Marine De Missolz au TNS
‘‘Prendre une claque’’
Tesslye Lopez – Jean Mascolo Eric Genetet
Texte :
Photos :
Depuis sa sortie du TNB de Rennes en 2009, Marine De Missolz travaille avec Stanislas Nordey. Leur entente artistique atteint une sorte de sommet avec la mise en scène du « Camion », qui ouvre la saison 2017 du TNS. C’est une vraie prise de risque, une chance incroyable offerte par le directeur du TNS à celle qui lui doit déjà tout, car c’est uniquement sa rencontre avec Nordey qui a convaincu Marine de Missolz de faire du théâtre dans la vie. Avec « Le Camion », son ambition est d’être au rendez-vous. Un rendez-vous amoureux. Car d’amour il s’agit. Le Camion est maintenant un spectacle de théâtre. Ce fut d’abord un film hors norme de Marguerite Duras. Pour certains, c’est un chef-d’œuvre, pour d’autres une imposture, une œuvre absurde ou géniale qui en 1977 a fait scandale. Cela tient au dialogue entre Depardieu et Duras, un récit extrêmement singulier, libre, ouvert et percutant pendant lequel ils lisent au conditionnel le scénario d’un film, « elle aurait dit tout à coup qu’il n’y a pas d’histoire en dehors de l’amour. » Duras provoque, se marre, jubile sur ce terrain poétique et décalé, presque enfantin.
048
049
Or Norme N°26 Consciences
or cadre
L’instant d’une rencontre On aurait dit que ma rencontre avec Marine de Missolz aurait lieu au moment des premières répétitions, ce moment particulier où rien n’est incontestable, où tout est possible, à ce moment précis de la création où tout est encore à faire, à accomplir. On aurait dit que la metteuse en scène ne saurait pas comment parler de cette œuvre qui n’existe pas encore au moment où elle en parle, mais que l’on s’en fout. C’est ce qui donnera du sens à cet entretien ; il y aurait de l’intuition, des mots hésitants et provisoires. Avant cette rencontre, j’ai revu le film, pris ma claque, bougé mes fesses, laissé passer tous les camions. Revoir le film et se lancer dans cet échange avec Marine de Missolz. Elle dit les mots virevoltent sans contrôle, j’écris sans ordre précis. Sans plan. Juste poser les choses, en bataille, sans organisation. Revoir le film et se demander ce qu’elle va faire des personnages de Gérard Depardieu
et de Marguerite Duras, ce qu’elle va faire des notes de piano de Beethoven qui parcourent le long-métrage, de cette fin annoncée du socialisme bien avant la déchéance qu’il connaît aujourd’hui. Revoir le film et se demander pourquoi cette jeune femme consacre autant de temps à Duras depuis longtemps. Pourquoi comme Duras, elle préfère nommer directement les émotions sans passer par la fiction, entrer directement au cœur de la façon dont les choses sont vécues ?
‘‘ Revoir le film et se demander pourquoi cette jeune femme consacre autant de temps à Duras depuis longtemps ? Pourquoi comme Duras, elle préfère nommer directement les émotions sans passer par la fiction, entrer directement au cœur de la façon dont les choses sont vécues ? ’’ À l’origine Elle dit mes parents étaient des actifs du cinéma expérimental des années 70. Elle a grandi entourée de marginaux. J’écris c’est une fille élevée au biberon de la création, elle dit par des œuvres folles, radicales, souvent incompréhensibles pour beaucoup, mais avec une énergie et une passion, une excitation permanente, dans une époque faite de joie, d’enthousiasme, de fantaisie, de cette volonté de changer le monde. Aujourd’hui il lui paraît beaucoup plus triste le monde, elle dit j’ai un peu la nostalgie de la joie créatrice.