USA et peu de temps après en France, SSBB est le jeu de baston attendu sur Wii. Il permettra d’incarner tous les personnages du panthéon Nintendo.

Dur... très dur d’expliquer en 1000 signes le concept tordu de la dernière création de Sony. Vous êtes un dieu de la guerre, et commandez vos armées grâce à un tambour sur lequel vous taperez des combinaisons qui produiront autant d’ordres exécutés par vos serviles soldats. Parlons-en de ces créatures bizarres... ce sont les Patapons, de petites bestioles en ombre chinoise, au design archi mignon (au passage elles ont été conçues par le créateur en animations flash français Rolito), sorte de gros yeux sur pattes, vindicatifs au possible, ne demandant qu’à en découdre dans des niveaux colorés, que l’on pratique au travers d’un scrolling horizontal. Patapon (du nom de la combinaison de touches qui met la troupe de créature en marche) est donc un mélange de jeu de tambour et de guerre. L’ambiance hypnotique et le design halluciné procurent une sensation rare, que tout gamer intéressé par la nouveauté ne devrait pas rater. Un jeu qui ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même, et qui honore par sa présence la ludothèque de la PSP. Pata Pata Pata Pon, Pata pata pata Pon! TAMURELLO

Spore sur PC

Le nouveau jeu de Will Wright, richissime auteur de the sims, semble bien être sur les starting-blocks pour cette année. Ce nouveau jeu de gestion proposera de jouer un organisme vivant, depuis son stade cellulaire jusqu’à son développement sous la forme de civilisation intergalactique. Ambitieux ? Plutôt !

Tournoi de jeux videos a la MJC des 3 maisons L’association nancéienne AlterEgo organisera le 29 mars prochain une manifestation autour des jeux, sur le thème de l’Asie. Outre des animations autour des jeux de simulation, de rôles, de poker et de plein d’autres choses, sera proposé un tournoi de jeux vidéos sur consoles, alors surtout, n’hésitez pas à venir vous amuser avec d’autres gamers. TAMURELLO



SPORTASNL

PHOTOS : ALEXANDRE MARCHI & C2

NANCY - TOULOUSE : 1 - 0

Les matchs en images

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NANCY - LENS : 2 - 1 METROPOLIS N°008 MARS 2008

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LOVE IN THE AIR...

xandre e l A

A lex est un jeune homme de 25

ans arrivé depuis 3 ans à Nancy, venu directement du 8ème arrondissement de Lyon avec pour objectif de prendre un nouveau départ. Apres un BEP agricole, inachevé, il se lance dans le monde du travail. Autonome dès l’âge de 18 ans, il possédait son appartement à Lyon qu’il assumait grâce à des petits jobs et à sa volonté inébranlable à s’autogérer. D’où un sens aigu des responsabilités qui le conduit à couver son frère et sa sœur. Aujourd’hui, il travaille dans le bâtiment sur la région Lorraine, ce qu’il l’amène à souvent se déplacer. Très mobile sa vie est rythmée par ces déplacements professionnels et personnels, il se rend au moins une fois par mois à Lyon pour y retrouver ses amis d’enfance avec lesquels les soirées ne sont pas mornes… Alex confie qu’à 22 ans, il a été difficile pour lui de quitter la cité des gones où il avait grandi. Aujourd’hui Alex pratique de nombreux sports, dont la natation et le roller qui sont autant

d’invites à une balade romantique... Généreux dans l’âme, après le travail, Alex aime prendre un apéritif festif avec ses amis, et le week end aller au bout de la nuit pour la retenir le plus longtemps possible. Alex ambitionne d’obtenir plus de responsabilités au sein de son travail et se destine à des postes à l’international. Invitations au voyage… Alex aime fréquenter régulièrement les bons restaurants de la ville, et mener une vie gentiment bohême en parallèle de ses activités professionnelles trépidantes. Attiré par les choses simples, ouvert et sympa, Alex est un adepte du carpe diem et déguste avec délectation chaque jour de la vie. C’est un sourire. Ce qu’il attend d’une femme, c’est l’amour, une vraie vie stable bien éloignée des frasques tendances. L’amour… Sincère et franc jusqu’à l’excès. Pour le rencontrer, principalement en vieille ville où Alex a ses habitudes, elle, vous, devrez regarder dans cette même direction…. Love is in the air…

Voyages faits : Voyages à faire : Ses plats préférés : Ses loisirs : Ses manies honteuses : Le moment dont il est le plus fier : Le moment le plus amer : Ses film préféré : La musique qu’il aime : Son endroit préféré : Dans dix ans il se voit :

Egypte, Rome, Espagne, Tunisie, Maroc, Sicile... Amérique latine Noix de Saint-Jacques et le chocolat sous toutes ses formes Natation, roller, apéro, beaucoup de films et de musique… Horreur du ménage Quand sa sœur a été prise a l’ESC de Dijon Quand il a quitté Lyon Las Vegas parano Pop anglo-saxonne Le parc de la Tête d’or à Lyon où il vous emmènera… En Europe avec un poste à haute responsabilité

Envie de prendre contact ? Ecrivez lui à alexnas@hotmail.fr

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a h n p é i t e S

E lle a vingt ans, elle est belle, rigolote,

pleine de vie... et elle ne le sait pas. A l’image d’une héroïne d’un film de Klapisch, Stéphanie traverse sa vie de jeune urbaine en proie au doute, alors que se confronter à elle quelques minutes permet de saisir la lueur de malice qui étincelle dans son regard, et dès lors de comprendre que cette nénette... elle a tout ce qu’il faut ! Etudiante en histoire, elle se passionne pour l’histoire de l’art et l’archéologie, et s’apprète après les quelques années d’étude à venir à se jeter dans la préparation de concours. Elle se verrait bien enseignante, ou alors conservatrice du patrimoine, de la transmission du savoir à la conservation de la culture, elle ne s’interdit rien. Sa vie amicale est fondamentale, ses ami(e)s sont comme une famille qu’elle se serait choisie, témoins de sa vie, de ses joies, de ses peines, éléments fondateurs et piliers de sa jeune vie. Des relations sérieuses elle en a eues, mais a toujours eu du mal à s’accro-

cher. Elle se dit qu’à son âge c’est encore l’heure des rencontres, même si elle ne désespère pas de trouver celui qui saurait illuminer ses journées par sa simple présence, qui serait plus qu’un simple compagnon des instants de joies. Elle n’est jamais tombée amoureuse, mais finalement ne demande que ça. Ses amis la voient dynamique et souriante, ils n’ont pas tort. N’estimant pas avoir d’attaches territoriales, elle pourrait très bien décider du jour au lendemain de partir tout reconstruire ailleurs, pour découvrir de nouveaux horizons. Mais ne la prenez pas non plus pour une petite chose fragile, en plus de ses études et des jobs qu’elle effectue pour être indépendante, elle est réserviste de l’armée, où elle a atteint le grade de sergent, tout en étant profondément pacifiste. En fait, elle anime des réunions d’orientation lors des journées d’appel de préparation à la défense. Une fille de son temps, comme on aimerait en voir plus souvent.

Voyages faits : Ile de la Réunion, Sainte Clothilde, a fait les quatre coins de la France, Pays-Bas, Espagne

Voyages à faire : Amérique latine, Asie du sud est Ses recettes : Même si elle ne sent pas trop cuisinière, elle maîtrise le cari de poulet avec rougail

Ses loisirs : Elle adore le média télévision depuis des émission débiles de télé réalité jusqu’aux documentaires.

Ses manies honteuses : Elle est très longue à expliquer quelquechose, met des heures à

raconter des blagues, et regarde attentivement ce qu’elle mange.

Le moment dont elle est le plus fière : Ses films préféré : La musique qu’elle aime : Son endroit préféré à Nancy : Dans dix ans elle se voit :

Le jour où Isis, son chat, a perdu 300 gr ! Bodyguard, Doberman, Pulp Fiction Aretha Franklin, les Supremes,... La place St Epvre Citadine branchouille avec « la classe, parce que dans 10 ans, j’en aurai 30, et qu’à 30 ans, tu as la classe » (NDR: t’as pas eu à attendre les années, Stéphanie!)

Envie de prendre contact ? Ecrivez lui à stephanie.semillante@yahoo.fr ou venez lui demander une pomme d’amour à son travail, à la Brioche Dorée au centre Saint-Sébastien où elle travaille le lundi, vendredi et samedi.

METROPOLIS N°008 MARS 2008

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QUE FAITES-VOUS, CITOYENS ?

La Bibliothèque Américaine menacée de « Black Out » Nancy regorge de trésors culturels. Depuis quelques années, la municipalité a en effet parié sur le développement des potentialités artistiques, intellectuelles du fief du roi Stanislas, qui voua lui même une grande passion aux arts. Au milieu des théâtres, musées et autres universités ayant pignon sur rue, se cachent des ressources culturelles primordiales moins connues du grand public. Cependant la faible fréquentation de cette bibliothèque Made in USA fait régner le suspens quant à son devenir. Dans l’attente d’une happy end.

L

a Bibliothèque Américaine de Nancy, dissimulée derrière les murs de l’imposant Pôle Universitaire Européen de Lorraine, reste bien discrète malgré la valeur ajoutée qu’elle apporte à la ville. Créée en 1972 à l’initiative de la Bibliothèque Américaine de Paris et en partenariat avec la Ville de Nancy et l’Université Nancy 2, cette structure rassemble un fond important de plus de 20 000 ouvrages anglo-américains, en langue anglaise, unique dans l’Est de la France. Une fierté pour les membres de l’Association des Amis de la Bibliothèque Américaine de Nancy (ABAN) qui militent pour la sauvegarde de cette richesse. L’Association mène en effet une véritable résistance depuis une vingtaine d’années pour préserver le patrimoine privilégié que renferme la structure, mais ne dispose malheureusement pas des armes nécessaires. Hébergée dans un établissement de l’université, la Bibliothèque souffre d’un amalgame avec l’enseignement supérieur et de son manque de visibilité auprès du grand public. De plus, à la suite du désengagement suc-

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cessif de la Ville de Nancy et de la maison mère de Paris, la communication autour des évènements qu’elle organise est réduite à son strict minimum, voire laissée à l’abandon par manque de compétences disponibles. Les traditionnelles rencontres de Thanksgiving au mois de novembre, les groupes de conversation hebdomadaires organisés par l’Association des Amis dans le but d’offrir une ouverture supplémentaire à la Bibliothèque, prennent l’allure de retrouvailles entre amis, ravis d’être à l’origine du sursis de leur « rêve américain », mais n’apportent pas une preuve irréfutable du succès de l’endroit.

Favoriser l’ouverture Dans le souci de préserver un parallélisme culturel avec la Ville, la Bibliothèque participera au mois de mars à la 10e édition du Printemps des Poètes. Une aubaine pour la municipalité qui profite de la bonne volonté et du travail de l’Association. Celle-ci compte sur la volonté des participants de venir faire partager leur amour du livre en anglais. Une opportunité supplé-


mentaire de connaître des ouvrages inédits, de faire découvrir l’anglais aux enfants, ou de replonger dans le mystère des polars inquiétants de James Ellroy, la folie contagieuse du siècle de Bret Easton Ellis, Truman Capote, Hubert Selby Jr, Chuck Palahniuk ... Et tant d’autres maîtres de la culture du récit. Autant de possibilités accessibles via les rayonnages de la bibliothèque mais aussi l’occasion de rencontres littéraires et de présentation de livres. De même, des conférences aux thématiques diverses deviennent le théâtre éclectique et inédit de la société américaine, dont l’image écornée en France a fait peut être les jours sombres de la Bibliothèque Américaine de Nancy. Mais qu’importe les rumeurs, rien ne compte que les mots : un credo qui collerait à l’optimisme des Amis de la Bibliothèque pour qui les mots se lisent, s’écoutent et se jouent aussi. Depuis 10 ans, ils accueillent la troupe de théâtre américaine « Word for Word » qui magnifie le texte de nouvelles par des mises en scène où le « mot pour mot » est la règle. Une rencontre in english, of course, à considérer comme une exclusivité, au même titre que la présence de la Bibliothèque Américaine sur le LAURA DURET sol nancéien.

A

SAVOIR

BIBLIOTHEQUE AMERICAINE DE NANCY 34, Cours Léopold 54000 Nancy 03 54 50 54 27

Spectacle « Word for Word » mise en scène de Sonny’s blues de James Baldwin 18 et 19 avril 2008 Théâtre Mon Désert

L’IMMOBILIÈRE DU LOISON Transactions - Administration de Biens

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88, rue Charles Keller 54000 NANCY - 03 83

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LES PARTENAIRES DE METROPOLIS

Chez eux on le trouve... Fnac

2 avenue Foch 54000 Nancy Ouvert du Lundi au Samedi de 10h00 à 19h30 08 25 02 00 20

Les vitrines de Nancy

Place Maginot 54000 Nancy Ouvert le Lundi de 14h00 à 18h00 et du Mardi au Samedi de 10h00 à 18h00 03 83 36 34 34

Centre Commercial St Sébastien

Rue des Ponts 54000 Nancy Boutiques ouvertes du Lundi au Samedi de 09h30 à 19h30 03 83 17 18 19

Made In France

1 rue St-Epvre 54000 Nancy Ouvert du Lundi au Samedi de 11h30 à 21h00 03 83 37 33 36

Lotharingie Librairie - Presse - Loto – Tabac

111 - 115 Grande Rue 54000 Nancy Ouvert tous les jours sauf le Mardi de 08 h15 à 19 h30 09 60 04 93 07

Epicerie La Bagatelle

18 rue Gustave Simon 54000 Nancy Ouvert du Lundi au Jeudi de 10h00 à 01h00 et du Vendredi au Dimanche de 10h00 à 02h00 03 83 35 07 25

Crêperie bretonne la bolée

43 rue des ponts 54000 Nancy Ouvert du Mardi au Samedi de 11h à 15h et de 18h à 22h30 03 83 37 17 53

La Posada

4 rue St Epvre 54000 Nancy Ouvert tous les jours de 11h00 à 23h00 03 83 22 95 50

L’épi Show Gaby

2 rue Michel Ney 54000 Nancy Ouvert du Lundi au Vendredi de 07h30 à 19h00 06 80 43 14 90


A NOS AMIS LECTEURS

En quête d’opinions…. A l’heure de la démocratie participative, Metropolis a besoin de vous ! Nous vous demandons chers lecteurs de répondre à cette petite enquête qui nous permettra de mieux vous connaître dans la statistique et de saisir plus finement vos attentes pour améliorer votre média. De plus, les premiers à nous répondre recevront une surprise sous la forme d’une invitation à une soirée surprise... Intrigués ? Alors remplissez ce questionnaire et renvoyez le nous vite !

1. Vous êtes :

un homme une femme

2. Vous êtes :

célibataire marié(e)

3. Quel est votre âge ?

…..…. ans

4. Combien de personnes vivent sous votre toit ? ……………………………...........…. 5. Combien d’enfant(s) avez-vous ? ……............................................... 6. Votre profession : Agriculteur Profession libérale Chef d’entreprise Commerçant Cadre Ouvrier Employé Enseignant Retraité Etudiant Chômeur Commercial Artisan Autre : ……………………………… 7. Vous habitez : A Nancy centre A Nancy Dans la communauté urbaine Dans le département 54 En Lorraine Autre : …………..................…….. 8. Combien de véhicules possédez-vous dans votre foyer ? ……………………………….........……..

9. Votre secteur d’activité : Industrie Enseignement Administration Santé Commerce de détail Services aux particuliers Tourisme Service aux entreprises Informatique Armée Automobile Juridique Immobilier Grande distribution Distribution spécialisée Alimentaire Télécommunication 10. Combien de fois par mois sortez-vous :

13. Vous lisez Metropolis : Au bureau Dans votre salon Dans votre lit Aux toilettes Autre : ………................................. 14. Votre lecture se fait en : Moins de 45 minutes De 45 minutes à 2 heures Plus de 2 heures 15. Votre lecture se fait en : 1 fois 2 à 4 fois plus de 4 fois 16. Pensez-vous conserver Métropolis : Oui Non

Au restaurant : ………..................….

17. Quelle est votre rubrique préférée ?

Au cinéma : …….....................…......

……………………………………………

Faire de la promenade : .................... En boîte de nuit : ………................... 11. Comment vous êtes-vous procuré ce numéro de Métropolis: Chez un ami Dans un bâtiment public Chez un commerçant Lieu culturel Autre : ……….......................……… 12. Vous lisez Metropolis : En totalité A moitié Seulement quelques rubriques Regarde juste les images

Envoyer à : Metropolis Editions 39, Place de la Carrière 54000 Nancy

18. Que souhaiteriez-vous ajouter à Métropolis ?

19. Si vous désirez participer au concours et gagner une soirée très spéciale, laissez vos coordonnées ci-dessous : Nom : Prénom : Adresse : Téléphone (facultatif) : Email (facultatif) :



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