Papiers d'Océanie - Le fonds Lesson : bibliothèques, archives et objets

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Papiers d’Océanie

Le fonds Lesson : bibliothèques, archives et objets


Préambule Ce texte est publié à l’occasion de l’exposition « Papiers d’Océanie, les voyages des frères Lesson », présentée à la Médiathèque de Rochefort – Corderie Royale, du 28 mars au 28 juin 2014. La coordination éditoriale de ce livre numérique a été réalisée par Olivier Desgranges, Conservateur des bibliothèques, directeur de la Médiathèque de Rochefort. Les textes ont pour auteurs :

Olivier Desgranges • • • • • • •

Introduction La « Bibliothèque des frères Lesson » Pratiques de lecture, pratiques d’écriture Des incunables polynésiens La Bible d’Orsmond La grammaire d’Hawaii aux Gambier Bibliographie

Claude Stefani

Conservateur des Musées municipaux de Rochefort

• Les frères Lesson, collecteurs d’objets du Pacifique Sabrina Crouy

Adjointe du patrimoine, secteur patrimoine de la Médiathèque de Rochefort

• La Bible d’Orsmond • Hokusai Manga • Notices du catalogue de l’exposition Claudine Baudon

Médiathèque de Rochefort

• « Sur les traces de Zarafa »

© Ville de Rochefort, 2014. Aucune reproduction même partielle ne peut être effectuée sans l’accord explicite de la Ville de Rochefort. ISBN :

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Sommaire

Introduction

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La « Bibliothèque des frères Lesson »

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Inventaires et composition

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La bibliothèque de R.-P. Lesson

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Une bibliothèque de naturaliste ?

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La bibliothèque de P.-A. Lesson

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Ex-libris et modes d’acquisition

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Des manuscrits inédits

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Pratiques de lecture, pratiques d’écriture

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Traductions, marginalia, inserts...

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De la navigation bibliothécaire

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Trajectoires d’objets

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Des « incunables » polynésiens

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La Bible d’Orsmond

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La grammaire d’Hawaii aux Gambier

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Sur les traces de Zarafa

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Hokusai Manga

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Les frères Lesson, collecteurs d’objets du Pacifique

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Bibliographie

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Catalogue de l’exposition « Papiers d’Océanie »

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Introduction

Le 16 mai 1888 s’éteint dans la discrétion Pierre-Adolphe Lesson, médecin et chirurgien de Marine formé à l’Ecole de santé navale de Rochefort et grand voyageur. Ses volontés testamentaires sont claires : toute sa bibliothèque, ses manuscrits et l’ensemble des objets collectés lors de ses différents séjours en Océanie sont légués à la ville de Rochefort. Cet ensemble très cohérent, au sein duquel les récits de voyage inédits permettent de documenter les objets et où la bibliothèque fournit l’environnement intellectuel de la composition des manuscrits, est un exemple unique en France de legs complet, clairement identifiable, dans le domaine de l’histoire et de l’anthropologie du Pacifique Sud1. Pierre-Adolphe Lesson est né le 24 mai 1805 à Rochefort. Il entre à l’Ecole de Médecine navale de Rochefort le 16 mai 1821. Il est élève chirurgien d’avril 1823 à mai 1824, profitant du système des « élèves entretenus », grâce auquel les jeunes gens de milieu modeste pouvaient accéder aux fonctions d’officier de santé navale. Il gravit ensuite les échelons en tant que chirurgien de Marine, finissant sa carrière comme 2e chirurgien en chef colonial (octobre 1846), avant de prendre une retraite anticipée pour des raisons de santé en 1850. Il passe donc trente-huit ans à Rochefort en tant que naturaliste et chirurgien retraité. Ces longues années, durant lesquelles la France poursuit et développe son projet de domination coloniale en Afrique, en Indochine et dans l’hémisphère sud, Lesson les met à profit pour réviser, compléter et réécrire ses notes de voyage. Entre 1827 et 1850, Lesson participe en effet à quatre grands voyages maritimes. Il séjourne aussi durant plusieurs années, entre 1843 et 1849, aux îles Marquises et à Tahiti, en tant que chef du service de santé des établissements français d’Océanie (EFO). Dès 1827, à seulement 21 ans, il est engagé comme botaniste à bord La Bibliothèque du Muséum d’Histoire naturelle à Paris, où est déposé l’essentiel des archives et des documents imprimés issus des grands voyages scientifiques français de la première moitié du XIXe siècle, ne conserve aucune bibliothèque entière de voyageur ou d’anthropologue. Il en va de même de la Médiathèque du Musée du Quai Branly, qui ne conserve que les résidus de certaines grandes bibliothèques d’anthropologues du XIXe siècle, comme celles d’Armand de Quatrefages (53 volumes seulement) ou de Paul Topinard (49 volumes), sauvées des combles du Musée de l’Homme dans les années 2000. 1

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de l’Astrolabe, corvette commandée par Jules Dumont d’Urville, pour un voyage d’exploration scientifique placé sous les auspices de la Marine et du Muséum National d’Histoire Naturelle. Ce voyage permet à Lesson de naviguer une première fois dans les eaux du Pacifique Sud, séjournant en Australie et en Nouvelle-Zélande, abordant Tonga, les Fidji et la Papouasie. Lesson navigue ensuite sur le brick le Hussard lors d’une campagne militaire d’intimidation menée par les forces françaises au Mexique et près des côtes antillaises, puis à bord du Pylade (1839-1842), lors d’une mission liée au contrôle du blocus du Rio de la Plata, en Argentine. Ce dernier voyage l’amène encore une fois, dans le cadre de l’aide apportée par le gouvernement français aux missionnaires catholiques établis dans les îles du Pacifique Sud, à séjourner plusieurs mois à Tahiti, dans l’archipel des Gambier, aux Marquises et à Hawaii. Pierre-Adolphe Lesson est donc l’un meilleurs témoins de l’expansion française dans le Pacifique au cours de la première moitié du XIXe siècle. Sa formation de chirurgien naturaliste le porte naturellement à l’observation et cette tendance est renforcée par un goût personnel affirmé pour l’écriture. Il accumule ainsi plusieurs milliers de pages manuscrites d’observations, des journaux de voyage, des notes médicales… Ce gigantesque travail d’écriture, œuvre pionnière de l’anthropologie océanienne, reste largement inédit. P.-A. Lesson n’a fait paraître de son vivant que quelques articles dans des revues, et un ouvrage intitulé Les Polynésiens, publié par Leroux entre 1880 et 1884, dans lequel il tente de synthétiser ses connaissances en proposant une vision d’ensemble de l’espace océanien. Cette importante matière première (près de 20 000 feuillets manuscrits inédits) constitue une partie du legs de 1888. L’engagement de Pierre-Adolphe Lesson dans la carrière d’officier de santé navale ne doit rien au hasard. Il est en effet le frère cadet d’un des

Pierre-Adolphe Lesson, vers 1880

René-Primevère Lesson, en 1827 ©Médiathèque de Rochefort

©Médiathèque de Rochefort

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Détail. Etiquette « Don des frères Lesson » figurant sur la plupart des ouvrages légués par P.-A. Lesson. ©Médiathèque de Rochefort


Hôpital Maritime - Pavillon de l’Ecole de Médecine : Rochefort-sur-Mer [Carte postale] : 84 / Ch. Giambiasi. [ca. 1904]. Inv. CP 0959. ©Médiathèque de Rochefort

personnages les plus fameux de Rochefort au XIXe siècle, le pharmacien de Marine et naturaliste René-Primevère Lesson (1794-1849). Le plus jeune des deux frères Lesson vouait une grande admiration à son aîné, dont les travaux d’ornithologue font un savant de premier plan dans les années 1820. A Paris, René-Primevère Lesson est en contact avec les plus prestigieux savants du Muséum ; il correspond avec Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, participe aux travaux et aux publications collectives d’Adriano Balbi ou de Bory de Saint Vincent. Contrairement à son frère cadet, il publie beaucoup : des ouvrages scientifiques en tant que zoologue ou botaniste, ses recherches sur l’histoire saintongeaise… Il effectue, en tant que médecin de bord et botaniste, un voyage d’exploration autour du monde à bord de la Coquille, sous le commandement de Duperrey, entre 1822 et 1825. Il publie le récit de ce voyage chez Pourrat en 1839. De retour à Rochefort, il sert comme pharmacien de marine de première classe et comme enseignant à l’Ecole de Médecine navale de Rochefort. Notable reconnu, il siège au conseil municipal de Rochefort de 1837 à 1848. Au cours des vingt-quatre années passées à Rochefort comme pharmacien, homme public, correspondant de sociétés savantes et professeur, RenéPrimevère Lesson accumule un grand nombre de livres dans sa bibliothèque personnelle. Ces livres forment la deuxième partie du legs de son frère et peuvent assez aisément être rattachés à leur premier propriétaire, une 6


copie de l’inventaire après-décès de René-Primevère Lesson étant conservé aux archives municipales de Rochefort. Ces livres constituent, au sein du legs de 1888, la partie la plus importante quantitativement, mais aussi l’ensemble contenant la plupart des livres publiés avant le XIXe siècle, et par conséquent l’écrasante majorité des ouvrages les plus précieux. Les deux frères Lesson ont vécu à des époques à la fois communes et différentes. Né onze ans plus tôt que son cadet, René-Primevère est décédé trente-neuf ans avant celui-ci. Pierre-Adolphe Lesson a traversé dans sa vie six régimes politiques différents. Sur le plan scientifique et technique, il fut témoin d’évolutions majeures de la société française, ce qui explique en partie la présence dans la bibliothèque de livres fort hétérogènes. Il est certain, par ailleurs, que le plus jeune des deux frères Lesson, qui vécut longtemps dans l’ombre de son illustre frère, avait un caractère ombrageux et n’était pas aussi sociable que son aîné. Les différences de tempérament et d’opinions politiques entre les deux frères sont révélées par leur correspondance. Ils accueillent ainsi l’avènement de la Seconde

Vue d’une partie du village de Matavae, île de Taïti. Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey. Gravure d’Ambroise Tardieu d’après Lejeune et Chazal, Paris, Arthus Bertrand, 1826, Inv. n°3179. ©Médiathèque de Rochefort

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République, en 1848, de manière totalement opposée, Pierre-Adolphe appelant de ses vœux les changements les plus radicaux, tandis que son frère s’effarouche devant les soulèvements ouvriers à Rochefort. Pierre-Adolphe est à la fois républicain, franc-maçon, membre de la Société de Géographie de Rochefort, positiviste. René-Primevère, dans les dernières années de sa vie, est ruiné et a subi plusieurs drames familiaux, faisant face aux décès successifs de sa femme et de ses deux filles. Il est politiquement réactionnaire, conchiant à la fois la République et la Monarchie de Juillet, symboles à ses yeux de tous les déshonneurs. Les ouvrages publiés après 1849, traitant souvent de sujets différents ou d’une approche plus contemporaine, ont été acquis par Pierre-Adolphe et forment le troisième ensemble du legs. Parmi ceux-ci, on trouve des romans, des ouvrages techniques, des livres sur l’Océanie, ou encore les grands textes de « l’anthropologie » du XIXe siècle. Enfin, la quatrième et dernière partie du legs de P.-A. Lesson est constituée des objets collectés lors de ses voyages et séjours en Océanie. Cette collection, l’une des plus importantes en France dans le domaine océaniste, est aujourd’hui conservée au Musée d’art et d’histoire de Rochefort. Le legs de Pierre-Adolphe Lesson est donc un ensemble à la fois rare et très structuré. Ce fonds est un riche cas d’étude pour comprendre le travail scientifique au XIXe siècle, dans le cadre de l’anthropologie naissante. Il peut en effet être appréhendé comme une véritable archive générale de

La place d’armes, lithographie de Lebreton.- Paris : Langlumé, [ca 1858] (Impr. Auguste Bry), Inv. IGE 2082 TP. ©Médiathèque de Rochefort

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Tahiti en 1840. Lithographie d’après un dessin de Moerenhout, Voyage autour du monde sur la frégate la Vénus, Abel Du Petit-Thouars, Paris, 1840. Inv.n° 2143. ©Médiathèque de Rochefort

la recherche anthropologique sur le Pacifique Sud. De ce point de vue, la constitution et l’utilisation de la bibliothèque dans les travaux – publiés ou inédits- des frères Lesson peuvent fournir des renseignements précieux sur le poids de la tradition livresque dans la conception du monde développée par les savants issus de la Marine. La constitution d’une bibliothèque renvoie au parcours de son possesseur, aux lieux visités, au commerce de librairie, aux documents donnés, reçus en cadeau, à titre officiel ou échangés (et donc aux cercles de sociabilités savantes), mais aussi bien entendu aux centres d’intérêt et aux domaines de recherche du propriétaire des livres. Les usages de la bibliothèque (annotations, insertions de manuscrits, mise en fiche, résumés, constitution de recueils factices, traductions personnelles, regroupements dans des classements…) matérialisent à la fois des manières de travailler et le degré de familiarité du savant avec certains textes, dont le lecteur est ensuite susceptible de retrouver la trace dans les propres écrits du propriétaire de la bibliothèque. Des études récentes, comme celles de Christian Jacob ou de Jean-François Bert sur la bibliothèque personnelle de Marcel Mauss, ont démontré l’importance de la bibliothèque et des pratiques de lecture dans la genèse des travaux scientifiques, notamment dans le domaine anthropologique, où le privilège de la notion de « terrain » n’est apparu qu’assez tardivement au 9


XXe siècle. Les liens entre manuscrits et imprimés, entre dessins et atlas, ou entre objets et écrits, donnent un aperçu des stratégies de travail et des mutations des sciences naturelles et de l’ethnologie, telles que les pratiquèrent les frères Lesson tout au long du XIXe siècle. Les trajec toires de cer tains documents forment un autre objet d’étude susceptible de fournir des informations précises sur la valeur accordée au livre, sur ses modes de circulation et sur son statut au sein de la bibliothèque. On trouve ainsi des ouvrages passés de la bibliothèque de Lamarck à celle du chevalier Dupetit-Thouars, et enfin à celle des frères Lesson ; d’autres ont été pris dans la bibliothèque de la Marine. Certains, reçus en don, sont couverts de notes, tandis que d’autres, pourtant prestigieux, n’ont pas été ouverts. Quelques livres, enfin, ont manifestement été rapportés du Pacifique Sud pour leur lien avec l’histoire et la culture autochtone. Ils s’apparentent en cela aux objets collectés pour témoigner des cultures rencontrées.

Papeete, 12 avril 1846. Lettre manuscrite de P.-A. Lesson à son frère. Lettres familières, volume 2. Ms 00037 ©Médiathèque de Rochefort

Touchant l’histoire du Pacifique Sud, le fonds Lesson est un prodigieux concentré de tous les foyers où ont été fabriquées les représentations européennes des peuples et cultures océaniennes. Le fonds est en effet un mélange d’expériences de terrain, de grands récits fondateurs (Cook, Bougainville, White…), de publications scientifiques du XIXe siècle, de conférences et tirés à part illustrant les débuts de la phrénologie et du racisme pseudo-scientifique. Il comprend également les premières synthèses des années 1870, œuvres des missionnaires ou des administrateurs coloniaux. En ce domaine, sa composition permet de dégager à la fois les mutations et les continuités dans la vision de l’Océanie, vision qui se développe tout au long du XIXe siècle et dont les grandes lignes perdurent par bien des aspects dans les représentations contemporaines.

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La valeur certaine de ce fonds nous a amenés à conduire, depuis plusieurs années, un travail d’inventaire, de signalement dans les catalogues nationaux, de numérisation et de valorisation, dont un premier aboutissement est l’exposition « Papiers d’Océanie », présentée à la Médiathèque de Rochefort du 28 mars au 28 juin 2014. Cette exposition s’accompagne de quatre publications : outre le présent ouvrage, deux textes inédits de Pierre-Adolphe Lesson sont publiés pour la première fois, sous la forme de livres numériques : Introduction à tous mes voyages et Séjour à Tahiti et aux Marquises. La Ville de Rochefort publie par ailleurs, en version papier et en co-édition avec les Petites Allées, « Rochefort, Océanie », deux lettres inédites des frères Lesson. Le lecteur désireux de découvrir le style de Pierre-Adolphe Lesson et la nature des renseignements sur l’Océanie qu’il est susceptible de livrer aux chercheurs, est invité à se reporter à ces trois dernières publications, dont on espère qu’elles inciteront à s’intéresser davantage au trésor que constitue le fonds Lesson.

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La « Bibliothèque des frères Lesson »

Inventaires et composition Le legs Lesson est intégré à la Bibliothèque municipale de Rochefort en 1888. L’inventaire est réalisé par Antoine Poinot, ancien professeur faisant office de bibliothécaire municipal. Il est assisté, à partir de 1892, par Pierre Capoulun, ce qui explique sans doute la présence de deux écritures distinctes sur les registres d’inventaire. Notons que cet inventaire a été faussement attribué à Léon Ardouin, médecin de Marine proche de P.-A. Lesson. Mais Ardouin, désigné par Lesson par voie testamentaire pour trier et évaluer ses manuscrits, ne débuta son travail à la bibliothèque qu’en 1892 comme bibliothécaire adjoint, avant de recevoir la charge des collections municipales en 1906. Les instruments de recherche qui permettent aujourd’hui de connaître le contenu de la bibliothèque des frères Lesson sont le catalogue de la Médiathèque de Rochefort et le Catalogue Collectif de France, dans lequel une partie des manuscrits et tous les imprimés du fonds Lesson sont signalés. La création de ces instruments a reposé sur l’exploitation de différentes strates d’inventaire, dont les principales sont l’inventaire après-décès de R.-P. Lesson, l’inventaire « Poinot-Capoulun » du legs Lesson, le catalogue de vente de la bibliothèque de feu R.-P. Lesson publié en 1860. Certains ouvrages conservés à la Médiathèque de Rochefort portent des marques d’appartenance ou une étiquette « don des frères Lesson » sans figurer dans aucun des ces catalogues. Les données qui suivent reposent sur le catalogage informatisé du fonds et permettent de définir précisément le profil de la bibliothèque d’imprimés léguée en 1888. La bibliothèque se compose de 1797 volumes : 1204 volumes semblent avoir appartenu d’abord à René-Primevère Lesson et 593 volumes figuraient sans doute à l’origine dans la bibliothèque de son frère cadet.

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Les 1797 volumes correspondent à 1131 titres différents. La répartition des titres par période d’édition est la suivante : XVIe siècle : 4 titres XVIIe siècle : 20 titres XVIIIe siècle : 152 titres 1800-1811 : 59 titres Soit 235 titres antérieurs à 1811 1811-1887 : 896 titres Remarquons que 875 titres sur 1131 ont été publiés avant l’année 1849 et sont donc susceptibles d’avoir été intégrés à la bibliothèque par RenéPrimevère (mort en 1849) comme par Pierre-Adolphe.

Le chef palou. Lithographie de Arnout fils d’après Louis de Sainson Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville, Paris, J. Tastu, 183, Inv. n°3164. ©Médiathèque de Rochefort

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Une estimation de la répartition des titres par thème montre clairement les préoccupations des propriétaires de la bibliothèque : Voyages : environ 300 titres Médecine et sciences naturelles (botanique, zoologie, pharmacie…) : environ 200 titres Océanie, Pacifique Sud : 107 titres Littérature : 105 titres dont 35 romans Langues, dictionnaires, vocabulaires : environ 100 titres Ethnologie, mœurs et coutumes : 57 titres Histoire locale : 30 titres Physique, Chimie : 23 titres Philosophie : 17 titres Religion, Bibles : 14 titres Géographie, atlas : 14 titres Les connaissances géographiques, ethnologiques et linguistiques de territoires et de populations éloignées d’Europe constituent clairement le noyau de la bibliothèque, même si la partie relative aux sciences naturelles et à la médecine n’est que le reliquat d’un fonds beaucoup plus riche. Les lieux d’édition des ouvrages renseignent également sur les centres d’intérêt des frères Lesson : Paris : 772 Rochefort : 81 Londres : 40 (dont 4 au XVIIIe siècle) La Rochelle : 16 Poitiers : 12 Niort : 9 Tahiti : 8 Saintes : 6 Lyon : 4 Berlin : 2 Hawaii : 1 Sydney : 1 Autres : 175 On note la présence de nombreux livres publiés dans la région, qui signalent l’engagement de René-Primevère Lesson pour préserver et valoriser le patrimoine d’Aunis et de Saintonge, mais aussi l’appartenance de son frère aux sociétés savantes locales (Société de Géographie de Rochefort notamment). Les ouvrages publiés à Londres concernent, pour la plupart, l’Océanie. Enfin, sur les 8 titres publiés à Tahiti, 7 sont des « incunables » sortis des presses dans les années 1820 et rapportés de Tahiti par R.-P. Lesson.

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La bibliothèque de R.-P. Lesson Signe que le legs de 1888 comprenait bien deux bibliothèques, PierreAdolphe Lesson proposa plusieurs fois à la vente des ouvrages de la bibliothèque de son frère. En 1860, il fit même éditer à Limoges, chez Ducourtieux, un fascicule de trente-quatre pages intitulé Bibliothèque de Feu R.-P. Lesson à vendre en totalité ou en partie. Ce catalogue montre que P.-A. Lesson, héritier de son frère, composait sa propre collection et n’attachait pas forcément beaucoup d’importance à celle de René-Primevère, n’hésitant pas à proposer l’intégralité du fonds à la vente. Il confirme qu’il est impropre de parler de la « bibliothèque des frères Lesson ». Le catalogue comporte 1207 entrées réparties dans des rubriques à la manière des libraires. On dénombre 279 livres de voyage, dont 35 pour l’Océanie (tous les livres « océaniens » sont présents dans le fonds actuel). Parmi les livres décrits dans la rubrique « voyages », on note la présence d’un manuscrit copié sur le manuscrit du journal de Vivez, chirurgien rochefortais embarqué avec Bougainville. Ce manuscrit n’est pas inventorié dans les collections de la médiathèque de Rochefort et a donc certainement été cédé. Le catalogue montre également que la bibliothèque de l’aîné des frères Lesson comportait de très nombreux titres médicaux (128 ouvrages) et surtout scientifiques : plus de 500 titres qui couvrent toutes les branches des sciences naturelles, de l’ornithologie aux mollusques en passant par les « généralités » et la botanique. Parmi ces 500 titres, on peut estimer qu’environ la moitié a été vendue ou dispersée. Dans les ouvrages dispersés, on trouve des livres de Cuvier, de Bory de Saint-Vincent, des ouvrages ayant appartenu à Abel Dupetit-Thouars, un traité du XVIe siècle, et de très nombreux titres de botanique et d’ornithologie publiés entre 1780 et 1840, deux disciplines qui étaient les grandes spécialités de R.-P. Lesson. La partie littéraire de la bibliothèque de R.-P. Lesson est assez conventionnelle : Chateaubriand, La Fontaine, Montaigne et des ouvrages d’édification ou de vulgarisation comme le Manuel de philosophie du très académique Charles Renouvier font partie de cet ensemble. La plupart des éditions sont des éditions courantes, hormis une édition des Provinciales de Pascal publiée à Bruxelles sous une fausse adresse en 1684. Les auteurs plus subversifs ont donc du entrer par Pierre-Adolphe (à moins que celui-ci n’ait pas souhaité les inclure dans la liste des ouvrages mis en vente en 1860), puisque le fonds Lesson inclut aujourd’hui des titres comme les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos dans la rare seconde édition de 1784, ou encore La Vie de Jésus d’Ernest Renan. De nombreux livres sont certainement entrés dans la bibliothèque en tant qu’exemplaires d’auteur, l’aîné des Lesson ayant participé à de grandes publications collectives : résultats officiels du voyage de la Coquille, ouvrages d’ethnologie et de linguistique d’Adriano Balbi… 15


Les atlas et récits de voyages scientifiques ou d’exploration sont presque tous présents dans le fonds, notamment les voyages français : Bougainville, La Pérouse, D’Entrecasteaux, Baudin, Freycinet, Dumont d’Urville, Dupetit-Thouars… La présence des publications, souvent imposantes, des résultats des expéditions françaises, n’est pas surprenante : les membres des voyages scientifiques embarquaient en effet avec eux les livres des voyages précédents pour guider leurs recherches, et parfois pour corriger les données compilées par leurs prédécesseurs. Par exemple, certaines planches volantes du voyage de l’Uranie (1817-1820) figurant dans le fonds Lesson portent la mention manuscrite: « planche ayant voyagé à bord de l’Astrolabe ». On trouve également dans la bibliothèque quelques ouvrages liés aux voyages de la Marine russe au tout début du XIXe siècle : voyages de Krusenstern sur la Nadjedjeda (1803-1806) et de Kotzebue sur le Rurik (1815-1818). Pour ce dernier voyage, l’atlas de planches dessinées par Louis Choris figure dans la collection, très probablement acheté par un des deux frères.

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Une bibliothèque de naturaliste ? Peut-on parler, touchant la bibliothèque léguée par P.-A. Lesson, d’une « bibliothèque de naturaliste » ? Pour être assuré de cette caractérisation, il faudrait avoir des points de comparaison possibles. Or, les bibliothèques de naturalistes et de voyageurs actifs entre 1750 et 1850 sont rarement parvenues entières jusqu’à nous. Il est ainsi très difficile d’avoir une idée du contenu des bibliothèques de Cuvier, de Buffon, de Dumont d’Urville ou de Duperrey. Les inventaires après-décès n’étant pas systématiquement archivés au XIXe siècle, nous ne disposons souvent d’aucun instrument susceptible d’offrir une connaissance précise des bibliothèques comme outils de travail des naturalistes. La majorité de celles-ci ont été dispersées ou intégrées à des collections sans identification des provenances, ce qui semble avoir été le cas, par exemple, au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris.

Naturalists Johann Reinhold Forster and his son Georg Forster in Tahiti. Tableau de John Francis Rigaud.

Le cas de la bibliothèque de Georg Forster (1754-1794) est peut-être le seul cas de bibliothèque de savant dont on connaisse précisément le contenu et qui soit comparable à celle léguée par P.-A. Lesson. Forster a participé, en tant qu’assistant de son père Johann Reinhold Forster, au second voyage d’exploration de James Cook (1772-1775). De par sa formation de naturaliste, son père était chargé de la partie botanique du voyage. Mais l’apport de Georg Forster va au-delà de la botanique : il recueille de nombreuses observations ethnologiques et s’intéresse de près aux langues et aux coutumes. Son récit, A Voyage round the world in His Britannic Majesty’s sloop Resolution, est publié à Londres en 1777. En tant qu’écrivain voyageur, naturaliste de formation, et de par son grand intérêt pour l’observation des mœurs et coutumes, Forster présente un profil similaire à celui des frères Lesson, même si la deuxième partie de sa vie le conduira à privilégier l’engagement politique et philosophique auprès des révolutionnaires français, plutôt que les recherches « océanistes ». La bibliothèque personnelle de Georg Forster fut dispersée en 1797 dans

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une vente publique qui dura plusieurs jours2. L’ensemble comportait 1011 titres, soit 120 de moins que celui légué par P.-A. Lesson. On y retrouve une base commune : le savoir sur lequel reposent les sciences naturelles à la fin du XVIIIe siècle. Les livres de Camper, de Linné, de Gmelin ou de Blumenbach appartiennent aussi bien à la bibliothèque de Forster qu’à celle de Lesson. De nombreux récits de voyage sont également dans les deux fonds : Rochon, Forrest, Coreal, Anson, Bartram, les voyages de Cook et de Bougainville, ou encore les voyages des Hollandais aux Indes orientales. Nonobstant l’important fonds d’ornithologie et de zoologie du XIXe siècle, la bibliothèque de René-Primevère Lesson semble donc avoir été très proche de celle de Forster. Le savoir accumulé dans ces bibliothèques forme en quelque sorte le socle épistémologique de « l’histoire

Tombeau près de Doreri, Nouvelle-Guinée. Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825, publié par M. L. I. Duperrey, Paris, Arthus Bertrand, 18261830. Inv. n°3179. ©Médiathèque de Rochefort

Lire l’article de Hans-Jürgen Lüsebrink et de Rolf Reichhardt, « L’univers livresque d’un philosophe allemand. Libraires, livres et lectures de Georg Forster », in Le livre et l’historien, études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, Paris, Droz, 1997. 2

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naturelle », dont Michel Foucault a montré qu’elle était un des traits caractéristiques de la science à l’âge classique. On retrouve aussi dans les deux bibliothèques les titres représentatifs du discours sur l’homme au XVIIIe siècle. Par exemple les ouvrages suivants, qui constituent une véritable bibliographie « anthropologique » du XVIIIe siècle : Mœurs des sauvages américains, comparées aux mœurs des premiers temps, Joseph-François Lafitau, Paris, Saugrain, 1724. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, JeanJacques Rousseau, Amsterdal, Rey, 1755 (Lesson possède l’édition Furne de 1835) Du culte des Dieux fétiches, ou parallèle de l’ancienne religion de l’Egypte avec la religion de l’actuelle Nigritie, Charles de Brosses, Paris, 1760.

Frontispice de Relation d’un voyage dans la mer du Nord, aux côtes d’Islande, du Groenland, de Ferro, de Schettland ; des Orcades & de Norwége ; fait en 1767 & 1768. Par M. de Kerguelen Trémarec. A Amsterdam et à Leipzig, chez Arkstée & Merkus, 1772. Inv. n° 15450. ©Médiathèque de Rochefort

L’esprit des usages et des coutumes des différens peuples, ou Observations tirées des voyageurs & des historiens, Jean-Nicolas Demeunier, Londres, Paris, Pissot, 1776. Monde primitif, analysé et comparé avec le monde moderne, considéré dans l’histoire naturelle de la parole, Antoine Court de Gébelin, Paris, 1778. Lesson possède également ces deux titres, tout à fait homogènes à la science du XVIIIe siècle :

Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825, publié par M. L. I. Duperrey, Paris, Arthus Bertrand, 1826-1830. Inv. n°3179. ©Médiathèque de Rochefort

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Histoire naturelle du genre humain, J.-J. Virey, Paris, J. Dufart, An IX (1800) De l’unité du genre humain, et de ses variétés, ouvrage précédé d’une lettre à Joseph Banks, Paris, Allut, An XIII (1804). En revanche, le legs ne comprend étrangement aucune publication liée à l’activité de la Société des Observateurs de l’Homme (aucun titre de Joseph-Marie de Gerando), alors même que l’approche des populations développée par Pierre-Adolphe Lesson dans ses manuscrits s’apparente souvent à celle de la Société. Le fonds Lesson, néanmoins, comporte bien des ouvrages qui échappent à « l’épistémé » naturaliste. Quelques-uns de ces livres curieux ont effectivement appartenu à René-Primevère. Revenu à Rochefort dans les années 1830, celui-ci s’intéresse au fouriérisme, auquel il est peut-être sensibilisé par l’activisme de Nicolas Lemoyne. Lemoyne, ingénieur des Pont et Chaussées en poste à Rochefort à partir de 1832, entretient une correspondance avec Fourier et ses disciples parisiens et ne ménage pas ses efforts pour diffuser la littérature fouriériste ; il demande par exemple

Tikopia et Vanikoro. Lithographies de Lemercier d’après Louis de Sainson. Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 18261827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville, Paris, J. Tastu, 183, Inv. n°3164. ©Médiathèque de Rochefort

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à Fourier deux exemplaires du Nouveau monde industriel avec l’intention de déposer l’un d’eux à la bibliothèque de l’hôpital de la marine à Rochefort. Il multiplie les contacts avec les officiers rochefortais. Il est donc tout à fait probable que René-Primevère Lesson, en charge de la pharmacie de la Marine, ait été en relation avec Lemoyne, ce qui expliquerait la présence dans sa bibliothèque de trois textes de Fourier et de différents opuscules de Lemoyne, Paget et Transoni3. L’aîné des Lesson, élu municipal, porte également une attention particulière aux « questions sociales » telles que le bagne ou l’éducation des jeunes filles, comme le prouve la présence d’ouvrages traitant de ces questions. Par ailleurs, la bibliothèque de Pierre-Adolphe Lesson se distingue de celle de son frère par des orientations nettement différentes et par la présence d’ouvrages appartenant à une autre période de l’histoire scientifique.

Danse des îles des amis, en présence de la reine Tiné. Gravure de Dien d’après un dessin de Piron. Atlas pour servir à la relation du voyage à la recherche de La Pérouse, par Labillardière, Paris, Dabo, 1817. Inv. n° 1493D. ©Médiathèque de Rochefort

Voir l’article de Bernard Desmars, « Être fouriériste en province. Nicolas Lemoyne, propagandiste du Phalanstère », Cahiers Charles Fourier, 1996 / n° 7 , en ligne : http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article28 (consulté le 28 février 2014). 3

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La bibliothèque de P.-A. Lesson 252 titres de la bibliothèque ont été publiés après 1849 (année du décès de R.-P. Lesson) : ces ouvrages ont forcément été achetés ou reçus en don par Pierre-Adolphe Lesson. Parmi ces 252 titres, quatre grands ensembles se dégagent nettement et permettent de comprendre clairement quels étaient les centres d’intérêt de P.-A. Lesson durant sa retraite rochefortaise : les ouvrages littéraires, les récits de voyage non scientifiques destinés au grand public, les « manuels » océanistes et enfin les ouvrages d’ethnologie. Dans la première catégorie, on trouve Stendhal, Eugène Sue, Jules Verne, Zola, ou encore Pierre Loti 4, preuve que Lesson lisait ou s’intéressait à la production littéraire sans discriminer les genres

Maison sacrée du village de Dorey. Lithographies de Lemercier d’après Louis de Sainson. Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville, Paris, J. Tastu, 183, Inv. n°3164. ©Médiathèque de Rochefort

Lesson possède Le Roman d’un spahi (1882), Mon frère Yves (1883) et Les trois dames de la Kasbah (1884). Bien qu’il soit hautement probable que les deux Rochefortais se soient rencontrés, nous ne disposons à ce jour d’aucun élément matériel permettant d’affirmer l’existence d’une relation entre les deux hommes. 4

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Page de garde de Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

Frontispice de Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

©Médiathèque de Rochefort

©Médiathèque de Rochefort

nouveaux et les auteurs contemporains. Dans la deuxième catégorie, figurent les récits d’Ida Pfeiffer, ceux de Jules Garnier. Ces livres furent diffusés largement et bénéficièrent de l’engouement du public pour les voyages et l’exotisme. On peut supposer que P.-A. Lesson, qui désirait fortement faire publier ses journaux, suivait ces publications de près, n’hésitant d’ailleurs pas à en critiquer certains aspects trop frivoles à son goût. Dans la troisième catégorie, on trouve le cœur véritable de la bibliothèque de P.-A. Lesson, ses instruments de travail quotidiens, qui complètent les atlas et les récits de voyage du XVIIIe siècle présents dans la bibliothèque de son frère. La liste des ouvrages scientifiques ou des « manuels » portant sur l’histoire ou la géographie de l’Océanie donne une idée de l’attention portée par Lesson à un champ éditorial pourtant très limité au XIXe siècle. Il acquiert en effet une dizaine de titres en anglais entre 23


1850 et 1880, principalement des textes traitant de linguistique ou d’ethnologie : ouvrages de George Grey, de Shortland, de Pritchard et de Fornander, dictionnaires… Il se procure également la plupart des récits océaniens en français, comme celui de Max Radiguet aux Marquises dans son édition originale de 1860, ou comme le « roman canaque » d’Henri de Rochefort, L’Evadé. Il achète aussi des synthèses : l’Océanie nouvelle d’Alfred Jacob, publiée par les frères Lévy en 1861, ou Quatre années en Océanie d’Antoine Foleÿ. Cet ensemble montre que P.-A. Lesson se percevait lui-même comme un spécialiste de l’Océanie qui accordait une importance particulière à l’étude des langues, notamment dans le cadre de ses études sur les théories des migrations et du peuplement de la Polynésie. Parallèlement, il cherche par ses lectures à se tenir au courant des développements contemporains de l’ethnologie et des sciences de l’homme. Il lit –passionnément- Armand de Quatrefages, premier titulaire d’une chaire d’anthropologie au Muséum, comme le montrent les annotations souvent très fournies contenues dans les livres de cet auteur. On peut comparer la liste des titres d’ethnologie possédés par PierreAdolphe Lesson avec celle, citée plus haut, des livres de son frère : Les races humaines, Louis Figuier, Paris, Hachette, 1872 Hommes fossiles et hommes sauvages, Armand de Quatrefages, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1884. Voyage d’un naturaliste autour du monde, Charles Darwin, Paris, C. Reinwald, 1875.

The war dance. Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

Bustes de Dumoutier. Planche extraite de l’Atlas d’anthropologie du Voyage au Pôle Sud et dans l’Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée, 18421847, Inv. n° 2445.

©Médiathèque de Rochefort

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L’anthropologie, Paul Topinard, Paris, C. Reinwald, 1875. L’homme, Gabriel de Mortillet, Paris, Doin, 1884. Des races humaines, ou éléments d’ethnographie, Jean-Baptiste Omalius d’Halloy, Paris, P. Bertrand, 1845. Etudes de linguistique et d’ethnographie, Abel Hovelacque, Paris, C. Reinwald, 1878. Le darwinisme et les générations spontanées, Darius Rossi, Paris, C. Reinwald, 1870. On note la présence importante de livres édités par Charles Reinwald dans les années 1870, à un moment où l’anthropologie se détache des sciences naturelles pour chercher à délimiter un domaine de recherche spécifique. Depuis sa retraite rochefortaise, P.-A. Lesson suit à distance les passes d’armes constitutives des débuts de l’anthropologie française : fondation de la revue L’Homme par Gabriel de Mortillet, polémiques avec Paul Topinard autour de la succession de Paul Broca et militantisme des matérialistes pour chasser de l’anthropologie toute forme de « métaphysique » héritée de l’histoire naturelle et du XVIIIe siècle. Sur le plan philosophique, la bibliothèque, relativement peu étoffée, comprend deux ouvrages du médecin et théoricien Ludwig Büchner, dont Force et matière publié en 1865, toujours par Reinwald. Elle inclut aussi la Science de l’Homme de Gustave Flourens, preuve de l’intérêt de Lesson pour les opinions antireligieuses. La présence de tous ces livres confirme l’orientation intellectuelle de P.-A. Lesson vers le matérialisme, le positivisme et l’idéal laïc de la IIIe République.

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Ex-libris et modes d’acquisition Comment les livres de leurs bibliothèques ont-ils été acquis par les frères Lesson ? La réponse à cette question n’est pas aisée, mais quatre types d’entrées différents peuvent cependant être dégagés :

• • • •

les achats en librairie en France les achats lors de ventes de bibliothèques aux enchères les dons la « collecte » de documents lors de voyages

Vue d’une île dans le groupe Krusenstern. Dessin de Choris lithographié par Langlumé. Voyage pittoresque autour du monde, par M. Louis Choris, peintre. Paris, Firmin Didot, 1822, Inv. n° 3189. ©Médiathèque de Rochefort

Diplôme de membre de la Société cuvérienne decerné le 12 avril 1838 à René-Primevère Lesson ou Pierre‑Adolphe Lesson. ©Médiathèque de Rochefort

Fruit du cocotier. Dessin de Choris lithographié par Langlumé. Voyage pittoresque autour du monde, par M. Louis Choris, peintre. Paris, Firmin Didot, 1822, Inv. n° 3189. ©Médiathèque de Rochefort

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L’enterrement du Roy de la Mexique. Inv. n° 15884. ©Médiathèque de Rochefort

Concernant les achats en librairie, il n’est guère possible de dégager des données fiables, le nombre d’ouvrages portant des marques de libraire étant très faible. Les frères Lesson ont-il eu, comme d’autres savants, leur libraire attitré ? On sait que P.-A. Lesson était en relation avec Boucard, libraires et relieurs rochefortais auxquels il commande des reliures. Deux livres du fonds portent la marque de libraire de Boucard. L’étiquette du papetier Proust-Branday à Rochefort est également présente sur quelques ouvrages, dont un Dialecte de Tahiti publié en 1853 et annoté par Lesson. Notons que Rochefort compte sept points de vente du livre ou de la presse vers 1870 et qu’il devait donc être assez aisé pour P.-A. Lesson de se procurer, dans sa ville natale, les ouvrages publiés en France. Hors des exemplaires d’auteur déjà évoqués, les mentions manuscrites assimilables à des envois ou à des dédicaces permettent de donner une idée des entrées par don et par conséquent du réseau de relations des frères Lesson. On dénombre 69 mentions de ce type dans les ouvrages de la bibliothèque. Citons les auteurs de dédicaces suivants :

• Adriano Balbi : dédicaces à R.-P. Lesson et remerciements pour sa participation à ses ouvrages. • Jean-René Constant Quoy : un exemplaire des œuvres de Virgile, « donné à mon collègue M. Lesson, dans les récifs de Tongatabou, le 22 avril 1827 »

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• Paul Topinard : plusieurs livres envoyés et dédicacés à « M. le Dr A. Lesson » • John Orsmond : plusieurs dédicaces (voir plus bas le chapitre consacré à la « Bible d’Orsmond ») • Latour de Clamouze : don et dédicace d’une grammaire de Hawaii (voir plus bas le Dédicace de Paul Topinard (détail). chapitre sur « La grammaire ©Médiathèque de Rochefort d’Hawaii aux Gambier ») • Jules Rémy : A. M. le Dr. Lesson • Etienne Pros : dédicace à P.-A. Lesson du Discours prononcé à Rochefort au Comité Républicain le 13 avril 1848 • Le Comte Pouget : plusieurs titres publiés dans les années 1870, « à mon vieil Dédicace de Léon Ardouin (détail). ©Médiathèque de Rochefort ami Lesson » • Meschinet de Richemond, Henry Mériot, Charles Maher, Léon Ardouin, Joseph-Louis Lacurie, Edelstan Jardin : plusieurs textes dédicacés Dédicace de Louis Duperrey (détail). ©Médiathèque de Rochefort provenant de ces auteurs rochefortais ou proches de l’Ecole de médecine navale de Rochefort • Julien Girard de Rialle : dédicace à P.-A Lesson • Gama de Machado : Dédicace de Gama Machado (détail). dédicace à R.-P. Lesson ©Médiathèque de Rochefort • Bory de Saint-Vincent : dédicace à R.-P. Lesson • Alexander Fraser : dédicace de Daddy crip’s waifs : a tale of australian life and adventure, « A Monsieur le Docteur Lesson, Noël 1886 »

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• Louis Duperrey : dédicace de l’ouvrage Observations du pendule invariable • Gustave Cambon (éditeur du Traité de la paix de l’âme dans la Bibliothèque choisie des auteurs protestants) : dédicace à Lesson • Julien Desjardins (secrétaire de la Société d’Histoire naturelle de l’île Maurice) : dédicace d’un texte publié en 1836 à Port-Louis, île Maurice : « A M. Lesson aîné, 18 octobre 1836 »

Dédicace de Jean-René Constant Quoy (détail). ©Médiathèque de Rochefort

Il existe quelques livres dédicacés à d’autres que les frères Lesson : ces ouvrages font partie de la catégorie des livres achetés en librairie ou lors de ventes de bibliothèques de savants. Ainsi, on repère un livre originellement dédicacé à Lacépède, un autre à Walpole… L’étude des ex-libris, que nous ne pouvons approfondir ici, fournit quelques informations sur les précédents propriétaires des livres et sur leur provenance. On répertorie 36 ex-libris déchiffrés à ce jour. Parmi ceuxci, un très faible nombre peuvent être reliés, par hypothèse seulement, à des ventes de bibliothèque ayant eu lieu à l’époque où les frères Lesson étaient susceptibles de participer à des ventes aux enchères. Citons les ouvrages suivants : Bigot de Preameneu Voyage de Samuel Hearne, du fort du prince de Galles, situé dans la baie d’Hudson, à l’océan nord, entrepris par ordre de la Compagnie de la Baie de Hudson, dans les années 1769, 1770, 1771 et 1772, et exécuté par terre, pour la découverte d’un passage au Nord-Ouest. [Paris] : Imprimerie de Patris, an VII [1798-1799] La bibliothèque de Bigot de Preameneu a été mise en vente le 5 décembre 1825 à Paris. René-Primevère Lesson a très bien pu participer à cette vente, se trouvant précisément à Paris à ce moment là.

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Engelbert Kaempfer Amoenitatum exoticarum politico-physico-medicarum fasciculi V 1712 L’ouvrage porte la mention suivante : «De la bibliothèque de M. de Lamarck, passé à celle de M. Dupetit-Thouars, acheté le 7 novembre 1831 par R. P. Lesson» Parmi les autres ex-libris notables, citons également : Salvert Mont-Roignon (1763-64) : 8 titres portant l’ex-libris de la famille Des bons mots et des bons contes, 1692 : Ex-libris de JP Carpot, 1830 Voyage à l’isle de France, Bernardin de Saint-Pierre, 1773 : Ex-libris du Marquis de Sennonnes Description des Indes occidentales, 1622 : Ex-libris imprimé de «Clau. Ant. Louis Mouis de Champagne» Histoire de la grande isle de Madagascar, Flacourt, 1651 : Ex-libris manuscrit sur la page de titre : «Les célestins de Marcoussy». Histoire du Tunquin, 1666 : Ex-libris manuscrit à l’encre de plusieurs lignes sur la page de garde, du collège royal de Nanterre, daté du 10 septembre 1722. Histoire naturelle et morale des Antilles, 1658 : Ex-libris imprimé de Balthazar-Henri de Fourcy. Histoire de la Laponie, Scheffer, 1678 : Ex-libris de «[...?] Procureur du roy, Aurillac, 1690» An historical view of the Philippine Islands, 1814 : Ex-libris manuscrit sur le volume 1 : «F F Forster», «25 feb 1814, REAO, a/a, N90» Histoire de Siam, 1771 : Ex-libris imprimé de J. L. M. Brillouin collé sur le contreplat supérieur des 2 volumes. Ex-libris manuscrit de A. Pougaudin sur la page de titre des 2 volumes. Short dictionnary, 1703 : Ex-libris «Clémence Dumont de Ste-Croix » Enfin, la collecte d’imprimés ou de manuscrits lors des séjours ou voyages des deux frères concerne un nombre assez restreint de documents. Cet ensemble est néanmoins intéressant, les documents rapportés étant aujourd’hui très rares. Pour un aperçu sur ces documents, on se reportera à la partie consacrée aux « incunables polynésiens ». 30


Des manuscrits inédits Le legs Lesson comprend 160 unités bibliographiques cataloguées comme étant des manuscrits, dont 145 ayant Pierre-Adolphe Lesson pour auteur. Certains de ces manuscrits sont des récits de voyage en plusieurs volumes, comme les journaux de l’Astrolabe et du Pylade qui s’étirent chacun sur plus de mille pages. D’autres sont de courtes notes, des recueils de textes, des observations à caractère anthropologique ou médical. Les manuscrits de R.-P. Lesson concernent tous l’histoire locale ou la zoologie, hormis les Notes sur le Pérou et le Voyage autour du monde de la corvette la Coquille, volume relié qui contient un texte partiellement publié dans l’édition du voyage de 1839. Ce volume, très précieux, comprend de nombreux passages inédits (l’escale aux Carolines et à l’île Maurice par exemple), mais aussi des dessins originaux. La Bibliothèque du Muséum d’Histoire naturelle à Paris conserve également des manuscrits de RenéPrimevère Lesson, en particulier les rapports envoyés à Duperrey suite au voyage de la Coquille. L’intérêt de l’ensemble documentaire constitué par les manuscrits de P.-A. Lesson réside dans le fait que ce ne sont pas des ouvrages de commande. La liberté de ton avec laquelle il décrit la vie à bord et ses impressions sur les cultures rencontrées font de ces documents des sources de première main pour l’histoire de l’Océanie au XIXe siècle. La lecture du journal de l’Astrolabe, par exemple, renseigne sur les conditions de la découverte des restes de l’expédition de La Pérouse, sur les circonstances dans lesquelles il collecte des objets auprès des populations océaniennes, ou encore sur ses relations orageuses avec Dumont d’Urville. Très influencé par les récits fondateurs des voyageurs du XVIIIe siècle, Lesson développe une approche naturaliste des cultures océaniennes, qui tranche assez souvent avec le discours racialiste de Dumont d’Urville. Sur le plan anthropologique, les manuscrits du plus jeune des deux frères Lesson fournissent une foule de renseignements sur ce que les historiens nomment les « first contacts », c’est-à-dire le contexte des premiers échanges culturels entre Européens et insulaires du Pacifique Sud. Voici par exemple un extrait inédit du journal de l’Astrolabe à Fidji, qui met en scène un de ces « beachcombers » européens qui servaient souvent de guide ou de traducteur aux navigateurs. 25 mai 1827 Arrivée aux îles Fidji depuis les Tonga, où l’Astrolabe a failli échouer. « Alors que l’on était au milieu de la passe, vers neuf heures et demie, deux pirogues sortirent des récifs d’Ongea Levu et se dirigèrent vers nous ; elles nous eurent bientôt atteints, et plusieurs des hommes qui les montaient grimpèrent sans se faire prier sur le pont de la corvette. 31


Leur chef se dirigea aussitôt vers le commandant, et lui apprit que lui et ses hommes étaient des îles Tonga, fixés sur Lakemba depuis assez longtemps. Il se nommait Muki. Il était âgé d’une quarantaine d’années et disait être fils de Vea Iti des Tonga. De taille moyenne, il possédait déjà quelque embonpoint, mais était alerte, et tous ses traits, à part la couleur de son visage, étaient ceux des Tonguiens que nous venions de quitter. S’il était plus brun, c’est qu’il était, plus que ses compatriotes chefs, exposé par suite de son commerce et ses voyages, aux intempéries. Quant aux vingt-cinq indigènes qui l’accompagnaient, la plupart, bruns aussi, offraient les caractères de la race polynésienne, mais quelquesuns étaient évidemment des métis de Tonguiens et de Fidjiens. Muki ayant demandé à rester à bord de l’Astrolabe jusqu’à l’arrivée du navire à Lakemba, le commandant lui en donna la permission, avec d’autant plus d’empressement qu’il espérait en obtenir le nom exact des îles qui seraient rencontrées, et on continua à faire route. Fait intéressant, parmi les compagnons de ce chef se trouvait un nommé Mediola, Espagnol de Guam, embarqué sur le navire Conception, et qui avait déserté à Tonga Tabou avant que ce navire n’allât se perdre dans les Fidji. C’est depuis lors qu’il s’était attaché à Muki, en le suivant partout dans ses voyages. C’était encore un jeune homme, ne différant guère des Tonguiens par la couleur, mais plein de ces manières obséquieuses propres à certaines gens, et même à certains peuples. Il y avait trois ans qu’il habitait Lakemba. Sur son instante demande le commandant lui permit de rester à bord comme matelot. Ce fut par lui que l’on apprit qu’il existait sur Lakemba une ancre, qui d’après Muki serait facilement cédée par le roi de cette île, Tui Nayau, tant elle lui était inutile, et comme l’Astrolabe en avait le plus grand besoin, le commandant songea tout de suite à se la procurer. Bientôt, Mediola se rappela qu’il avait vu l’Uranie à Guam, et probablement MM. Quoy et Gaimard, qui en étaient les naturalistes. Ce dernier s’en empara et l’accabla de questions sur les îles Fidji, dont il commençait à parler assez couramment la langue. Il nous dit que son navire, la Conception, s’était perdu sur les récifs entre Vanua Levu et Na Viti Levu, et que sur trente six hommes d’équipage, vingt avaient péri dans le naufrage, dont les corps avaient été mangés par les naturels, pendant que les survivants étaient pris comme serviteurs par les principaux chefs. Ce navire, parti de Manille, n’avait d’autre but en venant aux Fidji que d’y faire le trafic du bois de santal. Beaucoup d’hommes avaient parvenu à s’échapper en profitant de la venue de quelque baleinier, mais quatre existaient encore, disait-il, sur les îles. A l’évidence, les Fidjiens étaient excessivement barbares, et mangeaient leurs ennemis, et Muki lui-même appuyait cette assertion, en nous conseillant de ne recevoir à bord que quelques-uns de leurs chefs, et d’empêcher tous leurs sujets d’y monter. Tous les deux s’accordaient, du reste, à dire que les îles étaient entourées de récifs, ce qui n’était que trop visible. (…). Nous avions remarqué dans le jour que les sujets de Muki nous avaient souvent demandé si les habitants de Tonga Tabou s’étaient montré bons pour nous, et si nous n’avions pas été dans la nécessité d’en tuer quelques-uns. 32


Ils étaient loin de se douter de ce qui s’était passé entre eux et nous…(…). Ils voulurent bien nous dire que les premiers jours les Fidjiens apportaient beaucoup de cochons, afin d’enlever toute défiance aux Européens, et de les attirer à terre, dans le but de les massacrer plus facilement, d’où nous conclûmes que les Fidjiens n’étaient guère différents des Tonguiens. Ainsi donc, nous étions arrivés dans le redoutable archipel des Fidji, nous avions eu jusque là un vent favorable, mais s’il changeait, après ce que nous venions de voir, nous devions nous attendre à courir de grands dangers. Notre commandant en avait certainement le sentiment, car jamais il ne s’était montré si anxieux, et n’avait autant accentué ses recommandations de surveillance. Il faut avouer que ses craintes n’étaient pas sans fondement. Curieuse circonstance, c’est que, quoique dans les Fidji, nous n’avions pas encore vu un seul Fidjien. (…) Il était midi quand le grand canot quitta le bord sous les ordres de M. Lottin, ayant pour second M. Dudemaine, et armés par dix hommes. Ces messieurs étaient accompagnés par Muki et par Mediola, ce dernier devant servir d’interprète. La corvette n’était guère alors qu’à deux milles de Lakemba. Lakemba est l’île principale du Groupe. Son plus haut pic, appelé Kende Kende, n’a pas moins de sept cent pieds d’élévation. Elle dépend du roi de Mbau, île qui en est éloignée de 144 milles. Elle a pour capitale Touvabou et pour roi : Tui Nayau. Il n’était pas une heure et demie que l’on aperçut notre canot se dirigeant à la voile vers la corvette, et une demi-heure après montaient sur le pont, en apparence encore épouvantés du danger auquel ils venaient d’échapper, MM. Lottin et Dudemaine. Nous apprîmes bientôt qu’ils arrivèrent devant le village de Tui Nayau, par une coupure étroite du récif, les naturels accoururent en foule et se montrèrent menaçants, les uns cherchant à maintenir le canot, les autres menaçant de leurs armes. Ils étaient, paraît-il, plus de deux cents, armés d’arcs et de flèches. Et pas un chef ne semblait se trouver parmi eux. M. Lottin ayant remarqué que Muki se tenait caché sous les bancs du canot, pendant que les enfants s’enfuyaient, ne douta pas des mauvaises intentions des indigènes, et sans attendre plus longtemps, il fit tirer sur la bosse et hâler sur le grappin mouillé au large, et parvint ainsi à se tirer de leurs mains sans s’occuper davantage du but de la mission. Muki se leva alors du canot mais ne put ou ne voulut pas lui dire pourquoi il s’était jeté dans le fond du canot. Bref, le canot avait pu s’éloigner sans être poursuivi. Si vraiment le danger avait été aussi grand que paraissait le croire MM. Lottin et Dudemaine –M. Lottin semblait croire lui-même que tout cela n’avait été qu’une ruse de Muki, désireux de s’approprier la vente de l’ancre, et contrarié de voir qu’on s’adressait à d’autres qu’à lui. Quant à Mediola, il paraissait croire que les naturels n’avaient agi que par curiosité, pour nous, nous penchions vers cette opinion, en réfléchissant que la population du village devant lequel on était allé aborder, était pure fidjienne, celle de Tui Nayau, moins habituée à voir des Européens que les Tonguiens ».

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De la même manière, Lesson donne de son voyage en Polynésie à bord du Pylade, en 1840, un journal très détaillé. Il séjourne notamment dans l’archipel des Gambier, à Mangareva, laissant un récit passionnant, les témoignages écrits sur les Gambier antérieurs à 1850 étant fort rares. C’est sans doute pourquoi René-Primevère Lesson fait publier à Rochefort, en 1844, le Voyage à Mangareva, accompagné d’une série de gravures tirées des dessins de son frère cadet. Le Pylade aborde également Hawaii, permettant à P-A. Lesson de collecter plusieurs objets dans cette île et de constater l’essor rapide de l’imprimerie. P.-A. Lesson fait ainsi partie des rares Français à avoir séjourné à Hawaii dans la première moitié du XIXe siècle. Ce que Lesson nomme le « pèlerinage » du Pylade se poursuit à Tahiti, où l’équipage rencontre le consul de France Jacques Moerenhout, mais aussi le consul anglais George Pritchard, qui vient d’expulser du territoire les missionnaires français de l’ordre de Picpus. La partie tahitienne du manuscrit offre un aperçu sur un territoire en pleine mutation culturelle et politique. Ces quelques exemples illustrent la richesse du fonds de manuscrits, dont une partie a été numérisée en 2013, grâce à un partenariat de la Ville de Rochefort avec le Centre de Recherches et de Documentation sur l’Océanie (Université d’Aix-Marseille / CNRS).

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Pratiques de lecture, pratiques d’écriture Traductions, marginalia, inserts... Dans son exemplaire de l’Abrégé de Géographie d’Adriano Balbi, RenéPrimevère Lesson a fait relier deux lettres manuscrites que le linguiste et géographe italien lui a adressées. Ces lettres témoignent de l’implication de l’aîné des frères Lesson dans la préparation d’un des ouvrages majeurs de la géographie du XIXe siècle. Dans la première, datée du 15 octobre 1832, Balbi remercie Lesson pour sa participation à l’écriture de son Abrégé de géographie et le sollicite pour en assurer la publicité. La deuxième lettre, de deux années antérieures, évoque plus précisément la nature de la collaboration de Lesson à l’Abrégé : c’est lui qui fournit les statistiques de la partie consacrée aux espèces animales et végétales. Cet insert de lettres manuscrites est un exemple d’usage de la bibliothèque caractéristique de René-Primevère Lesson. Celui-ci en effet annote peu ses livres, mais collectionne les « autographes ». Il compile d’ailleurs en recueil les correspondances manuscrites reçues, reliant en deux volumes plusieurs dizaines de lettres du baron Cuvier, de Gama de Machado, de Jules Dumont d’Urville, de Paul Gaimard ou de Jean-René Constant Quoy. L’aîné des frères Lesson a un rapport à la bibliothèque qui fait de celle-ci un élément de prestige et il est assez difficile de savoir quels sont les ouvrages qui ont réellement servi à R.-P. Lesson pour préparer ses propres travaux. La relation de Pierre-Adolphe Lesson aux livres est tout autre. De nombreux ouvrages de sa bibliothèque sont couver ts de 35

Première des deux lettres d’Adrien Balbi à René-Primevère Lesson, insérées dans l’Abrégé de géographie, 1833, Inv. n° 8085. ©Médiathèque de Rochefort


marginalia et de notes. Lesson avait l’habitude de travailler en écrivant des sortes de « dossiers préparatoires ». Ces dossiers comprennent des traductions de livres figurant dans sa bibliothèque ou dans celle de son frère, des copies manuscrites de passages entiers recopiés dans les ouvrages des grands voyageurs du XVIIIe siècle, insérés tels quels dans ses propres récits, ou encore des réponses insérées directement dans l’ouvrage étudié. La véritable graphomanie de P.-A. Lesson le porte par ailleurs à rédiger plusieurs versions de chacun de ses manuscrits, correspondance comprise. Voici quatre exemples qui illustrent parfaitement le lien fort entre pratiques de lecture et pratiques d’écriture chez Pierre‑Adolphe Lesson. La préparation d’une édition française de A dictionnary of the New Zealand language de William Williams.

Une page annotée de A dictionary of the New Zealand language and a concise grammar de William Williams, London : Williams and Moorgate, 1852. Inv. n° 8087.

Lesson possède la seconde édition ©Médiathèque de Rochefort de A dictionary of the New Zealand language and a concise grammar de William Williams, publiée à Londres en 1852 chez Williams and Moorgate. Son livre comporte de très nombreuses annotations, la plupart des mots étant traduits en français dans la marge. On peut penser que Lesson, en lisant ce livre, préparait une édition française de ce dictionnaire. Le fonds Lesson comprend en effet un manuscrit coté Ms 76 dans le Catalogue Général des Manuscrits et intitulé « Dictionnaire Français-nouveau Zélandais ». Ce manuscrit se présente sous la forme d’un cahier régluré comportant 85 pages chiffrées. Sur la page 3 est inscrit à l’encre noire : « Dictionnaire français-nouveau zélandais, traduit du dictionnaire Anglais-maori publié à Londres en 1852 par le Révérend William Williams, archidiacre de Waipu. Par P.A.L. méd.de la mar. En retraite ». L’intérêt de Lesson pour les langues océaniennes et l’importance qu’il accordait à leur étude dans la compréhension des cultures et des migrations se manifeste par une lecture attentive et invasive des imprimés se rapportant 36


à ces sujets. L’ouvrage de Johann Buschmann sur la langue des Marquises, publié en 1843 à Berlin, figure ainsi dans la bibliothèque de P.-A. Lesson avec de nombreuses marques de lectures et commentaires marginaux. Le manuscrit « Notes polynésiennes » (Ms 00062) fournit un autre exemple de la manière dont Lesson nourrit ses propres écrits. Le texte de Lesson commence ainsi : « Pour mon propre amusement, en 1875, je transcrivis une syntaxe de la grammaire samoane. Je fus conduit à le faire en remarquant, pendant que je lisais la grammaire hébraïque de Nordheimer, que la langue samoane ressemble en beaucoup de points à l’hébreu. Peu de temps après, le Rév. JJ Whitman me demanda de fournir la partie samoane à un dictionnaire malayo-polynésien comparatif. En même temps, je commençai à revoir la première édition de mon dictionnaire, qui avait été imprimé aux Samoa en 1862, sur les presses de la mission. Je parcourus les dictionnaires hawaii, maori, tahiti et fiji [sic], et j’en obtins quelques mots… » Lesson traduit les propos de G. Pratt (auteur du dictionnaire publié aux Samoa en 1862), mêlant à son propre discours des propos traduits, des références à des ouvrages présents dans sa bibliothèque et des notations personnelles. L’art de la citation et la mise en fiche d’ouvrages de voyage canoniques La fréquentation assidue des textes canoniques de l’histoire des voyages, notamment en Océanie, se matérialise par une tendance chez Lesson à citer, voire à recopier des passages très longs de livres des premiers voyageurs, ainsi qu’il les nomme le plus souvent. Par exemple, Lesson traduit pour lui-même plusieurs extraits du livre Historia del descubrimiento de las regiones austriales de Justo Zaragoza, publié à Madrid en 1878. Il met en fiche cet ouvrage en réalisant plusieurs courtes notices relatives au voyage de Quiros. Il fait de même avec un autre ouvrage de sa bibliothèque, le Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement et aux progrès de la Compagnie des Indes orientales, publié à Amsterdam vers 1703, en écrivant une sorte de note critique sur l’un des voyages de ce recueil, le voyage de Le Maire et Shouten. Il intitule sa note « Voyage de Le Maire et Schouten, leurs découvertes dans les Paumotu (1614-1617) ». Enfin, il intègre systématiquement le point de vue des voyageurs antérieurs aux versions tardives de ses journaux de voyage manuscrits, faisant de la comparaison de sa propre expérience avec les textes de Cook, de Bougainville et de leurs accompagnateurs l’un des pivots de ses récits. La discussion avec Armand de Quatrefages et Abraham Fornander La bibliothèque contient deux imprimés très précieux pour comprendre la genèse du seul livre publié par P.-A. Lesson, Les Polynésiens. 37


Les Polynésiens. Mémoire intercalé dans les « Polynésiens » par A. de Quatrefages. Ms 00060. ©Médiathèque de Rochefort

L’ouvrage Les Polynésiens et leurs migrations d’Armand de Quatrefages, publié à Paris en 1866 a été relié par Lesson avec un mémoire qui commente page à page le texte de Quatrefages. Chaque page du texte imprimé, œuvre de l’anthropologue du Muséum, porte en regard une page manuscrite de P.-A. Lesson, dans laquelle il examine précisément tous les faits et hypothèses exposés par Quatrefages. On peut supposer que la publication de ce livre a servi de déclencheur à l’énorme entreprise éditoriale que constituent les Polynésiens de Lesson. Le Rochefortais jugeait en effet être le plus à même, de par son expérience de voyageur et sa formation de médecin naturaliste, d’expliquer l’origine du peuplement et la formation des cultures océaniennes. Le travail de lecture du livre de Quatrefages montre que même après 1870, Lesson cherche à se positionner comme un spécialiste de l’ethnologie océanienne. Dans son exemplaire personnel du livre d’Abraham Fornander An account of the Polynesian race, its origin and migrations : and the ancient history of the Hawaiian people to the times of Kamehameha I, publié à Londres entre 1878 et 1880, Lesson a inséré quatre feuillets manuscrits, dont deux sont intitulés : « Eaux sacrées » et « Les deux Paumakua ». Abraham Fornander (1812-1887), journaliste et ethnologue hawaiien d’origine suédoise, navigue dans le Pacifique en même temps que Lesson 38


et s’établit à Hawaii en 1844, à une époque où Lesson lui-même est en poste à Tahiti. Les deux hommes ne se sont jamais rencontrés. Le texte de Fornander est publié au moment où Lesson remet le manuscrit des Polynésiens à son éditeur, Ernest Leroux. Lesson se procure l’ouvrage et le lit très attentivement, l’annotant et y insérant ses remarques sur deux des légendes rapportées par Fornander. L’ouvrage lui paraîtra si important, qu’il jugera nécessaire de publier en 1884 un petit volume intitulé Légendes des îles Hawaii tirées de Fornander, dans lequel il assure que les travaux de l’ethnologue suédois confortent les principales thèses des Polynésiens. L’obsession de la réécriture et l’art de l’archive Fragment de mon journal de

Pierre-Adolphe Lesson, non content l’Astrolabe. Manuscrit, P.-A. Lesson. Ms d’avoir été un formidable compilateur 000141. de renseignements sur l’Océanie ©Médiathèque de Rochefort au XIXe siècle, a développé de véritables stratégies d’archivage, de classement et de réécriture de ses propres textes. Les cas des deux grands manuscrits de voyage, le Journal de l’Astrolabe et le Journal du Pylade, sont très significatifs. Nous connaissons aujourd’hui une version du manuscrit du récit de voyage de l’Astrolabe contenue dans trois volumes reliés. L’écriture est sûre et ne comporte quasiment aucune lacune ni aucune rature. Il est très peu probable que ce manuscrit ait été écrit à bord de l’Astrolabe : nous avons très certainement affaire à un texte réécrit plusieurs années après le voyage, et donc susceptible d’intégrer des impressions et des connaissances nettement postérieures au voyage lui-même (1826-1829). Ceci est d’autant plus probable que la médiathèque de Rochefort conserve également un autre manuscrit qui se présente comme un fragment du journal de l’Astrolabe. Ce fragment, dont le texte est très légèrement différent de celui contenu dans un des volumes reliés, pourrait avoir fait partie du manuscrit original écrit en mer. Cette hypothèse n’est à considérer qu’avec prudence, car le manuscrit montre que l’encre utilisée recouvre partiellement une version antérieure du texte, probablement 39


écrite à la mine. La situation pour le journal du Pylade est sensiblement la même, à ceci près que nous disposons de deux versions complètes, l’une en 4 volumes qui semble être la version d’origine, et l’autre en 7 volumes, à l’écriture beaucoup plus nette, qui pourrait être une copie ultérieure, bien que le texte ne semble pas présenter de différences vraiment importantes, du moins dans les sondages que nous avons pu effectuer. Ces exemples démontrent que Lesson avait fait de sa bibliothèque et de ses propres écrits une véritable archive en transformation permanente, qui mêle à la fois les lectures et les réécritures de matériaux anciens. C’est pourquoi l’appréhension des manuscrits inédits est très complexe, nécessitant à la fois des connaissances historiques, anthropologiques et linguistiques, mais aussi la conscience d’avoir affaire à des éléments d’archive composites. Au-delà des questions génétiques et archivistiques des pratiques d’écriture, le travail de cabinet de P.-A. Lesson pose le problème, plus large, de la représentation de cultures « autres » à partir de la tradition livresque.

Séjour à Vanikoro. Voyage de découverte de l’Astrolabe. Manuscrit, P.-A. Lesson. Ms 00038. ©Médiathèque de Rochefort

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De la navigation bibliothécaire « Il est évident que lors des premières rencontres à Tahiti, les explorateurs et les insulaires se sont vus tous les deux à travers la brume de leurs propres enchantements. […] Les Tahitiens, comme les Européens, ont propulsé leurs fantasmes ancestraux dans l’avenir, en déterminant la façon dont il s’est déroulé. » Anne Salmond (2009)

Pierre-Adolphe Lesson, aurait très bien pu écrire, comme le consul de France Jacques Moerenhout : « (…) il me sera permis de dire que j’ai du à la singularité d’une position tout exceptionnelle l’avantage d’acquérir, sur l’Océanie et les Océaniens, des notions que ne pouvaient se procurer aussi bien que moi ni les navigateurs, qui ne faisaient que passer dans les localités à connaître, ni même les missionnaires, en raison des préjugés propres à leur état ». Pierre-Adolphe Lesson débarque aux Marquises en novembre 1843, avant de diriger l’hôpital de Papeete d’avril 1844 jusqu’à la fin de l’année 1849. Lors de ce long séjour, il est en contact avec toutes les classes de la société tahitienne, du peuple aux arii, des prostituées à la Reine Pomaré. Comptetenu de son expérience de l’Océanie, et de Tahiti en particulier, nous pouvons affirmer que notre homme se trouvait placé dans des conditions d’observations relativement rares dans la première moitié du XIXe siècle. Les écrits de Pierre-Adolphe Lesson présentent donc un intérêt certain pour la connaissance de Tahiti à l’époque du protectorat. Cet intérêt est renforcé

Les 4 volumes reliés de la première version du journal du Pylade. Manuscrits de P.-A. Lesson. Ms 64, 65, 66 et 67. ©Médiathèque de Rochefort

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par les modalités d’écriture hétérogènes des deux textes consacrés à Tahiti et aux Marquises légués par Lesson. L’un des deux manuscrits se présente comme un journal tenu au jour le jour entre 1844 et 1849 ; il rapporte les menus événements de la colonie, les expériences de Lesson en tant que médecin et son appréhension de la société tahitienne. L’autre est une somme de liasses disparates, dont les dates de composition sont probablement assez variables, et que Lesson a fait relier, en leur donnant une préface générale, en 1869, soit près de vingt ans après son retour en France. Il est intéressant d’analyser l’image des Tahitiens que s’est forgé Lesson en comparant ces deux textes, l’un à l’écriture spontanée ou « de terrain », l’autre construit a posteriori, conçu comme un essai à thèmes et relevant davantage de l’écriture anthropologique. La question majeure que ces documents permettent de poser est celle du rapport entre l’imaginaire et le réel dans la confrontation à l’Autre. Comme nombre de voyageurs, Lesson arrive à Tahiti avec un imaginaire formé par ses lectures et ses propres expériences de navigation en Océanie. Lesson lui-même, dans une sorte de prolepse remarquable, formule le problème comme suit :

Potatow, chef de Tahiti. Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l’Océan Pacifique, Paris, Hôtel de Thou, rue des Poitevins, 1785. Inv. n° 2162.

Otto, roi de Tahiti. Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l’Océan Pacifique, Paris, Hôtel de Thou, rue des Poitevins, 1785. Inv. n° 2162.

©Médiathèque de Rochefort

©Médiathèque de Rochefort

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« Malgré mes efforts, je n’ose espérer […] être parvenu à éviter le reproche qu’un écrivain a tout récemment dressé à la plupart des auteurs qui ont parlé de Tahiti, c’est-à-dire celui de reproduire invariablement les récits des premiers voyageurs ». (Lesson, ca. 1869 : 1). On comprend que le cas tahitien puisse se prêter à ce type d’interrogation. Dans le champ de l’appréhension de l’altérité exotique, Tahiti représente en effet, pour la société française, un paradigme, celui de la terre de tous les fantasmes. Tour à tour Nouvelle Cythère, Utopie, puis terre des vahinés, de l’amour libre et de la pureté originelle, et enfin aujourd’hui, à l’ère du tourisme de masse, destination paradisiaque, île des colliers de fleurs et des plages de sable fin, le nom de Tahiti épingle la permanence du fantasme géographique et anthropologique lié à l’image de l’altérité. La comparaison entre les deux textes de Lesson, celui écrit lors du séjour à Tahiti et celui, plus ambitieux, réécrit dans les années 1860 à Rochefort à partir d’une documentation massive pour l’époque, doit pouvoir permettre d’estimer la part de l’héritage culturel et celle de l’empirisme dans la construction de l’imaginaire du voyageur. Nous employons le mot « empirisme » à dessein. L’introduction des Documents sur Tahiti annonce avec clarté l’ambition anthropologique de Lesson et les limites de cette ambition ; si l’auteur se place délibérément dans la perspective philosophique du XVIIIe siècle, il reconnaît que les conditions théoriques et matérielles de l’anthropologie vers 1845 ne pouvaient guère lui permettre de donner une véritable assise scientifique à ses travaux : « Après cela, si on me demande ironiquement pourquoi je me suis tant complu à raconter les usages et les sottises d’une nation presque sauvage, je répondrai avec Raynal, que tout voyageur devrait se faire une loi de conserver surtout les mœurs et les coutumes des peuplades sauvages, car encore quelques temps, et ces peuplades auront cessé d’exister, ou du moins auront éprouvé un changement complet. L’histoire des sauvages plus que toute autre demande donc qu’on conserve leurs usages, puisque euxmêmes ne peuvent la préserver de l’oubli, faute de moyen de transmission. […]. C’est, je dois le dire, comme chef du Service de Santé que j’avais été envoyé par le Ministre de la Marine – mais malheureusement, à cette époque, il n’existait pas de société d’anthropologie pour encourager et surtout pour indiquer les recherches à faire, et il faut bien l’avouer aussi, ce n’était même pas sans danger qu’on pouvait se livrer ouvertement à de pareilles recherches, tant c’était une pauvre recommandation auprès de certains chefs de la Marine, qui n’y voyaient qu’une perte de temps. ». (Lesson, ca. 1869 : préface). Quel poids imaginaire pèsent encore, en 1869, les six années de vie et de travail auprès de la société tahitienne ? A partir du cas Pierre-Adolphe Lesson, il est possible d’explorer la manière dont l’observateur européen de la culture tahitienne constitue son propre regard à partir de cette forme 43


particulière de la mémoire collective qu’est l’archive. Kant définissait l’espace et le temps comme les formes a priori de la sensibilité, les conditions de l’expérience en général. S’agissant de Tahiti, nous pourrions définir l’archive et la bibliothèque des récits de voyage comme le lieu où se constitue véritablement, ou en tous cas au moins autant que sur le « terrain anthropologique », la vision du Tahitien. Le mythe fondateur agit ici comme la condition symbolique de l’expérience de Tahiti. L’appréhension de l’autre, comme culture et comme individu humain, se constitue dans un dialogue constant avec les prédécesseurs de l’observateur. Mieux, les notes anthropologiques des observateurs européens, qu’elles émanent de politiques comme le consul Moerenhout ou de médecins comme PierreAdolphe Lesson, se présentent le plus souvent comme des confirmations ou des réfutations des observations des voyageurs des siècles précédents. Le manuscrit Documents sur Tahiti comporte ainsi un assez long développement intitulé « Esquisse du caractère des Tahitiens », où Lesson résume ses recherches et ses observations sur les mœurs et coutumes tahitiennes. Voici comment Lesson présente son travail : « Ce jugement [sur les mœurs de Tahiti] résulte de mes rapports avec la plus grande partie de la population, pendant une période assez longue, mais il n’est que mon opinion toute personnelle. Il coïncide souvent avec l’opinion des premiers voyageurs. C’est une preuve de plus, je crois, en leur faveur, car je ne l’ai adopté qu’après avoir observé moi-même. ». Toute l’analyse se place d’emblée sous le patronage des « premiers voyageurs ». Cette expression englobe tous les récits liés aux voyages de Wallis, de Bougainville et de Cook. Voyons comment joue la référence à ces textes fondateurs. Lesson commence par discuter ce qui lui semble être la principale caractéristique de la société tahitienne : l’hospitalité. Il écrit d’abord :

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Voyage autour du monde, par la frégate du roi «la Boudeuse», et la flûte «l’Étoile» ; en 1766, 1767, 1768 & 1769. Paris : chez Saillant & Nyon, 1771. Inv. n° 15448. ©Médiathèque de Rochefort

« La vertu qui distingue le plus le peuple tahitien est l’hospitalité. Dès que le repas est servi, chacun peut, on le sait, venir prendre sa part. L’étranger, le passant, met sa main au plat ou reçoit sa portion, on ne lui demande pas qui il est et il peut s’en aller sans avoir dit une parole ou merci. D’après quelque voyageur, cette hospitalité ne serait due qu’à leur habitude, qui rend ce besoin mutuel, car chacun ayant besoin de l’hospitalité des autres, est forcé d’être hospitalier. Il se trouvait bien forcé de partager avec le voisin ou le passant affamé les provisions de la maison, afin de pouvoir recevoir le même service d’eux plus tard. Il est probable que ce motif est véritable, mais il n’est certainement pas le seul, et je ne doute pas qu’une autre raison de cette habitude, fut la bienveillance calculée des chefs pour le peuple, c’est-à-dire le désir de se les attacher, ou peut-être seulement le sentiment du devoir, car nous avons vu que le peuple n’a rien à lui. Il était donc tout naturel, que les chefs, au moins, proposent une espèce de table ouverte, c’était se rendre agréables, à bon marché, au peuple, puisque c’était, en résumé, ce qui était cultivé et fourni par ce dernier qu’il lui partageait. N’était-ce pas quelque chose d’analogue en France, que ces distributions régulières faites par les couvents ? ». (Lesson ca. 1869 : 651) Ce début d’analyse personnelle est immédiatement suivi par un développement comparant cette hypothèse à celle des « premiers voyageurs » : « Les premiers voyageurs ont dit que c’était l’espoir d’obtenir qui guidait les Tahitiens dans leur témoignage d’hospitalité, ce qui n’est sans doute que la même manière de voir, mais qui ne vient qu’appuyer celle que nous avons été forcé de prendre du caractère tahitien, et qui prouve l’habitude que le peuple a de se faire des largesses. Cette habitude de se faire des cadeaux, d’offrir pour recevoir davantage, tout en prouvant une grande largesse du cœur, annonce en effet pas mal de corruption, puisque

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leur but est de dévoyer en leur faveur, d’une manière presque assurée, la personne à laquelle ils s’adressent. ». L’analyse du sens et de la valeur de l’hospitalité tahitienne s’achève donc par ces mots : « Qu’en conclure, sinon que chez les Tahitiens l’intérêt est le mobile principal de leur action ? […]. Avant le christianisme, rien ne les arrêtait quand il s’agissait de leurs intérêts, et en veut-on un exemple, c’est ce qu’ils firent, ou du moins leurs parents, à Maï, quand Cook le ramenant d’Angleterre, à Huahine, les Raiatéens se soulevèrent sur ses propriétés et s’en emparèrent. ». Cette entrée en matière illustre bien la géographie et l’anthropologie imaginaire de Tahiti, dont les pages sont autant peuplées par les navigateurs européens que par les indigènes. La thèse de l’hospitalité du peuple comme procédure économique ou stratégie politique, esquissée par Lesson, cède ainsi rapidement la place à un des grands topoï sur Tahiti : celui de la nature hospitalière pervertie par le contact avec la civilisation. On retrouve ici un des thèmes développés par Bougainville, dont les ouvrages figurent bien sûr en bonne place dans la bibliothèque des Lesson : « Les vices sont même nombreux aujourd’hui, qu’ils ont à la fois pour ainsi dire et ceux des peuplades sauvages, et ceux des peuples civilisés. C’est ainsi qu’ils sont paresseux comme les premiers et qu’ils ont les astuces et les dissimulations des derniers. La dissimulation, ce triste fruit du despotisme, est si bien enracinée dans les esprits qu’on la trouve jusque chez les enfants, elle est commune du reste à tous les rangs et elle forme, avec la paresse, le trait distinctif de la nation. ». Tahiti est ainsi décrite comme un « repaire de voleurs », Lesson attribuant le goût des Tahitiens pour le vol au contact avec les Européens. Le même raisonnement prévaudra pour l’alcoolisme. De l’hospitalité comme point de départ des observations de Lesson, nous aboutissons donc à l’alcoolisme, en passant par la dissimulation et le vol. Tous les exemples de vols sont empruntés aux auteurs du XVIIIe siècle. Par exemple ce passage sur Cook : « On sait que le plus souvent, il n’a pas fallu moins que des moyens à la Cook, c’est-à-dire quelques oreilles coupées, des maisons incendiées, des coups de lames et de fusils, pour rentrer dans la possession des objets volés. ». Ou encore cette allusion : « Banks, dans son Journal, que je parcours après avoir écrit ces notes, dit page 52 : « Les voleurs sont punis selon la nature du vol. Il y a peine de mort pour ceux qui ont dérobé des armes ou des étoffes. L’usage est de les pendre à un arbre ou de les précipiter dans la mer ».

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Lesson lui-même signale que l’écriture de son étude se fonde sur les journaux de voyage du XVIIIe siècle. On pourrait multiplier les exemples : à chaque étape de sa démonstration, Lesson mobilise un ou plusieurs navigateurs appartenant au groupe mythique des « premiers voyageurs », afin de valider ce qu’il présente comme sa propre thèse. La stratégie d’écriture de Lesson montre à la fois la puissance de reconduction des récits fondateurs de la rencontre avec l’Autre, et l’impossibilité pour l’esprit de se défaire de ses représentations et de ses points d’ancrage pour tenter d’analyser à neuf des matériaux anthropologiques. La perception de Tahiti est comme filtrée, passée au tamis des « premiers voyageurs ». Ce schéma de compréhension se vérifie encore davantage si nous considérons les textes consacrés à la « femme tahitienne ». On sait que la vahiné est un des mythes majeurs de l’exotisme polynésien. Les travaux récents de Serge Tcherkézoff ont montré que ce mythe reposait sur des situations d’échange symbolique où le malentendu était la règle. Lesson ne peut faire autrement, là encore, que de voir avec les yeux de la tradition. En l’occurrence, la tradition fait de la femme tahitienne, dans le sillage de Bougainville, un formidable point de cristallisation des fantasmes occidentaux. Lesson introduit ainsi sa vision de la vahiné: « Quel est le voyageur, qui, par comparaison avec nos mœurs européennes, n’ait pas cru pouvoir blâmer plus ou moins la licence extrême qui a été trouvée à Tahiti ? […] Ce que les femmes et les filles aimaient par-dessus tout c’était l’amour pour lui-même.[…] Mais on comprend très bien que l’amour des femmes de Tahiti ne devait pas ressembler à ce qu’on appelle ainsi dans les pays civilisés. Là, pas de préjugés comme en Europe, qui lui donnent du prix, pas d’obstacles qui le fortifient, de gênes qui l’entretiennent, d’idées morales qui l’embellissent, et si c’était parfois comme dans nos mœurs, un bonheur et un triomphe même, la satiété était trop facile pour qu’il durât longtemps. Inutile de rapporter les peintures que les voyageurs ont faites de la licence des tahitiennes, et particulièrement Bougainville. ». (Lesson, ca. 1869 : 684). Suit un passage où Lesson cherche à montrer que le climat tahitien favorise l’excitabilité et le désir sexuel. Mais parvenu au cœur du stéréotype, Lesson donne subitement une autre direction à son raisonnement en suivant, cette fois, le récit de Cook : « C’étaient les filles, et particulièrement celles du peuple, qui se livraient à Tahiti à une licence effrénée, mais là comme dans l’Amérique du Nord, de nos jours, dès qu’elles étaient mariées elles devenaient presque chastes. C’est comme on sait, ce qui se passe au Tibet, à Madagascar, contrairement à ce qui a lieu en France, où l’on semble avoir plus peur du scandale que du libertinage lui-même, et où l’on ne tient guère qu’aux apparences. J’ai déjà dit qu’il fallait bien distinguer, et à preuve que les Tahitiens, s’ils n’empêchent 47


pas la licence tant reprochée aux femmes, étaient plutôt portés à les blâmer qu’à les encourager, c’est que celles qui étaient vraiment vulgivagues avaient un nom, celui de faaturi, parfaitement analogue à celui qu’on donne par tout pays aux femmes de même vie, et ne donnant pas plus de considération […]. Cook termine son deuxième voyage par quelques paroles qui viennent à l’appui de l’opinion que j’émets : “ceux qui décrivent les femmes de Tahiti comme accordant facilement des faveurs à ceux qui veulent les payer, ont été très injustes envers elles. C’est une erreur. Il est aussi difficile dans ce pays que dans les autres d’avoir des privautés avec les femmes mariées, et avec celles qui ne le sont pas, si l’on excepte toutefois celles du peuple. Et même parmi ces dernières, il y en a beaucoup qui sont chastes. Il est très vrai qu’il y a des prostituées, ainsi que partout ailleurs, leur nombre est peut-être encore plus grand et elles sont les femmes que connaissent surtout les marins. […] Enfin, un étranger qui arrive en Angleterre pourrait, avec autant de justice, accuser toutes les femmes d’incontinence, s’il les jugeait d’après celles qu’il voit à bord des navires ou dans les lieux de Covent Garden ou de Dury Lane.” […]. J’ai voulu faire toute la citation, et c’est je crois ce qu’on peut dire de plus avantageux pour les Tahitiennes ». Ici apparaît clairement le principe de la compréhension de l’altérité tahitienne par Lesson : l’analyse se meut dans une topographie imaginaire où Cook et Bougainville font office de points cardinaux, comme si les deux grands explorateurs formaient les bornes 48

Page de titre de Mort de Cook, récit des indigènes. Manuscrit de P.-A. Lesson, Ms 00053-01. ©Médiathèque de Rochefort

Première page de Mort de Cook, récit des indigènes. Manuscrit de P.-A. Lesson, Ms 00053-01. ©Médiathèque de Rochefort


à l’intérieur desquelles devait nécessairement se déployer tout discours anthropologique sur Tahiti. Ces deux monuments encadrent une série d’autres textes, qui constituent une sorte de terrain à explorer. Comme l’observation anthropologique, cette « navigation bibliothécaire » répond à des règles. Tout se passe comme si la bibliothèque était constituée de deux niveaux de textes : l’un, comprenant la majorité des livres sur Tahiti, pouvant faire l’objet d’une critique se fondant sur l’expérience personnelle ; l’autre, constituée des textes canoniques, servant uniquement à la validation d’une thèse ou d’un souvenir individuel. Figures opposées de la visite aux « sauvages », le navigateur anglais, fils de paysans, et l’aristocrate français font office de mesure de la vérité des connaissances énoncées sur Tahiti. A plus de soixante ans, la représentation des Tahitiens que pouvait développer Pierre-Adolphe Lesson, malgré toute son expérience, était donc une sorte « d’art de la mémoire », accommodant des reliques. Comme l’a fait remarquer Michel de Certeau, le procédé général de la navigation bibliothécaire, que maîtrisait parfaitement ce grand compilateur qu’était Lesson, suppose « l’enchaînement de l’imaginaire et de la collection, autrement dit le travail de la fiction à l’intérieur de la bibliothèque ». On pourrait objecter à cette lecture des Documents sur Tahiti que le manuscrit résulte d’un travail de cabinet, travail qui incline fort logiquement à accentuer le poids des documents écrits et de la bibliothèque. Il serait ainsi possible d’y voir un effet de la mémoire, qui tend à aplanir ou à dissoudre l’expérience personnelle dans l’environnement plus profond et permanent qu’est selon Halbwachs la « mémoire collective ». Tournons nous donc vers le journal tahitien de Pierre-Adolphe Lesson, écrit pendant ses six années de résidence à Papeete. Qu’y apprend-on sur « la femme tahitienne » ? Lesson a indiqué que c’étaient le plus souvent les femmes du peuple qui se prostituaient auprès des étrangers. Un passage de son journal met pourtant en scène la reine Pomaré et sa cour, de retour d’un séjour aux îles Pomotu. L’extrait est daté du 21 mars 1849. Lesson indique qu’il tire ses informations de l’entourage très proche de la reine, qui lui a recommandé de ne pas parler de ces confidences. « On attendait chaque jour la nuit avec impatience, pour se livrer à tous les excès, mais il ne faut pas croire qu’on n’en faisait pas dans le jour : alors seulement c’était en cachette. On allait prendre des bains dans des grottes naturelles ; là des lits avaient été déposés par les indigènes, qui y portaient aussi des vivres. En sortant de l’eau on couchait en se levant ou en se baignant, puis on mangeait, riait, folâtrait, ce qui fit faire à Poheité une réflexion qui pendant plusieurs jours fut la cause de l’hilarité de Pomaré, qui avait trouvé l’idée si heureuse qu’elle ne cessait d’en parler à tout le monde. Idée qui ne peut être rendue par nos mots : du lit à la table. En somme ce n’était qu’une réunion de libertins et de femmes folles de leurs corps, et la représentation, dégénérée sans doute, de cette société des Arreoys, dont on a tant parlé, ou mieux de ces cours libertines (comme en Europe on a tant offert d’exemples autrefois). On comprend que la partie 49


a du être trouvée agréable par des gens ainsi disposés, et l’on en conclura sans doute que les moyens pris par le protectorat à Tahiti, ne doivent pas plaire beaucoup à une semblable population. Que si l’on objectait que la cour de Pomaré n’est composée que de libertins et de femmes perdues, ce qui est assez vrai pour des raisons que nous dirons plus tard, je répondrai qu’il ne faut pas s’abuser, et que tel est bien l’esprit de tout le peuple, ainsi que des milliers de faits, depuis cinq ans, sont venus m’en convaincre. Ce qu’il faut à un Tahitien, c’est du plaisir quel qu’il soit. […]. Telle est en effet la préoccupation incessante de toute la population.[…]. Si je n’avais pas eu l’occasion de constater cent fois le motif de la conduite de cette population, si, autant qu’un étranger peut apprendre cela, je n’avais pas été initié aux plaisirs, aux désirs, et même parfois aux actes des Tahitiens, je n’aurais certainement jamais pu croire qu’un peuple si près de la nature et si libre en même temps, put pousser aussi loin que lui l’amour pour la créature. ». (Lesson, 1844-1849 : 319). Dans ce texte caractéristique du style de Pierre-Adolphe Lesson, se mélangent récits de témoins, hypothèses de voyageurs, souvenirs et expériences personnelles, pour aboutir à une conclusion tranchée sur le sens de la culture tahitienne. L’extrait précédent, où il cite Cook, nous a pourtant montré que Lesson avait perçu les différences culturelles liées à la manière de coder la sexualité et le mariage dans la société tahitienne. Il utilise ici un récit, d’abord dans le sens d’une comparaison avec le libertinage de

Dessin original dans le manuscrit de P.-A. Lesson Macédoine de renseignements sur l’Océanie, Ms 00054. ©Médiathèque de Rochefort

La reine Vaékéhu. Dessin de Pierre Loti. Coll. Maison de Pierre Loti. ©Médiathèque de Rochefort

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cour à l’européenne, puis dans le sens d’une extension de ce libertinage à toute la société. Il reprend, sans les mentionner explicitement cette fois, l’état d’esprit des premiers navigateurs, confrontés à des manifestations symboliques hors sens, et devant interpréter ces manifestations à partir de leur propre langage, à partir de leurs propres rêves. Malgré toutes ses déclarations sincères, l’objectivité construite par Lesson est une objectivité qui repose sur la mise en forme d’un matériau ethnologique à partir des codes culturels de la société européenne des Lumières. Il s’approprie Tahiti en rejouant continûment, pour lui-même, la partition des découvreurs. Il a conscience que les indigènes s’approprient la présence européenne en singeant les officiers, en racontant les histoires entendues de la bouche des européens, en adoptant certains de leurs « vices »5. Ces appropriations lui semblent bien vite excessives ou grotesques, comme lorsqu’un conte de Rabelais raconté à un groupe de femme dégénère en une fable drolatique qui se propage dans Papeete. En revanche, la question des conditions de sa propre appropriation de la culture tahitienne n’est jamais posée, faisant ainsi l’économie d’une réflexion sur les échanges symboliques avec la tradition européenne et avec les autochtones. Les réflexions de Lesson sur les vahinés se concluent encore par une confirmation : « En résumé, Bougainville, quoique le premier, nous semble être celui qui a le mieux vu la position de la femme dans la société tahitienne, et c’est lui qui a dit qu’une douce oisiveté était leur partage, et le désir de plaire, leur plus sérieuse occupation ». Le regard de Lesson semble donc pris dans la toile du regard originel. Le seul moment, dans toute l’analyse consacrée à la femme tahitienne, où il s’émancipe du point de vue de Cook ou de Bougainville est justement le passage où il choisit d’autres guides, bien plus anciens, pour comprendre les phénomènes que les Européens ont pu observer : « Sénèque, dans une de ses lettres à Strabon, dit que les Lydiens et les Arméniens avaient la coutume d’envoyer leurs filles au rivage pour gagner leur mariage en se prostituant à tout venant. Justin raconte que les filles de Chypre ne faisaient pas autrement pour gagner leur douaire. C’était ce qui se faisait aux îles Mariannes à l’époque de la conquête, et c’est ce qui se pratique à l’île Chiloë, au Chili. Quelque soit le motif, l’intérêt ou l’idée religieuse, toute l’Océanie a fait ou fait encore de même. Et c’est ce qu’une foule de contrées a fait ou continue de faire. ». « Les Tahitiens forment un peuple sans croyance, et ne comprenant rien aux nouvelles, après avoir abandonné les anciennes. Le contact avec les Européens n’a servi qu’à les rendre plus hypocrites et menteurs encore qu’ils ne l’étaient. Ils n’ont su retenir que nos vices, et sans les lois promulguées par quelques chefs, ils auraient déjà tous disparus dans l’ivrognerie ». (Lesson, ca. 1869). 5

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En donnant une profondeur historique différente à ses observations, Lesson parvient ainsi à approcher d’autres schèmes explicatifs, que ceux qui sont nés du choc de la rencontre. Il reste dans la navigation bibliothécaire, mais sort de la zone des récits de voyage dans le Pacifique. En se donnant d’autres référents, il se dégage de l’observation dirigée d’avance vers des conclusions établies, mode d’observation que Tcherkezoff a pu montrer à l’œuvre chez Margaret Mead dans sa relation de la sexualité samoane. L’approche de Lesson montre à l’évidence que la notion de premier contact (« first contacts ») relève davantage du concept que d’un temps historique déterminé, ou en tous cas que la périodisation de ces premiers contacts peut être plus complexe qu’un simple bornage chronologique. Il faut, toutefois, rendre justice à Pierre-Adolphe Lesson. Au milieu du XIXe siècle, l’anthropologie française encore naissante voit s’affronter deux tendances opposées : le camp monogéniste, fondant la connaissance des cultures humaines sur la philologie et le camp polygéniste, s’appuyant sur la biologie (puis, à partir de Broca, sur la phrénologie) pour établir des différences radicales entre les races. Si Lesson, comme d’autres, prendra sa part dans le débat sur l’influence de la forme du crâne sur le comportement, il choisit, en privilégiant presque systématiquement le dialogue avec le XVIIIe siècle, d’écarter la perspective racialiste. Jusqu’à son ouvrage (le seul qu’il ait jamais publié) intulé les Polynésiens, il borne ses remarques anthropologiques à la combinaison de choix de textes des grands découvreurs, qu’il mêle à ses notes personnelles. Ses compositions érudites forment ainsi une sorte de palimpseste de sa propre expérience de l’Océanie. Il faut pouvoir, à travers ce véritable puzzle, apercevoir la sensibilité d’un homme qui résiste le plus souvent au mépris et à la tendance raciste de la phrénologie. Voix originale et travailleur infatigable, Pierre-Adolphe Lesson vécut principalement Tahiti avec les yeux d’une autre époque que la sienne, suivant les Lumières plutôt que le positivisme des localisations cérébrales. Il troquait ainsi les préjugés de l’époque contre ceux de ses glorieux devanciers. Que pouvait-on réellement voir de Tahiti au XIXe siècle ? : davantage peutêtre qu’une culture en voie d’extinction sous l’effet du travail combiné des missionnaires et du colonialisme ; un monde façonné par l’imaginaire et la mémoire collective européenne.

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Trajectoires d’objets Des « incunables » polynésiens Parmi les livres légués par Pierre-Adolphe Lesson, figure un petit recueil factice intitulé « Œuvres tahitiennes ». Un recueil factice est la réunion de plusieurs documents dans une même reliure. Celui-ci est de petit format, sa reliure est en cuir et date de la première moitié du XIXe siècle. Il a très probablement été composé par René-Primevère Lesson, dont le nom figure sur le premier document de ce volume, Te evanelia a Ioane... Les documents du recueil ont, en effet, été collectés lors du voyage de la Coquille : textes de la bible traduits en tahitien, rapports de 1821 et 1822 réalisés par des missionnaires britanniques, alphabet tahitien édité par la mission… Certains de ces imprimés, fort rares (la plupart ne figurent dans aucune autre collection publique en Europe), appartiennent au groupe des tout premiers textes imprimés en Polynésie. A ce titre, on peut les qualifier « d’incunables » du Pacifique Sud. En voici la liste complète : Te evanelia a Ioane, no Iesu Christ to tatou fatu [Texte imprimé] : irithihia ei parau Tahiti.- Tahiti : Windward mission press, 1821.- 67 p. ; 18 cm. Te ohipa a te mau Aposetolo, i Papai hia e Luka [Texte imprimé] : iriti hia ei Parau Tahiti.- Tahiti : I neia i te nenei raa a te mau misionari ra, 1822.- 87 p. ; 18 cm. E ui na te tamarii [Texte imprimé].Tahiti : Mission press, 1823.- 12 p. ; 18 cm.

Recueil factice « Œuvres tahitiennes », Inv. n° 17902. ©Médiathèque de Rochefort

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E buka haapii raa neia ei parau Tahiti [Texte imprimé].- Tahiti : Windward mission press, 1821.- 24 p. ; 15 cm. Aritemeti [Texte imprimé] : oia te haapaoraa otetaio : e te faa au raa o te numera.- [Edition revue].- Tahiti : Windward mission press, 1822.- 16 p. ; 15 cm. Tamatoa [Texte imprimé] : e te bue Arii atoa no Raiatea, e no Tahaa, e no Porapora, e no Maupiti.- Huahine : Mission press, [1820].- [1] f. pliée ; 57 x 44 cm. Report of the missionary stations in Tahiti and Eimeo [Texte imprimé] : with an account of the annual meeting held at th Royal mission chapel in Pare : from may 1820 to may 1821.- Tahiti : Mission press, 1821.- 11 p. ; 17 cm. Report of the missionary stations in Tahiti and Eimeo [Texte imprimé] : with an account of the annual meeting held at th Royal mission chapel in Pare : from may 1821 to may 1822.- Tahiti : Mission press, 1822.- 16 p. ; 17 cm.

Vue de l’île de Borabora (îles de la Société), pl. 16, Atlas historique du voyage de la Coquille. Gravure d’A. Tardieu, d’après un dessin de Lejeune et Chazal. Inv. n° 3179. ©Médiathèque de Rochefort

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Ces textes ont été imprimés sur les presses des missionnaires, témoignant par là de l’importance que ceux-ci, catholiques ou protestants, accordaient à la diffusion de l’écrit pour l’évangélisation des populations. En collectant ces textes, René-Primevère Lesson fut témoin de la rencontre des peuples polynésiens avec l’écriture. Cette rencontre fut pour chaque île un événement considérable, comme le prouve l’appropriation immédiate de l’imprimerie par les chefs polynésiens. Ainsi à Tahiti, où l’imprimerie fut introduite en 1818 par les missionnaires protestants anglais, le roi Pomaré voulut présider à l’inauguration du premier é t ablis s e me nt t yp o gr ahique, installé à Afareiatu. Il tint à être le premier à assembler un alphabet, Tamatoa, e te bue Arii atoa les trois feuilles encrées par le no Raiatea, e no Tahaa, e no roi étant ensuite présentées Porapora, e no Maupiti… à la foule et aux dignitaires Le code Tamatoa, Inv. n° 17902. rassemblés pour l’occasion. ©Médiathèque de Rochefort A Hawaii, le même type de cérémonie eut lieu le 7 janvier 1822, où le chef Ke‘eaumoku imprima sur des presses montées par les missionnaires les huit premières pages jamais imprimées dans l’île. L’apprentissage rapide de la lecture et de l’écriture par les chefs manifeste leur compréhension claire des possibilités politiques de domination qu’offre la maîtrise de l’écrit6. Les premiers textes imprimés furent, fort logiquement, des alphabets, les évangiles, puis dans un second temps des textes à caractère juridique ou règlementaire. En Polynésie, il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour voir se développer un usage de l’écrit qui ne soit pas directement lié à l’évangélisation ou à la colonisation, avec l’apparition des Puta Tupuna, manuscrits rédigés par les autochtones. Le plus ancien Puta Tupuna identifié à ce jour a été composé en 1846 aux îles Sous-le-Vent. Le recours à l’écriture avant cette date repose principalement sur la Mission ; il n’est donc pas étonnant de ne trouver que des textes véhiculant l’assimilation Le contexte de l’introduction de l’écrit et de l’imprimerie en Polynésie semble, de ce point de vue, corroborer les pages célèbres de Claude Lévi-Strauss dans le chapitre XXVIII de Tristes tropiques : « la fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l’asservissement ». 6

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culturelle du christianisme ou des cultures européennes. Parmi les documents du recueil factice « Œuvres tahitiennes » (dont on a compris que le titre était trompeur, toutes les œuvres réunies n’ayant pas été imprimées à Tahiti), on trouve ainsi une feuille de papier pliée, mesurant 57 cm sur 44 cm : le code Tamatoa. C’est un des premiers textes de droit polynésien. Il est rédigé en 1820 par Tamatoa, le chef de l’île de Raïatea, sous l’influence des missionnaires protestants britanniques. Ce code se présente sous la forme d’une affiche, imprimée sur les presses de la mission britannique. Fortement inspiré du code élaboré pour Tahiti en 1819, le code Tamatoa est signé par les chefs des îles Sous-le-Vent de Raïatea, Tahaa, Bora Bora et Maupiti. Il sera suivi en 1822-1823 du code de Huahine, une autre île de l’archipel des îles Sous-le-Vent. Ces codes constituent une rupture dans l’histoire des sociétés polynésiennes. Ils sont adaptés aux données politiques locales mais fortement imprégnés des préceptes

Première page du document portant l’ex-libris de René-Primevère Lesson, Te evanelia a Ioane, traduction en tahitien de l’évangile de Saint Jean, Inv. n° 17902. ©Médiathèque de Rochefort

Détail de l’ex-libris de R.-P. Lesson sur Te evanelia a Ioane ©Médiathèque de Rochefort

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religieux développés par les missionnaires britanniques. Ils permettent ainsi à ces derniers de consolider leur pouvoir sur les populations, tout en poursuivant la christianisation. Dans son livre Voyage autour du monde entrepris par ordre du gouvernement sur la corvette la Coquille, paru en 1838, René-Primevère Lesson fait référence au code Tamatoa. Il écrit ainsi qu’il « possède l’original de ce document devenu très rare » et en donne une traduction française intégrale, tirée de la traduction anglaise du révérend Williams. Fait intéressant, le recueil composé par l’aîné des Lesson comprend également un texte collecté à l’île Maurice, lors d’une escale au retour du voyage de la Coquille. Ce document est lui aussi extrêmement rare (aucune autre localisation dans les collections publiques dans le monde en dehors de l’île Maurice). Il s’agit des Essais d’un bobre africain, publiés à Maurice en 1822 par François Chrestien. Ce texte est tout simplement le premier publié en créole dans l’Océan Indien.

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« Le grand prêtre de Tahiti cédant le district de Matavai au Capitaine Wilson, pour les missionnaires », Polynesian researches, William Ellis, Londres 1839, Inv.n° 15785© Médiathèque de Rochefort

La Bible d’Orsmond En mai 1848, le missionnaire anglais John Muggridge Orsmond offre à Pierre-Adolphe Lesson une Bible,sur laquelle il inscrit une longue dédicace, qu’on peut traduire ainsi : « J M Orsmond prie le Dr Lesson d’accepter ce livre, et de le lire, comme une marque de son estime pour son indigne ami. 31 mai 1848, Te Ahupo » Ce volume relié de cuir, imprimé à Londres en 1838, est un cadeau pour le moins étrange. La dédicace appelle en effet la Bible « ce livre » et exige du dédicataire qu’il s’applique à sa lecture, laissant supposer une allusion à des références communes, voire à des discussions de nature religieuse ou philosophique entre Orsmond et Lesson. Sous protectorat français depuis 1842, Tahiti reste, en 1848, marqué par l’influence des Britanniques, premiers véritables colons des îles de la Société. La présence européenne débute en effet avec l’installation en 1797 des missionnaires protestants britanniques. Membres de la London Missionary Society, ils sont envoyés pour évangéliser les populations de l’Océanie. 58


Les missionnaires de la LMS arrivent sur le Duff sous le commandement du capitaine Wilson. A Tahiti, le grand prêtre du dieu Oro, Haamanemane, leur accorde le terrain de Matavaï pour qu’ils s’y installent. Malgré l’indifférence de la population, voire son hostilité, ils parviennent à asseoir leur influence. La conversion de Pomaré II en 1812 et son baptême en 1819 marquent le début de l’essor du protestantisme dans les îles. Les premiers habitants européens ont dû tout apprendre de la société tahitienne : langue, religion, traditions, organisation sociale. Leurs travaux écrits, entrepris dans le but d’affermir la réussite de la christianisation, sont devenus des sources pour les voyageurs ultérieurs, puis plus tard pour les anthropologues.

Portait de John Muggridge Orsmond ©Médiathèque de Rochefort

John Muggridge Orsmond arrive à la mission de Moorea le 27 avril 1817 et occupe ensuite différents postes à Huahine, Raiatea et Bora Bora, où il fonde en 1820 une station de la London Missionnary Society. Dans les années 1840, il est pasteur de Mataoae, dans la presqu’île de Tahiti. Orsmond est un des rares Britanniques qui tolèrent la présence française à Tahiti. Il sera d’ailleurs nommé à la tête des missions protestantes françaises d’Océanie. Très dur dans sa conception de la christianisation, intransigeant avec les populations, il collecte cependant les rituels polynésiens pour en faire une somme écrite. Son travail va d’ailleurs servir de source majeure à différents auteurs d’ouvrages sur Tahiti et l’Océanie, comme Moerenhout (Voyage...) et William Ellis (…). Orsmond contribue aussi au 59

Lettre de John Muggridge Orsmond à Pierre Adolphe Lesson, datée du 4 novembre 1849, Papeete : « To Dr Lesson, My dear Sir, In passing thro this inhospitable world, we meet with but fiew real friends ». Inv. Ms 201. ©Médiathèque de Rochefort


dictionnaire tahitien de John Davies. Le grand manuscrit d’Orsmond, résultat de plusieurs décennies de travaux, remis au gouverneur Lavaud en 1848 alors que celui-ci quitte ses fonctions pour rentrer en France, a disparu. Mais sa petite-fille, Teuira Henry, utilisera ses notes pour l’ouvrage Tahiti aux temps anciens publié en 1928.

La Sainte Bible... Londres, 1838-1839. Bible en français. Reliure en cuir de la Société pour l’impression de la Bible, Inv. n° 17900. ©Médiathèque de Rochefort

Dédicace de John Muggridge Orsmond à PierreAdolphe Lesson sur La Sainte Bible, Londres, 1838-1839. « J M Orsmond begs that Dr Lesson will accept this book, & read it, as a mark of his esteem for his unworthy friend. 31 May 1848, Te Ahupo », Inv. n° 17900. ©Médiathèque de Rochefort

Détail de la reliure : le cachet de la Société pour l’impression de la Bible. Inv. n° 17900. ©Médiathèque de Rochefort

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Pierre-Adolphe Lesson est en Polynésie depuis octobre 1843. Chef des services de santé des Etablissements français d’Océanie, il est en poste aux Marquises jusqu’en juin 1844, puis à Tahiti où il dirige l’hôpital de Papeete. Il est aussi juge du Conseil d’Appel de Papeete et à partir de 1847, membre du Conseil du Gouvernement de Tahiti. Lesson quitte définitivement Tahiti le 17 novembre 1849. Quelques jours avant son départ, Orsmond lui adresse une lettre au ton très personnel. Il y fait allusion aux soins médicaux que lui et sa famille ont reçus, à son regret du départ de celui qu’il appelle son ami, au décès de René-Primevère Lesson, survenu en avril de la même année. Lesson et Orsmond font partie du petit monde « européen » des îles de la Polynésie. Ce sont des militaires, des marins, des marchands, des fonctionnaires, des missionnaires… Chef du service de santé, Pierre Adolphe Lesson soigne les militaires, mais aussi les civils. Membre du Conseil du gouvernement, il est informé de la plupart des affaires du protectorat. Il est donc en contact avec de nombreux habitants des îles. En tant que chef des missions protestantes françaises, Orsmond est reçu chez le gouverneur, aux dîners, aux cérémonies officielles. C’est tout naturellement qu’il côtoie Pierre Adolphe Lesson. Celui-ci écrit d’ailleurs dans son Journal de Tahiti l’avoir particulièrement bien connu. Il est intéressant de noter que René-Primevère Lesson, a lui aussi rencontré Orsmond, durant le voyage autour du monde de la 61

Te faufaa api a to tatou fatu e te ora a Iesu mesia ra, Londres, 1838. Nouveau testament traduit en tahitien par Henry Nott, Inv. n°17809. ©Médiathèque de Rochefort


Coquille, en 1823. Très critique vis-à-vis de l’œuvre d’évangélisation des missionnaires protestants, il rapporte dans son Voyage plusieurs faits liés à Orsmond. Celui-ci aurait notamment pratiqué le flétrissement d’une femme adultère, alors même que les missionnaires protestants interdisent le tatouage aux Polynésiens. De confession catholique, René-Primevère comprend mal la rigueur de ces pasteurs protestants, dont les principes, jugés trop durs et absurdes, avilissent, selon lui, les Polynésiens. Pierre-Adolphe Lesson adopte une position plus équilibrée que son frère face aux missionnaires. Il est aussi sévère avec les catholiques qu’avec les protestants. Il les soupçonne volontiers de visées lucratives plus qu’humanitaires. Ainsi dénonce-t-il dans son Journal de Tahiti, la cupidité des sœurs catholiques, qui fournissent le lait aux malades hospitalisés dans son service. Mais il sait faire la part entre les hommes et leurs appartenances. Les grandes connaissances d’Orsmond sur le peuple tahitien les ont vraisemblablement rapprochés. De même, la droiture de caractère de Pierre-Adolphe Lesson, que laisse entrevoir le journal qu’il tient, a pu plaire à ce missionnaire protestant très rigoriste.

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Détail de la dédicace de Latour de Clammouze à Lesson sur Notes grammaticales sur la langue sandwichoise, Paris, Decourchant, 1834, Inv. n° 18053. ©Médiathèque de Rochefort

La grammaire d’Hawaii aux Gambier Le 12 avril 1840, Pierre-Adolphe Lesson débarque à Mangareva (archipel des Gambier). Le Pylade y fait escale pour apporter son soutien aux missionnaires catholiques commandés par le père Laval, qui évangélise la population locale depuis son arrivée en 1834. Lesson, très méfiant vis-àvis des missionnaires, qu’il soupçonne de corruption et d’abus de pouvoir, rencontre non seulement le père Laval, mais aussi d’autres compatriotes présents lors de cette période d’acculturation intense des insulaires des Gambier. L’un de ces missionnaires est Alphonse de la Tour, plus connu sous le nom de frère Urbain. Voici le portrait qu’en dresse Pierre-Adolphe Lesson dans son livre Voyage à Mangareva, publié en 1844 à Rochefort, par les bons soins de son frère, sur les presses de l’imprimerie Mercier et Devois : « M. de Latour mérite aussi sa biographie. Dans notre première entrevue, il me paraît mieux élevé que M. Laval, plus discret surtout, et bien qu’il soit plutôt simple catéchisant et chargé de propager par l’impri­merie les nouveaux dogmes, il a rendu à la mission des services hors ligne. C’est un petit homme d’un âge assez avancé, à large cerveau par le haut, mais à côté de la tête très bombé. Il a les bras longs et maigres, et tout son corps grêle semble avoir été macéré. Il n’a pas l’estomac meilleur que M. Laval, si j’en juge par certaines senteurs qui frappent l’odorat, sorte d’exhalaison que je crois due à une alimentation végétale continue et surtout à la consommation habituelle de fruit à pain converti en bouillie. M. Latour me dit être friand de ce mets, que 63


je trouve pour ma part fastidieux. Avant d’arriver aux îles Gambier, M. Latour m’avoua avoir essayé de plusieurs métiers. C’est ainsi qu’il passa quelques temps chez le lithographe parisien Langlumé pour apprendre à imprimer. Il a le goût des sciences, et sans être très versé dans leur culture il a appris de tout un peu ; et cependant, par son nom, M. Latour semble tenir à une vieille aristocratie. Il se nomme Alonzo [sic] Vicomte de Florit de la Tour de Clamouze. Les manières de ce petit homme sont simples mais distinguées. Son ton, son parler de bonne compagnie préviennent en sa faveur, et pour arriver à Mangareva de graves vicissitudes de fortune ont dû réagir sur cette chétive organisation. Pour ma part, j’ai éprouvé pour M. de Latour les plus vives sympathies ». Les récits de son bref séjour à Mangareva laissés par P.-A. Lesson montrent tous qu’il éprouva la plus vive aversion pour le père Laval, accusé de brutaliser les autochtones et de ne pas s’appliquer à lui-même les principes recommandés aux autres. Le contact avec Latour se passa mieux et c’est par lui que Lesson parvint à obtenir de nombreux renseignements sur Mangareva. Les manuscrits de Lesson font également apparaître clairement le rôle joué par Latour dans l’introduction de l’imprimerie aux Gambier. Le Rochefortais mentionne ainsi les efforts du missionnaire picpusien pour faire imprimer des abécédaires et une première grammaire mangarévienne, après avoir laissé à Dumont d’Urville, lors de l’escale de l’Astrolabe quelques mois auparavant, des notes manuscrites répertoriant environ 1200 mots de la langue mangarévienne. Plus largement, Latour semble avoir été le principal artisan de la diffusion de la culture écrite dans les premières années d’évangélisation des Gambier : « Ma principale fonction me dit M. Latour, est de catéchiser les insulaires, mais je joins encore à ces devoirs qui me laissent peu de repos la direction de la fabrication des étoffes de coton. Je suis contraint de me rendre dans chaque île donner des leçons aux fem­mes depuis les plus jeunes jusqu’à l’âge de 60 ans. Quelles leçons, M. de Latour fut discret à ce sujet, mais le pilote me dit que c’était des leçons de lecture et surtout d’écriture, car les Mangaréviens ont montré le même empressement que les habitans des îles de la Société ou des Sandwich pour apprendre à écrire. Ils ont un goût excessif pour la calligraphie. Aussi quelques jeunes gens possèdentils au moment présent une fort belle écriture, bien que la masse ne soit encore qu’au début. Le roi sera bientôt en mesure de se passer de son premier ministre pour transcrire les affaires importantes qu’il n’est pas encore en état de traiter seul. M. de Latour me dit qu’il était aussi occupé à faire imprimer les premières feuilles d’une grammaire mangarevienne, et celles d’un petit vocabulaire de mots français travestis pour le génie de la langue de ce peuple qui s’assimile avec une prodigieuse facilité les mots des idiomes étrangers ». Au moment de faire ses adieux à Lesson, « frère Urbain » lui fait don d’un nombre assez important d’insectes et d’une « grammaire sandwichoise ». Ce document se trouve dans la bibliothèque léguée en 1888. Il s’agit d’un 64


petit volume imprimé à Paris en 1834 chez Decourchant. Son auteur, Alexis Bachelot, est arrivé à Hawaii en 1827 pour diriger, en tant que préfet apostolique, la première mission catholique implantée à Hawaii. L’ouvrage, dont le titre exact est « Notes grammaticales sur la langue sandwichoise », porte de nombreuses mentions manuscrites de Lesson dans les marges et la dédicace suivante sur la page de garde : “A Mr le doc[teu]r Lesson, Vte de Florit, Archipel de Mangareva, le 20 avril 1840” Ce document prouve que les imprimés, comme les objets du quotidien ou les armes, circulaient largement dans l’espace océanien, d’une île à l’autre. Si P.-A. Lesson est bien allé à Hawaii en 1840, la grammaire sandwichoise figurant dans sa bibliothèque n’a pas été « collectée » à Hawaii, mais aux Gambier. La bibliothèque des frères Lesson recèle aussi quelques curiosités sans rapport avec les voyages des deux frères dans le Pacifique. Voici deux exemples de documents qui méritent une attention particulière.

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Sur les traces de Zarafa Au cours de l’année 1827, une mode de la girafe s’empare de la France. Les girafes sont partout : dessins, caricatures, chansons, décors d’assiettes, de bonbonnières, sacs, papiers peints, fers à repasser… C’est ce qu’on appelle la « girafomania », mode provoquée par l’arrivée en France de la girafe offerte par le pacha d’Egypte, Méhémet Ali, au roi Etiquette du de France, Charles X. libraire-relieur La bibliothèque léguée par Pierre-Adolphe Boucard à Rochefort. Lesson garde une trace de cette vogue. ©Médiathèque de Rochefort On trouve, en effet, parmi les documents de cette bibliothèque, le livre de Pierre Boitard, Le jardin des plantes, description et moeurs des mammifères de la ménagerie et du Muséum d’histoire naturelle, édité en 1842, la reliure est signée Boucard. La reliure de ce livre est ornée d’une girafe guidée par deux hommes. Ce motif est directement inspiré d’un dessin de Florent Prévost, un naturaliste et illustrateur, collaborateur et élève d’Isidore Geoffroy-de-Saint-Hilaire, fils du célèbre naturaliste français Etienne Geoffroy-de-Saint-Hilaire. Une lithographie de ce dessin est actuellement conservée au Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Pour réaliser son décor « à la girafe », le relieur a dû graver sur une plaque de métal le motif dessiné par Florent Prévost ou bien se procurer cette plaque déjà gravée. Il a ensuite pressé la plaque contre le cuir de la reliure. Pour la dorure, il a placé une feuille d’or entre le cuir et la plaque. Les décors sont ici rehaussés de couleur. La reliure présente d’autres motifs animaliers : zèbre sur le plat inférieur ; éléphant, émeu, singes, papillons, panthères et oiseaux sur le dos. Or, Boucard est le nom d’un relieur installé à Rochefort au n° 21 de la rue Audry. Il figure dans les listes de commerçants des annuaires de la ville de 1828 à 1864. Le testament de René-Primevère Lesson fait mention du livre de Pierre Boitard, Le jardin des plantes, et d’une créance de 14 francs 50 centimes à M. Boucard, relieur. Le livre a donc appartenu à RenéPrimevère Lesson, qui a pu le confier pour reliure à M. Boucard. A la même époque, la bibliothèque municipale emploie également M. Boucard pour relier ses ouvrages. Deux des motifs utilisés pour le dos de la reliure du livre Le jardin des plantes figurent sur des volumes des Archives du Muséum d’histoire naturelle. Boucard pourrait donc être l’auteur de la reliure « à la girafe ». La girafe qui a servi de modèle est la fameuse girafe offerte par le pacha d’Egypte au roi de France. Cadeau diplomatique, elle est la première girafe à fouler le sol français. C’est un cadeau précieux puisque deux autres girafes, données à la Grande-Bretagne et à l’Autriche à la même 66


époque, meurent peu de temps après leur arrivée. Accompagnée de deux palefreniers égyptiens chargés de ses soins (motif de la reliure) et de deux vaches pour assurer son alimentation en lait, elle franchit un désert, remonte le Nil, traverse la Méditerranée, avant d’arriver à Marseille. La suite du voyage jusqu’à Paris se réalise à pied sous la responsabilité d’Etienne Geoffroy-de-Saint-Hilaire. Tout au long du trajet en France, de Marseille à Paris, une foule innombrable se presse pour la regarder. A Paris, après avoir été présentée au roi, elle est installée dans la rotonde du jardin des plantes. 600 000 visiteurs se seraient déplacés entre les mois de juillet et de septembre 1827 pour l’admirer. Pour les scientifiques également, la venue de cette girafe est un événement. Les descriptions faites par Buffon n’avaient pu être qu’extrapolées à partir d’un échantillon d’os ou de récits divers. Les scientifiques peuvent dorénavant travailler à partir de l’observation directe de l’animal. A sa mort en 1845, la girafe de Charles X est naturalisée, exposée puis remisée. Elle n’est déjà plus si rare, si précieuse, si célèbre. La girafomania s’est en effet rapidement essoufflée. Dès juin 1830, Honoré de Balzac écrit en effet : « elle n’est plus visitée que par le provincial arriéré, la bonne d’enfants désœuvrée et le jean-jean simple et naïf ». Une autre girafe la rejoint en 1839. Et d’autres girafes suivent encore, qui, à leur mort, sont naturalisées et remisées… Au début du XXe siècle, les girafes du Muséum d’histoire naturelle de Paris, trop nombreuses, sont envoyées dans différents musées de province. En 1931, la girafe de Charles X est transférée au Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle. On l’appelle depuis peu de son nom arabe « Zarafa ». Elle est exposée dans les escaliers du Muséum depuis sa réouverture en 2007.

Plat inférieur

Dos

Plat supérieur

la reliure du livre de Pierre Boitard, Le jardin des plantes. Inv. n° 12291. ©Médiathèque de Rochefort

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Les 4 volumes d’Hokusaï manga. Albums de 23 cm sur 16 cm, à couverture cartonnée, recouverte de papier de couleur, Inv. n° 2937 à 2940. ©Médiathèque de Rochefort

Hokusai Manga Autre curiosité, les quatre albums brochés, inventoriés dans le catalogue du legs sous le numéro 151 bis comme « albums de gravures, texte chinois ». Il s’agit des volumes 8, 10, 12 et 14 des recueils d’estampes de Katsushika Hokusai, Hokusaï manga, publiés au Japon au XIXe siècle. Hokusaï est l’un des maîtres japonais du dessin et de l’estampe. Né en 1760 à Edo, aujourd’hui Tokyo, il manifeste très tôt des aptitudes pour le dessin ainsi qu’un goût prononcé pour la peinture. A 14 ans, il est apprenti dans un atelier de gravure sur bois. Il étudie ensuite, avec différents maîtres, les diverses techniques du dessin japonais et la perspective, venue de l’art occidental. Il reprend tous les genres traditionnels : portraits de geishas et de lutteurs de sumo, scènes de la vie quotidienne, paysages... A sa mort en 1849, il laisse une œuvre impressionnante : peintures, dessins, gravures, livres illustrés, manuels d’enseignement… En 1814, il avait ressenti le besoin de créer un nouveau terme pour qualifier ses recherches graphiques, le mot « manga » construit avec deux idéogrammes : « man » qui désigne une chose sans suite, confuse ou qui manque de tenue et « ga » le dessin. Etymologiquement, « manga » signifie à peu près « image dérisoire ». Le terme « manga », qui signifie aujourd’hui bande dessinée au sens large au Japon, désigne pour nous, en France, la bande dessinée 68


japonaise ou, du moins, les bandes dessinées qui rappellent l’univers graphique de cette dernière. Malgré la parenté visible entre l’art d’Hokusaï et l’expression graphique des mangakas, les albums Hokusaï manga, publiés de 1814 à 1878, ne sont pas des mangas au sens actuel du terme. Ce sont des recueils d’estampes, indépendantes les unes des autres, sans dialogue ni récit. Conçus pour les apprentis dessinateurs, ils constituent une encyclopédie visuelle faite de figures et de scènes uniques, une sorte de manuel de dessin. Hokusaï y témoigne d’un souci de l’observation, d’une vivacité du trait, d’un art de la caricature… Des caractères présents dans la bande dessinée japonaise dès le début du XXe siècle. Les quatre volumes des Manga d’ Hokus aï p os s é dé s par la bibliothèque ont été publiés en 1878, l’année de la sortie du quinzième et dernier volume de la série. Il s’agit en fait de rééditions posthumes imprimées à partir de bois nouveaux. En effet, usés par les multiples éditions, les bois servant à l’impression des estampes ont été remplacés par d’autres bois gravés à l’identique mais qui ne sont plus de la main du maître. L’art japonais arrive en Europe au milieu du XIXe siècle et se développe après l’ouverture du Japon au monde extérieur en 1868. En 1856, Félix Bracquemond, considéré comme l’initiateur du japonisme, reproduit les figures animales d’un volume des Mangas d’Hokusaï sur de la porcelaine. Avec lui, l’art japonais se diffuse à grande échelle en France. Il est toutefois peu probable que les 69

Image extraite de la Manga d’Hokusai, Inv. n° 2937 à 2940. ©Médiathèque de Rochefort


Mangas d’Hokusaï aient été en vente dans les librairies de Rochefort. On peut donc se demander comment Pierre-Adolphe Lesson les a acquis et surtout pourquoi. En 1878, il a 73 ans. Il vit à Rochefort depuis son retour de Tahiti en 1850. Il poursuit ses recherches sur l’Océanie, étudiant et commentant les textes antérieurs sur le sujet et travaillant à la réécriture de ses notes de voyage. Il participe aux travaux de la Société de géographie de Rochefort, dont il est membre dès sa création en 1879. Franc-maçon depuis l’âge de 21 ans, il fréquente la loge de L’Accord Parfait. Dans ces deux assemblées, il côtoie des officiers de marine, séjournant à Rochefort entre deux embarquements. La ville est encore à cette époque un grand port militaire. L’école de médecine navale contribue à la présence de nombreux officiers de santé. Parmi eux, Léon Ardouin, un médecin de la marine, connaît bien Pierre‑Adolphe Lesson.

Image extraite de la Manga d’Hokusai, Inv. n° 2937 à 2940. ©Médiathèque de Rochefort

Léon Ardouin a navigué plusieurs fois en Extrême-Orient. En 1872, il est chargé du service médical de Mittue en Cochinchine puis de celui de Saïgon en 1873. De 1881 à 1884, il est embarqué sur le Kersaint participant aux opérations de guerre entre la Chine et la France pour le contrôle de l’Annam. Enfin de 1887 à 1890, il est chef de l’hôpital de Gnang-Yen au Tonkin. Lors de ces voyages, les bateaux font relâche au Japon, notamment à Nagasaki. Outre leurs points communs évidents, comme leur appartenance à la Société de géographie de Rochefort et à L’Accord Parfait, leur formation à l’école de médecine navale et leur carrière d’officier de santé, les deux 70

Image extraite de la Manga d’Hokusai, Inv. n° 2937 à 2940. ©Médiathèque de Rochefort


hommes semblent partager une relation de respect et de confiance. Léon Ardouin est ainsi l’une des trois personnes désignées par Pierre-Adolphe Lesson dans son testament pour trier les manuscrits dignes d’être légués à la ville de Rochefort. A partir de 1894, Léon Ardouin, retraité de la Marine, travaille à la bibliothèque, comme adjoint puis comme conservateur en 1906. Il commence en 1896 un inventaire de tous les documents de la bibliothèque. Sous les n° 2937-2940, il identifie correctement les quatre ouvrages : « Albums japonais. Dessins d’Hokusaï ». Il connaît visiblement ces livres. Est-ce parce qu’il les a lui-même offerts à Pierre-Adolphe Lesson ?

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Les frères Lesson, collecteurs d’objets du Pacifique Les officiers de Marine, et parmi eux les médecins et chirurgiens, sont souvent de remarquables collecteurs d’objets exotiques. Beaucoup de ces objets ont été trouvés à la faveur des grandes expéditions d’exploration du Pacifique de la première moitié du XIXe siècle, parfois plus tardivement. Par exemple lors du voyage de La Flore, en 1872, qui conduit le jeune aspirant Julien Viaud – plus connu sous son nom de plume, Pierre Loti- à l’île de Pâques et aux Marquises. Les frères Lesson s’inscrivent parfaitement dans ce mouvement d’explorateurs amateurs de curiosités du bout du monde. René-Primevère (l’aîné) et Pierre Adolphe (le cadet), ne manquent pas de rapporter des objets des deux expéditions scientifiques auxquelles ils participent, à bord de la Coquille (1822-1825), puis de l’Astrolabe (1826-1829). Il s’agit d’une collecte aléatoire, soumise au hasard des escales, des rencontres et au final à l’offre. René-Primevère n’effectue qu’un voyage dans le Pacifique. Mais PierreAdolphe y retourne par deux fois, en 1839-1842, lors du périple du Pylade, et pour long séjour aux Marquises et à Tahiti, de 1843 à 1849. Pendant le voyage à bord du Pylade, les trouvailles relèvent toujours de la bonne fortune. En revanche, durant son séjour en Polynésie, le cadet des frères Lesson procède à ce qu’il faut bien appeler une collecte d’objets raisonnée, indissociable de celle d’autres éléments, notamment historiques et linguistiques, particuliers aux peuples qu’il côtoie. La volonté scientifique d’appréhender dans leur totalité les cultures des Marquises et de Tahiti caractérise le travail de Pierre-Adolphe. Une démarche qui le positionne comme un précurseur de l’ethnologie de terrain.

La collection de René-Primevère : des souvenirs de voyages vite dispersés L’inventaire après décès de la maison de Rochefort de René-Primevère ne fait état que d’une natte des colonies, servant de devant de cheminée, et une demi-calebasse. L’aîné des Lesson lègue à son cadet que riche bibliothèque et son coquillier, mais pas d’artefacts océaniens. Cette absence ne signifie pas que René-Primevère n’avait rien rapporté de ses expéditions. Bien au contraire ! Dans Voyage autour du Monde, son récit de l’expédition de la Coquille, publié en 1839, il mentionne un certain nombre d’objets acquis par lui. Grâce à ce texte, nous savons qu’à Tahiti, où les missionnaires protestants ont éradiqué l’essentiel de l’ancienne culture, la collecte est maigre. Bien que de nombreux objets circulent encore dans les années 1820, RenéPrimevère y acquiert seulement une flûte. En revanche, en botaniste émérite, il s’attarde sur le tapa (étoffe végétale d’écorce battue), les teintures et les techniques servant à le décorer. Entre autres pièces de 72


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vêtement, il décrit précisément le tiputa : « Dans les jours de cérémonie les chefs portent une longue pièce d’étoffe ouverte au centre, appelée tipouta, retenue sur les épaules par la tête, semblable au poucho des Araucans, et retombant jusqu’aux chevilles, à la manière des chasubles de nos prêtres. Sa couleur est blanche : mais les bords et surtout les angles sont ornés de feuillages imprimés, et vivement colorés en rouge par le suc rutilant du maki » (Ficus tinctoria, Foster). Il décrit aussi le tiputa du roi Téfaroa de Bora Bora : « Il était revêtu d’un véritable poncho chilien fait d’écorce d’eaoua , (banian Ficus prolixa) ». Sur la planche 15 de l’Atlas de l’Histoire du voyage de la Coquille intitulée Chefs de l’île de Borabora, Téfaora roi de Bora Bora porte un tiputa orné d’applications de fougères et d’un motif fait de cercles concentriques qui rappelle le tatouage spiralé qui orne son bras gauche. 1 Un fragment de ce type de vêtement attribué à ce personnage, et noté comme don Lesson, est aujourd’hui conservé à l’Ecole de médecine navale de Rochefort. Si le motif imprimé, des feuilles de bancoulier (Aleurties moluccana, syn. A. triloba), diffère de celui de la gravure, l’attribution paraît plausible. Il s’agirait là de l’unique relique de la collection de René‑Primevère. 2

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Les pièces que l’aîné des frères Lesson se procure en Nouvelle-Zélande sont beaucoup plus nombreuses. A l’inverse des îles de la Société, cet immense archipel n’a pas succombé aux effets destructeurs de la christianisation. L’ancienne culture maorie y est encore en pleine vigueur et les objets traditionnels sont abondants. Mais des conflits d’une violence inouïe sévissent : des combats intertribaux alimentés par les armes à feu fournies par les trafiquants occidentaux, d’où leur nom de Musket war. Cet état de guerre perdure toute la première moitié du XIXe siècle. Il aura, à terme, raison de la culture locale, facilitant l’obtention d’objets, y compris les plus ritualisés, et sera la cause directe de l’effroyable commerce des têtes trophées, moko mokaï. Dans ses écrits, René-Primevère s’attarde sur les acquisitions faites à la baie des Iles auprès de la tribu de Kouerra : « Je leur achetai quelques-uns de ces fétiches de jade et de ces dents de requin qu’ils portent suspendus au cou, et dont ils ne se défont que dans des cas rares et que quand l’objet ramassé sur le champ de bataille n’est pas le représentant pour eux d’une victoire, l’image de leur propre divinité ou un bijou de famille. Je me procurai aussi une toki ou hache de jade, aussi remarquable par la beauté du minéral que par les sculptures dont le manche était embelli. Un homme fort connu à Paris m’emprunta cette rare et curieuse pièce que je n’ai jamais pu revoir depuis. » Deux herminettes cérémonielles de ce type sont représentées sur la planche 40 de l’Atlas de l’histoire du voyage de la Coquille n° 1et 2. 3 Si l’aîné des Lesson remarque, à juste titre, que certains objets ne sont pas négociables quand ils conservent une grande valeur rituelle pour leur possesseur, il ne rencontre néanmoins aucune difficulté pour obtenir plusieurs pendentifs de cou, hei tiki, en néphrite, pounamou, des ornements en dents de requins, mako (sans doute des ornements d’oreille plus 74

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que des pendentifs) ainsi qu’une herminette cérémonielle, toki poutangata, à armature trapézoïdale biseautée en néphrite. Autant d’acquisitions qui constituent des preuves de la désacralisation précédemment évoquée de certains objets. Mais le plus surprenant est la facilité avec laquelle René-Primevère obtient trois moko mokaï, a priori trois têtes de vaincus, pourtant fondamentales dans les échanges de ratification de la paix entre deux tribus ennemies : « J’avais eu le soin d’acheter de la poudre de guerre livrée à Toulon, de sorte que je me trouvais en mesure de compléter mes collections pour le muséum en objets de haute valeur, d’autant plus que l’essai de cette poudre renfermée dans des boîtes de fer-blanc, avait donné aux naturels une haute idée de sa force. C’est ainsi que j’obtins en ce jour trois têtes de Zélandais conservées par le procédé admirable de ces peuples, et bien supérieures à tout ce que les Européens ont tenté en momification. L’une de ces têtes était cachée sous le pagne d’une jeune fille, et celle-ci tenait avec une complète indifférence cet abominable joujou. Elle la prit par les cheveux pour m’en montrer l’intégrité et la tourna en tous sens pour me faire admirer la régularité de son riche tatouage. Cette tête décollée semblait être celle d’un homme dans le sommeil, car ses paupières abaissées et cousues fermaient les yeux, sa bouche entr’ouverte et desséchée sur de belles dents, semblait encore empreinte du rire sardonique du guerrier qui brave ses ennemis et la mort qui lui est donnée. » De ces trois têtes il dit encore : « J’en donnai une au Muséum, la deuxième au cabinet d’anatomie de Rochefort, et la troisième dans une riche collection particulière. » La seconde, seule conservée, après avoir été déposée au muséum de La Rochelle a été rétrocédée aux Maoris en 2012. 4

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L’attrait de René-Primevère pour ces trophées ne tient pas seulement au goût du morbide. Médecin, il apprécie la technique de momification. Esthète, il admire le tatouage facial des Maoris. Du moko d’un chef de la baie des Iles il dit : « Rien ne distinguait Shongi du reste de ses sujets si ce n’est la perfection de son tatouage hiéroglyphique. » PierreAdolphe exprimera trois années plus tard, et à plusieurs reprises, une admiration semblable, entre autre pour le moko de Nataï un des chefs de la baie Bream, représenté par Louis de Sainson sur la planche 63 de l’Atlas historique de l’Astrolabe 5. Il a d’ailleurs rédigé une étude manuscrite inédite sur le sujet : Nouvelle-Zélande note 1°Tatouage 2°préparation des têtes. Enf in, Re né -Pr imevè r e note l’obtention au pa (village) de Kourea 5 du chef Toui : « […] d’une fourchette ©Médiathèque de Rochefort à quatre dents, faite avec l’os radius du bras droit, sculptée avec soin, et ornée de divers reliefs en nacre ». A propos de cet objet, il évoque le cannibalisme ancestral des Maoris qui semble le fasciner, bien qu’il désigne cette pratique comme abominable ! Cet ustensile figure aussi sur la planche 40 de l’Atlas de l’histoire du voyage de la Coquille, n° 8. 3 S’il essuie quelques refus dans ses tentatives d’acquisitions, il réussit cependant à rassembler, sans difficulté, un ensemble certes peu important numériquement, mais naguère hautement valorisé par les Maoris. Cette facilité de collecte témoigne de la déliquescence des valeurs culturelles traditionnelles de leur société ; décadence plus flagrante encore lors du passage ultérieur de son frère. René-Primevère a rapporté d’autres objets qu’il n’évoque pas dans son récit de voyage, mais qui apparaissent dans l’inventaire de Duhamel Du Monceau du musée Dauphin, ouvert au Louvre en 1829. On y trouve répertoriées un certain nombre de pièces remises par un Lesson, sans doute René-Primevère. Le fait que quelques-unes de ces pièces aient pour donateur associé Prosper Garnot, chirurgien sur La Coquille, conforte cette hypothèse. Il s’agit de tapas de Tahiti, de flûte de pan, mimiha, de Tonga, de deux tapas de Hawaï, d’un tambour de Nouvelle-Guinée, d’une boîte à bétel de la côte de Coromandel, d’un modèle de pirogue et enfin d’un bâton de chef des Carolines. Un lot disparate, typique de la collecte aléatoire.

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De retour à Rochefort, René-Primevère Lesson connaît d’autres sujets d’étude. Il devient un antiquaire réputé de la Saintonge. De son unique voyage dans le Pacifique, il ne conserve aucun souvenir, préférant remettre aux institutions officielles, cabinet de curiosités de Rochefort ou musée Dauphin au Louvre, le fruit de ses collectes . Ce qui explique l’absence totale d’exotica dans sa maison à sa mort.

Les collections de Pierre-Adolphe : des ensembles riches et documentés Bien différente est l’attitude du cadet des frères Lesson. Pierre-Adolphe se montre un collectionneur impénitent ; il s’attache heureusement à décrire le processus de sa grande collecte dans son récit manuscrit du voyage de l’Astrolabe L’obtention d’objets, bien qu’hasardeuse, répond en partie à une demande officielle comme le rapporte Durville lui-même lors de l’escale à Tonga : « D’après mes ordres, M. Bertrand a acheté une foule d’armes et d’objets divers de l’industrie des sauvages de Tonga-Tabou, pour enrichir le musée. Je m’occupe moi-même du choix de ces objets, afin de répondre aux désirs exprimés par M. de Doudeauville avant mon départ. » Mais ces acquisitions réalisées par les officiers, à commencer par le commandant, suscitent une émulation au sein des membres de l’équipage qui, sans grand discernement, amassent tout ce qu’ils peuvent trouver. Cette pratique est condamnée par Pierre-Adolphe. Passe encore les artefacts, mais les coquilles non vidées sont source de pestilence et, à terme, de problèmes sanitaires. Ce qui ne l’empêche pas de s’adonner luimême à la collecte des coquilles… Le phénomène atteint une telle ampleur que, le 4 mai 1828, Dumont d’Urville décide de faire un grand ménage ! Profitant de ce que la majeure partie de l’équipage, malade après le séjour à Vanikoro, est alitée à Guam, il jette par dessus bord en rade d’Umata tout ce que les marins, hormis les officiers, avaient rapporté : « C’est le même jour qu’il fait faire une visite générale dans la cale, et que, profitant de l’absence de la plupart des hommes, et des matelots, il fait jeter à la mer tout ce qu’on y trouve, c’est-à-dire des armes, des nattes, des cassetêtes, des coquilles, excepté pourtant ce qui appartenait aux maîtres, qui n’avaient pas plus que les premiers le droit d’y déposer leurs collections. […] C’était vraiment agir avec trop d’arbitraire, mais c’était bien agir en marin, depuis longtemps souffrant et souvent de mauvaise humeur ». Cette attitude, que l’on peut qualifier de frénésie collectionneuse, a un but lucratif qui dépasse celui de la curiosité. Hormis les spécimens d’histoire naturelle et les objets explicitement destinés aux institutions officielles, le reste est, pour bonne partie, au centre d’un commerce décrit par PierreAdolphe lors de l’escale à Hobart Town, en Tasmanie, le 31 décembre 1827 : « Dans la journée de nombreux visiteurs vinrent à bord, moins pour visiter le navire, que pour acheter quelques-unes des curiosités recueillies par les matelots et les maîtres, qui déjà en avaient vendu pas mal à terre. 77


C’était de leur part une véritable passion, car tout était enlevé à grand prix quelle qu’en fut la valeur réelle. Coquilles, oiseaux de paradis, armes de sauvages, surtout grosses porcelaines, tout était bon et largement payé aussitôt en piastres. » Il existe donc un véritable marché d’objets exotiques dans la colonie britannique, dont l’aspect le plus sombre est le trafic des têtes momifiées maories. Pierre-Adolphe donne un détail précis sur ce point. Le 5 février 1827, en baie d’Ua, sur l’île du Nord, la tête momifiée d’un « vaincu renommé, car le tatouage était fort beau et couvrait toute la figure » est acquise par le commissaire Bertrand pour « quelques colliers de verre » pour être ensuite « vendue fort cher [… ], à notre passage à Diemen Land » (Tasmanie). Il apporte ainsi un témoignage de premier ordre sur le commerce de curiosités qui se met en place très précocement entre de nombreux archipels et les centres coloniaux britanniques que sont Port-Jakson et Hobart-Town, et qui ne laisse aucun doute sur la formidable mobilité des objets à partir des années 1820. A chaque escale de l’Astrolabe, Pierre-Adolphe collecte des objets avec plus ou moins de succès. Il est intéressant de comparer ses échanges dans trois archipels successivement visités : la Nouvelle-Zélande, les Tonga et les Fidji. La réponse des insulaires aux demandes des Français caractérise à la fois l’état de la société autochtone et une « stratégie commerciale » indissociable de ce dernier. Pour la Nouvelle-Zélande, il est utile de rapprocher les récits de Pierre-Adolphe et de son frère aîné, qui s’était rendu dans l’archipel, mais plus brièvement, trois ans auparavant lors du voyage de la Coquille. Depuis, l’état de guerre n’a fait qu’empirer, et les besoins de munitions des belligérants ont accentué l’offre de moko mokaï. Ce commerce prend dès lors une tournure sinistre. Des tatouages faciaux sont complétés sur des têtes de guerriers morts au combat afin de leur donner plus de valeur d’échange. Le pire est la pratique du tatouage d’esclaves, lesquels sont ensuite exécutés, décapités et leurs têtes momifiées de façon à satisfaire un acquéreur potentiel. Ces abus provoquent, en 1831, l’interdiction de ce trafic, prohibition prononcée par le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud, Ralph Darling. Ces pratiques aberrantes illustrent l’effet dévastateur du contact avec les Occidentaux. Elles constituent une cause majeure de déstructuration de l’ancienne société. La valeur accordée à certains objets, naguère extrêmement sacralisés, n’est plus que mercantile. Et plus les autochtones fréquentent les Occidentaux, plus le phénomène est perceptible. Comme le remarque Pierre-Adolphe : « Nous crûmes voir qu’ils semblaient y tenir d’autant moins que nous nous dirigions davantage vers le Nord, c’est-à-dire vers les points les plus ordinairement fréquentés par les Européens ». A cette dépréciation de leur statut traditionnel, s’ajoute la raréfaction des objets les plus convoités. Lors de l’exploration de la baie des Iles, en mars 1827, Dumont d’Urville trouve difficilement un moko mokai. Il finit tout de même par en obtenir un du chef Wetoï contre, non pas le mousquet 78


réclamé, mais une robe de chambre admirée par son épouse. Celui-ci lui apprend qu’il s’agit de la tête d’un de ses ennemis, le chef Hou, tué de sa main, preuve supplémentaire que ces trophées ne relèvent plus désormais d’un échange ritualisé entre Maoris, mais de négociations bassement marchandes avec les Occidentaux. Si les nattes en phormium, hameçons et autres objets utilitaires sont encore disponibles, ce n’est plus le cas des objets de prestige. Pierre-Adolphe ne rapporte pas de tête momifiée (il ne semble d’ailleurs guère enclin à en chercher), mais réussit à trouver deux ornements précieux, conservés aujourd’hui au musée de Rochefort. Le premier, et le plus remarquable, est un pendentif taillé dans une vertèbre cervicale humaine gravée et incrustée d’haliotis. Cet objet est échangé contre un couteau le 17 janvier 1827, à l’anse de l’Astrolabe dans la baie de Tasman, île du Sud (inv. E 22-161 ), en même temps qu’un pendant d’oreille en incisives humaines, kuru ou niho, aujourd’hui perdu. Le pendentif figure sur la planche 59 sous le n° 8 de l’Atlas historique de l’Astrolabe 6. Le second est un hei tiki (inv. E 22-202) 7, obtenu non sans mal contre un rasoir, le 3 mars 1827, près du cap Otu dans l’île du Nord.. Cependant, même si le témoignage de Lesson laisse entrevoir une désacralisation de nombreux objets, les Français se heurtent parfois à un refus obstiné des Maoris de se défaire de certains de leurs ornements. C’est ainsi qu’en février 1827, dans la baie de Shouraki, Rangui et ses compagnons refusent catégoriquement de céder leurs hei 79

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tiki. Un comportement qui confirme les observations de René-Primevère quelques années auparavant. La situation est fort différente aux Tonga, escale suivante de l’expédition en avril-mai 1827. La nature des échanges diffère des trocs effectués avec les Maoris car l’archipel vit en paix. Les vivres y tiennent une grande place, ainsi que les objets et, en particulier, les armes, très demandées par le commandant contre des haches, draps et vêtements. Les Tongiens se montrent peu exigeants et troquent leurs possessions contre bien peu de choses, dont des bouteilles de verres ou des colliers de perles bleues que Pierre-Adolphe a « eu soin de prendre en assez grande quantité à Marseille ». Ce sont, explique-t-il : « des objets d’échange recherchés avec avidité par tous, et [...] ils sont pour eux la monnaie de leurs échanges dans les îles ». Il obtient ainsi des paniers ou des peignes. Pour une massue de plus grande valeur, on lui demande un couteau. Ce qui le marque, c’est l’énorme quantité d’étoffes d’écorce (tapa) au sujet desquelles il précise : « Elles doivent être excessivement abondantes, car, non seulement tout le peuple en est couvert, mais les grands nous en ont donné des monceaux, comme s’ils n’y attachaient pas d’importance. Nous avons vu des pièces d’une grandeur démesurée. » Cette observation est intéressante quand on connaît le rôle cérémoniel capital du tapa dans la vie de Tonga, toujours d’actualité. Les échanges à Tonga s’inscrivent donc dans des rapports coutumiers traditionnels avec le tapa ou, dans l’économie locale, avec les perles. Ils ne bouleversent pas l’équilibre social comme en Nouvelle-Zélande. Aux Fidji, les contacts avec les populations autochtones sont plus distants et, par conséquent, les échanges plus mesurés. Dumont, effrayé par la mésaventure de Tonga où le chef Tahofa a fait prisonnier plusieurs matelots, se contente de louvoyer dans l’archipel dont les habitants jouissent d’une solide réputation d’anthropophages. Les trocs se font avec les insulaires venus en pirogue autour du navire, ce qui a priori limite les risques. Mais il faut se contenter de ce qu’ils apportent. Là encore, les vivres tiennent une grande place, toutefois les armes paraissent être l’objet d’échange le plus courant. Le cadet des Lesson décrit la manière de procéder des Fidjiens : « Les Naturels paraissent ne pas aller sans elles, car tous ceux venus à bord étaient armés de leurs casse-têtes et d’énormes paquets de flèches, et des arcs étaient dans leurs pirogues : armes qui étaient cachées à leur arrivée mais que quelques objets d’échange à leur convenance, faisaient bientôt voir par tous» ; Deux massues de jets, i ula tavatava et i ula drisia, rapportées par PierreAdolphe, aujourd’hui à Rochefort (inv. E 22-268 et 269), sont représentées sur la planche 90 n° 12 et 11 de l’Atlas historique 8. Les échanges aux Fidji n’ont été que sporadiques, exemplaires d’une forme de troc occasionnel qui n’influera que progressivement, mais bien inexorablement, sur la culture des populations impliquées. Le témoignage de Pierre-Adolphe Lesson permet de mieux saisir les 80


différents effets du commerce européen auprès des peuples du Pacifique. Il participe à la déstructuration des anciennes cultures, s’intègre aux cycles des échanges traditionnels ou se limite au simple apport de biens nouveaux. Mais, quoi qu’il en soit, jamais ce commerce n’est anodin. Si superficiel qu’il puisse paraître, il induit, à terme, un changement préjudiciable à la conservation des traditions culturelles et systèmes sociétaux des peuples concernés. Le voyage de l’Astrolabe connaît de nombreuses autres escales. Selon les opportunités, Pierre-Adolphe récolte des armes, des ornements, des ustensiles, des parures et des pièces de vêtement. Cet ensemble, riche de plus de soixante-dix numéros d’inventaire, comporte des objets de Nouvelle-Zélande (13), de Tonga (14), de Fidji (9), de Nouvelle Guinée (7), de Tikopia (3) et de Vanikoro (22). Cette première collecte de Pierre-Adolphe constitue l’une des plus anciennes collections d’objets des cultures du Pacifique connues en France. Le mode de collecte ne changera guère en 1840, lors du voyage du Pylade. En avril, Pierre-Adolphe obtient peu de choses à Mangareva, où le prosélytisme du père Laval détruit fatalement la culture locale Une étoffe des îles Gambier est mentionnée cependant dans un don fait en 1884 à Ernest Hamy pour le musée du Trocadéro. Le musée de Rochefort conserve quelques pièces provenant sûrement de ce voyage. De Hawaï, une des trois escales océaniennes en juin, il rapporte un bol Umeke la’au (inv. E 22-139), un 81

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battoir à tapa I’e kuku (inv. E 22141), un bracelet (inv. E 22-168), une pelote de cheveux tressés (inv. E 22-169) et enfin un collier pectoral Lei niho paloa (inv. E 22140).Un autre objet de ce type, remis aussi à Ernest Hamy en 1884, est aujourd’hui au musée du quai Branly (inv. 85-15-3). Pour ce qui est des Marquises, où PierreAdolphe se promène beaucoup en mai, il est assez difficile de savoir si des pièces ont été acquises alors ou à l’occasion du séjour de 1843. A l’exception cependant des objets qu’il décrit explicitement dans son récit manuscrit du voyage du Pylade : une coiffe Pa’e koua ehi (inv. E 22-181) 9, obtenue auprès du tuhuna maï-taua ou mahi-taua à Ua Pou, le 5 mai 1840, et le support à tatouage tatu ( inv. E 2-546) 10 trouvé à Ua Pou le même jour. Le manuscrit est en cours d’étude, mais à cette heure, aucun autre objet tahitien ne peut être affecté avec certitude au voyage du Pylade. En revanche, le dernier et long séjour dans le Pacifique, aux Marquises puis à Tahiti (1843-1849), est d’un tout autre ordre. PierreAdolphe a le temps de collecter plus méthodiquement des objets, surtout aux Marquises où la culture traditionnelle entame seulement son déclin. Comme en NouvelleZélande dans les années 1820, il se procure un grand nombre de pièces. Mais aussi, et c’est sans doute là le travail le plus important du savant tant aux Marquises qu’à Tahiti, Pierre-Adolphe Lesson rassemble un corpus considérable d’informations sur la langue et les traditions. Sa collection marquisienne a dû être plus importante que celle conservée 82

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aujourd’hui au musée de Rochefort, comme l’atteste une remarque tirée de ses écrits. Après avoir dépeint le costume masculin marquisien lors d’une fête à Nuku Hiva, il ajoute : « M’étant procuré tous ces objets, on comprendra mieux en les voyant l’effet général produit du reste par des ornements et un habillement pareil. » Or, aujourd’hui, la série des parures masculines des Marquises se réduit à deux ornements de poignet poe i’ima (inv. E 22-188), un ornement en barbe de vieillard pavahina (inv. E 22-175), un élément en calebasse de coiffe Tete poniu (inv. E 22-178) et sept ornements d’oreille masculins ha‘akai. (inv. E 22-183, 185, 186 et 187). L’absence d’inventaire après décès interdit toute évaluation de ce que fut cet ensemble. Il demeure quand même un éventail Tahi’i (inv. E 22-179), une trompe d’appel Pu’u (inv. E 22177), une massue U’u (inv. E 22191) et enfin un très grand tambour Pahu (E 22-202). 11 En ce qui concerne Tahiti les objets traditionnels appartenaient pour beaucoup au passé ; cependant un élément de costume a été sûrement colleté lors du séjour de 1844-1849. Il s’agit d’un tapa décoré d’impression de fougère et de section de canne et portant le nom de Lesson en tahitien Reto (E 22-162), dont un exemplaire très proche figure au don de 1884 déjà évoqué, et conservé au musée du quai Branly (94-24-1). Objet désigné comme Natte faite à la cour de pomaré IV, faite à l’intention de M. Lesson avec son nom canaque : Reto-1845- mélange de Broussonetia et de Ficus. Comme il l’a été signalé, des recherches sur la série tahitienne restent encore à 83

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faire, pour éclaircir notamment les provenances exactes des objets et retracer leurs voies et circonstances d’acquisition. Plus que son frère aîné, Pierre-Adolphe Lesson reste toute sa vie attaché au Pacifique. Il n’est pas exagéré de dire qu’il lui consacre sa très longue retraite. Comme pour beaucoup de ses confères, sa collection forme une sorte de musée privé, écrin idéal de méditation où il s’adonne à la rédaction de son grand œuvre, somme de toute une vie de recherches : Les Polynésiens, leur origine, leurs migrations, leur langage, publié en 1883-1884. En 1884, il se départit de certains objets pour enrichir le musée du Trocadéro crée par Ernest Hamy. Il passe par l’intermédiaire de son ami Ludovic Savatier (1830-1891), médecin en chef de la Marine, qui sera un de ses légataires. Le don, assez important, comprend des échasses des Marquises, un collier en cheveux des îles Sandwich (cf. supra), du Formium Tenax de Nouvelle- Zélande, un pagne de Madagascar, une natte faite à la cour de Pomaré IV (cf. supra), un grand tapa de Tonga, une étoffe de Mangareva (cf. supra), des tapas des Marquises et des tapas de Tonga et de Tahiti. Mais Pierre-Adolphe garde jusqu’à sa mort, en 1888, l’essentiel de ses chers objets qu’il lègue à la Société de Géographie de Rochefort. Ils rejoindront ensuite les collections du musée municipal. Un tel rassemblement d’objets tout à fait exceptionnels participe à la notoriété du musée de la Ville de Rochefort. Mais l’essentiel du travail scientifique de Pierre-Adolphe a résidé dans sa formidable tâche d’enquêteur et de compilateur. Ce pionnier des études océaniennes a laissé à la postérité une foule d’informations précieuses qui, aujourd’hui encore, font l’objet d’études.

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Bibliographie Lesson, René-Primevère Pour la bibliographie complète de R.-P. Lesson, on peut se reporter à l’annuaire prosopographique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS) : http://cths.fr/an/prosopo.php?id=694#

Lesson, Pierre-Adolphe 1832

Voyage de découver tes Paris: J. Tastu

1844

Voyages aux îles Mangareva (Océanie), avec annotations de R-P. Lesson. Editions Mercier et Devois. 164 p., 18 pl.

1876

Notes sur l’identité de la calenture et du “delirium tremens”. Rochefort: Imprimerie Triaud et Guy, 36 p.

1876

Vanikoro et ses habitants. Revue d’Anthropologie, T5: 252-272.

1876

Traditions des îles Samoa. Revue d’Anthropologie, T5: 589-604.

1877

Quelques mots sur les Races Noires de Timor. Revue d’Anthropologie, T6:256-264.

1883-84

Réponse du Dr Lesson à la lettre de M de Quatrefages. Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, T5: 191-198.

1883-84

Notice biographique sur Quiros. Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, T5: 3-9.

1883-84

Légendes géographiques des îles Marquises. Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, T5: 3-29.

1884

Légendes des îles Hawaii tirées de Fornander et commentées avec une réponse à Mr de Quatrefages. Clermont (Oise): Daix frères.

1885-86

Tukopia. Bulletin de la Société de Géographie de Rochefort, T7: 54-72.

85

de

l’A strolabe.

Botanique.


1981

Notes sur les maladies des indigènes des îles Marquises. Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes, tome XVIII:915-943.

2014

Introduction à tous mes voyages. Format EPUB. Médiathèque de Rochefort. Livre à télécharger sur : http://www.ville-rochefort.fr/culture/equipement/mediatheque

2014

Rochefort, Océanie. Deux lettres inédites des frères Lesson. Les petites allées, Rochefort.

Sources et inventaire des manuscrits disponible sur : http://lesson.odsas.fr/manuscrits.php Manuscrits numérisés accessibles en ligne sur : http://www.odsas.net/index.php?action=collections&action_type=detail&id=23 Instrument bibliographique concernant les imprimés : http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/

Textes plus particulièrement cités dans le catalogue : 1844-49 Journal, Séjour à Tahiti (2 vol).

Manuscrit, Médiathèque de Rochefort, cote BM 8144.

Ca. 1869 Documents sur Tahiti.

Manuscrit, Médiathèque de Rochefort, cote BM 8145.

1880-84 Les Polynésiens (4 vol.). Paris, E. Leroux.

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Bibliographie générale Bert, Jean-François 2012

L’atelier de Marcel Mauss. Un anthropologue paradoxal, Paris, CNRS.

Blanckaert, Claude 2007

« Un fil d’Ariane dans le labyrinthe des origines ? Langues, races et classification ethnologique au XIXe siècle », Revue d’Histoire des Sciences Humaines 17 : 137-171.

De Certeau, Michel 1977

« Ecrire la mer », in Verne, Jules, Les Grands Navigateurs. Paris, Ramsey : I-XIX.

Dening, Greg 2003

« S’approprier Tahiti », in Merle Isabelle, Naepels Michel éd., Les rivages du temps. Histoire et anthropologie du Pacifique. Paris, L’Harmattan : 66-109.

Desgranges, Olivier 2012

« Le voyage de l’Astrolabe entre publications officielles et récits inédits », Traces de voyageurs, Besançon, Editions du Sekoya.

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« Rochefort-Tahiti, 1848 », Roccafortis n°50, septembre 2012.

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Huetz de Lemps, Paul 2001

Les Français acteurs et spectateurs de l’histoire de Hawaii, 1837-1898, Paris, École nationale des chartes.

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Laux, Claire 2011

Le Pacifique aux XVIIIe et XIXe siècles, une confrontation franco‑britannique: enjeux économiques, politiques et culturels (1763-1914). Paris, Ed. Karthala.

Lingenfelter, R.E. 1967

Presses of the Pacific islands, 1817-1867; a history of the first half century of printing in the Pacific islands,, Los Angeles, Plantin Press.

Lüsebrink, Hans-Jürgen, Reichhardt, Rolf 1997

« L’univers livresque d’un philosophe allemand. Libraires, livres et lectures de Georg Forster », Le livre et l’historien, études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, Paris, Droz.

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Voyage aux îles du Grand Océan. Paris, Arthus Bertrand.

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Key note lecture, Pacific Science Intercongress, Papeete, traduction par Deborah Pope En ligne : http://www.pacific-encounters.fr/tahiti_09.php (consulté le 15 janvier 2014)

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« Quand la voix devient la lettre : les anciens manuscrits autochtones (puta tupuna) de Polynésie française », Le Journal de la Société des Océanistes, 126-127 | 2008 En ligne : http://jso.revues.org/2592 (consulté le 11 janvier 2014)

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Stefani, Claude 2010

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Pierre-Adolphe Lessson, un acteur et témoin méconnu de l’exploration du Pacifique dans la première moitié du XIXe siècle En ligne sur : http://lesson.odsas.fr/ecrits/Stefani_Claude.pdf (consulté le 25 février 2014) « Collecte d’objets océaniens lors du voyage de L’Astrolabe», Traces de voyageurs, Besançon , Editions du Sekoya.

Tcherkezoff, Serge 2001

Le Mythe occidental de la sexualité polynésienne, 1928-1999. Margaret Mead, Derek Freeman et Samoa. Paris, PUF.

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Tahiti 1768. Jeunes filles en pleurs, la face cachée des premiers contacts et la naissance du mythe occidental. Papeete, Au Vent des Iles.

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« La Polynésie des vahinés et la nature des femmes : une utopie occidentale masculine », Clio 22 : 63-82.

Trautmann- Waller, Céline 2009

« Terrain et théorie dans l’anthropologie allemande du XIXe siècle. Expériences polynésiennes », Revue germanique internationale 10.

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Catalogue de l’exposition « Papiers d’Océanie »

Voyage autour du monde de la Corvette La Coquille dans les années 1822,1824 & 1825 Journal de Bord René Primevère Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 27, inv. 8168

Moko Pierre Adolphe Lesson Dessin aquarellé Médiathèque de Rochefort, IGE 4171-8

Nouvelle Zélande Voyage autour du monde entrepris par ordre du gouvernement sur la corvette La Coquille René Primevère Lesson Gravure Paris, P. Pourrat Frères, 1839 Médiathèque de Rochefort, IGE 4169-5

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Hache, collier – Iles Mulgraves Dessin aquarellé Médiathèque de Rochefort, IGE 4171-9

Œuvres tahitiennes Te evanelia a Ioane, no Iesu Christ to tatou fatu Evangile de Saint Jean en tahitien Traduction d’Henry Nott Tahiti, Windward mission press, 1821 Médiathèque de Rochefort, inv. 17902

Physalie de l’Atlantide Atlas de Zoologie du Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure de Coutant d’après Lesson et Bessa Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3181

Physalie de l’Océan Pacifique austral Atlas de Zoologie du Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure de Coutant d’après Lesson et Prêtre Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3181

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Vélelle mutique et vélelle bleue Atlas de Zoologie du Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure de Coutant d’après Lesson et Prêtre Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3181

Porpite aux cheveux d’or, porpite atlantique et porpite du grand océan Atlas de Zoologie du Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure de Coutant d’après Lesson et Prêtre Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3181

Physalis, velella spirans, porpites René Primevère Lesson Dessins aquarellés Médiathèque de Rochefort, IGE 4172

Voyage de découverte de l’Astrolabe, tome 1 Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, Ms 38, inv. 8122

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Pendentif (Hei tiki) Nouvelle-Zélande Néphrite, cire à cacheter, os d’oiseau, phormium tenax Collecté par Pierre-Adolphe Lesson près du Cap Otu, le 9 mars 1827 lors du voyage de l’Astrolabe.

Lépreuses de Guam Atlas historique du Voyage autour du monde des corvettes l’Uranie et la Physicienne pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820... par Louis de Freycinet Jacques Arago, Alphonse Pellion Gravure Paris, Pillet aîné, 1828 Médiathèque de Rochefort, IGE 4173-1

Tonga Tabou – Demande de reddition Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Louis Auguste de Sainson Lithographie Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, IGE 4174-4

93


Pirogue - Vue du Cap Wangari (Nouvelle Zélande) Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Louis Auguste de Sainson Lithographie Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, IGE 4174-3

Vue de la plage de Tikopia Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Louis Auguste de Sainson Lithographie Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, IGE 4174-5

Voyage de découvertes autour du monde et à la recherche de la Pérouse … sur la corvette l’Astrolabe… Jules Dumont d’Urville Paris, Roret, 1832-1834 Médiathèque de Rochefort, inv. 15430-15439

Atlas historique du Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-18271828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Louis Auguste de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3164

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Prospectus du Voyage de découvertes de l’Astrolabe… sous le commandement de Jules Dumont d’Urville… Paris, J. Tastu, 1830 Médiathèque de Rochefort, inv. 12825

Fragment de mon journal de l’Astrolabe Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 141

Brassard Vanikoro Bourre de coco, coquillage, fibre végétale Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en février 1828 lors du voyage de l’Astrolabe Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-263

Voyage aux îles de la Mer du Sud, en 1827 et 1828 et relation de la découverte du sort de La Pérouse... Peter Dillon Paris, Pillet aîné, 1830 Médiathèque de Rochefort, inv. 15747-15748

Le héron jugulaire (Forster) Iles Nuka-Hiva J. G. Prêtre Dessin aquarellé, 1845 Médiathèque de Rochefort, IGE 4206 95


Le pic à plaque noire tué par A. Lesson à Réalejo en 1841 J. G. Prêtre Dessin aquarellé, 1845 Médiathèque de Rochefort, IGE 4206

Bol (Umeke la’au) Hawaii Bois Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en juin 1840 lors du voyage du Pylade Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-139

Pélérinage du Pylade aux îles Gambier, Marquises, Sandwich et O’Taïti (1839-1842) Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 67, inv. 8134

Voyage aux îles Mangareva (Océanie) Pierre Adolphe Lesson, avec des annotations de René Primevère Lesson, illustrations de Gousset Rochefort, Mercier et Devois, 1844 Médiathèque de Rochefort, inv. 15773-1

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Notes grammaticales sur la langue sandwichoise Alexis Bachelot Dédicace de Frère Urbain, Vicomte de Florit Paris, Decourchant, 1834 Médiathèque de Rochefort, inv. 18053

Pilon transformé en poids de pêche (ke’a tuki) Iles marquises Pierre volcanique, bourre de coco. Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en mai 1840 lors du voyage du Pylade Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-176

Coiffe de Tuhuna (pa’e koua ehi) Iles marquises, Uapu Bambou, foliole de palme de cocotier ou de palmier, fibre végétale. Collecté par Pierre-Adolphe Lesson le 5 mai 1840 auprès d’un vieux, tuhuna maï-taua ou mahi-taua à Uapu, lors du voyage du Pylade. Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-181

La Sainte Bible Dédicace de John Muggridge Orsmond Londres, Société pour l’impression de la Bible, 1838-1839 Médiathèque de Rochefort, inv. 17900

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Séjour en Océanie, 1843-1850 Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 55, inv. 8142

Correspondances de Tahiti Manuscrits Médiathèque de Rochefort, ms 201

Collier Tahiti Escargots terrestres, bourre de coco, fibre végétale Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en 1840 lors du voyage du Pylade ou lors du séjour à Tahiti entre 1844 et 1849. Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-164

Atlas historique du Voyage de découvertes aux terres australes Charles-Alexandre Lesueur, Nicolas-Martin Petit Seconde édition Paris, Arthus Bertrand, 1824 Médiathèque de Rochefort, inv. 15471

Voyage autour du monde, par la frégate du roi la Boudeuse, et la flûte l’Étoile… Louis Antoine de Bougainville Paris,chez Saillant & Nyon, 1771 Médiathèque de Rochefort, inv. 15448

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Troisième voyage de Cook James Cook, James King Paris, Hôtel de Thou, 1785 Médiathèque de Rochefort, inv. 2162

Voyage pittoresque autour du monde Louis Choris Paris, Firmin Didot, 1822 Médiathèque de Rochefort, inv. 3189

Promenade autour du monde pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820, sur les corvettes du Roi L’Uranie et La Physicienne Jacques Arago Paris, Leblanc, 1822 Médiathèque de Rochefort, inv. 12504

Voyage autour du monde… sur les corvettes de S. M. l’Uranie et la Physicienne, pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820... Louis de Freycinet Paris, Pillet aîné, 1824-1839 Médiathèque de Rochefort, inv. 3184

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Relation du voyage à la recherche de La Pérouse Jacques Julien Houtou de La Billardière Paris, H.-J. Jansen, an VIII (1799-1800) Médiathèque de Rochefort, inv. 3117

Lettre de Pierre-Adolphe Lesson à son frère Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 191

Lettre de Cuvier à René-Primevère Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 29, inv. 8176

Lettre de Cuvier à René-Primevère Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 30, inv. 8175

Lettre de Bory de Saint-Vincent à René-Primevère Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 30, inv. 8175

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Amoenitatum exoticarum politico-physico-medicarum fasciculi V Engelbert Kaempfer Lemgo (Allemagne), Heinrich Wilhelm Meyer (Lemgoviae, typis & impensis Henrici Wilhelmi Meyeri), 1712 Médiathèque de Rochefort, inv. 11418

Diplôme de membre de l’Académie royale des belles-lettres, sciences et arts de La Rochelle Attribué à René Primevère Lesson 1829 Médiathèque de Rochefort, ms 31, inv. 8177

Théorie des ressemblances, ou Essai philosophique sur les moyens de déterminer les dispositions physiques et morales des animaux d’après les analogies de formes, de robes et de couleurs José Joaquim da Gama Machado Paris, Treuttel et Würtz, 1831-1844 Médiathèque de Rochefort, inv. 18087-18089

Atlas ethnographique du globe, ou Classification des peuples anciens et modernes d’après leurs langues Adrien Balbi Paris, Rey et Gravier, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 2012-39

Abrégé de géographie Adrien Balbi Paris, J. Renouard, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 8085

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Species des mammifères bimanes et quadrumanes René Primevère Lesson Paris, J.-B. Baillière Imprimé à Rochefort chez F. Thèze, 1840 Médiathèque de Rochefort, inv. 4365-2

Histoire générale des races humaines, introduction à l’étude des races humaines Armand de Quatrefages Paris, A. Hennuyer, 1887 Médiathèque de Rochefort, inv. 6343

Essai sur ce sujet : lorsque la société civile, ayant accusé un de ses membres par l’organe du ministère public, succombe dans cette accusation, quels seraient les moyens les plus praticables & les moins dispendieux de procurer au citoyen reconnu innocent le dédommagement qui lui est dû de droit naturel ? Charles-Henri-Frédéric Dumont de Sainte-Croix 1784 Médiathèque de Rochefort, inv. 15990

Mémoires d’un détenu Charles-Henri-Frédéric Dumont de Sainte-Croix 1794 Médiathèque de Rochefort, inv. 18049

Œuvres de Fourier, Muiron, Transon, Lemoyne, Lechevalier Recueil factice « Phalanstère, mélanges » 1824-1844 Médiathèque de Rochefort, inv. 17943

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Calculs agronomiques et considérations sociales…, problème de l’extinction de la mendicité, résolu au moyen de l’agriculture sociétaire Nicolas-René-Désiré Lemoyne Paris, Carilian-Goery Imprimé à Rochefort chez Mercier et Devois, 1838 Médiathèque de Rochefort, inv. 18019

Carte d’électeur de René Primevère Lesson Recueil factice « Elections 1837 » Médiathèque de Rochefort, inv. 15361

Les Polynésiens, leur origine, leurs migrations, leur langage Pierre-Adolphe Lesson Rédigé d’après le manuscrit de l’auteur par Ludovic Martinet Paris, E. Leroux, 1880-1884 Médiathèque de Rochefort, inv. 24883-24890

Les Polynésiens, mémoire intercalé dans Les Polynésiens par A. de Quatrefages Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 60, inv. 8164

An account of the Polynesian race, its origin and migrations, and the ancient history of the Hawaiian people to the times of Kamehameha I Abraham Fornander Londres, Trübner, 1878-1880 Médiathèque de Rochefort, inv. 15790

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Dictionnaire Français-nouveau Zélandais Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 129

Dictionnaire Français-nouveau Zélandais Pierre Adolphe Lesson Manuscrit Médiathèque de Rochefort, ms 76

A dictionary of the New Zealand language and a concise grammar William Williams Deuxième édition Londres, Williams and Moorgate, 1852 Annotations manuscrites de Pierre Adolphe Lesson Médiathèque de Rochefort, inv. 8087

Vocabulaire de l’île de Tahiti Pierre Adolphe Lesson Manuscrit, 1844-1849 Médiathèque de Rochefort, ms 117, inv. 8189 « Dictionnaire Français-Tahitien fait d’après renseignements d’une foule de personnes du pays et après plusieurs années de séjour »

Mémoire sur l’archipel des îles Carolines et particulièrement sur les îles basses Karl Heinrich Mertens Manuscrit, Vers 1835 Mémoire publié en quatre articles de 1834 à 1835 dans la « Bibliothèque universelle » Médiathèque de Rochefort, inv. 8172

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Polynesian reminiscences or Life in the South Pacific islands William Thomas Pritchard Londres, Chapman and Hall, 1866 Médiathèque de Rochefort, inv. 15461

An account of the natives of the Tonga Islands, in the South Pacific ocean with an original grammar and vocabulary of their language William Mariner Compilé par John Martin Londres, J. Murray, 1817 Médiathèque de Rochefort, inv. 15463-15464

L’Océanie nouvelle Alfred Jacobs Paris, M. Lévy frères, 1861 Médiathèque de Rochefort, inv. 15663

Tahiti et les îles adjacentes, voyages et séjour dans ces îles, de 1862 à 1865 Thomas Arbousset Paris, Grassart, 1867 Médiathèque de Rochefort, inv. 15681

Voyages et aventures d’un jeune missionnaire en Océanie Elise Gagne Paris, Didier, 1860 Médiathèque de Rochefort, inv. 15683

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Histoire de l’Océanie depuis son origine jusqu’en 1845 Casimir Henricy Paris, Pagnerre, 1845 Médiathèque de Rochefort, inv. 15694

Narrative of a voyage to the Pacific and Beering’s Strait… performed in His Majesty’s ship Blossom... in the years 1825, 26, 27, 28 Frederick William Beechey Nouvelle édition Londres, H. Colburn and R. Bentley, 1831 Médiathèque de Rochefort, inv. 15708

Polynesian researches, during a residence of nearly six years in the South Sea Islands William Ellis Londres, Fisher, son, & Jackson, 1839 Médiathèque de Rochefort, inv. 15785

Te Ika a Maui, or New Zealand and its inhabitants Richard Taylor Londres, Wertheim and Macintosh, 1855 Médiathèque de Rochefort, inv. 15787

An historical view of the Philippine Islands Joaquin Martinez de Zuñiga Traduit par John Maver Londres, J. Asperne, Nonaville and Fell, 1814 Médiathèque de Rochefort, inv. 15794

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O-Taïti, histoire et enquête Henri Lutteroth Paris, Paulin, L.-R. Delay, 1843 Médiathèque de Rochefort, inv. 15796

Hawaii, the past, present and future of its island-kingdom, an historical account of the Sandwich islands (Polynesia) Gerard Manley Hopkins Londres, Longman, Green, Longman and Roberts, 1862 Médiathèque de Rochefort, inv. 15798

The southern districts of New Zealand, a journal with passing notices of the customs of the aborigines Edward Shortland Londres, Longman, Brown, Green & Longmans, 1851 Médiathèque de Rochefort, inv. 15799

Tractado delas drogas, y medicinas de las Indias Orientales Christova Acosta Burgos, Martin de Victoria, 1578 Médiathèque de Rochefort, inv. 17886

Premier livre de l’histoire de la navigation aux Indes orientales par les Hollandois… Willem Lodewijcksz, Cornelis De Houtman Amsterdam, Cornille Nicolas, 1598 Médiathèque de Rochefort, inv. 15833

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Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l’Amérique Charles de Rochefort, Jean-Baptiste Du Tertre, Louis de Poincy, Louis de, Raymond Breton Rotterdam, Arnould Leers, 1658 Médiathèque de Rochefort, inv. 15697

Histoire de la Laponie Johannes Gerhard Scheffer Paris, chez la veuve Olivier de Varennes, 1678 Médiathèque de Rochefort, inv. 15551

Second voyage du Père Tachard et des jésuites envoyez par le roy au royaume de Siam Guy Tachard Paris, chez Daniel Horthemels, 1689 Médiathèque de Rochefort, inv. 15550

Relation d’un voyage fait en 1695. 1696. & 1697. aux côtes d’Afrique, Détroit de Magellan, Brezil, Cayenne, & Isles Antilles… François Froger Paris, Nicolas La Gras, 1700 Médiathèque de Rochefort, inv. 15316

Voyages et avantures de Jaques Massé Simon Tyssot de Patot Bordeaux, Jaques l’Aveugle, 1710 Médiathèque de Rochefort, inv. 15321

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Relation d’un voyage du Levant Joseph Pitton de Tournefort Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1718 Médiathèque de Rochefort, inv. 15535

Nouvelle relation, contenant les voyages de Thomas Gage dans la Nouvelle Espagne… Thomas Gage Quatrième édition Amsterdam, Paul Marret, 1720 Médiathèque de Rochefort, inv. 1588315884

Voyage au Levant Cornelis Le Bruyn Nouvelle édition Rouen, Charles Ferrand, 1725 Médiathèque de Rochefort, inv. 15537-15541

Histoire de la conquête de la Floride ou Relation de ce qui s’est passé dans la découverte de ce païs par Ferdinand de Soto Garcilaso de la Vega Nouvelle édition divisée en deux tomes Leide, Pierre Vander Aa, 1731 Médiathèque de Rochefort, inv. 15533

Histoire naturelle, civile, et ecclesiastique de l’empire du Japon Engelbert Kaempfer Amsterdam, Herman Uytwerf, 1732 Médiathèque de Rochefort, inv. 15579

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Voyage à la baye de Hudson, fait en 1746. & 1747. par les Navires le Dobbs-Galley & la California, pour la découverte d’un passage au nord-ouëst Henry Ellis Leide, Elie Luzac fils, 1750 Médiathèque de Rochefort, inv. 15493

Voyage autour du monde, fait dans les années MDCCXL,I, II, III, IV, par George Anson… commandant en chef d’une escadre envoyée par sa Majesté Britannique dans la mer du Sud George Anson, Richard Walter Nouvelle édition Amsterdam et Leipzig, Arkstee en Merkus, 1751 Médiathèque de Rochefort, inv. 15447

Journal du voyage fait par ordre du roi, à l’Équateur, servant d’introduction historique à la mesure des trois premiers degrés du méridien Charles-Marie de La Condamine Paris, De l’imprimerie royale, 1751 Médiathèque de Rochefort, inv. 17204

Voyage en Sibérie Johann Georg Gmelin Paris, Desaint, 1767 Médiathèque de Rochefort, inv. 15523-15524

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Relation d’un voyage dans la mer du Nord, aux côtes d’Islande, du Groenland, de Ferro, de Schettland ; des Orcades & de Norwége ; fait en 1767 & 1768 Yves Joseph de Kerguelen Trémarec Amsterdam et Leipzig, Arkstée en Merkus, 1772 Médiathèque de Rochefort, inv. 15450

Voyage à l’Isle de France, à l’Isle de Bourbon, au Cap de BonneEspérance, etc. Henri Bernardin de Saint-Pierre Amsterdam et Paris, Merlin, 1773 Médiathèque de Rochefort, inv. 15611

Histoire des aventuriers flibustiers qui se sont signalés dans les Indes… Alexandre-Olivier Oexmelin Nouvelle édition, corrigée & augmentée… Trévoux, par la Compagnie, 1775 Médiathèque de Rochefort, inv. 15311-15314

Voyages en Europe, en Asie et en Afrique William Macintosh, James Capper Londres, Paris, Regnaut, 1786 Médiathèque de Rochefort, inv. 15421-15422

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Journal of a voyage to New South Wales John White London, J. Debrett, 1790 Médiathèque de Rochefort, inv. 15836

Voyage de M. Le Vaillant dans l’intérieur de l’Afrique, par le cap de Bonne-Espérance, dans les années 1780, 81, 82, 83, 84 & 85 François Levaillant Paris, Leroy, 1790 Médiathèque de Rochefort, inv. 15441

Voyage aux sources du Nil, en Nubie et en Abyssinie, pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771 & 1772 James Bruce Paris, Hôtel de Thou, 1790-1792 Médiathèque de Rochefort, inv. 12092-12096

Voyages de M. P. S. Pallas en différentes provinces de l’Empire de Russie, et dans l’Asie septentrionale Peter Simon Pallas Paris, Lagrange, Maradan, 1788-1793 Médiathèque de Rochefort, inv. 12090

Relation des îles Pelew Henri Wilson Paris, Maradan, 1793 Médiathèque de Rochefort, inv. 15774-15775

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Voyage dans les parties sud de l’Amérique septentrionale William Bartram Paris, Carteret et Brosson, Dugour et Durand, an VII [1799-1800] Médiathèque de Rochefort, inv. 15715-15716

La vie et les aventures de Robinson Crusoë Daniel Defoe Paris, H. Verdière, 1799-1800 Médiathèque de Rochefort, inv. 12543-12545

L’Océanie en estampes, ou Description géographique et historique de toutes les îles du grand océan et du continent de la Nouvelle Hollande. Notasie, Polynésie, Australie Jules et Edouard Verreaux Paris, Nepveu, London, C. Tilt, 1832 Médiathèque de Rochefort, inv. 15889

Le jardin des plantes, description et moeurs des mammifères de la ménagerie et du Museum d’histoire naturelle Pierre Boitard Paris, J. J. Dubochet, 1842 Médiathèque de Rochefort, inv. 12291 Reliure signée Boucard, motif inspiré d’une illustration d’A. Prévost et H. Gaugain

Typee or, A narrative of four months residence among the natives of a valley of the Marquesas Islands or, A peep at Polynesian life Omoo, a narrative of adventures in the South Seas, a sequel to “Typee, or the Marquesas islanders” Herman Melville New edition, London, J. Murray, 1861 Médiathèque de Rochefort, inv. 15679, 15680

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Hokusaï manga Katsushika Hokusai Nagoya, Katano Toshiro, 1878 Médiathèque de Rochefort, inv. 2937-2940 Vue d’une partie du village de Matavae, île de Taïti Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure d’Ambroise Tardieu d’après Lejeune et Chazal Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3179

Voyage médical autour du monde, exécuté sur la corvette du roi La Coquille... René-Primevère Lesson Paris, Roret, 1829 Médiathèque de Rochefort, inv. 15329

Mémoire sur les opérations géographiques faites dans la campagne de la corvette de S. M. la Coquille Louis Isidore Duperrey Vers 1830 Médiathèque de Rochefort, inv. 3183

Vue de l’île Oualan prise du havre de la Coquille (Archipel des îles Carolines) Voyage autour du monde, exécuté par ordre du roi, sur la corvette de sa majesté, La Coquille, pendant les années 1822, 1823, 1824 et 1825 publié par Louis Isidore Duperrey Gravure d’Ambroise Tardieu d’après Chazal Paris, Arthus Bertrand, 1826 Médiathèque de Rochefort, inv. 3179

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Voyage autour du monde entrepris par ordre du gouvernement sur la corvette La Coquille René-Primevère Lesson Paris, P. Pourrat Frères, 1839 Médiathèque de Rochefort, inv. 24976-24977

Pirogue des Iles Viti à la voile Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de Arnout fils d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3164

Appui nuque (kali hahpo) Tonga Bois Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en avril-mai 1827 lors du voyage de l’Astrolabe Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-151

Massue à lancer (i ula drisia) Fidji Bois, bourre de coco Collecté par Pierre-Adolphe Lesson en mai-juin 1827 lors du voyage de l’Astrolabe Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-269

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Collier Nouvelle-Zélande Vertèbre cervicale humaine, nacre d’haliotis, phormium tenax Collecté par Pierre-Adolphe Lesson dans la baie de Tasman le 17 janvier 1827 lors du voyage de l’Astrolabe. Musée Hèbre de Saint Clément, Inv. E22-208

Rangui, l’un des chefs de Shouraki (NouvelleZélande) Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 18261827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de Maurin d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3163

Nouvelle-Zélande Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Gravure de Coupé d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3163

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Nouvelle-Guinée, façade et détail de la maison sacrée à Dorey Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 18261827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de Lemercier d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3164

Cérémonie du kava chez le chef Palou (Tonga Tabou) Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 18261827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de A. Noël d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3163

Maison du gouverneur à Sidney (Nouvelles Galles du Sud) Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de Holstein d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3163

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Inauguration du monument élevé par l’Astrolabe à Lapérouse à Vanikoro Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville Lithographie de Vanderburch d’après Louis de Sainson Paris, J. Tastu, 1833 Médiathèque de Rochefort, inv. 3164

Hommes de la campagne des environs de Santiago, capitale de la république de Chili Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie de Parizeau Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

Costumes des Indiens Guarayos, République de Bolivia Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie de Parizeau d’après Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

Costumes de femmes de Cochamba (Bolivia) Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie de Delarue d’après Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33 118


Vases anciens des Indiens Quichuas de la Côte du Pérou et de Bolivia Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie d’Emile Lassalle Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

Vue la Recoba, sur la place La Victoria, à Buenos-Ayres Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie d’A. Saint Aulaire d’après Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

Une maison d’Indiens Quichuas dans la vallée de Cochabamba (Bolivia) Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie d’A. Saint Aulaire d’après Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

Musique et danse religieuse à Moxos, Bolivia Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Lithographie d’Emile Lassalle d’après Emile Lassalle et Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

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Palmiers Voyage dans l’Amérique méridionale… exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 et 1833 par M. Alcide d’Orbigny Gravure de Breton d’après Chazal et Alcide d’Orbigny Paris, P. Bertrand, Veuve Levrault, 1847 Médiathèque de Rochefort, inv. 2013-33

FIN

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