Le Philotope 12

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MaT(i)erre(s)

Des matérialités vives : un écho poétique des enveloppes vivantes portées par la Terre Clotilde Félix-Fromentin

Des matérialités vivantes ? L'esprit n'aime pas les idées vagues, tout occupé qu'il est de rigueur et de nécessité, observait Paul Valéry en 1938 se prenant à témoin. Pourtant, à ses moments de nonchaloir quand il laisse la vie qu'il est, après tout, déployer le jeu qui lui est indispensable pour composer avec les variations et imprévus de son milieu, ces phénomènes flous lui sont un trésor et lui donnent l'illusion d'une richesse et d'une profondeur. Il s'avère que nous avons aujourd'hui de plus en plus affaire à des matérialités souples, malléables, fluctuantes, réactives, évolutives… que la définition ellemême confuse empêche de penser. Elles sont aussi bien : du design textile, et on apprécie son grand retour et ses perspectives d'innovation, que des membranes techniques, et on les méprise comme junk material1 ; des événements numériques dans le cyberespace, et on conjecture leur « éversion »2 dans la smart city, que de la substance urbaine, celle de la métropole faible et diffuse ou celle… de l' « encampement »3, et on y voit une mutation paradigmatique pour l'habiter ensemble autrement. Ni solide, ni plastique, ni fluide, mais un peu des trois, elles sont spontanément qualifiées de vivantes et certains en arrivent même à le croire. Les partisans des « naturalités numériques »4 qui seraient parvenus à paramétrer ce caractère

1. Rem Koolhaas, Junkspace, Payot, 2011 2. Mark Novak, “Transarchitectures and hypersurfaces, opérations of transmodernity”, Architectural Design, 68 : 5-6, 1998, p.86 3. Terme de Michel Agier. Cf Fiona Meadows (dir.), Habiter le campement, Actes Sud, 2016. p.7 4. Marie-Ange Brayer, Frédéric Migayrou (dir.), Naturaliser l'architecture, Orléans, HYX, 2011

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