La place de la maquette au sein des ateliers du second cycle de l'ENSAVT - Paul de Greslan

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LA PLACE DE LA MAQUETTE AU SEIN DES ATELIERS DU SECOND CYCLE DE L’ENSAVT Actualité et prospectives d’un outil d’architecture au service de la pédagogie


Page de garde : vue sur l’intérieur de l’ENSAVT depuis l’atelier Métropoles, à travers une chute de médium coupé au laser

Il y a vraiment un fil conducteur par la maquette. Florence Lipsky

[...] la représentation spatiale en numérique, pour moi c’est un vrai abandon, plutôt une vraie démission architecturale de l’architecte d’aujourd’hui. Jacques Lucan

Il y a des maquettes dans l’école qui n’existeraient pas si il n’y avait pas la laser. Mais ça ne change pas fondamentalement le résultat. Ça change les rendus, mais pas les projets.

Quand on est en charge du matériel, c’est important d’avoir des moyens de représentation matériels.

Pierre Alain Trévelo

David Mangin

Eric Lapierre

La maquette évoque plus le réel en étant loin du réel, tandis que l’image 3D veut nous rapprocher du réel alors qu’elle évoque autre chose qui n’est pas du tout du réel, qui est plutôt de l’ordre de la communication. L’avantage de la maquette en carton, c’est qu’elle ne triche pas.

En fait, j’ai beaucoup plus de plaisir avec le dessin qu’avec la maquette. Et la maquette ne m’intéresse que comme prolongement du dessin. Patrick Rubin

Marc Mimram

Mais simplement il ne faut pas que les étudiants considèrent que c’est construit en carton. Marc Mimram

Eric Lapierre

L’imprimante 3D, ce n’est pas une maquette, c’est une impression.

À partir du moment où vous avez choisi un cadrage pour la maquette, l’affaire est pliée. Ça détermine une échelle de travail et les objets à mettre en relation.

La machine a un point de vue à elle. Marc Mimram

Comme je cherche souvent de l’abstraction, que pour moi faire de l’architecture c’est aussi poser une grille d’abstraction sur la réalité, se fixer de faire un bâtiment comme une maquette est une manière presque automatique d’atteindre l’abstraction. Eric Lapierre


LA PLACE DE LA MAQUETTE AU SEIN DES ATELIERS DU SECOND CYCLE DE L’ENSAVT Actualité et prospectives d’un outil d’architecture au service de la pédagogie Paul de Greslan

Étudiant en 3ème année de l’école de la Ville et des Territoire à Marne-la-Vallée Rapport de fin de licence rédigé sous la direction de Pascale Joffroy, rendu le 28 mai et soutenu le 4 juin 2015

École d’architecture à Marne-la-Vallée de la ville & des territoires


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L’apprentissage du projet à travers le second cycle en école d’architecture est déterminant en cela qu’il peut initier l’étudiant, par sa pédagogie particulière, à certaines habitudes, autant sur la façon de penser l’architecture que sur la façon de la produire. En effet, c’est pendant cette dernière période de maturation a priori sur ce qu’est l’architecture et sur les différentes façons de la pratiquer que l’étudiant commence à se forger (ou à confirmer) sa propre opinion, ses croyances ainsi que sa «coutume». Elle constitue en ce sens une des «graines» originelles qui façonnent la pratique de l’architecte en devenir. L’importance du contenu de ce cycle apparaît alors comme évidente pour l’avenir professionnel du futur architecte. Un domaine me semble particulièrement significatif de l’enseignement des masters à l’ENSAVT : la maquette. En effet, alors que l’étudiant reçoit lors de son premier cycle un apprentissage complet sur la perspective, le géométral, le croquis et les outils numériques, aucun n’est donné sur la maquette. Ce manque de formation et l’ambiguïté qui entoure cet outil génèrent de nombreux débats dès les débuts des études d’architecture. Objet didactique et consubstantiel de l’architecture pour le grand public, à cheval entre représentation et recherche pour les initiés, l’utilisation de la maquette et les crédits qui lui sont accordés diffèrent à travers les cultures architecturales, les personnalités et les champs d’applications. Le postulat initial de ce rapport assume que ces écarts sont également lisibles entre les masters de l’ENSAVT, et qu’il est possible de les interroger pour comprendre toute la spécificité de ce domaine. Les enjeux de ce rapport d’étude sont multiples : En m’intéressant aux origines de la maquette, je souhaite comprendre les fondements de ce domaine pour pouvoir mieux décrypter son actualité, notamment au sein des quatre ateliers de second cycle de l’ENSAVT. Cette compréhension me permettra de requestionner la légitimité de cet outil dans une école du XXIème siècle, et d’envisager une résolution du conflit attisé par l’arrivée des nouvelles technologies comme la 3D numérique et la machine laser. Par ailleurs, ce rapport permettra de constituer une nouvelle source documentaire pour l’école afin d’entamer une discussion pédagogique sur la capacité de la maquette à établir des parentés entre les masters. Enfin, la conception de ce rapport me donnera l’occasion d’accroître ma connaissance des enjeux de chaque master, afin d’engager une réléxion sur le contenu de leurs enseignements et de mieux m’orienter pour les années à venir.

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1/ INTRODUCTION AU THÈME DE LA MAQUETTE

p. 9

Une maquette, des maquettes Petite histoire de la maquette Protocole de recherche : la démarche

2/ LE POINT DE VUE DES ENSEIGNANTS DE MASTERS

p. 19

Matières à Penser : Marc Mimram / Florence Lipsky Théorie et Projet : Eric Lapierre / Jacques Lucan Transformations : Patrick Rubin Métropoles : Pierre Alain Trévelo / David Mangin

3/ LA MAQUETTE À L’ŒUVRE

p. 51

Reportages photographiques dans les ateliers de projet et à l’atelier maquette(© Paul de Greslan)

4/ QUESTIONNAIRE AUX ÉTUDIANTS

p. 81

Compte rendu du questionnaire aux élèves des masters de l’ENSAVT

ANNEXES

p. 93

Interview de Benjamin Giraudon, responsable de l’atelier maquette Présentation succincte des masters de l’ENSAVT et de leurs enseignants Bibliographie Postface Remerciements

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1/ INTRODUCTION AU THÈME DE LA MAQUETTE Une maquette, des maquettes Petite histoire de la maquette Protocole de recherche : la démarche

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Une maquette, des maquettes Larousse : « N. f. (ma.kεt). Représentation en trois dimensions, le plus souvent à échelle réduite, mais fidèle dans ses proportions, d’une construction, d’un appareil, d’un décor, d’un objet quelconque. » 1 Wikipédia : « Une maquette est une représentation partielle ou complète d’un système ou d'un objet (existant ou en projet) afin d'en tester et valider certains aspects et/ou le comportement (maquette fonctionnelle) […] Physique ou numérique, (la maquette) sert à la conception et à la communication du projet. » 2 Alors que la définition de Larousse est parfaitement neutre et n’exprime qu’une définition factuelle de la maquette en tant qu’objet sans en évoquer les différentes fonctions, celle de Wikipédia énonce clairement sa mission d’investigation et dissocie ses rôles de «conception» et de «communication». L’atelier de Bauraum3, un atelier de maquettisme parisien ayant travaillé pour des clients tels que Dominique Perrault, Renzo Piano Building Workshop et Kenzo Kuma Associates, précise cette dissociation entre les maquettes « [...] réalisées pendant le processus de conception d’un projet et celles représentant une phase aboutie » en définissant plusieurs types de maquettes se rattachant tantôt aux unes, tantôt aux autres. Quatre de ces typologies intéressent particulièrement ce rapport en étant abordées dans la pédagogie des masters : «Maquette», Larousse (consultation le 25/02/15) www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/maquette/49307

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«Maquette», Wikipédia (consultation le 25/02/15) https://fr.wikipedia.org/wiki/ Maquette

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3 L’atelier de maquettisme Bauraum, situé dans le 12ème arrondissement Parisien, est créé en 2012 par Claudia Dieling, architecte ingénieur et ancienne chef de projet à RFR, et par Axel Steinmüller, maquettiste et designer ayant travailler pour Gehry Partners, Kengo Kuma Associates ou encore Dominique Perrault. Cette atelier conçoit des maquettes à tous les stades du projet architectectural. Bauraum (consultation le 23/05/15) http://bauraum.fr/bauraummaquette

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« La maquette d’étude ou de travail constitue un instrument de recherche permettant à son concepteur de juger de son idée première, d’en évaluer la pertinence, de l’affiner ou de la modifier. Cette maquette sert à mener des recherches de forme, des études de détails et des essais d’implantation au sein du site. Il peut s’agir d’une maquette en volume ou en coupe. La maquette prototype désigne le premier exemplaire - ou l’un des premiers - d’un produit de design à l’échelle réelle. Elle permet de vérifier les matériaux et l’ergonomie de l’objet. La maquette de rendu de concours, aussi appelée « maquette blanche », est comme son nom l’indique souvent blanche, neutre, afin de permettre au jury d’évaluer le projet architectural dans ses trois dimensions sans être distrait par un quelconque détail superflu.


La maquette de présentation est probablement celle qui se rapproche le plus d’une traduction littérale du projet. Sa vocation n’est pas seulement d’expliquer le projet architectural, mais aussi de le promouvoir. Elle est vouée à séduire les acheteurs et les décideurs. Rendue spectaculaire par sa mise en lumière, la mimétique de ses matériaux choisis ou son degré de précision et de réalisme, elle devient un outil de communication. » Alors que l’intérêt de la «maquette d’étude» au sein de la pédagogie d’une école d’architecture est assumé par tous, nous verrons que le «prototype» divise le corps enseignant en regard de son intérêt pédagogique. La même tension se retrouve entre la maquette sobre «de rendu de concours» et la maquette «de présentation», les uns ayant la volonté de présenter le projet factuellement, les autres utilisant la maquette pour offrir une représentation littérale de l’intérieur et de l’extérieur souhaités. L’atelier Bauraum ajoute par ailleurs une particularité supplémentaire au domaine de la maquette : « La maquette n’est pas seulement une simple représentation en miniature de l’architecture ou de l’objet qu’elle représente. Toujours porteuse d’un message, elle peut même devenir une création à part entière. » Le potentiel de la maquette à devenir en ce sens une œuvre sœur du projet1, en dépassant sa subordination à ce dernier, ouvre un horizon nouveau, rendant possible une inversion du rapport de l’architecte à la maquette. La maquette prétend dès lors à avoir un discours personnel. Afin de comprendre les acceptions actuelles de ce terme, il est important de rappeler son origine étymologique. Ainsi, le terme maquette apparait pour la première fois en 1752 et vient de l’italien macchietta, l’ébauche d’une œuvre au crayon ou à l’huile, du latin macula : la tache1. Cette origine linguistique affilie donc le mot maquette à une démarche de recherche ayant lieu en amont du processus de représentation de l’élément fini. Il est intéressant de noter qu’alors que les arts graphiques, la musique et la littérature ont conservé cette définition de la maquette comme ébauche d’un projet à venir, l’architecture a quant à elle associé à cette idée le domaine de la représentation, avec par exemple les maquettes de «rendu», se substituant ainsi au terme «modèle» qui était utilisé jusqu’alors. Cette dualité de finalités bien distinctes est à l’origine de l’ambiguïté actuelle qui entoure le sujet de la maquette. Mais quelles sont les origines de cet outil de l’architecture et de ses différentes utilisations?

Lire à ce sujet Dolorès, une bande dessinée écrit par Benoit Peeters, François Schuiten et illustrée par Anne Baltus, publiée en 1991 par Casterman. Cet ouvrage brouille en effet la limite entre architecture et maquette en narrant l’histoire d’un maquettiste pour qui la réalité s’inverse au fur et à mesure qu’il fabrique la maquette à l’échelle 1 :10ème de la villa d’une actrice américaine : la vie parallèle et imaginaire qu’il mène dans la maquette qu’il réalise prend ainsi le pas sur sa vie réelle.

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de faire un rappel historique à travers trois périodes correspondantes à trois utilisations de la maquette différentes : l’Antiquité, la Renaissance et l’époque Moderne.

2 D’après le Centre National des Ressources Textuels et Lexicales (CNRTL) http://www.cnrtl.fr/etymologie/ maquette

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Petite histoire de la maquette Antiquité

« Alexandre aperçoit Dinocrate, et, frappé d’étonnement, ordonne qu’on le laisse approcher, et lui demande qui il est. «Je suis l’architecte Dinocrate, répondit-il ; la Macédoine est ma patrie. Les modèles et les plans que je présente à Alexandre sont dignes de sa grandeur. »1 Ceci est l’unique passage où le thème de la maquette apparait dans De Architectura de Vitruve. Les architectes de l’époque avaient donc déjà cet outil à leur disposition, mais Vitruve ne renseigne pas ce sujet d’avantage. Cependant, dans la traduction de M. CH.-L. Maufras, en 1847, se trouve dans le Livre 1 l’annotation n°54 « Scenographia » ci-après : « Outre ces trois manières de représenter un édifice, les anciens se servaient aussi de modèles en relief. Ces modèles, donnant en petit la figure de l’édifice avec toutes ses proportions, étaient exécutés en cire, en plâtre ou en bois. Praxitèle ne faisait aucun ouvrage sans en avoir fait auparavant un petit modèle en relief. » Ainsi la maquette était un outil utilisé à l’époque de Vitruve, ce qui démontre le lien fort et ancien entre exercice de l’architecture et création de maquette. De plus, certains matériaux tels que le bois déjà utilisés à l’époque le sont aujourd’hui encore, en école d’architecture autant qu’en agence. Cette utilisation pérenne des mêmes matériaux à travers deux millénaires souligne leurs efficacités plastiques et esthétiques. Mais quels étaient les objectifs de la réalisation de ces maquettes pour ces architectes ? Pierre Gros écrit à ce sujet dans l’annotation n°35 de son ouvrage critique des illustrations de De Architectura.2 « Les maquettes (attestées en grec sous le nom de παρα δεγματα, en latin sous celui d’exemplar) étaient des objets destinés à illustrer auprès des responsables municipaux, qui n’étaient pas des spécialistes, l’aspect futur de l’édifice projeté. Ce n’étaient que rarement des documents de travail. »

1 Vitruve, Livre 2.2 de De Architectura, -25 avant JC. Traduction de l’original par M. CH.-L. Maufras, publiée en 1847 par C. L. F. Panckoucke http://remacle.org/bloodwolf/ erudits/Vitruve/livre2.htm#1 3 Pierre Gros, «Les illustrations du De architectura de Vitruve : histoire d’un malentendu» dans Les littératures techniques dans l’Antiquité romaine. Vandceuvres-Genève, 1996, p. 19-44 (Entretiens sur l’Antiquité classique, 42)

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Pierre Gros prouve ce postulat dans l’annotation n°36 en rappelant que l’architecte Callias réalisa la maquette d’une machine qu’il avait imaginé lors du siège de Rhodes afin de la présenter à l’empereur Demetrios, tout en indiquant que celle-ci «n’était pas un support pour l’exécution.» Les maquettes de l’antiquité Romaine étaient donc vraisemblablement des maquettes de représentation utilisées pour exposer aux clients l’emplacement et la forme de l’édifice, ce que confirme le terme qui les définissait: Exemplar. Littéralement copie, son sens est différent de la notion d’esquisse (macchietta). Il correspond à une reproduction, un «modèle réduit» d’un bâtiment, sous entendant le caractère fini de ce dernier. Le mot anglais pour désigner la maquette, model, et le terme allemand modell sont quant à eux restés très proches de ce sens premier.


Bien plus tard, à la Renaissance, l’intérêt pour la maquette renaît avec un nouvel objectif. Pierre Gros raconte1 :

Renaissance

« Sur l’emploi effectif de la maquette, comme instrument d’expérimentation et d’analyse, tout au long du XVIe s., les « modelli » de la Basilique Saint-Pierre de Rome (de A. Da Sangallo le Jeune, de Michel-Ange, de Giacomo della Porta) constituent un témoignage éloquent. On sait en particulier que Michel-Ange a élaboré la coupole à partir de maquettes d’argile d’où il tirait des maquettes de bois. » Alberti lui donne d’ailleurs raison en défendant hardiment le rôle de la maquette comme outil rationnel de recherche.2 « Voyla pourquoy tousiours me plaira l’ancienne coustume de ceulx qui souloient raisonnablement edifier, lesquelz ne s’arreftoient aux pourtraitz de platte peinture, ains faisoient faire des modelles de bois, ou autre matière appropriee, au moyen dequoy ilz pouoient veoir comment tout l’ouvrage devoit succeder en chacune de ses parties, ensemble ses proportions & mesures: puis s’en conseilloiennt aux expertz, & examinoient plusieurs fois toutes les particularitez occurrentes, auaunt que mettre la main à la besongne, qui recquiert plus de soing & de despense, qu’il n’est aduis a beaucoup de personnes.» Alberti écrit à propos de ce qu’il appelle une ancienne coutume, avant la représentation perspective par «plate peinture». Il décrit son intérêt pour la fabrication des maquettes en bois ou autre, afin de se rendre compte de la volumétrie du bâtiment, puis d’en discuter avec les «experts» pour vérifier la faisabilité avant de passer au chantier. C’est donc une démarche rationnelle qu’il attribue à la maquette, et ce afin d’éviter tout problème qui pourrait arriver à la phase de chantier et à la livraison, ce qui entraînerait forcément une dépense inutile de temps et d’argent. « Puis si vous voyez que bon soit, vous y pourrez adiouster, diminuer, changer, rounouueller, ou refaire le tout en autre mode, iusques a ce que soyez contenté, & que cela s’appreuue par les gens qui s’entendent en semblables matieres. » C’est là le côté modelable, façonnable et évolutif de la maquette qui est mis en avant, dans un processus de conception du bâtiment pour soimême et pour satisfaire les interlocuteurs, notamment les clients. « Ie ne veuil icy passer en silence un point qui me semble grandement a propos: c’est, qvn bon Architecte désirant representer au naturel comment vn bastiment doit estre, ne fera jamais vn modelle fardé, ou embelly des brouilleries de peinture: ains fera l’ignorant, qui par ambition malicieuse taschera d’attirer les yeux des regardans, & desuoier leurs fantasies de la deue consideration de toutes les particularitez, voir s’esforcera de se rendre admirable par teles

1 Pierre Gros , «Le rôle de la scaenographia dans les projets architecturaux du début de l’Empire romain” dans Le dessin d’architecture dans les sociétés antiques. Actes du colloque de Strasbourg, 26-28 janvier 1984, Leyde, 1985, p. 231-253 (Travaux du Centre de recherche sur le Proche Orient et la Grèce antique, 8) 2 Léon Baptista Alberti, Livre 2 De Re Aedificatoria, écrit entre 1442 et 1452, publié en 1485

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decuances. A cette cause i’aimeroie mieulx (quant a moy) vn modelle simple, nu, ou tant feulement esbauché, qu’vn qui seroit curieusement perfect, poly, & mignoté iusques au bout, pourvu qu’on y cogneust le gentil entendement de l’inventeur, plustost que la bonne main de l’ouvrier. » Une maquette ne doit selon Alberti être esthétisée par aucun artifice éloignant l’attention du lecteur des caractéristiques réelles du projet. Il critique d’ailleurs vivement ceux qui tentent de se faire remarquer à travers ce procédé «malicieux». Pour lui, la maquette parfaite est simple, sobre et témoigne des modifications qu’on lui a fait subir, plutôt que parfaitement réalisée, et ce afin d’y lire clairement les intentions initiales de l’architecte. « Il fault doncques auant toute oeuvre, faire faire ces modelles bien & adroit, puis les calculer en vous mesme, non seulement vne fois, mais diverses, & encores les communiquer a gens qui sachent que cela vault, afin qu’il ne se face rien en tout l’ouvrage que vous ne sachies avant la main comment il sera, mesmes que n’ententiez perfectement a quelz usages il se doit appliquer. » Enfin, Alberti énonce ici la nécessité absolue d’utiliser la maquette dans tout projet et de communiquer à travers elle avec les spécialistes du bâtiment afin d’anticiper la phase de construction de l’édifice autant que ces usages. La maquette est donc pour Alberti le support par excellence du projet, permettant à la fois d’expérimenter le procédé de fabrication, de programmer les usages, et favoriser le dialogue avec autrui. Filarète illustre d’ailleurs cette acception à travers une métaphore où il compare le maître d’ouvrage et l’architecte à respectivement le père et la mère du bâtiment :

Maquette en bois de Brunelleschi pour montrer comme finir la coupole de la Santa Maria del Fiore à Florence après sa mort (1446) Catherine Clarisse, Ma quête d’architecture : maquettes d’architectures, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 1997, p.85 M. Georg Germann, Vitruve et le Vitruvianisme, introduction à l’histoire et à la théorie architecturale, Presses polytechniques et universitaire romandes, 1991, Chapitre 3 p. 66

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« De même que la mère porte son enfant pendant sept à neuf mois, l’architecte doit tout aussi longtemps s’en remettre à son imagination, réfléchir à la mission à remplir et élaborer dans sa tête plusieurs projets pour finalement choisir le plus adéquat, le mettre au monde sous la forme d’une maquette en bois et de le montrer au père. Mais autant que la mère ne peut pas trouver de bons maîtres pour son fils bien aimé si le père ne le désire pas, l’architecte ne peut pas faire exécuter la construction par de bons maîtres artisans contre la volonté du commanditaire. »1 La renaissance est donc une période marquée par une utilisation répandue des maquettes, à la fois comme outils d’aide à la conception des bâtiments, dans leur programme, leurs usages et leurs modes de constructions, et comme support du dialogue avec les autorités référentes du domaine de la construction ainsi qu’avec les clients.


Il est difficile de trouver des informations sur l’utilisation de la maquette durant la première moitié du 20ème siècle par les architectes du mouvement Moderne. En effet, bien que beaucoup des maquettes de cette époque nous soient parvenues, aucune théorisation des modernes sur ce sujet ne fut découverte durant l’élaboration de ce rapport. De plus, un grand nombre de ces maquettes était destiné aux présentations et expositions des travaux des architectes au grand public ou aux clients. Il est ainsi possible qu’à cette époque, la maquette soit redevenue un outil périphérique de l’architecture n’intervenant pas dans le processus de conception, et ait en ce sens retrouvé la fonction de l’exemplar latin originel.

Mouvement Moderne

Jacques Lucan, dans son interview réalisée à l’école le mardi 28 avril 2015, évoque une raison probante de l’abandon de l’utilisation de la maquette dans la conception architecturale à l’époque moderne. « On pouvait, par la réalisation de croquis notamment, réussir à visualiser un projet et à le concevoir sans avoir recours à la maquette, grâce à une certaine intelligence spatiale que les modernes avaient développée et qui s’est depuis perdue. » La maquette serait donc discréditée par les facultés mentales des architectes modernes, à travers une conception spatiale mentale assistée par croquis. Jacques Lucan valide de plus le postulat rapprochant la maquette des modernes de la maquette antique en ajoutant que Le Corbusier s’en servait uniquement au Salon d’Automne pour «présenter le projet [au public] d’une façon qui soit simple et didactique». Cependant, Mies van der Rohe le contredit en déclarant au sujet de la conception du gratte-ciel de verre sur la Friedrichstrasse de Berlin : « Les expériences faites sur une maquette de verre m’indiquèrent le chemin, et je m’aperçus que ce qui importe dans l’usage du verre n’est pas l’effet de l’ombre et de la lumière, mais un véritable jeu de reflets lumineux. »1 En outre, les Oeuvres Complètes de Louis Kahn offrent une grande part de la publication aux photos de maquettes d’études. Ces maquettes nombreuses et d’une grande diversité, à la fois d’échelles, de matériaux et de finitions, attestent de l’évolution des projets au fil de la conception, et affirment le fait que certains architectes modernes utilisaient la maquette dans la conception du projet. Jacques Lucan ajoute que Louis Kahn «faisait aussi travailler ses étudiants en maquette, carton gris cette fois ci, sur l’échelle des bâtiments». Il établit ainsi un lignage évident entre la pédagogie de cet architecte moderne et celle de certains enseignants de projets actuels, notamment à l’ENSAVT.

Ci-dessus : Maquette d’étude de Mies van der Rohe pour le projet de gratte-ciel de verre, Friedrichstrasse, Berlin, 1922 Source : Jean-Louis Cohen, Mies van der Rohe, HAZAN, 1994, p.27

Jean-Louis Cohen, Mies van der Rohe, HAZAN, 1994, p. 26-27

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La maquette connaît donc à travers son histoire un certain nombre de modifications de son utilisation. Alors qu’à l’Antiquité, elle n’est qu’un support de communication des ambitions volumétriques aux clients, elle évolue à la Renaissance pour devenir un outil indispensable et central, autour duquel gravite des enjeux tels que la conception volumétriques, la vérification de la faisabilité, la détermination du processus de construction et la figuration des usages. Au cours du XXème siècle, à l’époque du Mouvement Moderne, elle redevient majoritairement un outil de représentation de l’architecture, bien que certains architectes comme Louis Kahn continuent de l’utiliser comme un support de conception. Ainsi, la discontinuité de l’usage de la maquette à travers ces périodes historiques témoigne d’une grande instabilité du crédit qui lui est accordé. Sa légitimité au sein de la pratique architecturale dépend donc en majeur partie du contexte sociétal et du cadre humain dans lequel elle est réalisée. Mais qu’en est-il aujourd’hui, et qu’en sera t-il demain, en France et ailleurs, alors que la technologie prend chaque jour plus de place dans la profession architecturale ? J’ai voulu explorer cette question à l’endroit où sont actuellement formés les architectes des prochaines générations: au sein-même du second cycle d’une école d’architecture, l’ENSAVT. Quelle pratique y a-t-on de la maquette ? Est-elle utilisée par tous de la même façon ? Les enjeux des masters et la personnalités de leurs enseignants influent-ils sur sa place dans les ateliers ? Quels avantages lui trouve-t-on vis-à-vis des nouvelles technologies numériques comme le 3D ou les machines laser ? Afin de pouvoir répondre à ces questions, il est nécessaire de faire une enquête de terrain, là où peuvent se trouver des esquisses de réponses.

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Protocole de recherche : la démarche Le terrain de ce rapport d’étude est constitué des ateliers de second cycle de l’ENSAVT. Son objectif : comprendre comment les étudiants y pratiquent la maquette, et les raisons de cette pratique. Il me faut donc nécessairement interroger les deux parties conditionnant le sujet : le corps enseignant et les étudiants. Pour ce faire, j’interviewerai un maximum de responsables de masters : Quel est leur rapport personnel à la maquette ? Quel crédit lui attribuent-ils dans la pédagogie de projet ? Quelle place lui donnent-ils au sein des ateliers ? Quels sont leurs ambitions pour cet outil ? Ces questions seront notamment regardées au travers du spectre de l’arrivée de nouvelles technologies, à l’école comme dans la profession. Elles permettront, en plus de fournir un retour d’expérience éclairant, de bien cibler le cadre dans lequel les étudiants pratiquent la maquette. Je mènerai une étude de terrain en relevant par la photographie la réalité de l’utilisation de la maquette dans les ateliers de second cycle. J’assisterai pour ce faire à des corrections de projet et explorerai les ateliers, ce qui me permettra d’apporter des preuves factuelles pour vérifier, et/ou s’opposer aux propos des enseignants de projet de masters. Enfin, je réaliserai un sondage des étudiants et je m’entretiendrai avec eux : Utilisent-ils encore la maquette, et pourquoi ? L’utilisent-ils d’eux-mêmes ou sur demande des enseignants ? Quels intérêts lui trouvent-ils vis-à-vis de la modélisation 3D ? Lui consacrent-ils beaucoup de leur temps ? Avec quoi et en quoi la fabriquent-ils, et pourquoi ? Ce contact avec les étudiants proposera un ressenti certainement différent de celui des enseignants. Les restitutions du point de vue des enseignants et de la pratique étudiante, mises en tension par les reportages photographiques, offriront une base claire pour comprendre l’actualité de la maquette dans le second cycle de l’ENSAVT, et renseigneront sur la façon dont cette future génération d’architectes intégrera la production de maquette dans leur profession au cœur du XXIème siècle.

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2/ LE POINT DE VUE DES ENSEIGNANTS DE MASTERS Matières à Penser : Marc Mimram / Florence Lipsky Théorie et Projet : Eric Lapierre / Jacques Lucan Transformations : Patrick Rubin Métropoles : Pierre Alain Trévelo / David Mangin

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Marc Mimram

Master Matière à Penser 5ème année Mardi 28 avril à l’ENSAVT Paul de Greslan : Quel contact avez-vous eu avec la maquette dans votre formation en architecture ? Marc Mimram : Je pense que la maquette dans la pédagogie est très importante parce qu’elle permet de situer l’intention de l’étudiant à différentes échelles de manière différente. C’est-à-dire quand vous êtes en train de travailler sur un détail au 1 :50ème ou au 1 :10ème, au 1 :100ème ou au 1 :1000ème vous n’exprimez pas la même chose. Or quand vous êtes en train de travailler avec un logiciel de 3D, comme 3DSmax, vous ne faites de «scaler» (changer d’échelle, zoomer, de l’anglais scale : échelle, NDLR). Vous appuyez sur le bouton, vous enlevez des layers, ou pas d’ailleurs, ça se fait tout seul. Tandis que la maquette vous ne pouvez pas le faire, avec la maquette vous ne pouvez pas tricher. Si vous faites une maquette qui n’a pas le bon niveau de définition, ou qui n’est pas à la bonne échelle, c’est une maquette qui n’a aucun sens. La maquette a besoin de ce rapport à l’échelle. Elle signifie le rapport à l’échelle. Vous voyez bien les tas de maquettes qui sont là. Donc ça veut dire que c’est un moyen d’expression qu’on ne trouve pas ni dans la représentation 3D, évidemment pas dans le 2D, ni dans le mode de calcul ou de géométrie pure, mais c’est ce qui synthétise ce rapport entre les échelles, et qui signifie aussi les échelles des éléments. Dans la représentation 3D, en fonction des points de vue, vous pouvez vous arrangez à ce que vous voyez plus ou moins bien les éléments par rapport à leur échelle, tandis que vous êtes obligé de le montrer en maquette. Pour moi, ici comme à mon agence, on travaille toujours sur trois choses : - La maquette de géométrie, dans sa relation avec la 2D et la 3D - La maquette physique - Et en ce qui nous concerne, le calcul avec la maquette 3D On fait un lien entre la maquette 3D de calcul et la maquette 3D de géométrie, et la maquette est un instrument de vérification et de mise en résonance de tout ça. Attribuez-vous d’autres objectifs à la maquette, de pair avec le test des échelles ? La définition des détails. Une maquette permet de signifier un certain nombre de détails. Si vous faites une maquette au 1 :10ème aussi détaillée qu’une maquette au 1 :100ème, vous avez l’air d’un imbécile. Et alors le bâtiment c’est à l’échelle 1 :1. Donc si vous faites une maquette au 1 :100ème, et que vous faites une maquette au 1 :10ème qui reprend les mêmes détails, vous êtes face à une catastrophe, et il n’est pas invraisemblable que si vous passez à l’échelle 1 :1 vous soyez face à une autre catastrophe. Et notre métier c’est d’éviter les catastrophes. 20


Concernant l’échelle 1 :1, la pédagogie pourrait-elle évoluer en ce sens pour intégrer la culture constructive, et ce directement à travers l’expérimentation des caractéristiques physiques des matériaux mis en œuvre ? Les étudiants ne sont pas des constructeurs, ils ne sont pas assez habiles, ils passeraient un temps infini à faire des maquettes à l’échelle 1 :1. Moi j’ai toujours pensé qu’il fallait conceptualiser les choses et pas se retrouver à faire du Batimat. Lui ce n’est pas un très bon maçon, lui ce n’est pas un très bon menuisier, l’autre n’est pas un très bon charpentier (dit-il en montrant les élèves présents dans l’atelier, NDLR). Je pense qu’il faut faire attention à ne pas faire semblant de construire à l’école, et penser qu’à l’école on construit le bâtiment. Je pense qu’il faut trouver les questionnements justes, les échelles justes et les matériaux justes. Pour les matériaux par exemple il vaut mieux se poser la question de l’atmosphère, de l’ambiance, définir une ambiance qu’on voudrait dans le bâtiment a priori, plutôt que d’aller la construire. Il vaut mieux avoir la volonté de créer l’ambiance d’une grotte que de la construire avec des cailloux. Y a-t-il eu une modification de la façon de pratiquer l’architecture avec l’arrivée des nouvelles technologies numériques ? Ça n’a pas eu beaucoup d’importance jusqu’à aujourd’hui à part peutêtre l’apparition de la maquette 3D. Ce qui me parait plus important c’est la maquette comme outil de test des échelles. Donc il faudra bien faire la même chose avec les outils 3D. La fabrication de maquettes avec la laser, en nécessitant une conception programmée entièrement a priori sur un ordinateur, ne réduit-elle pas le caractère évolutif de la maquette si important dans le processus de recherche architecturale ? Tout le monde fait de la maquette laser ici, et à mon agence aussi. Le problème de la maquette laser c’est plutôt qu’elle a tendance à réduire voir à annihiler les modes d’assemblages. Vous ne pouvez pas tout faire avec une laser. Tout ce qui est articulation et juxtaposition est un peu annihilé par la laser. Mais elle signifie autre chose, plutôt une continuité. Et ça m’inquiète d’avantage : les gens ne pensent pas de façon discontinue mais de façon continue. Quel est votre rapport à l’image de synthèse vis-à-vis de la maquette ? Ça n’a pas du tout le même usage. Je n’oppose pas les choses. Je sais qu’il y a des gens qui pensent que la maquette est beaucoup mieux que l’image de synthèse, mais je crois que ce sont des outils complémentaires. Ce qui est fatiguant dans l’image de synthèse aujourd’hui, c’est qu’elle est un peu shiny. Elle ne parle pas du réel, elle vous met du soleil au 21


Ci-contre : image de synthèse du projet de centre des congrès et de complexe hôtelier, à Tanggu en Chine, par Marc Mimram, entre 2008 et 2013. Marc Mimram (consultation le 14/05/15) http://www.mimram.com/?post_ type=project&p=369

nord, et peut-être un au nord et un à l’est en même temps, elle est là pour faire l’effet « waouh », donc ça ce n’est pas très intéressant, et surtout pas dans une école d’architecture. Je pense que l’architecture a besoin d’un peu plus d’humanité. La maquette a tendance à avoir un avantage, c’est qu’elle ne rend pas compte de tous ces effets un peu improbables, incertains, et inutiles surtout.

La machine a un point de vue à elle, ce qui est toujours ennuyant, les courbes sont dessinées par la machine, les lumières sont dessinées par la machine… Surtout que les lumières peuvent être contradictoires, moi je le sais parce que je le fais, quand d’un côté il y a trop d’ombre, on balance de la lumière, un spot supplémentaire. Donc elle a tendance à être plutôt dans l’image, que dans le réel. C’est très étrange parce que l’image 3D aurait tendance à avoir comme objectif de nous mettre dans un hyperréalisme, hors elle est dans un hyperréalisme totalement faux. Tandis que la maquette n’est pas dans l’hyperréalisme, mais évoque quelque chose de plus proche de la réalité. Vous comprenez ? Elle évoque plus le réel en étant loin du réel, tandis que l’image 3D veut nous rapprocher du réel alors qu’elle évoque autre chose qui n’est pas du tout du réel, qui est plutôt de l’ordre de la communication. L’avantage de la maquette en carton, c’est qu’elle ne triche pas. Mais simplement il ne faut pas que les étudiants considèrent que c’est construit en carton. C’est ni construit en carton, ni construit en laser. Il ne faut donc pas perdre de vue la dimension matérielle de tout ça. La maquette parle du carton, et l’architecture n’est pas faite de carton. Attention à ça.

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Florence Lipsky

Matière à Penser séminaire Mercredi 22 avril par téléphone Paul de Greslan : Quel contact avez-vous eu avec la maquette dans votre formation en architecture ? Florence Lipsky : Mes études se sont faites en France, mais j’ai aussi enseigné aux États-Unis, et on n’y enseigne pas la maquette tout à fait de la même manière. En France, mon enseignement était à peu près le même que ce que l’on peut avoir aujourd’hui, alors qu’en Amérique absolument tout est basé sur la maquette. On fait d’abord le projet en maquette, et après on le dessine. On pense donc en volume tout de suite. Aujourd’hui, c’est valable à l’ouest comme à l’est mais pas à l’époque. Moi c’était plutôt sur l’ouest, et l’ouest était très dominé par des gens comme Mangurian1. Il y avait aussi Thom Mayne2, que tu dois connaitre. Ils étaient plutôt sur Los Angeles que sur San Francisco d’ailleurs. Ce sont vraiment des gens qui ont énormément enseigné par la maquette. Je n’enseignais pas avec eux mais c’était une culture. Il faut vraiment le citer comme une culture. C’est le 3D en maquette qui domine la conception. La maquette physique, à l’époque il n’y avait pas encore la maquette numérique. J’ai enseigné au CCAC, California College of Arts and Crafts à San Francisco, une école privée un peu comme l’ESA de Paris.

Ci-dessous : Photomontage de la maquette d’étude de R. E. Mangurian de la maison du projet InSideOutSide à Houston, Texas pour Fifth Ward Redevelopment Corporation Studio Works Architects (consultation le 25/04/15) http://www.studioworks architects.com

1 Robert E. Mangurian est l’architecte qui a fondé l’agence StudioWorks architects. Basé à San Francisco, il étudie le rapport du plein et du vide en architecture, notamment à Caochangdi en Chine où il fut mandaté pour concevoir le futur des ruelles de la ville. Il explore dans sa pratique un grand nombre de modes de représentation, en dessin et en maquette, en utilisant régulièrement le collage. Studio Works Architects (consultation le 25/04/15) http://www.studioworks architects.com 2 Thom Mayne est un architecte déconstructiviste américain né en 1944. Diplomé de la Southern University of California en 1969 puis de Harvard en 1978, il fonde en 1972 Morphosis à Santa Monica dans l’Ouest américain. Sa pratique est principalement outillée par deux médiums : la maquette et l’axonométrie. D’abord représentée à la main, cette dernière évolue avec l’arrivée du numérique tout en gardant les principes d’origines : le dessin filaire et les aplats ciblés de couleur. Ses maquettes sont quant à elles le plus souvent démontables, laissant apparaitre les espaces intérieurs des bâtiments. «Thom Mayne», Wikipédia (consultation le 25/04/15) http://en.wikipedia.org/wiki/ Thom_Mayne Morphosis (consultation le 25/04/15) http://morphopedia.com/ information/about

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Aujourd’hui, dans votre agence, le travail de maquette s’effectuet-il en même temps que la conception architecturale ou est-ce un processus qui arrive après la recherche avec peut-être l’aide d’organismes extérieurs ? Au départ dans notre agence, on avait un grand atelier avec des machines. C’était plutôt pour essayer de fabriquer des prototypes, à plus grande échelle donc. Et puis, comme on a eu une agence dans Paris et qu’on a eu des problèmes de place, il y a une question qui s’est posée pour une petite agence : comment on continue à faire fonctionner tout ça ? Il faut de plus des gens compétents pour utiliser les machines. Donc on s’est retrouvé avec un problème de place et surtout un problème de compétences des architectes qui sortaient de l’école et qui ne savaient pas forcément manipuler les machines. Là-dessus on est passé à une deuxième étape où l’on a beaucoup fonctionné avec sketchup. On a eu une période de glissement où le sketchup a remplacé la maquette. On est donc revenu à un système, non pas plus traditionnel, mais où la maquette a commencé à perdre pied, à perdre de la présence dans l’agence, il y a quelques années. Aujourd’hui, on a déménagé, et c’est important parce que finalement, pour l’outillage pour faire de la maquette dans une agence parisienne, la question de la surface compte beaucoup. Donc depuis on a déménagé dans une agence plus grande et on doit remettre à jour, recommencer avec les machines maintenant. On a donc eu une courbe fluctuante, qui croise la question de la place, de la formation des gens et puis l’arrivée du 3D. À la période où vous-avez beaucoup travaillé par 3D, est ce que vous avez senti une différence dans la façon de concevoir le projet, ou estce que finalement le 3D est, de façon équivalente à la maquette, un moyen de concevoir en volume ? C’est personnel parce que mon associé ne répondrait peut-être pas la même chose, mais je pense que ce n’est pas équivalent. Je pense qu’on a avancé en 3D, on pense en 3D et on l’a toujours fait, parce qu’on construit à partir du 3D, mais je pense qu’il y a des questions propres aux maquettes : les échelles, et le rapport au temps et à l’espace. La maquette est là, elle est physique. Donc je pense qu’elle manque quand même dans l’agence, qu’il faut les deux.

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Avez-vous des références d’architectes qui vous ont marqués par leur utilisation de la maquette dans leurs carrières ? Surtout les américains, parce qu’à l’Ouest ça produisait beaucoup. Mais les américains en général, ils produisent de la maquette. Après il y en a partout, dans les grandes agences, comme chez Perrault ou chez Nouvel. Chez Perrault il y a eu des montagnes et des montagnes de maquettes. Mais en même temps c’est de la maquette blanche, alors qu’en Amérique on était avec un autre type de maquette : des maquettes en cartons, des maquettes en bois, mais vraiment des maquettes de conception. Des maquettes de travail. Donc je citerais plutôt une culture, une manière d’enseigner, que j’appellerais en anglais « Learning by doing »1. Avec les prototypes, avec toutes les questions des Grands Ateliers, même si l’Amérique et les Grands Ateliers2, ça n’a pas fondamentalement de liaison, à part que c’est aux États-Unis que j’ai découvert tout ça. Quand on était à Berkeley il y avait une soufflerie qu’on a visitée, et je me rappelle qu’on est aussi allé visiter les espaces où ils faisaient les tests grandeur nature. C’est vrai aussi que ce sont quand même des universités où il y a des moyens. En France, il n’y a pas beaucoup d’espaces où on fait de l’expérimentation en architecture. On a le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, NDLR) à Marne-la-Vallée, c’est un lieu où des tests se font, mais sinon on en a pas énormément. Y a-t-il une évolution possible de la pédagogie de la maquette à travers l’échelle 1 ? Il faudrait, mais ce n’est pas la culture française donc c’est assez dur. Concernant l’atelier de Matières à Penser, vous est-il arrivé qu’une maquette vous raconte plus de chose que la présentation de l’élève ? Oui (rires). C’est vrai, je ne sais pas ce que les autres ont répondu mais pour moi c’est oui. Je pense que c’est surtout parce que dans le master on utilise beaucoup la maquette de concept, des toutes petites maquettes, et qu’on voit après son évolution. On garde en plus toutes les maquettes, enfin, moi de ce que je faisais, et Mimram le fait toujours, on garde toutes les maquettes depuis le début, on les cumule, on n’est pas dans le tri. Il y a vraiment un fil conducteur par la maquette. Et puis il y a une synthèse de la pensée qui est quand même pertinente surtout dans Matières à Penser où on fait structure et enveloppe, tu vois vraiment l’objet en train de se construire. Donc la réponse est oui. 1000 fois plus que l’image de synthèse ou le dessin. L’image de synthèse de toute façon en général je l’interdisais. On travaillait par contre pas mal en coupes perspectives.

1 « Learning by doing » est un concept théorique dont le principe est que la réussite vient de la pratique, de l'autocritique et de l'innovation. Il est, en latin, le motto du California Polytechnic State University : Discere Faciendo. «Learning by doing», Wikipédia (consultation le 23/05/15) http://en.wikipedia.org/wiki/ Learning-by-doing

2 Les Grands Ateliers, situés à l’Isle d’Abeau Villefontaine, situés dans la périphérie de Lyon, sont une initiative des écoles d’architecture de Montpellier, de Lyon, de Clermont-Ferrand, de Grenoble, de Saint-Étienne et de Malaquais. Unis par la volonté de développer une culture constructive à l’échelle européenne, elles font le projet communs de conception d’un «pôle d’enseignement et de recherche sur la construction», qui est construit à l’Isle D’abeau en 2001. Son objectif : faire entrer la construction dans la formation des étudiants en architecture en leur faisant des expérimentations à l’échelle 1 :1ème. Les Grands Ateliers (consultation le 14/05/15) www.lesgrandsateliers.org/

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Auriez-vous une idée de maquette « idéale » d’architecture ? Les maquettes démontables. Dès qu’une maquette est démontable, tu peux rentrer dans l’objet, tu peux voir sa structure, son espace et tu lui donnes de l’épaisseur. Donc les maquettes démontables. Il faut penser comment tu la démontes. Tu peux très bien faire du démontable qui ne servira à rien. Es-tu dans l’empilement, dans l’écorché ? C’est toute la fabrication de l’éclaté qui est en jeu et c’est très intéressant. Ça permet de plus d’engager une réflexion sur la structure, ou même commencer par-là, mais ça dépend des gens. Avez-vous dans le master des volontés d’uniformisation du rendu de la maquette, dans leurs échelles ou leurs matériaux par exemple ? À la fin oui, car j’aime bien que toutes les maquettes puissent être comparables. À la fois sur leurs matériaux et sur leurs échelles d’ailleurs, de toute façon tout le monde travaille plus ou moins sur le même programme avec le même énoncé, donc c’est assez normal d’unifier. Ce serait plus compliqué si on avait des sujets vraiment différents. Avez-vous observé une modification dans la façon de faire du projet dans Matières à Penser avec l’arrivée des nouvelles technologies comme la découpe laser ou l’imprimante 3D ? Oui, les maquettes sont parfaites alors que les étudiants ne sont pas forcément très habiles. C’est aujourd’hui beaucoup plus propre, c’est mieux, tout est parfait, mais en même temps quand ils arrivent en agence, s’ils n’ont pas accès à une laser tout de suite, ils ne savent plus faire de maquette. On a donc un grave problème de passage de l’école à l’extérieur : en agence, s’ils ne sont pas hyper outillés, ils ne font plus rien. Le problème de ces nouveaux outils c’est aussi qu’on perd le côté «recherche» de la maquette, ils ne permettent pas la flexibilité, l’évolutivité. Comme les étudiants sont dans le faire, et le faire bien, et que la maquette à la laser nécessite de tout tracer, de faire une sorte de moule, on est moins dans la conception. Ce qui veut donc dire qu’une maquette de conception reste peut-être plutôt une maquette à la main. Ça pose un vrai sujet : plus c’est programmé, moins tu réfléchis. Il faudrait quand même pouvoir penser avant de programmer le robot. La main devrait donc rester dans le début du projet le seul outil pour faire la maquette. D’ailleurs, les maquettes de rendus ne sont peut-être pas celles que je regarde le plus, on est toujours très intéressé par les premières maquettes, qui montrent l’intention de départ et l’évolution du projet.

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Eric Lapierre

Master Théorie et Projet 4ème année Mardi 28 avril à l’ENSAVT Paul de Greslan : Quel contact avez-vous eu avec la maquette dans votre formation en architecture ? Eric Lapierre : J’ai toujours utilisé la maquette en fait. Soit parce que j’avais un prof qui m’y obligeait, soit de toute façon par goût et intérêt personnel. Mais j’ai toujours utilisé la maquette comme moyen, un outil de conception, et pas seulement comme un outil de représentation. Et je le fais encore aujourd’hui dans ma pratique. Vos maquettes sont donc faites au sein de votre agence. Oui. Et d’ailleurs on ne fait que des maquettes. Comment avez-vous vu évoluer la maquette jusqu’à aujourd’hui depuis vos premiers contacts à l’école ? Ce qui a changé, c’est dans ma propre pratique. Par rapport à ce que je faisais quand j’étais étudiant, j’utilise les maquettes à toutes les échelles, et aussi pour la définition des espaces intérieurs, ce qu’on faisait un peu à l’école, mais peu. Mais c’est uniquement des motivations personnelles qui ont fait évoluer ça. Durant vos 15 années d’enseignement à l’école, avez-vous vu une modification s’opérer avec l’arrivée de la laser ? Non, je ne pense pas. Je crois que c’est bien parce que c’est juste plus pratique, plus précis. Il y a des maquettes dans l’école qui n’existeraient pas si il n’y avait pas la laser. Mais ça ne change pas fondamentalement le résultat. Ça change les rendus, mais pas les projets. Quelle serait votre maquette d’architecture idéale ? Une maquette en papier et en carton. Après, à la main ou à la laser… A la main, on fait des trucs super, à la laser, on fait des choses plus précises. Ça dépend de quelle échelle on parle. Si on parle d’une maquette d’un espace intérieur ou d’une maquette à grande échelle, même pour l’extérieur, ce que je préfère c’est le papier, et le carton. Qu’est-ce qui vous intéresse dans une maquette d’intérieur, et dans une maquette de volume ? En général, la maquette d’intérieur je la demande au 1 :20ème ou au 1 :10ème. Je regarde la qualité de l’ambiance, si elle est conforme à la destination du projet ou pas, la manière dont, en fonction de la forme 28


et des matériaux, l’espace est constitué, de manière convaincante ou pas et comment aussi tout un tas d’éléments de mobilier interagissent avec l’espace. Dans une maquette au 1 :500ème en mousse on regarde l’impact volumique, l’impact des masses et leurs rapports à un environnement donné. Votre pédagogie au sein de l’atelier de master a-t-elle des antécédents ? Je pense notamment à l’utilisation binaire de l’échelle de la maquette intérieure au 1 :20ème et de l’échelle volumique au 1 :50ème. Non, c’est moi ai instauré ça. Ça m’intéresse. Les Suisses faisaient un peu comme ça, et ma propre formation a été pas mal influencée par leur architecture. Il est évident que ces architectes utilisent des maquettes depuis plus longtemps. Ça vient plutôt d’un monde. On choisit l’outil par rapport à ce qu’il est capable de dire. Donc en fonction de ce qui vous intéresse, vous n’allez pas choisir tel ou tel outil. Moi, à partir du moment où je me pose les questions liées à la tectonique du bâtiment d’un côté, et à l’ambiance des espaces intérieurs de l’autre, la maquette est un outil naturel. Donc moins que des références de noms, c’est plutôt des ensembles de questions qu’on se pose, et c’est en fonction de ces questions qu’on utilise un médium plutôt qu’un autre. D’autres professeurs le font, on ne s’est pas forcément inspirés les uns des autres, mais ce sont des gens qui sont proches de moi, et on participe un peu de la même chose. Qui a commencé la chose n’est pas tellement le sujet, mais plutôt des centres d’intérêts communs qui aboutissent à des procédures communes. A Zurich il y a Adam Caruso de Caruso St John1 qui travaille pas mal comme ça, ou Emmanuel Christ de Christ & Gantenbein2. Ce sont des proximités d’intérêt, donc on en arrive aux mêmes outils. Quel est votre position vis-à-vis de la maquette numérique ? La maquette 3D numérique permet d’étudier certaines questions et elle empêche d’en étudier d’autre. Par rapport à mes problématiques personnelles, la maquette 3D est inutile, car elle ne prend pas en compte les questions qui m’intéressent. Ce qui m’intéresse c’est de manipuler un objet réel, d’en comprendre l’échelle, de comprendre précisément comment la lumière joue à l’intérieur ou dessus, ce qu’on ne peut jamais avoir avec une maquette 3D. La maquette, tu peux la manipuler, tu peux la poser à l’envers, tu peux la poser sur le côté, et ça peut te donner des idées. Ce n’est pas un bâtiment, ce n’est pas un modèle réduit de bâtiment, mais c’est un objet intermédiaire entre le dessin et la réalité. Comme c’est un outil de conception, et bien si j’essaye un sol rouge, je vois ce que ça donne, et je peux très facilement le changer et essayer

1 Adam Caruso est un architecte diplômé de la McGill University à Montréal. Il fonde l’agence Caruso St John en 1990 avec Peter St John. Il est aujourd’hui enseignant d’architecture et de construction à l’ETH de Zurich, après avoir enseigné au Royaume Uni et au États-Unis. À travers sa pratique architecturale, il s’intéresse «au potentiel émotionnel et aux qualités physiques de la construction», et utilise le collage et la photographie de maquette pour communiquer ses projets. Caruso St John (consultation le 14/05/15) www.carusostjohn.com

Emmanuel Christ fonde en 1998 avec Christoph Gantenbein l’agence Christ & Gantenbein, dont un des sujets principaux est la conception de musée. Tous deux enseignent à l’ETH de Zurich depuis 2010. Ils abordent le projet avec des problématiques similaires à Caruso St John, faisant de la maquette le support de la communication de la matérialité, des ambiances et de l’atmosphère du projet. Christ & Gantenbein (consultation le 14/05/15) www.christgantenbein.com

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un sol blanc, et je vois ce que ça donne aussi, dans la vraie lumière naturelle. Toutes les photos de maquette à mon bureau ou à l’école sont d’ailleurs toujours prises en lumière naturelle, et ne sont pas photoshopées. C’est ce que j’impose à mes étudiants. Utilisez-vous la maquette à d’autres fins que celles évoquées jusqu’ici ? Parfois on fait des maquettes de structure, ça peut nous arriver mais c’est plus rare. C’est assez différent. Les maquettes d’ambiance sont des objets au 1 :20ème qui m’intéressent pour leur caractère interchangeable. Le papier c’est facile, on peut en tester plein. Mais en fait, je les regarde, je les manipule ces maquettes, mais surtout, je regarde les photos qu’on en fait. Ces maquettes au 1 :20ème sont indissociables de la photographie. Ce ne sont pas des maquettes qui sont faites pour être vues en vrai, elles sont surtout faites pour être photographiées. Et c’est là qu’elles prennent toute leur dimension. Vous êtes en quelque sorte un réalisateur de décors de théâtre mis en scène à travers la photographie. Oui, ça me va. Faire de l’architecture, c’est faire la scène de théâtre de la vie, donc ça me va très bien. Je pense que les maquettes, c’est important car en tant qu’architecte, nous sommes en charge du monde matériel. Nous faisons partie des derniers qui intervenons manifestement dans le monde matériel. Quand on se soucie de ça et qu’on en est conscient, la maquette me parait un outil vraiment plus pertinent. Regardez cette maquette par exemple (il me présente une photo de maquette d’un bâtiment sur son site internet, NDLR). Quand j’ai une maquette comme ça, je sais exactement ce que je suis en train de faire. Je me rends compte de comment ça va jouer, si c’est éclairé, pas éclairé, là où c’est sombre. Ça me permet de contrôler ce que je fais. D’ailleurs cette maquette est entièrement faite sans laser, à la main, au cutter et à la colle. Vous savez, avec un cutter on a détourné les avions du 11 septembre alors on peut faire plein de trucs. Donc quand on est en charge du matériel, c’est important d’avoir des moyens de représentation matériels. Plutôt que de se raconter des histoires avec des maquettes 3D tout le temps déformées, vues au grand angle, avec une lumière bidon. Je n’ai pas envie de faire tous ces efforts d’imagination. Je préfère avoir quelque chose qui me parle directement, avec moins d’intermédiaires entre la réalité et moi. Et j’ai surtout peur de me raconter des histoires, de me faire croire que ça marche alors que ça ne marche pas, je préfère m’en rendre compte avant plutôt que sur le chantier. Donc je pense que la maquette offre fondamentalement une assurance du bien-fondé du bâtiment.

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Avec une image 3D, c’est beaucoup plus difficile d’être aussi précis, et c’est plus laborieux. On y passe du temps, et l’ordinateur en plus impose de tout dessiner précisément. Les échelles extérieure et intérieure d’un projet pourraient-elles être conciliées dans une maquette démontable que l’on pourrait ouvrir, ou sont-elles pour vous véritablement dissociées ? On pourrait le faire, mais ça deviendrait trop compliqué à mon goût. Je ne le fais jamais, mais ça pourrait être beau. Personnellement, je cherche à faire des choses extrêmement simples, immédiates.

Ci-dessous à gauche : Maquette au 1 :500ème en papier du centre d’art de Cherbourg par Eric Lapierre. Eric Lapierre (consultation le 13/05/15) www.ericlapierre.com Ci-dessous à droite : Photo du centre d’art de Cherboug réalisé entre 2006 et 2008. «Centre d’art dédié à l’édition photographique», Le Figaro (consultation le 3/05/15) http://evene.lefigaro.fr/culture/ lieux/le-point-du-jour-7554.php

À un certain point aussi, j’ai tellement manipulé de maquettes, que, comme j’aime aussi beaucoup l’abstraction architecturale, j’en suis venu à construire des bâtiments aussi rudimentaires qu’une maquette, comme ça par exemple (il montre des photos d’un centre d’art à Cherbourg, voir illustrations ci-dessous, NDLR). C’est un centre d’art que j’ai construit, fait comme une maquette. On a fait le bâtiment aussi rudimentaire que la maquette, qui était une petite maquette au 1 :100ème. Il est posé sur son terrain comme la maquette l’était sur mon bureau, et à l’intérieur, l’enrobé du parking constitue le sol RDC, car ma maquette n’avait pas de fond. C’est comme un bâtiment qu’on pourrait soulever et retirer.

Il existe donc la possibilité d’un dialogue réciproque entre la maquette et le projet construit. Oui, à un certain point mes projets deviennent comme des maquettes. Comme je cherche souvent de l’abstraction, que pour moi faire de l’architecture c’est aussi poser une grille d’abstraction sur la réalité, se fixer de faire un bâtiment comme une maquette est une manière presque automatique d’atteindre l’abstraction.

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Entre les maquettes et les bâtiments, c’est dialectique, ça va dans les deux sens. Ça n’est pas que le projet qui informe la maquette. « The medium is the message »1. Cette réciprocité est-elle aussi vraie vis-à-vis du dessin ? En partie oui, parce que Siza, quand vous voyez la manière dont ses bâtiments sont constitués de manière si pittoresque, ce n’est pas étonnant de savoir qu’il dessine tellement. C’est une architecture très dessinée. Moi mon architecture est très peu dessinée, elle est plus brutale. C’est pour ça que je m’intéresse aux maquettes aussi : si un bâtiment devient trop compliqué pour en faire la maquette, ça ne m’intéresse plus. Ça confirme donc que derrière un système de représentation, il y a une conception architecturale. Et par exemple dans cette école, très peu d’enseignants ont des idées suffisamment claires pour imposer un système de représentation à leurs étudiants. Or pour moi un professeur d’architecture doit proposer certaines questions à l’étude, et ces questions impliquent pour être représentées que leurs réponses soient représentées. Elles impliquent un certain système de représentation. C’est pour ça que moi j’impose un certain système à mes étudiants. 1 Citation de Marshall Macluhan, tirée du livre Understanding Media: The extensions of man, publié en 1964. «Elle signifie que la nature d’un média compte plus que le sens ou le contenu du message» "Le message c'est le médium", Wikipédia, (consultation le 21/04/15) http://fr.wikipedia.org/ wiki/Le_message,_c'est_ le_m%C3%A9dium

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Un architecte maitrise des systèmes de représentation qui lui permettent de représenter aisément les questions qui le préoccupent, sachant que selon moi, un architecte digne de ce nom c’est quelqu’un qui a des préoccupations personnelles. Il ne s’intéresse pas aux préoccupations de ces clients, dans le fond, ou alors elles ne l’intéressent que dans la mesure où elles peuvent intersecter les siennes. Sinon, ça veut dire que notre métier consiste à signer des permis de construire, ça n’a pas beaucoup d’intérêt.


Jacques Lucan

Master Théorie et Projet 5ème année Jeudi 16 avril à l’ENSAVT Paul de Greslan : Connaissez-vous certains architectes de l’époque moderne qui ont eu une utilisation notable de la maquette ? Jacques Lucan : Non, je ne crois pas qu’il y ait eu une utilisation particulière de la maquette durant le modernisme. De fait, le travail se faisait surtout et essentiellement à travers le dessin. On pouvait, par la réalisation de croquis notamment, réussir à visualiser un projet et à le concevoir sans avoir recours à la maquette, grâce à une certaine intelligence spatiale que les modernes avaient développée et qui s’est depuis perdue. Au XIXème siècle d’ailleurs, la maquette était vraiment très peu usitée, voire carrément jamais, sauf pour certains clients un peu exceptionnels qui en faisaient la demande explicite, mais mis à part ceux-là, je ne crois vraiment pas. En fait aux Beaux-Arts, la principale école qui à l’époque enseignait l’architecture entre autres domaines, ils ne faisaient jamais de maquettes. Tout passait par le dessin, croquis ou géométral, mais strictement pas par la maquette. Concernant les modernes, Le Corbusier en a fait un peu, mais surtout après la Seconde Guerre Mondiale, je ne crois pas avant. Mies Van der Rohe lui en a fait quelques-unes aussi après la Guerre. En fait avant ça c’était peu commun. Mais c’est normal, je crois que, c’est personnel, mais je crois que la maquette est vraiment l’outil de ceux qui ne savent pas voir, comme les architectes aujourd’hui, et comme vous et moi, et à cette époque on savait parfaitement voir. Un des architectes qui a eu une utilisation un peu plus forte de la maquette est certainement Louis Kahn. Il faisait des maquettes avec des matériaux un peu nouveaux, composites, comme ses maquettes de site en plastiline une sorte de plastique transparent. Il faisait aussi travailler ses étudiants en maquette, carton gris cette fois ci, sur l’échelle des bâtiments. Un peu comme ici. Enfin, pas tellement à Marne-la-Vallée, mais à Belleville il y a quelque temps c’était toujours comme ça. Pour regarder tout ça, l’Œuvre Complète de Kahn est intéressante, il y a des photos de maquettes, de différents types pour différentes échelles. A l’échelle territoriale ce sont je crois des maquettes en plastiline. Ça lui permettait d’avoir un rendu très homogène, très simple, d’un seul bloc, ce qui donne toute l’importance à son intervention. Il y a aussi d’autres maquettes concernant plutôt des bâtiments en particulier. Mais toutes ces maquettes sont, je crois, seulement des maquettes faites pour des clients ou des expositions.1

La grande majorité des maquettes exposées dans l’Œuvre Complète de Louis. I. Kahn sont en vérité des maquettes d’études. On y trouve en effet souvent plusieurs maquettes d’études pour un seul projet, témoignant de l’utilisation fertile de ces dernières, et rarement des maquettes d’exposition du projet fini. Heinz Ronner, Louis I. Kahn : complete work 1935-1974, Birkhauser, 1994.

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A droite, en haut : photographie de la maquette à l’échelle 1 :100ème en plâtre du projet de la maison Citrohan de Le Corbusier, présentée au salon d’Automne de 1922. Auteur inconnu. Fondation le Corbusier (consultation le 13/05/15) www.fondationlecorbusier.fr On trouve à la fondation Le Corbusier plusieurs photographies de maquettes en plâtre de différentes habitations réalisées à la même époque, telles que la villa Laroche et la villa Ribot. Ces maquettes n’étaient cependant destinées qu’à l’exposition des projets, et non pas à leur conception. A droite, en bas : Le Corbusier face à une maquette d’étude en papier de Notre Dame de Ronchamp. Auteur et date inconnus. Le Corbusier Le Grand, Phaidon, Paris, 2008, p. 562

Je me rappelle d’une belle maquette de le Corbusier de la villa Laroche dans les années 20, faite entièrement en plâtre. Elle a était faite spécialement pour le salon d’automne, pour présenter le projet d’une façon qui soit simple et didactique. C’était là une maquette purement de représentation, pas une maquette d’étude. Enfin, je crois me souvenir de photos de cette maquette à partir desquelles il avait directement rectifié le projet, en griffonnant au feutre. Elles doivent être à la fondation aujourd’hui. On pourrait donc dire que c’était un peu une maquette d’étude, mais ce n’était pas son but au départ. Mais c’était vraiment une exception, je n’ai jamais vu de photos de maquettes de ses autres maisons de cette époque. S’il y en avait, je suis convaincu que ces documents seraient certainement arrivés jusqu’à nous, surtout connaissant la volonté de Le Corbusier de tout archiver. Par contre après-guerre, je sais qu’il a fait une grande quantité de maquettes, pour Notre Dame de Ronchamp, et pour l’Unité d’Habitation aussi. Faisait-il à ce moment des maquettes d’études au sens propre du terme ? Pour Ronchamp oui, il a produit beaucoup de maquettes du bâtiment et de son toit avant d’arriver au projet final. Mais c’était vraiment nécessaire, pour affiner l’acoustique visuelle de ce volume de béton se courbant audessus des murs percés et pour régler parfaitement la forme du tout, en haut de la colline.

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Avant ça, je crois vraiment que les seules maquettes réalisées étaient destinées à la promotion de son architecture dans les grandes expositions. Elles n’étaient d’ailleurs même pas faites dans son atelier mais dans un atelier indépendant, ce qui se comprend car elles étaient souvent trop complexes à réaliser, notamment les modèles en plâtre. Quel est le rapport de l’atelier Théorie et Projet à la maquette, physique et numérique ? À Théorie et Projet, vous avez dû le remarquer, on n’utilise pas le numérique, la 3D pour faire la maquette ou le projet. On utilise surtout la maquette, échelles 1:500 et 1:200 notamment, pour confronter le projet à son contexte, au site dans lequel il va s’implanter. On regarde aussi à cette échelle la question du langage architectural du projet, vis à vis des intentions de chacun. Et puis on fait des maquettes à beaucoup plus grande échelle pour visualiser un peu l’intérieur, comme un logement, pour comprendre comment il va être habité, la lumière à l’intérieur, ce genre de chose. Ça c’est l’échelle du 1:20 généralement. Les étudiants prennent des photos de ces maquettes, et c’est plus réaliste que des perspectives virtuelles. Que pensez-vous des nouvelles technologies de représentation en 3 dimensions ? Pour vous, est-ce l’apparition d’un nouvel outil utile à l’architecte ? Le numérique non, le numérique, enfin la représentation spatiale en numérique, pour moi c’est un vrai abandon, plutôt une vraie démission architecturale de l’architecte d’aujourd’hui par rapport aux problématiques des architectes du passé. Vous avez qu’à voir : on produit avec le numérique des sortes d’espaces spectaculaires, presque totalement artificiels, hors de toute considération des sensations humaines. Et puis après ce n’est pas étonnant, on voit ces espaces spectaculaires une fois, et c’est fini, on a plus besoin de revenir les voir. C’est pour moi absolument plat et sans intérêt. Pour en revenir aux masters, je ne crois pas qu’il y a, dans cette école, tellement de différences entre l’utilisation de la maquette des masters. Bien sûr il y a une question d’échelle, on n’a pas les mêmes échelles que Métropoles et c’est normal, mais concernant la façon de la pratiquer je ne suis pas sûr. Dans Théorie et Projet, comme vous le savez, on se concentre sur des maquettes à plutôt grande échelle. C’est pour avoir un vrai lien avec le projet architectural. Mais c’est le sujet du master. Ce sont donc purement des maquettes d’architectures. Ce n’est pas pour autant que je rejette les autres échelles ou les autres utilisations de la maquette, ne croyez pas ça, mais notre sujet n’est tout simplement pas là, ce n’est pas la question du master. 35


Patrick Rubin

Transformations 4ème année Mardi 31 mars à l’ENSAVT Paul de Greslan : Quel a été votre contact avec la maquette pendant vos études d’architecture ? Patrick Rubin : Assez traditionnel, carton cutter, un peu comme ça se pratique aujourd’hui. Ce que je trouve suspect. C’était il y a 35 ans. Il se trouve que les maquettes, à l’école, ce que je vois des étudiants, se font exactement de la même manière. La même approche, à peu près les mêmes matériaux. Je trouve ça suspect que la maquette soit toujours la même, alors qu’il y a eu tant d’évolutions sur le dessin, sur l’assistance des ordinateurs. Les maquettes que l’on voit ici et en périphérie (hors de l’école, dans le monde professionnel, NDLR) sont exactement celles que je pouvais faire quand j’étais étudiant. C’est une forme de réponse: ça n’a pas beaucoup évolué, sinon avec les richesses accumulées par le BDE qui leur ont permis d’acheter pour le plus grand bien de tout le monde des machines laser. Alors les machines laser, tu ne m’as pas encore posé la question, mais ce n’est qu’une fidèle réplique de ce qui est dessiné. Ce ne sont pas des maquettes de recherche. Et pour la troisième question que tu ne m’as pas encore posée, l’intérêt d’une maquette c’est de pouvoir tester plusieurs dispositifs donc il faut que ce soit extrêmement rapide. Il y a une célérité à saisir le matériau, le couteau, peut-être aussi des matières inattendues, pour exprimer ce que l’on souhaite au niveau volume, et aussi captation des lumières, c’est vraiment un outil de recherche pour moi. Et donc le caractère figé d’une maquette comme je le vois souvent sur la laser ou la maquette extrêmement bien ficelée, ça n’est pas un voyage dans le projet. Les meilleurs souvenirs de maquettes sont toujours des maquettes un peu sales, un peu rafistolées, mais qui expriment la genèse du projet et où l’on voit toutes les évolutions du projet. Elles ne sont pas forcément très présentables, donc ce ne sont pas des maquettes de présentations. Et pour les maquettes de représentations, moi j’ai un maquettiste qui s’appelle Patrick Laurent qu’on appelle timide. Intégré à votre agence ? Non, non c’est impossible d’avoir ça. Non mais il travaille toujours pour nos maquettes. Et là ce sont des maquettes de représentation, mais qui ont une certaine âme. Ce ne sont pas des maquettes froides : le gars est un peu un artiste, il travaille tout seul, et je l’ai vu évoluer aussi entre la maquette colle cutter et les robots. Serait-il donc possible de retransmettre une certaine âme avec la laser ? Serait-ce compatible ? 36


Non, je n’ai pas dit ça. Non pour moi l’esprit d’un projet n’est pas dans la représentation, c’est un outil. Le laser reproduit très exactement : c’est une maquette de représentation. Ce n’est pas une maquette de recherche. En fait, j’ai beaucoup plus de plaisir avec le dessin qu’avec la maquette. Et la maquette ne m’intéresse que comme prolongement du dessin. Donc la maquette «sale» : la maquette cabossée. C’est quelque chose qui m’intéresse. Vis à vis des étudiants, ce qui m’intéresse le plus souvent, c’est quand il y a une recherche au-delà du carton. S’il y a des façonnages qui sont pas justes et pas vrai, c’est égal. Si l’escalier n’est pas plié 16*28 ça m’est aussi égal. Ce qui est important, c’est qu’on sente une ascension, c’est qu’on sente un relief dans une façade, qu’on sente des lumières : qu’on place la maquette sous une lampe et qu’on voit descendre la lumière sur trois niveaux, tout ça m’intéresse. Après, la réalité physique des matériaux est complètement fausse, le carton ou le polystyrène ça ne veut rien dire. Et pour finir si je devais vraiment enseigner la maquette ou réclamer aux étudiants une certaine vertu sur les maquettes, je leur demanderais de faire des maquettes structurelles, des maquettes qui expriment le principe constructif. On le fait d’ailleurs parfois mais ce n’est pas toujours bien saisi, et c’est normal parce que l’étudiant n’a pas encore totalement acquis l’esprit constructif. C’est une maquette où on est capable de desceller quel est le dispositif structurel, avec une seconde nappe qui arrive sur cette structure qui parle du second œuvre1. J’aime bien cette distinction entre un squelette et une membrane, comme l’homme. Et exprimer le côté tenu des matériaux, que ce soit charpente métal, bois ou béton me semble très intéressant parce que c’est très pédagogique. Avoir peut-être une maquette interactive, qui puisse s’ouvrir ? Oui, aussi, mais on le voit tellement mieux dans les films d’animations, alors que ça n’existait pas il y a 20 ans. Il y a un petit film sur Jean Prouvé2 ou sur Charlotte Perriand, où l’on voit tout le montage, et eux sont assez exemplaires comme ce sont des gens qui ont beaucoup pensé la matière, l’articulation.

1 Patrick Rubin rejoint sur ce point le discours tenu par Florence Lipsky. Leur intérêt se porte ainsi sur les maquettes où la structure principale est dissociable de l’enveloppe, des «maquettes démontables». 2 MYAssociates, Jean Prouvé- La Maison Tropicale à Brazzaville (2007), pour galerie 54, juin à décembre 2006. https://www.youtube.com/ watch?v=337DvPcM7t0

Ci-contre : image de la vidéo Jean Prouvé- La Maison Tropicale à Brazzaville Ce film de 7 minutes d’une seule prise dont le point de vue évolue expose le processus d’assemblage de la maison tropicale de Jean Prouvé à Brazzaville. Dans cette animation 3D rendue en filaire ombrée simple, on voit la maison se monter vis par vis, des plots de fondations à la finition des menuiseries, dans l’ordre chronologique du chantier. Par moment, des zooms permettent de comprendre les assemblages significatifs et complexes, comme par exemple la fixation des lentilles filtrantes dans les panneaux préfabriqués de façade. Cette vidéo, explicitant rigoureusement et en totalité l’assemblage complexe du bâtiment, permet en un temps réduit de le faire comprendre simplement à quiconque en rendant la démarche didactique.

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Ils l’ont pensé sans avoir le film d’animation, mais le film d’animation le démontre extrêmement bien. Et les magnifiques maquettes que j’ai vu de Prouvé ou de Perriand sont des maquettes finies. Donc ce sont de très beaux objets qui d’ailleurs se vendent très chers pour les collectionneurs, y compris celles faites post mortem, mais les films d’animations démontrent beaucoup plus la genèse d’un projet, c’està-dire l’assemblage des composants entre eux qui est extrêmement pédagogique. Cependant les maquettes de Prouvé comme celles de Piano ne sont pas sans intérêt : ce sont des maquettes qui sont faites par des constructeurs, pas des étudiants. Tu connais l’atelier de maquettes de Piano1 ? C’est un plaisir, un bonheur visuel mais en même temps on sent bien que c’est l’effet structurel qui domine dans la maquette, et non pas l’effet carton. Il utilise le bois pour l’esthétisme, et le bois qui bronze en plus, ce qui fait que la maquette, quand elle a 4 ans d’existence et qu’elle a été bien construite, a un fini magnifique, un espèce de vécu, comme la patine d’un tableau. Ce sont presque des œuvres d’art.

L’atelier de maquette du Renzo Piano Building Workshop, annexe de l’agence, s’ouvre par une large vitrine en rez de chaussée sur la rue des Archives dans le 4ème arrondissement parisien et attire ainsi de nombreux badauds. Cet atelier, où travaillent à plein temps menuisiers et architectes, produit un grande quantité de maquettes en bois, le matériau fétiche de l’agence. Ces maquettes peuvent aussi bien être des prototypes à l’échelle 1 :1ème que des maquettes du bâtiment au 1:500ème. «Maquette d’Architecture», AA 404, Architecture d’Aujourd’hui décembre 2014 1

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Le film d’animation quant à lui donne à voir les phases successives d’assemblage. Qu’est-ce qu’il y a de mieux, comme c’est un modèle réduit de maquette ? Si tu te souviens de tes jeux de gamins, le plaisir c’est de les monter, de les démonter, de les remonter, et c’est ce que donne à voir le film d’animation. C’est le voyage d’une posture et l’analyse de tous les mécanismes qui vont faire arriver à l’objet. La maquette figée finie de représentation, sinon pour celui qui la fabrique, n’est-elle pas révélatrice. Donc la maquette de recherche oui, celle de Piano, Prouvé, évidemment parce qu’elles révèlent un mécanisme visible, mais celle d’étudiant comme en voit ici (anciennes maquettes de rendu en carton, NDLR), relativement pas. Je trouve que ça ne révèle pas, je suis peut-être un peu sévère, les vérités qui sont attendues pour moi, ni la construction, ni l’effet de recherche. Toute l’hésitation qu’il y a dans un projet, tout ce qui est le long voyage pour arriver à la situation finie, n’est pas révélé par la maquette de rendu. J’ai un souvenir, au début, quand Foster était pour la première fois invité en France pour un petit projet pour Arles, d’avoir vu une quinzaine de maquettes. Là c’était très intéressant parce qu’il y avait toute la phase pédagogique de recherche qui était signifiée car il s’était donné les moyens de faire 15 maquettes avant d’arriver à la 15ème : le projet. Donc il y avait toutes les hésitations du «voyage». Ce n’est pas que je ne trouve pas les maquettes de représentation magnifiques, comme les maquettes de Violet le Duc à l’IFA, ou celle de Gehry à Pompidou, fabriquées avec des logiciels extraordinaires ou pas, mais elles n’illustrent pas de manière de penser.


La maquette de recherche, exposée avec tout son background, pourrait-elle être une solution pédagogique au moment du rendu, comme pourrait l’être le film d’animation ? Par exemple, ça pourrait être une solution. Mais il faudrait avoir une grande liberté, en faire 10, utiliser des matériaux étrangers autres que ceux qu’on a l’habitude d’utiliser, pour parler une fois matière, une fois lumière, une fois structure. S’il y avait un enseignement qui se passionnait sur le sujet de la genèse du projet, de la recherche, un peu comme en dessin, je suis sûr qu’on pourrait intéresser les étudiants. En seconde année par exemple, tout comme on vous ouvre au dessin : la compréhension de ce qu’est un fusain, un crayon gras, un pastel, ce qui est basique. Que pensez-vous du développement de la pédagogie des maquettes échelle un ? Ce sont des prototypes, ça n’a plus rien à voir avec la maquette. Quand c’est échelle un, c’est vraiment un travail d’atelier. Et c’est tout l’intérêt de jeunes collectifs d’architectes, notamment Cigüe1, qui aujourd’hui ont une très forte envie de travailler la matière alors que vous en êtes bien évidemment coupés. La maquette pourrait faire croire que l’on travaille la matière mais elle est trop souvent associée à la représentation avec des outils conformistes. Eux (Cigüe, NDLR) vont plus loin parce qu’ils ont décidé à la fois de penser le projet et de le réaliser eux-mêmes, puisque que quand ils se sont installés, ils avaient à la fois un atelier d’architecture et une menuiserie. Ils ont donc poussé extrêmement loin le rapport à la matière et l’essai grandeur. Et cet essai grandeur est vraiment revendiqué par les étudiants, non pas parce qu’il serait une suite logique de leur études, mais parce que ça leur manque de plus en plus. Ils se rendent compte d’une manière assez inconsciente d’être happés par les écrans et les logiciels et de ne travailler plus qu’en icône en ayant une absence totale de la matière. Si tu ne fais pas attention, tu peux passer 5 ans ici sans jamais avoir manipulé autre chose que le laser de l’école. L’échelle un parait vraiment importante car elle te fait manipuler des outils, de la matière, ça pèse lourd, tu dois transporter, transformer, et tout ceci est un acte physique qui existe sans cesse quand tu es sur un chantier. La maquette est-elle rendue obsolète aujourd’hui par le numérique ? La maquette, bien qu’elle ne représente le projet que de façon pauvre, a quand même la qualité d’être enthousiasmante pour les étrangers de l’école. Ce serait frustrant de venir dans une école d'architecture où rien n'est matérialisé. Cependant je pense que certains types de maquettes sont des leurres. Par exemple la maquette de site. J'ai demandé au premier semestre à mes étudiants de faire un site, et en

Cigüe est un collectif de 6 architectes fondé en 2003. Ils abordent la question de l’architecture à travers un spectre différent : A la fois concepteurs et constructeurs, ils sont à l’origine et à la livraison de chaque projet. Cette double casquette se retrouve dans l’organisation du collectif en deux sociétés: une agence d’architecture et un atelier de menuiserie. Agence Cigüe (consultation le 14/05/15) http://cigue.net/fr/info/about/

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une semaine, à 25, ils ont fait quelque chose de génial, mais est-ce que c’était vraiment important ? Le temps qu’ils ont pris à la réaliser aurait certainement pu être mis à profit de la recherche. En agence, c’est quelque chose d’impensable, de prendre une semaine pour faire un site. S’il y en a un, c’est un maquettiste qui le fait, pour ne surtout pas perdre de temps. La maquette et la 3D ne sont, je crois, que des médiums de représentation différents, et ne diffèrent que dans leur forme. Les maquettes n’auraient-elles pas enfin la qualité d’être interprétables par chacun, d’en dire parfois plus long que ce qu’en dit l’étudiant ? Aujourd’hui je ne pense pas, on nous demande de plus en plus des promenades, des travellings à l’intérieur des bâtiments, et ça rend la 3D infiniment plus puissante et pédagogique que la maquette. On aura même bientôt la réalité virtuelle, pour ceux à qui ça ne donne pas mal à la tête, qui permettra de se déplacer à l’intérieur du bâtiment comme si on y était. La maquette flanche donc par rapport à la 3D. Pour résumer, la maquette est endormie depuis mes études, 35 ans, au même stade, ce qui va encore s’aggraver avec le numérique, mais elle se réveillera peut-être avec le thème du modèle grandeur (échelle 1:1, NDLR).

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Pierre-Alain Trévelo

Master Métropoles 4ème année Mardi 5 mai à l’ENSAVT Paul de Greslan : Quel rapport avez-vous eu avec la maquette pendant vos études d’architecture ? Pierre-Alain Trévelo : J’ai toujours fait beaucoup de maquettes. Dès mes études, je trouvais que c’était un outil de représentation totalement incomparable aux autres, indispensable, qui produit une représentation bien plus puissante, bien plus complète. C’est difficile de s’en passer, et ce ne serait pas du tout intéressant d’ailleurs. De plus, ça donne une représentation physique des choses, c’est déjà une sorte de petite construction, qui pose des questions constructives : comment on fait pour que la maquette tienne ? Et ça je l’avais appris dès la première année, puisque que vous me posez la question des études. Je faisais des maquettes en bois, en bois structurel, coupé à la scie. Je trouve que la maquette doit être précise, qu’elle doit être bien faite. C’est une représentation qui souffre encore plus que les autres d’être mal faite. Un dessin moche ce n’est pas bien, mais une maquette moche c’est encore pire. Et je le demande toujours à mes étudiants : faire des maquettes propres et qui racontent quelque chose, parce que sinon elles ne servent à rien. Réalisez-vous des maquettes d’études pour les projets urbains de l’agence ?

1 Les plans-reliefs sont des maquettes de sites fortifiés utilisés dès le milieu du XVIème siècle pour visualiser des projets d’aménagements. Une collection de 144 plans-reliefs fut dressée en 1668 sous Louis XIV pour faire l’état des lieux des fortifications du Royaume, et fut ensuite reprise par Vauban pour son aménagement du territoire. Des géographes faisaient des relevés de la topographie et des bâtiments, qu’ils donnaient ensuite à des modeleurs, menuisiers et décorateurs qui mettaient plusieurs années a réalisé l’objet, en bois et en sois. «Plan-relief», Wikipédia (consultation le 14/05/15) https://fr.wikipedia.org/wiki/ Plan-relief

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Oui. On fait des maquettes à toutes les échelles. C’est aussi ce que j’essaye de faire ici dans le master. Ce qui m’intéresse c’est que les étudiants apprennent à manipuler et à réfléchir à différentes échelles. Pour ça la maquette est incomparable. Vous pouvez faire des maquettes au 1 :10 000ème, au 1 :100ème, ou au 1 :20ème, ça ne racontera pas la même chose. Pour moi, il faut trouver l’échelle architecturalement pertinente. J’encourage donc mes étudiants à faire des maquettes à des échelles très variées. C’est ce qu’on fait à l’agence. On fait des maquettes urbaines, voir territoriales, et des maquettes à des échelles très poussées, que ce soit celle de l’édifice ou celle du détail, du morceau de façade. Pensez-vous que les enjeux de la maquette urbaine d’aujourd’hui sont dans la continuité de ceux des premiers plans-reliefs dressés pour les fortifications au XVIIème siècle1 ? La maquette continue à pouvoir représenter notamment la topographie, et à mieux comprendre comment l’infrastructure permet de transformer cette topographie. Dès Vauban, et avec l’aire industrielle, ce qu’on


a construit, ce sont des infrastructures, et l’infrastructure, c’est une transformation de la topographie, une transformation du site, parfois radicale : on s’en extrait totalement, on crée un nouveau site, une nouvelle topographie. La maquette permet de comprendre ça. Aujourd’hui, la maquette permet aussi de mieux représenter le temps, et non pas que l’espace. On peut utiliser la maquette pour mieux représenter le temps. Je fais cette analogie avec le temps par rapport à l’échelle urbaine parce que le territoire et la ville se transforment lentement. La maquette peut permettre en étant pensée de cette manière-là de représenter des états successifs, ou une évolution possible des états de la transformation. Et là, en l’occurrence, les enjeux sont peut-être différents parce que ce n’est pas seulement représenter un état idéal de transformation, un état à terme, comme le plan relief le permettait : je vais transformer comme ça, et voilà ce que ça sera. La maquette peut donc être aussi un outil d’accompagnement de la transformation dans le temps. À quoi correspondrait une maquette qui permettrait de rendre cette évolution lisible ? Ce sont des maquettes qui distinguent ce qui est fondamental, ce qui est invariant, de ce qui est variable. Des maquettes où il y aurait des choses de l’ordre du permanent, du fondamental, et de choses qui seraient de l’ordre de l’évolutif. Ce sont des maquettes qui commencent à s’intéresser à des codes de représentation qui ne sont pas tous les mêmes, à l’intérieur même de la maquette. Pour prendre un exemple, prenez Koolhaas, qui a beaucoup travaillé avec la maquette. Dans SMLXL, il raconte des histoires avec les maquettes.

Ci-contre: représentation de la formation du projet de l’OMA pour le concours de la tour du 425 Park Avenue, New York, à travers une séquence de trois photographies de maquettes en mousse bleue, signature de l’agence. La déformation du volume initial est représentée de façon ludique par le geste de deux mains qui «tordent» les blocs de mousse pour arriver à la forme finale. «425 Park Avenue, proposal by OMA.», Metalocus, 19/10/2012 (consultation le 14/05/15) http://www.metalocus.es/ content/en/blog/425-parkavenue-proposal-oma

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Ça peut être une référence : Comment on explique le projet en maquette? Aujourd’hui, on explique tout à travers la modélisation 3D, parce que c’est plus rapide et que les outils sont plus flexibles, qu’ils coûtent beaucoup moins chers, qu’il y a moins de matière, moins de temps de travail. C’est beaucoup plus facile à faire. Donc aujourd’hui, on explique beaucoup le projet en 3D, alors que ce que faisait Koolhaas, et qui est pour moi intéressant de continuer à faire, de prolonger ou de réinventer, c’est de penser le projet à travers la maquette1. Ne pas expliquer le projet a posteriori, mais comme une construction dans le temps, avec la maquette. Pour parler des nouvelles technologies, c’est sûr qu’elles changent la façon de faire les maquettes. On les fait différemment, plus rapidement, plus précisément peut-être, mais je ne pense pas que ça change grandchose à la problématique de la maquette. Une maquette reste une maquette. Une maquette physique, quelles que soient les technologies qui permettent de la produire, doit surtout chercher à exprimer des idées, et à construire le projet d’une manière particulière. La laser réduit-elle selon vous la capacité de conception du projet en maquette ?

«Past reception [...] is a meeting room filled with smaller maquettes. At first glance there appear to be perspex and foam models for dozens of project, but close up you see they're all clearly the same site, [...], modelled over and over again.» William Wiles, «Inside Oma», Icon magazine, 149, 2011 (consultation le 14/05/15) http://www.iconeye.com/ architecture/features/item/9554inside-oma

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Ce que William Wiles raconte ici est la démarche de conception de projet dans l’agence OMA: un écrémage au cours du temps de toutes les postulats initiaux à travers la maquette. Elle tient ainsi une place centrale dans la recherche architecturale de l’agence, ce qui confirme les propos de Pierre Aiain Trévelo.

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Je ne pense pas qu’il faille blâmer la technologie, mais plutôt blâmer l’utilisation qu’on en fait. La technologie met plus à distance la maquette de celui qui la fait. Celui qui fait la maquette passe par cette interface qui fait que ce n’est pas tellement lui qui fait la maquette. Il est obligé de réfléchir pour se demander comment il va la faire, mais il la fait de moins en moins. Ce qui est intéressant dans la maquette, c’est qu’on la fait physiquement. Et si on a des outils qui font les maquettes pour nous, effectivement, on perd l’intérêt de la maquette. Je répète, un des intérêts premiers de la maquette c’est d’être en condition de construction même du projet, à des échelles différentes. Donc je pense qu’il faut trouver la bonne utilisation de ces outils-là, pour rester en capacité de construire nous-mêmes la maquette : utiliser cette technologie là pour une partie de la production de la maquette. Si c’est pour tout, ce n’est plus une maquette au sens d’une représentation active, en 3 dimensions, du projet. Ça devient une impression, en 3 dimensions. C’est l’interface informatique qui fait qu’on imprime sur quelque chose. L’imprimante 3D, ce n’est pas une maquette, c’est une impression. Son nom l’indique d’ailleurs. Il ne faut pas se tromper, mais il n’y a que les imbéciles qui vont s’y tromper. Ceux qui vont considérer que l’impression 3D est une maquette font une erreur sémantique, parce que c’est contenu dans son nom. L’impression 3D, c’est une impression de quelque chose que vous avez pensé, et la maquette ce n’est pas ça. La maquette, c’est un processus actif de construction d’un moment du projet qui peut lui-même évoluer. On décrit deux choses différentes, et qui ne se produisent pas de la même manière.


La technologie laser ou l’imprimante 3D peuvent peut-être être utilisées dans un travail de maquette, mais tout comme un cutter est utilisé. C’est juste plus puissant. Plus propre, je ne suis pas sûr. On peut donner l’impression qu’on sait faire un objet propre sans savoir le construire précisément, mais moi qui suis assez attaché à la présence physique de la maquette, je trouve qu’une maquette qui produit un effet extrêmement maîtrisé en étant faite à la main, c’est encore beaucoup plus bluffant et intéressant que quand elle est produite avec une machine. Avez-vous des volontés d’uniformisations des modes de rendu de maquette dans l’atelier de master ? Non, on n’a pas vraiment cette volonté-là, mais on y est pas non plus totalement opposé : le cas peut se présenter, mais c’est le sujet qui le dira. Ce n’est pas a priori. Ça a pu nous arriver dans l’histoire du master. Par contre on a plutôt tendance à comparer les échelles. Après, comme les sujets sont assez laissés libres pour les étudiants, ça n’a pas tellement de sens de cadrer les modes de production de la maquette de manière stricte. Vous voyez, ça a un sens d’uniformiser chez Théorie et Projet, encore que leurs maquettes sont parfois différentes, mais pour nous ça en a moins. Ça a seulement un sens d’uniformiser les échelles des maquettes, pour les comparer, car on travaille à différentes échelles.

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David Mangin

Master Métropoles 4ème année Mardi 19 mai à l’ENSAVT Paul de Greslan : Je crois savoir, après avoir suivi vos cours, que vous préférez le croquis que la maquette pour représenter le territoire et les projets urbains. Pouvez-vous me dire les raisons de cette préférence ? David Mangin : Ça va plus vite, et c’est plus artistique. Pour le master, on essaye de leur faire faire des maquettes d’études qui dans un premier temps représentent le territoire, mais en réalité, la maquette telle qu’ils la font ici, avec la machine laser, c’est un peu une catastrophe. C’est une commodité qui coûte cher et qui homogénéise beaucoup les choses. On se contente de ne représenter que les courbes de niveaux, qui sont quelque chose d’assez abstrait en réalité, on ne voit pas les vrais seuils à partir desquels il y a des vraies différences de hauteur, des points de vue ou des situations. Donc je suis de plus en plus réfractaire à ça. En revanche, ce qu’on essaye de privilégier beaucoup c’est des petites maquettes vite faites en mousse, dès qu’on passe à la représentation des scénarios. Ce sont des maquettes de masse, qui doivent représenter à la fois les infrastructures, l’architecture et le paysage. Ce sont les trois choses qu’on doit réussir à montrer, ainsi que leur interrelation : c’est la particularité de ce master. C’est trouver des situations un peu stratégiques qui permettent de conjuguer les trois. Ce qu’on demande aux étudiants pour les maquettes, c’est de faire des variantes. Ça doit aider les étudiants à visualiser d’autres possibilités. Le problème, c’est que les étudiants font des fausses variantes. Ils croient qu’en rajoutant quatre étages par rapport à celle d’à côté, ils ont fait une variante. Or la rapidité d’exécution de ces maquettes doit permettre d’estimer très vite des variations fortes, des compositions différentes voire inattendues, non seulement en terme de densité, mais en terme de position, de situation… De plus, l’intérêt d’être formé à ce travail d’étude de maquettes légères avec variantes, c’est que je me suis aperçu que ça marche aussi très bien avec un public plus large dans la vie professionnelle. Contrairement à la maquette de promoteur ou la maquette de rendu de ville, ça permet d’avoir des maquettes très flexibles. À partir du moment où vous mettez sur la maquette des éléments sur lesquels tout le monde peut se repérer – une grande barre, le clocher d’une église, un château d’eau, une rivière, etc.- chacun rentre très vite dans le territoire, sans la difficulté d’un plan, d’une axonométrie, ou la tromperie d’une perspective. Si vous faites des maquettes où les gens peuvent se situer, vous pouvez après faire des démonstrations : vous montrez ce qui pour vous est stable, les tracés, les voiries, etc., et vous pouvez ensuite discuter avec eux d’un 46


certain nombre d’idées reçues qu’ils peuvent avoir sur la proximité, sur la densité, ou sur la hauteur des bâtiments, pour essayer de sortir de ce que j’appelle « l’urbanisme de la moyenne », sur lequel j’ai écrit un texte dans Paris-Babel1 : si on est près d’un pavillon, on fait haut comme un pavillon, quand on est près d’un immeuble moyen, on fait haut comme un immeuble moyen, et de même près d’une tour. Résultat : les projets sont une addition de vis-à-vis dits « supportables » par les riverains : ça ne fait pas un projet, et c’est souvent en deçà d’une solution qui pourrait être plus intéressante. Pour le master, pour le PFE, certains finissent avec des maquettes de bâtiment, d’autres avec des maquettes d’infrastructure, d’autres avec des maquettes d’espaces publics, donc là ils ont à inventer leurs propres maquettes. Par contre, en ce moment, on travaille sur 6 stations de métros pour le «Grand Paris Express», et on leur demande d’avoir des maquettes comparables, dans l’échelle et dans la situation, de façon à ce qu’on puisse comprendre ce que j’appelle les « mangroves », les relations entre le dessous et le dessus. Vous ne vous situez donc pas dans la continuité des plans-relief du XVIIème siècle. Les maquettes des plans-relief sont très intéressantes par ce qu’elles en apprennent, évidemment sur les fortifications et sur la ville, mais surtout sur la campagne. Elles représentent clairement la campagne, avec les bâtis, les champs, les fermes, les hameaux : une campagne habitée, plus qu’on ne le croit. C’est ce qui me fascine le plus dans les plans-relief. Il y a une espèce de détail de la végétation, des champs, des bâtiments qui en dit beaucoup sur le rapport ville campagne, qui est effectivement très tranché dans les fortifications de Vauban.

1 David Mangin, Paris-Babel, une mégalopole européenne, La Villette, Paris, 2013

Ci-contre : vue de la «bassecourt du château d’Halluin», sur le plan-relief de la ville de Menin, fabriqué au début du XVIIIème siècle. Au premier plan de la photographie se trouvent la basse-court et ses vergers, ainsi que les allées plantées et les champs autour. En arrière plan, on aperçoit un morceau des fortification du chateau d’Halluin et la rivière qui le traverse. «Vues d’Halluin», Musée des beaux-arts de Lille http://local.free.fr/comun/ Images/Relief/indexrelief.htm

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Aujourd’hui, on ne fait pas beaucoup de maquettes du périurbain, donc ça pourrait être une piste effectivement. Si on a à apprendre quelque chose des plans-relief, ce serait d’apprendre à représenter l’espace ouvert vide avec plus de précision que simplement dire : c’est l’espace vert, c’est une coulée verte, ou c’est une masse forestière, sachant que les forêts c’est beaucoup plus compliqué que ça, c’est un lieu de loisirs, de chasse, de pépinières etc. Il y a donc un sujet maquette là-dessus qui n’est pas exploité. Pour quelles raisons utilisez-vous la maquette dans votre pratique professionnelle ? J’utilise des maquettes d’étude de projets urbains pour discuter avec le maître d’ouvrage, puis avec les élus, pour leur montrer ce qui est fixe, et ce qui est variable. Un des problèmes des maquettes, c’est qu’on les met sous des capots de verre et qu’on les isole du contexte urbain, comme les perspectives. Si vous regardez les pages de rendus de perspectives du Moniteur, vous allez avoir des écoles avec des fenêtres verticales décalées de la dernière mode et l’aile d’avion d’il y a 20 ans, mais qui, en réalité dans leur contexte, ont un giratoire à côté, un monde automobile totalement différent, ce qui fait que ces bâtiments deviennent assez ridicules, qu’ils ne tiennent jamais leurs promesses. Il faudrait arrêter de donner des angles fixes à des maquettes, ça les extrait du contexte. Si on veut qu’un bâtiment existe dans un espace très distendu comme le périurbain, il faut qu’il ait d’autres qualités que d’être compliqué et à la mode. Un hangar a plus de présence qu’une école pour un concours régional. Avez-vous observé une évolution dans la façon de concevoir les projets avec l’arrivée des nouvelles technologies comme le laser à l’école ? Non, ils s’en servent très peu pour concevoir en fait. Ils font la maquette parce qu’ils doivent la faire, pour aider un peu à la discussion. Par contre le cadrage est très important dans un master comme le nôtre : à partir du moment où vous avez choisi un cadrage pour la maquette, l’affaire est pliée. Ça détermine une échelle de travail et les objets à mettre en relation. Pour revenir aux nouvelles technologies, ils ne s’en servent pas parce que pour moi une maquette ça doit être vivant, et notamment dans une école. Si la maquette est flexible, ça permet au professeur d’apporter sa correction directement dessus. Très souvent, j’ai pris un caillou, je l’ai mis d’une certaine façon, et la correction était faite en une minute, et le type se disait «mais bien sûr, ça pouvait pas être autrement». C’est ce qui se passe dans les agences comme chez Koolhaas.

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Mais les étudiants ont beaucoup de mal à se libérer en maquette, autant qu’en dessin. D’ailleurs, c’est pour ça que la maquette est un jeu très dangereux notamment dans le monde professionnel parce que comme elle est très souvent totalement figée, les gens n’osent pas toucher. Il faut apprendre à faire des maquettes qui soient didactiques, qui se présentent comme des jeux pour enfants. Là, le public se prend tout de suite au jeu parce qu’il participe très vite à l’affaire, en comprenant ce qui est fixe et en manipulant ce qui est variable. Dès lors, toute la question participative devient très intéressante.

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3/ LA MAQUETTE À L’ŒUVRE

Reportages photographiques dans les ateliers de projet et à l’atelier maquette(© Paul de Greslan) le 6/02/15, le 23/03/15, le 15/04/15, le 16/04/15, le 21/04/15, le 24/04/15, le 28/04/15, le 05/05/15, le 06/05/15 et le 11/05/15.

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Master Matières à Penser

Amoncellement de maquettes sur les casiers de l’atelier. Des structures du premier et du deuxième semestre s’y mêlent, et ce qui fut un jour la maquette au 1: 50ème d’une travée structurelle mute alors en un hangar hors d’échelle abritant des bâtiments en son sein.

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En haut à droite : maquettes au 1 :200ème et 1 :500ème en carton et papier découpés à la main d’un projet de centre de logistique. Ces maquettes d’esquisse du projet au début de sa conception démontrent toute l’hésitation volumétrique soustendant la proposition définitive. Ci-dessus : Une correction de projet dans l’atelier de 5ème année du master Matières à Penser, avec Marc Mimram. Pendant ces corrections, une grande part de la discussion s’articule autour des maquettes d’études présentées.

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Maquette au 1:500ème en carton découpé au cuter d’un projet de gare métropolitaine. Les lamelles de papier finement courbées laissent apparaître un tréfonds qui par contraste donne tout son sens au volume émergent. Le grain du carton et l’irrégularité de la découpe à la main renforcent l’aspect vivant du système.

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Ci-dessus et ci-contre : maquettes respectivement au 1: 50ème et au 1: 500ème en carton découpé au laser, balsa et papier d’un projet de centre d’expérimentation. La maquette au 1: 500ème exprime la partition programmatique, les volumes et un concept de structure, et celle au 1: 50ème en expose la résolution structurelle technique.

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Ci-contre : maquettes d’études et de rendu 1: 500ème, au 1: 100ème et au 1: 50ème, respectivement en carton coupé à la main, en bois coupé avec les machines de l’atelier maquette, en béton moulé et en métal d’un projet de centre de promotion du béton. Ci-contre en bas : La maquette au 1: 500ème du projet de centre de promotion du béton. Cette maquette réalisée dans les premiers temps de la conception du projet et présentée au moment du rendu permet de comprendre les intentions initiales du projet et de faire rentrer plus facilement l’observateur dans la démarche de l’étudiant. Ci-dessous : maquette partielle au 1: 50ème en médium coupé au laser d’un centre de logistique. Cette combinaison de la maquette avec en fond la gravure des autres trames rend intelligible la structure globale sans la représenter entièrement.

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Master Théorie et Projet

Atelier de 4ème année de Théorie et Projet. Sur les tables se trouvent des maquettes au 1 :200ème et au 1 : 50ème, ainsi que le trépied pour la photographie, systématiquement utilisée dans ce master pour capter les ambiances intérieures et la volumétrie extérieure des projets.

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En haut : Jacques Lucan avec une maquette au 1 :100ème dans les mains, lors d’une présentation de projet de 5ème année. En bas : maquette au 1 :100ème en carton gravé au laser et mousse d’un projet de parking-musée. Cette maquette conceptuelle est purement programmatique, elle expose seulement une idée de l’organisation interne et non pas une intention structurelle.

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Page ci-contre : superposition de maquettes de plusieurs projets au 1 :200ème, suggérant un gigantesque complexe architectonico-délirant. Ci-dessus : maquettes au 1 :200ème et au 1 :500ème respectivement en carton et papier coupés au laser et en mousse et carton coupé à la main d’un projet d’opération de logements à Londres. Cette confrontation des deux échelles rend compte de la différence du niveau de détail attribué à chaque échelle. Ci-contre : maquettes au 1 :200ème en carton peint en blanc et au 1 :500ème en plâtre avec son moule en résine au-dessus, représentant le site d’implantation du projet d’opération de logements à Londres, tel qu’il était avant la destruction des bâtiments.

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Ci-dessus: intérieur d’une maquette au 1 :50ème en carton coupé au laser et en papier imprimé d’un projet de halle de marché. Le collage des personnages et des étalages en papier permet d’animer la maquette et de montrer l’ambiance recherchée sous une lumière naturelle. Cette maquette est cependant orientée et ne peut être prise en photo que d’un seul côté. Page ci-contre : intérieur d’une maquette au 1 :20ème en carton et papier imprimé. L’intérêt principal de cette maquette est de rendre compte de la matérialité du projet à travers la texture du carton brut et du papier imprimé. Ci-contre en haut et en bas: maquettes au 1 :50ème en carton et papier imprimé. Ces vues révèlent l’extérieur de ce type de maquette : «l’envers du décor». Ce dernier, créé par les éléments nécessaires à la mise en scène de la spatialité intérieure (morceaux d’adhésifs et de cartons) ne représente rien en soi. On dissocie donc ici l’ambiance intérieure de l’expression architecturale extérieure.

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Master Transformations

L’étagère à maquette dans l’atelier de 5ème année du master Transformations. Les maquettes y sont conservées, celles du premier semestre ainsi que certaines d’années précédentes, ce qui permet à chacun de se nourrir des projets antérieurs.

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En haut à gauche : une correction de projet dans l’atelier de projet de 5ème année du master Transformations, avec Isabelle Biro, Anna-Maria Bordas, Pascale Joffroy et une intervenante. En haut à droite : maquette au 1 :500ème en plâtre. Ce matériau s’utilise déjà à cette échelle pour faire passer à travers la volumétrie des bâtiments la matérialité recherchée. Ci-dessus : maquette de principe de programmation sans échelle, en mousse et calque imprimé, avec en arrière plan une structure éphémère faite de chaises empilées.

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Ci-contre, page ci-contre et ci-dessous : maquettes respectivement au 1 :1ème, au 1: 50ème et au 1 :5000ème d’un projet de conception d’abris pour la communauté Roms à Champs-sur-Marne. La maquette urbaine à petite échelle situe les campements Roms dans le territoire. La maquette de l’élément modulaire (la cheminée) de l’habitat représente les matériaux utilisés ainsi que la structure. Le prototype à l’échelle 1 :1ème est une véritable résolution technique du projet, avec la mise en œuvre des matériaux réels de fabrication. Elle permet de tester les différents modes d’assemblage ainsi que la rigidité effective de l’ensemble.

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En haut : maquette au 1 :50 000ème en carton découpé au laser et feutres d’un projet de restructuration de la dorsale Paris-Le Havre. Cette maquette est renseignée avec un grand nombre d’illustrations et de «post-it», qui en font un document de référence pour l’élaboration du projet. En bas : «zoom» au 1 :5 000ème en carton découpé au laser et papier. Une multitude d’échelles sont donc interrogées en maquette dans le travail du master Transformations.

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Maquette au 1 :100ème en carton découpé au cutter pour un projet d’habitat alternatif pour des habitants d’un squat de Nouméa, NouvelleCalédonie. Les différents types de cartons utilisés permettent de transmettre une certaine ambiance tout en gardant une représentation unitaire et cohérente.

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Master Métropoles Maquettes urbaines du premier semestre à différentes échelles superposées sur et sous une table en atelier de 4ème année de Métropoles. Des maquettes similaires clairsèment l’atelier, permettant à chacun de se remémorer la stratégie urbaine développée au premier semestre et poursuivie en projet au second semestre.

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Ci-contre : Pierre-Alain Trévelo et Yannick Beltrando en correction de projet de 4ème année, autour d’une maquette au 1 :500ème en carton coupé à la main d’un projet de logements, d’hôtel et de bureaux. Ci-dessous en haut : maquette au 1 :1000ème en mousse, carton mousse, papier imprimé et médium découpé à l’atelier maquette d’un projet urbain entre les deux rives d’un réseau ferroviaire. En bas : maquette au 1 :1000ème en mousse, carton mousse et papier imprimé d’un projet de densification mixte des berges du canal de l’ Ourcq. Pour ces deux projets, les corrections se sont faites directement sur les maquettes par David Mangin, ce dernier ayant manipulé les morceaux de mousse à sa disposition pour faire comprendre ses remarques aux élèves.

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Maquette au 1 :500ème en médium travaillé avec les machines de l’atelier maquette, en carton coupé au laser et en papier d’un projet de restructuration urbaine. Les rectangles de papier jaune représentant la taille humaine figurent l’activité grouillante de ce bord de rivière aménagé et donnent l’échelle des bâtiments et infrastructures qui le composent. Leur couleur permet de plus de les repérer par contraste.

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Ci-dessus : maquette au 1 :10 000ème en carton coupé au laser et en papier d’un littoral avec un fort relief. A cette échelle, l’empilement des couches de carton rend lisible la topographie accidentée du site. Cette représentation est cependant difficilement réalisable sans la découpe au laser, tant elle est laborieuse à la main. Ci-contre en haut et à droite : maquettes au 1 :1000ème en mousse bleue sur carton mousse noir de tests de variations volumétriques sur une grille. Ce travail en série facilite la comparaison des volumes, et renvoi aux travaux d’architectes comme Rem Koolhaas de l’agence OMA. Ci-contre : maquettes au 1 :200ème en carton coupé au cutter et au 1 :100ème en médium coupé au laser d’une structure non identifiée. Ces maquettes, bien que peu communes dans cet atelier, témoignent de la transversalité des masters, en ressemblant d’avantage à un travail d’un étudiant du master Matière à Penser que du master Métropoles.

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Maquette au 1 :500ème, en carton coupé au laser, en papier, en plexiglas et en grilles métalliques d’un projet de siège social d’un concessionnaire automobile. Les jeux de matériaux sur les différents volumes apportent déjà à cette échelle une vision claire de la matérialité recherchée dans le projet.

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L’indispensable : l’atelier maquette Ci-contre : Benjamin Giraudon, responsable de l’atelier maquette, expliquant le fonctionnement d’une scie à ruban à des étudiants de première année. Ci-dessous : les chutes des matériaux utilisés pour la maquette, avec du haut vers le bas la mousse (polystyrène et cellulaire), le médium et le carton(gris et bois).

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En haut : niveau bas de l’atelier maquette. Ici sont mises à disposition des étudiants les machines les plus lourdes de l’atelier maquette, à l’instar des scies circulaires, des scies à ruban et de la scie à panneau. Ci-contre : niveau haut de l’atelier maquette. On y trouve tout l’outillage nécessaire à la production de maquettes à la main, en bois et en mousse, ainsi que l’installation de la découpe laser.

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La machine laser de l’atelier maquette. Arrivée il y a quelques années à l’ENSAVT, elle est aujourd’hui un outil incontournable des étudiants de master et de fin de licence, et est gérée par l’association étudiante Préa’lab.

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4/ QUESTIONNAIRE AUX ÉTUDIANTS

Compte rendu du questionnaire aux élèves des masters de l’ENSAVT fait le 26/03/15

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Questionnaire aux élèves des masters de l’ENSAVT

Page ci-contre : questionnaire complété par un étudiant de 4ème année du master Transformations

Ce questionnaire a été soumis aux étudiants le mardi 26 mars 2015 dans les locaux de l’ENSAVT, un jour de correction commun à tous les ateliers de masters. Il est issu d’un processus de hiérarchisation progressive afin de le rendre le plus court possible, d’éviter toute incompréhension et de récupérer le maximum d’informations utiles. Ses objectifs sont hiérarchisés en trois ensembles de questions : Tout d’abord, il s’agit de comprendre comment les étudiants envisagent la production de maquette au sein de la pédagogie de leurs masters respectifs et ce, afin de cibler les spécificités de l’utilisation de la maquette dans chaque master. Quel est l’intérêt de chacun pour la maquette ? Combien en font-ils et à quels échelles ? Les maquettes ont-elles moins de légitimité dans certains masters qu’ailleurs ? Font-ils des maquettes sur des thèmes spécifiques ? Y a-t-il dans les masters des caractéristiques imposées, et, si oui, à quel moment ? Les deuxième et troisième ensembles de questions concernent respectivement la production de maquette au cour du projet, en phase d’étude, et la production de maquette en phase finale de concrétisation des idées dans le rendu. Il s’agit là de comprendre les différences qui existent entre ces deux moments souvent dissociés du projet architectural, et entre les pratiques des différents masters. Les matériaux et outils des maquettes d’études et de rendu sont-ils vraiment en discontinuité ? Pour quels raisons sont-ils utilisés ? Y a-t-il une différence de temps et d’exploitation des maquettes entre les différents masters, ou au sein-même d’un master entre les deux années? Le compte rendu comptabilise un total de 104 réponses d’élèves sur les 160 élèves de second cycle, ce qui correspond à plus de la moitié. Il ne doit donc pas constituer une référence absolue sur les thèmes abordés, mais peut cependant délivrer un aperçu de la pratique de la maquette dans les masters. Afin de rendre lisible ce compte rendu, une couleur spécifique a été arbitrairement attribué à chaque master : Matières à Penser

Théorie et Projet

Transformations

Métropoles

4ème année

4ème année

4ème année

4ème année

5ème année

5ème année

5ème année

5ème année

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De quelle(s) façon(s) s’est effectué majoritairement votre processus de conception ?

Le support de conception de projet le plus utilisé dans le deuxième cycle de l’ENSAVT est le géométral, utilisé par 72% des élèves. La maquette se place en seconde position, utilisée par 50% des élèves, ce qui en fait un outil conséquent de la pratique des master. La 3D quant à elle n’est que très peu utilisée dans la conception des projets, exception faite du master Matière à Penser où elle domine les autres supports de conception.

70 % 60 % 50 % 40 % 70 % 30 % 60 % 20 % 50 % 10 % 40 % 0% 30 %

géométral

3D

en croquis

en maquette

mentalement

20 %

D I 0% A L D O GI A U EL O G 20 U 18 E 16

10 %

Quel est l’objectif principal que vous définissez pour la maquette ?

L’objectif de la maquette dans le second cycle de l’ENSAVT est majoritairement l’échange avec autrui, notamment lors des corrections de projet. C’est particulièrement le cas pour Transformations et Métropoles. Au contraire, Théorie et Projet l’utilise principalement pour la conception des projets, et il existe une grande discontinuité entre les deux années de Matières à Penser.

géométral

3D

en croquis

en maquette

C O N mentalement C E CP O T NI C O NE P T I O N

14

84

12 20 10 18 8 16 6 14 4 12 2 10 0 8 6

9,79

9,79


10 % 0%

D I A L O G U E

géométral

3D

en croquis

en maquette

mentalement

C O N C E P T I O N Combien de maquettes avez-vous réalisées au cours de l’élaboration du projet ?

20 18 16

La moyenne des masters de l’école se trouve à 9,79 maquettes par élèves.

14 12 10 8 6 4 2 0

9,79

Le master fabriquant le plus de maquettes est Théorie et Projet, où l’on fait en 4ème année en moyenne 19 maquettes dans le 1er semestre. Ce grand nombre peut s’expliquer par la volonté vu ci-dessus d’utiliser la maquette pour la conception et non le dialogue avec autrui, au contraire de Transformations où le nombre de maquette par étudiants chute à 5.

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A quelle(s) échelle(s) avez-vous travaillé en maquette ? Matières à penser : utilisation du 1 :50ème pour la structure et du 1 :200ème pour donner une vision globale du bâtiment, avec une part de 1 :1000ème en 5ème année.

Théorie et Projet : similarité entre la 4ème et la 5ème année, avec l’utilisation du 1 :20ème pour la définition des espaces intérieurs, et du 1 :200ème et 1 :500ème pour l’intégration urbaine.

Transformations : forte différence entre la 4ème et 5ème année. En 5ème année, les échelles vont du 1 :1ème pour un projet d’abris pour les Roms au 1 :50 000ème pour la requalification de la dorsale Paris - le Havre.

Métropoles : utilisation des mêmes échelles pour la 4ème et la 5ème année, avec en majorité le 1 :500ème pour la volumétrie des bâtiments et le 1 :2000ème pour l’expression des enjeux territoriaux.

1 :1

1 :5

1 :20

1 :50

1 :100

1 :200

1 :500

1 :1000

1 :2000

1 :5000 1 :10000 1 :50000

1 :1

1 :5

1 :20

1 :50

1 :100

1 :200

1 :500

1 :1000

1 :2000

1 :5000 1 :10000 1 :50000

Dans ce graphique où les échelles utilisées par tous les masters sont empilées, une vision globale de l’utilisation des échelles à l’école dans le cycle de master se dégage. Les échelles les plus usitées sont le 1 :500ème, le 1:200ème puis le 1 :20ème.

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Avez-vous fait une(des) maquette(s) spécifique(s) pour explorer :

100 % 80 %

Le thème le plus abordé en maquette par chaque master est la recherche volumétrique.

60 % 40 % 20 %

structure

volumétrie

espace

matérialité

Matières à Penser

Théorie et Projet

4ème année : échelle,maquette de détail et matérialité réaliste

4ème année : échelle et photomontages

5ème année : échelle

5ème année : échelle, photomontage et monochromie

Transformations 80 %

4ème année : non

70 % 60 %

5ème année : non

50 %

Le master Matières à Penser, orienté sur la conception de structure, est celui qui réalise naturellement le plus la maquette pour définir et vérifier les hypothèses structurelles, quand Théorie et Projet l’utilise surtout pour explorer la volumétrie , l’espace et la matérialité des projets. Le master Métropoles n’aborde en maquette ni la structure ni la matérialité des projets, ce qui s’explique par son échelle de travail.

Y a-t-il eu des caractéristiques de maquette imposées, et à quel moment ?

Métropoles 4ème année : échelle 5ème année : échelle

40 %

Tous les étudiants en master ne sont pas dirigés dans la réalisation de leur maquette :

En effet, alors que la question de la maquette est conditionnée dans le master Théorie et Projet par ses échelles et ses modes d’exploitations, et que les enseignants des masters Métropoles et Matières à Penser n’imposent en règle général que les échelles de travail, la liberté offerte aux étudiants de Transformations les conduits à travailler sur une diversité de projets et d’échelles allant du 1 :1ème au 1 :50 000ème

30 % 20 % 10 %

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0% bois

médium papier

carton plastique mousse

carton mousse

autres


Avec quel(s) matériau(x) ontété fabriquées les maquettes de correction/étude ?

Durant la recherche du projet, les matériaux les plus utilisés sont par ordre décroissant le carton, la mousse, le médium, le bois, le papier et le carton mousse. Le choix des matériaux se fait pendant la phase d’étude du projet à la fois pour leur coût et pour leur facilité de manipulation et de découpe. C’est notamment le cas pour la mousse facilement coupable au fil chaud et peu chère.

Quelle place a pris la production de maquette d’étude dans le temps consacré au projet ?

La moyenne du temps de projet consacré à la production de maquette par les étudiants de masters est de 28%. Les masters qui consacrent le plus de leur temps à la production de maquettes sont Théorie et Projet et Métropoles, respectivement pour la grande quantité de maquettes produites (en moyenne 19 par élève) et pour la charge de travail conséquente que nécessitent les maquettes à petites échelles (1 :500ème et 1 :2000ème ).

80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% bois

médium papier

carton plastique mousse

40 %

20 % 15 % 10 % 5%

28 % 24,5 %

25 % 18,5 %

autres

31,5 %

29 %

30 %

carton mousse

36 %

35 % 32,5 %

35 %

0%

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matérialité

Imprimante 3D : 1%

Pendant la phase de conception, le cutter est l’outil le plus utilisé ce qui s’explique par son accessibilité. Il ne nécessite aucune prédisposition particulière, telles que les horaires d’ouverture pour l’atelier maquette ou la prise de rendez-vous pour la laser, et peut aussi bien s’utiliser chezsoi qu’à l’école. Cette facilité d’utilisation est appreciée dans un processus de réflexion où les idées doivent-être rapidement testées.

espace

Laser : 66 %

Cutter : 88 %

Avec quel(s) outil(s) avez-vous fabriqué les maquettes de correction/étude ?

volumétrie

Machines de l’atelier maquette : 64 %

structure

20 %


Imprimante 3D : 3%

Laser : 89 %

Machines de l’atelier maquette : 60 %

Cutter : 66 %

Avec quel(s) outil(s) avez-vous fabriqué la(les) maquette(s) de rendu ?

Lors de la production des maquettes de rendu, l’outil le plus utilisé est la laser à près de 90%, dépassant ainsi largement le cutter. Ceci est expliqué par l’organisation préméditée de cette période, qui permet de prévoir en avance des heures de laser. De plus, cet outil est à la fois rapide et précis, deux impératifs de la phase de rendu. Par ailleurs que l’imprimante 3D n’est ni en étude ni en rendu significativement utilisée, ce qui peut s’expliquer par l’absence de cet outil de l’école.

Avec quel(s) matériau(x) avezvous fabriqué la(les) maquette(s) de rendu ?

80 % 70 % 60 %

En rendu comme en phase d’étude, le matériau le plus utilisé est le carton. Ce matériau séduit les élèves par sa facilité d’utilisation, son coût et sa matérialité. Sa surface grise et rugueuse l’assimile en effet rapidement au béton.

50 % 40 % 30 % 20 %

L’utilisation de la mousse et du carton mousse chute quant-àelle très fortement, car ceux-ci ne sont pas jugés «propres» par les élèves.

10 % 0%

bois

médium papier

carton plastique mousse

carton mousse

autres

Quel temps (heures) vous a pris la réalisation de la maquette de rendu ?

66,5

70 60

La moyenne du nombre d’heures employées à produire la(les) maquette(s) de rendu de projet en master à l’ENSAVT est de 34,7 heures.

46,7

50 40

40

34,9

30 21,5 21

20

23,7

23,4

34,7

Le master Métropoles, et en particulier la 4ème année, fait exploser ce chiffre avec une moyenne de 66,5 heures de maquette pour le rendu, ce qui correspond à plus de trois fois plus d’heures que Matières à Penser.

10 0

89


Pourquoi ces matériaux ?

Les deux principales raisons évoquées pour justifier le choix des matériaux utilisés pour les maquettes sont leur plasticité et leur expressivité, significatifs pour 57% des élèves de second cycle. Le coût est le troisième critère de sélection, significatif dans 37% des cas. Le critère le moins important pour le choix des matériaux est les caractéristiques structurels du matériaux, en influençant la décision de seulement 19% des enquêtés. Il est intéressant de relever que ce dernier prend unanimement beaucoup d’importance au passage de la 4ème à la 5ème année.

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

plasticité

90

prix

caractéristiques structurelles

expressivité


10 % 5% 0%

Avez-vous présenté des maquettes d’études en rendu ? Pourquoi ?

66,5

70 60

46,7

50 40

40

34,9

30

23,7

21,5 21

34,7

23,4

20 010%

20 %

40 %

60 %

80 %

100 %

0

perspective intérieure

schéma structurel

40 60 80

%

%

%

%

10

élévation

0%

Au contraire, dans le master Théorie et Projet, alors que la production de maquettes d’étude est très importante, celles-ci ne sont que très peu présentes au rendu car jugées «peu utiles» à la compréhension du projet.

Avez-vous exploité la maquette pour certains documents? Lesquels ? (ex : photomontage)

insertion

20

Plus de la moitié (56%) des élèves de second cycle exposent leurs maquettes d’études en rendu. Ces maquettes sont en grande majorité présentes pour témoigner de l’évolution du projet au fil de la conception, sauf dans 2 cas où elles servent de «preuves de travail».

coupe

L’exploitation des maquettes dans les documents de rendu du second cycle de l’ENSAVT est essentiellement le fait du master Théorie et Projet. En effet, la grande majorité de ses élèves utilisent des photographies de maquettes au 1 :20ème pour représenter l’ambiance intérieur du projet et des insertion de photographies de maquettes au 1 : 200ème et au 1 :500ème pour représenter la bâtiment dans son contexte. Cet usage de la maquette est un impératif des enseignants de projets. Certains élèves du master Transformations utilisent aussi ces modes de représentations, cette fois-ci de leur propre volonté. Les masters Métropoles et Matières à Penser n’utilisent que très rarement la maquette dans la fabrication des documents de rendu.

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ANNEXES

Interview de Benjamin Giraudon, responsable de l’atelier maquette Présentation succincte des masters de l’ENSAVT et de leurs enseignants Bibliographie Postface Remerciements

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Interview de Benjamin Giraudon Responsable de l’atelier maquette Mercredi 27 mai à l’ENSAVT

Paul de Greslan : Qu’est-ce qui conditionne selon-toi la production des maquettes à l’ENSAVT ? Benjamin Giraudon : Le résultat de leur production est définit par ce qu’ils ont et par leur formation. Si on élargissait le champ de compétence et le répertoire technique, les maquettes évolueraient aussi. Prenons un exemple concret : aujourd’hui, il n’y a que la découpe laser. Imaginons que demain on acquière une imprimante 3D, ce qui prévu, dans 2 ans, tu auras peut-être un tiers des bâtiments qui seront en impression 3D. Une maquette correspond donc à un moment donné et à des moyens donnés. Vous faites donc avec ce que vous avez et ce que l’on vous fournis principalement : c’est-à-dire le carton gris, le carton bois, le médium, le contreplaqué et la mousse principalement. Si tu investis, tu peux avoir du plexiglass, mais comme il n’est pas fourni il est en minorité. Quand je suis arrivé en septembre vous n’aviez que des scies à ruban et des ponceuses. Sur la plupart des maquettes, il n’y avait pas de finition parce que vous n’aviez pas les moyens de les faire. Aucun outil pour faire du très gros ni du très fin : c’était une gamme bâtarde. J’ai donc investi dans des machines de modélisme portatives et quelques machines lourdes pour créer un spectre de compétence plus élargie. Tu as reçu une formation de restaurateur dans le mobilier. Quels éléments de cette formation nous apportes-tu ici ? De la méthodologie et de la technique. Le matériau peut changer mais il se travaille dans un certain sens avec une certaine technique et c’est pour ça qu’il y a des machines qui sont plus utilisées que d’autres, les défonceuses par exemple. Ce sont les machines que je maitrise. Les maquettes sont donc à mon image plus qu’à celle des enseignants, grâce aux méthodes que je vous donne et à ma connaissance des machines. Je ne vous orienterai pas vers des sujets que je ne contrôle pas. Par contre, si elles sont produites en autonomie, la seule influence que vous avez est celle des enseignants. As-tu des retours de l’équipe enseignante ? Non et j’aimerai beaucoup ! Imaginons que l’on prenne un schéma type « commerce » : l’enseignant, c’est le client, vous êtes mandatés par lui et moi, je suis le fournisseur. Si je savais ce que le client attendait, je vous orienterai en conséquence. Imaginons que demain ils vous disent : 94


« le carton gris on en veut plus ». Si je n’ai aucun retour, je continuerai à vous en fournir. Si la tendance venait au numérique, vous seriez en décalage parce qu’on continuerait à produire en autarcie sans savoir ce qui est attendu à la sortie. Si j’avais un retour on pourrait aiguiller les maquettes pour correspondre aux demandes extérieures. En première année, un cours de perspectif est donné par Jacques Ziegler. Aimerais-tu établir ce type de cours pour la maquette ? Je vais le mettre en place l’année prochaine. On va faire des formations de trois jours sur l’utilisation des machines à l’atelier, ce qui donnera un répertoire technique. Aujourd’hui,les étudiants commencent étape par étape avec ce qu’ils connaissent, c’est-à-dire cutter, règle, tésa et pansements. Mais si dès le début on leur apprend quels sont les outils à disposition, ils feront des choses plus poussées. Aujourd’hui ils sont restreints parce qu’ils produisent ce qu’ils maîtrisent, on appelle ça « la zone de confort ». Si on leur montrait comment cintrer des objets, ils réfléchiraient leur projet différemment. Serais-tu intéressé pour donner des cours en amphithéâtre sur la maquette en présentant des références ? Oui, ce serait un beau projet à mettre en place. Le problème c’est que je suis obligé de courir après les étudiants… Si tu viens je te montre comment faire mais si tu ne viens pas je ne pourrais jamais t’aider. J’aimerais atteindre les étudiants dès la première année pour qu’ils soient plus compétents et plus sécurisé sur les machines. Durant les journées portes ouvertes, tu as pu observer des maquettes de la première année à la cinquième. Qu’en as-tu pensé ? Il ne faut pas oublier qu’on est dans une école : ce qui compte ce n’est pas le résultat, c’est avant tout l’évolution de l’étudiant. Après, il y a une grande différence entre un cinquième année qui va mettre les moyens dans ce qu’il fait et un première année qui n’en met pas : si tu as plus d’argent tu augmentes ton résultat, avec des matériaux plus nobles et plus diversifiés. As-tu appris de nouvelles choses grâce aux étudiants de l’ENSAVT ? Les étudiants n’ont pas de contraintes techniques et ont énormément d’ingéniosité. J’ai appris énormément ici ! Du moment que tu produis un truc qui fonctionne, ça me va, même si c’est fait de « trucs et astuces ». C’est le côté positif, le fait de ne pas avoir été soumis à un carcan pédagogique vous permet de trouver d’autres solutions. Je ne suis parfois qu’une interface, je transmets des idées à certains que j’ai vu sur d’autres.

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Ils m’ont par ailleurs appris l’utilisation de la machine laser et la gestion de l’espace numérique. Je fais partie d’une génération qui a eu une semaine d’Autocad dans tout mon cursus, donc j’ai beaucoup appris à la main. Généralement, je demande à l’étudiant de me redessiner sur papier ce qu’il a fait sur l’ordinateur. Ressens-tu un fort décalage entre numérique et manuel ? Le numérique vient au détriment de la conception globale. C’est-àdire que les étudiants ne pensent pas sur leur ordinateur à comment fabriquer la maquette et ne prennent pas en compte la dilatation ou les assemblages. Conceptuellement ça marche mais en réalité non. Ils leur manque vraiment les notions d’assemblages ! As-tu plus de personnes qui fabriquent des maquettes de rendu ou d’étude dans l’atelier ? Les deux. C’est pour ça que j’ai augmenté l’amplitude horaire de l’étage du haut pour que vous ayez à dispositions les outils nécessaires plus longtemps. L’école est bien faite mais comme l’atelier est en bas, beaucoup ont la flemme de descendre. Le problème, c’est aussi la notion de charrette dans cette école. Quand vous êtes charrette, vous perdez tout critère qualitatif et ça devient « sans foi ni loi ». Si tu prépares ta période de rendu, tu gagnes du temps sur la réalisation. On vous demande d’être des professionnels de la maquette sans être formé pour. Vous êtes des autodidactes et on vous demande des résultats. Vous n’avez même pas de formation sur l’importance qu’elle a dans un rendu ! Parfois tout un projet est renversé grâce à elle. Ici, on vous demande de les fabriquer et vous êtes jugés sur cette réalisation. C’est très ambiguë, voire hypocrite.

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Présentation succincte des masters de l’ENSAVT et de leurs corps enseignants (Citations tirées de www.marnelavallee.archi.fr/)

Matières à Penser

« La matière n’est pas inerte. Elle est informée, de son origine, de sa transformation, du sens donné à sa mise en œuvre. Elle est mémoire de cette histoire révélée. Nous voudrions mettre cette idée de la fabrique au cœur du projet d’architecture. Non pas a posteriori, mais a priori dans le processus de la pensée du projet. »

Théorie et Projet

« Notre proposition est spécifiquement architecturale. Elle vise à croiser préoccupations théoriques et préoccupations projectuelles, qui sont habituellement séparées dans l’enseignement de l’architecture. Nous ferons l’hypothèse que le travail architectural a besoin de croiser deux réflexions complémentaires : pour résumer et simplifier, une réflexion sur la permanence, «l’ordinaire» et une réflexion sur le changement, «l’extraordinaire». »

Transformations

« Il s’agit tout à la fois d’explorer les problématiques architecturales liées au recyclage ou au réemploi du bâti (construire sur le construit) et au détournement de la vocation première de certains sites (vides des lotissements pavillonnaires et des grands ensembles, zones d’activités en déshérence, friches industrielles, délaissés d’infrastructure…). De telles transformations sont à même de réinterroger les relations architecturales et urbaines aussi bien que les procédés constructifs et l’économie de laconstruction. »

Métropoles

« Métropoles a pour objectifs d’étudier, de rechercher et d’inventer les principaux thèmes et sujets qui structurent à la fois l’histoire, le fonctionnement actuel et les enjeux à venir des métropoles. La maîtrise de l’«emboîtement des échelles» du global au local et inversement, est au cœur de cette filière. La dimension et les problématiques architecturales restent primordiales. »

Marc Mimram Philippe Barthélémy Jean-Marc Weill Florence Lipsky

Jacques Lucan Éric Lapierre Odile Seyler

Isabelle Biro Paul Landauer Patrick Rubin

David Mangin Pierre Alain Trévelo Yannick Beltrando Etienne Lénack

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BIBLIOGRAPHIE Livres : Vitruve, De L’Architecture, -25 avant JC http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Vitruve/livre2.htm#1 Léon Baptista Alberti, Livre 2 De Re Aedificatoria, écrit entre 1442 et 1452, publié en 1485 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8608298f/f67.image.r=De%20re%20Aedificatoria= Pierre Gros, «Le rôle de la scaenographia dans les projets architecturaux du début de l’Empire romain» dans Le dessin d’architecture dans les sociétés antiques. Actes du colloque de Strasbourg, 2628 janvier 1984, Leyde, 1985, p. 231-253 (Travaux du Centre de recherche sur le Proche Orient et la Grèce antique, 8) http://books.openedition.org/efr/2506?lang=fr#ftn31 Pierre Gros, «Les illustrations du De architectura de Vitruve : histoire d’un malentendu» dans Les littératures techniques dans l’Antiquité romaine. Vandceuvres-Genève, 1996, p. 19-44 (Entretiens sur l’Antiquité classique, 42) http://books.openedition.org/efr/2515?lang=fr Georg Germann, Vitruve et le Vitruvianisme, introduction à l’histoire et à la théorie architecturale, Chapitre 3 p. 66 Presses polytechniques et universitaire romandes. 1991 https://books.google.fr/books?id=tDQY2euMUBgC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false Catherine Clarisse, Ma quête d’architecture : maquettes d’architectures, Pavillon de l’Arsenal, Paris, Les mini PA n°18, 1997 Erwin Panofsky, La perspective comme forme symbolique, Édition de minuit Erwin Panofsky, La renaissance et ses avant courriers dans l’art d’occident, Flammarion, Idées et recherches Fritz Neumeyer, Mies van der Rohe, réflexions sur l’art de bâtir, Le Moniteur, Paris, Collection Architextes, Édition Française 1996. Jean-Louis Cohen, Mies van der Rohe, HAZAN, 1994, p. 26-27 Heinz Ronner, Louis I. Kahn : complete work 1935-1974, Birkhaeuser, 1994, seconde édition. Le Corbusier Le Grand, Phaidon, Paris, 2008, p. 562 David Mangin, Paris-Babel, une mégalopole européenne, La Villette, Paris, 2013 Nick dunn, Architectural Modelmaking, Laurence King Publishing Ltd, Londres, 2010 Karen Moon, Modeling Messages, The Monacelli Press, États-Unis, 2005

Bandes dessinées : Benoit Peeters et François Schuiten, illustrations par Anne Baltus, Dolorès, Casterman, 1991

Revues et articles de revues : «Maquette d’Architecture» AA 404 Architecture d’Aujourd’hui décembre 2014 Bénédicte Duhalde, «Les architectes ouvriers de Ciguë» Intramuros n°160, mai/juin 201,2 p32-33 William Wiles, «Inside Oma», Icon magazine, 149, 2011 « SANAA : L’agence » par David Leclerc, D’architecture n°192 juin 2012 François Loyer, « Pour bien lire une maquette d’architecture : le relatoscope », Communication et langages, n°23, 1974, p.56-57 Kazuyo Sejima, « Talking about study Model », A + U, n°522, Japon, 2014, p.80-91 Tomoko Sakamoto, « interview : Objet of Desire », A + U, n°522, Japon, 2014, pp.40-44 William Wiles, «Inside Oma», Icon magazine, 149, 2011 http://www.iconeye.com/architecture/features/item/9554-inside-oma

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Sites internets : «Maquette», Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Maquette «Maquette», Larousse www.larousse.fr/dictionnaires/francais/maquette/49307 «Maquette», Centre National des Ressources Textuels et Lexicales (CNRTL) http://www.cnrtl.fr/etymologie/maquette «Plan-relief», Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan-relief «Learning by doing», Wikipédia http://en.wikipedia.org/wiki/Learning-by-doing «Vues d’Halluin», Musée des beaux-arts de Lille http://local.free.fr/comun/Images/Relief/indexrelief.htm «Centre d’art dédié à l’édition photographique», Le Figaro http://evene.lefigaro.fr/culture/lieux/le-point-du-jour-7554.php «425 Park Avenue, proposal by OMA.», Metalocus, 19/10/2012 http://www.metalocus.es/content/en/blog/425-park-avenue-proposal-oma "Le message c'est le médium", Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_message,_c'est_le_m%C3%A9dium Atelier de maquettiste Bauraum http://bauraum.fr/bauraum-maquette/ Mangurian, studioworks architects http://www.studioworksarchitects.com/projects/projects.htm Thom Mayne, Morphosis http://morphopedia.com/ «Thom Mayne», Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Thom_Mayne Marc Mimram http://www.mimram.com/ Eric Lapierre www.ericlapierre.com Caruso St John www.carusostjohn.com Christ & Gantenbein www.christgantenbein.com Agence Cigüe http://cigue.net/fr/info/about/ Fondation le Corbusier http://www.fondationlecorbusier.fr/ Les Grands Ateliers www.lesgrandsateliers.org/

Rapports d’études : Stéphanie Sin-a-fat, La Maquette, un processus architectural, ENSAVT 2013-2014, encadré par Loïse Lenne

Vidéos : MYAssociates, Jean Prouvé- La Maison Tropicale à Brazzaville (2007), pour galerie 54, décembre 2006. https://www.youtube.com/watch?v=337DvPcM7t0

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100


POSTFACE À travers la rédaction de ce rapport d’étude, j’ai tout d’abord eu l’occasion d’étudier les multiples définitions donnés au domaine de la maquette en architecture. J’ai compris l’origine historique et étymologique de la dualité entre la maquette d’étude, macchietta, littéralement «esquisse», et la maquette de représentation, exemplar, littéralement «modèle réduit». Je me suis de plus rendu compte de la discontinuité de leurs utilisations respectives entre trois périodes historiques marquantes : l’Antiquité, la Renaissance, et l’époque du Mouvement Moderne. La grande diversité des informations apportées par les enseignants de projet du second cycle de l’ENSAVT au cours de leurs interviews m’a permis de saisir toute la complexité du domaine de la maquette en architecture ainsi que ses champs d’applications dans la pédagogie. Par ailleurs, malgré des avis souvent très divergents, tous ont attribué à la maquette un certain nombre de vertus que ne possède pas la modélisation numérique : à la fois outil de «test des échelles» et de «signification des détails», «fil conducteur» du projet, «moyen de représentation matériel» entre «le dessin et la réalité» ou encore objet «didactique» faisant la part belle à la «question participative», chacun lui confère une raison d’être au sein de sa pratique architecturale et dans la pédagogie de son atelier, et ce quels que soient l’échelle et le sujet abordé. Les investigations photographiques menées dans les ateliers de second cycle et à l’atelier maquette m’ont donné l’occasion d’observer la présence réelle de la maquette physique dans les masters, et de confronter cette dernière aux propos tenus par les enseignants. Par ailleurs, elles rendent compte de la grande diversité des types de maquettes produites et par-là-même de l’intéressante variété des questions traitées par les masters de l’ENSAVT. Enfin, le retour fait par les étudiants à travers leur participation au questionnaire m’a aidé à dresser un aperçu significatif de l’intérêt porté à la maquette par les étudiants et de sa pratique effective. Il offre ainsi la possibilité d’identifier les facteurs déterminants dans la fabrication de la maquette au sein des différents masters et d’établir des parentés entre ces derniers. Les nombreuses informations rassemblées dans ce rapport d’étude permettent sans aucun doute de comprendre la place que tient la maquette au sein du second cycle de l’ENSAVT. Si ses échelles, ses applications, et les objectifs qui lui sont accordés changent sensiblement d’un master à l’autre, elle n’en demeure pas moins un outil incontestablement légitime et plébiscité à l’ENSAVT, au XXIème siècle.

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REMERCIEMENTS

Pascale Joffroy, pour son implication, son aide et sa bienveillance à travers les différentes phases d’élaboration de ce rapport d’étude. Benjamin Giraudon, Eric Lapierre, Florence Lipsky, Jacques Lucan, David Mangin, Marc Mimram, Patrick Rubin et Pierre-Alain Trévelo pour le temps qu’ils ont su m’accorder et pour les informations qu’ils ont partagées avec moi. Les étudiants de second cycle de l’ENSAVT pour le traitement sérieux du questionnaire que je leur ai soumis et pour la patience dont ils ont fait preuve lors de nos nombreuses discussions. Ma famille pour la relecture complète de ce rapport, et pour les conseils apportés.


Il y a des questions propres aux maquettes : les échelles, et le rapport au temps et à l’espace.

Vous êtes des autodidactes et on vous demande des résultats. [...] C’est très ambiguë, voire hypocrite.

Florence Lipsky

Ce n’est pas un bâtiment, ce n’est pas un modèle réduit de bâtiment, mais c’est un objet intermédiaire entre le dessin et la réalité.

Benjamin Giraudon

Eric Lapierre

Une maquette permet de signifier un certain nombre de détails. Marc Mimram

On fait un lien entre la maquette 3D de calcul et la maquette 3D de géométrie, et la maquette est un instrument de vérification et de mise en résonance de tout ça.

La maquette, c’est un processus actif de construction d’un moment du projet qui peut lui-même évoluer Pierre Alain Trévelo

Marc Mimram

Il faut apprendre à faire des maquettes qui soient didactiques, qui se présentent comme des jeux pour enfants. Là, le public se prend tout de suite au jeu parce qu’il participe très vite à l’affaire, en comprenant ce qui est fixe et en manipulant ce qui est variable. Dès lors, toute la question participative devient très intéressante.

L’échelle 1 parait vraiment importante car elle te fait manipuler des outils, de la matière, ça pèse lourd, tu dois transporter, transformer, et tout ceci est un acte physique qui existe sans cesse quand tu es sur un chantier. Patrick Rubin

David Mangin

Ça confirme donc que derrière un système de représentation, il y a une conception architecturale. Eric Lapierre

Je pense qu’il faut faire attention à ne pas faire semblant de construire à l’école, et penser qu’à l’école on construit le bâtiment. Marc Mimram


Ce rapport d’étude interroge la légitimité de la maquette aujourd’hui et en particulier dans le second cycle de l’école d’Architecture de la Ville et des Territoires à Marne-la-Vallée. Une courte étude historique sur l’utilisation de la maquette, à l’Antiquité, à la Renaissance et pendant le Mouvement Moderne, la restitution des interviews de d’Eric Lapierre, de Florence Lipsky, de Jacques Lucan, de David Mangin, de Marc Mimram, de Patrick Rubin et de PierreAlain Trévelo, les explorations photographiques des ateliers de master et les illustrations des résultats du compte rendu d’un questionnaire fait aux élèves du second cycle on été réuni dans ce document, support permettant la compréhension de la place accordée à la maquette au sein du second cycle à l’ENSAVT. Est-elle encore utile aujourd’hui, alors que les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans l’architecture ? Qu’a t-elle à offrir d’irremplaçable ? Les étudiants la voient-ils du même œil que les enseignants ? Comment la fabrique-on, et qu’est ce qui la conditionne ? Ces questions, et bien d’autres, trouveront certainement leurs réponses dans ces éléments réunis.


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