OLGA PHILONENKO • LIBRAIRE RAYON POLAR // SOKORINE • La glace Une bien étrange secte, la Confrérie de la Lumière Originelle, kidnappe des individus dans les rues de Moscou afin de « révéler » une population « élue », destinée à atteindre l’ éternité. Pour cela, les membres de la secte frappe la cage thoracique de ses victimes avec un marteau taillé dans la glace d’une mystérieuse météorite. Ceux qui survivent sont censés parler le véritable « langage du coeur », alors que les autres se réduisent à de simples « machines de chair », carcasses vides, creuses et inutiles... Si parfois la glace diffracte la lumière, Sorokine lui, diffracte son récit, à la fois thriller métaphysique et science-fiction pamphlétaire; et s’il nous propose à travers cette fable eschatologique la confrérie comme métaphore de tous les totalitarismes, il nous impose la dystopie comme vision de tous les avenirs possibles. Un roman provocateur, subversif et lumineux qui nous rappelle que la glace brûle.
NOÉMIE LESIRE • LIBRAIRE RAYON ALSATIQUE // JEAN-PAUL SARTRE • Huit clos Il est des livres qui marquent l’existence et qui ont le goût sucré des friandises. Huit clos est ma confiserie fétiche à moi, mais plutôt acide s’il en est… Trois personnages enfermés dans un salon impénétrable, morts de surcroît, sont condamnés pour l’Éternité à attendre leur destin. Ainsi débute cet hallucinant huit clos où Sartre fait preuve d’un génie sans borne et nous livre une pièce à la simplicité diabolique et à la mécanique redoutable. Soumis aux perpétuels jugements des autres, les trois protagonistes s’engoncent dans leur mauvaise foi et dans une vision étriquée et faussée de ce qu’ils sont en réalité. Ne songeant à aucun moment à modifier cet état de fait, ils finissent par se poser en bourreaux les uns envers les autres et deviennent par voie de fait des victimes auxquelles toute liberté individuelle a été annihilée. « L’enfer c’est les autres » vous avez dit ? Mais ça, c’est ce que vous en faites !
THIERRY JOBARD • LIBRAIRE RAYON HISTOIRE // BLAISE PASCAL • Pensées Je ne peux pas dire que j’aime ce texte. Il m’attire, il m’inquiète, il me fascine, mais je ne l’aime pas. Pas tout à fait. Peut-on aimer quand on vous fait violence ? Chateaubriand parlait de lui comme d’un « génie effrayant », donnant de lui, avec les romantiques, l’image d’un esprit surpuissant enté sur un corps maladif et souffrant. Je le vois plutôt plein de malice et d’agilité. Bretteur caustique contre les jésuites dans les Provinciales, d’Artagnan de la dispute théologique qui ne se contente pas de vaincre mais nargue ses adversaires au passage. Il a cet esprit français qui nous fait tant défaut aujourd’hui. Non pas celui de son illustre contemporain Descartes, qui suit la droite raison, mais cet autre qui sait garder une légèreté plaisante en toute occasion. Faire les choses avec sérieux sans se prendre au sérieux. Sait-on encore faire cela ? Contradictions, paradoxes et ironie, Pascal s’amuse, y compris de lui-même. Certes il s’agissait d’un projet d’apologétique du christianisme. Mais il nous en apprend d’abord sur l’homme, coincé entre néant et infini, oublieux de luimême dans un permanent divertissement (tiens ?). Il n’impose pas sa vérité mais, à l’âge des grands systèmes classiques, reconnaît qu’elle est sinueuse, multiple et que, de son point de vue, chacun détient une part de vérité. Tout n’est pas blanc ou noir avec lui et il faut sans cesse sortir de soi-même ; vivre avant d’écrire. Polémiste, libertin, ascète, génie, il a vécu. Son livre est un piège.
DAVID CUISSET • RESPONSABLE LOGISTIQUE // AUGUST BINZ • Flore de Suisse Au risque de vous décevoir, le livre qui, à ce jour, a le plus marqué ma vie, n’est ni un roman, ni un récit historique, ni un livre de philosophie… il s’agit en fait d’une Flore : un petit livre de botanique regroupant la description et permettant la reconnaissance de la plupart des fleurs et arbres qui nous entourent. Un livre, sans histoire ni image, qui raconte pourtant une merveilleuse histoire : celle de la vie, de l’évolution, de la diversité des plantes, et par là même des paysages que nous côtoyons tous les jours. Pour être tout à fait honnête avec vous, je dois avouer que c’est contraint et forcé que je l’ai acheté. En effet, à l’époque, je n’y connaissais rien en botanique et j’avais besoin d’une Flore dans le cadre de mes études de Biologie. La Flore de Suisse d’August BINZ était une référence indispensable… et c’est comme cela que tout a commencé. Jamais je n’aurais imaginé m’intéresser autant à un livre. Et pourtant, je ne compte plus les après-midi passées à vagabonder dans la nature à la recherche de nouvelles plantes, ni les soirées à identifier les innombrables végétaux que j’ai pu récolter. Aujourd’hui encore, que ça soit en randonnées ou en vacances, je ne pars pas sans glisser mon « BINZ » dans mon sac. 48