Inaugurales

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Oussema Troudi est un artiste tunisien, né en 1980 à Tunis, où il vit et travaille actuellement. Il est formé au Lycée Pilote des Arts et à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis. Il enseigne les arts plastiques dans les universités tunisiennes depuis 2003. Il expose régulièrement à Tunis depuis 2006. Site web : www.oussema.com

Textes en arabe : Naceur Ben Cheikh Mohamed Nejib Mnasser Slimen Elkamel Textes en français : Saloua Mestiri Asma Ghiloufi Design graphique et photos A s m a G h i l o u f i Edition Les Imprimeries Réunies. Mai 2014.



à Ahmed



Yee’ Siin, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



A

u tout début, une vacuité, un espace de disponibilité. Un champ que le geste sillonne pour des traces à même le limon blanc. Consentant et vibrant, il s’ouvre, chair rainée et trainées de moulures, fendues, frottées, raclées, lignes courbées et tendues toujours reprises, tantôt comparables, tantôt dissemblables. Le regard circulant cherche un centre, un point culminant mais nul point de vue unique, nul point de certitude. Chaque trace est première, chaque trace est dernière.

Crépitement d’irruptions, plus ou moins étendues, plus ou moins rapides, pour une palpitation du vide d’où émergent, cernés entre deux limites, les signes.

Dévoilé par ces sillons déployés, le vide se mut en présence. Un accomplissement qui intègre l’infini au cœur du signe pour une écriture en abime qui évase et qui structure, donnant au silence, son inaugural, le lieu de se manifester, univers, par le lacté et le macassar, le blafard et l’incarnat, la terre d’ombre, le lapis-lazuli et la malachite, révélé . Marquée par sa double frontière, l’embrasure erre. En perte de repères, elle s’invente première. Fuyante, hors du cadre, elle se multiplie et se ramasse, s’étale et s’élève, psalmodie, voie à l’épreuve du geste pour qu’advienne le son... ineffable. Le chant des cygnes, écho des doubles rives, surgissant du centre, résonne, écriture de la marge, bruissement du néant.

Par le souffle propagé, sur la toile constellée par une pluie bénite, le geste et la ligne s’accordent dans une chorégraphie inédite. Le va et vient des outils sillonne la surface pour que se fraye un passage, pour qu’advienne l’infiniment rien, cet indicible qui, tout des arcanes de la toile se prolonge à travers les lettres. Incarnation du respir, elles sont notes de musique et poème visuel, tissant des correspondances dans une création en marche pour un miroitement du sens à travers des corps qui n’en finissent pas d’advenir.


Comme la glaise ne peut ne pas germer, la toile elle aussi, ne peut ne pas jaillir de ce qui l’habite et nous échappe... Révélées labours, composition mesurée et méthodique, pulsations, elles sont traits d’union entre le monde du silence et le bruit du dehors... Trace intervalle, source inépuisable, dans la voie du non sens, du non savoir et du firmament.

Musique et signes en creux, bien au delà des lettres et des mots fusent alors d’un sens que seule l’oreille du souffle saisit. Oussema Troudi, se hasarde ici, dans l’écriture du vide à travers la plasticité des signes en creux, corps ouverts sur leur centre. Affrontant le gâchis du langage, il rejoint pour reprendre les termes de Roland Barthes, ce « langage de l’imaginaire (qui) ne serait rien d’autre que l’utopie du langage, langage tout à la fois originel, paradisiaque, langage d’Adam... », à travers des traces qui s’offrent illimitées. Soustraites au blanc de la toile, elles sont silence, apparition, résurgence... Expression de la nostalgie pour laquelle Oussema s’engage transcendant les lettres par la voie de la ligne, khat, qui, de même origine que khatwa, pas, enjambée, marche et périple, dit la symbolique du trajet et du cheminement. Pratique inédite, son expérience, qui a pour objet les lettres inaugurales, maintenues en suspens, entre deux rives, met en exergue cette perte d’Origine qu’il entreprend, par son geste soutenu, de donner à rêver... Nul geste de calame, nul usage de l’encre ici, nul traçage de la lettre, le geste même artisanal, n’est point calligraphique.

Saloua Mestiri universitaire et poète


Haa’ Miim, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Taa’ Siin, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



C

e qui Pour un laps de Fond Fut un champ Pour panser Une muse Absolue Est passée

Et passera demain La muse

Naîtra

Racler

Le noir

Le regard

Du blanc

Indifférent

Et se dénoueront Les dires

En giclant

Du passant

Des silences Parlants

Des silences Scrutant

Les tons des fois Ratées

Les temps des fois Coulées

Dans les moules Des craintes

Éventées.

A. G.





Alif Laam Miim Saad, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Taa’ Siin Miim, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Âïn Siin Qaaf, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.






page précédente Saad, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.

Qaaf, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Noun, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.





page précédente Kaaf Hee’ Yee’ Âïn Saad, acrylique et huile sur toile, 600 x 200 cm, fragment, 2014.

Alif Laam Raa’, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Taa’ Hee’, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



Alif Laam Miim Raa’, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.





Alif Laam Miim, acrylique et huile sur toile, 95 x 95 cm, 2014.



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