Palacecostes55

Page 74

62_P55_GlamourCMok2_SR2:Palace22_

15/11/14

10:34

Page 74

FrançoisOzon

I

l est sans doute l’un des cinéastes d’aujourd’hui les plus sensibles au glamour, et il en joue lui-même très volontiers dans ses films. Dans 8 femmes, bien sûr, mais aussi dans le dernier, l’étonnant et épatant Une nouvelle amie, où, sous les yeux d’Anaïs Demoustier et Raphaël Personnaz pour le moins surpris, Romain Duris se travestit. Et devient une femme –et une actrice!– glamour… Comment définiriez-vous le glamour? Pour moi, le glamour est forcément féminin, sans doute parce que j’attends des hommes autre chose que le glamour! (Rires) Le glamour est un jeu sur l’artifice, un jeu sur la féminité poussée à l’extrême. Et, pour moi, cela a forcément à voir avec le cinéma hollywoodien des années1940-1950, avec ces films magiques en Technicolor, avec ces actrices que j’ai découvertes enfant et adolescent à la télévision, puis ensuite au cinéma, et que j’ai beaucoup aimées… Et aussi avec ces films en noir et blanc des années1930, avec Marlene Dietrich ou Greta Garbo, icônes glamour absolues… Pour qu’il y ait glamour, il faut qu’on soit au-delà du réel… Etymologiquement, le mot «glamour» est lié à l’idée d’ensorcellement, de magie… Y a-t-il pour vous cette notion de menace, de danger, dans le glamour? Bien sûr. A quoi sert le glamour? Ce n’est rien d’autre qu’une arme de séduction. Si une femme essaye d’être glamour, c’est justement pour attirer les regards, pour susciter du désir… La force du glamour ne vient-elle pas aussi de cette beauté irréelle, de cette charge érotique retenue? Si. Le glamour est une sublimation. Une sublimation de la femme, une sublimation de l’actrice. On sublime avec des artifices: la lumière, le maquillage, la coiffure, le costume… C’est une construction, une fabrication. Ne serait-ce pas finalement une manière de se cacher? Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup d’actrices au réveil qui soient glamour, encore qu’il y ait des photos de Marilyn sans aucun maquillage, réalisées sans aucun artifice, où elle est très glamour… Les studios hollywoodiens de la

grande époque étaient passés maîtres dans l’art de cette fabrication. Simplement parce qu’ils pensaient que le cinéma était là pour faire rêver, pour créer du désir. Est-ce toujours le cas aujourd’hui? Je ne suis pas sûr. En tout cas, pas pour tout le monde. J’aime, moi, cette idée que le cinéma est là pour faire rêver, pour créer du désir, pour vivre des émotions bigger than life, pour tomber amoureux… Lorsque vous entreprenez un film comme «8femmes», il y a chez vous un désir évident de glamour… Pour 8femmes, oui, c’était clair. L’intrigue de la pièce de Robert Thomas n’était pour moi en effet qu’un prétexte pour parler des actrices, pour m’amuser avec elles, avec leur image. A partir du moment où j’ai eu ce casting royal –Danielle Darrieux, Catherine Deneuve, Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Virginie Ledoyen–, j’ai réécrit en fonction de qui elles étaient, de leur image, et des liens que je pouvais faire entre elles et des actrices glamour hollywoodiennes. Catherine, c’était un mélange de Lana Turner et de Marilyn Monroe; Fanny, d’Ava Gardner et de Cyd Charisse; le personnage de Virginie était inspiré d’Audrey Hepburn; Isabelle, d’actrices de second rôle, ou de Bette Davis, pas forcément glamour, mais aussi de Rita Hayworth au moment de sa transformation; Emmanuelle, elle, était plutôt inspirée d’actrices françaises, de Jeanne Moreau dans LeJournal d’une femme de chambre… Que fait-on pour créer du glamour? On casse l’idée du réalisme, on stylise le réel pour en donner une autre vision, on s’appuie sur des artifices qui mettent en valeur l’actrice qu’on filme. On joue avec la lumière, un contre-jour dans les cheveux, un éclairage direct plutôt qu’un éclairage latéral… Pour 8femmes, il fallait trouver pour chacune un costume qui soit à la fois un objet de séduction et une arme, car ce sont des femmes qui s’affrontent, qui se battent. La fourrure que porte Catherine Deneuve, la robe rouge de Fanny Ardant, ce sont des éléments indissociables du glamour? La fourrure, c’est forcément érotique, et, comme le film devenait érotique à un moment, c’était un élé-

PA LACE COST ES NOVEMBRE / DECEMBRE 2014

74

Mathieu Zazzo/ Pasco

«Seul m’intéresse le glamour à l’intérieur des films»


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.