Vents Alizés - PARTAZ

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C’est pour cela que j’ai pris une photo de mon frère »19. Pour ces migrants, l’identité est donc dynamique, jamais acquise une fois pour toutes mais au

David Mbouopda & Guilioh Vokeng – Migritude et quête des origines

contraire remise en jeu dans les interactions. Lydie Moudileno ne pense pas le contraire : « La manipulation/altération de l’identité qui est à l’œuvre vise à refuser la fixité du sujet dans une origine ethnique ou nationale, et dans des frontières surprotégées contre l’immigration »20. La Polyandre est ainsi un théâtre d’ombres, un lieu nécrophile et coprophage qui inspire frayeur et spleen. On peut le voir dans cette description-hypotypose de la pièce où s’organise le trafic des cartes de séjour et traduit en temps une réalité sociale : « Dans la minuscule pièce s’entassaient une dizaine d’Africains. La vitre du toit était brisée et avait été remplacée par des cartons de Peter Stuyvesant. La pluie comme la neige pénétraient par ces ouvertures pour arroser la moquette dont, du reste, on ne pouvait même plus se souvenir la couleur d’origine (sic) […] Au fond de la pièce s’étaient agglutinés un groupe d’Africains qui, le moment de panique passé, la frayeur apaisée sortirent comme des souris de leur recoin »21. À bien y regarder, ces immigrés se sentent rejetés. Dans cette posture, l’immigré se trouve dans un entredeux. Ce dédoublement de la figure de l’immigré nous semble particulièrement intéressant, notamment par son lien avec la mémoire de la migration car il permet de comprendre le passé, de donner du sens au présent, et de construire un futur possible. Cette plongée dans l’univers des migrants nous a permis de mieux comprendre leurs références culturelles et les difficultés vécues à ce niveau. Cette étape était nécessaire puisqu’elle nous a donné la possibilité de voir que le migrant refuse d’assumer son

identité fragmentée en la réduisant à l’une où l’autre de ses

appartenances multiples. En tout cas, « ce qui revient, c’est l’omniprésence de la morbidité et de l’abject qui rayonne à partir des foyers d’immigrés. Sur ce fond de

Bolya, Baenga, La Polyandre, Paris, Le serpent à plumes, 1998, p. 84. Moudileno, Lydie, « Le droit d’exister », Cahiers d'études africaines, 165, 2002, [En ligne]. 21 Bolya, Baenga, La Polyandre, Paris, Le serpent à plumes, 1998, p. 82-83. 19 20

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