Il était une fois... Sète au bout du pinceau

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2016

Club Sète

Il était une fois...

Sète, au bout du pinceau

On voit toujours des pêcheurs le long de canaux de Sète. Les peintres y sont beaucoup plus rares. Le port, les canaux, les embarcations, la montagne qui les surplombent, la lumière qui les baigne ont pourtant été une source d’inspiration quasi inépuisable et toujours renouvelée pour les artistes qui ont tenu la ville au bout du pinceau depuis 350 ans. Pour découvrir l’essentiel de leur abondante production qui traverse tous les courants artistiques du classicisme académique à l’art modeste en passant par toutes les palettes de l’impressionnisme et de la figuration, le Rotary club de Sète remonte, dans la livraison 2016 de sa revue, les quatre étapes d’un itinéraire pictural.



le mot du président au sommaire Trois siècles et demi de peinture

Itinéraire de la peinture sétoise p.4

• L’art pictural sétois en quatre étapes

Les peintres du XIXe siècle

p.7

© ALAIN GIRAUDO

• Garneray, Hintz, Marquet, Dugrip, Roussy, Roques, Mols, Troncy, Débia, Goulinat… • Couderc, Bessi, Fusaro, Blondel, Calvet, Sarthou, Milhau, Hugo, Dezeuze, Descossy… • Mon ami Desnoyer

Le groupe Montpellier-Sète p.12

Les galeristes et leurs artistes p.21 • Lucien Favolini, Yves Faurie, Martin Bez • Portal, Bonf ils, Rouzaud, Cervera, Puyelo, Franceli, François, Battista, Grégogna, Topolino…

La Figuration libre

p.31

• L’Ecole des Beaux-Arts • Hervé Di Rosa • Robert Combas

Les fresques de la chapelle Notre-Dame-de-La-Salette p.39 Remerciements Bibliographie Le Rotary

Le Rotary club de Sète a été fondé il y a 85 ans en 1931, dans cet entre deux guerres où le port connaissait une grande prospérité grâce au plus grand vignoble du monde. De grands peintres s’étaient déjà appliqués à restituer sur leurs toiles l’ambiance particulière de notre île de Cette qui n’était pas encore Sète la singulière. Cette période de glorieuses avant l’heure a été le terreau de mécènes et d’artistes qui ont produit des œuvres de grande valeur artistique qui sont autant de témoignages historiques. L’intérêt des artistes pour le caractère exceptionnel du site de Sète n’a pas faibli depuis lors comme en témoignera aussi bien la production du groupe Montpellier-Sète que celle de la génération de la Figuration libre et de toute l’école de Sète. Moi-même qui ne suis pas natif de Sète j’ai toujours été ébloui par cette lumière méditerranéenne qui se mélange avec l’authenticité de notre presque-île. Voilà pourquoi après avoir consacré sa brochure annuelle aux anciennes embarcations de la mer et de l’étang puis aux secrets du mont St-Clair et à l’histoire du port, notre club se penche sur l’histoire de cette mise en couleurs de Sète en proposant un itinéraires pictural partant du musée Paul-Valéry, passant par les marchands d’art et se poursuivant par l’école des Beaux-Arts pour se terminer, en haut de St-Clair, à la chapelle Notre-Dame-de-la-Salette. Itinéraire dont les commentateurs éclairés sont le peintre Gérard Calvet, le directeur de l’école des Beaux-Arts Philippe Saulle, notre ami Gérard Réthoré et des galeristes comme Yves Faurie et Lucien Favolini. Cette façon de faire vivre la riche histoire culturelle et picturale de notre cité à l’intention des jeunes et des moins jeunes, est aussi pour le Rotary club de Sète un moyen supplémentaire de recueillir des fonds afin de mener à bien les actions qu’il a engagées en faveur d’œuvres sociales ou d’actions humanitaires dont les plus marquantes cette années servent l’international et la recherche sur le cerveau. C’est un de nos moyens pour faire « faire don de soi au monde » en appliquant la devise rotarienne, « servir d’abord ». PIERRE ROUANE PRÉSIDENT 2015-2016 RC SÈTE

p.43 p.43 p.44

Rotary Club Sète 2016 : Il était une fois… Sète, au bout du pinceau Edition Alain Giraudo • Conception et réalisation Marie-Christine Giraudo Photo de couverture “Topolinorama 1”, 2015 - acrylique sur toile, 148 x 181 cm - © Gilles Hutchinson Impression Flam Editieur Imprimeur Sète

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Trois siècles et demi de peinture

L’art pictural sétois

ans “Couleurs de Sète” (éd. Equinoxes, 1994), l’écrivain sétois Jacques Rouré (1924-2006) a esquissé avec le concours du photographe Michel Descossy une classification de l’art pictural inspiré ou généré par l’île singulière. Ce travail quasi encyclopédique donne à voir une production sans cesse renouvelée, traversée par les courants artistiques dominant à différentes époques, alimentée par des artistes marquant leurs temps. Le port, les quais, les canaux, les embarcations ont été une source continuelle d’inspiration inépuisable et puissante. Au point de retenir tout un été un peintre grand voyageur qui en avait donc vu d’autre (Naples, Venise, Collioure, Le Havre, Alger, Marseille…) comme Albert Marquet. Au point encore d’être le creuset d’un groupe, constitué autour de François Desnoyer, groupe qui aura une influence forte sur la peinture de l’après-guerre. Au point enfin d’être la rampe de lancement d’un renouveau de la peinture contemporaine au travers de la Figuration libre. La meilleure façon de se faire une idée de la richesse et la diversité de cette peinture

Les galeries

© THIERRY BOULLEY

© THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

Le musée

Honoré Roques

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Les représentations de Cette (graphie du nom de la ville jusqu’en 1928) jusqu’au tournant du XXe siècle, qu’elles aient été réalisées par les artistes étrangers ou locaux, ont, en plus de leur qualité plastique, un intérêt historique certain. Le peintre allemand Julius Hintz (1805-1862), le Flamand Robert Mols (1848-1903), les Sétois Achille Dugrip (18331897), Toussaint Roussy (1847-1931), Jules Troncy (1855-1915), Honoré Roques (1874-1974) sont les témoins académiques des activités du port (négoce du vin et pêche) et de l’évolution des bateaux qui le fréquentent (barques traditionnelles, grands voiliers, premiers vapeurs…). Avec Paul Débia (1880-1915) déjà puis avec Albert Marquet (1875-1947), Cette change définitivement de couleurs.

Eric Battista

C’est chez les marchands d’art que l’on trouve les représentants de ce que Gabriel Couderc, qui a été le premier conservateur du musée PaulValéry, appelait l’Ecole sétoise, les artistes que le talent aurait pu éloigner de l’île singulière mais qui ne sont jamais vraiment résolu à la quitter. Cette école qui n’en est pas une permet de mettre dans un même sac indéfinissable esthétiquement des artistes qui aiment les couleurs puissante du Sud et qui sont à la charnière des deux grands courants picturaux qui ont marqué la ville, le groupe Montpellier-Sète et la Figuration libre. On y trouve aussi bien Joseph Portal, Lucien Puyuelo, Franceli, Eric Battista, René-François Grégogna, Pierre François, Jean Rouzaud, Topolino, André Cervera, Louise Bonfils.


en quatre étapes sétoise est encore de pousser la porte du musée Paul-Valéry où les collections riches de plus de 700 peintures permettent de découvrir les divers témoignages historiques et artistiques de l’intérêt porté à la ville par les artistes qui sont enthousiasmés par le caractère exceptionnel du site. En flânant le long du cadre Royal il faut ensuite ne pas hésiter à céder à un coup de cœur dans l’une des galeries d’art qui propose les divers représentants de l’Ecole sétoise dont l’un des thèmes favoris est les joutes. Enfin dans une ville où l’art de rue s’est si bien épanoui, une visite à la chapelle Notre-Dame-de-la-Salette s’impose. Jacques Bringuier y a réalisé en 1952 une fresque qui déroule l’Ancien et le Nouveau Testament. C’est à cette promenade artistique que convie cette année le Rotary club de Sète, en s’excusant de ne présenter qu’un nombre restreint d’artistes, bien trop limité en tout cas compte tenu de la richesse artistique de cette ville où travaillent aussi Vivi Navaro, Mer Cross (Michel Cros) et bien d’autres…

La villa Erialc

Hervé Di Rosa

Bien que deux éminents représentants de l’art contemporain, Pierre Soulages (outre noir) et Daniel Dezeuze (Support/Surface), résident à Sète, la ville ne porte aucune vraie empreinte de leurs œuvres. L’abstraction et le conceptuel semblent avoir été balayés du terrain face à la puissance de la Figuration libre qui, au tournant des années 80, sous l’impulsion de deux troublions sortis de la villa Erialc, Robert Combas et Hervé Di Rosa, refusa d’admettre que la peinture était morte et renouvela la figuration, portée par un mouvement né aussi bien aux Etats-Unis qu’en Allemagne (encore de l’Ouest).

© ARCHIVES NOTRE-DAME-DE-LA-SALETTE

© SITE DI ROSA

La chapelle Saint-Clair

Jacques Bringuier

Jacques Bringuier estime que les fresques qu’il a réalisées en 1952 ont été détruite lors de la restauration qu’elles ont subie sans son accord. La chapelle Notre-Dame-de-la-Salette mérite néanmoins le détour car la représentation du Nouveau et de l’Ancien Testaments qui n’avait guère et appréciée par les Sétois lors de son installation demande quelques clés (qui sont données ici) pour être lue.

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Les peintres du XIXe siècle

© THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

Cette, l’inspiratrice

Jean-Gabriel Goulinat, tel un photographe de presse, a réalisé sur des toiles un véritable reportage sur la vie de Sète dans les années 20 pour l’hebdomadaire “L’Illustration”.

Avoir vécu au XIXe siècle et avoir réalisé sur Cette (puisque c’est le nom de la ville jusqu’en 1928) des peintures qui ont autant de valeur artistique que d’intérêt historique, tel le trait commun aux dix artistes qui sont présentés maintenant. Cinq d’entre eux n’ont fait que séjourner ici rapidement à l’instar d’Ambroise-Louis Garneray, ancien corsaire devenu peintre officiel de la Marine, qui faisait l’inventaire des ports de France, ou de Jean-Gabriel Goulinat qui produisait sur commandes des illustrations pour un article inspiré par Paul Valéry. Quant à Albert Marquet qui a si bien synthétisé l’esprit du port et ravivé ses couleurs, il n’est resté qu’un bref été. Les cinq autres étaient natifs de Sète ou des bords de l’étang de au. Si Paul Débia et Honoré Roques restent religieusement accrochés dans les vieilles maisons sétoises, d’autres ont aussi eu un rôle culturel marquant pour la ville. Le négociant-aquarelliste Achille Dugrip est le fondateur de l’école municipale des beaux-arts qui sera le puissant creuset de la création locale. Quant à Toussaint Roussy, portraitiste attentif des Sétois de son temps, obtiendra la création du premier musée de la ville que Gabriel Couderc transformera en musée Paul-Valéry. 7


Ambroise-Louis Garneray (1783-1857)

De la Marine aux marines

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

Fils aîné de Jean-François Garneray, peintre du roi Louis XVI, Ambroise-Lois Garneray est né à Paris en 1783. À l’âge de treize ans, il s’engage dans la marine comme pilotin sur le conseil d’un cousin capitaine de la frégate “La Forte” pour donner corps à ses rêves d’aventures et de gloire. L’océan Indien puis le corsaire Surcouf lui donnent l’occasion de les assouvir en bataillant contre les vaisseaux anglais. Il finit tout de même par être fait prisonnier et passe huit ans dans les geôles britanniques. Pour améliorer l’ordinaire du ponton sur lequel il moisit à Plymouth, il peint des marines que lui commande un marchand local. Quand il est libéré en 1814, il ne trouve pas d’engagement sur un navire et s’installe à Paris où il se consacre à la peinture. Sa “Descente des émigrés français à Quiberon” lui ouvre sous la Restauration les portes du Salon de Paris dont il deviendra un habitué. En 1817, le duc d’Angoulême, grand amiral de France, en fait le premier peintre officiel de la Marine, avant même que le corps soit constitué. De 1821 à 1830 il réalise plus de 60 vues de ports français sur les côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée, de Boulogne à Antibes. Celle de Cette a été peinte en 1830 alors qu’il arrivait au terme de son périple. Le port créée au bout du canal du Midi n’a pas 170 ans. La ville vient de naître. Garneray pose son chevalet au milieu du môle sur lequel travaillent des tailleurs de pierre et s’affèrent un groupe de pêcheurs. A l’Est, il y a encore des étangs tandis qu’à l’Ouest la Décannale St-Louis domine déjà le canal royal au bord duquel on aperçoit la Maison de la Santé construite dans un style vénitien. Quelques bateaux se sont engagés dans le port où la fébrilité des “années vins” ne se fait pas encore sentir. En 1833, Garneray est nommé directeur du musée de Rouen. Puis il intègre la Manufacture nationale de Sèvres. Il développe dans les années 1830 un nouveau procédé de peinture, l’aquatinte, et développe aussi une importante activité de gravure. Dans les années 1840, sa renommée faiblit; il perd la plupart de ses appuis politiques et vit pauvrement. Proche de Napoléon III, au côté duquel il participe au coup d’État manqué de Strasbourg, il connaît un bref retour de gloire au début du Second Empire. Atteint de ce qui sera la maladie de Parkinson, il finit sa vie sans plus pouvoir écrire ni peindre. Dans son livre “Moby Dick” (1851), l’écrivain américain Herman Melville critique sévèrement les différentes représentations des cétacés, cachalots et baleines, réalisées par les différents peintres mondiaux. Ne trouvent grâce à ses yeux que deux estampes réalisées par Garneray : «Entre toutes, et de très loin les meilleures et les plus réussies des gravures donnant des baleines et des scènes de pêche, même si quelques petits détails ne sont pas d’une précision très absolue, ce sont deux estampes françaises, faites d’après les peintures d’un certain Garneray ». A.G.

Julius Hintz (1805-1862)

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

Arrivé très jeune à Paris, où il demeure jusqu’à la fin de sa vie, Hintz livre de nombreuses vues des ports des côtes françaises qu’il a aimé parcourir. En 1849, il donne une interprétation du port de Sète saisie depuis le môle Saint-Louis. Au-delà d’un premier plan représentant l’extrémité du môle et les hommes qui s’y activent, on observe sur la gauche une barque à fond plat venant de décharger des tonneaux de l’un des voiliers de commerce à quai tandis qu’à l’arrière-plan le chenal conduisant au canal Royal est encombré de bateaux de pêche. Dominant l’alignement des bâtisses sur le quai de la Consigne, l’église Saint-Louis, construite en 1703, n’est pas encore surmontée de la statue de la Vierge qui ne sera érigée qu’en 1866.

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© EXTRAIT DE “COULEURS DE SETE”

Achille Dugrip (1833-1897)

Négociant en vin, membre de la Chambre de commerce, Achille Dugrip maîtrise parfaitement l’aquarelle comme nombre de bourgeois de l’époque. Ce qui est dans son monde un passe temps du dimanche est pour lui une passion quotidienne. Tous les matins, avant de régler quelque affaire que ce soit, il réalise son aquarelle. Résultat: une collection de documents, d’une technique appliquée et d’une fraîcheur intacte, qui sont des témoignages formidables sur la ville avant l’avènement de la photo. Cet amateur passionné est aussi le créateur de l’école des Beaux-Arts de Sète (1893).


Toussaint Roussy (1847-1931)

Né à Sète en 1847, Toussaint Roussy fut le premier conservateur du Musée de Sète inauguré le 26 avril 1891 dans le collège Victor-Hugo quatre ans après qu’il en ait fait la proposition au maire Benjamin Peyret. Dessinateur de talent, il campa avec bonheur durant 53 ans le portrait des sétois populaires.

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

Robert Mols (1848 –1903)

Formé à l’académie d’Anvers, Mols fut également l’élève du peintre Jules Dupré proche de l’école de Barbizon. Partageant sa vie entre la Belgique et la France, il donna de nombreuses marines relevant d’une approche à la fois sobre et réaliste. C’est depuis la mer qu’il saisit en 1891 cette vue du port et du mont Saint-Clair qui revêt à plusieurs titres un véritable intérêt historique. Certes de par la représentation des bateaux en activité – au premier plan sur la gauche une barque catalane, bateau de pêche traditionnel jusqu’au début du XXe siècle, au second plan sur la droite un paquebot à voile et à vapeur sortant du port – mais aussi par le témoignage apporté à la fois sur la topographie de la ville à la fin du XIXe siècle et sur des constructions aujourd’hui disparues : la citadelle Richelieu domine le mont Saint-Clair à cette époque encore peu construit et peu boisé, l’alignement des maisons au pied de la colline telles qu’elles se présentaient avant leur destruction pendant la deuxième Guerre mondiale et, à l’extrémité du môle, derrière le phare, l’ancien fort militaire détruit lors des bombardements de 1944.

Jules Troncy (1855 – 1915)

Comptant parmi les meilleurs peintres sétois du XIXe siècle, Jules Troncy fut l’un des illustrateurs de “L’Ampélographie” de Viala et Vermorel, le monumental Traité général de viticulture en sept volumes, publié de 1901 à 1910, qui décrit 5 200 cépages et en recense 24 000. Il livre ici une interprétation réaliste de l’activité bouillonnante du port de Sète à la fin de XIXe siècle, s’attachant particulièrement à la narration des bateaux. Au centre de la composition, l’activité des bateaux-bœufs rentrant de la pêche s’oppose au statisme des grands voiliers à quai le long du môle Saint-Louis tandis que le tout premier plan est réservé à deux frêles embarcations : sur la gauche une barque dotée d’un auvent rouge qui protège du soleil deux promeneurs, sur la droite une barque de pêcheurs rentrant au port.

© THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

Honoré Roques (1874-1974)

Honoré Roques, natif de Mèze, fut entre les deux guerres l’un des peintres préférés, sinon le préféré, de la bonne société sétoise à laquelle il fournissait des vues de la ville et du port ainsi que des marines (pilotines dans la tempête, etc.). Plusieurs de ses œuvres sont visibles au musée PaulValéry et au musée de la Marine de Paris.

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Albert Marquet (1875-1947)

“Le peintre du temps suspendu”

© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

Albert Marquet est né en 1875 à Bordeaux dans une famille modeste. Il souffre d’un pied-bot et d’une mauvaise vue qui lui vaudront de ne pas être mobilisé en 1914. A 15 ans il suit les cours de l’École nationale des arts décoratifs où il rencontre Henri Manguin. Il en a 18 quand il entre à l’École des beaux-arts qu’il fréquente jusqu’en 1898. Il s’est déjà lié d’amitié avec Henri Matisse avec lequel il ira peindre sur le motif dans la banlieue et à Paris avec des couleurs “fauves” (le mot est utilisé par dérision par le critique Louis Vauxcelle pour commenter le Salon d’Automne 1905). Marquet met là en place les lignes de force qui structureront l’organisation spatiale de toute son œuvre. En 1906, il découvre la Normandie au côté de Raoul Dufy : bateaux pavoisés, 14-Juillet, tentes de plage sont leurs motifs communs. A la vivacité colorée du Havrais, Marquet préfère toutefois des tons plus mesurés. Au Havre, où l’eau semble donner vie aux bassins, aux quais encombrés ou vides, aux bateaux, Marquet fait du port un paysage moderne, fébrile et vivant. L’eau, le port, le rivage, le reflet en miroir, l’atmosphère changeante qui déstructure le paysage, tout est presque dit là. Il manque seulement l’intemporalité et l’approche synthétique du paysage que Marquet trouvera à Naples et Venise à partir de 1908. Matisse peut alors l’appeler “notre Hokusaï”, un maître de l’estampe japonaise qui fascinait Marquet. Jusqu’à la fin de sa vie en 1947, le peintre n’a cessé de voyager avec une prédilection pour les bords de la Méditerranée. Dans l’exposition intitulée “Peintre du temps suspendu” que le musée d’Art moderne de Paris consacre de mars à août 2016 à Albert Marquet, le passage de l’artiste par Sète n’est pas mentionné. Pourtant Marquet qui était en route pour la Côte-d’Azur avec les Puy et les Manguin a bien séjourné à Sète durant l’été 1924. Alors que ses amis quittent rapidement « cette ville de tonneaux », Marquet loge au Grand Hôtel dans une chambre avec vue sur le canal qu’il croque. Il loue aussi quai de la consigne un petit appartement surplombant le port dont il fait son atelier. Pour lui, il y a à Sète « de la belle lumière aussi avec de l’eau de tous les côtés, mais pas un seul peintre et personne qui eût l’idée d’y passer l’été ». Sauf lui ! Il va donc peindre, dans la solitude et la chaleur un ensemble de vues des canaux et du port dont la plupart comptent parmi ses chefs-d’œuvre. L’un d’eux est accroché au musée Paul-Valéry, il donne une vue du grand bassin protégé par le môle Saint-Louis avec sa redoute à partir du quai commandant Samary. La directrice du musée, Maïté Vallès-Bled remarque à son propos : « Le sujet principal du tableau réside sans doute moins ici dans l’activité du port que dans la délicatesse particulière de la lumière, ses vibrations sur l’eau et sur les toiles blanches des voiles latines, les contrepoints sombres des petites barques des pêcheurs, du môle, du brise-lames, d’un cargo à vapeur qui s’éloigne dans le lointain ou bien encore des ombres démesurément étirées par un Soleil déclinant ». Dans “Couleurs de Sète”, Jacques Rouré affirme lui : « C’est à partir de Marquet que la magie des eaux à pris autant d’importance dans l’intimité locale. Les barquettes y sont devenues mobilier privatif et les phares une sorte d’éclairage de famille ». A.G.

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Paul Débia (1880-1915)

© THIERRY BOULLEY EXTRAITS DE “L’ILLUSTRATION”

© THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

Bien que sa production n’ait eu qu’un caractère local (quais, baraquettes, mont Saint-Clair, môle…), Paul Débia semblait promis à une carrière comparable à celle du Marseillais Adolphe Monticelli (1824-1886) peintre très en cours sous le IIIe Empire dans lequel Vincent Van Gogh puisera son inspiration - avant de disparaître prématurément.

Jean-Gabriel Goulinat (1883-1972)

Le sauveur de la Joconde

Dans le numéro 4497 de l’hebdomadaire “L’Illustration” publié le 11 mai 1929, quatre pages (précieusement conservées par notre ami Gérard Réthoré) sont consacrées à Sète. Le texte est signé par le romancier André Geiger qui est venu vérifier les sensations que lui a procurées la lecture du poème de Paul Valéry dédié au cimetière de sa ville natale. Le reportage de Geiger s’entremêle joliment à la méditation métaphysique de Valéry. Ce récit a dû ravir le lecteur de l’époque. Près de 90 ans après sa publication, l’emphase académique du propos fait sourire. Pourtant Geiger doit être remercié pour ce petit travail car il sertit parfaitement les illustrations de Sète faites par Jean-Gabriel Goulinat en mettant en lumière une facette oubliée du travail de celui qui fut pendant 20 ans (1935-1958) le grand patron de l’Atelier de restauration des peintures des musées nationaux. Le nom de Jean-Gabriel Goulinat est en effet définitivement attaché à celui de la “Joconde” que, dans la nuit du jour de l’an 1957, il a sauvé de l’outrage fait par un vandale. On doit encore à Goulinat l’évacuation des trésors du Louvres qu’en 1939, il mit à l’abri de la féroce concupiscence des nazis. Rien que cela suffirait à ne pas faire tomber le personnage dans l’oubli. Or Jean-Gabriel Goulinat fut d’abord un peintre. Quand il vient à Sète en compagnie d’André Geiger, il expose depuis quelques années à la galerie Charpentier où cet élève de Corot présente les toiles rapportées d’Italie. Il aime la lumière et les couleurs du Sud dont il capte les douces vibrations. Les sept “vues” de Sète reproduites dans “L’Illustration” expriment ce talent en montrant une cité alanguie au pied d’une colline qui flotte entre mer et étang. Trois d’entre elles, “La montagne de Sète” (la troisième en partant du bas), “Le pont Virla” (la deuxième) et “le quai Pasteur” (ci-contre), sont saisies quasiment du même endroit comme si le peintre s’était juste donné la peine de faire pivoter son chevalet. Pourtant l’âme de la ville est là, encore présente aujourd’hui. A.G.

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Le groupe Montpellier-Sète ses peintres, et la diversité de Les statuts du Groupe Montpellier-Sète dont l’objet est l’organisation d’expositions de peinture sont déposés à la préfecture de l’Hérault en avril 1964. Gérard Calvet en est le trésorier. Après des études aux Beaux-Arts de Paris où il a été impressionné notamment par le travail de Bernard Buffet, il revient dans le Midi en 1952. Sa peinture est déjà nettement orientée vers la couleur et il a naturellement trouvé sa place dans le nouvel environnement pictural qui s’est formé autour de François Desnoyer. Le 7 février 2011, Gérard Calvet a donné une conférence à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier (reproduite ci-dessous) où il présentait l’histoire et les acteurs de ce groupe qui a été l’un des grands mouvements qui ont fait la réputation picturale de Sète. Mesdames, Messieurs, Chers Amis, “Le groupe Montpellier-Sète, ses peintres, et la diversité de ses tendances”, tel est le thème de mon exposé. J’ai eu depuis quelques années le plaisir d’évoquer ce groupe dans plusieurs lieux publics de notre région. Je remercie, donc les courageuses personnalités venues à nouveau m’écouter et découvrir les images que je leur propose. J’aimerais, aujourd’hui encore, raviver ce souvenir avec l’espoir que cette modeste présentation débouche, enfin, sur une grande exposition – et ensuite sur l’édition d’un bel ouvrage illustré – concernant le groupe MontpellierSète si représentatif d’un type de peinture que d’aucun paraissent oublier. Mais faisons, d’abord, un retour dans le temps pour inscrire la création du groupe dans sa dimension historique.

I. Les Prémices 12

Les peintres originaires de la région ont toujours eu beaucoup d’admiration pour Fréderic Bazille né en 1841 à Montpellier et précocement décédé au front pendant la

guerre de 1870. C’est ainsi qu’une dizaine de peintres languedociens marqués par ce génie éphémère, qui, en peu de temps, contribua si fort à l’histoire de l’impressionnisme, prit l’habitude de se rencontrer, dès 1937, pour échanger des idées et parler de notre région. Ce “groupe Bazille” comprenait : Arnaud, Descossy, Dezeuze, Dubout, Eymard, Milhau. Mais la guerre est venue, obligeant ces artistes à cesser, en grande partie, leurs activités propres et, totalement leurs activités collectives. Et voici que logiquement, succédant au groupe Bazille, l’embryon d’un nouveau groupe allait se former avec quelques anciens : Couderc, Descossy, Dezeuze, Milhau et des jeunes : Jacques Arnaud (le fils d’Emile Arnaud du groupe Bazille), Bessil, Calvet, Fournel, Sarthou, Desnoyer. C’était le futur “groupe Montpellier-Sète”. Mais pourquoi, dira-t-on, le groupe Montpellier-Sète alors qu’Arnaud professait à Tunis que Milhau et Sarthou habitaient Paris et que Desnoyer plantait son chevalet dans le monde entier ? C’est essentiellement pour trois raisons :


ses tendances © THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

1°) Tous ces peintres, hormis Desnoyer et moi-même, avaient subi la double influence de notre école des beaux arts et du climat artistique montpelliérain. Certains y avaient étudié, d’autres y professaient ; l’un d’eux dirigeait même cette école devenue une pépinière d’artistes capable de conserver des liens même avec ceux qui s’étaient éloignés de Montpellier. 2°) Sète elle-même est un port méditerranéen dont la couleur fascine les artistes. Juste après la guerre, Couderc principal créateur du musée Paul-Valéry, et Batista attirent divers talents tels, Pierre François, Grégogna, Moreno, Biascamano, Giordano, Marie Banegas, le Sétois Lucien Puyuelo et bien d’autres : c’est “l’Ecole de Sète”. 3°) Il y a ensuite la fascinante personnalité de Desnoyer sur laquelle je reviendrai. Attiré par ses amis Couderc et Jean Vilar, sa décision de venir se fixer a Sète font de sa villa Stella Souza, surnommée « maison des pépées » par les Sétois, un haut lieu de l’art pictural méditerranéen de l’après-guerre. Ses amis, ses connaissances et les Montpelliérains se retrouvaient juste au-dessous, dans le petit restaurant enguirlandé d’Attila et de Germaine, à flanc de coteau avec vue sur la grande bleue. On y rencontre Albert Marquet, Maurice Sarthou, André Blondel ; les Toulousains Raymond Espinasse et Roger Montané ; le Lyonnais Jean Fuzaro ainsi que les Montpelliérains, pour la plupart déjà cités : Couderc, Bessil, Dezeuze, Descossy, Fournel, Seguin, Milhau et moi-même.

II. La création du “groupe Montpellier-Sète” Si le groupe n’existait pas sur le papier, il existait dans les esprits. Pour le faire vivre et pouvoir procéder à des actions collectives, il fallait lui donner une forme juridique. C’est donc, en 1953, que deux Sétois et cinq Montpelliérains déposent les premiers statuts complétés en 1956 par la relève du groupe Fréderic Bazille et patronné par des personnages aussi éminents que Vincent Auriol, André Chamson, Jean Cocteau, Joseph Delteil et Jean Vilar. En 1964, le “groupe Montpellier-Sète” se constitue en association dont le président est Camille Descossy et le président d’honneur, Desnoyer. A partir de 1972, date de la mort de Desnoyer, figure de proue du groupe, l’ensemble se délite peu à peu. La disparition de Descossy en 1980, mettra un terme à l’activité de ce noyau d’artistes qui exposera, encore (collectivement) à deux reprises en 1982 puis en 1988.

Aucun site de l’ile singulière n’a échappé au pinceau de Gabriel Couderc premier conservateur du musée Paul-Valéry.

III. Présentation des membres du groupe et quelques unes de leurs œuvres Compte tenu de la difficulté à réunir l’information graphique, je sollicite encore votre indulgence. Comme je l’indiquais précédemment, beaucoup de ces peintres amis sont décédés. Je caresse donc l’espoir qu’un jour une bonne volonté voudra bien solliciter les musées et les familles des disparus pour réaliser la synthèse illustrée dont je rêve depuis longtemps. Je vais donc vous présenter rapidement les membres du groupe et quelques uns de ses complices :

1°) la vague des anciens :

Des quatre plus anciens trois étaient nés en 1904 ou 1905 dont deux à Sète et un à Céret. Seul Desnoyer, le “maître”, (quand même du midi) était né en 1850 à Montauban. Tous étaient partie prenante dans le groupe Bazille et tous sont décédés. a) Gabriel Couderc (1905-1994) Bien qu’il ne soit pas le doyen, je commencerai par Gabriel Couderc car c’est lui qui, après avoir fait les BeauxArts à Montpellier et l’Ecole nationale des arts déco de Paris où il devint l’ami de François Desnoyer, créa en 1937 l’Ecole de Sète. Il sera l’instigateur de la construction du musée Paul-Valéry. Sachant que Desnoyer avait pris des habitudes dans “l’ile singulière” en venant voir Jean Vilar, il l’incite à s’y installer et jette avec lui et Descossy les bases du groupe Montpellier-Sète. Sa nomination comme conservateur du musée de Sète ne diminue pas son talent de peintre ni son ardeur au travail. Il est présent dans les grands salons parisiens dans les musées nationaux d’art moderne et les grands musées de province. Aucun peintre n’a exprimé avec tant de bonheur l’âme

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de “l’ile singulière” : qu’il s’agisse des amples vues du port, des quais, des cargos entre deux eaux, ou de la pointe courte enguirlandée de lessive sèchant au soleil. Son œuvre très homogène, reflète à la fois une grande sensibilité colorée et une architecture rigoureuse. b) Francois Desnoyer (1895-1972) Professeur à l’Ecole nationale des arts déco de Paris, blessé et prisonnier en 14-18, remobilisé en 1939, il entre très tôt dans la résistance, séjourne chez Albert Marquet en 1940 et abrite dans son atelier une maison d’édition clandestine. Il est, après-guerre, une grande figure de la peinture française et occupe à lui seul, entre Chagal et Grommaire toute une salle du musée d’art moderne. Après avoir longtemps travaillé avec tous les grands peintres, il se retire à Sète en 1951, vite entouré d’une foule d’artistes de passage ou sédentaires d’où sortira le groupe Montpellier-Sète. Il terminera sa vie à St-Cyprien, siège d’une fondation, à qui il lèguera ses archives et sa collection d’art moderne. Circonspect à l’égard de l’art abstrait, ses thèmes d’inspiration sont multiples : paysages monumentaux, thèmes divers, nus, compositions avec une multitude de personnages et surtout portraits, qui, en 1967 donnèrent lieu à une inoubliable rétrospective au musée Bourdelle. c) Camille Descossy (1904-1980) Camille Descossy est né à Céret dans les Pyrénées-Orientales. Apres les Beaux Arts à Montpellier (dont il deviendra

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© MUSEE PAUL-VALERY/PHOTO E. TEISSEDRE

François Desnoyer, en haut, à gauche, Camille Descossy, à droite, George Dezeuze, ci-contre.

le directeur en 1939), il entre à l’Ecole supérieure des arts déco et des beaux arts de Paris. Puis il participe à la fondation du groupe Fréderic-Bazille. Camille Descossy reste un peintre ancré dans sa terre catalane dont il partage les émotions avec Pous, Gustave Violet et Aristide Maillol. Il utilise une palette restreinte, aux teintes pierreuses de l’aspre aride qui le « possédera jusqu’à ne plus le libérer ». C’est l’un des peintres qui, dans la confusion de son époque a préféré le bien fait, la belle manière à l’effet, et la discrétion au tapage. Sa peinture est un éloge aux vraies couleurs de son pays, usées par la lumière. Je n’oublierai jamais sa courtoisie lorsque, fraîchement débarqué des Beaux-Arts de Paris, il m’invita à venir peindre avec lui au milieu de ses élèves. d) George Dezeuze (1905-2004) George Dezeuze est un pur produit local issu d’une vieille famille montpelliéraine dont le père, dit “l’Escoutaïre” (1871-1949), fut un chroniqueur et un félibre célèbre. Elève des Beaux-Arts de Montpellier et de Paris, professeur dans la ville qui l’a vu naître et principal fondateur du “groupe Fréderic-Bazille” en 1937, il a marqué par ses talents de pédagogue toute une génération d’artistes. Il peignait « l’harmonie de la nature » dont celle du Languedoc et aimait citer cette phrase de Courbet « qu’allez-vous peindre dans les orients que vous n’avez donc pas de pays ? ». Sa gamme des valeurs est colorée, étendue


PHOTOS DR

Gérard Calvet, ci-contre, Jean-Raymond Bessil, à droite. mais toujours avec des tons pastels. Attaché à la tradition, il travaille ses motifs dans la simplicité apaisante du terroir.

2°) les “trois jeunots” :

La formulation est toute relative puisque le premier est né en 1916 et les deux autres dont moi-même (Dieu merci toujours vivants) respectivement en 1924 et 1926. a) Jean-Raymond Bessil (1916-1989) Né à Sète, il suit le cursus des Beaux-Arts de Montpellier, ceux de Paris et l’Ecole du Louvre. Présent dans les grands salons parisiens, il expose beaucoup à l’étranger. En 1967, il devient directeur de l’école des beaux-arts de Montpellier. Alors que les Sétois sont attirés par l’intensité colorée du motif, Bessil s’attache à la finesse des rapports de tons qui confèrent à ses toiles une atmosphère irréelle. Parti d’une construction cézannienne qui lui permet de composer ses premières toiles d’une manière empreinte de classicisme pleine de charme, Bessil était sans doute le plus sensible de notre groupe et sans doute le plus audacieux. b) Pierre Fournel (né en 1924) C’est encore un “régional” natif de Rodez. De retour du maquis et de la campagne d’Alsace (1945), il entre aux Beaux-Arts de Paris avant d’être professeur de dessin à Montpellier. Pierre Fournel qui pratique aussi la gravure (il est l’auteur de médailles frappées par la Monnaie de Paris) a connu dans sa trajectoire artistique une forte évolution. Parti d’une œuvre très construite, la matière a fini

par lui imposer sa loi. La visite de son atelier est d’ailleurs édifiante : patiemment collectées, plus de trois cents qualités de sable attendent d’être tamisées, associées, avant d’être captées et fixées par une résine. Le sable est ici sujet, matière et couleur à la fois. Alors des paysages s’organisent, comme les chemins sauniers du Languedoc, ou ceux du Sahara. Sortent de la terre et du temps, les villes Saintes, les villes “ruches”, les villes martyres. c) Gérard Calvet (né en 1926) Je parlerai peu de moi-même pour deux raisons : d’une part, « l’introspection est partiale et partielle », d’autre part, j’envisage d’être plus prolixe et plus polémique dans ma conclusion. Pour ceux qui ne me connaîtraient pas, je suis né à Conilhac du plat pays dans l’Aude et je suis passé moi aussi par les Beaux-Arts de Paris. Bien que m’étant promis de ne pas vous imposer mes œuvres qui comportent également des décors de théâtre, des sculptures des affiches etc., je vous présente tout de même trois diapos qui correspondent à trois phases d’une évolution que je ne commenterai pas mais que vous trouverez dans l’ouvrage qui m’a été consacré par “Les Nouvelles Presse du Languedoc” (fin 2007). Que retenir en fin de compte de l’action des sept peintres qui composaient le “noyau dur” du groupe MontpellierSète ? L’homogénéité d’ensemble doit davantage à l’estime réciproque qui attachait les uns aux autres qu’à un style commun. Les douze expositions que nous avons

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© THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

EXTRAIT DE “COULEURS DE SETE” PHOTOS © THIERRY BOULLEY - COLLECTION PRIVEE

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réalisées dans les musées officiels français et étrangers malgré “l’egomanie” des artistes et la “méridionalité” ambiante, le prouvent. Pourtant, deux éléments fondamentaux ont rapproché ces peintres : l’importance de la couleur et la rigueur de la composition. Puis, comme nous allons le voir, ce groupe n’était pas figé. A l’occasion d’expositions ou de manifestations diverses, il s’était adjoint la participation d’amis peintres de grande qualité. Parmi les membres occasionnellement associés et les sympathisants voici les plus marquants : a) Jacques Arnaud (1918-1990) Né à Montpellier ; études aux Beaux-Arts de Montpellier puis de Paris. Professeur à Tunis où il fonde “l’Ecole de Tunisie” ; ami de César (voir sur le net une belle toile de son atelier.). b) Jean Milhau (1902-198) Né à Mèze, son parcours est étonnant. Après des études supérieures de droit et un début de carrière dans “l’Enregistrement”, il démissionne, rentre aux Beaux-Arts et passe une licence d’histoire de l’art en Sorbonne. Grand résistant, il est arrête en 1942 et entre dans la clandestinité en 1943. Après la Libération, il crée le mouvement du “réalisme socialiste”, se consacre totalement à la peinture, pas mal à la politique, et fonde l’Union des arts plastiques. c) Maurice-Elie Sarthou (1911-2000) Né à Bayonne ; études aux Beaux-Arts de Montpellier

A gauche : en haut, Jean Milhau, en-dessous, Jean Fusaro ; ci-dessus, Maurice-Elie Sarthou, ci-contre, Jean Hugo. puis de Paris, il partage son temps entre son atelier du mont Saint-Clair à Sète où il travaille ses thèmes de prédilection (le soleil, l’eau, le vent), et son atelier parisien. Selon ses commentateurs, « il est trop conformiste pour une époque de révolutionnaires, trop libre pour un temps d’obéissants. Maurice Sarthou a voyagé seul comme tous ceux qui savent où ils vont ». d) Adrien Seguin (1926-2000) Né à Pau; études aux Beaux-Arts de Montpellier et aux Beaux-Arts de Paris. En 1954, il entre à l’académie André Lhote dont il deviendra l’ami. Il revient ensuite à Montpellier où se développera sa carrière. Au départ, influencé par Desnoyer et Lhote, il découvre la structure et la couleur. Il s’oriente ensuite vers des harmonies audacieuses et évolue de l’expressionisme au surréalisme. e) Jean Fusaro (né en 1925) Né à Marseille en 1925; études aux Beaux-Arts de Lyon où il professa. Influencé par l’Ecole de Paris et Pierre Bonnard, il est parmi les créateurs du “sanzisme” (mouvement qui se situe entre le figuratif et l’abstrait des années 48-50). Sa peinture plus suggestive qu’expressive a été qualifiée « d’intimiste » a cause de son « intensité feutrée ». f ) Pierre Ambrogiani (1907-1994) Né à Ajaccio, mais enfant des vieux quartiers de Marseille. Peintre autodidacte (il fut d’abord facteur). Il illustra notamment les ouvrages de Pagnol et de Giono dont il était proche. Qualifié de « gourmand de couleurs », on peut le rapprocher du courant post-expressionniste.


© PIERRE MARILLY

La chambre de Commerce vue par André Blondel.

g) Eugene Baboulene (1905-1994) Celui qu’on a qualifié de « peintre le plus songeur des figuratifs » est né à Toulon où il étudie à l’école des beauxarts avant d’aller à celle de Paris et aux Arts déco. De retour à Toulon comme professeur aux Beaux-Arts de sa ville, il s’investit dans l’Art Déco, mais finit par se consacrer à « sa » peinture faite de « simplicité apaisante ». h) André Blondel (1909-1949) D’origine juive polonaise, il fait les Beaux-Arts à Paris entre 1930 et 1932 et pendant la guerre se cache à Cuxac-d’Aude avant de vivre à Carcassonne où il se lie avec Bousquet (dont il fera trois portraits). Il y épouse une enseignante agrégée d’origine Sétoise, d’ou ses nombreux séjours à Sète ou il peint marines et paysages, tout en côtoyant le groupe “d’Attila”. Celui qu’on a appelé le “Fauve noir” était un travailleur forcené, un coloriste à la touche large et la pate épaisse. i) Jean Hugo (1894-1984) Arrière petit-fils de Victor Hugo, Jean est né à Paris dans le contexte bourgeois du XVIe arrondissement. Ancien combattant durement éprouvé par la guerre de 14-18, il rentre à Paris, peint et réalise des décors pour la danse. Devenu l’ami des célébrités de l’époque (Cocteau, Picasso, Paul Eluard, etc.), il abandonne sa vie mondaine pour se retirer au mas de Fourques (Lunel) ou il reçoit ses amis, écrit ses mémoires, noue des relations avec les artistes locaux et peint jusqu’à sa mort un univers coloré, élégant et raffiné.

Conclusion Pour terminer cet exposé, je dois à la vérité de dire que le souvenir du groupe Montpellier-Sète et de son courant d’origine se devrait d’être vivace. Or, il semble peu à peu s’enfoncer dans l’oubli. Pourquoi ce désintérêt ? J’y vois plusieurs raisons. Il y a peut-être l’âge : presque tous les membres du groupe sont décédés. Mais ne nous voilons pas la face. Il y a maintenant un siècle qu’a eu lieu dans la peinture la première tentative de rupture avec l’art traditionnel (je pense à Kandinsky, Duchamp et Malevitch). C’est là qu’est née la vieille et vaine querelle “abstraction-figuration” laquelle a accouché (heureusement beaucoup plus tard) de l’art dit “contemporain” : celui qui a bouleversé la politique des musées. C’est ainsi qu’on a vu ceux qui avaient tant méprisés nos musées traditionnels, s’en emparer à la hussarde pour en faire leur “pré carré”. Si j’évoque cette nouvelle donne muséographique, c’est que lors de l’ouverture récente et hyper médiatisée d’un super-musée remodelé à grand frais, les mécènes, les collectionneurs épris du groupe Montpellier-Sète et du courant qui s’y rattache ont été déçus de ne pas y trouver trace du groupe qui avait porté la vie culturelle locale à un niveau au moins national pendant un quart de siècle. (…) Dans cette dynamique faite d’opportunisme et reposant sur les réseaux de la pensée locale dominante, la nouvelle

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pédagogie a sa part de responsabilité. Ainsi, il me semble légitime de s’interroger sur l’ambiguïté de la formation délivrée dans certaines écoles des beaux-arts. Alors, comment remédier à cette dérive de la connaissance picturale ? Sans doute par un usage plus efficace des musées. Une information mieux orientée, permettant de ne pas ignorer des pans entiers de notre patrimoine, répondrait aux insuffisances voire aux anomalies de programmation des expositions. Il ne s’agit pas de négliger ou d’effacer les expositions de prestige comme celles de Sète, de Lodève ou de Montpellier mais de se réapproprier des pans entiers d’un patrimoine régional laissé à la dérive. Sans doute aussi par un bilan des formations délivrées

dans nos écoles des Beaux Arts, pouvant aller du bilan de compétence pour les uns au contenu des matières enseignées pour les autres. Certes, la matière artistique n’est pas une discipline rigide, le peintre doit pouvoir rêver, inventer, s’évader, mais une fois compris, sinon appris les éléments constitutifs d’une grandeur passée. Contrairement à une idée qui tend à se propager, le cheminement de l’artiste est aussi celui de l’apprentissage au travail et à l’effort. GÉRARD CALVET Conférence donnée le 7 février 2011 par Gérard Calvet à l’Académie des sciences et lettres de Montpellier publiée dans le Bulletin 42,2011 pages 27 à 37.

Mon ami Desnoyer

par Gérard Réthoré

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e matin de juillet 1972, j’étais consterné, un ami, plus qu’un ami, François Desnoyer avait ce jour là l’honneur de la une de “Midi Libre” qui en première page annonçait sa disparition. Bien sûr, on le savait depuis longtemps fatigué, le cœur, mais on espère toujours, et puis, ça se passe toujours chez les autres, et bien non, François nous avait quittés. J’ai eu la grande chance, d’abord de le connaître, puis de faire partie des personnes qu’il fréquentait. Notre famille habitait chemin rural 30, actuellement chemin des Buis, et François, quand il n’était pas en voyage demeurait dans sa baraquette, Stella Souza, qui se trouve à l’angle de ce chemin. Plusieurs fois par semaine, le soir, avec Souza et Cyp, son chien, c’était la promenade, une boucle qui passait devant notre porte, et

rapidement ce fut une tradition de venir prendre l’infusion et de bavarder. Au cours d’une de ces soirées François apprit que je m’essayais à la sculpture, et il insista pour que je vienne lui montrer mes ouvrages. Nos rencontres se tenaient le lundi matin, mon jour de repos, dans son atelier et là, je recevais ses conseils. Il me f it remarquer que mes sculptures étaient “rondouillardes” et pour me familiariser avec des plans plus nets et plus structurés, il me conf ia une sculpture tchèque représentant une Vierge à l’enfant que je copiais et qui décore toujours notre intérieur. Je garde un merveilleux souvenir de nos rencontres dans l’atelier, je l’ai vu composer de nombreuses toiles, nous échangions sur le nombre d’or (1), il me prêta d’ailleurs le livre de Matila Ghyka -auteur très en vogue entre les deux guerres- qui traite de la divine proportion. Je le regardais préparer ses toiles, tracer la structure du tableau, puis, pour organiser les couleurs, il utilisait des papiers colorés rangés dans un tiroir, qu’il découpait et plaçait sur la peinture en cours, il les déplaçait ou les remplaçait jusqu’à obtenir ce qu’il souhaitait. A la période de Noël, nous étions

invités pour découvrir en famille la crèche de Souza. C’était l’événement et l’émerveillement pour nos jeunes enfants. Souza actualisait la naissance du petit Jésus en ajoutant à la décoration habituelle des santons de Provence des objets rappelant les événements de l’année et je me souviens du spoutnik soviétique (1957) dans le ciel de la crèche côtoyant l’étoile de Noël. La baraquette avait gardé l’âme de ces constructions typiquement sétoises. Après avoir monté quelques marches recouvertes de tomettes rouges et bordées de chaque côté par un muret, on accédait à une terrasse entourée par un treillis de croisillons de bois peint en vert. La porte d’entrée franchie il y avait la cuisine, puis une chambre obscure où François parfois se reposait et une grande pièce servant de bureau dont les murs étaient recouverts d’aff iches et de lithos. De l’autre côté de la cloison il y avait l’atelier accessible par le jardin, mais quand François était dans son atelier et qu’un gêneur venant en visite était signalé, il pouvait discrètement se réfugier dans le bureau par une ouverture basse pratiquée dans la cloison et cachée par un tableau.


ARCHIVES GERARD RETHORE

Page de gauche, autoportrait de François Desnoyer. En haut, son bureau “refuge secret”. Ci-dessus et en bas, son atelier. Ci-contre, le portrait au fusain de Gérard Réthoré.

Comme toutes les baraquettes, Stella Souza avait été construite petit à petit ce qui explique cet emboîtement de pièces reliées par quelques marches. La partie supérieure comprenait les chambres et une d’entre elles était décorées par tous les tableaux que François avait reçu des ses amis peintres, Marquet, Walch, Delcambre, Lhote… Pendant l’été 1963, à l’occasion du festival Pablo Casals à Prades, Desnoyer f it connaissance de Jean Olibo, alors maire de Saint-Cyprien. Depuis quelques années, la baraquette sétoise avait perdu de son charme, d’une part à cause de l’urbanisation de la Butte Ronde qui avait altéré son paysage, ensuite par l’attitude des responsables sétois qui ne lui donnaient pas la place qu’il méritait. Aussi quand au cours d’un repas le maire de SaintCyprien lui demanda de créer une fondation Desnoyer dans ce petit village de pêcheurs, François accepta immédiatement et à cette première réunion il donna les noms de plusieurs artistes pouvant être invités pour un séjour. Nous l’avons rencontré plusieurs fois dans son appartement de SaintCyprien, nous étions chargé de lui transporter des toiles depuis Sète et c’est à l’occasion d’un de ces voyages que nous sommes revenus avec un chien abandonné qu’il nous avait convaincu d’adopter. Après le décès de François, un petit groupe d’amis sétois prirent en charge Souza qui continua à habiter la baraquette, jusqu’au jour ou le maire de Saint-Cyprien la décida d’intégrer une maison de retraite où elle vécut jusqu’en 1988. Souza légua au musée de Saint-Cyprien une grande quantité de tableaux certains avancent le chiffre de 300. Peut-on imaginer un dénouement différent pour cette histoire si les dirigeants sétois à cette époque avaient eu plus de diplomatie envers ce grand peintre ? G.R. Le nombre d’or est une proportion, définie initialement en géométrie, comme le rapport entre deux longueurs a et b telles que: a+b/a = a/b

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Lucien Favolini, Yves Faurie, Martin Bez et les autres…

© THIERRY BOULLEY

Les passeurs d’art Si une œuvre est l’enfant de la création, le galeriste, qu’on nomme aussi marchand d’art, contribue largement à sa mise au jour. Généralement ce personnage a pour moyen un lieu, la galerie, et un levier, l’exposition. A Sète, on compte les galeristes sur les doigts d’une main. Il y a Yves Faurie qui est désormais installé quai Léopold-Suquet après avoir commencé rue Lazare-Carnot à côté du restaurant de sa compagne, e Marcel, et dont les expositions attirent tous les amateurs du grand Sud. Il y a plus bas sur le même quai, Martin Bez dont le Dock Sud a le quasi monopole des petits maîtres sétois. De l’autre côté du cadre royal, grand rue Mario-Roustan, Lucien Favolini a repris les rênes de la mythique Galerie 13. Chacun à sa manière est un passeur d’art. Chacun propose une partie de la production de l’Ecole de Sète, appellation non contrôlée d’œuvres inspirées par la Méditerranée et le port qui font aussi le bonheur des autres galeristes et des brocanteurs. 21


Joseph Portal (1897-1989)

Joseph Portal avait rencontré dans l’atelier de décoration de sa famille un peintre local, Paul Débia (1880-1915), auquel on prédisait une carrière comparable à celle du Marseillais Adolphe Monticelli (1824-1886). Après la Grande Guerre, Joseph Portal avait suivi pendant deux ans les cours de décoration de l’Ecole royale des beaux-arts de Bruxelles. Il y était passé maître dans l’art de la représentation du faux marbre et du faux bois très en vogue à cette époque. Ses oncles n’hésitèrent donc pas à l’emmener sur les chantiers de décoration des maisons bourgeoises de la ville. L’artisan scrupuleux n’en abandonnera pas pour autant la peinture, aussi bien dans l’atelier vouté du quai que “sur le motif” avec une prédilection pour la vue à partir du cimetière Marin. Joseph Portal est mort à 92 ans (1989) sans avoir lâcher le pinceau ni le crayon du caricaturiste. Il repose au cimetière Marin.

Louise Bonfils (1913-2010)

Originaire d’une vieille famille sétoise, Louise Bonfils a été marié successivement à André Blondel (1909-1949), du groupe Montpellier-Sète, puis, après le décès accidentel de celui-ci, à Louis Peyré (1923 -2012), professeur de sculpture aux Beaux-Arts, elle peint des paysages puissants sous l’influence du premier et des nus sous celle du second. Mélomane et pianiste virtuose au piano, Louise Bonfils a été professeure à la Sorbonne.

Eric Battista

© THIERRY BOULLEY

Né à Sète en 1933, Éric Battista a été champion de France de triple saut onze fois de 1955 à 1956, a amélioré dix fois le record de la discipline et a participé aux Jeux olympiques de Melbourne (1956), Rome (1960) et Tokyo (1964). Professeur d’éducation physique au lycée Paul-Valéry, il est encouragé par son

Lucien Favolini

Dans la ligne Portal

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a Galerie 13 a pignon sur rue depuis 1855. Elle a été surnommée “l’Académie Portal”, du nom de l’encadreur décorateur qui officiait là et autour duquel bourdonnait, selon Jacques Rouré, « tout un aréopage d’artistes de clients, de passants d’occasion et, surtout, une assemblée de peintres du dimanche réunis les jours de la semaine pour le bon plaisir de la palabre ». L’auteur de “Couleurs de Sète” estime d’ailleurs que cette Académie « faisait déjà office de Maison de la culture

avant même que cette institution fut inventée ». L’esprit de Joseph Portal (1897-1989) est toujours là, entre le canal et la grand’rue Mario-Roustan. Lucien Favolini, que les Sétois confondent souvent avec son frère garagiste à Balaruc, a repris « les murs et le fonds » en 1993 à Henri Portal, dont le fils ne voulait pas prendre la succession, et s’est appliqué à ne pas bousculer les choses : « c’est une clé que m’a donnée mon expérience de directeur commercial dans un groupe d’informatique ». Quand il revient à Sète, Lucien Favolini fait le constat que « vendre des tableaux est plus intéressant que vendre des ordinateurs ». « Quand les groupes de presse ont com-


ami Georges Brassens à se consacrer à la peinture. Avec rigueur mais sensibilité, sans céder aux modes d’expressions non figuratives, Éric Battista a peint Sète, ses quais, ses joutes, ses bateaux, ses plages, ses marchés mais aussi la Bretagne. Il a illustré des ouvrages d’Art, des livres sur Brassens. Les œuvres d’Éric Battista sont présentées dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger et figurent au catalogue de plusieurs musées.

Stéphane Gisclard

Stéphane Gisclard naît en 1966 à Béziers dans une famille d’artistes. Il fréquente les Beaux-Arts de Paris ainsi que l’atelier de la Grande Chaumière en 1986. De l’influence de Braque, Gris, Leger ou Metzinger, il garde une empreinte cubiste. Il conserve cependant sa personnalité au travers d’une maîtrise exceptionnelle de l’ombre et de la lumière. La puissance et la pureté de son trait n’est pas sans rappeler la période Art Déco qu’il affectionne tout particulièrement. Il puise son inspiration dans les ambiances portuaires, l’effervescence des grandes métropoles, les cabarets de la belle époque. Il n’a de cesse de sublimer la femme, muse éternelle de son œuvre. Sa technique picturale est inventive et c’est avec talent qu’il associe patines, glacis et pigments pour magnifier sa palette, riche en ocres moirés et rouges flamboyants.

© THIERRY BOULLEY

Sylvestre Guené

mencé à s’informatiser au milieu des années 70, expliquet-il, une machine valait 200 000 F et laissaient une marge de 40%. Maintenant un ordinateur portable dont la puissance est au moins 100 fois supérieure coûte 300 €, la marge n’est pas de 10%. Comme j’ai fait l’École du Louvre parallèlement à mon activité et que j’avais des clients qui avaient de l’argent, il était aussi facile de leur vendre de la peinture que des ordinateurs. » Le nouveau maître des lieux connaît la résistance des Sètois au changement. « Les premières années je n’ai rien changé, pas de nouveaux peintres, pas de nouvelle façade. Puis petit à petit j’ai fait évoluer les choses. » A côté des toiles d’Eric Battista qu’il considère comme « le meilleur impres-

Sylvestre Guené est né en 1958 à Saint-Malo, il vit et travaille dans le sud de la France. De 1975 à 1978, il a suivi les cours de l’académie Charpentier à Paris. En 1979 il débute comme graphiste illustrateur tout en poursuivant un travail personnel sur toile. Il passe directeur de création. Puis il est nommé chef peintre scénographe en atelier de décor pour le spectacle vivant à Paris (1988) et en Avignon (1998). Il expose des marines et des paysages réalistes dans des salons et galeries du Sud méditerranéen.

sionniste sétois » ou de Louise Bonfils qui fut « influencée par son premier mari Blondel et par le second Louis Peyré », il propose des marines réalistes de Sylvestre Guené ou des compositions figuratives de Stéfane Gisclard. « Je recherche aussi des Desnoyer, des Couderc ou des Blondel qui, pour moi, est l’un des artistes les plus marquants du groupe Montpellier-Sète. Hélas! Il est mort en tombant par une fenêtre alors qu’il repeignait un plafond. » Lucien Favolini assume pleinement d’être resté dans « la ligne Portal ». Ce qui lui permet de marquer sa différence avec les autres galeristes : « Je fais de l’expertise, de la restauration, de l’encadrement et de la vente ». A.G.

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André Cervera

Lélectron libre de la peinture

© OLIVIER MENARD

André Cervera est âgé de 16 ans lorsque ses premières œuvres sont publiées en 1978 dans la revue “Bato” qui est alors le creuset de la Figuration libre, le mouvement initié par Robert Combas et Hervé Di Rosa. Quelques mois plus tard, il intègre la préparation de l’École des beaux-arts à Sète, où règne Mme Manciet qui a couvé, quatre ans auparavant, les deux trublions. « J’ai été imprégné par ces artistes, mais je suis un électron libre » dit aujourd’hui l’artiste. Après la préparation de Sète, André Cervera intègre en effet l’Ecole des beaux-arts de Marseille où il retrouve Aldo Biascamano puis Tino Cosentino avec lesquels il fonde le groupe Yaros. Pendant quatre ans, de 1982 à 1986, le trio pratique un “art total” (peinture, happening, cinéma expérimental, rock, transe…) sur un mode tribal. Quand les Yaros se dispersent, la rage d’André Cervera ne se calme pas, elle est canalisée. Le trait noir et épais est désormais celui d’un expressionnisme à l’accent latin dont la palette et la puissance imaginaire ont été enrichies par les voyages au Soudan (1994), au Maroc (1996), dans la Yougoslavie en décomposition (1997), au Mali des Dogons (2001 et 2002), aux Indes (2002 et 2003), puis en Chine (2006). Dans la biographie du peintre qu’on peut lire sur son site Internet (www.andre-cervera.com) Philippe Saulle, directeur de l’École des beaux-arts de Sète, écrit : « La peinture brûle [André Cervera] et le consume en un rituel vital, une obsession, un exutoire : peindre à l’excès pour peindre l’excès. Lorsqu’il peint il nous dit son propre rapport au monde dans ce qu’il a de démesuré (…). Il n’y a pas de sophistication dans le discours d’André Cervera, la parole, en cascade, est guidée par l’émotion, la vérité. Aujourd’hui, l’artiste est comblé, invité dans le monde entier. Pour l’enfant de Sète, qui, comme les artistes de la Figuration Libre, vient du peuple, c’est une sorte de revanche, un hommage obstiné à son père qui en d’autres temps s’est fait lâchement voler sa révolution en Espagne. » A.G.

Topolino

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© PHOTO GILLES HUTCHINSON

Sète dans tous ses éclats

Topolino (Mickey en italien) est le pseudonyme de Marc Combas. Frère cadet de Robert, il est né en 1967 à Sète. Le dessin est depuis toujours sont moyen d’expression favori : « Je remplis des carnets entiers de dessins pris sur le vif ou d’après l’actualité » explique-t-il lors de la présentation des croquis réalisés, sans repentir, jour après jour sur le réaménagement du théâtre Molière. Qui à Sète ne l’a pas rencontré au moins une fois un grand carnet de dessins sur les genoux, un posca (stylo feutre noir) à la main? Il travaille aussi bien sur le centenaire de Jean Vilar et la restauration de la vierge sur le clocher de la Décannale qu’il réalise des affiches pour Fiest’A Sète et la Saint Louis. En 2015 il s’autoproclame « dessinateur officiel de la ville de Sète » quand la mairie lui demande de tracer le portrait de la ville. Outre des centaines de dessins, ce travail débouche sur une quarantaine de toiles qui ont été exposées au musée Paul-Valéry de décembre 2015 à février 2016. En fait, Topolino n’a jamais rompu avec la peinture. En 2010, il expose à la galerie Yves Faurie sont travail sur Shakespeare ; en 2014 la galerie Bernard Chaudet de Londres présente ses personnages et ses paysages. A.G.


Yves Faurie

Militant de l’Art

C

’est en 1971 que ce Parisien s’est installé à Sète. Il arrive de Toulouse où il a abandonné des études en droit entamées avec l’idée d’endosser un jour la robe d’avocat. Une idée trop vague pour persévérer. Il est attiré par la mode. Il créé des collections, ouvre des magasins. A la fin des années 70, il part pour New York retrouver le peintre-photographe-cinéaste-romancier Pierre Maraval. Son ami lui fait rencontrer les artistes new-yorkais et découvrir la peinture contemporaine. De retour en France, Pierre Maraval ouvre à Paris la galerie Beau Lézard qui exposera Blais et les artistes de la Figuration libre. Au début des années 80, avec sa compagne Betty, Yves Faurie ouvre un restaurant rue LazareCarnot, “The Marcel”. Les murs sont assez hauts et larges pour y accrocher les tableaux de grandes dimensions de la nouvelle génération de peintres. Il se produit alors une sorte de conjonction astrale favorable à l’art contemporain : Noëlle Tissier est en train de faire venir à Sète dans le cadre de ce qui préfigure le CRAC (Centre régional d’action culturelle) des artistes en résidence qui deviendront des stars comme Yan Pei Ming ; des négociants comme Robert Skalli, des industriels comme Paul Boyé, des promoteurs comme Gilbert Ganivencq soutiennent les jeunes créateurs ; à peine les Combas et Di Rosa quittent Sète, qu’André Cervera émerge...

Bref, Yves Faurie ouvre à côté du restaurant la galerie Beau Lézard de Sète. Et les expositions se succèdent. L’une des plus marquantes sera la variation sur le thème du “Déjeuner sur l’herbe” à la quelle contribueront une trentaine d’artistes parmi lesquels Ben, Di Rosa, Viallat, Combas, Bioules... Dans la même veine, Don Quichotte sera l’argument d’une exposition où interviendront une vingtaine d’artistes pour Arte Nîmes. C’est en 2006 qu’Yves Faurie inaugure la galerie à son nom cette fois quai Léopold-Suquet avec une exposition de Gérard Drouillet. Quand il nous y reçoit des œuvres des neuf artistes qu’il a accrochées fin 2015 sont encore en place, des Alain Campos, Robert Combas, Stéphane Deligny, Jean Denant, Marc Duran, Frédéric Hoyer, Jean Llovera, Patrick Loste, Corinne Tichadou qui donnent une belle idée de la peinture aujourd’hui. Le maître des lieux est tapi tout au fond de ce lieu typique de l’architecture locale haut de plafond, profond, à la fois sombre et lumineux au milieu d’un gentil capharnaüm. Il a consigné sur quelques feuilles de papier ce qu’il veut et va nous dire. Il a aussi réuni les documents qui pourraient nous être utiles, notamment un article sur la galerie rédigé par Bruno Deschamps pour le magazine “Double vue” (n°48) - qui considère Yves Faurie « hors norme, hors mode

Vincent Cunillère

© PHOTOGRAPHIE VINCENT CUNILLERE

Objectif Soulages

Vincent Cunillère est né à Sète en 1963. En 1993 il rencontre Pierre Soulages à Paris dans l’intention de faire un reportage pour “Paris Match” sur les vitraux de Conques que le peintre à la renommée mondiale va installer dans l’abbatiale romane. Le courant passe si bien entre le Sétois et le néo-Sétois que celui-ci le choisit pour l’accompagner dans son cheminement pictural. De cette collaboration est née un livre sur les fameux vitraux et des catalogues sur la rétrospective Soulages au Centre Beaubourg à Paris, sur l’accrochage des œuvres au musée Fabre à Montpellier. Et en 2010, une exposition de photos sur l’atelier du maître de l’outre–noir dans la galerie d’Yves Faurie qui ramenait ainsi Soulages au cœur d’une actualité culturelle sétoise dont il avait été malencontreusement écarté au grand dam du galeriste. Depuis Vincent Cunillère a ouvert à Rodez, en face du musée Soulages, une galerie d’art où il expose ses photos. Fin 2013, début 2014, le musée Paul-Valéry a présenté l’exposition Duo d’ateliers : chez des artistes dont environ un tiers sont originaires de Sète, Cunillère avait photographié le peintre dans son atelier, ce dernier avait peint à son tour sur la photo.

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et donc incontournable ». Il n’y a plus qu’à l’écouter. Sur le groupe Montpellier-Sète. « C’est un mouvement qui a rajeunit la peinture locale après guerre et jusque dans les années 70. Un artiste domine, c’est François Desnoyer, figuratif et puissant. Puis vient Gabriel Couderc qui mettra en place le musée Paul-Valéry. On peut ajouter à ces deux-là André Blondel et Maurice Sarthou. Et enfin Jean Rouzaud, même s’il reste et restera éloigné de ces derniers.» A l’évocation du père de sa compagne, Yves Faurie se lève pour chercher une toile de petit format dans la première manière du peintre-architecte qui évoluera vers l’abstraction. C’est un paysage structuré dans une palette sombre. « C’est lui qui a dessiné la maison de Soulages quand il s’est installé ici ; Soulages ne veut pas le reconnaître, mais c’est lui. » Nous revenons au sujet de l’entretien. « Le tournant, c’est la confirmation dans les années 70 de Pierre François qui annonce d’une certaine façon la Figuration libre dont les icônes sont jusqu’à nos jours Robert Combas et Hervé Di Rosa. On associe souvent Ben à ce mouvement mais le Niçois qui a formé le vocable “Figuration libre” fait partie d’un autre courant, l’École de Nice. » Yves Faurie a fait la connaissance des deux garçons dans sa première boutique en 1975, ils étaient aux Beaux-Arts, faisaient de la musique. « Dès le début des années 80, c’étaient des stars. Ils sont partis pour Paris ou Los Angeles. Je n’ai pas travaillé avec eux régulièrement. Je leur achetais des œuvres que je revendais. J’ai exposé Di Rosa, Boiron, Blanchard et Combas en 1985, un clin d’œil à ces quatre gars qui changeaient les choses. Puis Di Rosa personnellement en 1992. Ensuite ils ont participé à mes expositions collectives sur le thème du “Déjeuner sur l’herbe” (1994) et de “Don Quichotte” (2006, co-produite avec Gilbert Ganivencq). Je reste très lié avec eux. » Il suffit de fureter dans la galerie pour s’en convaincre.

Un bon volume serait nécessaire pour faire le catalogue de toiles qui reposent ici en attendant de faire le bonheur des collectionneurs. C’est qu’Yves Faurie a aussi accroché Patrick Loste, Philippe Pradalié, Gérard Drouillet, Christophe Villard, Jean-Pierre Lebail, Marie Hugo ou une icône locale, Pierre François. « La fin des années 80 verra la confirmation d’André Cervera que j’ai exposé. Actuellement Jean Denant est probablement l’artiste le plus prometteur. » Le bouillonnement culturel qui est une des marques de la ville avec la présence du MIAM, du CRAC, de “Sète à voir”, des festivals de musiques, de l’École des beaux-arts, du conservatoire de Musique est entretenu par le tissu économique : « La banque Dupuy de Parceval, le groupe Proméo, Gaffinel après Skalli et Boyé soutiennent la création ». Tout baignerait donc. Pourtant Yves Faurie rumine. Si, « par peur de perdre les élections (ce qui lui arriva de toute façon) », Yves Marchand, maire de la ville de 1983 à 1996, n’avait pas abandonné, sous un prétexte fallacieux (indisponibilité des terrains), le projet de Fondation Soulages « qui aurait dû voir le jour ici, la ville où il s’est installé, plutôt qu’à Rodez, cela aurait été très fort pour l’image de la ville, cela aurait été le catalyseur de bien des choses qui n’ont pas pu émerger ». De là à fustiger « l’incompétence de nos politiques depuis 30 ans », il n’y a qu’un pas qu’Yves Faurie, chez lequel le militant frémit sous le marchand, franchit allègrement en pestant aussi bien contre « les artistes qui ont mieux appris à remplir un dossier de subventions qu’à tenir un crayon, et, les ayatollahs de la culture et de l’art d’état ». Car pour lui, tenir une galerie, ce qu’il compte faire encore longtemps, c’est comme diriger une maison d’édition, « il faut être en résistance, dire non, ne pas marcher dans les clous ». ALAIN GIRAUDO

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PHOTOS DR

Yves Faurie a su convaincre des artistes de renom de composer sur un thème donné

Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet interpétré par André Cervera, Hervé Di Rosa et Pierre François et bien d’autres à la demande d’Yves Faurie.


Jean Rouzaud (1924-2014)

© THIERRY BOULLEY

Le peintre et l’architecte

Avant d’inscrire sa double vie d’architecte et de peintre à Sète, Jean Rouzaud a été formé aux Beaux-Arts de Toulouse, section architecture. Il suit parallèlement, mais en cachette de l’autorité paternelle, des cours de peinture. Il réalise une série de pochades dans l’atelier d’un de ses professeurs : Raymond Espinasse. Pendant l’occupation il rencontre le peintre surréaliste Hans Bellmer qui l’encourage dans ses premiers travaux. En 1952 il s’inscrit à l’ordre des architectes et s’installe définitivement à Sète pour une longue carrière professionnelle qui prendra fin en 1995. Cependant rien ne le détachera de son destin de peintre. Il peint. Il peint autant que ses activités professionnelles le lui permettent. Au cours de ses recherches picturales, il se lie d’amitiés avec les peintres de l’Ecole sétoise : François Desnoyer, André Blondel, Gabriel Couderc, Espinasse… plus tard Soulages et Sarthou (dont il construira les maisons). Dans son œuvre non figurative le rythme classique s’impose dans la mise en page, dans les masses ordonnées qui se répondent entre elles tout en sachant y accueillir lignes, couleurs, formes. Esthétique faite de rigueur, de nuances, de lyrisme et de déchirures, de luminosité et d’interrogations. Pour la rétrospective qui lui est consacré par l’Espace Paul-Riquet de Béziers après sa disparition, Jean Rouzaud est présenté comme le peintre « d’une œuvre importante et éclectique, où la liberté de l’artiste s’est constamment exercée en dehors d’écoles formelles». Ses œuvres sont présentées dans des musées tels que ceux de Sète, Collioure, Toulouse ainsi qu’au musée Goya de Castres où il passa son adolescence.

Pierre François (1935-2007)

L’homme qui aimait les ports

PHOTO DU SITE www.pierre-francois.com

Pierre-François est l’ainé d’une fratrie de cinq enfants qui grandissent rue Lazare-Carnot. Sa mère d’origine italienne, est fille de pêcheur et joue du piano; son père est garagiste. Il «monte» à Paris où il est inscrit à l’Ecole des beaux-arts mais il n’en suit pas les cours, il dessine pour quelques journaux, participe à la réalisation de dessins animés publicitaires. Sète lui manque. Il y revient pour épouser Maryse Routier. Ils prennent en gérance un parc à huîtres sur l’étang de Thau, sans que Pierre délaisse pour autant la peinture. Le poète Yves Rouquette natif de Sète l’amène à côtoyer le monde occitan. Il illustre des revues, des livres et des disques, réalise la fresque d’entrée de la Mostra del Larzac. Après un dernier essai comme commercial chez Singer, la peinture devient sa seule activité qu’il pratique avec une certaine frénésie. Il peint Sète, les joutes, le canal, le bœuf de Mèze, la pêche à la dorade, le logo de Cettarames ; tous les sujets sont ancrés dans la culture locale. Sa rencontre avec André Benedetto, fondateur du Off du festival d’Avignon, le propulse dans le milieu du théâtre dans les années 70. Il en aime l’engagement et devient alors peintre décorateur. Il collabore avec plusieurs troupes régionales. Il réalise des affiches, des fresques, des décorations de bus. Puis il découvre l’acrylique qui lui offre encore plus de liberté pour peindre sur tout type de supports : plastique, toile de jute, bois… Les expositions s’enchaînent, de fidèles amateurs le soutiennent. Sa peur de l’avion surmontée, arrive le temps des voyages : New York, Rome, le Maroc. Il aime les ports. Sa peinture s’enrichit, son style s’affirme. Nicole Riche, directeur des musées de Béziers remarque sur le site Internet dédié à l’artiste (www.pierre-francois.com): «Tous les critiques ont placé Pierre François en dehors des sentiers battus de la peinture. Libre, il l’a été c’est certain, fuyant les études académiques, travaillant seul et n’essayant pas de suivre servilement la trace d’un illustre aîné ou de former une école. Pourtant son œuvre n’est pas un OVNI, elle s’inscrit bien dans l’art d’une époque et d’une région, le Languedoc, qu’il aimait et que l’on retrouve souvent dans ses peintures. On dit qu’il admirait Dufy et c’est sans doute le peintre qui l’a le plus influencé par son graphisme léger, ses couleurs vives toujours harmonieuses et bien placées, la poésie de ses personnages à peine esquissés comme flottant dans l’espace ».

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Joseph Franceli (1938-2011)

La force de la tramontane

PHOTO GILBERT MOINE - COLLECTION PRIVEE

Né à Sète en 1938, d’une famille de pêcheurs, Joseph Franceli peint dès son plus jeune âge. Il est exposé à 12 ans. Il suit brièvement les cours de Jean-Raymond Bessil aux Beaux-Arts de Montpellier et fréquente l’atelier de François Desnoyer à Sète où il apprend la rigueur et la nécessité de progresser. Solitaire, tourmenté, Joseph Franceli fait le tour du monde comme marin avant de revenir à Sète où il réalise des tableaux très puissants, colorés, imagés et humoristiques qui, avec leur “réalisme synthétique”, témoignent d’une forte personnalité artistique. Jean Fusaro le conseille au grand marchand Marcel Billy. Il se retrouve alors propulsé dans les prestigieuses galeries de Deauville, du Touquet, de Saumur et au-delà des frontières. Avec sa capacité à exprimer la force de la tramontane dans ses toiles, l’œuvre de Francelli représente un des points forts de l’Ecole sétoise.

Thomas Verny

La lumière du Sud au pastel

PHOTO DR

Thomas Verny est né à Paris en 1975. Diplômé de l’Ecole nationale des beaux-arts de Paris en 1998, il a été l’élève de Vincent Bioulès. Il travaille principalement au pastel sec et sur petits formats. Ses œuvres possèdent une atmosphère intimiste, donnée autant par le choix du format que par le traitement rapide et dépouillé du pastel. Son utilisation du carton lui permet de capturer les pigments du pastel et de mettre en valeur sa matière. En résidence à Sète pour la galerie Dock Sud il a réalisé un ensemble qui prolonge son travail sur le paysage contemporain en Méditerranée. Thomas Verny explique ainsi son travail : « J’ai commencé ce travail en 2010 dans la région de Collioure, dans la vallée de l’Hérault et à Montpellier. C’est une sorte de journal peint constitué d’observations saisies sur le vif, à toute heure et en toute saison. L’utilisation d’un format unique, 18,5 x 24 cm et d’une technique unique, le pastel, adapté à une exécution spontanée permettant de saisir la lumière, s’est imposée d’elle même. Tout comme la composition de polyptyques à partir de ce module pour restituer le défilement du paysage ou présenter un maximum d’angles d’un même élément. Ces études sur le motif peuvent également donner lieu à des variations en grands formats réalisées en atelier. Recherchant une forme d’objectivité, je m’attache autant à la représentation de la nature vierge qu’à l’étude des villages ou villes et des nouveaux territoires où l’activité humaine et le développement laissent leurs empreintes. Si la noblesse des grands sites naturels en fait à l’évidence des sujets de contemplation, la part de vie contenue dans les nouvelles zones d’activités peut comporter pour celui qui veut bien s’y pencher une matière digne du plus grand intérêt. C’est la proximité de ces deux mondes que je cherche à mettre en avant et leur antagonisme que je tente de transcender dans mon travail. »

René-François Grégogna (1926-2011)

Le mec-créant du Land Art

PHOTO DR

Né à Hanoï (Vietnam), engagé dans la Résistance, René-François Grégogna a 32 ans quand il fait irruption dans le paysage artistique sétois sur lequel brille encore François Desnoyer. Son “Déjeuner sur l’herbe” déclenchera un véritable scandale. Lorsque son œuvre est présentée à Séville en 2011, Hervé Di Rosa rend ainsi hommage à celui qui a ouvert la voie à la Figuration libre : « Autodidacte certainement mais extrêmement conscient de l’époque et du déroulement de l’histoire de l’art, Grégogna se documentait sans cesse, lisait beaucoup, mais voulait absolument être exclu de ces circuits qui lui semblaient officiels. On l’a donc, par ignorance, associé à l’art brut ou à l’art singulier, mais sa position est bien autre. Il regardait aussi bien “Les Shadocks” sur les premières télévisions en noir et blanc qu’il lisait Saint-John Perse. Sa curiosité était immense et grâce à une grande habileté manuelle et un œil aiguisé, il découvrit et utilisa un nombre infini de matériaux (laine, fil de fer, papier mâché, métal, pierre... tout). Il transformait tout littéralement de ses mains gigantesques en un monde dont lui seul avait les clés. Un monde de paysages enchanteurs peuplés de dictateurs ubuesques, de méchants militaires, d’imbéciles heureux et de créatures mythologiques ». Se définissant comme le “mec-créant”, René-François Grégogna a aussi été un précurseur du “land art”: en 1978-1979, il a réalisé, avec le soutien du ministère de la Culture et des peintures Ripolin, sur la digue entre Sète et Frontignan une immense fresque, “Je chante sur mon chemin”, qui fut détruite en 1986 en dépit de nombreuses protestations.

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Martin Bez

Couleurs de Chine

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gent immobilier, photographe, globe-trotter, Martin Bez a fini par poser le sac à Sète où il a ouvert en octobre 2006 , quai aspirant Herber, une galerie baptisée Dock Sud – « dock comme phonétiquement Languedoc et dock comme lieu d’échange portuaire », explique-t-il sur le site Internet de la galerie (www.dock-sud.com). Dans ce bel espace de 260 m², il met au départ l’accent sur l’art contemporain à forte connotation Sud (Gilles-Marie Dupuy, Jean Rouzaud, Champieux, Vivi Navarro, Franceli) ainsi que sur le groupe Montpellier-Sète des années 60 (Sarthou, Couderc, Bessil, Seguin, Puyuelo...). Une exposition Maurice Sarthou qui attire les collectionneurs l’installe définitivement dans le paysage culturel régional. Cette place est conforté par l’exposition de Jean Messagier en 2009. A son catalogue d’artistes locaux, Martin Bez, qui reste un voyageur impénitent, ajoute bientôt le travail de peintres en résidence qui vont connaître le succès. Pour le site Internet naja21.com, Valérie Giraud remarque : « En 2008, [Martin Bez] part en Chine à la découverte de ses artistes contemporains. A l’époque, la Chine n’est pas encore à la mode à Paris, encore moins à Sète. Mais ce n’est pas ce qui le décourage. Il a des amis, sait ouvrir les barrières, frapper aux portes. Il est tombé sous le charme et rien ne l’arrêtera dans son projet de montrer ces artistes dont rien ne préparait à la vision de leur œuvre. » « Une fois passé l’effet de surprise, poursuit Valérie Giraud, la force de leur création emporte. Peu à peu, de nouveaux visiteurs viennent dans sa galerie. D’abord pour lui puis pour Aymeric Fillière, qu’il a embarqué dans l’aventure alors qu’il était encore étudiant en médiation culturelle. Avec l’un ou l’autre, avec l’un et l’autre, l’accueil dans la galerie est simple et chaleureux. C’est en les écoutant que la visite se fait, en s’arrêtant devant chaque tableau, dont on apprend une anecdote ou quelques mots sur son processus de création, ses conditions de création en Chine. Puis on se retrouve très vite avec un verre de vin à la main, à deviser simplement sur l’art et sur la vie. Et si on a encore du temps, le bureau au fond de l’espace d’exposition déborde de châssis, de dessins et d’objets qui n’attendent qu’à sortir pour être regardés. » Début 2016, Martin Bez a exposé le travail de Thomas Verny qui, après Collioure, la vallée de l’Hérault et Montpellier, a poursuivi à Sète son travail sur le paysage méditerranéen. Ses pastels sur carton de petits formats donnent aux lieux familiers une réalité poétique que le quotidien a trop tendance à gommer. A.G.

Lucien Puyuelo (1927-2003)

Tranches de vie sétoises

Né à Sète dans une famille d’origine espagnole, Lucien Puyuelo a 17 ans quand il rejoint les Forces françaises de Libération. Revenu dans sa ville natale en partie dévastée, il travaille à la reconstruction des quais quand il apprend que le magasin Printania (actuel Monoprix) cherche un étalagiste. Il présente des dessins ; il est embauché et il garde la place jusqu’en 1983 en dépit des changements d’enseigne du commerce. Sa fibre artistique le pousse à peindre. Il suit des cours aux Beaux-Arts de Montpellier après que le travail qu’il présente en 1945 au Salon d’automne de Sète eut paru manquer de maîtrise. Il étudie Picasso, Matisse, Gauguin. En 1949, accroché à l’agence Havas, il devient ainsi « l’espoir numéro un de la peinture sétoise ». En tout cas François Desnoyer apprécie ses toiles aux teintes chaudes sinon éclatantes, aux formes naïves et vaguement cubistes. Il expose avec le groupe Montpellier-Sète, reçoit les lauriers de nombreux salons sans que cela lui ouvre les portes d’une grande carrière. Lucien Puyuelo, qui ne tient pas les marchands d’art en grande estime, sait en atteignant la trentaine qu’il ne vivra pas de sa peinture. Sa démarche n’en souffre pas et ses œuvres inspirées par la vie du port et des canaux restent très appréciées localement. A la retraite, il se consacre entièrement à son art qui renouvelle, dit-on, le réalisme. En 1988 il est successivement exposé au musée Paul-Valéry et au musée Fleury de Lodève. En 1989, il surprend en illustrant la couverture de la brochure programme de l’avocat Yves Marchand qui postule à la mairie sans pour autant changer de cap, avec sincérité et enthousiasme. Son travail est présenté dans tout le Languedoc et bien sûr à Sète. Après un détour par le surréalisme sous l’influence de Chirico, il part en laissant plus de 4000 toiles qui parlent des bateaux, des foules, de la mer, des gens, de tranches de vie sétoises avec en filigrane les tourments des questions existancielles. A.G. d’après la biographie rédigée par Hervé Le Blanche pour le site puyuelo.fr

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Robert Combas et Hervé Di Rosa

La villa Erialc pour tremplin

Fac similé du flyer de l’exposition sur l’aventure de la Figuration libre au musée Paul-Valéry en 2015.

De toutes les singularités de Sète, la moindre n’est pas celle d’abriter une Ecole des beauxarts où sont passés dans les “seventies” des galopins dont les noms vont figurer, fin des années 70, début des années 80, dans les catalogues d’expositions internationales sous l’étrange étiquette de “Figuration libre”. Pour tenter de comprendre de quoi il retourne, il fallait grimper cet été 2015 la rue Louis-Ramond qui longe le lycée Paul-Valéry pour gagner la villa Erialc, une bâtisse construite vers 1820 et transformée par ses propriétaires successifs, où cette Ecole des beaux-arts est installée depuis près d’un demi-siècle. Il y avait là, en parallèle avec l’exposition du musée Paul-Valéry sur “l’Historique d’une aventure” - celle à la fois lointaine et croisée des Combas, Di Rosa, Blanchard, Boisrond, Basquiat et autre Haring - une présentation de travaux réalisés par les deux Sétois lorsqu’ils y furent élèves. Cette demeure à la splendeur fanée est comme entourée de mystères. Directeur de l’école depuis 2010, Philippe Saulle nous fait découvrir pourquoi cette école fut la première marche sur l’escalier de la renommée qu’allaient gravir Robert Combas et Hervé Di Rosa avec cette fameuse estampille “Figuration libre” qui est leur sparadrap du capitane Haddock. Ce groupe n’a pas passé le cap du XXIe siècle ni même celui des années 90. Il n’en est pas 31 moins entré dans les musées.


Les Beaux-Arts de Sète

L’Ecole des beaux-arts de Sète a conservé le cachet du temps de sa splendeur quand elle s’appelait la maison Maillac.

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es clichés ont la vie dure… Nichée dans son écran leurs c’est ce même Maillac qui vendit ce terrain sur lequel de verdure, tour d’ivoire sur les hauteurs de la ville, se dressait alors une petite baraquette, un vacant. De construite par un riche vermouthier pour sa maî- cette “campagne” un peu fruste le nouveau propriétaire tresse, haut lieu de la gestapo durant la deuxième en fit une belle demeure dans le style second empire, guerre mondiale, abritant des trésors, truffée de tunnels agrémentée d’un grand parc inspiré par ce texte obscur secrets… Rien de tout cela n’est vrai, si ce “Hypnerotomachia Poliphili” écrit à la ren’est que l’Ecole des beaux-arts de Sète est naissance par Colonna pour les Médicis. bel et bien nichée au creux d’un parc que Léonce-François était un amoureux des arts l’on dit “savant”. et des lettres. Une soixantaine d’année La vérité historique est bien plus passionplus tard, c’est un artiste, Antonin-Marie nante que les rumeurs et les légendes. RasChatinière qui s’installe dans la maison sembler les éléments épars de cette histoire (D’après Aristophane) dont sa femme a fait l’acquisition. Le doest une tâche qui est toujours à l’œuvre et maine Maillac est son atelier où il peint chaque année apporte de nouvelles informations pour les nuits de Pigalle faisant l’aller-retour entre Sète et Paris. peu que l’on s’y intéresse. Une toile au musée Paul-Valéry, intitulée “En 1871, les UrLa maison de l’Ecole des beaux-arts n’a pas été construite bain Grangé reçoivent les Chatinière à Maillac (St-Clair)”, en 1870, comme il l’a été dit maintes fois, mais en témoigne de l’élégance du parc, de la demeure et offre 1826. C’est une maison solide, bâtie sans doute par le quelques signes discrets de cet amour de l’art. tailleur de pierre Maillac, de Mèze, pour le compte de En 1904, c’est Marius Chauvin, propriétaire d’une coml’acquéreur du domaine, Léonce-François Bonjean. D’ail- pagnie de bus et vermouthier qui en fait l’acquisition avec

Enseigner ce n’est pas remplir un vase mais allumer un feu.

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A l’école de Mme Manciet


sa femme, Claire Sinot et ses enfants. Il fait de grands travaux : verrière en vitraux et pâte de verre art déco, grand escalier, large échauguette, cuir de Cordoue, manteaux de cheminée en onyx… mais il vend l’Arcadie, sans doute pour financer en partie ces aménagements luxueux. L’Arcadie c’est cette partie haute du parc savant où, chez les voisins aujourd’hui encore on peut déceler quelques traces du jardin ancien. Les travaux durent prés de trois ans. Depuis cette époque il n’y a plus eu de chantier dans la maison si ce n’est des entretiens nécessaires. En 1964, après le décès de Marius Chauvain survenu en 1957, la ville cherche à agrandir le lycée Paul-Valéry et acquiert le domaine Maillac. En lisant les comptes rendus des séances du conseil municipal de l’époque, la démolition n’est pas passée bien loin (…). C’est en 1969 que l’école s’y installera. L’Ecole des beaux-arts a été officiellement fondée en 1893 par l’artiste Achille Dugrip, entre autres. Comme beaucoup d’écoles municipales elle répondait aux besoins industriels ou urbanistiques locaux. A Cette, il s’agissait de former des jeunes à la sculpture ornementale pour (…) répondre aux besoins des architectes qui dans la foulée d’Haussmann, transformaient la ville par des alignements de façades d’immeubles bourgeois le long de larges avenues et au bord des canaux. Entre les deux guerres l’école très réduite devient une académie de dessin. C’est cette académie vieillissante, installée dans les locaux de l’ancien cours complémentaire, avenue Victor-Hugo, locaux aujourd’hui détruits qui sera reprise en main par Madame Eliane Beaupuy-Manciet en avril 1962 (…). Eliane vient d’Arcachon, militante communiste, résistante, elle est élève des Beaux-Arts de Paris en même temps qu’un futur enseignant qu’elle embauchera plus tard à l’école de Sète, l’artiste sculpteur Pierre Nocca. En 1947, à 27 ans, elle a remporté le grand prix de Rome. Elle a

ensuite été pensionnaire de la Villa Velasquez à Madrid. Elle collectionnera les prix et récompenses jusqu’à sa nomination à Sète. C’est alors une artiste confirmée, peintre, dessinatrice, graveur. Elle travaille sans relâche. Il faut souligner qu’en 1961 elle avait réussi le concours de directrice de l’Ecole des beaux-arts de Bordeaux, malheureusement… le fringuant député-maire de la ville, Jacques Chaban-Delmas, vit d’un très mauvais œil la jeune femme militante communiste à la tête de cette institution. Eliane et son mari, conchyliculteur, durent trouver une ville plus accueillante en bord de mer. Dès son arrivée à Sète, Madame Manciet s’attèle à la tâche qu’elle s’est elle-même donnée, rencontrer le plus d’enfants et adolescents possibles pour les convaincre de s’inscrire dans sa future école. Passionnée par cet objectif, elle réduira considérablement son propre travail artistique à quelques esquisses et gravures pour ne pas complètement rompre avec le fil de ses recherches personnelles. Les parents des enfants concernés par la perspective de cours aux Beaux-Arts sont, à l’époque, très récalcitrants mais elle sait convaincre, s’enthousiasme pour ce type d’études et les débouchés insoupçonnés qu’elles offrent. Après une année de recrutement elle comptabilise une bonne centaine d’enfants et adultes qui fréquentent l’académie de dessin et peinture. Dès septembre 1962, Madame Manciet demande à la mairie de transformer cette “petite académie” en école municipale des beaux-arts de 3e catégorie (école donnant un enseignement préparatoire aux concours des écoles supérieures). Après plusieurs années de courriers et inspections le maire de la ville recevra en avril 1966, l’avis favorable du ministre d’État chargé des affaires culturelles. La classe préparatoire existait pourtant bien avant ces autorisations ministérielles puisque les premiers élèves arrivèrent à la rentrée 1962… Madame Manciet avait déjà tracé le chemin de son projet. En 1967, l’école est encore située rue Garenne-prolongée.

Eliane Manciet redonne à la ville des Beaux- Arts aux jeunes talents prometteurs

PHOTO DR

(suite p.36)

Robert Combas : « Rien qu’avec les batailles j’aurais pu faire une carrière car il y a toujours la guerre quelque part ».

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Hervé Di Rosa

PHOTOS DR

Le monde lui appartient

“Chateau rouge”, “Le Déjeuner sur l’herbe”, “Naissance de la figure” quelques exemples de la diversité de la peinture de Di Rosa.

Hervé Di Rosa est né à Sète en 1959. Son père travaille à la gare de triage et sur le port, sa mère fait des ménages. Ils envoient leur fils aux cours de dessins de l’Ecole des beaux-arts de Sète dès qu’il a 10 ans. Il fréquente Robert Combas avec lequel il partage une passion pour le rock. Après le bac Hervé Di Rosa est admis à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris où fait la connaissance de François Boisrond. En 1980, Georges Wolinski accepte de publier dans “Charlie Mensuel” deux épisodes d’une bande dessinée en regrettant toutefois le manque de scénario et en conseillant à Di Rosa de faire de plus grands formats. L’année suivante il expose avec Robert Combas, Rémi Blanchard et François Boisrons dans le loft du critique Bernard Lamarche-Vadel. Ben Vautier leur colle le nom de “Figuration libre”. Ses petits formats réalisés sur des cartons d’emballage sont aussi exposés à Amsterdam et Düsseldorf. En 1982, les Parisiens qui prennent le métro découvrent une affiche qu’il a réalisé avec François Boisrond pour l’épicier de luxe Félix-Potin et les Newyorkais qui vont à la galerie Holly Solomon froncent le nez devant ses toiles réalisées sur de vieux sacs de jute. La bourse de la Fondation Médicis qu’il obtient alors pour aller travailler à New-York lui permet de rencontrer Keith Harring. Le regard des Américains change dès lors. Le critique Nicolas A. Mouffarege lui consacre, avant de mourir, un article important dans “Art Magazine”. Deux galeries, Barbara Gladstone et Tony Shafrazi, expose ses toiles et la mise en volume de ses personnages par son frère Buddy. L’installation passe l’année suivante, en 1984, par Londres puis Paris. Le musée néerlandais Groninger consacre une première rétrospective de son œuvre en 1986 qui est reprise au musée Paul-Valéry. Deux ans plus tard, le musée d’Art moderne de la ville de Paris accueille “Viva Di Rosa”, exposition regroupant peintures et sculptures qui sera reprises en 1989 à Cavaillon, vitrolles, Montbéliard et Bourges. Il est aussi exposé à San Francisco et Lausanne. Il réalise des sérigraphie de ses personnages dans un atelier tunisiens. En 1991, l’Assemblée nationale lui commande une peinture murale de 40 m intitulée “Un combat permanent pour le droit et la justice”. En 1993, il en fait une autre pour le centre de documentation de la faculté de médecine de Montpellier. Il entame aussi une série de voyages qui le conduisent en Bulgarie, au Ghana, au Bénin, en Ethiopie, au Vietnam, au Mexique, en Corse, en Israël et en Afrique du Sud tout en étant exposé dans de nombreuses galeries en Europe et aux Etats-Unis. Ce tour du monde lui permet de diversifier ses approches artistiques. Il pratique ainsi toute sorte de techniques de création pour développer son univers narratifs peuplé de personnages récurrents qu’on retrouve dans ses expositions. Concepteur de l’Art modeste, il fonde en l’an 2000, à Sète, le Musée international des arts modestes (MIAM), où il expose de nombreux artistes venus du monde entier et crée des expositions qui questionnent les frontières de l’art contemporain. En 2012, il réalise l’affiche des Internationaux de tennis de Roland-Garros. Depuis 1981, son œuvre a fait l’objet de plus de 200 expositions personnelles et est présente dans d’importantes collections publiques et privées en Europe, en Amérique et en Asie. Il vit et travaille actuellement à Lisbonne où il s’est installé après avoir residé à Paris et Séville. A.G.

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Les locaux sont exigus et en mauvais état. Malgré tout, les activités ne cessent de se multiplier, les cours de se diversifier, plusieurs enseignants sont recrutés, dont Pierre Nocca et Sergio (…). L’école est une ruche. Cette année-là, Hervé Di Rosa, petit bonhomme de sept ans, y reçoit le premier prix de peinture. En 1969, les Beaux-Arts s’installent dans la demeure actuelle, la Villa Erialc. C’est une maison bourgeoise un peu abandonnée au fond du parc où vivaient depuis cinq ans plusieurs familles dont Bernard Chauvain, le fils de Marius. Chauffage au charbon puis au fioul, décorations quelque peu passées et très chargées, mais Eliane est heureuse. Ici, c’est enfin digne d’une véritable école. La maison parle d’elle-même. On ressent dans ses murs épais, dans les moulures de bois, la présence d’artistes qui y ont travaillé, réfléchit comme François Desnoyer ou Maurice Sarthou, et celle des amateurs d’art qui y ont vécu, amoureux des belles choses (…). Rentrées scolaires, cours, ateliers, programmes pédagogiques, expositions, interventions artistiques en ville ou aux halles, événements divers, remises des prix, réunions, conceptions de communication, Eliane est partout, s’occupe de tout. Mais surtout, elle est très attentive à chacun, individualise ses enseignements en les adaptant à chaque personnalité avec un sens de l’écoute et une finesse dans ses conseils qui restent encore en mémoire de ceux qui les ont reçus. Elle peut être dure aussi, parce que ses critiques sont souvent justes, et touchent l’élève au cœur même des faiblesses de son travail. Loin de l’image d’un professeur qui tenterait de se reproduire chez ses élèves, elle est, au contraire, ouverte à toutes les personnalités et sensibilités en respectant l’histoire et l’individualité de chacun tout en stimulant le courage et l’audace si nécessaires aux artistes émancipés. Elle ne croit pas aux vertus de l’art, elle sait les vertus de l’art et de l’expression de soi (…). L’art, pour Eliane, comme pour beaucoup d’artistes est un langage profond, une réparation de soi, un don à l’autre, une générosité sans mesure, nourriture de l’âme et de l’esprit. C’est ce respect inébranlable de la nature humaine, cette compassion, cette patience qui est au cœur de son enseignement. Quand, dans les années 1970 arrivent les trublions rock n’roll puis punks, mauvais élèves à l’école de la République, insouciants, en rupture, romantiques parfois, Eliane aime ces tempéraments, cette fougue et tant d’énergie à exploiter dans la peinture, le dessin, l’imaginaire. Robert Combas, Hervé Di Rosa, Louis Jammes, André Cervera, les frères Biascamano, Tino Cosantino, Philippe

Gros, pour n’en citer que quelques-uns de cette génération, tous très différents les uns des autres, s’ouvrent, avec ce mentor bienveillant, aux mystères de l’art. Ils rencontrent les peintres américains, les Warhols, Rauchenberg, le pop art, les grands artistes français, Dubuffet, Reyberolles, les nouveaux réalistes, Marcel Duchamp, toute une étendue de l’art, qu’il soit primitif, abstrait, narratif, figuratif, minimal, conceptuel… Eliane parle de tout, sans chapelle, sans présupposés. C’est avec les livres, les cours d’histoire de l’art et les ateliers fiévreux que toute une génération sera ainsi formée pour devenir des artistes autonomes aux œuvres affranchies des orthodoxies de l’époque. Eliane ressent en eux ce besoin impérieux de création, d’imaginaire et accueille avec franchise leurs maladresses fécondes. Tous les témoignages concordent sur le fait qu’elle encourageait la liberté d’expression et la personnalité de chacun pour y parvenir, sans s’arcbouter sur des techniques, des sujets ou des styles qui auraient été, étaient ou seraient en vigueur. Eliane allume les feux intérieurs de ses élèves et ne cherche pas à encombrer ces enfants de dogmes formalistes. C’est là une de ses principales qualités d’enseignante. Je suis arrivé à Sète le 1er juillet 1995, mais je connaissais bien le parc et l’Ecole des beaux-arts, venant de Toulouse parfois pour assister aux vernissages organisés par Noëlle Tissier, directrice de 1987 à 1997, à la suite d’Eliane. J’ai toujours entendu parler d’elle. Quand j’ai pris mes fonctions aux Beaux-Arts en 2010, je me suis mis en tête de la rencontrer et après plusieurs mois de recherche, j’ai fini par la retrouver dans une maison de retraite de La Teste-du-Bush. Elle avait transformé sa chambre en atelier d’artiste. C’est entouré de ses toiles et gravures que nous avons parlé un peu plus d’une heure de ses souvenirs à Sète. Elle était très émue. L’école des beaux-arts avait été pour elle un quart de siècle passionnant tant elle était fière de ses élèves. Elle conservait avec douceur et malice tous les courriers réguliers que Hervé Di Rosa et Robert Combas continuaient de lui faire parvenir. J’entends l’enregistrement de sa voix au moment où j’écris ces lignes. Elle est décédée quelques mois après ma visite. J’ai été troublé d’avoir eu la chance de la rencontrer. Ecouter les conseils avisés qu’elle n’a pas manqué de me donner. PHILIPPE SAULLE DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS DE SÈTE

Boisrond, Combas, Di Rosa et Blanchard les trublions de la villa Erialc

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(texte paru dans le catalogue de l’exposition La Figuration libre du musée Paul-Valéry en 2015 sous le titre “Le passage des beaux arts”)


Robert Combas

Le rock n’roll donne la couleur

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Robert Combas est né à Lyon en 1957. Deux ans après ses parents aux convictions communistes s’installent à Sète. La famille compte six enfants. Après avoir quitté le lycée à 17 ans, il crée en 1979 avec Hervé Di Rosa et Ketty Brindel la revue “Bato” qui est un assemblage de dessins, de peintures et de textes et qui paraîtra quatre fois. En 1980, il passe le diplôme des BeauxArts à Saint-Etienne où un membre du jury, Bernard Creysson, remarque son travail et lui propose de participer à l’exposition “Après le classicisme” qu’il organise au musée d’Art moderne de Saint-Etienne. Sur son site Internet (combas.fr), le peintre raconte : « Quand j’ai demandé pourquoi [Creysson] me proposait cette exposition, il m’a répondu qu’en France il n’y avait encore personne qui faisait ce genre de peinture et que ma peinture se rapprochait beaucoup dans l’idée de la “Trans avant-garde” italienne et des “Nouveaux Fauves” allemands, tout en ayant rien à voir avec eux. J’ai fait cette exposition, j’y ai rencontré Bruno Bischofberger, Daniel Templon et d’autres gens qui ont regardé avec intérêt mes toiles, ils m’ont acheté quelques pièces. Je suis donc monté à Paris habiter chez Di Rosa et Louis Jammes. J’ai toujours pensé que mon travail devait marcher, je l’ai fermement défendu et c’est pourquoi ça a marché. » L’année suivante il est exposé par les galeries Eva Keppel (Dusseldorf) et Swart (Amsterdam). Et Ben Vautier l’étiquette “Figuration libre”. En 1982, il démarre avec le marchand d’art Yvon Lambert une collaboration fructueuse qui durera plus de dix ans. Le mythique marchand américain Léo Castelli lui consacre deux expositions personnelles (1983 et 1986) dans sa galerie à New York. Il participe également à deux expositions qui confrontent le travail des artistes de la Figuration libre avec les artistes américains Keith Haring, Jean Michel Basquiat et Kenny Scharf (“1982 Statements New York 82 : Leading contemporary artists from France” organisée par le critique d’art Otto Hahn à la galerie Holly Solomon à New-York et “5/5 Figuration Libre, France/USA” organisée du 20 Décembre 1984 au 17 Février 1985 par Otto Hahn et Hervé Perdriolle au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris). Au début des années 80, il définit ainsi la Figuration libre : « C’est faire le plus possible, ce qu’on veut le plus personnellement, le plus librement ». Cette approche spontanée de la peinture reste sa façon de vivre et de peindre, mais en 35 ans de carrière, l’œuvre s’est étoffée et complexifiée car Combas n’est jamais là où on aimerait qu’il s’arrête… Fou de rock, la musique fonde véritablement son rapport à la peinture. Elle fût le cœur du sujet pour sa grande rétrospective au MAC de Lyon en 2012, “Greatest hits”. Depuis 2010, il compose en duo avec Lucas Mancione le groupe Les Sans Pattes qui expérimente davantage la performance, la prise de risque étant le mouvement intrinsèque de l’art de Combas. Son œuvre est un entremêlement de références et de sujets, d’enroulements de formes et de figures, d’enchevêtrements de mots et d’images… elle bouleverse et déstabilise les hiérarchies et les conventions instituées. La liberté de Robert Combas se manifeste sans complexe dans la variété des thèmes abordés, se ressent dans le fourmillement de détails qui habitent ses peintures. Sa formidable capacité d’invention lui permet de faire cohabiter les univers les plus contradictoires : bande dessinée, actualités, musique rock, histoire de l’art, traditions religieuses, mythologie, guerres, amour : avec un sens aigu du grotesque. Combas use de cette liberté pour jouer avec les visages et les corps tel Picasso. Ses tableaux sont un jeu de couleurs, de formes et de motifs, rappelant l’Art brut de Jean Dubuffet. Il y intègre aussi bien des collages de magazine porno que des bas reliefs médiévaux, des personnages en relief, des tatoués, des scarifiés… Chaque œuvre révèle un monde en soi. Chacune raconte les passions humaines voire inhumaines. L’intérêt de Combas pour les batailles naît de l’enfance, des illustrations des manuels scolaires, et ce thème jalonne son œuvre : « Rien qu’avec les batailles, j’aurais pu faire une carrière car, dit--il, il y a toujours la guerre quelque part !». Robert Combas travaille à Paris dans le XIIIe arrondissement. Son travail de 1980 à1990 fait l’objet d’une A.G. rétrospective au Grimaldi Forum de Monaco durant l’été 2016.

Artiste coté et réputé dans le monde entier, Robert Combas reste fidèle à sa ville natale en réalisant des affiches de la Saint-Louis ou en utilisant des expressions typiquement sétoises comme “Goulamas” pour intituler ses toiles.

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Fresques de Notre-Dame-de-la-Salette

A la manière d’une bande dessinée

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Né en 1925 à Béziers, Jacques Bringuier a achevé des études de droit et de sciences politiques à Paris avant d’être admis sur dossier à l’Ecole des beaux-arts où il est l’élève de Nicolas Untersteller. Il visite les ateliers de Fernand Léger et de Georges Braque avant de soumettre son travail à Pablo Picasso. A partir de 1952, il vit successivement à Sète, Montpellier et Colombières-sur-Orb. Depuis 1950 ses œuvres ont été exposées aussi bien à Béziers et Toulouse qu’à Madrid et Milan et acquises par plusieurs musées. Il a reçu de nombreuses commandes publiques dont quatre à Sète (fresques de la chapelle Notre-Dame-dela-Salette, de la chapelle des Sœurs dominicaines; peintures murales de la Compagnie des bateaux à vapeur du Nord, d’une école maternelle). De 1982 à 1992, Jacques Bringuier a dirigé l’atelier d’arts plastiques au sein de l’hôpital psychiatrique de la Colombière. Gérard Réthoré livre ici les clés de lecture des fresques de Notre-Dame-de-laSalette qui ont été restaurées au début des années 80 sans l’accord de l’artiste qui les considère comme détruites. Elles n’en constituent pas moins un des patrimoines picturaux de Sète des plus marquants.

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Tout ce que vous voulez savoir sur les fresques de la

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es œuvres picturales de Sète les plus visitées, les plus regardées, mais aussi parfois les moins comprises, sont sans doute les fresques de la chapelle Notre-Dame-de-la-Salette en haut de Saint-Clair. Chaque année plusieurs centaines de milliers de visiteurs les contemplent, et si l’atmosphère de la chapelle incite au recueillement, les visages des touristes de passage reflètent une certaine incrédulité dans leur recherche d’explications. Ces fresques furent confiées à partir de 1952 à un jeune artiste, Jacques Bringuier (1), qui revenait de Paris après quatre années passées à l’Ecole des beaux-arts. Le père Nemoz, chapelain à cette époque, avait décidé de consolider, d’agrandir et de rénover la chapelle qui avait souffert de l’occupation allemande et il donna au peintre carte blanche pour la décoration. Il est néanmoins permis de penser que le bon père était très proche de l’artiste pour le guider dans ces représentations des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament ainsi que celles de l’apparition de Notre Dame de la Salette. L’histoire du salut commence dans la chapelle située à gauche en regardant l’autel. De même que l’hébreu se lit de la droite vers la gauche, les fresques se regardent depuis le pilier situé à droite l’observateur se déplaçant vers la gauche. Les premières scènes sont issues du livre de la Genèse. D’abord, le jardin d’Eden, puis après la chute, « ils connurent qu’ils étaient nus ». Viens ensuite l’histoire de Noé, avec représenté au dessus l’arc en ciel, le signe de la nouvelle alliance. Puis c’est la visite du Seigneur à Abraham et à Sara avec l’annonce malgré leur grand âge de la naissance d’un fils ! Nous quittons la Genèse après cette scène où Jacob dort dans le désert et rêve d’une échelle aussi haute que le ciel et sur laquelle des anges montent et descendent…« et le Seigneur se tenait

devant lui et lui disait : « Je suis le Seigneur, Dieu de ton grand père Abraham et le Dieu d’Isaac. La terre où tu es couché je la donnerai à toi et à tes descendants ». C’est ensuite le livre de l’Exode avec la représentation du peuple d’Israël enchainé, autour de ce personnage attaché sont dessinées les plaies d’Egypte début de sa délivrance. En bas, à gauche Moïse et le peuple traverse la mer Rouge. Puis au-dessus c’est la marche dans le désert avec l’arche d’Alliance et la récolte de la manne. La phrase sur la vigne arrachée fait référence au psaume 80. La fresque au fond de cette chapelle représente l’Annonciation et elle introduit le nouveau testament. Sont représentés, la naissance du Christ, l’arrivée des mages, le baptême de Jésus, l’artiste évoque la décapitation de Jean-Baptiste, puis l’appel des apôtres et le rôle de Pierre dans l’église : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Ce sont ensuite les miracles de l’aveugle né, de la résurrection de Lazare et enfin l’évocation de la cène. Nous quittons cette chapelle et continuant notre rotation nous découvrons sur le mur du fond le chemin de croix dans lequel l’artiste a intégré notre humanité avec des personnages aussi divers que l’infirmière, le financier, le militaire, la religieuse ou l’ouvrier (le poing levé, nous sommes en 1953 !). Cette association de la souffrance du Christ à notre condition humaine est très forte. Pour la petite histoire, Jacques Bringuier a demandé à des enfants qui s’amusaient sur le site ce qu’ils pensaient faire plus tard, et il les a utilisés comme modèles dans cette fresque pour illustrer ces différentes professions. En face du chemin de croix, le Christ ressuscité étend ses bras et l’artiste dans cette représentation rappelle les trois miracles des évangiles, la tempête apaisée, la pêche miraculeuse et Jésus qui marche sur les eaux. Il tient sous sa

L’Ancien et le Nouveau Testament, la nativité, l’enfer tout est évoqué

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chapelle de Saint-Clair sans avoir osé le demander protection la ville de Sète et les travailleurs de la mer avec le pêcheur, la poissonnière et l’ouvrier du port. Nous sommes face au chœur et au Christ représenté dans une mandorle (de l’italien mandorla qui signifie amande). Symboliquement, quand un personnage est représenté au centre de la mandorle qui est une figure géométrique dessinée à l’aide de deux cercles, il indique le chemin pour passer d’un cercle à un autre ou d’un monde à un autre. Le Christ bénit de sa main droite et tient le monde dans sa main gauche, il est entouré de ses apôtres qui sont attentifs à sa parole, Judas qui l’a trahi est remplacé par Mathias. Au dessus, le Christ agneau a donné sa vie pour le monde, et la colombe représente pour la Bible l’Esprit Saint. Sur la voute est représentée la Jérusalem céleste, la Cité Sainte munie de remparts pourvus de douze portes et des noms inscrits, ceux des douze tribus d’Israël. Le fleuve de Vie jaillit du trône de Dieu cette eau assainit tout ce quelle pénètre et de part et d’autre du fleuve il y a des arbres dont les feuilles peuvent guérir. Sur les deux piliers à l’entrée du chœur sont représentés les thèmes du purgatoire et de l’enfer, sujets souvent utilisés par les prédicateurs dans les années 1950. Sur

le pilier de gauche, le squelette les bras croisés semble attendre la résurrection des morts ( Ezechiel : 37/1, 14). Cette chapelle fut dédiée par le chanoine Gaffino en 1864 au culte de Notre Dame de la Salette et le mur à droite en entrant raconte les moments de cette apparition et le message transmis aux enfants par la Vierge. Les fresques se regardent ici de la gauche vers la droite. Les prédictions de la Vierge se réalisèrent et l’artiste les représente dans toute leur dureté qui rappelle Guernica de Picasso. Les sétois, à l’époque, admirent mal cette nouvelle décoration, surtout que les anciens ex votos ont disparu ainsi que les milliers d’inscriptions de remerciements tracés sur les murs parfois au simple crayon noir. Aussi le Chanoine laisse à l’oratoire de Notre Dame de la Salette sa vocation de recevoir les remerciements directement peints sur le mur. Le peintre trace un décor composé de carrés pour les textes et des formes circulaires pour les images. Il rappelle par quatre tableaux verticaux les moments de l’apparition. Les ex votos gratulatoires (remerciements) alternent avec les ex votos propitiatoires (demandes). GÉRARD RÉTHORÉ (1) Jacques Bringuier considère que ces fresques ont été détruites lors de leur restauration qui a eu lieu sans son consentement à la fin des années 80.

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Remerciements Le Rotary club Sète remercie tous ceux qui lui ont permis de réaliser la rédaction et l’iconographie de cette revue consacrée à la peinture et aux peintres sétois, et en particulier : Marc Combas dit Topolino, dessinateur-peintre ; Gérard Calvet, peintre du groupe Montpellier –Sète ; Hélène Feydy et Marc Blondel, les enfants d’André Blondel ; Philippe Saulle, directeur de l’Ecole des beaux-arts de Sète ; Clèmence Ricard-Vilar, régisseur des expositions et collections musée Paul-Valéry Martin Bez, Lucien Favolini, Yves Faurie, marchands d’art ; ierry Boulley, André Caussegal, Jean Henric, Gilbert Moine, Gérard Réthoré, Patrice Taillan, membres du RC Sète ; le service de communication de la ville de Sète. ••• Le RC Sète remercie encore les annonceurs qui ont soutenu la publication de cette brochure : Le crématorium de Sète, la Banque Dupuy de Parseval, la poissonnerie Cyril Caumette ; Les experts comptables du Languedoc (ECL 34), MP Clean, La Ola ; La banque LCL, Optique Krys, la SCI immeubles Rouane, C&F Jacquemart, MMA, Venturi fils, Le Lazaret, Cuisine Références Frontignan, Sud Vacances Voyages, Les 2 Ramiers, Le Monte-Christo, Magic Coiffure, Évasion Boutique, l’Arseillère, Au Feu de Bois, Garage Favolini, Lubrano Frères, La Griffe, Vestiaire, Areal Cuisine, Château de La Peyrade, Languedoc Étanchéité, L’Épicerie, ARTEM, Paris-Méditerranée, e Marcel, Chai Alex, Aviva.

• Bibliographie “Histoire de Sète” ouvrage dirigé par Jean Sagnes (éd. Privat) 1991 “Couleurs de Sète” textes de Jacques Rouré, photos de Michel Descossy (éd. Equinoxe) 2004, épuisé “Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateur et architectes de Languedoc-Roussillon” par Jean Lepage (éds Singulières) 2008, épuisé Catalogue de l’exposition “Figuration libre, histoire d’une aventure” par Hervé Perdriolle, Philippe Piguet, Philippe Saulle, Jean Seisser, Maïthé Vallès-Bled (éds Midi-Pyrénées) 2015

• Webographie Musée national de la Marine : http://www.musee-marine.fr/ Musée Paul-Valéry : http://museepaulvalery-sete.fr/ École des beaux-arts de Sète : http://beauxarts.sete.fr/ Académie des sciences et lettres de Montpellier : http://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/ Galerie d’art Dock Sud : http://www.dock-sud.com/ Galerie Plurielle : http://www.galerieplurielle.fr/ André Blondel : http://blonderblondel.free.fr/ André Cervera : http://www.andre-cervera.com/ Hervé Di Rosa : http://dirosa.org/ Louis Peyré : http://www.louispeyre.com/ Lucien Puyuelo : http://www.puyuelo.fr/ Pierre François : http://www.pierre-francois.com/ Robert Combas : http://www.combas.com/ Cercle des Artistes Plasticiens du Pays Sétois : http://www.peintresducappsete.com/

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Le premier Rotary club a été réuni en 1905 à Chicago par un jeune avocat, Paul Harris, qui souhaitait que les acteurs de chaque groupe professionnel agissent ensemble dans un esprit de camaraderie et de bonne volonté pour servir ceux qui en ont besoin. Le Rotary est aujourd’hui une organisation mondiale de plus 1,2 million de membres issus du monde des affaires, des professions libérales, de la société civile. Les membres des Rotary clubs, appelés Rotariens, apportent un service humanitaire, encouragent l’observation de hautes normes éthiques dans le cadre professionnel, et aident à développer bonne volonté et paix à travers le monde. Le Rotary compte plus de 35 000 clubs répartis dans plus de 200 pays dont près de 1 100 clubs en France. Les clubs sont apolitiques, non religieux et sont ouverts à toutes cultures et croyances. La devise du Rotary, Servir d’abord, indique bien que son objectif principal est le service à autrui, dans les collectivités, sur les lieux de travail et à travers le monde. Le Rotary s’attache particulièrement à promouvoir la santé en soutenant la recherche sur les maladies du cerveau, en participant de manière active à l’éradication de la polio et en favorisant l’accès à l’eau potable dans les régions les plus défavorisées. Le Rotary entend également aider au rapprochement des peuples par le travail en commun sur des actions d’intérêt local ou international, par des échanges d’étudiants et de professionnels, par un soutien aux populations victimes de catastrophes naturelles ou humanitaires et en luttant contre l’illettrisme et l’exclusion. Le Rotary club de Sète1 s’inscrit résolument dans cette perspective. Il a fêté ses 80 ans en 2011. Il est le plus ancien club service de l’Hérault. Avec « Espoir en Tête », il participe au financement des recherches sur les maladies du cerveau. Avec les « Entretiens d’embauches », il initie les élèves du lycée Joliot-Curie aux entretiens d’embauche. Avec la « Banque alimentaire », il collecte des denrées de premières nécessités pour les plus démunis. Avec « Mon sang pour les autres », il aide l’Etablissement français du sang dans les campagnes de dons. Depuis 1972, le RC Sète participe aussi à la sauvegarde de l’abbaye Saint-Félix-de-Monceau qui est un des trésors médiévaux de l’agglomération sétoise. Depuis 2006, le Rotary club de Sète édite une brochure dont les bénéfices, cumulés avec ceux tirés d’actions mises en œuvre par le club

ROTARY CLUB SèTE

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n°11052 District 1700. Siège: Grand Hôtel 17, quai du Mal-de-Lattre-de-Tassigny 34200 Sète - France Réunions : 1er et 3e jeudis du mois, apéritif à 19 heures 2e et 4e jeudis du mois, dîner à 20 heures 5e jeudi du mois, dîner mixte à 20 heures. Site internet : rotarysete.ning.com. Courriel : rotary7doyen@gmail.com.

pour recueillir des fonds, permettent de financer des actions d’utilité locales et internationales. Le club a ainsi : •contribué à la formation d’un chien d’aveugle; •participé à l’achat d’un chariot spécifique permettant aux handicapés de prendre des bains de mer ; •doté les couveuses du service de néonatalogie de l’hôpital de Sète de webcams, permettant ainsi aux parents d’enfants prématurés de rester en permanence en contact avec leur bébé ; •financé un défibrilateur aux Pergolines, établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes de Sète ; •fourni des ordinateurs portables à des élèves sétois en difficultés ; •financé un jeu de voiles à un équipage du lycée de la mer Paul-Bousquet engagé dans le Défi des ports de pêche ; •accueilli deux étudiants américains et envoyé aux Etats-Unis une lycéenne sétoise pour une année scolaire ; •apporté son soutien à un équipage de jeunes de la région au raid “4L Trophy 2016” •créé et électrifié une école dans un village malgache et électrifié un village laotien ; •acheté des containers de survie pour Haïti ; •favorisé l’opération en France d’une petite malienne souffrant d’une malformation congénitale d’un pied ; •aidé l’hôpital de Douala (Cameroun) de se doter d’un service d’oncologie et d’hématologie ; •apporté un soutien financier régulier à des associations sétoises notamment celles qui accompagnent des personnes en difficulté sociale, des personnes handicapées et des personnes hospitalisées ou en fin de vie (La Croix Rouge, Les Blouses Roses, Lou Angel, Saemen’s Club, etc.). La brochure 2015, retraçait l’histoire du port de Sète, du négoce des vins et de la tonnellerie, de la fondation de la ville à nos jours, la brochure 2016 évoque les artistes peintres qui ont vécu ou créé dans notre ville ou qui l’ont représenté, avec leur regard et leur sensibilité. Les fonds recueillis auprès des annonceurs ont contribué aux financement des actions du club au cours de cette année 2014-2015. 1) Un second Rotary club, le RC Sète Bassin de Thau a été créé en 1992, son siège social est à l’hôtel Impérial.

SOUTIEN AU ROTARY

Les personnes qui après avoir consulté cette brochure souhaiteraient prendre contact avec le Rotary club de Sète ou soutenir le club ou la Fondation Rotary sont invitées à adresser leur courrier à l’adresse suivante : Rotary club de Sète Le Grand Hôtel 17, quai du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny 34200 Sète

Les chèques de soutien sont à établir à l’ordre du Rotary cub Sète



2016

Club Sète

Il était une fois...

Sète, au bout du pinceau

On voit toujours des pêcheurs le long de canaux de Sète. Les peintres y sont beaucoup plus rares. Le port, les canaux, les embarcations, la montagne qui les surplombent, la lumière qui les baigne ont pourtant été une source d’inspiration quasi inépuisable et toujours renouvelée pour les artistes qui ont tenu la ville au bout du pinceau depuis 350 ans. Pour découvrir l’essentiel de leur abondante production qui traverse tous les courants artistiques du classicisme académique à l’art modeste en passant par toutes les palettes de l’impressionnisme et de la figuration, le Rotary club de Sète remonte, dans la livraison 2016 de sa revue, les quatre étapes d’un itinéraire pictural.


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