Journal n°2 CRAJEP

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L’éduc’ pop’en île-de-France

Journal d’information des réseaux d’éducation populaire en Île-de-France

octobre 2008

DOSSIER “L’éducation populaire et l’économie sociale et solidaire : quelles appartenances ?”


DOSSIER “L’éducation populaire et l’économie sociale et solidaire : quelles appartenances ?”

ÉDITO

À

l’heure où personne ne peut ignorer que le système financier et économique mondial dans lequel nous vivons est en proie à une crise profonde, les acteurs de l’éducation populaire que nous sommes sont directement interpellés. D’une part, chaque citoyen subit cette crise sans en comprendre les racines et les effets directs, et surtout sans avoir le sentiment d’une quelconque possibilité d’intervenir. Les médias et leurs dits-experts ne font que renforcer cette impression de totale incompréhension et d’impuissance. Or, l’essence même de l’éducation populaire est d’essayer de donner à chacun les moyens de comprendre le monde qui l’entoure afin d’en devenir acteur et non simple spectateur ou pire, consommateur. Comprendre ensemble afin d’agir ensemble, en sachant qu’aucun thème n’est trop complexe et ne doit être l’apanage d’experts labellisés comme tels. Pas plus l’économie mondiale que l’aménagement du territoire ou les politiques éducatives ou sociales. La tendance actuelle à confisquer l’expertise ayant pour seul objet d’empêcher l’exercice plein et entier d’une citoyenneté active, rendre à chacun les clés de compréhension d’une crise complexe fournit un nouveau challenge aux acteurs de l’éducation populaire. D’autre part, la crise souligne l’urgence qu’il y a à favoriser le développement d’une autre économie qui place l’homme et non le profit au cœur du système. Or, il existe une économie sociale et solidaire à laquelle les acteurs de l’éducation populaire revendiquent leur appartenance, qui montre qu’il est possible aujourd’hui d’entreprendre autrement. Les fondements de cette économie sociale et solidaire sont : la primauté de la personne et de l’objet social sur le capital, l’adhésion volontaire et ouverte, le développement collectif du projet en y associant les usagers, la qualité du dialogue social entre salariés et employeurs, le fonctionnement démocratique basé sur le principe « un homme une voix » (qu’il-elle soit salarié, employeur, bénévole ou usager)…Comment ce secteur peut-il influer sur les bases d’un autre système économique à venir ? Les valeurs et les principes généraux de l’économie sociale et solidaire constituent des points de convergence et des références communes au sein de nos mouvements. L’ARDEVA est membre active de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, elle a également fait le choix d’adhérer au Centre de ressources régional de l’économie sociale et solidaire. Néanmoins, la question de l’appartenance de l’éducation populaire au secteur de l’économie sociale et solidaire, la façon dont celle–ci s’exprime ou se décline de façon concrète, appartient à chaque réseau qui s’en empare de diverses manières. Ce numéro du Journal de l’ARDEVA n’a pas pour objet de rendre compte d’un état de fait consensuel ni de clore un débat. Il vise, dans un premier temps, à donner un aperçu d’une diversité de points de vue et d’expériences complémentaires qui fait la richesse d’un réseau régional comme le nôtre. Dans un second temps, il inaugure un vaste chantier collectif qui devra nous conduire à clarifier les positionnements, mieux nommer et valoriser des pratiques, expérimenter, innover. Ce chantier prend toute son acuité, au-delà de la crise financière et économique mondiale, avec le désengagement annoncé de l’État dans la mise en œuvre d’une politique en direction de l’éducation populaire, de la jeunesse, qui menace tout un secteur de la vie associative de notre pays. Nous risquons de voir disparaître, si le projet de loi de finances 2009 était confirmé, un pan entier d’activités éducatives, sociales et culturelles menées auprès de millions d’enfants, de jeunes et d’adultes.

SOMMAIRE P. 3

DOSSIER «L’éducation populaire et l’économie sociale et solidaire : quelles appartenances ?»

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L’actualité des réseaux

P. 18 L’ARDEVA, l’éducation populaire en interactions

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Irène Pequerul, FRANCAS Île-de-France

Éducation populaire et économie sociale et solidaire

D

ans le précédent numéro de notre journal, nous avons présenté le processus d’écriture collective du « livre ouvert » décidé fin 2004 par le conseil d’administration de l’ARDEVA. Nous expliquions que le document qui sera établi comporterait deux volets. Le premier traitera de la nature de nos relations aux pouvoirs publics et contiendra des propositions sur la façon de les améliorer. Le second entend donner à voir la plus-value apportée par nos mouvements, tant aux personnes auxquelles nous nous adressons qu’à la collectivité en général. Nous voulons à la fois y affirmer ce que nous pouvons collectivement assumer, et en même temps approfondir et éclairer nos incertitudes et expérimenter dans les domaines où nos « marges de progrès » sont les plus significatives. Au-delà de nos accords sur les valeurs et les grands principes de l’éducation populaire, il reste effectivement des domaines qui font débat entre nous, notamment notre positionnement face au fait politique, nos modes d’organisation et de management, notre rapport à l’économique et le sens de notre appartenance à l’économie sociale et solidaire… Nous avons donc décidé d’approfondir ces questions. Un plan d’action a été établi entre nous qui doit nous permettre de progresser. Sa mise en œuvre est déjà effective dans plusieurs domaines. Nous amorçons avec ce deuxième numéro de notre journal un travail de réflexion sur nos rapports à l’économique, à l’argent et sur notre appartenance à l’économie sociale et solidaire. Nous sommes en effet conscients de la contradiction qu’il y aurait à prétendre contribuer à la transformation sociale et à se laisser enfermer sans résistance dans des rapports exclusivement marchands, producteurs de profondes inégalités. Contrairement à ce que prétend l’idéologie libérale dominante, la somme des intérêts et des égoïsmes particuliers ne fait ni l’intérêt général ni le bien commun. C’est pourquoi nous voulons nous inscrire résolument dans une économie plus sociale et plus solidaire. Mais quelles sont nos marges de manœuvre dans un contexte où les logiques financières l’emportent dans les rapports économiques, où les participants à nos activités se définissent eux-mêmes comme des clients (je paie donc vous me devez…) ?

Quels équilibres trouver ou quels compromis passer entre notre volonté de mettre la personne au cœur de notre façon d’entreprendre et les situations de concurrence où nous mettent les appels d’offres auxquels nous sommes contraints ? Comment concilier la part de militantisme qu’implique l’éducation populaire et la rentabilité des structures qui la portent ? Quelles références sociales et solidaires pouvons-nous nous donner quand la plupart des mutuelles et des coopératives adoptent des objectifs de développement et des formes de management de plus en plus conformes à ceux de l’économie libérale ? On le voit, nous n’avons pas encore tout à fait réglé nos rapports à l’argent, à l’économie ni même la façon de nous gérer et d’agir économiquement en conformité à nos valeurs. Certes chacun de nos mouvements a cherché et déjà trouvé pour son compte des éléments de réponses que nous voudrions valoriser et mutualiser. C’est le sens des articles que nous consacrons aux démarches impulsées à Au fil de l’Eau, au CPCV, à la Ligue de l’enseignement et à l’UFCV. Mais il reste beaucoup à faire. C’est pourquoi nous ouvrons un chantier commun que nous allons conduire en plusieurs temps. D’abord un temps d’information et de compréhension des logiques économiques et financières qui ont amené la crise boursière actuelle et les hypothèses de sorties. Ce temps sera amorcé par une conférencedébat avec Patrick Viveret (magistrat à la Cour des Comptes et auteur du rapport « Reconsidérer la richesse » remis au Gouvernement français en 2002). Cette conférence débat se tiendra le 4 décembre 2008. Ensuite un séminaire de formation/confrontation sur les outils et modes d’organisation dont nous nous sommes dotés, mais aussi de nouveaux, indicateurs de richesse, indicateurs de bien-être, possibilité de réappropriation démocratique de l’outil monétaire, notamment le projet SOL décrit plus loin… Enfin un temps d’expérimentation avec les mouvements volontaires sur de nouvelles pratiques d’économie sociale et solidaire dans nos champs de compétence accompagné d’un dispositif d’évaluation qui permette de valoriser et de capitaliser les acquis.

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Photos Au Fil de l’Eau - De gauche à droite : revitalisation des berges, passeur de rives, bateau-école

Charte de l’économie sociale (CNLAMCA*, 1980) « L’Humanité, en cette fin de siècle, affronte une crise de civilisation fondamentale. Celle-ci touche tous les aspects de la vie : les structures économiques et sociales, la cité, la vie politique et culturelle, l’homme lui-même. Fort de ce constat, les mouvements coopératifs, mutualistes et associatifs proclament leur attachement aux principes fondamentaux qui constituent la Charte de l’économie sociale. Ils ont la volonté, dans leur action quotidienne, de favoriser la conciliation harmonieuse de la rigueur économique et de l’audace sociale. Pour ce faire, les organismes coopératifs, mutualistes et associatifs rassemblent les hommes responsables et s’efforcent d’introduire ainsi un nouveau type de rapports dans les relations humaines, fondé sur les notions de dignité, de liberté et de solidarité. Article 1er Les entreprises de l’économie sociale fonctionnent de manière démocratique, elles sont constituées de sociétaires solidaires et égaux en devoirs et en droits. Article 2 Les sociétaires, consommateurs ou producteurs, membres des entreprises de l’économie sociale, s’engagent librement, suivant les formes d’action choisies (coopératives, mutualistes ou associatives), à prendre les responsabilités qui leur incombent en tant que membres à part entière des dites entreprises. Article 3 Tous les sociétaires étant au même titre propriétaires des moyens de production, les entreprises de

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l’économie sociale s’efforcent de créer, dans les relations sociales internes, des liens nouveaux par une action permanente de formation et d’information dans la confiance réciproque et la considération.

Au Fil de l’Eau et l’économie sociale et solidaire : entretien avec Jean-Louis Achart Au Fil de l’Eau revendique son appartenance à l’ESS, pourquoi ? Dans quelle mesure l’association s’inscrit-elle dans ce champ ?

Article 7 Les entreprises de l’économie sociale proclament que leur finalité est le service de l’homme. »

En revendiquant son appartenance à l’économie sociale et solidaire, Au Fil de l’Eau se réclame de deux choses : l’envie de ne pas être dans l’économie marchande et l’affirmation qu’un secteur non marchand est possible. L’ESS implique qu’on rentre dans le champ de l’économique, dans la production d’utilité sociale. Social et solidaire car on s’adresse aux gens les plus démunis, les plus exclus. On a une réponse plus sociale vis-à-vis des commanditaires, mais aussi auprès des différents salariés qui sont dans la structure. L’un ne peut pas aller sans l’autre. Quand on propose aux communes et aux collectivités territoriales de mettre en place des activités, on explique que sur un chantier d’insertion, 3 à 4 salariés apprenants valent en productivité un salarié dit « banal » mais au final nous aurons pris le temps d’accompagner ces personnes dans leur reconstruction, tout en faisant un travail de qualité. Sur la revitalisation des berges par exemple, une boîte privée a de gros moyens mais une façon de faire discutable sur le plan écologique. Le système de réfection des berges consiste à redonner sa place au vivant et s’inscrit en cela dans une logique de développement durable qui exige d’avoir une présence humaine. Nous, on propose de faire mieux et 30% moins cher. Les coûts prennent en compte la globalité du projet. Il faut sortir du misérabilisme dans les chantiers d’insertion, ce n’est pas une économie de seconde zone.

*CNLAMCA (Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives)

En tant que mouvement d’éducation populaire, quelles spécificités défend Au Fil de l’Eau par rapport aux autres structures de l’ESS ?

Article 4 Les entreprises de l’économie sociale : - revendiquent l’égalité des chances pour chacune d’elles, - affirment leur droit au développement dans le respect de leur totale liberté d’action. Article 5 Les entreprises de l’économie sociale se situent dans le cadre d’un régime particulier d’appropriation, de distribution ou de répartition des gains. Les excédents d’exercice ne peuvent être utilisés que pour leur croissance et pour rendre un meilleur service aux sociétaires qui en assurent seuls le contrôle. Article 6 Les entreprises de l’économie sociale s’efforcent par la promotion de la recherche et l’expérimentation permanente dans tous les domaines de l’activité humaine, de participer au développement harmonieux de la société dans une perspective de promotion individuelle et collective.

L’éducation populaire est nourricière de l’économie

sociale et solidaire. En tant que mouvement d’éducation populaire on affirme des valeurs et ce sont ces valeurs qui soutiennent l’ensemble de nos actions, pas l’inverse : protection de l’environnement, amélioration durable des fleuves et des rivières, information et sensibilisation des riverains… Faire découvrir le monde pour le faire respecter. C’est ce que nous faisons par exemple dans le cadre du bateau école associatif. Quand on travaille avec la Ville de Saint-Maur pour empêcher la réouverture du barrage de Joinville qui constitue une réserve naturelle, qu’on met en place un bateau qui ne fait pas de batillage (déferlement de vagues provoqués par le passage d’un bateau et dont le caractère d’onde de choc entraîne la dégradation des berges, dft wikipedia) avec des activités grand public autour de ces îles, ce sont autant de personnes qui regarderont le fleuve autrement. Les riverains, les citoyens qui vont prendre conscience des enjeux autour de l’eau, vont ensuite adhérer à la nécessité de la protéger. Ce qui nous caractérise également c’est que nous mettons en relation toutes les institutions concernées par un même projet, quelle que soit leur appartenance politique : la Ville de Saint-Maur et le Conseil général 94 ou la Mairie de Saint-Maur et celle de Champigny… Les chantiers d’insertion concernent des personnes très éloignées de l’emploi. Quand on regarde les nouvelles directives, fixant à 40% les objectifs de retour à l’emploi contre 20 à 25% en réalité, le risque est de laisser de côté les plus éloignés de l’emploi. En tant que mouvement d’éducation populaire, on résiste. Au Fil de l’Eau réfléchit en effet à monter une entreprise d’insertion qui permettrait d’accompagner de manière plus durable les salariés en insertion. Nos actions sont cohérentes avec ce qu’on raconte. On préfère mourir que déroger à ces valeurs.

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L’éducation populaire dans les instances représentatives de l’ESS Le CPCV et l’Atelier : entretien avec Gilles Jeanmougin En quoi le CPCV est-il un acteur de l’ESS ? Au CPCV, nous ne sommes pas partis dans un débat théorique mais plutôt sur un certain nombre de constats. À l’origine, le CPCV était essentiellement une association d’éducation populaire oeuvrant dans le champ des formations bénévoles (BAFA, BAFD). Dans les années 1970-80, les chocs pétroliers et la crise économique ont entraîné des situations de grande détresse. On accueillait des jeunes dans le cadre du BAFA qui nous expliquaient qu’ils ne savaient pas trop où ils allaient dormir ensuite ! Le CPCV s’est donc dit : Ce n’est pas jouable d’organiser des formations avec des personnes qui sont dans une telle précarité que la formation ne va pas leur être bénéfique. Face à cette conjoncture, il nous a donc semblé nécessaire d’investir les champs de la formation professionnelle et de l’accompagnement de publics en grande difficulté. Nous avons décidé de mener des actions d’insertion : sociale et professionnelle, par l’activité économique, par le logement… Par exemple sur le logement, nous avons une capacité d’hébergement d’environ 130 lits à Saint-Prix, ce qui nous permet de diversifier les modalités d’hébergement des personnes accueillies, notamment des stagiaires, et de faire un travail avec des personnes en grande difficulté avec le logement (dispositif « précarité-pauvreté », loi Besson…). Avec la création de l’agence immobilière à vocation sociale Loca’rythm, structure juridique indépendante du CPCV, nous nous sommes dotés d’un outil complémentaire d’accompagnement social vers un logement durable. Avec l’idée qu’en permettant d’acquérir un logement, ils seront mieux armés pour retrouver le chemin du travail et de l’insertion. Notre action consiste à mettre en place un certain nombre d’activités avec les publics accompagnés, en associant intimement le champ économique et celui de l’insertion. Par exemple : nous avons participé activement à la création d’une association intermédiaire. Le CPCV a également deux boutiques pédagogiques où sont vendus notamment des produits du commerce équitable. Des jeunes en plateforme de mobilisation ou des RMIstes viennent travailler dans la boutique un temps donné. Il y a

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aussi des activités de jardinage comme outil de socialisation ou de lutte contre la désocialisation pour des personnes isolées. Des détenus en fin de peine sont hébergés par le CPCV qui mène avec eux un accompagnement social pour préparer la sortie de prison et le retour sur le quartier… Nous menons toutes ces activités d’ESS avec une démarche d’éducation populaire c’est-à-dire avec une dimension collective (ateliers, relation groupe/ individu). Nous considérons la personne dans sa globalité : les actions que nous menons sont un outil pour les personnes que nous accompagnons, pour qu’elles développent leur projet de vie, d’insertion sociale et/ou professionnelle. Vous siégez au conseil d’administration de l’Atelier. Pourquoi le CPCV a-t-il jugé important d’y avoir une place en tant qu’administrateur ? Une des positions que je défends, c’est que c’est très compliqué d’avoir une vue globale et transversale du fonctionnement du Conseil régional Île-de-France. Il faut arriver à repérer qui au CRIF peut dialoguer avec nous sur nos activités d’éducation populaire. À l’ARDEVA, dans le cadre de notre démarche de « Livre ouvert » nous réfléchissons sur nos relations avec les institutions régionales, et à la manière d’entrer en concertation et/ou en confrontation avec celles-ci. Entrer au conseil d’administration de l’Atelier était une façon parmi d’autres d’entrer dans le dialogue et la concertation avec le Conseil régional Île-de-France sur cet aspect d’ESS. En publiant le rapport cadre sur l’économie sociale et solidaire en décembre 2005 et en souhaitant créer un centre de ressources, le Conseil régional Île-deFrance admettait le rôle de l’ESS comme participant activement à l’économie globale et faisant partie du projet économique de la Région. Il fallait donc y aller ! Ma deuxième conviction est que beaucoup de partenaires ne connaissent ni le champ ni les associations d’éducation populaire. D’une certaine façon nous sommes responsables de cette méconnaissance de l’éducation populaire par les acteurs de l’ESS et par les élus. Nous-mêmes avons sans doute des méconnaissances et des a priori sur

les autres acteurs, donc aussi des besoins en termes d’analyse de pratiques et d’échanges. L’Atelier est un lieu qui peut permettre la confrontation et une meilleure connaissance des uns et des autres. Par ailleurs L’Atelier étant une association, les associations d’éducation populaire ont un rôle à jouer dans son fonctionnement quotidien et doivent rester vigilantes sur les modalités de sa gouvernance.

sur l’accompagnement, il n’est pas inutile de préciser que les fédérations d’éducation populaire font aussi de l’accompagnement. Le même mot ne recouvre pas les mêmes réalités. Beaucoup de gens pensent que l’accompagnement est financé ès qualité. C’est le cas les DLA (Dispositifs locaux d’accompagnement, Ndlr.), par exemple. Mais ce n’est pas le cas de beaucoup d’associations d’éducation populaire.

Quelle place le CPCV, en tant qu’association d’éducation populaire, occupe-t-il à côté des autres acteurs de l’ESS ? Quelles spécificités pensez-vous apporter au sein de l’Atelier, dans les commissions de travail par exemple ?

Le primat de l’accompagnement, pour nous, c’est l’accompagnement du projet associatif. Cette confrontation au sein de l’Atelier avec d’autres acteurs de l’ESS nous force à nous questionner sur notre démarche spécifique, sur notre rapport à l’économique. On dit consommer autrement, vivre autrement… mais que veut dire « autrement » ?

Il faut sans cesse être présent, dans une démarche pédagogique et politique. Par exemple dans le groupe

L’éducation populaire dans les instances représentatives de l’ESS Entretien avec Éric Forti , Ligue de l’enseignement Vous êtes chargé au niveau de la Ligue de l’enseignement nationale de l’ESS. En quoi consiste cette mission ? Je suis délégué aux vacances, aux loisirs et à l’économie sociale. Le secteur des vacances, à la Ligue de l’enseignement, s’inscrit bien dans le champ de l’économie sociale, la Ligue réalisant 70% de son chiffre d’affaires total dans le secteur des vacances et des loisirs. Ma mission consiste à affirmer dans les réseaux de la Ligue et à l’extérieur, à travers différents outils, le positionnement de la Ligue comme entreprise pleinement inscrite dans le développement de l’ESS avec toutes les valeurs qu’elle entend affirmer et faire respecter. Cette mission politique, je la mène en partenariat avec d’autres associations et collectivités. Mon mandat national sur l’ESS implique en effet que je sois membre du syndicat CNEA (Conseil national des employeurs associatifs, Ndlr.), syndicat employeur auquel la Ligue adhère et qui est représentatif dans la branche de l’animation, la convention de branche professionnelle la plus utilisée par les fédérations départementales de la Ligue. J’y suis membre du

bureau au titre de la Ligue. Par ailleurs secrétaire général de la Ligue Île-de-France, une myriade de représentations se décline sur le territoire francilien : présidence de la CPCARIF (Conférence permanente des coordinations associatives – Région Île-de-France, Ndlr.), vice-présidence de la CRESS ÎdF (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, Ndlr.), vice-présidence du centre de ressources régional de l’ESS : L’Atelier. Pendant l’année qui vient, l’enjeu est de mettre en cohérence des liens entre ces structures via des conventions d’objectifs et de moyens. Par exemple, la CRESS devrait pouvoir s’appuyer sur l’Atelier comme outil l’aidant à réaliser ses actions et développer son projet, mais pour se faire, il faudra repréciser les principes actuels de gouvernance de l’Atelier. De son côté, la CRESS est aujourd’hui dans une nouvelle dynamique puisqu’un nouveau collège, celui de l’économie solidaire, la compose. Désormais la CRESS représente tous les acteurs de l’ESS. Cependant il existe un certain nombre de tensions entre l’économie sociale et l’économie solidaire. Ces tensions reposent sur trois raisons principales.

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Il y a en effet de fortes différences de conception de la démocratie entre l’économie sociale, pour un système représentatif, et l’économie solidaire qui défend une démocratie participative et directe. L’économie solidaire se présente en outre comme l’émergence et la nouveauté face aux « anciens » de l’économie sociale. Enfin, nous sommes dans une logique de classification et de définition de l’économie sociale avec plein d’entrées différentes. La définition la plus largement partagée reste que l’économie sociale se définit spontanément comme le regroupement des entreprises à but non lucratif. Cette définition n’est pas satisfaisante car les coopératives ouvrières et certaines associations peuvent avoir des développements à but lucratifs. Nous préférons dire au sein de la CRESS que les fondations, les associations, les coopératives, les mutuelles composent l’ESS et défendent une autre façon d’entreprendre qui ne répartit pas les dividendes entre les actionnaires. Les acteurs émergeant de l’économie solidaire contestent cette approche structurelle et juridique en défendant l‘idée que ce qui compte, c’est l’activité : solidarité, développement durable, protection de l’environnement… Même si certaines des entreprises œuvrant dans ces champs sont dotées de capitaux financiers Pour de nombreux acteurs de l’économie solidaire, quelle que soit la structure juridique, ce qui compte c’est le champ d’intervention. En réalité, tous ces concepts sont nécessaires pour repenser les modes de développement de la société. Réguler, atténuer les effets de l’économie marchande capitalistique dans les domaines de l’éducation, de la santé, du tourisme… être vigilant pour éviter que tout ne soit considérée comme une marchandise. Défendre un certain nombre de valeurs en les respectant dans notre développement : humanisme, développement des personnes, redistribution équitable des richesses créées par le travail… Dans le cadre de votre mandat, vous avez rencontré des élus de toutes tendances. Comment le concept d’ESS est-il appréhendé par les élus ? Depuis 6 ans que j’occupe ce mandat à la Ligue, je rencontre en effet un certain nombre d’élus. Les

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Verts sont à la fois préoccupés et sensibilisés par l’économie solidaire sans être véritablement au fait des enjeux et principes qui fondent cette économie. Ils sont très souvent dans une logique d’économie solidaire, centrée sur le commerce équitable et le développement durable. Pour les autres globalement, c’est très difficile de faire comprendre à un élu local de base qu’il existe d’autres formes d’entreprises que capitalistiques. Ils ont une vision de l’économie sociale fondée sur le bénévolat. Or, en Île-de-France, les entreprises de l’ESS emploient 360 000 salariés selon le recensement 2006, effectué par l’INSEE, affichant une progression de 1,8 % par rapport au précédent, le secteur marchand ne progressant sur cette même période que de 1,1%. En France, un million de personnes sont employées dans les associations sur 20 millions d’actifs ! Aujourd’hui les niches de développement de l’emploi, ce que certains nomment l’emploi quaternaire et qui concerne notamment l’aide à la personne, sont dans les associations. Les élus ont donc encore beaucoup de difficultés à comprendre l’ESS, parce que les acteurs sont très différents et la définition de l’ESS encore floue et difficile à appréhender. « Entreprendre autrement » est une définition trop limitée. En réalité il nous faut insister sur nos modes de gouvernance et de redistribution des richesses. Il nous faut avancer sur cette définition pour qu’elle soit audible par les élus. En 2002 l’ESS s’organisait pour la première fois en prévision des élections prud’homales avec l’idée de placer dans les conseils prud’homaux les représentants de l’ESS, de se faire représenter, non pas par des membres du MEDEF, mais par des dirigeants d’entreprises de l’ESS qui connaissent nos spécificités et les objectifs que nous poursuivons (L’Union des employeurs de l’économie sociale a ainsi obtenu plus de 10% des voix aux dernières élections prud’homales, Ndlr.). En 2008, un certain nombre de conditions juridiques ont été mises en place pour dissuader nos représentants de se faire élire aux prochaines élections prud’homales de décembre… On voit là tout l’enjeu que ces élections représentent.

De votre point de vue d’acteur d’éducation populaire, comment les associations d’éducation populaire s’inscrivent-elles dans l’ESS ? Réussissent-elles à saisir les implications que leur appartenance à l’ESS devrait entraîner dans leurs modes d’organisation ? J’ai toujours pensé que l’éducation populaire était organisée, structurée, développée de telle façon qu’elle fonde les principes de base de l’ESS : échanges réciproques des savoirs et des compétences des individus, l’homme comme acteur participant à l’élaboration du projet (un bénévole, un usager peut devenir administrateur), éducation du peuple par le peuple ; construction collective du savoir. Les principes de management des structures d’éducation populaire au sein de l’ESS doivent être conformes à nos objectifs. Il ne m’apparait pas aberrant qu’un salarié soit partie prenante du conseil d’administration. Dans ce sens, depuis 5 ans à la Ligue du Val-d’Oise, nous mettons en place des séminaires

regroupant bénévoles, salariés et administrateurs. Une partie des fonctions représentatives et politiques est déléguée aux salariés. Moi-même je suis salarié et secrétaire général, ce qui est toléré par l’administration fiscale dès lors que le nombre de salariés et le budget sont importants. (cf. http://www. associations.gouv.fr) Pour affirmer leur différence les mouvements d’éducation populaire doivent repenser le dialogue social au sein de leurs structures. Il est nécessaire de revenir, comme les SCOP, sur des espaces de concertation active avec les salariés car c’est justement cette hybridation salariat / bénévolat, permettant d’associer à un même projet des professionnels salariés et des professionnels bénévoles, qui caractérise l’éducation populaire et l’ESS.

L’UFCV fête les 20 ans de son titre de Dirigeants d’entreprise de l’économie sociale

(Niveau II – RNCP)

L

’économie sociale, fondée sur les initiatives au service de la personne au-delà de la recherche du profit, requiert de ses dirigeants des compétences adaptées ; il leur faut associer les outils de gestion et de management aux modes spécifiques d’administration de ce secteur (ses adhérents, coopérateurs, élus…). Les dirigeants doivent faire preuve d’un savoir faire particulier conjuguant le rôle du marché et celui des pouvoirs publics. La formation de « Dirigeants d’entreprise de l’économie sociale » diligentée par le Centre national de formation et d’animation de l’UFCV, s’adresse depuis 1988, aux cadres dont l’expérience peut être investie dans la direction d’un service, d’un équipement socio-culturel, d’un organisme (mutuelle, syndicat), d’une entreprise associative ou coopérative. La formation vise à l’appropriation d’une culture et au développement de comportements de dirigeants par l’analyse et l’ajustement des pratiques. Cette année, à l’occasion de ses 20 années, le CNFA organise une journée d’étude le 22 novembre pour réfléchir en quoi l’économie sociale, fabrique des citoyens responsables. Autour de conférences et de tables rondes, ce sera le moment de réfléchir aux actions à entreprendre ou à prolonger pour que l’ensemble des composantes de l’économie sociale, associations, mutuelles, coopératives, voient renforcé leur rôle d’acteurs majeurs dans la construction de l’individu et par là de la société. Pour plus d’information (prochaine promotion – Mars 2009) : www.ufcv.fr > rubrique Île-de-France > économie sociale. Contact : Emmanuelle Cartignies, UFCV ÎdF - Tél. 01 44 72 14 14

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Crise financière et monnaie complémentaire : le projet SOL Entretien avec Patrick Viveret (magistrat à la Cour des comptes, auteur du rapport « Reconsidérer la richesse » et président de l’association nationale SOL) Jean Marquet : Patrick, tu es, entre bien d’autres choses, président de l’association nationale SOL. Le SOL est une monnaie complémentaire dont tu as proposé la mise en place dans ton rapport « Reconsidérer la richesse », rédigé en 2002 dans le cadre de la mission que t’avait confiée Guy Hascoët, alors Secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire. Cette mission avait pour objectif d’ouvrir le débat, de modifier notre approche de la richesse et de rechercher de nouvelles modalités de circulation et distribution de celle-ci. Peux-tu nous dire quels sont aujourd’hui les enjeux et le contexte du SOL ? Patrick Viveret : L’instauration d’une monnaie complémentaire, « le SOL » favorisant les activités d’utilité écologique et sociale est effectivement l’une des propositions contenues dans le rapport que j’avais présenté au gouvernement français en 2002. Nous avons en effet simultanément besoin d’un autre rapport à la richesse et à l’argent. Le SOL est un outil d’échange au service d’une vision renouvelée de la richesse. La mesure de la richesse dans nos sociétés s’élabore à partir des activités économiques donnant lieu à des flux monétaires. À l’exemple du PIB, indicateur majeur de ce qu’il est convenu d’appeler richesse d’un pays, cette approche ne s’intéresse pas à la nature des activités réalisées et des biens produits, ni à la finalité de l’échange et à ses répercussions en termes écologiques et sociaux. Ainsi, le PIB comptabilise nombre de destructions, écologiques ou humaines, dès lors qu’elles génèrent des flux monétaires. A contrario, la plus-value éthique, sociale, écologique des activités développées au sein de l’économie sociale et solidaire n’est pas prise en compte. Des activités comme l’éducation ou la santé sont considérées comme des prélèvements de richesse alors qu’elles en sont des sources. De la même façon, en viennent à être considérées comme sans valeur l’ensemble des activités et échanges entre humains qui ne donnent pas lieu à des transactions monétaires (et en premier lieu le travail bénévole dans les associations ou les activités domestiques)….

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JM : Le SOL est donc une monnaie au service d’un développement soutenable centré sur l’humain... PV : La principale fonction de la monnaie, sa justification historique, est de faciliter l’échange et l’activité entre les êtres humains en établissant une unité de compte commune et en créant un espace de confiance. Mais cette approche de la richesse, organisée autour de l’avoir monétaire, transforme la monnaie en bien. On assiste alors à deux phénomènes symétriques, qui invalident cette fonction d’échange. D’un coté, la montée de la pauvreté et de la précarité, la « sousmonétarisation » pour les millions de personnes qui, dans nos sociétés, disposent de revenus très insuffisants. Pour eux cela signifie que la monnaie ne remplit pas sa fonction première qui est de faciliter l’échange et l’activité. Un potentiel considérable de création de richesses de ces personnes est ainsi gaspillé, dont l’intelligence, les capacités créatrices et transformatrices sont stérilisées et concentrées sur une pure logique de survie. De l’autre, il y a « sur-monétarisation » pour une minorité de possédants très riches, ce que reflètent les chiffres officiels des Nations unies mettant en évidence que la fortune de 225 personnes est égale aux revenus de deux milliard et demi d’humains. Cet excès de monnaie pourrait, théoriquement, être mobilisé en vue de multiplier les échanges et de créer des richesses susceptibles de répondre aux besoins des populations, mais en réalité l’essentiel de cette monnaie tourne dans des bulles spéculatives dans le seul but de produire plus de monnaie, bulles dont l’explosion récurrente fait des ravages dans l’économie réelle. JM : Mais dans ce contexte qui doit ou peut être à l’initiative de la mise en place du SOL ? PV : La conjonction de la crise climatique et financière va donner une responsabilité particulière aux autorités locales. Cet outil sera d’autant plus nécessaire que les dérèglements de l’économie spéculative combinés avec ceux du productivisme nous ont conduits à une double crise écologique et financière dont les conséquences sociales peuvent

être meurtrières si l’outil majeur qu’est la monnaie n’est pas l’objet d’une réappropriation démocratique. La conjonction de ces crises va provoquer une attente croissante à l’égard des autorités politiques et singulièrement des autorités politiques locales qui seront en première ligne par rapport aux attentes de citoyens marqués par les effets économiques et sociaux de ces bouleversements. JM : Il y a déjà des collectivités qui expérimentent le SOL… PV : Oui… Le projet SOL verra, fin 2008, se terminer une première phase d’expérimentation, conduite avec l’appui du programme européen Equal et de 5 conseils régionaux. Cette phase a concerné des territoires limités ou des quartiers de villes dans 5 régions françaises : Bretagne, Nord-Pas de Calais, Rhône-Alpes, Alsace et Île-de-France. Il va désormais pouvoir passer à une nouvelle phase centrée sur des ensembles territoriaux plus importants en particulier des villes de plus de dix mille habitants. JM : Quels sont les partenaires qui se sont mobilisés dès l’origine ? PV : Au-delà des préconisations du rapport, le projet est véritablement né d’une coopération entre des mutuelles, des banques de l’économie sociale, des coopératives et des réseaux de l’économie solidaire (commerce équitable, agriculture biologique en particulier). En réalité ce projet ne peut se développer qu’à partir de la synergie entre les différents acteurs porteurs de l’idée de départ, c’est-à-dire imaginer une monnaie ayant comme finalité de replacer l’économie au rang de moyen et non de fin, avec comme objectif de développer les structures et les offres de l’économie sociale et solidaire ainsi que les interactions entre ces structures…. Ainsi, le projet SOL s’organise, potentiellement, autour des acteurs suivants : - l’ensemble des structures de l’économie sociale et solidaire ; - l’ensemble des personnes s’engageant dans des activités à caractère solidaire et de consommation

responsable et, plus largement, les personnes aujourd’hui en situation d’exclusion des circuits d’échange traditionnels ; - les collectivités territoriales, le projet SOL constituant un nouveau levier pour la mise en œuvre de politiques économiques et sociales réorientées. JM : Concrètement, comment se matérialise le SOL ? PV : Le support matériel est électronique, c’est une carte à puce qui permet de stocker les points SOL acquis dans différents circuits d’échanges interconnectés, et de mettre en place des mécanismes de solidarité entre les différents acteurs. JM : Plus précisément… PV : Il y a trois sortes de SOL : le SOL coopération, le SOL engagement, et le SOL affecté. Les porteurs de la carte acquièrent des points SOL Coopération lors de leurs achats en euros dans les structures de l’économie sociale et solidaire adhérentes au réseau SOL. Ces points sont acquis en échange du fait d’avoir choisi des produits et services issus de l’économie sociale et solidaire, ils mettent en valeur la plus-value éthique, sociale, écologique des activités développées au sein de ce secteur. Ces points peuvent en retour être utilisés dans l’ensemble des entreprises et structures adhérentes, et pour l’accès aux services publics que les collectivités territoriales partie prenantes du projet choisissent d’intégrer au réseau SOL. On détermine ainsi un marché choisi, fondé sur une communauté de valeurs, participant au développement d’une économie à plus-value éthique, environnementale, sociale. Les points SOL peuvent aussi, par ailleurs, être acquis en échange de comportements responsables (par exemple valorisation, par une mutuelle, de comportements «prudents» qui sont une réponse positive à des actions de prévention qu’elle engage, ou d’investissements en économie d’énergie en réponse à la problématique environnementale, valorisation, par une collectivité territoriale, de pratiques telles

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que le co-voiturage ou l’activité associative vers tel public, etc…). Enfin, si l’amorçage de ce circuit est prévu par une contrepartie en euros, sa non-convertibilité immédiate (ou en tout état de cause selon des règles clairement définies) permet que le SOL circule plus longtemps, fasse plusieurs boucles dans le circuit. Il devient alors véritablement une monnaie complémentaire, permettant de valoriser certains comportements de consommateurs, citoyens, producteur et d’augmenter les capacités d’échange de ces acteurs. Le SOL engagement se constitue là comme élément structurant d’échanges non monétaires, voire non solvables, et visant à répondre à des besoins sociaux. Les SOL engagement sont acquis en échange du temps consacré à des activités définies collectivement et répondant à un besoin exprimé, valorisant ainsi un engagement citoyen sur ces activités. Le SOL engagement est ainsi une unité de compte permettant les échanges de temps entre des personnes, de manière différée dans le temps et sur des activités variées. Par exemple : l’accompagnement de personnes âgées et d’handicapés pour une série d’activités leur permettant d’améliorer leurs conditions de vie et de sortir de leur isolement, croisé à des réponses par l’échange aux besoins d’articulation des temps de vie pour les femmes seules ou des activités permettant de renforcer les liens interculturels, l’insertion de certaines populations dans la cité… Si l’idée même de circuits non monétaires renvoie assez naturellement à l’exemple des SEL, le projet SOL apparaît en complément à ceux-ci. Les SEL organisant principalement des réseaux d’échanges interindividuels, le SOL proposant la participation des personnes à des projets collectifs inter-connectés répondant à leurs besoins. Par ailleurs, le SOL engagement permettra d’avoir accès à des réductions dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire et dans les services publics déterminés par les collectivités territoriales. Cette dynamique correspond, pour les entreprises et pour les collectivités, à la reconnaissance et la valorisation de l’engagement. Cette reconnaissance est associée, pour les entreprises, à une augmentation du potentiel de clients et, pour les collectivités

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territoriales, à une meilleure utilisation des services publics existants. Des liens plus forts entre ces échanges de temps et les SOL coopération peuvent et doivent être envisagés. La réflexion sur ce point est l’un des éléments de l’expérimentation. Le SOL affecté procède d’une dynamique déjà fortement présente en France, celle des monnaies affectées, chèque déjeuner par exemple. Les collectivités territoriales peuvent distribuer des cartes SOL à des populations ciblées, en les créditant d’un certain nombre de points SOL qui permettent de payer en partie ou en totalité l’accès à un certain nombre de services. On est dans le cas des politiques publiques menées par les collectivités territoriales pour répondre, par exemple, aux besoins des populations fragiles. Le fait d’intégrer ces politiques dans le cadre du SOL permet : - d’insérer ces populations dans un cadre plus large. En effet, la carte SOL permet d’intégrer cette politique sociale dans un projet plus vaste, qui inclut d’autres acteurs et d’autres populations. La discrimination engendrée par le simple fait de posséder des «chèques sociaux» classiques disparaît. Elle donne par ailleurs, par effet d’entraînement, la possibilité à ces personnes, de s’intégrer aux autres circuits d’échange SOL, et d’y trouver des formes de valorisation de leurs activités ;

SOL Coopération

Acquis par sa préférence à un marché de produits et services à forte plus-value éthique, sociale, environnementale (consomm’acteur) et par ses comportements responsables.

Qu’il utilise dans les circuits de l’ESS et les services des collectivités territoriales.

SOL engagement

Acquis par son engagement dans des activités d’utilité collective.

Qui lui sert à comptabiliser les échanges. Qui lui donne droit à des réductions dans les structures de l’ESS et dans les services publics.

SOL affecté

Distribué par les collectivités territoriales.

Qu’il utilise en fonction de l’affectation.

L’utilisation d’un support électronique permet, avec une seule carte, le suivi et la gestion des différents SOL et, à terme, une plus grande mixité d’utilisation entre eux.

- d’être un levier dans le développement du secteur de l’économie sociale et solidaire du territoire, en favorisant ce secteur dans le choix des produits et services pouvant être réglés en SOL, (tout comme, pour toute monnaie affectée classique, la collectivité définit les prestataires agréés). Il s’agit ainsi de créer un effet d’amplification de ces différents usages en faisant le lien entre eux. La mise en place de ces différents circuits de manière interconnectée permet de consolider une communauté de valeurs autour d’activités et d’engagements à utilité écologique et sociale. Ainsi, chaque porteur de carte SOL dispose d’une seule carte, avec trois modalités d’utilisation :

La monnaie SOL à Nanterre L’association nationale SOL et Culture et Liberté coopèrent actuellement à la mise en place du SOL sur la ville de Nanterre. La municipalité actuelle avait inscrit son utilisation dans son programme électoral. Il avait été préalablement expérimenté par un collectif d’associations de la ville. Il s’agit maintenant de rassembler les conditions de son extension au maximum des acteurs du territoire potentiellement concernés. Plus d’info : Culture et Liberté – 12, rue Salvador Allende 92000 Nanterre - Tél. 47 24 18 19 – email : clparis@vallona.org

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L’actualité des réseaux L’accompagnement culturel aux CEMÉA : l’exemple d’Avignon Entretien avec Jean-Noël Bruguière Dans les séjours que les CEMÉA organisent pendant le Festival d’Avignon, vous appliquez les principes d’éducation active en défendant notamment un positionnement actif des jeunes et en les mettant en situation de voir / de dire / de faire. Pouvez-vous expliquer votre démarche ?

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otre démarche est une démarche d’accompagnement, cela signifie que notre positionnement en tant qu’éducateurs est centré sur les personnes : les remettre en action, c’est-à-dire leur donner confiance dans leurs possibilités de réfléchir, de comprendre, de sentir ce qui se passe autour d’eux. Aux CEMÉA, les outils pour cet accompagnement sont diversifiés autour de trois pôles : - Un pôle sensible où l’on éprouve soi-même un certain nombre de situations : écrire, parler, dire des textes, bouger, fabriquer des choses. Être actif au sens d’effectuer quelque chose de sensible. - Un pôle où l’on crée la rencontre avec les événements et les objets culturels : voir des spectacles, aller dans une bibliothèque, aller au cinéma. Phase où il se passe quelque chose d’ordre artistique. On ne peut pas élever l’éducation culturelle à un niveau intéressant pour les individus, sans la rencontre avec la production des artistes car seule cette dimension artistique permet de dépasser les problèmes individuels de la vie quotidienne. - Un pôle de pensée et de réflexion : on construit une situation où les rencontres avec les autres, avec le collectif, sont essentielles pour briser l’isolement de la personne qui très souvent reste seule face à son expérience et baisse les bras. La confrontation produit

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une richesse de points de vue, de compréhension, d’analyse. Il n’y a pas une réponse ni une seule façon de voir les choses. Nous avons tous une réponse. Cette confrontation permet de nourrir nos propres éléments de réponse. La rencontre avec les artistes : chorégraphes, cinéastes… permet d’engager le dialogue entre des personnes qui ont participé à une même action. Le travail avec les lycéens à Avignon se nourrit de ces allers-retours. Les jeunes vont voir les spectacles puis sont mis en relation avec les équipes artistiques pour dire ce que ça produit en eux. L’accompagnement ne doit pas être une accumulation de connaissances ; une surconsommation d’informations n’est pas le gage d’une appropriation de la culture. La personne elle-même doit travailler sur cette question. Quand le processus est engagé, nous pouvons nous retirer sur la pointe des pieds. Se cultiver c’est sédimenter des émotions, des souvenirs, des sensations jusqu’à laisser une marque indélébile. Se cultiver est le contraire d’accumuler du savoir. Un réel investissement des personnes produit une autonomie, un engagement plus responsable, plus citoyen par rapport à une offre culturelle. Il ne doit pas être question de consommer de plus en plus, mais de consommer de mieux en mieux. En quoi distinguez-vous votre démarche d’accompagnement de la médiation culturelle ? « Médiation » est une notion-valise, qui est utilisée, de façon générique aujourd’hui, pour faire consommer plus. Dans le spectacle vivant, par exemple, les rencontres organisées avec les artistes n’apportent rien en termes de contenu et ne sont en général que du marketing pour les abonnés. L’accompagnement consiste à faire venir des gens qui n’iraient pas d’euxmêmes au théâtre. Un spectacle va nous toucher car nous avons une place en nous qui peut le recevoir ; mais il faut créer la possibilité d’accepter d’aller dans l’inconnu. Je ne crois pas à la magie du choc culturel. Ce travail au plus près des populations demande une expérience et des outils d’intervention spécifiques. L’éducation populaire dans son ensemble a trop voulu singer les milieux culturels et n’a pas assez travaillé

sur les méthodes et les outils. L’éducation corporelle, l’éducation sensible, les activités d’expression autour de la créativité sont une manière de contourner les carences de la maîtrise de la langue. Il ne faut pas oublier la dimension globale de la vie des personnes. Les pratiques culturelles de la population et les pratiques artistiques des artistes ne peuvent pas se substituer. Or les associations d’éducation populaire ne sont pas au clair sur ces questions. Les artistes, les structures d’animation, les enseignants ont chacun un rôle à jouer. Nous devons doter les animateurs de centres de vacances, les directeurs de centres sociaux d’outils d’intervention et former les professionnels de l’animation, de la culture, de l’école à travailler ensemble. L’enjeu consiste à se connaître, se reconnaître, se respecter, à avoir une stratégie commune où chacun peut accomplir clairement et efficacement son rôle, sa part d’accompagnement. Dans la formation sur l’animation volontaire et professionnelle, les CEMÉA essaient d’introduire ces questionnements. En formation BEATEP, nous sortons les stagiaires des salles de formation pour les amener sur le terrain, voir des spectacles, voir comment en amont et en aval, dans ces moments forts, on travaille sur l’accompagnement. Il est important de les mettre en situation d’être en capacité de redonner confiance, de les sortir de leurs propres rituels et de leur prison culturelle. Toute culture est une prison, et pour ouvrir les autres, il faut s’ouvrir soi-même. Vous nouez depuis 2004 des partenariats avec une dizaine de conseils régionaux, menez-vous des actions spécifiques avec le Conseil régional d’Île-de-France ? Les CEMÉA sont partenaires du Festival d’Avignon depuis 1959. On a créé à cette époque une structure relais, les Centres de jeunes et de séjour du Festival d’Avignon avec l’objectif de faire venir les jeunes écartés de cette offre soit pour des raisons culturelles soit pour des raisons économiques. Dès le départ, les

CEMÉA ont défendu l’idée que les jeunes devaient vivre ensemble l’expérience d’Avignon, et être mis en relation intelligente et active avec la production artistique du festival. Depuis 3-4 ans, nous souhaitons revenir aux fondamentaux, en faisant notamment en sorte qu’il y ait plus de jeunes et d’ados pendant le Festival. Nous avions fait le constat que la pression était beaucoup plus forte du côté des adultes. Nous avons donc décidé de travailler avec les lycées et les collèges afin d’envoyer des groupes de jeunes avec leurs professeurs découvrir le festival. Cela a eu un effet boule de neige. Les demandes ont explosé. Au début ces actions étaient financées par les établissements scolaires et les collectivités territoriales. Peu à peu, les conseils régionaux, qui ont en charge la politique culturelle sur leur territoire, ont également apporté leur soutien. Pour ce qui concerne la participation des jeunes au Festival d’Avignon, les Centres de jeunes et de séjour passent directement des accords avec les Régions et bénéficient d’une convention triennale avec le ministère de l’Éducation. L’intérêt pour les CEMÉA, c’est tout le travail de préparation en amont, et notamment le travail d’accompagnement avec les classes. En tout, 700 lycéens sont reçus sur le festival. En dehors du festival, les associations régionales des CEMÉA deviennent partenaires des conseils régionaux pour la mise en œuvre de leur politique culturelle en région, avec pour point d’orgue la participation au festival. C’est le cas de la Picardie, du Nord-Pas-deCalais, de l’Auvergne… Par exemple en Picardie, l’association régionale des CEMÉA accompagne un cycle de réflexion avec les programmateurs de la région qu’elle a mis en réseau, alors que ceux-ci travaillaient seuls. En Île-de-France, nous sommes dans la phase 1, où le Conseil régional d’Île-de-France contacte les CEMÉA pour envoyer des jeunes à Avignon, mais ne les associe pas encore au travail sur la politique culturelle régionale. Photos CEMÉA

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Les Petits débrouillards et les jeunes Européens dans la construction d’une société de la connaissance.

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l y a 2 ans, les Petits débrouillards se sont lancés dans le programme européen SOKORI http:// www.sokori.org/ avec l’idée de découvrir ce qui se passe dans les autres pays européens sur les débats « société et sciences ». 200 personnes de 27 pays ont bénéficié de ce programme de mobilité professionnelle, soutenu par le programme Léonardo Da Vinci de l’Union européenne.

devront, outre une vingtaine de recommandations, apporter des productions diverses, accessibles à tous. Dans chaque pays est constitué un comité scientifique et stratégique ouvert aux scientifiques, aux universitaires, etc. De fait, les groupes travaillent assez différemment, certains ciblant une thématique précise comme l’eau, les énergies… D’autres à partir de la notion large de société de la connaissance.

L’idée était de constituer un réseau d’acteurs à l’échelle européenne ayant la volonté de participer collectivement au développement et à la diffusion d’une meilleure connaissance et à terme de créer une plateforme « sciences et société » composée de fondations, d’universités, d’instituts de recherches, d’associations….

Une représentativité des jeunes a été recherchée pour constituer des panels très divers sur le plan sociologique : des néerlandais issus pour la plupart d’Oxford en Angleterre, des jeunes d’une structure de quartier londonienne ; en France le panel est constitué dans le cadre de l’association Les Petits débrouillards de Bretagne…

La présidence française de l’UE se profilant, le CNRS et le ministère de la Recherche français qui organisent tous les ans à Poitiers les rencontres « Jeunes, sciences et citoyens » ont voulu donner une dimension européenne à ces rencontres en s’appuyant sur l’expérience de mise en réseau de SOKORI. Ils ont donc fait appel aux Petits débrouillards pour porter ce projet de mise en débat, de renforcement des capacités d’analyse et de propositions des jeunes à l’échelle européenne sur les questions de la connaissance et du savoir.

Du 20 au 28 octobre tous les groupes se réuniront en France, ils se répartiront d’abord dans plusieurs régions, puis se rassembleront à Poitiers pendant 3 jours et à Paris le 27 octobre pour présenter 20 recommandations qui seront ensuite transmises au Conseil de compétitivité de l’Union européenne.

Depuis avril dernier, 27 pays ont constitué des groupes d’une quinzaine de jeunes pour réfléchir sur le concept de société de la connaissance. Comment la connaissance se crée, se diffuse, se répand ? Cette notion de société de la connaissance a en effet été créée par la Stratégie de Lisbonne comme faisant référence à « une société où règne une forte diffusion du savoir » mais reste un concept assez flou. L’enjeu de départ était de s’emparer de ce concept et de lui donner corps, en s’entendant notamment sur les termes. Partant du postulat que les jeunes ont leurs propres représentations, qu’ils sont en capacité de se faire une opinion, de travailler ensemble, de débattre, d’argumenter, d’ouvrir leur réflexion en allant chercher des experts, la seule méthode proposée à l’ensemble des pays a été celle des conférences de consensus : les jeunes vont se confronter avec des experts et

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En Île-de-France Les Petits débrouillards accueilleront les 6 groupes de Chypre, de Slovaquie, de Slovénie, de Malte, de Finlande, et du Portugal avant le grand rassemblement final. Pendant leur séjour en Île-deFrance, les jeunes visiteront des laboratoires de recherche, iront à la rencontre d’étudiants, d’élus, etc. et feront une première mise à plat de leurs travaux respectifs. Comment le savoir se crée-t-il ? comment se diffuset-il ? Comment se construit la connaissance ? C’est le fait de mettre entre les mains de tous l’ensemble de ces problématiques et questionnements, qui d’ordinaire n’appartiennent qu’à une poignée d’experts, qui donne à ce projet sa dimension d’éducation populaire. Les Petits débrouillards fondent leur démarche sur la nécessité de faire participer chacun à la construction du savoir scientifique : OGM, nanotechnologies,… de donner les clés de compréhension qui permettent d’avoir les éléments de lecture, d’exercer son esprit critique au quotidien. Ce projet conséquent en termes de ressources doit

permettre aux Petits débrouillards Île-de-France de s’inscrire dans une dynamique de réflexion sur leur propre démarche. Ce type de projet permet de se poser, de prendre le temps de se re-questionner, de mettre du sens dans l’action, de réfléchir sur ses valeurs et ses méthodes. Les gens retiennent en général des Petits débrouillards l’image de loisirs scientifiques, d’expériences ludiques : on s’amuse avec les sciences et on les fait partager. Or ce type de projets à l’échelle européenne démontre la capacité de l’association à sortir d’activités d’expérimentation directe pour prendre le temps de se questionner sur sa méthodologie, sur son rapport aux enjeux de société et à la communauté scientifique. Entretien avec Sabrina Caron, Les Petits débrouillards Île-de-France

Plus d’info : http://www.youthsciencesociety.eu/fr/

Les chantiers de bénévoles internationaux, un apprentissage de la citoyenneté ?

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n 1920, Anglais Français, Allemands et Belges se réunissaient autour d’un projet commun dans la petite ville d’Esne près de Verdun, ainsi naissait le premier chantier international de bénévoles. Depuis, chaque été, des bénévoles venus des quatre coins du monde préfèrent passer des vacances utiles, salissantes et pas de tout repos afin de réaliser un projet commun. Ce dernier peut être la restauration d’un monument, l’entretien d’un jardin, l’organisation d’un festival ou encore la participation à un chantier de fouilles archéologiques. Chaque participant doit s’acquitter de ses frais de séjours (Ils ne sont jamais très élevés : entre 80€ et 100€ en fonction de la durée de la session) mais, c’est en partie ce choix qui ancre le chantier dans une démarche citoyenne. Dès lors, les bénévoles sont accueillis sur le site de nos associations franciliennes où règne pendant deux à trois semaines un joyeux désordre. Le chantier est avant tout un brassage de population où on essaye de faire respecter une certaine mixité culturelle, sociale et intergénérationnelle. Si les chantiers sont encore l’apanage des 18-25 ans, on remarque aussi la présence d’adultes et de jeunes retraités désireux de s’investir dans un projet tout en apprenant des techniques de restauration du patrimoine. C’est important de pouvoir mobiliser des personnes d’horizons différents car, de là, découle la richesse des échanges et c’est peut-être ce qui

rend le chantier si intéressant. Il arrive parfois que des personnes qui ont des difficultés (scolaires ou familiales par exemple) se révèlent sur un chantier. Parce qu’elles sont dans un autre contexte, elles osent prendre des initiatives et des responsabilités ; elles participent et s’investissent pleinement dans le projet. Souvent les bénévoles aiment revenir sur le même chantier d’une année sur l’autre, certains vont même jusqu’à participer et/ou à s’engager dans l’association locale. Le chantier crée une dynamique : il arrive que des habitants d’une commune viennent rendre visite aux bénévoles durant le chantier. Ils sont souvent surpris de voir ces bénévoles se mobiliser pour sauver leur patrimoine. Ils ont alors envie, à leur tour, de s’engager dans ce projet : ils viennent les aider sur le chantier, prêtent ou donnent du matériel ou décident d’aider l’association locale. Parce qu’il propose un projet utile à la collectivité, le chantier répond par de nombreux aspects aux valeurs citoyennes que sont le civisme et la solidarité. Faut-il rappeler que la réussite du chantier dépend de ce rapprochement entre les hommes et de cette solidarité inhérente au projet ; il s’agit de construire ensemble, les uns avec les autres, les uns grâce aux autres. Florence Durieux, REMPART Île-de-France

Photos : REMPART Île-de-France

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L’ARDEVA, l’éducation populaire en interactions Le groupe de travail info-com : l’échange de pratiques pour s’informer et se former

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epuis novembre 2006, l’ARDEVA réunit les personnes, salariées ou bénévoles, qui sont chargées, de près ou de loin, de gérer l’information et/ou la communication dans leur réseau. Partant du constat que beaucoup de ces personnes travaillent seules sur des postes polyvalents, il nous a paru intéressant de constituer un réseau « Info-Com » afin de rompre cet « isolement », d’échanger sur nos pratiques et de nous former sur la base de l’échange de savoirs et de compétences. La richesse des échanges naît de la diversité des fonctions, des profils et des réseaux représentés. Chargé-e de communication d’une fédération départementale, assistant-e fédéral-e, chargé-e de l’animation d’un réseau régional, directeur-trice d’un service communication, bénévole d’une association locale… La fonction d’information et de communication occupe tout ou partie de nos temps de travail. Cette diversité des fonctions renvoie également une diversité des profils et des formations, donc une multitude de compétences qui viennent nourrir le travail quotidien. Les environnements de travail eux-mêmes peuvent être très différents : certains travaillent en équipe dans le cadre d’un service communication, d’autres travaillent de manière plus isolée au sein de leur structure, avec une implication plus ou moins significative du conseil d’administration et de la direction. « Je participe au groupe car je pense qu’aujourd’hui on a intérêt dans nos réseaux à mieux communiquer et à savoir faire parler de nous. Je trouvais l’idée très pertinente et en accord avec nos valeurs de pouvoir échanger sur nos pratiques et transmettre chacun notre tour un bout de savoir au reste du groupe. De plus, bien souvent, dans nos réseaux, il n’y a pas de «vrai» professionnel de la communication, et il était urgent de pouvoir confronter nos pratiques. Je suis personnellement issue d’un BTS secrétariat et n’avais pas de grande connaissance en la matière. »(Delphine Fernandes, Fédérations des centres sociaux 91/94) Deux ans plus tard, le groupe s’est réuni six fois, abordant plusieurs objets de travail : les journaux d’information de nos réseaux, l’élaboration d’un

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cahier des charges, la démarche des logiciels libres, et notamment la prise en main de deux logiciels : SPIP, PMB. Dès le départ ces réunions de travail se sont déroulées dans les locaux des réseaux membres de l’ARDEVA. Progressivement, il nous a paru intéressant de nous réunir dans les structures locales des réseaux participants, afin d’avoir une vision plus claire et plus complète de la réalité de nos champs d’intervention respectifs. Ainsi, une réunion qui s’est déroulée à l’ALIF nous a permis de visiter la ludothèque de Caravansérail, une autre s’est tenue dans les locaux de l’association Les Murs à Pêches à Montreuil, association locale membre du réseau REMPART Île-de-France. La prochaine se déroulera dans un centre social parisien, nous aborderons la question des relations presse. Ces temps d’échanges sont importants car ils permettent de faire une pause dans le travail quotidien balisé par des urgences et des échéances à respecter (sortie d’un journal, communiqué de presse…). Ce sont des moments privilégiés où l’on prend le temps de parler de ce que l’on fait, de la manière dont on le fait, où cette confrontation avec le groupe permet de porter un regard plus critique sur sa pratique. C’est un espace-temps où la visite d’un lieu, d’un réseau, nous nourrit, ouvrant notre champ de connaissance du milieu associatif et des mouvements d’éducation populaire, et favorisant les passerelles entre les unes et les autres de nos associations. « Ce groupe de travail est très riche puisqu’il est fondé sur la volonté de mutualiser et de mettre en valeur les compétences de chacun. On y partage les difficultés rencontrées et on essaye d’y trouver des réponses collectives. C’est intéressant de pouvoir écouter et partager son expérience. Cela permet d’être réactif, de prendre du recul vis-à-vis de nos actions. » (Florence Durieux, REMPART ÎdF) Prochaine réunion : le 18 novembre 2008 Contact : Marie Hatet - Tél. 01 45 65 59 82 email : info@ardeva.org

La mémoire de l’immigration en Île-de-France : enjeux et apports des associations d’éducation populaire

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n France, la mémoire de l’immigration a d’abord été appréhendée dans le cadre de projets associatifs. Les associations d’éducation populaire sont aujourd’hui nombreuses à mener des actions sur cette thématique de façon dispersée, souvent transversale, sans avoir l’occasion d’échanger entre elles, de dialoguer avec des chercheurs, ni d’avoir reçu un outillage spécifique dans ce domaine. De ce double constat, d’un besoin de valoriser et de capitaliser des actions d’une part et de former des acteurs d’autre part, est né le projet « La mémoire de l’immigration en Île-de-France : enjeux et apports des associations d’éducation populaire », porté par la commission culture de l’ARDEVA. En mars dernier, un appel à contributions a été lancé afin de recenser les actions autour de la mémoire de l’immigration menées par les associations d’éducation populaire en Île-de-France. Dès février, un cycle de rencontres et d’échanges inter-réseaux a été amorcé avec une visite de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, suivie en mai de la découverte de la Maison du conte de Chevilly-Larue en présence d’une dizaine de conteurs effectuant un travail de collectage de récits de mémoires auprès des habitants, matière première d’une production artistique restituée sous forme de contes. La prochaine rencontre se tiendra à l’Agora de Nanterre le jeudi 23 octobre 2008. Trois démarches seront présentées : - celle menée par le club de prévention Le Gao du petit Nanterre : une vingtaine de jeunes, accompagnés d’éducateurs, ont mené une enquête sur la question de l’identité et sur des parcours de migrants au Québec, en Allemagne et au Maroc ; - l’approche des questions de mémoire de l’immigration au niveau local, dans une vision culturelle globale, par l’élue à la culture d’une grande ville, Nanterre ; - celle menée par la Compagnie Kokoya, avec la présentation du spectacle « Femmes d’ici et d’ailleurs », créé en Essonne d’après les paroles de femmes immigrées venues du Portugal, du Mali, d’Algérie, du Vietnam, de Roumanie.

Ces rencontres, ouvertes à l’ensemble des réseaux membres de l’ARDEVA ainsi qu’aux associations locales menant des actions autour de la mémoire de l’immigration en Île-de-France, sont autant d’occasions d’échanger sur la nature des projets réalisés ou à venir, leurs attentes et leurs impacts, de réfléchir au sens et aux démarches mises en œuvre pour mener ces actions. Parallèlement, l’ARDEVA a choisi d’associer à sa réflexion collective Françoise Tétard, historienne, spécialiste de l’histoire de l’éducation populaire, l’association Génériques, organisme de recherches et de création culturelle spécialisé dans l’histoire et la préservation des archives de l’immigration en France et en Europe, et des artistes intervenant sur la question de la mémoire de l’immigration. Enfin, l’ARDEVA participe aux échanges du groupe de travail interassociatif mis en place par la mission Démocratie régionale et jeunesse du Conseil régional d’Île-de-France et par l’ACSE Île-de-France sur les projets citoyens relatifs aux « mémoires ». Le travail collectif mené au sein de l’ARDEVA, impulsé par la commission culture-éducation populaire, souhaite permettre : - de valoriser les démarches de sensibilisation à la mémoire de l’immigration menées en Île-de-France par les associations d’éducation populaire dans leurs dimensions à la fois politique, sociale, éducative, artistique et citoyenne. - d’analyser les effets produits par les dits-projets auprès des publics et sur les territoires concernés. - de qualifier et d’outiller les acteurs mettant en œuvre des projets locaux, notamment grâce à la mise en réseau et à l’échange de pratiques. L’ensemble de ce travail devrait se poursuivre en 2009 par de nouvelles rencontres régionales, et donner lieu à une publication de restitution.

Contact : ARDEVA - Tél. 01 45 65 59 80/82

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L’ARDEVA s’associe au collectif « Non à Edvige ! » (9/10/2008) Le conseil d’administration de l’ARDEVA, réuni le 12 septembre 2008, a décidé de s’associer à la mobilisation nationale contre la mise en place du fichier Edvige, et de signer la pétition à cet effet. Elle affirme son opposition au décret 2008-632 et en demande l’abrogation. Ce texte porte sérieusement atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés publiques et individuelles. Le fichage systématique et généralisé, dès l’âge de 13 ans, par la police, des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux menace le principe même de l’engagement citoyen. L’ARDEVA appelle ses membres à fêter la Sainte-Edvige lors d’un grand rassemblement le 16 octobre partout en France, ainsi qu’à participer à l’ensemble des actions locales, départementales ou régionales en Île-de-France. Lire le décret portant création du fichier : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019103207&dateTexte=&oldAction=rechJO Lire le dernier communiqué du collectif « Non à Edvige ! » : Derrière EDVIRSP, EDVIGE 2.0 : fichez la paix aux libertés - 26 septembre 2008 Signer l’appel : http://nonaedvige.ras.eu.org Contact presse du collectif : contact@nonaedvige.ras.eu.org

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À paraître : Europe, emploi, insertion en Île-de-France. L’expertise associative en faveur de projets locaux. L’ARDEVA Île-de-France a été conventionnée en novembre 2002 par la Préfecture de Région pour la mise en œuvre en Île-de-France de la sous-mesure 10B de l’Objectif 3 du FSE au même titre que deux autres structures associatives dans la région. Il s’agissait de permettre l’accès aux financements européens des petites structures associatives n’étant pas jusque-là en capacité d’en bénéficier. Les projets étaient financés à 100 % à hauteur de 23 000 € maximum. Entre mars 2003 et juin 2007, 500 projets ont été examinés, parmi lesquels 258 ont été sélectionnés et financés au titre de la mesure 10B par l’ARDEVA. L’ARDEVA a dès le départ souhaité aller bien plus loin que la simple gestion administrative d’un dispositif. Si elle s’est engagée collectivement dans l’aventure, c’est parce qu’elle était convaincue qu’en tant que tête de réseau régionale des associations de jeunesse et d’éducation populaire, elle avait un plus à apporter dans la dynamique régionale et interassociative qu’elle était capable de mettre en place. Cette publication, qui sortira prochainement, se veut un bilan de l’expérience collective tout à fait singulière menée durant ces six années de gestion de la mesure 10 B en Île-de-France (2003-2008).

Les membres de l’ARDEVA Île-de-France AJBF : Association des juristes berbères de France / ALIF : Association des ludothèques en Île-de-France / ARDIE : Association régionale pour le développement de l’insertion par l’économique / Au fil de l’eau / CEMÉA ARIF : Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active – Région ÎdF / CPCV ÎdF : Organisme protestant de formation / CPN : Connaître et protéger la nature / CFCS ÎdF : Coordination régionale des fédérations de Centres sociaux / Culture et liberté ÎdF / EEDF : Éclaireuses et éclaireurs de France - Région Île-de-France / EPE ÎdF : École des parents et des éducateurs d’Île-de-France / FFMJC : Fédération française des Maisons des jeunes et de la culture / FIA-ISM : Femmes inter associations - Inter service migrants / UR Francas : Union régionale des Francas / FUAJ : Fédération unie des auberges de jeunesse / GRAINE : Groupement régional d’animation et d’information sur la nature et l’environnement / JPA : Jeunesse au plein air / La Ligue de l’enseignement – Région Île-de-France / LL : Léo Lagrange Îlede-France / MJC : Maisons des jeunes et de la culture en Île-de-France - Fédération régionale / APDIDF : Les Petits débrouillards Îlede-France / Union REMPART ÎdF / SGDF : Scouts et guides de France — Région Île-de-France / SJT : Solidarité et jalons pour le Travail / Soleil et Santé / STAJ : Service technique pour les activités de jeunesse en Île-de-France / UFCV : Union française des centres de vacances d’Île-de-France / UFJT : Union des Foyers pour les jeunes travailleurs d’Île-de-France / Vacances et Familles

Directrice de publication : Nicole DESHAYES Comité de rédaction : Daniel Brichot (CEMÉA ÎdF), Marie Hatet (ARDEVA ÎdF), Jean Marquet (Culture et liberté ÎdF), Sylvie Rab (ARDEVA ÎdF) Rédacteurs : Emmanuelle Cartignies (UFCV ÎdF), Florence Durieux (REMPART ÎdF), Marie Hatet (ARDEVA ÎdF), Jean Marquet (Culture et liberté ÎdF), Irène Pequerul (FRANCAS ÎdF), Sylvie Rab (ARDEVA ÎdF)


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